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descriptionÀ toutes celles qui ont fait de leurs corps un champ de bataille. - Autone. EmptyÀ toutes celles qui ont fait de leurs corps un champ de bataille. - Autone.

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Onze novembre, au soir.

Elle était sortie de sa tente prise de ses vertiges et nausées habituelles, elle levait les yeux en direction du ciel étoilé, il n'y avait pas un souffle de vent, il faisait nuit et cette vision de l'immensité céleste lui donnait encore plus le tournis, il n'y avait pas un nuage à l'horizon et fouler la terre et l'herbe de ses pieds nus était presque une bénédiction. Il n'y avait pas une présence à l'horizon et ce n'était pas plus mal elle n'avait pas envie de croiser qui que ce soit, il s'agissait d'une nuit propice à la solitude et aux états d'âme. Elle était si fragile en ce moment, était-ce la proposition d'Aldaron qui avait ébranler son esprit ? L'absence de son âme sœur à ses côtés ? Le fait que depuis qu'elle vivait de nouveau elle avait manqué tant de fois de mourir ? Quelque chose s'était brisé en elle, et recoller les morceaux sera particulièrement difficile.

Sa robe noire aux reflets bruns et chaud traînait dans l'herbe, dévoilant bien plus de peau que ce que la décence tolérait en temps habituel, malgré la fraîcheur de la nuit, mais n'était-elle pas une courtisane ? Tout lui rappelait cette ancienne existence, ses tenues, ses fards, ses fréquentations, les fines cicatrices pâles sur son dos qui étaient dévoilées par sa tenue légère. Elle faillit se plonger dans ses pensées nébuleuses quand un croassement la tirait de ces dernières, elle levait les yeux vers la source du bruit et reconnu facilement Ombre, la vielle corneille du comte, suivie de peu par Funeste, sa propre corneille, un mâle. Elle se posait une seconde la question de comment cette bête au mauvais caractère pouvait être aussi vieille, puis elle comprenait que l'animal avait un message pour elle. Elle attrapait difficilement la note, non sans se faire pincer une ou deux fois.

Sintharia lisait rapidement le message et son cœur s'emballait, elle était toujours dans l'attente d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle, tout un avenir pouvait s'écrire ou se détruire en quelques lignes, sur ce simple bout de papier. Les nouvelles étaient bonnes, sans doute, rejoindrait-il d'ici peu les lieux de la catastrophe et là, ils pourraient enfin se revoir, il semblait que des grandes choses allassent s'écrire autour de ce cratère, une lutte politique se dessinait-elle à l'horizon ?

Elle levait brusquement les yeux de l'herbe en entendant quelqu'un s'approcher, tâchant de remettre en ordre sa tenue, l'air vaguement gênée, voulant néanmoins se montrer plutôt polie. Bonsoir. Puis s'inclinait poliment, comme elle ignorait la personne à qui elle avait affaire, avant de lever les yeux vers cette dernière.

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Les paupières s’ouvraient lentement et se fermaient sans qu’elle ne s’éveille réellement. Coincée dans un demi sommeil, sans sens de la réalité.
Elle prenait conscience d’elle-même dans la cuisine d’une maison modeste. Autone glissa les doigts sur la table qui avait témoignés des crises les plus colériques de son père et apercevait du coin de l’œil l’espace entre le comptoir et le mur où elle avait fait ses premiers pas de valse. La veuve baissa les yeux sur des habits bien plus modestes que ce à quoi elle était habituée à présent. Une partie de sa tête se demandait pourquoi elle était ici, après tout ce qui était arrivé. Mais une voix l’emportait sur cette conscience du passé et de la réalité, une voix la rassurait de ne pas penser à ça, qu’elle était ici, avec son père depuis qu’ils s’étaient réconciliés. Elle le visitait, tout simplement. Elle avait accepté, finalement, de revenir à la maison et de marier cet homme que son père lui avait déniché.

Il entra. Il s’assied. Elle s’assied. Tout était si mécanique et froid pourtant il souriait. Il semblait si normal, et si sombre à la fois.

« Je suis désolé pour ta mère. »

C’est à ce moment qu’elle comprit que l’homme avait commencé à parler depuis un moment. Les mots s’enfilaient sans vraiment qu’elle y fasse attention et ils étaient…flous.

