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Dans la nuit du 9 au 10 Novembre 1762


Est-ce qu'il était encore en vie ? Est-ce qu'il était encore dans le monde de l'existence ? Il ne savait plus très bien. Aldaron s'était éclipsé à un moment ou un autre, la peur l'avait immédiatement envahi. Et si ça n'avait été qu'un rêve, encore une fois ? Et si l'elfe s'était évaporé, le laissant seul une fois de plus, seul dans son éternité… Devant ses yeux, le monde se fondait, il avait l'impression de percevoir des silhouettes en armures, un ciel couvert de nuées ardentes, et son cœur se serrait de peur et d'angoisse.Tandis qu'il se redressait, le monde l'entourant se fondait sous le brouhaha et les clameurs des troupes innombrables, pulsant au-dessus du rugissement des machines de guerre et des sortilèges… Il se relevait, avec soudainement un large poids sur le corps, les mouvements contraints : une lourde armure de plaques sombres. Ses flancs pesaient plus encore des poids combinés de deux faux luisantes de magie, dont les formes sinistres insinuaient l’angoisse dans son cœur. Aldaron n’était pas là, il n’était nulle part, il ne le sentait pas, comment était-ce possible ? Cordont n’était donc qu’un rêve ? Inspirant profondément, le vampire ferma les yeux, tentant de se focaliser sur les sensations les plus basiques, pour se soustraire à sa vision. Cela devait être une vision ! Forcément ! Un sursaut de peur le traversa pourtant. Oui mais… qu’est-ce qui constituait la vision ? Cordont ou cette bataille ?

Ses tempes battaient sourdement, alors qu’il serrait les poings, sentant le tremblement de ses mains s’accentuer. Des bruits de sabots, les crissements d’armures en mouvement. Qu’est-ce qui était vrai ? Où était la réalité ? Il fallait qu’il se reprenne, qu’il sorte de cet enchantement… Serrant les crocs, il essaya de bouger, un pas, puis un autre, yeux toujours fermés. Pourtant son esprit scindé s’imaginait très bien les lieux, la tente meublée se superposant à ce champ de ruines déjà maculé de sang. Il fallait qu’il se sorte de là, il étouffait sans avoir même besoin de respirer. Il allait mourir, il en était persuadé, la certitude scellée dans son âme l’emplissait à présent comme une crue violente. Il ne voulait pas mourir ! Il ne voulait pas abandonner… il y avait des êtres qui lui étaient chers, qu’il ne voulait pas perdre, pas comme ça en tout cas ! Etait-ce vraiment de la mort qu’il avait peur ? Il n’en avait jamais eu peur auparavant, pourquoi cette fois-ci ? Parce qu’il n’y avait ni logique ni levier à ce qu’il ressentait ? Le piège se refermait toujours davantage sur lui, et il percutait ses barrières impalpables inutilement. Des voix l’interpellaient, déformées, irreconnaissables et elles lui faisaient plus peur qu’elles ne l’encourageaient. Leur timbre fantomatique sourdait la fosse et le trépas. Il se dirigea instinctivement à l’opposé, cherchant à se soustraire à la fournaise et à trouver quelque chose, une ancre, pour son esprit.

Quelque chose entra en contact avec lui, le faisant se crisper et paniquer pendant un instant avant qu’il n’ouvre enfin les yeux, pour se retrouver nez à truffe avec un félin qu’il connaissait bien. L’observant quelques instants sans comprendre, il se laissa pourtant manipuler docilement, lorsqu’on le dirigea. Sans trop comprendre comment, il se retrouva bientôt enfouit dans une fourrure longue et chaude, et entouré par un ronron qui lui faisait vibrer les os. Il ne bougea pas, passif et encore fragile, laissant l’angoisse redescendre lentement, au rythme du cœur puissant qu’il sentait tout proche de son visage. Silencieux, le vampire sentit sa gorge se serrer, mais le froid qui l’atteignait l’empêchait d’exprimer réellement ce qu’il ressentait. De toute façon, se disait une part de son esprit, pourquoi le faire lorsque l’on n’a pas les mots pour cela ? Qu’aurait-il dit ? Le silence paru durer des heures, avant qu’il ne se calme enfin. Le bruit de la bataille avait disparu, il ne restait que la tente et le ciel encore sombre à l’extérieur de celle-ci. Dans un coin, une silhouette elfique l’observait avec souci et mépris à la fois, mais il y était aveugle. Ainsi, c’était bien la guerre, la vision ? Cordont existait bel et bien, et avec elle, tout ce qui s’y rattachait. Un soupir le fit trembler, et il se lova davantage dans l’intemporalité de la fourrure cendrée. La fatigue et la lassitude reprenaient leurs droits sur lui, une fois la crise passée…

« Pourquoi ? »

Pourquoi devait-il subir ça, pourquoi avait-il ces souvenirs, pourquoi souffrait-il pour rien ? Pourquoi oui, pourquoi ? Mais c’était puéril et futile, est-ce qu’il y avait même une réponse quelconque à cette iniquité ? Il se détacha finalement de lui, sa longue chevelure lui tombant sur les épaules, des mèches défaites ornant son visage. Epaules voûtées, il resta ainsi face à lui quelques instants, partagé entre l’envie de lui demander de partir pour lécher ses plaies en paix, et l’envie de lui demander quelque chose, quoi que ce fut, pour briser cette immobilité et l’attention dont il était l’objet. Son regard sembla mettre des éons à gravir la silhouette féline jusqu’aux prunelles vertes et il ne s’y reposa que quelques instants.

« Nyn-Tiamat me manque… »

Il avait déjà dit cela, en une occasion, comme expression de son mal être profond sur Calastin. Malgré Aldaron et sa famille, l’île elle-même ne lui plaisait pas et ne lui apportait qu’un peu de bonheur pour tant de malheur. Depuis qu’il était arrivé là, tout allait si vite… Ses yeux devinrent vitreux, progressivement, alors que la bulle de tristesse lui échappait enfin, pour s’écouler librement sur ses joues d’albâtre.

descriptionRecoller les morceaux [PV Purnendu] EmptyRe: Recoller les morceaux [PV Purnendu]

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Des ruines à perte de vue. La misère dans les regards, le sang et la mort dans l'air. Les gémissements de centaines de cœurs meurtris pour le double de corps brisés, anéantis. Des esprits ébréchés, des volontés essoufflées. Des êtres errants hagards, fouillant sans but les rares habitations encore debout, d'autres simplement assis là, encore couverts de poussière et de terre, yeux dans le vide sans plus de désirs et motivations. Sans raisons de vivre. Un véritable drame s'était peint au regard écarquillé du graärh qui n'avait jamais rencontré pareille misère. On l'avait prévenu, mais rien n'aurait pu le préparer à ce spectacle. Son propre cœur s'était serré et une boule s'était alors formée en sa gorge jusqu'à lui brûler les yeux de larmes. La vision de son propre village brûlé lui revint en mémoire et il ne pouvait qu'imaginer le chagrin qui terrassait tous ces bipèdes. Sans un mot, il avait hissé l'énorme malle sur son épaule avant de partir à grandes enjambées au travers du camps. Il avait laissé Ivanyr trouver seul le Bourgmestre, ne souhaitant pas gaspiller une seule seconde à pratiquer autre chose que des soins. Son ami saurait s'en sortir seul, car après tout : que pourrait-il lui arriver de mal ? Ils n'avaient que des alliés ici, n'est-ce pas ? Si seulement avait-il su, jamais il ne l'aurait quitté.

Mais le destin en avait souhaité autrement et pendant que le vampire faisait une rencontre aux conséquences terribles, lui ne mit guère de temps à trouver la vaste tente qui servait d'hospice aux innombrables blessés de la catastrophe. Il lui fallu encore moins de temps pour convaincre les mages et baptistrels de le laisser se joindre à eux et quelques minutes plus tard, Purnendu était en train de refaire les stocks de remèdes et cataplasmes dans lesquels il infusa le pouvoir de son esprit-lié du Raton Laveur. Concentré à sa pratique, il s'était placé au milieu des patients les plus graves et ne tarda pas à entamer un chant rituel, lié au même esprit afin d'aider à refermer leurs blessures. Psalmodiant dans sa langue natale, s'élevaient au son rauque et profond de sa voix des mots gorgés de magie qui vibraient au rythme des cœurs assoiffés qui les recevaient. Lorsqu'il en eut terminé avec les bandages et breuvages, il se leva pour venir au chevet des humains, elfes et vampires les plus atteints. Il apposa ses grandes pattes aux coussinets rêches sur les fractures, apportant du repos aux corps brisés, faisant disparaître la douleur alors que ses chants se succédaient sans qu'il n'éprouve encore trop de fatigue. Il y avait tant à faire que son inconfort passait loin derrière le besoin de tous ses nouveaux patients.

Ses soins furent cependant interrompus lorsqu'il entendit hurler et pleurer derrière une tenture tirée par deux cordes hissées de part et d'autre de la tente. L'immense fauve se leva et s'approcha, sentant son cœur se serrer à mesure qu'il approchait de la toile opaque. Il entendait des sanglots, des dizaines de petites voix qui appelaient des parents qui ne viendraient jamais... des pleurs étranglés, terrifiés. Quand ses griffes accrochèrent un coin du tissu et qu'il le souleva, ses yeux tombèrent sur un tas de coussins et couvertures poussés dans un angle de cette pièce improvisée. Et perchés sur ce fort instable, une dizaine d'enfants le regardaient avec des mines tout d'abord interloquées, puis à mesure que les secondes s'égrenaient ; les frimousses commencèrent à virer sur l'inquiétude, puis la peur. Purnendu vint s'accroupir et poussa un roucoulement léger, oreilles droites et tête penchée sur le côté, il se mit ensuite de profil et déroula sa longue queue en direction de l'attroupement de petits bipèdes terrifiés. Il roucoula encore, fit le dos rond avant d'approcher avec milles précautions. Une petite fille gazouilla finalement, à peine plus haute que trois pommes et vint saisir la queue pour la serrer contre elle avec délice. Ce fut un déclic général et tous les enfants se ruèrent dans les bras de l'énorme peluche qui s'offrit à eux avec soulagement.

