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30 Juillet, an 1760, capitale.

Elle avait attendu, longtemps, dans la pénombre ou même sous le soleil et malgré toutes les personnes qui l'entouraient, elle ne s'était jamais sentie aussi seule, elle avait l'impression d'un manque cruel, quelque chose d'important manquait à sa vie, mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, elle restait pensive.. Elle avait tant à faire, mais rien ne l'intéressait, elle avait prêté serment, mais ne trouvait pas le courage de faire le pas en avant, elle devait continuer à protéger le royaume, mais à présent, elle doutait, et n'arrivait plus à coordonner ses troupes et à se battre.

La gamine rousse était sortie à l'aube, dans sa nouvelle robe, blanche avec un large ruban bleu ceignant sa taille, ses pieds nus sur les pavés de la ville, le clapotement des sabots de la jument sur la pierre, elle la tenait par, le licol de sa main gauche, le regard visser sur le sol. Elle ignorait les murmures des gens sur son passage, même si au fond ça devenait de plus en plus insupportable, la plupart se lamentaient sur son sort d'autre ne voyaient que le monstre que le Fléau Rouge représentait. Et au fond même si elle n'avait pas tué d'innocents depuis cet hiver, ça la touchait.

Elle se remettait souvent en question, elle n'avait personne à qui parler, à qui demander de l'aide, elle plissait les yeux quand la lumière de l'aube lui parvenait, mais elle continuait à marcher, sur les pierres réchauffées par le soleil puis dans l'herbe de la plaine, et elle finissait par lâcher la jument qui s'éloignait au grand trot pour se gaver d'herbe. Le destrier semblait finalement mieux se faire à cette nouvelle vie que sa cavalière, tristement.

Le capitaine en profitait, assise sur une pierre le dos réchauffé par les premiers rayons de soleil, ramassant les fleurs d'un air presque éploré qu'ont les amants quand ils sont éloignés..


Dernière édition par Aphaïa Makhaïra le Jeu 28 Juin 2018 - 3:39, édité 4 fois

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Caleb n'était plus le même. Le changement était presque imperceptible pour les autres mais lui le ressentait dans chacune des fibres de son corps. Chaque matin, en se réveillant, il se demandait pourquoi il s'était de nouveau enchaîné en retrouvant les rangs de l'armée vampirique. Il n'avait rien à y gagner et pourtant, il l'avait fait. Alors, jour après jour, il obéissait aux ordres et remplissait les tâches qui lui incombaient. Il se faisait discret. Il ne craignait pas pour sa vie, il était plus fort que la majorité de ses compagnons d'armes. Mais il avait ce sentiment désagréable que sa présence n'était pas appréciée par tous. Il est vrai que depuis quelque temps, le vampire ne cachait plus ses convictions, s'opposant à la moindre occasion. Si certains suivaient sa pensée -bien peu-, plus nombreux étaient ceux qui le désapprouvaient et qu'il agaçait. Mais à quoi bon vivre si ce n'était pour dire ce que l'on pense ?

L'ancien lieutenant avait une autre raison de vivre, plus personnelle celle-ci. Il n'avait pas parler d'elle à qui que ce soit depuis la dernière fois qu'il l'avait vu, des mois auparavant. Pourtant, il se souvenait de chaque seconde passée près d'elle comme si c'était hier. Il était amoureux. C'était sa rencontre avec Lewyn qui lui avait fait prendre conscience de ce sentiment. Qui aurait cru que lui, le pacifiste, serait tombé amoureux du Fléau rouge ? Ce n'était pas de ce monstre sanguinaire que Caleb aimait mais l'être délicat et sensible qui se cachait derrière, celui qui cueillait des fleurs jaunes pour en faire des couronnes rayonnantes. Pas un jour ne s'était écoulé sans que ses pensées ne s'égarent un instant dans les souvenirs qu'il avait d'elle. Il n'attendait qu'une chose, pouvoir la revoir.

