Keziah Soen a écrit:
25 novembre de l'an 7 de l'ère d'obsidienne


Au haut de la tour noire, les hommes qui étaient restés dans la ville lors de la bataille pouvaient voir l’armée de Keziah et de Kyne revenir vers leur citée. Devant les carrioles les hommes à pied et les soldats montant les chevaux se trouvait les deux souverains, guidant les vampires sur l’immense pont. Arrivés devant la ville, les portes étaient déjà ouvertes et le messager s’était rendu rapidement à la tour blanche pour prévenir le conseiller toryné de l’arrivée de l’armée dans la ville. Les soldats rentraient chez eux, progressivement lors de leur entrée dans la ville, Keziah lui se dirigeait vers les écuries de la tour blanche au dos de sa monture vampirique. C’est presque brusquement et dans un seul mouvement qu’il sauta de sa selle en laissant soin à son écuyer de l’atteler.
Air impassible au visage et marchant des talons, ses cheveux éternellement las dansaient avec l’air derrière lui. Ses pas un peu lourds mais rapides marquaient son irritation et la tension s’était créé autour de lui, il s’était tut lors du voyage et Kyne l’accompagnait à ce moment dans son silence. Ses pas se posèrent sur les marches des escaliers qui menaient à la porte de la tour blanche, puis d’un coup, il s’arrêta et se retourna, son attention tirée vers un mouvement derrière sa tête. « Père, prenez garde ! »

Kyne!

Il écarquilla les yeux, et sa main se tendit, mais le corps de sa fille chancelait et lui échappait, un second pas et il perdait l’équilibre en l’attrapant entre ses bras. Il trébucha une marche, puis deux, avant de trouver sa stabilité sur la troisième. Son regard se posa sur le visage éteint, des traits aux douceurs dont il ne croyait jamais pouvoir se détacher. Pourquoi était-elle inconsciente ? Aussi rapidement qu’il avait attrapé la princesse, l’homme releva la tête et d’un regard frénétiques, aux allures monstrueuses et sauvages, croisa le traître qui venait de porter ce sort. Le sombre imbécile tentait de se fondre dans la foule et de fuir. « ATTRAPEZ-LE. » Son torse se bomba d’adrénaline, il serra les dents, les yeux emplis d’horreur et de colère. Kyne, sa fille, le joyau qui lui avait redonné vie. Que lui était-t-il arrivé ? Montant les marches à toutes vitesses, Keziah rammenna Kyne jusqu’à l’intérieur de la tour blanche et la déposa…sur son trône, inerte. Il était tremblant, et en caressant la joue de la princesse ardente, une larme rouge coula du regard émeraude. Keziah n’essuya pas cette larme, la laissant sécher sur sa peau claire. Il se releva, la tête basse, les cheveux au visage. Le prince des cendres se retourna vers son audience. Il n’y avait personne au centre de cette salle, que son général et le conseiller, Toryné, qui ne s’était probablement pas attendu à une telle arrivée. Les autres, s’étaient écartés, mais regardaient d’un œil curieux la scène.

Keziah releva la tête, la rage au creux du ventre, ses ordres ne portaient pas la moindre note d’hésitation. « Emmenez-le-moi. » Le coupable fut trainé bien contre son gré jusque devant le souverain. À peine pénétra-t-il la porte, tenu par deux de ses soldats, que Keziah se jeta sur lui et le pris à la gorge, l’arrachant des mains de ses hommes pour le plaquer contre le mur, n’oubliant pas de faire violemment percuter sa tête contre la pierre avant de lui asséner un coup de jointures assommant sur la joue. Les coups se suivaient, le sang coulait et bientôt, le pauvre traître était dévisagé de son propre sang. À bout de souffle et se sentant étrangement vide, il reculant, laissant l’homme au sol.