Des orphelins. Tous des orphelins, oubliés et délaissés alors que seul les séquelles psychologiques marquaient leurs êtres. Les mages de soin et les baptistrels avaient bien trop de cas à gérer, trop de choses à pourvoir au reste du camps pour pouvoir s'occuper correctement de ces bambins. Les adultes compétents étaient tous réquisitionnés pour stabiliser les ruines et les abords du gouffre, pour construire le camps et distribuer les ressources apportées par Délimar ou Sélénia. Alors il ne restait personne en journée pour veiller sur eux. Pour calmer leurs chagrins et étouffer leurs terreurs. Conscient qu'il ne pourrait tourner le dos et les laisser pleurer jusqu'à sombrer dans un sommeil d'épuisement, Purnendu était à présent vautré dans le tas de couvertures et de coussins. Les enfants s'accrochaient à lui comme autant de petits lémuriens tremblants. Il sentait sa fourrure poisseuse de morve et de larmes, mais il s'en fichait. Les yeux mi-clos, il avait entamé une Ronronthérapie à pleine puissance ; le sort unique avait bercé les petits moineaux dans un long sommeil et la mélopée profonde, rythmée, purgeait leur esprit de ses cauchemars, enfouissait les souvenirs traumatisant au loin et berçait les petits cœurs angoissés.

« - Purnendu ? »

L'appel lui fit tourner une paire d'oreilles en direction de la toile qui venait de se soulever, pour autant le graärh ne bougea pas d'une moustache alors que les enfants restaient sur lui à ronfler paisiblement. Le mage à l'entrée eut un sourire ému et serra la mâchoire alors qu'il avait une pensée pour ses propres enfants, à Caladon. Il expira lentement et reprit d'une voix basse pour ne pas troubler le sommeil des petits :

« - L'on te demande d'urgence à la tente du Bourgmestre. Apparemment, c'est en lien avec son garde du corps ; Ivanyr. »

Malgré lui, Purnendu ne pu retenir une crispation totale de son corps à cette nouvelle. Un poids tomba immédiatement sur son poitrail, un froid glaça ses tripes et il sentit sa truffe s'assécher. Yeux grands ouverts, la mélopée de son ronronnement se fit irrégulières avant de s'arrêter. Encore immobile quelques secondes, il finit par se couler hors du tas d'enfants et vint poser sur eux sa grande cape afin de les garder à la chaleur de son parfum particulier. A pattes de velours, il sortit de la « chambre » puis de l'hospice avant de se faire indiquer le chemin par l'un des gardes en faction près de la grande ouverture. En quelques enjambées, il avait déjà englouti une partie du trajet, la suite fut carrément avalé à grandes foulées et il s'arrêta aux appartements du Bourgmestre dans un dérapage qui souleva un nuage de poussière et une gerbe de gravats. Poils hérissés, il entra dans la tente pour découvrir son ami dans un état lamentable. Physiquement, il ne portait aucun séquelle, mais il pouvait voir à son regard qu'il était brisé, absent. Ses babines se retroussèrent et il posa un regard flamboyant de rage et d'inquiétude sur l'elfe qu'il jugeait responsable de ce drame. Pour autant, il n'était pas l'heure des explications, mais le fauve se promit de les obtenir et de faire entendre à Aldaron le fond de sa pensée !

Au diapason de son regard, les gestes qu'il apposa sur le vampire furent d'une douceur indicible alors qu'il le réceptionnait et l’enveloppait de ses bras en une posture possessive et protectrice. Il croisa un regard terrifié et vide, la conscience absente des orbes céruléens, mais il patienta et quand il vit enfin une lueur de reconnaissance briller sous les prunelles hagardes, il pressa sa truffe fraîche contre sa joue d’albâtre et l'entraîna à sa suite. Avant de sortir de la tente, il jeta un dernier regard plein de défiance et de colère en direction de l'elfe. Il ne mirent pas long à rejoindre les quartiers qu'on leur réservait et il fut heureux de constater l'aménagement adéquat aux requêtes émises plus tôt cet après-midi. En un rien de temps Purnendu retira ses vêtements à l'exception de son pagne et fit de même pour le vampire en ne lui laissant que son pantalon. Une poignée de minutes plus tard et ils étaient tous deux allongés dans un vaste panier de couvertures torsadées entre elles avec une bonne quantité de coussins apportés directement de Caladon depuis sa malle sans fond. D'abord silencieux, le fauve s'assura de bien envelopper son ami dans ses bras et vint même passer une patte arrière par dessus sa hanche, le fit se cambrer contre son poitrail puissant et le couvrit de sa longue queue comme un traversin angora et soyeux.

« - Prrrr... Rrrronrrrroooon... rrrrr... »

La ronronthérapie commença à pleine puissance alors qu'il fermait les yeux pour enfouir sa truffe dans la chevelure de platine. De ses griffes, il lui tricotait doucement les épaules et les omoplates, venant parfois masser sa nuque avant de recommencer à le confondre avec une pelote géante. Le temps passa et la nuit s'allongea, puis vint un mot. Un seul et qui soulevait pourtant une véritable marée de réponses sans racines, sans terminaisons. Que des hypothèses creuses, sourdes ou encore hypocrites. Que pouvait-il répondre ? Devait-il seulement répondre ? Ses yeux s'ouvrirent, orbes luisant dans les ténèbres de la tête et il ne fit aucun geste alors que son ronronnement puissant continuait de faire trembler le corps tiède contre le sien brûlant. Il serra ivanyr avec plus de force et baissa finalement le museau vers lui quand il l'entendit poursuivre et émettre un aveux qui lui serra le cœur. Il ne dit rien cette fois encore et se contenta de le fixer longuement. Il suivit le ruissellement des larmes carmines et vint lentement les lécher. Des coups de langue râpeuse, le chatouillement des moustaches sur ses paupières et ses tempes. Il lécha ensuite l'os de sa mâchoire et vint fourrer sa truffe contre sa gorge pour y inspirer profondément.

« - Il y a un manchot, à Nyn-Tiamat que j'ai appelé Ivanyr. »

Un vague sourire retroussa ses babines.

« - Sur le chemin, au retour de la Légion, je l'ai vu dans la procession des autres pingouins. Il était tout raide et il a glissé pour tomber sur le dos avec un gros « couak » outré. Lorsqu'il s'est relevé, il a bougonné un moment puis à foutu une claque de nageoire à l'arrière d'un autre manchot, pour le faire tomber à son tour. »

Ses épaules frémirent d'un rire.

« - J'ai tout de suite pensé à toi et je lui ai donné ton nom. »

Il releva légèrement la tête et chercha son regard pour l'accrocher du sien. Il le fixa avec une infinie tendresse, un pétillement d'humour, mais surtout beaucoup de sérieux.

« - Nous sommes venu ici pour que tu retrouves ta famille. C'est fait, Ivanyr. Maintenant, si tu souhaites repartir pour Nyn-Tiamat, nous pouvons toujours le faire. Tu peux emporter ta sœur et... enlever ton petit elfe. Ça ne me dérangerait pas.Une fois là-bas, il nous sera possible de récupérer du bétail, puis de reprendre notre vie nomade. Je te montrerai Pingouin-Ivanyr, on retournera voir les feux stellaires sur notre plateau. Ensuite, pendant que tu traqueras les esclavagistes graärh, je soignerai tous ceux que l'on rencontrera afin de propager l'idée que deux peuples aussi différent que les nôtres peuvent œuvrer intelligemment si l'on s'en donne les moyens. »

Purnendu pressa sa truffe à son front, lécha une de ses arcades avant d'enfouir le museau contre sa tempe alors que le vampire s'enfonçait dans la fourrure de sa gorge, là où elle était la plus dense et la plus longue, collier de douceur comme un coton géant.

« - Il n'y a pas de réponses à ta question cependant et s'il y en a une, elle sera si absurde et puérile que tu regretteras de la connaître. Ne cherches pas à comprendre, s'il te plait. Je sais que tu es mieux que ça. Ce n'est certainement pas juste et ce ne sera pas facile à digérer, mais tu es plus fort et plus intelligent que celui qui t'a fais ça. Et tu vas le leur prouver à tous, car tu es mon Ivanyr. Celui qui n'a jamais abandonné, même face aux terribles plaques verglacées de l'Inlandsis. »

Dernière édition par Purnendu Chikitsak le Mer 25 Juil 2018 - 9:06, édité 4 fois

descriptionRecoller les morceaux [PV Purnendu] EmptyRe: Recoller les morceaux [PV Purnendu]

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Elles coulaient sans qu’il ne s’en qu’il n’en prenne conscience, perles incarnats venant orner des joues pâles et glacées. Malgré cet abandon oublieux, leur présence le soulageait quelque peu, allégeant la tension physique qui menaçait de le faire céder. Il avait l’impression d’une vanne ouverte en lui, sans comprendre d’où elle venait, ni ce qu’elle avait pu retenir et qui s’écoulait hors de lui à flot. Immobile, il frémissait par instants, laissant la pression se retirer progressivement de son torse, cessant de l’écraser pour devenir une pulsation lancinante, douleur sourdent le long de ses nerfs et l’épuisant profondément, physiquement et moralement. Le puissant ronronnement lui évitait tout juste une chute dans la tombe psychologique qu’on lui avait creusé. Son calme était factice, trahissant sa fragilité plus qu’aucun calme. Le contact de la langue râpeuse le fit pencher sur le côté un bref moment et il cilla avant de faire un semblant d’effort pour se redresser et l’observer, essuyant la légère trace humide sur sa joue là où le félin avait happé ses pleurs. Il laissa reposer son poignet sur la large truffe fourrée contre sa gorge, le souffle chaud du guérisseur lui arrachant des tremblements lorsque la tiédeur humide venait gracier une peau naturellement froide et désormais sensible, nerfs à fleur de peau.