« Maman? »


Tout se figea sans réellement être clair, elle retint ces mots qui s’écrivaient à l’encre blanche dans l’obscurité de son esprit.

« Je suis désolé pour ta mère. »

Les paupières s’ouvrirent doucement. Non. Elle refusait. Son désir de sommeil vaincu la peur, elle sombra.
« Maman… »
soufflait Autone de sa voix réelle.

Un bateau immense parcourait une rivière le long de récoltes souillées de sang. Il était là, entre les choses brûlées et grises. Entre les choses dorées et vertes.

Ce n’était pas le chemin qu’elle avait choisi.

Le rouge et l’or tournèrent avec le ciel, tout se changea en gris. Elle sentit un mouvement la faire reculer. Ses bras, la tiraient en arrière, elle obéissait, fermait les yeux, s’asseyait. Une sensation froide prit ses poignets. Non, ce n’était pas froid, mais elle était convaincue que ça l’était. Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle était sur un lit, entre quatre murs gris, blancs, bruns. Les couleurs de ce qui est sale. Quelque chose qui a probablement déjà été blanc. Quelque chose qui avait perdu sa pureté parce que personne n’y avait fait attention. Personne ne l’avait reconstruit quand on l’avait souillé. Elle tenta de se lever, avant de remarquer les chaines autour de ses poignets. Non, des chaines, il n’y en avait jamais eu. Alors qu’elle se mit à inspecter ses fers, elle entendit la porte s’ouvrir. Autone tourna la tête et croisa le regard clair. Tellement pâle.
Elle restait immobile, comme si elle n’avait plus peur de ce qui l’avait tué déjà cent fois.


« Éveille-toi. Maintenant. »
ordonna la voix en elle. La sienne. Elle se sentit pousser son corps vers l’avant et forcer ses yeux à s’ouvrir. Se faisant violence, elle s’assied dans son lit, halletante. Elle était dans sa tente, celle à Cordont. Elle était conseillère de Caladon. Elle était Autone Falkire.

Sentant la fatigue assommer son corps, la veuve se leva comme elle s’était éveillée, brusquement. Elle attrapa la ceinture sur laquelle était toujours accrochée son arme et la bourse dans laquelle elle gardait quelques tours.

Elle sortit rapidement et ne se retourna que pour s’adresser à ses gardes.
« Laissez moi seule. C’est un ordre. »


Elle accepterait qu’on la suive de loin, mais serait exigeante sur son intimité.
« Vingt mètres. »
prononça-t-elle simplement. Elle n’avait pas besoin d’aide, elle savait se défendre. Elle partit pieds nus vers ce qui lui rappelait ses racines. Pourquoi sa conscience tentait-elle de lui faire choisir ce qu’elle aurait préféré des deux pires situations? Cela ne changerait jamais, elle avait choisi son chemin, elle avait terminé cette route. Pourquoi les yeux de cet inconnu la hantaient à nouveau?

Elle commençait à respirer quand elle croisa une âme semblable à la sienne, en quête de solitude. Autone rougit, sans que ce soit possible à voir dans l’obscurité. Elle réalisait que tout ce qu’elle portait était ses vêtements de nuit. Ils étaient aussi décents que ses robes habituelles, mais elle ne savait jamais sur quelle personne conservatrice elle pouvait tomber.

La veuve cligna des yeux lorsqu’elle fut saluée. Pour une raison étrange, elle ne s’y attendait pas. Peut-être était-elle encore étourdie par ses rêves.
« Bon…soir… »
prononça-t-elle un peu troublée. Elle croisa les yeux de la dame, se rappelant de son rêve, un moment. Était-ce qui avait provoqué ces cauchemars? Cette jeune fille qu’elle avait déjà tenté de recruter à Gloria. Ne serait-ce que pour lui offrir un toit. Maintenant elle avait peur. Elle l'avait vu et évité jusqu'à maintenant. Et si quelqu’un décidait de souiller sa réputation?

Si c’était l’intention de cette femme, Autone en aurait déjà entendu parler. Ou peut-être n’avait-elle aucun intérêt à le faire maintenant. C’était une arme qu’elle pouvait utiliser lorsque l’occasion se présenterait.