Ce matin-là, il était de corvée aux écuries. Egal à lui-même, il avait encore trop parlé et avait vexé son supérieur. C'était sa punition. Cela ne le dérangeait pas, il préférait travailler auprès des chevaux que de s’entraîner avec ses camarades qui ne lui ressemblaient en rien. Il y était à l'aube comme le lui indiquait les instructions qu'il avait reçu la veille. Il était en train de vérifier les seaux d'eau des montures lorsqu'il la vit. Des mois qu'il attendait cet instant. Il avait déjà déserté son poste pour moins que ça alors il ne craignait pas de le faire à nouveau. Délaissant ses seaux d'eau, il emboîta discrètement le pas de la vampire aux cheveux de feu. Elle finit par s'arrêter et il en fit de même à bonne distance. Comme lors de leur précédente rencontre, elle se mit à ramasser des fleurs. Le soldat mit quelques minutes avant de se décider à la rejoindre. "Bonjour", dit-il sur un ton doux. Il n'était qu'à un mètre d'elle, plus près aurait pu être dangereux pour sa propre vie. Il lui sourit. "Vous êtes magnifique dans cette robe." Si on lui avait dit qu'il dirait un jour ça à Aphaïa Makhaïra, il ne l'aurait pas cru. Et pourtant...

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Tellement perdue dans ses pensées qu'elle en avait perdu ses sens, elle n'avait pas fait attention à l'homme qui la suivait, elle n'avait même pas senti son odeur, elle n'avait pas non plus fait attention ni même s'était retourner pour voir de qui il s'agissait.

- Bonjour. Le ton n'avait pas été froid mais incroyablement distant, comme si elle ne s'adressait pas vraiment à cette personne qui venait troubler ses pensées.

Puis elle relevait la tête, la tournant légèrement sur sa gauche pour voir de qui il s'agissait comme la présence ne s'en allait pas, puis elle le vit et eut l'impression que son cœur recommençait à battre, si elle savait réellement ce que c'était d'avoir un cœur qui bat, elle se levait brusquement pour lui faire face.

- Oh, Caleb.. Où étais-tu ? Pas de reproches pas de cris, juste le souffle d'une personne qui avait l'impression d'avoir été abandonnée et qui avait perdu son unique raison pour continuer à vivre.

Elle mourrait d'envie de lui demander pourquoi cette absence, et ce silence, mais la raison était simple leur devoir, leur devoir avait fini par ruiner leurs vies respectives. Et elle en avait assez, elle aurait aimé qu'encore une fois ce vampire qu'elle aime tant lui parle de liberté, de choisir sa propre vie, mais avait-elle seulement le droit d'espérer un peu de bonheur, après tout ce qu'elle avait fait.

Aphaia lui faisait face, levant presque timidement les yeux vers lui, ce manque de confiance et cet air éploré ne lui ressemblait pas puisque d'ordinaire, elle masquait toutes ses émotions et se renfermait derrière un air froid, mais après deux siècles passés dans ce silence, elle en avait assez.

Un peu, puis l'autre et elle venait se blottir contre lui, jamais elle n'avait eu leur aussi vulnérable, mais elle se sentait un peu mieux contre lui, elle était tellement contente de le revoir après tout ce temps, ça lui faisait finalement beaucoup de bien.

- C'est parfait si elle te convient. Toujours d'un ton très doux.

Elle n'aurait pas cru pouvoir être autant flattée par un simple compliment, mais venant de la part de l'être cher à son cœur, ça la touchait énormément.

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Il avait tant pensé à cet instant qu'il prit le ton distant d'Aphaïa en pleine figure. Pourtant, lors de votre précédente rencontre, Caleb avait cru que ses sentiments pour la rouquine étaient partagés.La stupéfaction devait être clairement visible sur son visage quand la jeune vampire leva les yeux vers lui. Comment en aurait-il pu être autrement ? Des mois passées à imaginer leurs retrouvailles, jamais il n'avait pensé à tant de distance. Mais son sourire réapparut aussitôt qu'elle se leva. Elle ne l'avait tout simplement pas reconnu, perdue  dans ses pensées. Où étais-tu ? Pas un reproche, simplement une question. Où était-il ? En prison. Pas littéralement mais ç'avait été tout comme. Il ne dit rien, les mots étaient inutiles. Dans son regard, il suivit le cours de ses pensées. Oui, leur devoir. Il était la cause de leur séparation si longue. Il rêvait de s'en débarrasser pour ne plus jamais la quitter. Mais pouvait-il le lui dire ? Il se souvenait encore de ce capitaine qu'elle avait été autrefois, alors qu'il était lieutenant. Avait-elle vraiment changé ? Etait-elle prête à entendre ce qu'il brûlait tant de lui dire ? Il n'y avait qu'un moyen d'enlever ces doutes de son esprit.