La soudaine vibration de sa voix le surpris et il sursauta faiblement, le regardant du coin de l’œil, des cernes violettes marbrant sa peau d’albâtre. Le sens de ses paroles mit un moment à entrer en lui, plus encore à être compris, mais de nouvelles larmes vinrent se former sur ses mires vitreuses. L’histoire était à la fois touchante et drôle, mais l’ébauche de sourire sur ses lèvres tremblait et vacillait, en proie à une sinistre concurrence. Lorsque le félin se redressa, il le suivit du regard, la vision floue de larmes encore prisonnières. Une fois de plus, il essaya de sourire malgré l’abîme près de laquelle il oscillait mais ne parvint à rien de concret à part produire un petit son étranglé de souffrance et de tristesse en voulant s’exprimer. Lèvres s’entre ouvrant, il inspira et expira difficilement, compressé de l’intérieur. Il lui fallut encore de longues minutes avant de réussir à émettre une pensée cohérente, se perdant de nouveau dans l’océan de sa peine. D’une main malhabile, il repoussa ses cheveux et essuya de nouveau le dessous de ses yeux, ayant l’impression d’un grand vide en lui, un vide qu’il ne parvenait pas à étancher mais qui appelait à l’apaisement de cette fatigue atroce. Le calme et le silence de l’île gelée lui manquaient.

«  Il ne voudra pas… »

Se pressant contre lui, il ferma les yeux et referma les poings sur ses poils longs, comme un enfant cherchant le réconfort, à se rassurer. La vibration contre lui était profonde, apaisante, mais cela venait toucher des racines en lui, profondes et endommagées, dont l’état léthargique venait alors à cesser en une résurgence qui le secouait.

«  Il ne voudra pas partir, et je ne peux pas le forcer. Je ne veux pas le perdre, est-ce que… est-ce que je vais le perdre ? »

Son corps fut pris d’un spasme silencieux de détresse et il retint de justesse un sanglot paniqué. Les mots lui échappaient, leur cohérence brouillée même pour lui. Il traduisait ses angoisses par le son, défait de toute imagerie recherchée.

«  Je l’entendais m’appeler, au travers du son de la bataille… j’entendais sa voix mais je ne pouvais pas aller vers lui. Je ne le voyais pas… pas avant de sombrer. J’avais peur je… je n’ai pas peur de mourir mais j’avais peur… pourquoi est-ce que j’avais peur… »

Il ne comprenait pas, il s’effrayait de cette réaction instinctive. Rien ne faisait écho à cela en lui, c’était comme si tout cela était apparu d’un coup, sans raison, qu’on l’avait implanté en lui. C’était effrayant de ressentir quelque chose qui n’avait pas de source. Cela n’était pas la première fois, et la dernière occurrence remontait à leur arrivée à Caladon, lorsqu’il avait menacé Aldaron de mort après la marque que celui-ci avait mimé sur lui… L’idée même l’avait plongé dans une colère volcanique alors, meurtrière. Aujourd’hui les sentiments qu’il expérimentait étaient étranges et changeants.

«  Je suis mort Pur… je suis mort. Je l’ai senti, là, et je le sentais encore quand je me suis réveillé dans la tente. Je suis mort, j’avais son goût sur ma bouche, cette impression dans tout le corps… je ne voulais pas partir mais… »

C’était confus, un charivari dans son esprit. Cela cognait, grattait, se brisait sans qu’il réussisse en en suivre le fil, laissant sa langue se délier, les sons rouler, comme ses larmes. C’était encore si vivace qu’il la voyait quand il fermait les yeux.

«  J’ai vu une grande bataille… deux armées qui s’affrontaient sur une plaine immense. J’étais un soldat. J’ai vu nos adversaires s’avancer, faire pleuvoir la mort sur nous. J’ai… vu des dragons… immenses, s’apprêtant à combattre contre nous, je… je n’arrive pas à…me souvenir… »

Le reste lui échappait. Il y avait le bruit, l’impression de fébrilité mortuaire, tout était flou avant qu’il ne sente la vie le quitter.

«  La… la neige me manque… et le calme, le silence, l’isolation… Je ne veux plus de souffrance, plus de guerres, plus de bruits… Je veux juste me reposer. Je suis fatigué, tellement fatigué… »

Il y eut un blanc, il silence, long et difficile alors que son corps s’abandonnait de nouveau à ce qui le torturait. Enfermé dans la chaude fourrure de son ami, le vampire tremblotait et tressautait, les mains perdant de leurs forces jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’une poupée de chiffon émettant par instants de petits hoquets inintelligibles. Malgré le puissant ronronnement, il lui fallut de nouveau d’interminables minutes avant de reprendre pied et conscience, les lambeaux de celles-ci menaçant de lui échapper à tout instant. Le souffle sifflant, il reposait contre le félin, yeux dans le vague, et lorsqu’il parla sa voix était légèrement enrouée.

«  J’aimerais bien… voir ce pingouin… et… et je ne t’ai toujours pas dit… tout ce que j’avais vu là-bas sur le plateau, n’est-ce pas ? »

Il essaya de bouger la tête, la trouvant lourde, douloureuse et un vague vertige le prit. Pourtant il essaya de s’accrocher à lui, confiant, espérant qu’il le rattraperait.

«  Quand j’ai vu ces Graarh à Caladon j’ai… j’ai cru te voir toi… »

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Il fut satisfait de voir un sourire s'ébaucher sur les lèvres pâles de son ami et l'encouragea en retroussant ses propres babines, révélant des crocs meurtriers. L'image menaçante disparue cependant lorsqu'il déroula sa langue rose et râpeuse pour revenir lécher les joues souillées, ôtant la moindre trace carmine. Le goût ferreux lui arracha un vague frisson et il ravala de justesse un grondement d'aise qui aurait été atrocement déplacé dans le contexte. Il se promit d'aller chasser un peu plus tard, lorsqu'il aurait du temps libre. Les yeux mi-clos, il le couvait avec grande attention alors qu'il l'entendait batailler sur les mots, peinant à coordonner ses aveux. Pas une fois cependant il ne l'aida, comprenant combien il était important pour son patient de s'en sortir seul. Ivanyr avait besoin d'extérioriser ses peurs, ses angoisses et ses doutes ; il devait les confronter en leur donnant forme par les mots, par sa voix.

Silencieux et attentif, il fut incapable de rester passif une seconde de plus lorsqu'il le sentit trembler et amorcer un début de panique. Son ronronnement s'intensifia alors qu'il laissait une de ses grandes mains lui caresser le dos par d'amples mouvements qui partaient de sa nuque pour s'échouer à ses reins. Par instant, il s'abaissait pour lui embrasser le front de sa truffe fraîche, l'encourageant d'une roucoulade à poursuivre dès qu'il éprouvait des difficultés à articuler. Son souffle chaud lui caressait le visage, parfois il repoussait une mèche platine entre deux griffes ou encore lui essuyait une joue d'une caresse du pouce, le coussinet chaud s'égarant parfois sur la pommette, prolongeant le contact. Ses oreilles dressées remuaient un peu, une paire tendue vers le vampire et l'autre pivotant sur les bruits à l'extérieur de la tente. Quand Ivanyr sembla s'essouffler, il se contenta de hocher la tête. La conclusion lui arracha un vague sourire ; le calme de Nyn-Tiamat lui manquait aussi. En ce qui concernait les esclaves de Caladon, il préféra ne pas y revenir. Ils savaient tous deux ce qu'il en pensait et s'attarder dessus n'aiderait pas le cas présent, bien plus urgent à traiter.

L'essence des aveux avait de quoi l'alarmer et pourtant il n'afficha rien de son trouble. Ses yeux d'absinthe brûlaient de tendresse et d'attente silencieuse, son poil soyeux gonflait à chacune de ses respirations et il continuait de ronronner pour diffuser sa magie unique, essayant d'apaiser les craintes et de soigner ces racines atrophiées qui causaient tant de peine à son ami. Un de ses bras fut passé autour de sa taille afin de le cambrer contre son torse puissant alors qu'il le couvait encore plus du regard. Il s'enroula autour de lui, le glissa entre ses cuisses pour pouvoir recourber ses pattes autour de ses jambes. Il roula sa queue angora dans son dos, véritable boa soyeux qui lui couvrit les épaules. Épaules voûtées, il désirait l'enfermer dans son ombre, le noyer dans la fourrure épaisse de son poitrail. Il voulait l'isoler du monde extérieur, lui offrir ce silence et cet abandon qu'il souhaitait tant. Museau posé sur le sommet de son crâne, il souffla avec une pointe de sarcasme :

« - Je croyais que la définition même d'enlever quelqu'un, c'était de justement se passer de son accord... Que le fait qu'il ne soit pas volontaire dans l'histoire soit la raison d'appeler ça un enlèvement. »

Il espérait que ce trait d'humour grinçant puisse détendre légèrement son ami, même s'il en doutait. Ce qui l'avait surpris toutefois, c'était de le voir aussi enthousiaste à l'idée de retrouver le pingouin qu'il avait nommé en son hommage. Il n'avait qu'espéré lui changer les idées, rien de plus. Une lueur amusée brilla dans son regard avant qu'il ne ferme les yeux. Et bien, il savait comment l'occuper lorsqu'ils retourneraient sur son île ! Un bref silence s'abattit sur eux, où les mots furent noyés sous un flot de ronronnement avant qu'il ne reprenne avec douceur :

« - Pourquoi le perdrais-tu ? A voir les regards de phoques battus que vous vous lancez quand vous croyez que personne ne regarde... je ne crois pas qu'il t'abandonnera. Maintenant plus que jamais, il sait combien tu es encore nécessiteux d'attention... de son attention. Il a connu celui que tu étais jadis, il doit savoir ce qu'il t'est arrivé. Comment tu es mort, cette première fois. Te l'a-t-il expliqué ? A-t-il forcé sur toi le fantôme de ton passé ? Non. Tu ne serais pas resté avec lui autrement, n'est-ce pas ? Il apprend à connaître qui tu es maintenant, il sait que cette chance ; celle de te retrouver, est unique. Il ne t'abandonnera pas pour si peu. Ou même jamais, quelles que soient tes fautes passées, quelles que soient celles que tu pourrais causer à l'avenir. »

Il pencha un peu la tête de côté, songeur.