Autone sentit son cœur s’accélérer avant de remarquer que sa respiration l’imitait, elle se retourna et fit quelques pas pour tenter de se contenir. C’était cela, sa faiblesse, alors? La chose qu’elle ne parvenait pas à cacher. Si c'était le cas, elle devait s'en débarasser.

Peut-être ne se souvenait-elle simplement pas.
La Falkire se retourna, comme si rien ne s’était passée.
« C’est dangereux de rester seule à cette heure. »  


Disait celle qui avait interdit à ses gardes de l’accompagner. Elle ne soulignait pas sa propre ironie et soupirait devant cette solitude à l’air frais qu’elle avait manqué.


« Vous n’avez pas vieilli, mais vous semblez en bien meilleur état. Les années ont-elles été clémentes? »
Elle se retourna, observant son visage, sa peau pâle, ses cheveux sombres qu’elle avait remarqués, à l’époque, puisque ses yeux clairs créaient un contraste. Un sourire pâle, mais maternel toisa l’immaculée.  
« Quoi qu’il en soit, nous sommes toutes deux trop troublées pour dormir. Parfois, je me demande si c’est une punition qui nous est commune. »  
Elle soupira, dans un sourire mélancolique.

Autone laissa son regard vagabonder sur les étoiles. Elle repensait à ce bateau qu’elle avait vu. Elle repensait à sa mère. Cela tombait sous le sens. Sa colère a probablement dépassé sa raison, à un moment ou un autre.
« Auriez vous un peu de sagesse à me prêter? »  
souffla-t-elle sans quitter le ciel des yeux.
« Quelle est la pire situation, à votre sens? Une vie en déséquilibre entre la douleur vive et des années de bonheur interrompues ... Ou une vie de monotonie sans vraiment de douleur et... sans joie véritable. »  
Cela ne changerait rien de savoir. Pourquoi se torturait-elle à le demander.
« Je crois que ma conscience exige une réponse. »  

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Sintharia fut surprise de tomber sur une femme, au visage si doux et à l’attitude si prévenante, dans ce genre de camps il y avait peu de place pour une apparition si délicate et féminine. Elle mettait de côté la note qu’elle aurait aimé adresser à l’homme qui occupait son cœur, ainsi que celle pour son géniteur. Les oiseaux eux s'envolèrent d'un battement d'aile silencieux, attendant d'être rappelés au moment opportun.

Pourtant, nous entrons dans l’heure des femmes, tout est silencieux, qu’est-ce qu’il pourrait se produire, madame ? La voix de l’immaculée s’éclipsait dans un souffle poli, un sourire mystérieux se dessinait sur ses fines lèvres. Il n’y avait cependant aucune trace de naïveté dans la voix de la présence lunaire, il y avait seulement le ton de celle qui sait, celle qui sait les choses qui se passent la nuit.

Toutes les heures nocturnes appartenaient aux femmes, l’amour s’y trouvait, leurs malheureux aussi, mais aussi la vie. Pour certaines, c’était le début du travail pour d’autres la fin. Et tout recommençait chaque nuit comme depuis des siècles, et elle ne croyait pas que ça puisse changer un jour.

Elle analysait rapidement les mots de son aînée, elle mentionnait qu’elle n’avait pas vieilli, sans doute quelqu’un qui l’avait connu de son vivant ? Peut-être, elle choisissait ses mots avec attention avant de répondre, avec grand calme et une certaine sérénité. Elle jetait un rapide coup d’œil à sa propre tenue, la soie brodée d’or, mais dont la coupe évoquait toujours son ancienne profession.

J’ai échappé au pire. D’autres n’ont pas eu cette chance.

Finalement, elle avait évité de peu le massacre que représentaient les maisons d’abattage, ces maisons dans les tréfonds des bas quartiers où finissait par se retrouver toute dame de plaisir qui n’avait pas réussit à épouser un client, à monter en grade dans le bordel ou tout simplement la maladie. Des lieux sordides dans lesquels les femmes pouvaient faire plus de cinquante passes par jour, ou les traitements étaient aussi inhumains que les conditions de vie. Pour quelques pièces, la morbidité la plus totale. Pour quelqu’un qui touchait de près ou de loin le milieu, le pire était facile à deviner.

