8 Février 1763
S'il y avait un lieu sur l'Archipel qu'il parvenait sans trop d'efforts à nommer sa maison, c'était bien Paadshail, l'île du gel. La perspective de son retour en ce lieu lui avait été délicieuse, lorsque son aimé avait décidé de tourner son regard vers les monts enneigés, et vers les angoisses du peuple de la nuit. Le port de Nevrast, cependant, ne lui renvoyait aucunement cette impression d'infinie puissance, de sauvage liberté et majesté que l'Inlandsis et les montagnes lui avait toujours inspiré. Ce lieu n'était pas sa maison. Mais… c'était son peuple, et son peuple avait besoin de lui. Il savait, intrinsèquement, qu'il ne pourrait désormais plus l'abandonner. Leur aventure dans la forêt lui avait ouvert les yeux et l'esprit bien au-delà de ce qu'il pensait possible. Bien qu'elle fut terrible, elle avait également apporté de nombreux bienfaits et il ne pouvait le nier. La haine brûlait toujours dans son cœur, quand il pensait à la créature qui avait manqué tuer son compagnon, irraisonnée, brutale et sans concession, elle brillait comme un phare dans la nuit et pulsait comme un second cœur. Il évitait de se tourner vers elle, certain qu'il s'enfiévrerait inutilement, gâchant ainsi tous leurs efforts et leurs sacrifices. L'intellect d'Achroma, en lui, approuvait grandement cette décision, le confortant dans sa détermination à ne pas ouvrir la porte de cette fournaise à la violence insoupçonnée. Elle se libérerait, à un moment ou un autre, mais il pouvait essayer de délayer ce moment le plus longtemps possible afin de se consacrer pour l'heure à la crise qu'ils subissaient. Son inquiétude allait moins à ses propres réactions qu'à ce qui attendait peut-être au cœur de la forteresse vampirique. C'était un contre-coup de ce qu'il avait obtenu, un prix à payer sans nul doute pour le retour de certains de ses souvenirs et capacités. Et pour la survie de son Inséparable. Et au-delà de la haine, il touchait du doigt l'inestimable de la capacité à s'attacher et à entreprendre pour les autres. La capacité à vouloir donner pour plus grand que soit. Désormais, il était capable de s'identifier à une masse, bien qu'il ne puisse accepter ses travers, c'était un énorme pas en avant, une progression gigantesque dans sa rémission. Purnendu serait certainement très fier. Aldaron l'était en tout cas. Seule ombre au tableau : il manquait quelque chose. Un nom, quelqu'un. Il y avait encore des vides en lui, mais celui-là était le pire.
Soupirant, il sortit de sa rêverie à l'instant où son pas le menait au bout du ponton de bois, face au chemin de neige boueuse qu'ils avaient empruntés pour se rendre à Licorock. Le regard fixe, il tendit son être vers cet odieux berceau de cauchemars et relâcha un ultrason. Il sentit l'énergie bourgeonner en cône devant lui sur des dizaines de mètres, mais sans apport de la moindre information concrète sur quoi que ce soit d'intéressant. A quoi s'était-il attendu exactement ? Il faudrait y retourner, pour régler la question en suspend, mais avant cela, ils devaient faire évacuer Aerthia. Aldaron préparerait les choses à Nevrast le temps que lui et Kaalys vérifient ce qui se tramait dans la forteresse et s'assure de l'état des vampires, puis il mènerait les navires de sauvetage le long de la côte. Intérieurement, il se remémorait les arguments de l'elfe pour le convaincre que les vampires n'étaient pas devenues des bêtes sanguinaires, enfin pas plus qu'avant. Il espérait que cela se réalise.
« C'est étrange, de passer trois ans sans s'attacher à une forme quelconque de reconnaissance de groupe et de se découvrir capable de donner sans une arrière pensée en revenant finalement ici »
Il l'avait sentit plus qu'il ne l'avait vu, un nœud magique mirifique qui s'approchait soudain lentement, son chant entêtant pulsant à ses oreilles et dans ses sens de haut mage. Kaalys. Le grand dragon n'avait pas son pareil, que ce soit à Nevrast ou sur tout Nyn-Tiamat. Du moins à sa connaissance. Il lui devait beaucoup, autant pour son aide dans la forêt que pour son aide actuelle. S'il n'avait pas accepté de le conduire jusqu'à Aerthia, il aurait été forcé de passer par mer ou par Licorock encore une fois. Le chemin aurait été long, semé de dangers. Long surtout. Le temps qu'il parvienne à destination, les vampires se seraient sans doute entre-tués. Une fin pathétique pour un peuple qui ne méritait pas cela. Certes, les vampires avaient leurs défauts, leurs fautes mais une extermination de masse ? Non. Ils avaient aussi du bon en eux. Il en était persuadé. Et pas parce qu'il vivait une quelconque forme d'utopie naïve mais parce qu'il avait des raisons concrètes de le penser.