« C’est fâcheux de devoir souiller une si belle salle pour un minable traître comme vous. Cela ne me plait pas, qui que vous soyez. »
Qu’un chuchotement au chef de la garde était nécessaire pour que le reste de ses ordres soient exécuté. Le prince tendit la main où on lui apporta son fouet, qu’il avait demandé. Le traître fût attaché, mains devant le corps, avec la certitude qu’il ne puisse bouger ses doigts ou faire de gestes clés. Au centre de la salle du trône, il était posé et un garde utilisa un couteau pour couper sa chemise et libérer son dos. « Mais cela mérite d’être vu. Je ne t’accorderai aucun honneur. Puisque tu n’en as pas. »

Le prince des cendres s’avançait lentement, mais lorsque son coup fut porté, il le fut sans retenue, de toute sa force et de toute sa rage. Keziah ne comptait pas les coups, il fouettait sans arrêt et ne savait plus non plus combien de secondes étaient passées. Non, il se concentrait sur la survie de ce vampire, cette abomination, celui qui s’en était pris à sa princesse. Car le dernier coup porté ne serait pas un coup de fouet. Ce qu’il réservait à celui-ci, c’est quelque chose qu’il n’avait fait qu’à celui qui l’avait torturé et détruit, l’ancestral qu’il haïssait de tout son âme.

Lorsqu’il se lassa, Keziah relâcha son fouet et s’approcha du corps à peine encore animé. Le saisissant par les cheveux, il le força à se relever et le regarda dans les yeux avec toute la hargne qui l’envahissait. « Cela me dégoûte, mais tu mérites cette humiliation. »

Le prince mordit violement dans la gorge du traître avant de boire chaque goûte du sang dans ses veines. Il n’était plus animé que par une nature qu’il avait cru enterrée, monstrueuse qui refaisait surface, dans sa violence comme dans son regard. Lavan, un animal, une bête qui ne demandait qu’à tuer. Avec dédain, Keziah relâcha sa victime et se retourna le regard vide.

« Mon prince… »
s’approcha une voix timide, qui inspectait la princesse, Keziah reconnut le guérisseur. « Je…crois qu’elle n’est pas morte…Mais son état est étrange. Un sommeil, qui…l’endommage, lentement, mais sûrement. »

« Je connais ce vampire. Un mage, ce sort lui est propre, il n’y a personne d’autre qui puisse faire cela. Le sort finira par la tuer, à petit feux, mais toujours dans son sommeil. »
Affirma l'un de ses conseillers. Cet homme semblait toujours savoir tout sur tout le monde, inutile de demander comment.

Il ne sût réagir, sentant cette boule se nouer dans son ventre et ses espoirs se détruire comme si le monde venait de s’écrouler. Il y avait encore une chance, il y a une seconde, qu’elle puisse vivre, il n’y en avait plus. Keziah se mit à trembler, retenant les larmes de sang qu’il détestait laisser couler. C’était sa faute, si elle avait été entraînée dans cela. Kyne, sa fille, n’avait jamais demandée à être transformée et il l’avait fait pour son divertissement avant de réaliser qu’elle était devenue sa raison de vivre. Kyne n’était pas morte, mais elle allait mourir de la plus cruelle des façons pour celui qui l’aimait plus que n’importe quel être en ce monde : Sans qu’il ne puisse rien faire sauf la regarder dans une douleur incessante. Keziah sortit enfin de son mutisme, son regard s’étant changé en tristesse, perdant ces allures sauvages. « Il doit-y avoir un moyen, de la stabiliser, de la réveiller. » dit-t-il, dans le désespoir. Il osa enfin marcher vers sa fille et la reprendre dans ses bras, caressant ses doux cheveux, miroirs à ses propres teintes. Ils n’avaient jamais été qu’une personne, alors comment pouvait-il s’imaginer la perdre ?

« Il y en a un. Je peux la stabiliser, mais je ne peux rien promettre d’autre. »
Keziah releva la tête, ses yeux étaient suppliants. « Je vous en prie… »


Toryné Dalis a écrit:
Revenu depuis peu de sa courte escale à Caladon, le conseiller était d’une humeur très joviale. Non pas qu’il ce n’était pas le cas en temps normal, le conseiller malgré ses airs mélancolique et absent se montrait toujours fort agréable et courtois, que ce soit avec les autres membres du conseil ou avec le commun de ses serviteurs.

Cependant, sa bonne humeur atteignait des sommets depuis son retour, Toryné gambadait littéralement dans la tour blanche, chatonnant allègrement sans se soucier des regards interloqués qu’il créait sur son passage, une autre exubérance de plus de la part du vampire qui les collectionnait depuis longtemps. Il passait des heures à contempler son cœur de nexus, lié avec sa tendre bien-aimée, si loin de lui à l’heure actuelle, mais il était emplie d’un optimisme presque niais.