Le sort des femmes ne valait guère mieux que celui des bêtes, elle repensait au sort des chevaux pas assez bon pour finir à la cavalerie ou trop abîmés pour servir à tracter, ceux-là finissaient dans les moulins, et ceux qui n’avait plus la force finissait dans les marais, s’ils étaient en trop mauvais état pour être débité. Finissant par mourir de maladie ou vidée de toute leur substance. Animaux ou femmes le combat était similaire, mais aucun ne pouvait en sortir indemne, c’était le prix pour survivre à cet enfer. Le plus vieux métier du monde.

Néanmoins, la franchise était la clé de toute relation, et elle devait avouer qu’elle ne connaissait pas cette femme même en la fixant intensément de ses yeux à l’aspect lunaire, un regard perçant que certains qualifiaient comme une épée qui transperçait l’âme de ceux qu’elle observait, comme si elle était capable de voir ce qu’il se cachait au plus profond des hommes.. Et des femmes.

Je n’ai pas de souvenir vous concernant, vous êtes ? Il y avait toujours cette politesse, et elle baissait les yeux réfléchissant aux mots de son interlocutrice, elle avait cette retenue et cette soumission propre aux femmes qui ont longtemps vécu dans l’ombre des hommes. Je pourrais tâcher de vous guider, et nous pourrions aussi parler de ce qui nous unissait autrefois.

Elle avait senti la gêne de celle qui serait sa compagne nocturne, néanmoins elle préférait en faire abstraction, préférant adopter une posture familière et réconfortante. Elle lui offrait volontiers son bras, si elle acceptait.

Je pense que tout dépend de la vision de chacun, de ses ambitions, de ses désirs. Pour ma part je ne pourrais concevoir une vie monotone, ou serait le doux bruit de fond qui berce notre existence sans le plaisir de vivre ? Autant mourir. Et s'il faut consentir à quelques sacrifices pour continuer à vivre, je serrais prête à le faire. Bien que les années n'avait pas eu d'effet sur elle, se beauté s'en retrouvait sublimée, encore plus une nuit comme celle-ci, elle avait toujours ce visage d'enfant que les fards ne sauraient effacer. Elle s'exprimait d'une manière qui ne seyait pas à ce fait. Il faut savoir écouter son cœur, et surtout, ne pas se contenter de subir sa vie.

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Autone tourna la tête pour apercevoir ce sourire qui la dissuadait de répondre. Toutes deux savaient, ce qui pouvait arriver et elles étaient de celles qui pouvaient engendrer le genre de catastrophes que les gens craignaient, la nuit. La conseillère était la première à répondre qu’elle savait se défendre lorsqu’on la mettait en garde de l’obscurité. La veuve était loin d’être sans défenses.

Elle baissa les yeux en entendant la deuxième réponse, comme si elle se reconnaissait dans ces autres. Elle ne s’était pas retrouvée là pour les mêmes raisons que celles qu’elle avait vu disparaître. Certaines qu’Autone avait ramené des bas-fonds pour leur offrir une deuxième chance. Elle se souvenait souvent des filles trop jeunes qu’elle recrutait à s’occuper des enfants et à entretenir la maison, pour leur éviter un futur trop sombre. Elle se demandait souvent ce qui était advenu de toutes ces filles qui n’avaient rien que leur jeunesse. Était-ce de la chance que de s’être mariée dans la noblesse?

Alors la jeune fille ne se souvenait plus. Autone rougit, elle avait envie de se cacher maintenant. C’était dit, il n’y avait plus de retour possible, autant occuper sa nuit à défaut de trouver sommeil. La veuve sentait l’angoisse lui monter au cœur et aux joues.

« Mon nom est Autone Falkire, je suis conseillère de Caladon et… marchande. »
C’est ce qu’elle avait fait dans les dernières années, bien qu’il ne s’agît plus de son occupation principale puisque son travail et sa famille lui demandaient du temps. « Je ne pourrais pas m’y faire non plus. Je crois que c’est ce qui a guidé mes décisions jusqu’à maintenant. » Ce qu’elle avait dit l’avait réconforté dans ses choix, peut-être lui répondait-elle simplement ce qu’elle voulait entendre. Les sacrifices qu’elle avait faits impliquaient d’avoir subi, sa vie et les envies des autres. Elle avait servi comme une poupée les intérêts des autres et maintenant, elle montait dans les échelons en voyant ses anciens ennemis disparaître.