« - Vous êtes semblables... Lorsqu'il a confronté la mort lors de votre première rencontre, il s'est accroché à toi désespérément. Lorsque tu as revécu ta mort, tu t'es désespérément accroché à lui. Vous aviez tous les deux peur non pas de mourir, mais de vous perdre à jamais. »

S'il n'était pas d'un naturel jaloux, Purnendu était un être profondément possessif et territorial surtout lorsqu'il s'agissait de ses patients et du peu de biens qu'il possédait. Plus encore avec Ivanyr qui était non seulement ça, mais bien plus... Tellement plus en réalité. Un soupir échappa à ses babines alors qu'il ravalait des mots qui n'auraient certainement pas aidé le vampire à se calmer. Comment pouvait-il lui dire en face que son impression sur l'elfe à la peau sombre était aussi mauvaise qu'un lait caillé ? A ses yeux, Aldaron avait causé plus de mal que de bien dans la psyché de son ami et s'il n'intervenait pas dans leur relation, c'était uniquement par respect. Il faisait confiance au blond pour savoir où tirer ses limites et espérait sincèrement que l'autre saurait les respecter. Pourtant aujourd'hui était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Lorsqu'il serait certain que le vampire puisse dormir en paix, il irait régler ses comptes avec la brindille décolorée une bonne fois pour toute.

« - Je ne sais quel lien les Esprits désirent vous offrir, mais je suis persuadé qu'il saura apaiser tes peurs et récompenser toutes les épreuves que tu as subis jusqu'à présent. C'est terriblement difficile pour l'instant, mais lorsque ce sera finit ? Tout prendra sens, crois-moi. »

Le sujet redevenait morbidement sérieux et il recula le museau juste assez pour croiser les yeux céladons de son ami. Il lui fit un vague sourire sa joie alors qu'il lui caressait la tête d'une grosse paluche. Sa voix se fit plus basse et chaude, un murmure glissé contre son oreille.

« - Concernant tes visions sur les guerres passées, tu n'as pas besoin de t'en souvenir. Elles ne t'appartiennent pas. Tu n'es pas Achroma et puisque tu ne souhaites pas le redevenir, laisses les s'estomper. Laisses les se dissoudre. Maintenant fermes les yeux et concentres toi sur mon ronronnement. Accroches-toi aux choses que tu as découvert depuis ton Éveil en tant qu'Ivanyr. C'est tout ce qui importe ! Le paysage de l'océan entre les îles, la saveur du sang épicé dans le confort de notre yourte. Les feux stellaires sur le plateau, la voix de ta sœur et ses sourires lorsque vous vous êtes retrouvés. Les blizzards de Nyn-Tiamat, le chant du vent entre les pics rocheux ou encore les vagues sculptées sur l'Inlandsis et le parfum du feu de bois. »

Il peignait sa longue chevelure de ses griffes, regrettant que cette épaisse crinière ne soit pas sur la totalité de son corps. S'il était un graärh à la teinte de platine immaculée et aux yeux si saisissant... ah et bien, il l'aurait pris comme compagnon depuis très, très longtemps maintenant. Purnendu ferma les yeux et vint enfouir sa truffe contre sa tempe, lui laissant plusieurs minutes pour se remémorer les souvenirs d'Ivanyr et oublier ceux d'Achroma.

« - Tu es bien vivant, sitaaron ka phlek (1). Tu es un Don des Esprits... et je les remercie chaque jour de m'avoir donné la chance de te rencontrer. Maintenant... racontes moi ce que tu as trouvé sur le plateau. »

* * * * *

(1) sitaaron ka phlek : Flocon des Astres.

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Non, Aldaron ne lui avait rien dit, il avait simplement été inquiet pour lui, inquiet à l'idée qu'il parte et qu'il ne réussisse pas à se remettre. L'elfe ne l'avait pas forcé, Purnendu avait raison. Il ne voulait que son bien, jamais son mal, l'idée même lui semblait impossible, incompréhensible. Même quand il avait en personne affirmé qu'il pourrait l'utiliser pour ses desseins, l'elfe s'était montré réticent et avait renouvelé son vœu de ne pas le blesser… Ce n'était pas un tortionnaire ou un adversaire, tous deux s'aimaient, alors il n'arrivait stupidement pas à imaginer qu'Aldaron puisse vouloir lui faire le moindre mal. En revanche, il ne savait pas du tout s'il aurait réellement eut la force de partir. L'idée le déchirait rien qu'en y pensant, alors la mettre en pratique ? Faire face à une armée ennemie lui semblait plus simple et moins douloureux que cette séparation. Les mots du félin lui semblaient plein de véracité, mais dans son cœur, il y avait une petite voix qui ne se laissait pas convaincre, qui résistait bec et ongles pour ne pas s'éteindre, pour continuer de l'étriller de cette peur sourde qu'il ne pouvait étouffer. Il avait peur de le perdre, et il n'avait pas besoin d'une raison à cela, le sentiment existait, et résistait. Le vampire n'émit pourtant nul protestation, lové dans l'étreinte qui le retenait au moment présent et ramenait lentement ses forces et sa conscience. Il se contenta de recevoir ses paroles et ses pensées, les contemplant sans savoir s'il pouvait les faire siens.

Il voulait le croire. Oh ! Il voulait tellement le croire, y croire ! Il voulait que cette souffrance s'arrête. Ce serait tellement plu simple de la supporter s'il savait quand elle s'arrêterait, mais le ferait-elle ? Purnendu avait-il raison de penser qu'on finirait par lui rendre autant qu'on lui prenait ? Il s'accrochait à l'idée avec prudence autant que désespoir, ne sachant s'il voulait la dévorer ou la savourer, s'il pouvait seulement s'en gorger. Comment savoir si ses souffrances auraient vraiment une fin puisqu'il ne savait pas d'où elles venaient et pourquoi il les subissait ? Il y avait tant de choses qu'il ne savait pas, tant de questions sans réponses, et le spectre de voir tout ce qu'il avait de plus cher lui être arraché si justement ses souffrances n'avaient pas de fin…. Il n'était certain de rien, surtout en cet instant, surtout quand cela concernait ce qu'il vivait. Il ferma les yeux, essayant d'oublier, essayant de faire refluer ce qui le noyait malgré la peur, la crainte. Il abandonna sa vision, suivant la voix profonde de son ami, essayant de revivre les moments de lumière qu'il possédait en lui, essayant de nourrir cette petite flamme timide et frêle qui essayait de braver le blizzard. Il plongea en lui-même, jusqu'à trouver le ruban d'un feu stellaire dans l'obscurité et le suivit pour retourner sur le plateau glacé. La nuit profonde l'entourait, lui offrant le magnifique spectacle des feux sous un doux voile de coton gelé.

Chaque minuscule flocon vint l'enlacer, l'entourant et couvrant sa peau d'une caresse éphémère, et lorsqu'ils le quittèrent, portés par le vent, ils emportaient une part de sa fatigue, de sa peur, et de son malheur. Un soupire vint secouer son monde, alors que le soulagement le noyait d'une vague tiède qui le fit frissonner. Lentement, il éleva les mains vers l'imposante truffe pour la caresser avec douceur, tandis qu'il brisait son silence d'une voix ensommeillée et distante, prise dans les souvenirs :

«  Il y avait des veinules dans la roche, loin sous la glace, qui courent sur la totalité du plateau en strates, comme de la peinture. Quand on les regardes de loin, on a l'impression de voir des formes, comme dans les nuages. Quand les feux stellaires sont là, certaines veinules se mettent à briller légèrement, peut-être en reflet ? Il y avait… prit dans une poche au flanc du plateau, des petits poissons étoiles, les cousins de ceux dont j'ai vu la poudre au sommet. Un jour, j'ai pris une de tes lames pour m'entailler la main et je l'ai plongée dans l'eau, ils sont venus par centaines, grouillants autours de ma main… leurs petites bouches me chatouillaient »

Il poursuivit pendant un long moment, contant chaque particularité qu'il avait pu découvrir, depuis les nids de petites créatures dans des renfoncements jusqu'à la vue singulière des vagues de l'Inlandsis depuis son perchoir. Il y en avait énormément, certaines plus marquantes que d'autre, comme la musique qui jouait légèrement dans les roches à un certain niveau du plateau à une certaine heure sous vent d'Est… d'autres étaient plus communes, et pourtant, il les racontait avec un plaisir et une fierté égale. Car pour lui, tout avait la même saveur délicieuse.

La saveur de la vie et de l'espoir.

Après plus d'une heure, il s'arrêta enfin, épuisé et la gorge sèche. Se tortillant faiblement il releva le visage vers le Graarh, et lui fit un faible sourire. Ça lui faisait plaisir, que son ami écoute tout ce qu'il avait eut à lui raconter jusqu'au bout sans sembler s'ennuyer… cela lui tenait beaucoup à cœur après tout. Il avait tenu toutes ces semaines à l'attendre en grande partie grâce à ces recherches. Chaque jour il s'obligeait à trouver au moins une chose à lui raconter, quitte à se forcer un peu. Mais il n'avait pas fait que se creuser la tête, il avait voulut vivre chaque trouvaille, réellement…

«  Tu… tu aimes ? Tu ne t'y attendais pas quand tu as choisis, n'est-ce pas ? »

Se redressant péniblement, les cheveux un peu emmêlés et ébouriffés, le vampire se frotta les yeux d'une main puis l'observa de nouveau.