Sa joie ne fut que plus grande lorsque le messager arriva, lui annonçant le retour tant attendu de ses princes et de leur armée, Keziah et Kyne, qu’il serait bon de les revoir, déjà était-il prêt à chanter leur louange… S’il savait…

Il ne prit, exceptionnellement, que peu de temps dans ses appartements pour ce faire belle, juste de s’assurer qu’il était parfaitement présentable pour accueillir comme il se doit son ami et sa fille, réajustant délicatement ses roses toujours accrochés à ses épaules, il y en avait d’avantage aujourd’hui, une bonne dizaine au total. Il se dirigea ensuite vers la salle du trône, attendant patiemment.

Lorsque enfin les portes de la salle s’ouvrirent, le conseiller s’exclama, les bras ouverts.

-Keziah ! Kyne ! Qu’il est bon de vous… Revoir… les derniers mots moururent dans la gorge du vampire aux allures de femmes.

Keziah était en train en trombe dans la salle du trône, avec le corps de Kyne dans ses bras, inerte… Il l’observa, immobile, comme tétanisé par le choc, son prince déposa le corps de sa princesse sur le trône. Immédiatement, Toryné accourra jusqu’à elle, que lui était-elle arrivée ? Elle ne pouvait avoir été blessée durant l’expédition, c’était impossible, Keziah n’aurait pas fait toute cette route avec sa fille tant aimée dans cet état… c’était donc forcément récent.

Il passa sa main délicatement sur le front de la jeune vampire, que c’était-il passé ? Toryné hurla à plein poumon qu’on lui ramène un guérisseur, pour une fois, il n’avait pas formulé sa demande avec douceur et courtoisie, non, sa voix avait fait preuve d’une puissante intonation, les paroles du conseiller inspiraient plus la crainte que la complaisance et cela était rarissime.

Un garde s’exécuta sans tarder et ramena très vite le guérisseur, un seul regard dans la direction de Toryné lui suffit pour comprendre qui avait besoin de ses services. Alors qu’il se pencha sur le cas de la princesse, Keziah avait entamé de punir le responsable, ou du moins, ce qu’estima Toryné comme étant le responsable, étant donné la violence dont faisait preuve le prince sur ce vampire.

Si la situation avait été différente, le conseiller aurait sûrement tenté d’obvier à cette déferlante de violence, il était sûrement le vampire le plus pacifique de la tour blanche et il préférait régler les conflits par des méthodes plus douces. Mais là, peut-lui importait, un misérable avait osé s’en prendre à un membre éminent du royaume, devant la tour blanche qui plus est, par conséquent, non seulement, il ne s’interposa pas, mais il regarda tout le châtiment sans broncher, pour ainsi dire… si Keziah lui avait tendu le fouet, il aurait presque pu se laisser tenter… presque.

La violence dont il était témoin restait tout de même inuite, un miracle que la victime soit encore vivante après cela, même s’il avait mieux valu pour le coupable d’avoir succombé au coup de fouet du prince des cendres.

Par la suite, Keziah appliqua la pire humiliation qu’un vampire puisse connaître, il le mordit, malgré le dégoût apparemment que cela semblait le procurer, il but son sang. Toryné n’avait jamais compris ce genre de pratique, il avait toujours trouvé que l’acte de la morsure avait quelque chose d’attrayant, voir même de sensuelle, mais il n’avait guère le temps de s’épancher sur tel sujet. Le guérisseur s’avança timidement, sûrement apeurés d’attirer les foudres du prince en l’interrompant.

Le conseiller posa délicatement sa main sur son épaule et lui adressa un tendre sourire, reprenant sa douceur pour ce court instant.

-Parlez sans crainte mon ami, dîtes-nous de quoi il en recourt, je vous pris.

L’explication fut pour le moins étrange, Kyne n’était pas morte, ce qui dans un premier temps le rassura, mais cette histoire de sommeil qui endommageait la princesse l’était bien moins. Un sort unique, propre à ce vampire selon l’un de ses confrères conseillers, pourquoi l’existence d’un tel pouvoir n’était révélée que maintenant ? Bien entendu, Toryné connaissait ce conseiller, son atout était sa connaissance sur autrui, ce genre d’information aurait été utile au conseil…

-Encore une fois… vos lumières m’épatent… mon ami. Keziah lui faisait confiance, donc il n’avait pas de raison de s’inquiéter, mais il mènerait sûrement sa propre investigation plus tard.