« Où me guideriez-vous ? » Souffla-t-elle doucement en tendant sa main vers le bras qui lui était offert. Elle était plus habituée que les hommes aient ces manières avec elle, mais cela semblait naturel. Un sourire en coin, Autone échappa un ricanement subtil et espiègle. « Ou peut-être est-ce une surprise? Si vous savez comment l’on me surnomme, vous saurez comment m’impressionner. »

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L'immaculée posait ses yeux d'argent sur la femme qui se trouvait devant elle, scrutant et analysant une nouvelle fois ce qu'elle avait sous les yeux, écoutant avec attention le nom, dont elle n'avait entendu que des bribes, rien qui aurait pu l'intéresser, pour l'heure elle préférait s'accrocher à des poissons plus faciles à séduire, mais la femme avait un parfum de danger, comme toute apparition nocturne, elle laissait glisser un regard plus direct sur la conseillère, elle aurait aimé savoir ce qui troublait cette personne au point de l'empêcher de dormir, même si c'était certainement de la curiosité mal placée.

Malheureusement je ne saurais que vous conduire en lieu connu. Néanmoins, je peux vous montrer quelque chose d'unique. Elle prenait presque galamment le bras de son aîné et rapidement ses pas les conduisirent hors du campement, elle se sentait soudainement très libre, en réalité elle avait besoin de s'en échapper le plus souvent possible, pour ainsi dire la jeune femme asphyxiait.

Elle la conduisit au bord du gouffre, ce dernier happait l'air, tel un monstre sommeillant, mais ce n'était que l'appel d'air provoquer par les cavernes, qui peut-être étaient plus grandes que le simple trou béant, qui n'était rien de plus qu'une plaie dévoilant le cœur même de Calastin, et peut-être que cette nuit la plaie s'élargirait encore d'avantage, dévorant toute l'île et peut-être d'avantage.

La courtisane s'asseyait au bord, sur une grosse pierre, ses pieds nus dans le vide, elle admirait les reflets de la lune, haute dans le ciel, faire briller le fond du puits que des milliers de pièces d'argent, puis un cri lui faisait lever les yeux, on aurait dit le cri d'un aigle, mais en beaucoup plus imposant, et en effet la créature l'était, elle faisait la taille d'un destrier, possédait des plumes et une fourrure rousse tirant vers le doré, il dansait dans les vents ascendants et descendants, comme s'ils n'étaient rien, il poussait un deuxième cri. Une créature unique, qui n'avait jamais été observée auparavant, hormis dans quelques légendes graarh de moindres importances.

Le voilà, toujours à la même heure. Elle se levait époussetant rapidement sa robe en soie, l'appelant par trois fois, la première fois, il tourna sa tête dans la direction de la jeune femme, la semaine, il poussa à nouveau un cri, la troisième, il repliait ses ailes et plongeait dans leur direction. La fille de nuit s'inclinait poliment devant le noble animal, à la fois oiseau et lion. Qui jetait des œillades inquiètes dans la direction de l'inconnue, les plus hérissés, paraissant quelque peu agité. Il était bien plus impressionnant qu'un cheval et aurait pu facilement réduire n charpie n'importe quel humain à l'aide de ses serres et de son bec acérés. Ne crains rien, fier fils du vent c'est une amie. Le griffon émit un roucoulement, tout en clignant des yeux, il semblait avoir compris.

Exotique, fier, sauvage et libre. Quelques mots qui résumaient parfaitement ce qu'était la créature et sa dompteuse. Il y avait forcément un secret : la créature n'avait aucune raison d'offrir sa confiance à un bipède. Par ce fait, elle espérait au moins apprendre quelque chose à son invitée nocturne.

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Aucune réaction à l’ouïe de son nom, Autone se sentit un peu soulagée. Qui n’avait rien entendu sur elle n’avait pas entendu le pire. Cette indifférence lui faisait du bien, même si elle la déstabilisait. Depuis des mois qu’elle était habituée que tous connaissaient son nom, son visage et surtout sa stature. La petite femme au verbe acéré, disait-on. Se faire aimer par les uns, c’est se faire haïr par les autres, c’était inévitable dans son métier.