«  Je suis désolé de t'imposer du travail supplémentaire. Je sais qu'il y a beaucoup de blessés, beaucoup de traumatismes, que tu as beaucoup de patients… je ne voulais pas t'obliger à me sauver encore une fois.. »

Il aurait voulu que ça n'arrive plus, pouvoir affirmer haut et fort qu'il avait passé ce cap, qu'il n'y reviendrait pas. On venait de le détromper lourdement et il en restait choqué. Était-il donc si faible ? Il ne voulait pas être faible et quelque chose en lui se révoltait instinctivement à cette idée. Déglutissant, il se rassit enfin, forçant sur ses limites pour essayer de contrevenir ce sentiment d’infériorité qui lui restait sur la langue. Tentant de se focaliser, il reprit la parole, sourcils froncés par la concentration.

«  C'était une des guérisseuses. Elle a voulu me 'calmer' avec un sort et… voilà le résultat… je préfère quand c'est toi qui me soigne... »

Il sourit, souffla un remerciement presque inaudible mais qui faisait trembler ses lèvres et finit par se rallonger, le corps encore en souffrance de tout ce qu'il avait subit et en particulier l'explosion magique qui l'avait vidé d'une partie de son énergie vitale. Tête sur la fourrure soyeuse, il observa son guérisseur en peignant les longs poils, reproduisant inconsciemment son geste d'un peu plus tôt.

«  Purnendu ? Penses-tu que je ne doive pas chercher à retrouver mes souvenirs ? Ces visions que j'ai, ces visages qui me viennent et me parlent… Aldaron en faisait partie. Je n'ai plus eut de visions de lui depuis que je l'ai retrouvé. Mais il m'a aidé à poursuivre un autre de ces fantômes… sur la falaise, près de Caladon... »

descriptionRecoller les morceaux [PV Purnendu] EmptyRe: Recoller les morceaux [PV Purnendu]

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Il garda les yeux clos et l'écouta sans l'interrompre une seule fois. A chaque minute qui passait, il l'enfouissait davantage dans son étreinte et sa fourrure pour qu'il oublie tout du monde extérieur et ne plonge de plus belle dans les souvenirs uniques et inimitables de Paadshail. Avec un souffle lent, ses ronronnements vibraient en un rythme profond et intense qui faisait vibrer son torse alors qu'il continuait de tricoter le dos et les épaules du vampire à l'aide de ses griffes. Ses coussinets rêches massaient les muscles las et sa queue lui chatouillait parfois la gorge ou les bras lorsqu'elle ondoyait par spasmes paisibles. Léger sourire ourlant ses babines sombres, Purnendu n'eut aucun mal à se peindre mentalement le plateau étroit au sommet de la montagne et il n'eut guère plus de difficulté à ajouter au fur et à mesure tous les détails qu'Ivanyr avait découvert lors de ses explorations.

Il était fascinant d'entendre cette myriade de singularités et il ne pu s'empêcher à quelques reprises d'échapper un rire incrédule avant qu'il ne roucoule de joie et de satisfaction. Oh oui, ce plateau était merveilleux. Peut-être pas autant que l'être qu'il tenait entre ses grandes paluches, mais il n'était pas bien loin derrière ! Une idée farfelue lui vint à l'esprit et il la garda bien au chaud pour qu'elle mature avec l'espoir qu'un jour, il puisse l'exposer auprès de son ami et recevoir en contrepartie une réaction positive. Pour l'heure, il le sentait remuer et le libéra à contrecœur alors que lui aussi se redressait. Fourrure en pagaille, il étendit les bras au dessus de ses cornes, puis s'étira avec un long bâillement qui fit rouler sa langue hors de sa gueule grande ouverte. Lorsqu'il eut terminé d'exposer son palais et sa glotte, il s'ébroua pour remettre le plus gros de sa fourrure en place et fixa son vampire avec tendresse.

« - Je n'avais pas la moindre idée de toutes les qualités qui s'y cachaient lorsque je l'ai choisi. Plus que jamais, je ne regrette pas mon choix... »

Parlait-il encore du plateau ? Qui sait. Avec un clin d’œil et un de ces sourires indéchiffrables dont il avait le secret, Purnendu tendit une main pour venir glisser quelques griffes dans les mèches emmêlées de platines, en attrapa quelques unes pour les porter à sa truffe et en humer le parfum unique.

« - Ne soit pas idiot. Tu es de ma tribu, forcément que je vais m'occuper de toi en priorité. L'hospice est très bien géré sans moi avec tous ces mages et ces « Ba-petit-s'tr-ailes » que vous avez rapatriés de droite et de gauche. Mon aide consiste principalement à remplir les étagères avec mes remèdes de qualité. »

Il marqua une légère pause et l'observa alors qu'il hésitait à lui parler des orphelins. Finalement, il décida qu'un sujet aussi misérable ne ferait que desservir ses intentions et aggraverait le sentiment de culpabilité qui étreignait son ami. A la place de quoi, il tendit le bras pour saisir un couteau courbe qui traînait sur une planche à découpée, non loin de sa paillasse et vint commencer à raser les poils sur l'intérieur de son poignet gauche. Yeux baissés sur ce qu'il faisait, il avait cependant les oreilles bien dressées pour signifier qu'il portait le reste de son attention sur les propos qu'on lui tenait. Savoir qu'une autre guérisseuse avait approché son patient sans même chercher à savoir s'il était déjà sous traitement vint lui hérisser littéralement les poils du dos. Sa longue queue balaya rageusement le sol avec des bruits sourds et réguliers avant qu'il ne claque sèchement de la langue. Voilà quelque chose dont il allait devoir discuter avec Aldaron ! Il était navrant que ce soit à lui d'éduquer les guérisseurs d'un autre peuple sur des principes aussi fondamentaux.

La suite cependant lui fit interrompre sa tonte et il releva un regard surpris sur le vampire. Clignant des yeux deux fois, il pencha la tête en une mimique incrédule avant qu'il ne sorte la langue pour se lécher la truffe et hoche lentement du chef pour signifier qu'il y réfléchissait. Son attention retourna sur le couteau et quand la peau à l'intérieur de son poignet fut mise à nue, il tira Ivanyr pour qu'il s’assoie entre ses cuisses, dos à lui et vint lui présenter son bras.

« - Cela fait longtemps que je ne t'ai plus nourri. Je suis désolé si je n'ai pas de meilleure source à te proposer, cependant boire te fera le plus grand bien. »

De sa main libre, il lui caressa les cheveux pour l'enjoindre à mordre et se désaltérer tout son saoul. Il avait la constitution suffisamment solide pour encaisser la soif de son ami et désirait le savoir le ventre plein à reconstruire ses réserves d'énergie plutôt que de le savoir affamé et aussi faible. Encore un moment silencieux, il frotta sa truffe contre sa tempe avec de petits ronronnements légers, puis vint finalement prendre la parole d'une voix basse et empreinte de gravité.

« - Concernant tes souvenirs, tu dois rester le seul juge. Cependant, voilà mes conseils : si tu y tiens réellement... Je pense qu'à terme, il serait effectivement préférable que tu retrouves tes souvenirs. Non pas parce que tu dois redevenir Achroma et endosser ses anciennes responsabilités. Non, non... Simplement parce que cela te permettra d'affirmer qui tu es aujourd'hui, mais aussi parce que cela t'aidera à décider qui tu souhaites devenir demain. »

Il marqua une légère pause, ferma les yeux et inspira avant de poursuivre :

« - Hier n'est que le terreaux de nos choix, l'expérience qui guidera nos décisions. Ce ne doit pas être un poids ou une honte. Ce qui est fais ne peut plus se défaire, toutefois il est possible de reconstruire. De nos erreurs, nous apprenons. De nos réussites, nous grandissons. Avec ou sans ta mémoire, celui que tu étais hier n'est plus celui que tu es aujourd'hui. Chacun de tes souffles, chacune de tes actions, chaque aboutissement de tes pensées ; tout cela est une évolution en soit. Ton corps, ton cœur et ton esprit changent qui que tu sois. »

Purnendu pencha la tête pour essayer de capter son regard et lui fit un sourire confiant, le regard chargé de tendresse.

« - Aldaron est un bon souvenir. Toutefois, je sais que tu en confronteras de très mauvais... hors j'aimerai t'éviter cette souffrance. J'aimerai que tu découvres les choses à ton rythme, pas à pas. Que chaque nouvelle expérience concernant ton passé soit précieusement stabilisée, sécurisée, avant que tu ne passes à la suivante. J'aimerai que tu les assimiles à ta vie actuelle, que tu n'en gardes à chaque fois que le meilleur selon tes critères. Tu as tout le temps du monde devant toi. »

Il posa posa le museau sur son épaule, légèrement voûté contre lui. Il avait passé les bras autour de sa taille et le gardait toujours au creux de sa silhouette massive, assis l'un contre l'autre.

« - Nous autres, Graärh, sommes très proches des Esprits-liés. J'ai appris à tous les connaître et à savoir chacun de leurs dons. »

Sa voix se fit davantage pensive et ses yeux d'absinthes se perdirent dans le vide.

« - J'aimerai, lorsque nous retournerons à Paa... à Nyn-Tiamat, effectuer un rite pour obtenir un Esprit-lié supplémentaire. Il s'agit d'une créature marine que l'on ne trouve qu'en eau chaude. Je ne connais pas votre mot pour l'appeler, mais nous la nommons hippokaimpas. Cette créature a une tête comme un cheval et une queue enroulée ? »

Il se gratta la nuque d'un air confus avant de soupirer et de poursuivre.