Soudain, elle se blottit contre le soldat. Un instant surpris, il finit par passer ses bras autour d'elle et à la serrer contre lui. S'il avait pu ainsi la protéger du monde extérieur, il ne l'aurait plus jamais lâchée. Si leurs coeurs battaient, ils l'auraient sans doute fait à l'unisson. Il sourit. Son compliment n'était pas grand chose mais il avait touché sa belle et c'était ce qui comptait. Il était heureux quand elle était là. Peu importait à ses yeux ce qu'elle avait été, ce qu'ils avaient été. Ces monstres n'existaient plus quand ils étaient ensemble. "Aphaïa..." Il se tut un instant, hésitant. "Que veux-tu ? Qu'attends-tu de moi ?" Il l'avait écarté d'elle pour plonger son regard sombre dans le sien. Il voulait s'enfuir avec elle loin de ce monde plein de désolation.Il voulait qu'ils choisissent leur propre vie comme ils en avaient parlé la dernière fois qu'ils s'étaient vus. "Je ne souhaite qu'une chose, que tu sois libre et heureuse. Il y a tellement de choses dans ce monde à découvrir, des merveilles qui rendent chaque jour un peu plus beau. Pour certains, c'est le soleil. Pour d'autres, un détail suffit. Mais toi, tu es mon soleil. Ces mois loin de toi..." Sa voix se brisa comme une vague sur un écueil. Mettre des mots sur ce vide qu'il avait ressenti dans son coeur était encore trop dur. Alors il se tut. Que pouvait-il dire de plus ? Elle était son soleil, son étoile dans une vie sans lune.  Il l'aimait.

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Elle voulait profiter de son étreinte longtemps encore, c'était là où elle se sentait le mieux, elle aimait ce genre de moments qui n'appartenaient qu'à eux deux, il n'y avait personne pour juger ou épier, hormis la jument noire qui se préoccupait plus de l'herbe que des deux vampires.

Ils avaient tout deux subits de grandes épreuves, la vie les avaient mis à genoux, et à présent, elle comprenait que rien ne changerait à leur situation tant qu'ils se laisseraient faire par les autres, ils étaient arrivés à un stade ou les autres étaient devenus des freins à leurs rêves respectifs, elle en avait bien conscience, mais elle ne savait pas quoi faire contre ça, et quand il la repoussait, elle n'arrivait même pas à le regarder dans les yeux, elle détournait la tête, penaude.

- J'arrive à rien faire, je suis complètement perdue. Je ne veux plus te perdre, j'y survivrais pas et c'est ta faute ! Tu m'as fait t'aimer, tu m'as fait t'ouvrir mon cœur ! Mais à deux.. Je sais qu'on pourra affronter tout ça ensemble. Elle mettait tellement de conviction dans ce qu'elle disait, même si elle n'arrivait pas à détacher ses pensées, elle était heureuse et elle comptait bien lui offrir son cœur sans condition. C'est toi que j'ai envie d'avoir, je m'en moque de ce que ça implique..

Elle marquait une brève pause, avant de reprendre, cela était une évidence à présent, même si elle aimait beaucoup de détail de sa vie, elle l'aimait bien plus qu'autre chose. Elle reprenait d'une voix plus petite :

- C'est d'ailleurs le meilleur choix que j'ai fait depuis très longtemps, je crois que je serais déjà morte si tu n'avais pas été là.. J'ai envie de protéger ce rêve parce que je t'aime, je t'aime peut-être trop, j'ai même peur de le dire à voix haute parce que la vie pourrait bien te reprendre et ce serait dommage..

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On dit qu'il n'y a pas de plus belle preuve d'amour que d'être prêt à aimer l'autre sans condition. Et c'est ce qu'elle lui offrit, un amour sans condition. Leurs vies respectives n'avaient pas encore connu de fins heureuses, c'était peut-être le moment ou jamais. Caleb garda le silence, laissant à la vampire rousse le temps de s'exprimer. Son accusation le peina mais il comprit vite ce qu'elle voulait dire. C'était lui qui l'avait sorti de sa routine imperturbable, lui qui l'avait poussé à écouter ses sentiments davantage. Il entendait ce qu'elle disait et ne pouvait qu'être d'accord. Prendre le risque d'aimer quelqu'un, c'était lui donner la possibilité de nous blesser au plus profond de notre être, dans notre âme. C'était un saut dans l'inconnu et l'incertain. Il fallait le dire, tomber amoureux était effrayant et peut-être encore plus pour un vampire que les années avaient attaché à une routine sans trop de sentiments. Mais la vie est faite pour être vécue pleinement, qu'elle dure des décennies ou des siècles.