Cependant devant cette nouvelle, son prince resta silencieux, l’air abattu… Il ne pouvait que le comprendre, lui-même allait bientôt devenir père et il ne pouvait qu’imaginer l’horreur que devait vivre son ami… Finalement, il s’avança vers sa fille tant aimée et la prit dans ses bras, cette image fit monter les larmes aux yeux et ce fut difficilement qu’il les retint, pourquoi un tel malheur venait accabler son tant estimé prince et ami ?

Le guérisseur expliqua pouvoir stabiliser l’état de la princesse, mais il ne pouvait faire plus… Mais il devait bien y avoir un moyen… Aucune magie aussi puissante soit-elle ne pouvait être contrée, pour Toryné cette simple idée était inconcevable.

Il s’approcha doucement du prince des cendres, posant délicatement sa main sur son épaule comme i avait auparavant avec le guérisseur, il ne cherchait pas à rassurer cette fois, ce simple geste ne pourrait en rien rassurer la détresse d’un père, non, il s’agissait de soutien, tout simplement.

-Nous devrions adresser des missives aux autres royaumes, et même aux baptistrels mon prince, il y a forcément quelqu’un, qu’il soit humain, elfe ou des nôtres qui pourra faire quelque chose pour ce maléfice !

Sa voix était emplie de conviction, il refusait de croire que rien ne puisse être fait… Il retira sa main de l’épaule du prince meurtri et se tourna vers l’assemblée.

-Nous devons également réunir toutes les informations que nous pouvons sur ce sort… Il adressa un coup d’œil à son confrère qui semblait détenir un certain nombre d’informations à ce sujet. Mais également sur… cette pourriture ! cracha-t-il. Que tout Dureroc soit au courant, toute information sur ce traître doit être transmise à la tour blanche ! Rien ne doit être écarté, absolument rien !

Une telle agression ne pouvait rester sans conséquences, des mesures drastiques s’imposaient, on ne pouvait s’en prendre à un membre du gouvernement vampirique et encore moins devant la tour blanche ! Pour le moment, on ne savait si ce traître avait agi seule ou sous les directives d’une tierce personne, mais cela serait découvert tôt ou tard, Toryné espérait seulement que ce ne serait pas pour venger la mort de Kyne...


Keziah Soen a écrit:
Quelque chose tout au fond de lui, criait qu’il devait se lever, s’enflammer et trouver le plus rapidement possible une solution, un remède. Mais regardant ces yeux clos, ce visage serein, il voulait rester à cet endroit, qu’on le laisse pleurer, qu’on le laisse seul. Cette voix qui réclamait des mesures immédiates, des missives vers les autres royaumes, il en était reconnaissant, puisqu’abattu, il était incapable de seulement y penser. Keziah hocha la tête. « Oui…Toryné, puis-je vous confier cette tâche? Je… » Les mots coincèrent dans sa bouche, il ne savait plus vraiment ce qu’il voulait dire, cette main sur son épaule était la bienvenue, comme si ce simple contact suffisait à l’empêcher de s’écrouler entièrement. Il posa la main sur celle de Toryné et la serra un moment pour le remercier, faisant attention de ne pas lui faire mal.

Les baptistrel accepteraient-ils seulement de l’aider? Le pouvaient-ils? Keziah baissa les yeux et voulu faire taire cette angoisse en lui, cela le dévorait. Le guérisseur leva les mains devant le visage de la petite et stabilisa son état d’un peu de magie. « Voilà, c’est comme si elle était endormie, maintenant. » La dernière fois qu’il avait entendu parler d’une telle chose, c’est Korentin Kohan qui s’était retrouvé glacé et son pauvre héritier attendait encore son retour, pleurant un deuil qu’il ne pouvait faire. Il se sentait si proche de cet enfant dans sa souffrance, maintenant qu’il comprenait, coincé entre l’angoisse de retrouver sa fille et le désespoir de ne plus revoir que son visage éteint.