« - L'esprit-lié de cet animal offre un pouvoir sur la mémoire des gens. Si je parviens à obtenir ses faveurs, je souhaiterai appliquer ses dons sur toi, Ivanyr. Je voudrais t'aider à comprendre ton passé et t'offrir des parcelles à ta demande... et si tu le souhaites ? Je pourrais même effacer ou modifier celles qui te terrifient ou que tu voudrais oublier à jamais. Qu'en... penses-tu ? »

Il l'observa au couvert de ses longs cils sombre et ne bougea plus, pas même d'une vibrisse dans l'attente de sa réaction.

descriptionRecoller les morceaux [PV Purnendu] EmptyRe: Recoller les morceaux [PV Purnendu]

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Malgré son état encore fragile, le vampire ne pu retenir une petite grimace et un coup d’œil critique à entendre parler de Baptistrels. Mais était-ce si surprenant ? C’était justement une apprentie de ces imbéciles irresponsables qui avait attenté à sa santé mentale. Certes, il avait aussi un peu laissé faire, au départ, pensant qu’elle savait ce qu’elle faisait, par innocence et ignorance, par ouverture d’esprit devant son assurance et son attitude péremptoire. Voilà tout ce que l’on gagnait à être trop appréciateur des autres, en particulier des étrangers. De sa naïveté, il allait peut-être payer sa santé mentale et sa stabilité, et tout ce qui en découlait, à commencer par vivre sereinement avec son compagnon elfique. D’une petite voix, il glissa que c’était précisément à cause d’eux qu’il s’inquiétait de l’hospice, sans se soucier de savoir exactement ce que le félin avait pu penser de ces mages-chanteurs. Après ce qu’il s’était passé, il ne serait de toute façon pas prompt à changer d’avis. L’idée même de leur discipline ne lui plaisait pas avant, maintenant il ne voulait simplement plus croiser le moindre d’entre eux. Avec un frisson, il se souvint que Valmys était, lui aussi, un Enwr et se trouva soudain très malheureux de cet état de fait, car il avait apprécié ce petit elfe plein d’imagination et qui ne semblait pas présenter les tares de ses pairs. Mais même l’idée de l’approcher lui, en l’instant, le révulsait.

L’observant se raser la fourrure, avec une légère forme de culpabilité, il lui fit néanmoins part de sa mésaventure, et le regarda se hérisser sans la moindre satisfaction. Le vampire se laissa tirer, docile comme une simple poupée, et observa l’offrande sans vraiment y accorder d’enthousiasme. Il aimait boire, mais là il se sentait intérieurement apathique, maté, et la faim ne venait pas. Néanmoins, il accepta de prendre, faisant confiance au Graarh qui lui avait prouvé savoir ce qu’il faisait. Lentement, ses crocs plongèrent dans la chaire, en un coup de dent qui se voulait le plus rapide et le moins douloureux possible. Penché, sa longue chevelure au parfum piquant et frais cachait son visage pendant qu’il buvait lentement, à petites gorgées pour ne pas se provoquer de nausées. Le contact de la truffe humide lui fit jeter un coup d’œil entre deux mèches et il écouta d’une oreille distraite, sans lui relâcher la plaie. Purnendu avait raison, et présenté ainsi, les choses lui paraissaient un peu moins insupportable. L’idée de simplement savoir, et de pouvoir affirmer les choses en connaissance de cause, sans qu’on puisse lui dire qu’il n’avait pas toutes les cartes en main pour décider. C’était une bonne solution, même si cela signifiait probablement encore de la souffrance, et de la peur, si au bout du compte il fallait cela pour qu’il cesse de souffrir alors… pourquoi pas. Mais pour le moment, il était encore trop choqué pour s’y résoudre pleinement.

Finalement, il se redressa, relâchant la chaire et y passant le pouce pour en retirer la perle de sang qui l’ornait. Même s’il avait eu du mal à boire, le Graarh avait raison : ses forces revenaient lentement. Sa peau se fit moins cireuse et il leva des mains tremblantes pour tenter de peigner ses cheveux grossièrement, chassant les nœuds qui s’y trouvaient forcément. Néanmoins, son regard gardait un lustre terni. Son bras chatouillait sur les poils soyeux quand il bougeait.

« Un hippocampe ? »

Il ne connaissait pas cet esprit-lié. Mais apprendre son pouvoir le fit se figer, tout comme son ami, et il contempla l’offre faite avec un frisson. Effacer ses souvenirs ? Il pourrait oublier, s’il souffrait trop ? Immédiatement, il pensa à la dragonne spectrale qui le poursuivait. Il pourrait l’oublier, elle aussi. Elle ne viendrait plus lui faire de mal, plus jamais. Contenant la vague d’euphorie que cela causait, il décida de ne pas en parler pour le moment, et à la place, reprit le travail sur ses longues mèches, pour se focaliser sur quelque chose d’anodin. Lorsqu’il parlât, sa voix fut tenue, comme s’il se gardait en laisse.

« Je trouve que c’est une excellente idée, et je te remercie de ta prévenance et de tout ce que tu fais pour moi, encore aujourd’hui… Je ne peux cacher que, l’idée d’oublier serait plaisante, et si vraiment cet esprit te choisit, sans doute aurais-je du mal à ne pas vouloir tout oublier sans rien affronter. Cela sera dur mais… mais je me retiendrais »

En tout cas il tenterait. Si tout était aussi terrible que le souvenir de sa mort, pourrait-on réellement le blâmer de vouloir simplement tout jeter par-dessus bord. L’épreuve serait plus difficile mais si en fin de compte il pouvait vraiment oublier… oui, sans doute pouvait-il se forcer à la discipline. Néanmoins, quelque chose le dérangea un bref instant et il tourna la tête pour observer le félin, pensif. Est-ce qu’il faisait ça uniquement pour lui, ou avait-il d’autres raisons ? Sans doute était-ce le cas, Purnendu était quelqu’un de raisonnable mais… cela le dérangeait quand même un peu. Sans doute avait-il besoin de l’entendre de sa part.

« Tu avais cette idée uniquement pour mon amnésie ou bien l’hippocampe te semble un choix naturel pour toi ? Je ne voudrais pas que tu sois fâché avec un esprit par ma faute… »

Un profond soupire échappa au vampire. Chez lui qui ne respirait pas pour vivre, cela avait une autre symbolique, un nettoyage intérieur, l’expiration de ses soucis et d’une partie du poids sur ses épaules, qui revenait pourtant sans cesse. Purnendu voulait qu’il assimile les souvenirs qu’il retrouvait, mais pour le moment, il ne voyait pas quoi faire de ce qu’il avait vu, de la souffrance et de la violence ressenties. C’était une vision de cauchemar et elle le glaçait rien qu’à effleurer ce dont il était à présent dépositaire. Déglutissant légèrement, son regard se perdit un bref moment et quand il parla de nouveau, sa gêne était apparente. Ce à quoi il pensait ouvrait un gouffre de possibilités, devant lui. Un nouveau gouffre et il avait peur de ce qu’il trouverait dedans.

« La vision que j’ai eu de… de ma mort. Je ne suis pas mort par la magie de quelqu’un ou… ou par une arme ennemie. Je mourrais, mais la vie s’échappait de moi par mon propre fait. Je n’arrive pas à savoir ce que j’ai fais mais je suis certain d’une chose qui me trouble et me hante. Je suis mon propre assassin… »

Il y eut un blanc, alors qu’il goûtait l’horreur de cette déclaration maintenant qu’elle avait prit corps, prit racine, s’enfonçant en lui comme un lierre malsain. Il était son propre meurtrier. Il ne pouvait pas rejeter la faute sur quelqu’un ou se renforcer avec l’idée d’une quelconque vengeance, même fictive. Il ne pouvait blâmer que son propre geste. Et pourquoi exactement ? Comment avait-il pu en arriver là ? Qu’est-ce que sous-entendait cet acte blasphématoire ? Une insulte au don de Vie ? Aldaron avait dit qu’Achroma avait souffert, à la fin de sa vie, énormément, atrocement, oui mais… pourquoi ? Qu’avait-il laissé dans l’autre monde, a un océan de là ? Fronçant sensiblement les sourcils, il hésita un bref instant à poursuivre, mais s’en donna tout de même la force, lippes tremblantes.

« Je n’osais pas le voir, pas avant cet instant. Mais si je suis… si je me suis ôté la vie… peut-être que je ne dois cette amnésie qu’à ma propre main également… »

descriptionRecoller les morceaux [PV Purnendu] EmptyRe: Recoller les morceaux [PV Purnendu]

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Hippocampe. Le terme n'était pas si éloigné que celui utilisé en sa langue natale, était-ce là une volonté des Esprits ou bien une simple coïncidence ? L'idée l'intrigua et il se promit d'aller chercher, à l'occasion, d'autres corrélations de ce genre. Pour l'instant, ce fut avec regret qu'il laissa Ivanyr échapper à son étreinte et alla plutôt s'occuper des deux trous qui ornaient à présent l'intérieur de son poignet glabre. Il observa, avec une fascination macabre, deux perles carmines gonfler et former des bourgeons délicats qu'il vint à cueillir d'un coup de langue agile. La saveur ferreuse le fit frissonner, mais il se concentra pour accumuler dans son organe la magie nécessaire aux soins et, à la suite d'un second coup de langue, il ne resta sur son derme aucune trace de la morsure vampirique. S'étant à son tour redressé durant l'exercice, il se fit violence pour ne pas revenir enfouir son ami dans une étreinte aussi restrictive que pleine de poils et, à la place, s’avachit comme un pacha dans les nombreux coussins et fourrures de sa couche. Entendre sa voix être aussi ténue lui donnait vraiment le désir de le protéger et même s'il savait le vampire capable de souffler une ville entière sous un déluge de feu, il n'en restait pas moins quelqu'un à la psyché aussi frêle et délicate qu'une première neige hivernale. La frustration le tenaillait donc terriblement en cet instant.

De sa nouvelle position, il en profita pour détailler la silhouette humaine avec un intérêt sans cesse renouvelé et, même s'il la connaissait aujourd'hui par cœur, il ne s'en lasserait définitivement jamais. Jadis, il avait été forcé de le toiletter, notamment lorsque Ivanyr était trop faible, plongé dans une catatonie totale par ses visions, cauchemars éveillés et la hantise d'un passé horrible. Ensuite, il avait simplement réclamé à son ami de pouvoir coucher sur feuilles des croquis de son anatomie... Des dessins au fusain qui étaient d'ailleurs soigneusement conservés dans sa nouvelle sacoche sans fond au côté du reste de ses notes et de nombres de livres qu'il avait traduit et recopié en langue graärh. Toutefois, à voir les longs doigts glisser dans l'interminable chevelure platine, il se laissa bien volontiers être le captif de la danse des lueurs chaudes du brasero sur les mèches lustrées. Si les bipèdes lui paraissaient encore laids sans leur fourrure et leur faciès écrasé, il ne pouvait renier que cet aspect délicat et inoffensif éveillait en lui des pulsions conflictuelles. Heureusement, il n'avait pas à s'y pencher davantage pour l'instant, car déjà son ami attendait une réponse. Purnendu bâilla ouvertement, langue déroulée et crocs révélés tandis qu'il roulait sur un flanc et repliait légèrement les postérieurs sous lui.