La conseillère suivit la dame, un peu inquiète à présent qu’elle voyait là où elle l’emmenait. Cette femme qui était inhabituelle lui rappelait un peu des années où elle était aussi lointaine. Elle fixa, debout, la femme assise et l’immense ouverture dans la terre. On ne réalisait pas vraiment l’existence d’une catastrophe avant de la voir devant ses yeux, tout près de ses pieds comme prête à se dérober. La veuve se voyait tomber dans se gouffre, avec tous ses souvenirs et ses cauchemars. Combien de fois avait-elle contemplé la tentation de tout enterrer et de ne rien laisser derrière?

La veuve des rivières ouvrit les lèvres pour poser une question quand elle entendit le cri retentir derrière elle. La petite dame se retourna, murmurant le nom du Dracos en restant parfaitement immobile devant l’atterrissage impressionnant. Elle le regarda en cillant, sans tenter de fuir, comme stupéfaite. Son regard dansa sur les plumes et sur les formes. Le bec, les pattes, les ailes. Elle ne tourna que légèrement la tête vers l’inconnue pour lui porter un regard interrogatif, ses sourcils se redressant de leur éternelle volonté propre. Le regard doré se posa à nouveau sur la bête, devant laquelle Autone fit une révérence, comme celles qu’on faisait devant un noble ou un roi, sans toutefois tirer sur la jupe de sa robe. Elle s’inclinait simplement bassement, seule parcelle de son éducation à laquelle elle pouvait s’accrocher à ce moment-là. Personne n’expliquait jamais comment réagir devant un griffon.

« Il…Il est votre compagnon? Ou… »
Elle sembla confuse, avant de se taire pour observer calmement l’animal. Elle aurait aimé avoir des pigments et un canevas. Ou bien de fusain. Mais la veuve avait l’impression qu’elle ne pourrait pas lui rendre justice. « Ou votre ami? » Souffla-t-elle sans détacher son regard, où brillait sa passion pour le beau, du grand oiseau.

Autone baissa les yeux, cette dame était devenue quelqu’un d’autre, un peu comme elle, avait complètement changé de vie. « Nous ne sommes plus rien de ce que nous étions … J’imagine que comme moi, vous avez changé votre nom. »
Elles étaient devenues plus fortes et plus puissantes, distinctement de manières différentes.

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Bien entendu qu'elle connaissait ce nom, mais il n'était rattaché à aucun souvenir particulier, elle le connaissait uniquement parce qu'il s'agissait d'une personne importante. Mais elle n'en savait guère plus. Même si la curiosité brûlait en elle. Elle désirait tant en apprendre d'avantage ! Mais cela aurait été inconvenant de demander d'avantage d'information, après tout les deux femmes ne se connaissaient pas spécialement.

L'on peut dire que c'est un compagnon, presque un amant peut-être. Le terme n'était pas mal choisi, il avait été un allié de poids qui l'avait épauler dans bon nombre de situations, et même quand elle était tombée à la mer, il avait tenté de l'attraper, elle avait bien cru le perdre. Il avait été prêt à se briser sur les rochers battus par les marées pour lui sauver la vie. Aucun de ses amants n'aurait jamais pris autant de risque pour sauver sa vie. Un ami aussi. Mais elle n'oubliait pas l'imposture qu'était leur lien. Puisque s'il lui était si fidèle, c'était parce qu'elle lui avait volé quelque chose de précieux, pas vital mais précieux, une simple plume de sa tête en guise de trophée qui avait rendu la bête docile.

Si vous désirez le voir, il vient tous les soirs autour de cette heure-ci pour se laisser porter par les vents emmenant du gouffre. Fafnir était un esprit de l'air, libre et indomptable, il faisait toujours à son idée et s'il y avait bien quelque chose qu'il aimait faire par-dessus tout, c'était bien voler. Il ne s'en lasserait jamais et elle ne pouvait le priver de cette liberté, qu'elle-même désirait tant. Elle avait dit cette indication tout en grattant énergiquement entre les deux oreilles du fils du vent.

Elle portait de nouveau son attention sur la femme, l'hybride suivait de ses yeux ambrés les mouvements de l'immaculée, rapidement, en voyant qu'il n'y avait plus besoin de lui, il s'approchait du gouffre et reprenait son envol presque paresseusement dans un cri puissant.