« Il n’y a pas beaucoup de recherches à faire sur le traître, il a fait ses preuves en tant que mage, considérablement puissant. Ce sort fait faiblir sa victime, s’attaquant au cœur, aux tripes, aux membres et à la tête, comme la maladie, jusqu’à la tuer après de longs jours de douleur…Il m’a déjà affirmé que son sort pouvait faire ressentir la douleur physique à ses cibles malgré leur sommeil, mais personne n’en est jamais revenu pour le raconter. » Le guérisseur, qui, disons-le, était un esclave humain, hocha doucement la tête. « Il me semble qu’elle ne souffre plus.» Keziah soupira de soulagement. « Cela était...pratique, dans le passé, pour servir les intérêts de ceux qui voulaient faire passer des meurtres inaperçus. Surtout chez les humains. »

Keziah secoua la tête, fronçant les sourcils. « Il aurait pu être discret et ne jamais être accusé. Mais il ne voulait pas l’être, ce vampire n’était pas d’accord avec mon règne et voulait montrer haut et fort sa rébellion… » Quel imbécile, comme si cela allait rallier qui que ce soit. Pourtant Keziah était conscient que ses lois ne satisfaisaient pas tous, loin de là. Et il avait fait de lui un martyre…peu importe, c’était un affront qui méritait pire que la mort. Et c’était ce qu’il lui avait offert, du meilleur qu’il le pouvait, impulsif de rage.
« Chargez les servants de préparer une salle pour Kyne. Nous ne pouvons pas la laisser là. »

Il avait cueilli les plus belles roses, pour son amante, l’enfant qu’il avait élevé, aucun présent n’était trop grand. Il avait planté des rosiers pour elle et ces fleurs étaient posées sur elle. Un cercueil de verre, si elle devait s’éveiller, il ne voulait pas qu’elle se sente étouffée, abandonnée, laissée pour morte. Non, tout ici était laissé de beauté et de douceurs pour la rassurer. Et si elle se réveillait, et si c’était possible? Son cœur battait à cette idée pleine d’espoir. Sa Kyne, verrait comme il la traiterait toujours comme la princesse qu’elle était, même effleurant les bras de la mort. Au moment où elle ouvrirait les yeux, il voulait qu’elle voie, toutes les belles choses qu’il avait mises ici, puisque ce n’était qu’un reflet. Elle était belle, si belle, il refusait de fermer le couvercle de ce cercueil. Le baiser empli d’amour sur son front ne la réveillait pas. Keziah retint une larme douloureuse, l’embrassant une dernière fois. Il entendit cogner à la porte. « Entrez, je vous en prie. » Le vampire se releva, l’air déboussolé, le père était complètement abattu, le prince tenait encore debout. « Merci d’être venue Toryné, je n’ai pas eu l’occasion de vous rencontrer comme il se devait… » Il avait demandé à son conseiller de le rejoindre dans la salle, lorsque les préparations seraient terminées. Keziah avait eu le temps de prendre une heure pour se calmer. Le prince des cendres semblait pourtant plus dévasté que jamais.

Levant un sourcil, un sourire sensible, mélancolique perçant ses lèvres tremblantes, son regard plein d’inquiétude se levait sur Toryné. Ce n’était pas au conseiller qu’il s’adressait, mais à son ami. Étais-ce sa faute depuis le début? Avoir laissé transparaître ses faiblesses, permettant à ses ennemis de l’abattre en visant les choses les plus chères à son cœur. « J’…J’ai cueilli les plus belles roses de mes jardins, qu’en dis-tu? Tu crois qu’elle les aimera? Elle les aimera, forcément, forcément… » Tremblant, il baissa la tête, reculant pour retomber dans le fauteuil qu’on lui avait installé. Il devait se ressaisir, non, il ne pouvait laisser l’animal reprendre contrôle de lui. Et devenir fou, il était hors de question que la folie lui prenne sa raison, pas à nouveau. « Lorsqu’elle se réveillera, elle se réveillera, elle… » Posant les mains sur les appuis bras, comme seul support physique, il souffla, bien que son corps vampirique n’ait besoin d’air, cette gestuelle le calmait. Se refermant sur lui-même, il souffla faiblement, la tête baissée. « Avez-vous envoyé les missives? »


Toryné Dalis a écrit:
-Je m’en occupe mon prince. Dit-il simplement à la requête du père meurtrie.

Toryné partit en toute hâte vers ses appartements, ne prenant pas la peine d’écouter le monologue de son confrère sur le coupable du drame qui venait de se produire. Pour le conseiller Dalis cet acte n’avait rien d’audacieux ou de courageux, non, ce n’était qu’un exemple de lâcheté pure ! Certes, lui, n’avait jamais apprécié ces coutumes de son peuple de régler la plupart des conflits par la violence qu’était le duel, et encore ce système de passation du pouvoir par un combat un mort entre le prétendant au titre de prince et le prince actuel… mais c’est ainsi que les choses se passaient à Dureroc et dans tout le royaume des créatures de la nuit ! L’ancien conseil en avait payé les frais...