« - L'un et l'autre. »

Il dressa les oreilles, arborant une expression amusée alors qu'il laissait volontairement un silence s'étendre après sa réponse sibylline. Son sérieux fut rapidement retrouvé et il glissa une main sur son poitrail pour en peigner l'épaisse fourrure de quelques griffes, avant de glisser sur son ventre qu'il grattouilla distraitement.

« - Cela fait plus de quinze ans que je me suis pleinement tourné sur la voie des soins. Notre maîtrise de l'énergie produite par la trame n'est pas assez satisfaisante pour cela. Surtout à présent que j'ai pu comparer la maîtrise de vos races ! Nous autres révérons les Esprits et je préfère m'appuyer sur leurs Dons et leurs Connaissances pour essayer de parfaire mon expertise en tant que Guérisseur. Je possède déjà la faveur de l'Esprit-lié du... »

L'absence de vocabulaire vint à l'interrompre et il marqua une pause avant de se hisser hors du panier pour aller fouiller dans sa malle où il trouva un ouvrage lourd et épais, à la couverture de bois couverte d'un tissu délicatement peint au titre « Faune et Flore d'Ambarhùna », qu'il feuilleta habilement. Quelques minutes plus tard et il se tournait vers Ivanyr pour désigner une petite illustration sur la page de gauche et qui représentait un raton-laveur bien gras, assis en train de tenir une grappe de baies sauvages. Il avait l'air d'une amphore pelucheuse ainsi dessiné.

« - Je suis sous sa protection, même si cet ouvrage ne lui rend pas réellement honneur ! »

Mitigé, il loucha encore un peu sur le dessin, puis soupira et rangea le livre dans un replis magique de la malle sans fond avant de se lever souplement et de rejoindre le vampire dans le confort et la chaleur des fourrures.

« - Par ses Dons, je peux déjà affiner mes capacités, me rendre plus efficaces. Mon second Esprit est celui de ... »

Il bloqua encore, gronda sourdement et balaya l'air de la main avec agacement. Il n'avait pas envie de se bouger une seconde fois. Tant pis, ils feront sans car de toute façon celui là avait moins de pertinence dans ses explications.

« - Bref... Il m'offre la possibilité de lever des boucliers pour protéger et sécuriser mes soins ainsi que mes patients. Ensuite, j'en suis venu à développer un sort que je tu m'as aidé à peaufiner tout à long de l'année précédente et encore aujourd'hui, d'ailleurs. »

Purnendu eut l'ombre d'un sourire penaud avant d'émettre ce ronronnement à la profondeur soyeuse et caressante, qui semblait effleurer jusqu'à l'âme des gens, chassant la lassitude, les courbatures et des maux bien plus graves et ancrés.

« - Me tourner vers les Dons de l'Hippocampe est une continuité de ce vœux, Ivanyr. Je souhaite pouvoir apporter les meilleurs soins et tu m'as simplement prouvé que les blessures d'un être ne sont pas simplement physiques. Que parfois, les plus terribles sont celles du cœur et de l'esprit. »

Il tendit une main pour lui attraper distraitement une mèche et le laissa continuer de se perdre dans ses pensées. Avait-il simplement entendu ce qu'il lui disait ? Peut-être. Peut-être pas. Son ami avait la capacité fascinante, bien que parfois ennuyeuse, de se plonger dans des méditations ou de s'absenter de son corps pour s'absorber en des considérations qui échappaient totalement au graärh. Patient, il attendit de le voir lui revenir et pencha un peu du chef quand il l'entendit aborder aussi tôt un sujet si délicat. Son museau se plissa légèrement d'inconfort au poids de cette nouvelle bien macabre et il ouvrit de nouveau les bras pour le réceptionner contre son poitrail soyeux et gonflé de fourrure épaisse. Les derniers mots qu'il prononça furent donc quelque peu étouffés, mais l'ouïe fine du félin n'eut aucun mal à en capter chaque syllabe. A son tour, il resta songeur avant qu'il ne soupir et ne vienne cueillir le visage du vampire au creux d'une de ses mains. Le menton contre le coussinet rêche de sa paume, Sa truffe effleurait son nez alors qu'il l'observait en louchant légèrement. Puis, sans prévenir, il déploya sa langue pour lui repeindre une partie du visage et eut un vague sourire alors qu'il le serrait de toutes ses forces contre lui, muscles tremblants sous l'effort avant qu'il ne le relâche complètement froissé et échevelé.

« - Tu as tort. Cette amnésie n'est pas de ton fait, car tu n'es pas Achroma. Vous partagez peut-être un même corps et tu as ses souvenirs enfouis au fond de ton esprit, cependant tu n'es absolument pas lui. Il est mort après tout. »

Il le saisit aux épaules, l'expression grave.

« - Cet homme a baissé les bras. Il a abandonné le combat de sa vie et gaspillé le Don qui lui était fais. Il avait probablement ses raisons, mais en aucun cas tu n'es lié à tout cela. Tu es Ivanyr Vaenya, tu as tes propres aspirations, désirs et dégoûts. Tu es une personne à part entière et si tu ne souhaites pas renouer avec cet homme, celui qui arborait ce visage par le passé, c'est ton droit le plus absolu.
Il serait préférable que tu découvres ce passé pour en ressortir enrichi d'une expérience mise à ta disposition, mais en aucun cas cela doit devenir un fardeau ou pire ; te traîner vers le bas. Alors si tu as confiance en moi et si tu n'as pas confiance en ta capacité à tenir le coup et ne pas céder à la facilité... laisses moi juge de tes souvenirs. Laisses moi voir ces choses à ta place, endurer ce qu'elles peuvent signifier ! Je reviendrai vers toi pour te les conter sommairement, te prévenir de leur danger ou de leur bénéfice et alors tu pourras décider si tu les acceptes ou les réfutes.
 »

Il leva une main pour lui caresser la joue et pressa sa truffe à son front en l’ersatz d'un baiser.

« - Je serais toujours là pour toi. Tant que tu auras besoin de moi, tu me trouveras à tes côtés. Pour moi, tu es de ma tribu, Ivanyr. Si un jour tu estimes pouvoir vivre sans moi, saches que ce sera sans rancœur que j'accueillerai ton départ. Mais jusqu'à ce que ce moment arrive, tu auras toujours une place privilégiée. »

Il s'écarta et le fixa en cillant très légèrement.

« - Je crois que je m'écarte un peu du sujet... Herm. »

La queue du fauve balaya les coussins avec embarras et tapota le sol de son extrémité pelucheuse avec un rythme nerveux.

« - Tout... Tout cela pour dire que tu n'es pas un assassin et que tu ne dois pas te sentir coupable du crime qu'à causé cet Achroma. Tu es TOI, tu n'as pas à payer pour ses fautes. Tu mérites d'être heureux et d'être soulagé de ses fantômes. Que ce soit par l'oublie … ou le renouement, comme avec Aldaron. Il est l'exemple parfait de ce que je te conseille : ne prendre que le meilleur ! »

Il lui fit un clin d’œil et roucoula un rire léger.

descriptionRecoller les morceaux [PV Purnendu] EmptyRe: Recoller les morceaux [PV Purnendu]

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Son regard restait fixé sur lui tandis qu’il parlait, s’abreuvant des mots et de la voix du Graarh comme un assoiffé s’abreuverait à une providentielle oasis. Oui, il avait vu de lui-même que les natifs de l’archipel n’avaient pas autant d’affinités avec la magie que les nouveaux arrivants, et Purnendu l’avait éduqué dans la liturgie des Esprits-liés et de leurs pouvoirs. En un sens, il estimait que la façon dont les félins se comportaient était plus saine que la leur, plus juste. La magie se teintait selon l’utilisation qu’en faisait l’utilisateur, elle n’était ni bonne ni mauvaise, mais, surtout, elle ne tenait aucun compte d’eux, finalement. Il n’y avait rien d’autre qu’un puit d’énorme potentiel donc chacun usait selon son expertise. Les Esprits-liés accordaient leurs pouvoirs en fonction du caractère profond d’une personne et ne se trompaient pas. Avec eux, les limites étaient claires. Un instant distrait, il revint à lui pour constater l’animal indiqué et eu l’ombre d’une mimique attendrie en soufflant pour le guérisseur le nom que son esprit avait dans la langue commune. Du peu que Purnendu lui expliqua du second, le vampire pu également lui donner son appellation. Intérieurement, il ne faisait que confirmer son point de vue devant la justesse de ces élections. Parler de ces choses lui changeait un peu les idées, et pourtant ils en revinrent immanquablement à de plus sombres considérations. Comme une marée, un mascaret, il en revenait toujours à ce souvenir qui s’était réveillé. On aurait dit une forme terrifiante de torture. Comme si une main invisible attendait spécifiquement qu’il commence à se détendre, se détourner, pour le ramener devant cet autel à la violence et à la souffrance. Et… ce n’était pas juste.

Attrapé par le Graarh, il releva le regard en fronçant les sourcils, attendant vaguement de savoir ce qui lui valait cette prise et il grimaça et protesta avec virulence en se débattant pour s’essuyer le visage du trait de bave tiède qu’on venait de lui peindre. Serré dans les bras du guérisseur, il continuait de râler et de protester contre le traitement qu’on venait de lui faire subir. Quand enfin on lui rendit sa liberté, il décocha un coup d’œil revêche sur le félin et entreprit de se nettoyer et de se peigner de nouveau, grommelant sourdement avec mauvaise humeur. Est-ce qu’on ne l’avait pas déjà assez secoué et outragé comme ça ? Est-ce qu’il pouvait avoir du calme et un peu de dignité à un moment ou un autre ? Il écouta de mauvaise grâce et ce ne fut que lentement que son visage se détendit pour retrouver une certaine tranquillité, bien qu’une lueur méchante continuât de couver au fond de ses prunelles.