Je suis toujours Sintharia. C'était bien la seule chose qui n'avait pas changer ou du moins, c'était ce qu'elle croyait, un simple nom pour se souvenir de son ancienne vie. Et je ne suis qu'une simple courtisane, hélas. Ma vie n'a pas grand chose de passionnant, hélas. Finalement elle accomplissait juste un autre service de nuit, pour la noblesse plutôt que pour le peuple.

Peut-être que vous en sachez plus sur moi que moi-même. Ma vie n'a commencé qu'il y a cinq ans. Une manière bien délicate de dire qu'en quelque sorte, elle avait perdu la mémoire, et il n'y avait pas tant de possibilités, traumatisme, blessure ou.. Vampirisme. La conseillère n'était pas stupide, elle comprendrait facilement.. Elle avait dit cinq ans, Gloria sous la théocratie n'était délicate pour personne et certainement pas pour les prostituées.

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Un amant, Autone rougit à cette manière étrange de le décrire. Elle regarda l’oiseau s’envoler en levant la tête, suivant des yeux son ascension avant de rediriger ses prunelles dorées vers l’immaculée. « J’espère que ce rodage nocturne ne devienne pas une habitude. J’imagine…que je retrouverai le sommeil. C’est étrange d’être loin de sa maison. Loin des personnes qui nous rassurent toujours quand on n’a pas sommeil. Ou qui nous réchauffent lorsqu’il fait trop froid. »   Sa voix se brisa dans un murmure, elle pensa à Satie, à Odélie qui parfois se glissait dans son lit. Elle pensa à Matis qui l’empêchait toujours de continuer les rêves qui la faisaient hurler. Matis qui avait remarqué son sommeil agité sans rien dire et en comprenant tout. La veuve se retint de baisser la tête et de laisser ses pensées vagabonder dans le trop obscur. Elle se rattacha à la voix de la dame aux cheveux sombres et lui adressa un sourire triste de compassion. Elle comprit par accumulation que la courtisane fût vampirisée, mais ne fit pas de commentaire. Ce serait indiscret et inutile.

« Vous étiez perdue, tant dans vos yeux que dans votre âme. Je le voyais, quand les soirs vous suiviez des hommes que…je n’aurais pas suivi. »  Quelque chose se noua dans sa gorge, elle hésita à poursuivre. Pudeur, mais surtout, peur. Elle était si effrayée qu’on l’entende. Si effrayée qu’on se mette à parler. Être confrontée, elle ne pourrait pas se le permettre, pas maintenant. « J’ai voulu vous offrir un peu mieux. Vous ne pouviez pas savoir, à qui on pouvait, ou non, faire confiance. J’ai voulu vous offrir cela. Des contacts, de la protection, un toit. Vous avez refusé. Je me suis inquiétée pour vous, chaque fois que je vous voyais errer au petit matin. Je connaissais tous les couloirs de Gloria pourtant vous préoccupiez, mon esprit, chaque fois que vous passiez le coin de mon œil dans l’une de ces ruelles. Peut-être parce que je vous jugeais trop jeune pour finir ainsi. Parce que je me voyais. Je craignais que ce qui m’était arrivé à cet âge-là débarque dans votre existence. »

Elle savait, à ce moment, que l’homme qui l’avait vendue rôdait sans scrupules dans ce monde, entre deux villes, toujours invisible et si loin de l’atteinte de sa vengeance. Autone se demanda momentanément s’il était toujours en vie. Même si elle le voyait, demain, elle ne reconnaitrait pas son visage et lui, ne connaissait pas son nom.

« J’aimerais pouvoir vous en dire plus. Hélas, vous n’avez été qu’un esprit dans mon existence. »  Comme aujourd’hui, la veuve voyait la courtisane passer dans les coins de son esprit. Ses yeux, seuls, avaient éveillées tellement de choses qu’elle avait enfouies. Comment était-ce possible que tous ces souvenirs aient refait surface, quand elle était certaine de les avoir enterrés profondément, comme on enterre un mort pour que jamais son âme n’ait grâce de résurrection.