Ce vampire pensait-il quand tentant s’assassiner Keziah à la vue de tous, il pourrait montrer un quelconque signe de défiance envers le pouvoir actuel ? S'il avait vraiment voulu s’opposer au prince des cendres, il l’aurait défié, mais sûrement était-il trop faible pour envisager un tel suicide, et c’était bel et bien le fort qui dirigeait le royaume vampirique et garantissait l’ordre en place. C’était triste à dire, mais si Kyne n’avait pas pris le coup pour Keziah, les conséquences pour le royaume auraient été désastreuse, un retour au chaos et à l’entropie… qui sait quel tyran dégénéré avide de guerre aurait pu prendre le pouvoir…
Une fois dans l’intimité de ses appartements, le conseiller prit ce qui lui était nécessaire à la rédaction des lettres qu’il adresserait aux autres royaumes et aux baptistrels. Toryné, un vampire des plus exubérant, le tout couplé à la tension, faisait les 100 pas dans toute la pièce, s’agitait dans tous les sens, répétait inlassablement des suites de mots et de synonyme. Il cherchait les plus belles tournures de phrase, les paroles les plus justes, pour susciter l’aide des autres peuples d’Armanda. Et si cela n’était pas suffisant alors ils feraient appel au guérisseur aux quatre coins du continent, ils feraient miroiter une récompense s’il le fallait ! Tous les moyens seraient bons pour sauver Kyne.

Une fois les différentes missives rédigées, Toryné fit convier des messagers afin que ces derniers partent sur le champ, pour les royaumes humains d’Aldériens et de Gloriens, les cimes elfiques et enfin le domaine Baptitral.

Lorsqu’il revint dans la salle du trône afin d’en informer son prince, il ne put l’y trouver, un servant l’attendait, lui indiquant que Keziah souhaitait le voir et qu’il se trouvait dans une salle qui venait d’être aménagé pour sa fille.

Respectueux, Toryné frappa doucement à la porte et attendit d’être invité à rentrer. Kyne reposait désormais dans un cercueil de verre, ornée de belles roses, semblable à celle qu’il portait généralement à ses épaules. Le conseiller s’approcha de son prince, pouvant par la même occasion d’avantage contempler la princesse, Kyne était une vampire sublime, entouré de rose sa beauté n’en était qu’embellie… Oui, une véritable beauté immortelle, mais une triste beauté, figée par la force d’un maléfice…

Lorsque le prince de cendre lui demanda comment il trouvait les roses provenant de ses jardins, un léger sourire, plus triste que radieux, se dessina sur ses lèvres.

-Elles sont encore plus sublimes que les miennes mon ami… un compliment et pas des moindres, les roses étaient les fleurs favorites du conseiller dont il s’ornait en permanence. Il accordait un soin tout particulier quant à la sélection de celles qui porterait, sans oublier la forte valeur symbolique qu’elle avait pour lui.

Par la suite son prince et ami se laissa tomber dans son fauteuil, pour Toryné, qui avait rencontré Keziah dans les rangs de l’armée, qui l’avait vu grimper les échelons jusqu’aux sommets et finalement devenir prince vampirique, il était très… perturbant, de voir le vampire pour qui, il éprouvait une forte admiration, dans un moment de faiblesse, mais cela en était dotant plus frustrant.

Lorsqu’il lui demanda finalement si les missives avaient été envoyés, Toryné put lui confirmer que les messagers étaient en route en ce moment même, il n’y avait plus qu’à attendre désormais que les autres royaumes leur répondent, et espérer…

-Il y a-t-il quoique ce soi d’autre que je puisse faire pour vous, mon prince ?


C’était d’avantage l’ami que le conseiller qui s’adressait à Keziah, dans cette situation, il était dur de laisser ses sentiments de côté et de rester tout simplement le conseiller Dalis, il fut tout de même l’effort de garder un ton solennel. Cependant, il devait tout de même se préoccuper du royaume vampirique, et donc s’assurer que le prince tienne le coup et que personne ne puisse abuser de ce moment de faiblesse, Keziah était la clé de voûte de l’ordre et de la paix en plus d’être son ami.

Autant de raison pour que le vampire aux allures de femme apporte toute l’aide requise à son prince.