Il lui sourit. Elle ne savait pas quoi faire et lui non plus jusqu'à cet instant précis. "Partons." Un mot, un seul mot qui pouvait changer leurs vies à jamais. Loin du monde, ils n'auraient plus à porter le poids du regard des autres sur ses convictions à lui et son passé à elle. Rien ne les retiendrait plus, rien ne les empêcherait de s'aimer sans condition. "La vie sans toi n'a plus de sens. II y a des mois que j'erre parmi les nôtres pour faire mon devoir mais chaque jour loin de toi fait peser un peu plus le poids de ce devoir sur mes épaules. Je n'en peux plus, je veux vivre. Là-bas, au-delà du royaume vampirique, il y a tellement de choses que je voudrais te montrer, tellement de choses que nous pourrions découvrir ensemble. Peu importe où nous irons tant que tu marcheras à mes côtés." Voilà, c'était dit. Il fallait partir, quitter les vampires pour se débarrasser de leurs chaines et vivre enfin.

Les bras de l'ancien lieutenant se resserrèrent autour du corps d'enfant de sa belle. C'était là qu'était leur place, l'un avec l'autre où que ce soit sur Armanda ou ailleurs. "Aphaïa ? Te souviens-tu de notre dernière rencontre ? Te souviens-tu du moment où nous avons fermé les yeux pour deviner ce qui nous entourait ? Je pense qu'il est tant de fermer les yeux sur notre passé pour deviner notre avenir. Et dans cet avenir, tu ne peux qu'être là, sinon il n'a aucun intérêt. Profitons de l'éternité qui nous est accordé pour nous aimer jusqu'à la fin des temps." Ses lèvres se posèrent sur le front du capitaine avec douceur. Il aurait voulu les poser sur les siennes mais il n'était pas sûr qu'elle le veuille. Chaque chose en son temps. Ils avaient des siècles devant eux.  

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Quand elle entendait ce simple mot, elle levait la tête vers lui, le regard plein d'espoir. Tout pouvait changer avec ce mot, mais pour elle qui avait vécu toute sa vie de la même manière, le changement avait quelque chose de particulièrement effrayant, ça lui faisait peur, mais elle savait qu'à deux, ils pourraient affronter le changement et vivre enfin leurs vies. Elle avait peur, mais quand elle partirait enfin d'ici, elle ne voudrait plus jamais douter.

- Partons alors, tout de suite. Elle ne voulait plus attendre, elle montrait une fébrile impatience, parce que si elle hésitait maintenant, elle n'avancerait pas.

C'était la chose qu'elle désirait le plus au monde, c'était un moment, si beau, si merveilleux, elle se sentait bien légère à présent, et elle aurait aimé que cela dure, laissé tomber son devoir, ses serments et tout le reste, juste pour finir ses jours avec l'homme qu'elle aimait plus que tout. Elle l'écoutait toujours attentivement, elle cachait assez difficilement sa joie.

- Alors récupérons le strict minimum et allons nous en. Elle ne voulait pas attendre, partir sur un coup de tête lui paraissait être la meilleure solution.

Ne plus sentir ses chaînes avait un goût de félicité, et encore plus quand elle partageait ce ressentit avec la personne qu'elle avait tant attendue, elle retournait se blottir contre lui quand il l'enveloppait de ses bras, passe le restant de leur éternité ainsi ne la dérangeait pas. Elle se sentait véritablement aimée pour la première fois de sa vie, avec quelqu'un qui se moquait bien de ce corps d'enfant qu'elle avait. Elle fermait les yeux à ce geste tendre, restant bien contre lui.

- C'est aussi ce que je souhaite, il n'y a rien d'autre que je désire plus.. L'éternité toi seul à mes côtés.

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Etaient-ils fous de vouloir être heureux ? La folie était sans doute le lot de ceux qui avaient été prisonniers trop longtemps et qui finissaient par tomber amoureux de la liberté. Elle était là, à portée de main et pourtant elle semblait inaccessible. Il fallait un geste fou, une évasion, une fuite pour espérer l'atteindre et pouvoir l'enlacer. Partons. Un cri du coeur auquel avait immédiatement répondu Aphaïa. Elle lui proposait tout simplement de... déserter. Lui l'avait déjà fait mais cela le surprenait que cela vienne d'elle. Elle avait été d'une telle loyauté envers le royaume depuis qu'elle était entrée dans son armée. Etait-elle vraiment prête à briser ses serments pour lui ? Il ne voulait pas lui demander un tel sacrifice alors il ne répondit pas au début. Mais elle reprit, continuant sur sa lancée. Alors, c'était vrai, elle était prête à ce sacrifice.