« Si votre vie n’a rien de passionnant, que faites vous ici, Sintharia? Vous avez su vous faire des alliés précieux. » Elle regarda du coin de l’œil, Fafnir pour le désigner et ne nomma pas Aldaron. « Les alliances sont des forces à ne pas sous-estimer. Surtout pour nous, femmes. Il s’agit de nos clés. Les hommes commencent leur vie avec des portes ouvertes et nous, devons trouver moyen de sortir nos cages avant de commencer notre route. Nous nous sommes rencontrés, encore dans nos cages respectives. »  

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Peut-être parviendrez vous à trouver mieux le sommeil que moi. Dormir était encore quelque chose de trop nouveau et le sommeil avait presque quelque chose d'effrayant, comme si un jour elle pourrait ne pas se réveiller, tout ce qui touchait à la vie l'effrayait et cela se ressentait particulièrement sur son état. Je pense que vous avez raison, ici, il manque la chaleur d'un foyer, et celle de ceux qu'on aime.

Comme si la froideur de la mort qui régnait ici était bien trop puissante pour être chassée par un simple feu ou des couvertures, peut-être même que ce voile glacial pouvait entraîner les gens pendant leur sommeil. Elle n'aimait pas cette ambiance sinistre qui venait gâcher les nuits qu'elle aimait tant. Elle était une fille de nuit et une fille de la nuit, toute son existence reposait sur les heures nocturnes, elle n'était pas faite pour la journée, cette dernière ternissait presque sa beauté et son être.

Et je le suis toujours, je me sacrifie dans les bras d'hommes dangereux ou dans des amitiés à sens unique, peut-être encore plus maintenant. J'ignore ce que j'ai pu faire à cette époque, je ne m'en souviens plus, mais j'en ai gardé des cicatrices, comme des vestiges de cette époque dont je n'ai plus de souvenirs. La courtisane avait l'âme à laisser échapper ses malheurs et ses doutes. La femme avait certainement plus d'expérience qu'elle. Peut-être que ce n'était que de la naïveté à l'époque, et maintenant, je sais de quoi sont capables les hommes et leurs présences m'effraie.

Vous aviez sans doute bien fait, sans doute la crainte des dettes. Sans doute la crainte de cette odieuse méthode qu'utilisaient certains bordel, pour garder leurs précieuses "filles", sans parler des rabatteurs, cela existait encore aujourd'hui et de nombreuses personnes tombaient dans ces pièges. A ce jour on posait la question de l'esclavage se posait personne n'avait encore penser à abolir les maisons de passes.

Et en effet elle n'avait sans doute été rien d'autre qu'un simple fantôme dans la vie de l'humaine, elle posait ses yeux sur elle, un regard doux, qui se voulait réconfortant, on y voyait de la reconnaissance. Elle ne pouvait pas en vouloir à cette femme qui avait tout fait par l'aider. Néanmoins, elle ne pouvait lui mentir. J'ai eu une fille née sans père, dans ces rues. Puis je suis morte.

Une tournure qui aurait pu paraître bien étrange, mais qui représentait bien la manière dont elle avait vécu la chose, sous le règne du Tyran beaucoup du petit peuple qui n'avait pas pu être protégé avait périt par ses sbires, ou peut-être est-ce qu'elle parlait d'un mal plus profond ? Elle se détournait un instant pour observer l'horizon, Fafnir continuait son éternel bal aérien, la créature légendaire était libre et sans attache et elle aurait en faire tout autant.

J'ignore si ce sont des bons ou des mauvais choix, bons parce qu'autre fois, j'étouffais et maintenant, je me sens enfin vivre, mauvais parce que mon geste pourrait avoir des conséquences désastreuses. Sa gorge se serrait à la pensée de sa fille entre les mains de son géniteur, mais elle ne laissait rien paraître. De bons alliés, solides et puissants, mais je crains de ne pas être à la hauteur, je ne suis qu'une romantique qui ignore tout de ce qu'il se passe ici. À présent sommes nous plus libres que nous l'étions autrefois ?

Les yeux de l'immaculée brillaient de cet éclat particulier, de ceux qui désirent une réponse ardemment.

descriptionÀ toutes celles qui ont fait de leurs corps un champ de bataille. - Autone. EmptyRe: À toutes celles qui ont fait de leurs corps un champ de bataille. - Autone.

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