Keziah Soen a écrit:
Les genoux écartés, les deux pieds du vampire étaient bien ancrés au sol, ses coudes s’étaient posés sur ses cuisses et son menton, sur ses poings rassemblés. Le regard de jade demeurait vide, éreinté par les larmes et la dévastation qui s’était emparé de lui. Mais il lui semblait qu’il était calme, à présent, pour un instant. Combien de temps cela pourrait-il durer? Il était si abattu qu’une aiguille pourrait l’achever et il craignait ce petit débordement qui le ferait sombrer à nouveau dans la folie et la tristesse. L’on avait voulu l’affaiblir, cela avait fonctionné…Il refusait de se laisser convaincre que son sort était de se terrer dans la solitude, afin de protéger ceux qu’il aimait, pare qu’ils seraient toujours pris comme cibles pour l’atteindre.

« Il y a une chose. »
Répondit la voix autoritaire, grave à ce moment. Un silence s’installa, sa tête se relevait d’une lenteur lascive. « C’est avec…une confiance aveugle, que je vous confie cette tâche. » Sans regarder son conseiller, Keziah fixait devant lui et on pouvait se demander, d’où venait la parcelle de vie improbable qui restait dans ses prunelles. « Avez-vous entendu les histoires qui ont fait reconnaître ma force dans ce peuple, Toryné? Les toutes premières. Si je me souviens bien, vous êtes trop jeune pour y avoir assisté. » Il se releva, évita de poser les yeux sur la silhouette éteinte de sa princesse et garda son sang-froid en se dirigeant vers la fenêtre. Le vampire pouvait observer, de cette tour, le royaume qui était le sien. Modelé et coloré à son goût, rebâtit sur les cendres dont il avait émergé. « Je viens…L’humain que j’ai été, est né à Elena, la citée défunte. Je ne sais que très peu de ma vie oubliée. Le vampire qui m’a mordu était un ancestral, cruel, mégalomane, répugnant et égocentrique. Il m’a tout enlevé, mon corps, mon prénom, mes besoins. J’ai commencé ma non vie enchaînée, une expérience pour lui, à pousser les limites de ma faim jusqu’au dernier moment. » Un sourire sombre se dessina sur ses lèvres, mais dos à son conseiller, Keziah ne révélait pas son visage mélancolique, laissant tout de même entendre l’esquisse d’un rire dans un souffle moqueur. « Jusqu’à ce que je réclame ma liberté. Il n’y a que deux vampires que j’ai tué de cette façon. Le monstre qui m’a enchaîné et l’abomination qui s’en est pris à Kyne… » Keziah serra la mâchoire, ses derniers mots s’achevant dans la colère. Il sera le poing pour cesser le tremblement qui s’emparait de sa main.

« J’ai appris à contrôler mes pulsions, à contrôler la faim moi-même puisque personne ne me l’avait jamais montré. On m’avait pris pour un chien, qu’on affame avant de relâcher sur les champs de bataille. Cents ans pour en être certain, avant de sortir de ma tanière. J’ai retrouvé les origines de mon nom. Soen, le souvenir m’était resté et j’ai compris pourquoi lorsque j’ai trouvé d’où je venais. Il s’agit d’une famille de chevaliers…noble et qui encore aujourd’hui, a beaucoup de succès, malgré la chute d’Elena. »


Le Soen relâcha la tension dans ses épaules, inconsciemment, lorsque l’image de Nolan Kohan revint à son esprit. « J’ai eu…trois enfants… » Le ton de sa voix se faisait plus doux, voir affectueux. « Depuis la mort de Vraorg, j’ai pensé à retrouver leur trace. J’ai voulu savoir si l’un d’eux était toujours vivant, s’ils étaient toujours anoblis et honorés… Et il se trouve que…Après des centaines d’années, ils sont toujours là. Les Soen se sont installés à Aldaria. Sans Kyne je…ne sais pas si je peux supporter l’absence d’un enfant…du mien… » Il avait besoin de combler cet instinct, de s’occuper d’un être, d’en faire son sang et de tout lui donner. Mais il était inconcevable de transformer une nouvelle personne, s’il devait la perdre. « Je vais me rendre à Aldaria, visiter le prince Nolan par la même occasion. Ça me semble être le seul moyen…de ne pas perdre la tête. » Le vampire se retourna et releva la tête pour regarder le conseiller dans les yeux. « Je souhaite que vous restiez ici en mon absence et que vous gardiez le royaume comme s’il était le vôtre. Si vous acceptez, Toryné, je ferai de vous ma représentante en mon absence, avec toute la confiance qu’un être puisse donner. »