La vampire était blottie contre lui et il n'avait pas envie de bouger. Mais elle avait très certainement raison, il leur fallait partir avant que leurs chaînes ne retrouvent de leur solidité. "Tu as raison. Partons maintenant sinon nous ne le ferons peut-être jamais. Va prendre ce qu'il faut, je ferai de même, et retrouvons-nous ici-même. Je t'aime Aphaïa Makhaïra." Il était temps de se séparer une dernière fois avant d'avoir l'éternité devant eux pour s'aimer. Il desserra son étreinte et la regarda aller chercher sa monture qui broutait à quelques pas. Le soldat finit par tourner les talons pour retourner à ses quartiers. Il n'avait pas beaucoup de possessions alors ce serait vite fait. Il récupéra son arc et un carquois de flèches fabriquées par ses soins, des vêtements et fourra le tout dans son sac. Puis il fila en direction des écuries pour prendre son cheval. Il le sella avant de l'enfourcher pour retourner à leur point de rendez-vous. Il était le premier sur les lieux. Quelques minutes passèrent et l'inquiétude commença à grandir dans son coeur. Lui était-il arrivé quelque chose ? Et si on avait découvert ce qu'ils souhaitaient faire ? Les vampires n'étaient pas connus pour leur sens de la compassion. Que ce soit par amour ou par lâcheté, la désertion restait un crime. Caleb avait peur. Et si elle ne venait pas ? Il en mourrait...

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Partir n'était pas un choix sans conséquences, partir, c'était ce qu'ils avaient voulu tous les deux, mais elle se moquait des conséquences, elle ne voyait plus que lui et rien d'autre, c'est tout, ou plutôt elle n'avait plus envie de voir autre chose que lui. Elle écoutait ses mots, cette promesse à peine dissimulée et elle y répondit.

- Je t'aime aussi, Caleb, soit prudent.

Elle se hâtait de rentrer chez elle, récupérer le peu d'affaire qui lui appartenait vraiment, son épée, son uniforme, un peu de vêtements, avec une manière de faire presque ritualisée, c'était son ancienne vie toute entière qu'elle s'apprêtait à quitter, pour vivre la plus belle chose qui lui était jamais arriver, c'était terrifiant, mais c'était un pas en avant et finalement elle n'était pas malheureuse de cette décision, c'était un choix que son cœur lui imposait, une force déferlante contre laquelle elle ne pouvait rien faire, une force qui balayait toutes ses certitudes sur l'avenir qu'elle voulait se forger. Tout ça c'était du passé même si elle restait matérialiste, c'était des objets qu'elle ne pouvait pas laisser derrière elle..

Puis elle mettait tout dans ses sacoches des ombres, qu'elle attachait à sa selle, finissait de seller sa jument et faisait un bref détour au moins pour glisser un mot sur son absence, se hâtant ensuite de se mettre en route avant que les premiers éclats ne surgissent.

Une fois à l'extérieur, elle lançait la jument noire dans un galop fracassant, elle avait l'impression de partir en criminelle, alors qu'en réalité, elle partait en homme libre, et au fond d'elle-même, c'était ce qu'elle avait toujours souhaité. Elle se laissait emporter par cette impression de vitesse, la jument lui prenant la main, si bien qu'elle fût obligé de lui faire faire un arrêt glissé, net et soulevant la poussière, pour ne pas laisser l'ombrageuse charger la monture de celui qu'elle considérait déjà comme l'homme avec qui elle voulait finir ses jours pour qu'elle cesse sa course, le destrier était tendu en observant l'autre équidé, oreilles enfouies dans la crinière, l'air mauvais. Sa monture était un véritable destrier, sanguin au caractère assez mauvais et surtout vaillant comme tout, elle n'avait peur de rien, et même les vampires la laissait de marbre, voilà pourquoi elle avait chargé : elle ne faisait pas la différence entre un ami et un adversaire potentiel.

La vampire ne s'était pas défilé, elle était là et elle rayonnait aussi petite pouvait-elle paraître sur sa monture.