« Je ne sais pas, Purnendu. Peut-être »

Ce n’était pas qu’il ne lui faisait pas confiance, c’était surtout que pour le moment ? Tout cela était flou. Il ne savait comment il pouvait retrouver ses souvenirs, comment cela se passerait. Si Purnendu obtenait cet Esprit, il pourrait certainement les invoquer, mais n’avaient-ils pas dit qu’il valait mieux laisser venir naturellement ? Aurait-il le temps et les moyens de prévenir le félin, si cela arrivait ? Tout cela, ils ne pourraient le savoir que lorsque cela arriverait, hélas, car il ne voyait aucun précédent sur lequel s’appuyer. C’était angoissant, mais il avait supporté ses crises depuis son éveil alors il pouvait bien réussir à supporter cela, au moins le temps d’être fixé. Ce qu’il découvrait, qu’il imaginait au travers du voile était un univers horrifique, tel qu’Aldaron le lui avait décrit, mais malgré la peur et la répugnance, malgré cette révélation qui le glaçait encore ? Il avait envie de savoir.

Il voulait savoir, aussi terrible que ce soit, pourquoi il s’était ôté la vie. Pourquoi Achroma s’était ôté la vie.

« Tu… »

Le vampire soupira doucement, et vint lui étreindre le cou, doucement, mettant de côté sa mauvaise humeur, autant que ses inquiétudes. Elles restaient là, en lui, sourdes, mais elles étaient silencieuses au reste du monde. Jusqu’à ce qu’il en décide autrement.

« Tu n’es pas ma béquille. Même si je m’appuis sur toi quand je suis faible, je ne te vois pas comme une béquille, je ne vois pas ma relation avec toi basée sur un besoin. J’aime ta présence, tu es mon ami et tu m’es très cher. Cela va bien au-delà des soins que tu m’apportes »

Il avait une place particulière pour lui, comme Aldaron, différent d’Aldaron, mais importante pour lui. Sa présence l’avait énormément aidé et il se sentait bien auprès de lui. L’abandonner ne figurait absolument pas au rayon des options qu’il soupesait. Il ne l’imaginait même pas.

« Tu es aussi ma famille maintenant. Ma tribu, si tu veux. J’ai commencé à découvrir ce monde avec toi, j’aimerais continuer de le faire dans la mesure de nos moyens. Je n’ai presque rien vu de Calastin, et rien des autres îles. Et… peut-être que mes souvenirs reviendront si je voyage ? Si je reste dans un lieu qui ne m’évoque plus rien, où j’ai tout retrouvé, je ne risque pas d’avancer. Je pense qu’Aldaron pourrait comprendre. Qu’en penses-tu ? Pour toi aussi, ce serait l’occasion d’observer le reste des nouveaux venus non ? Et peut-être qu’ailleurs ils risquent moins de se taper dessus »

Il s’allongea contre le félin, se nichant dans les longs poils avec un soupire, enfouissant les mains dans la fourrure.

« Je suis épuisé… tu… veux bien ronronner encore pour moi ? »

Un faible sourire taquin lui étira les lèvres.

« Ce serait l’occasion de t’entraîner davantage… »

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Entre le savoir et se l'entendre dire, il y avait un véritable gouffre. Ainsi, aux paroles du vampire, les oreilles de Purnendu tiquèrent avant de se coucher lentement vers l'arrière tandis que la fourrure de son dos se hérissait et que sa queue doublait de volume. Les frissons continuèrent de se succéder, faisant sautiller sa peau par vagues avant qu'il ne ferme doucement les yeux et n'essaie de se calmer. Il avait envie de lui sauter dessus, de mordre sa nuque avant de le renverser, puis de bondir hors d'atteinte et de courir en long et en large comme un chaton avec ses quarts d'heure de folie. C'était complètement stupide de se mettre dans de tels états pour une déclaration aussi évidente. Bien sûr qu'Ivanyr le voyait aussi comme un membre de sa tribu ! Il lui avait déjà fais un aveux similaire lorsqu'ils étaient encore à Nyn-Tiamat. Alors pourquoi ? Peut-être avait-il été inquiet pendant tout ce temps, sans jamais se l'avouer. Peut-être s'était-il senti menacé par Caladon et plus précisément Aldaron. Sa race était particulièrement possessive, que ce soit en terme de territoire que d'appartenance. N'avaient-ils pas déjà tout abandonné par le passé, continuant encore aujourd'hui à payer les fautes de leurs ancêtres !? Pourquoi devrait-il continuer maintenant ?

« - Très bien, j'ai compris. Je ne dirais plus une chose pareille, alors apaises-toi. »

Il éleva une main pour lui caresser le visage du revers de ses doigts, veillant à ne pas l'écorcher de ses longues griffes courbes. Ses yeux le fixaient avec intensité, ne réalisant pas combien ses pupilles étaient dilatées. Il se gorgea de sa vue, grava pour la millième fois les traits de son visage en sa mémoire infaillible sans jamais se lasser du spectacle. Il avait déjà perdu toute sa tribu d'origine, il ne lui restait qu'Ivanyr... et si pour le garder, il devait aussi accepter l'elfe, alors il n'y avait rien à perdre à fournir cet effort. Il avait confiance dans le jugement de son ami puisqu'il était lui-même le fruit de ses décisions quant à son entourage. Lorsqu'il le vit bouger, il vint l'accueillir sans une once d'hésitation entre ses bras et frissonna à la sensation des doigts glissés dans sa fourrure. Avec un gros soupir d'aise, le fauve s'installa de nouveau confortablement et emporta avec lui son ami.

« - Nous voyagerons, Ivanyr. D'abord, nous repartirons à Nyn-Tiamat et nous verrons s'il est possible d'aménager notre plateau ? S'il y a une source d'eau, il ne sera pas impossible d'y établir une habitation... et nous montrerons à ton elfe les beautés de notre île natale avant de passer aux autres. »

Car il s'agissait bien de leur île natale ! Lui y était littéralement né, mais Ivanyr aussi en un sens ; après tout, il avait tout découvert de la vie et de sa personnalité là-bas. Museau levé vers le plafond, il commença à émettre son profond ronronnement thérapeutique sans plus attendre, désireux d'aider par tous les moyens son compagnon de route. La remarque, cependant, vint l'interrompre et il abaissa sa truffe vers l'impudent qu'il fixa avec un air totalement narquois. Son museau était, de ce fait, totalement noyé dans sa collerette angora et il n'en ressortait donc que le haut de son visage aux oreilles bien dressées, interloquées.

« - Et ça se dit ne pas vouloir m'utiliser, hein ? »

Il lui mit une pichenette sur le front, faussement vexé et dramatique.

« - Je vois... Plutôt que ta béquille, ne serais-je pas au final ton coussin attitré ? »

Narquois, il ourla ses babines d'un sourire amusé avant qu'il ne grogne un peu et ne l'enserre davantage pour l'étouffer dans ses poils. Du moins, aurait-il dû subir pareil courroux si seulement il avait encore l'utilité à ses voies respiratoires. Cessant de le punir d'une mort par trop plein de douceur et de moelleux, Purnendu le relâcha pour qu'il puisse s'installer à son aise et, lorsque ce fut fait, lui frotta lentement le dos de bas en haut alors qu'il recommençait sa séance de ronronthérapie.

« - J'aimerai que tu médites, si tu y arrives bien entendu. Lorsque tu seras profondément plongé dans ta transe, je sortirai un instant pour m'entretenir avec ton elfe. Ne sois pas surpris si en te réveillant je ne suis pas encore rentré... je vais demander à ta sœur de te veiller et de ne laisser personne entrer. Je ne devrais pas en avoir pour longtemps, attend moi bien sagement. Mh ? »

Il avait une confiance totale dans la femelle vampire, sachant combien elle ferait tout en son pouvoir pour protéger Ivanyr et préserver l'équilibre de ses souvenirs. Se taisant de façon définitive, il continua son profond ronronnement et appela à lui les dons du raton-laveur afin que l'inconfort physique disparaisse tant qu'il laissait ses grandes pattes massait le dos et les épaules du vampire. Lui-même finit par tomber dans une petite somnolence, grappillant quelques heures d'un repos bien mérité avant qu'il ne laisse lentement refluer sa magie lorsqu'il sentit son ami plongé dans une profonde transe. Avec mille précautions, il se glissa hors de la couchette et vint couvrir le corps pâle de plusieurs couches de fourrures afin de le garder au chaud et dans son odeur. Accroupit, il le couva d'un long regard avant de finalement partir se brosser la fourrure, ajuster sa tenue pour ne pas avoir l'air totalement débraillé, puis émergea de sa tente avec résolution. Il lui fallait trouver ce maudit Bourgmestre et s'expliquer !

Usant tout d'abord de son flair pour tracer la piste de Cymorill et la trouva sans beaucoup de difficulté. Il la salua avec respect et lui soumit sa faveur qu'elle accepta sans se faire prier une seconde fois. Ensemble, ils gagnèrent la tente de l'herboriste qui profita de cette petite marche pour exposer à la femelle son rapport sur l'état d'Ivanyr. Il insista bien quant au fait de le laisser dormir et de que personne ne devait le déranger. Ayant été nourrit récemment, il lui fallait que du calme et du confort afin de reconstruire sa volonté et ses défenses mentales. Il demanda aussi à la vampire de convaincre son frère de ne pas se plier à ses fonctions de gardeo u de tout autre de ses engagements avant au moins quelques jours. Une fois assuré qu'elle ait tout noté et n'ait plus de questions à lui soumettre, Purnendu prit congé et se dirigea vers la tente du maître temporaire des lieux. A mesure qu'il approchait, sa fourrure gonflait et son esprit-lié de l'Hippopotame rendait sa silhouette encore plus impressionnante...

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