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Caleb n'avait pas attendu plus d'une poignée de minutes mais c'était déjà bien trop long avec le doute qui lui emplissait le cœur un peu plus à chaque seconde. Alors, quand il entendit le bruit du galop d'un cheval, il hésita entre soulagement profond, joie immense ou crainte sourde. Et puis, il reconnut la jument noire comme l'ébène, le destrier d'Aphaïa. Celle-ci l'arrêta au dernier moment et Pilgrim, son palomino au pied sûr fit un écart, méfiant. Mais l'enthousiasme de son cavalier parut le convaincre d'esquisser un pas vers son congénère.

Pendant que leurs montures faisaient connaissance, Caleb sourit à sa belle. Dans le souci de son bonheur, il lui demanda une dernière fois si elle était sûre d'elle. "Je comprendrais si tu changes d'avis. Cela ne changera pas ma décision, ceci dit. Je n'en peux plus de cette vie et si c'est pour être séparé de toi, autant parcourir le monde à la découverte de ses merveilles ou sinon mourir." Il n'exagérait pas, chacun de ses mots était pensé avec toute son âme. Il ne vivait plus que pour son bonheur. Et il savait que si la capitaine était heureuse, il ne pourrait être vraiment malheureux.

Sa réponse fut un soulagement pour l'ancien lieutenant. Il n'avait plus de raison d'avoir peur, ils partaient ensemble pour vivre libres. Il regarda l'horizon. Il y avait tant d'endroits qu'il voulait montrer à la vampire. Par où commencer ? Et pourquoi ne pas lui laisser le choix ? Après tout, il serait bien où qu'ils aillent tant qu'elle serait présente à ses côtés. Et puis si elle n'avait pas d'idée, il n'aurait qu'à l'emmener déjà hors du royaume vampirique et ils aviseraient ensuite. "Alors Aphaïa, où allons-nous ? Tu as l'embarras du choix tant que nous nous éloignons suffisamment de Dureroc." Oui, parce qu'ils avaient tout de même déserté leurs postes et que leur peuple n'était pas très enclin à la compréhension et à la compassion. Il leur fallait partir vite et loin pour vivre leur amour sereins, pour vivre tout court aussi.

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Elle avait mis son temps, juste quelques minutes de trop, mais elle en avait eu besoin, elle ne se sentait pas de partir ainsi sans rien dire, comme si toutes ces années de bon et loyal service n'avaient été rien, elle se sentait à présent trahie par sa propre nation, elle s'était battue pour la défendre, et finalement jamais remerciée jamais appréciée pour ce qu'elle avait fait, elle avait endossé sans trop de mal le rôle du méchant de l'histoire, le hideux fléau rouge qui sème la mort partout où il passe, mais parfois la réalité était bien moins romancée que la fiction.

La jument tournait les oreilles d'un air intéressé vers le mâle palomino en sentant son attitude plutôt avenante, néanmoins, elle lâchait un bref hennissement aigu typique des juments pour signifier qu'elle le tolérait tout juste, elle n'avait pas l'air spécialement aimable, mais il y avait déjà un mieux dans son attitude au moins semblait-elle moins prête à lui sauter à la gorge toutes dents dehors.

Mais pour l'heure, elle avait envie de vivre pleinement cette romance loin de tous ces regards qui la gênent, ses remarques qui la blessent.. Juste avec la personne qui était la plus chère à son cœur, et cet exode commencerait par le lieu qui avait fait sa réputation, de manière presque symbolique.

- Rendons-nous à Gloria, pour commencer et ensuite laissons-nous porter par nos pas, là où ceux-ci nous mèneront n'a pas d'importance. Elle avait cet air doux que peu lui connaissaient vraiment.

Elle disait les mots tant attendus puis faisait avancer sa monture, sans même jeter un regard en arrière, abandonnant ce passé qu'elle ne désirait plus.

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Gloria. Etait-elle nostalgique ou était-ce simplement une façon d'avancer ? Après tout, c'était à Gloria qu'était né le Fléau rouge, s'y rendre pourrait permettre de le faire disparaitre. Du moins, Caleb l'espérait. Il acceptait la vampire telle qu'elle était mais cela ne l'empêchait pas de détester ce que ce Fléau avait pu faire à Aphaïa. "Allons-y alors" dit le soldat en indiquant à sa monture d'emboîter le pas au destrier de la capitaine. Il ne fallait plus utiliser ces titres maintenant qu'ils avaient déserté mais, quelque part, ce passé militaire cadré par une hiérarchie ferait toujours parti d'eux. Tant qu'ils s'aimaient, c'était une broutille.

Le chemin était long jusqu'à la cité humaine. Cela leur laissait le temps de discuter, de se raconter leur séparation. Pour ce qui était de Caleb, il n'avait pas fait grand chose, rien même pour tout dire. "Je me suis lassé des ordres sans queue ni tête de mon supérieur pour asseoir son autorité sur moi comme il disait. Alors, un matin, j'ai décidé de le remettre à sa place. Le premier a placé dix flèches dans le mil. Il était à 6 quand j'ai tiré mon dixième trait et qu'il est allé rejoindre les neuf autres au centre de la cible. Et j'ai passé le reste du temps à faire les corvées aux écuries ou pire. Enfin, au moins les nouvelles recrues me respectent. Et puis, sinon, je ne t'aurai pas revu et nous ne serions pas là." Le respectaient aurait été une formulation plus juste. Qui accorderait son respect à un déserteur, surtout chez les Vampires ? Personne, absolument personne à part celle qui chevauchait à ses côtés.

A présent, leurs montures semblaient avoir échangé leurs règles de respect puisque lors d'une halte, ils les retrouvèrent en train de se gratter l'un l'autre. L'ancien lieutenant ne pouvait qu'espérer que cela dure, comme pour Aphaïa et lui. "Et toi alors ? Qu'as-tu fait depuis notre dernière rencontre ? Je suis sûr que ton récit sera bien plus intéressant que le mien." Ils étaient assis sur un rocher à regarder le soleil se coucher sur Gloria. Demain à l'aube, ils entreraient dans la ville. Et ils leur resteraient à déterminer quelle serait leur prochaine destination. Pourquoi pas le nord et leurs montagnes perdues ? Mais ils ont l'éternité devant eux, le temps de faire tout le continent s'ils en ont l'envie.

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Elle aurait tant aimé renier ce destin dont elle ne souhaitait plus, mais souvent l'on meurt comme l'on a vécu et elle en avait bien conscience, longtemps, elle n'avait pas cru à une quelconque fin heureuse, mais aujourd'hui, elle avait envie d'y croire, elle aimerait apprendre à voir le monde comme il le voyait. Voir le bonheur, oublier tout ce qu'ils n'auront jamais, apprendre à être heureux en somme, un mot qui lui était encore bien trop inconnu, et qui avait quelque chose qui lui donnait envie tout en l'effrayant. Elle aurait pu faire demi-tour, rentrer à toute vitesse en jurant qu'elle ne recommencerait plus, mais elle n'en avait pas envie, elle voulait croire en cette nouvelle vie qui lui permettait de voir les choses autrement.

La cavalière l'écoutait avec une attention qui ne lui ressemblait plus vraiment, elle se grattait l'arrière de la tête d'un air pas mal embêté, puis une ride de concentration barrait son front avant qu'elle ne réponde.

- Tu aurais dû demander à changer d'escadron, je ne pensais pas que tu allais rester dans l'armée, l'armée ce n'est pas toi. Une manière bien maladroite de dire qu'elle estimait que ce n'était pas sa place. Tu es un vétéran, ce n'était pas à toi de curer les écuries.

Elle était finalement bien satisfaite d'avoir sa monture dans son écurie personnelle, elle aurait bien été ennuyée que l'ombrageuse monture le blesse, d'autant plus que ce n'était pas la seule bête difficile de l'armée, avec les destriers les coups avaient tendance à partir bien vite. En parlant de la noire, elle s'occupait à grattouiller le mâle palomino, déjà plus tranquille.

- Je n'ai pas fait grand chose de mieux, patrouille, entrainement, déjouer quelques défis, je n'ai pas eu une seule seconde pour penser à autre chose, si ce n'est à toi.

Ils ignoraient encore combien de temps ils allaient passer ici, mais elle ne s'en préoccupait pas vraiment, pas plus que là où leur pas les guideraient.

- J'aimerais une grande guerre, comme autrefois pour que tout le monde nous oublie, loin des serments et de la boue des champs de bataille, ne plus être qu'un souvenir pour tous me ferait beaucoup de bien. Elle n'avait pas vraiment conscience de ce qu'elle disait, mais l'idée était là.
...

Et le temps ne lui donnait pas raison, mais ils purent vivre leur amour à l'ombre du soleil pendant quelques temps.

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