« Je tenais à te présenter mes excuses, Kaalys. Lorsque nous nous sommes vu pour la première fois, je n'étais pas… et bien disons que j'étais moins encore moi-même que je ne le suis aujourd'hui. J'ai cru que tu étais… »
Se détournant de la route pour faire face à la masse d'écailles scintillantes, la mine soucieuse. Comment expliquer ce qu'il avait cru et ressentit? Aldaron comprenait, de par leur union, ce qui le torturait depuis son éveil. Mais Kaalys le pouvait-il ? Et surtout, voulait-il, lui, lui infliger ce fardeau ? Le dragon ne méritait pas vraiment de se faire infliger ça après son aide. Songeur, il observa le vide un bref moment, cherchant une réponse appropriée et une échappatoire à ce qu'il avait naïvement amorcé. Maintenant qu'il le regardait avec des yeux dont le voile était partiellement levé, il ne trouvait pas de réelle ressemblance entre ce dragon là et celui de ses cauchemars. Et puis, il y avait eut l'apparition dans la forêt. Ce spectre rongé par la mer qui s'était avancé vers lui, qui avait dévoré l'image d'Aldaron. Le rappel le crispa. Il inspira l'air empuanti de Nevrast en cachant à peine son dégoût aux relents qui remontaient, et décida d'achever autrement son affirmation.
« Puis-je faire appel à tes souvenirs ? Sur notre ancien continent… Est-ce qu'un dragon est mort au-dessus des flots ? Un dragon dont le corps aurait été embrassé par Océan. Blanc, ou gris, quelque chose d'approchant ? »
Soupirant, il sortit de sa rêverie à l'instant où son pas le menait au bout du ponton de bois, face au chemin de neige boueuse qu'ils avaient empruntés pour se rendre à Licorock. Le regard fixe, il tendit son être vers cet odieux berceau de cauchemars et relâcha un ultrason. Il sentit l'énergie bourgeonner en cône devant lui sur des dizaines de mètres, mais sans apport de la moindre information concrète sur quoi que ce soit d'intéressant. A quoi s'était-il attendu exactement ? Il faudrait y retourner, pour régler la question en suspend, mais avant cela, ils devaient faire évacuer Aerthia. Aldaron préparerait les choses à Nevrast le temps que lui et Kaalys vérifient ce qui se tramait dans la forteresse et s'assure de l'état des vampires, puis il mènerait les navires de sauvetage le long de la côte. Intérieurement, il se remémorait les arguments de l'elfe pour le convaincre que les vampires n'étaient pas devenues des bêtes sanguinaires, enfin pas plus qu'avant. Il espérait que cela se réalise.
« C'est étrange, de passer trois ans sans s'attacher à une forme quelconque de reconnaissance de groupe et de se découvrir capable de donner sans une arrière pensée en revenant finalement ici »
Il l'avait sentit plus qu'il ne l'avait vu, un nœud magique mirifique qui s'approchait soudain lentement, son chant entêtant pulsant à ses oreilles et dans ses sens de haut mage. Kaalys. Le grand dragon n'avait pas son pareil, que ce soit à Nevrast ou sur tout Nyn-Tiamat. Du moins à sa connaissance. Il lui devait beaucoup, autant pour son aide dans la forêt que pour son aide actuelle. S'il n'avait pas accepté de le conduire jusqu'à Aerthia, il aurait été forcé de passer par mer ou par Licorock encore une fois. Le chemin aurait été long, semé de dangers. Long surtout. Le temps qu'il parvienne à destination, les vampires se seraient sans doute entre-tués. Une fin pathétique pour un peuple qui ne méritait pas cela. Certes, les vampires avaient leurs défauts, leurs fautes mais une extermination de masse ? Non. Ils avaient aussi du bon en eux. Il en était persuadé. Et pas parce qu'il vivait une quelconque forme d'utopie naïve mais parce qu'il avait des raisons concrètes de le penser.
« Je tenais à te présenter mes excuses, Kaalys. Lorsque nous nous sommes vu pour la première fois, je n'étais pas… et bien disons que j'étais moins encore moi-même que je ne le suis aujourd'hui. J'ai cru que tu étais… »
Se détournant de la route pour faire face à la masse d'écailles scintillantes, la mine soucieuse. Comment expliquer ce qu'il avait cru et ressentit? Aldaron comprenait, de par leur union, ce qui le torturait depuis son éveil. Mais Kaalys le pouvait-il ? Et surtout, voulait-il, lui, lui infliger ce fardeau ? Le dragon ne méritait pas vraiment de se faire infliger ça après son aide. Songeur, il observa le vide un bref moment, cherchant une réponse appropriée et une échappatoire à ce qu'il avait naïvement amorcé. Maintenant qu'il le regardait avec des yeux dont le voile était partiellement levé, il ne trouvait pas de réelle ressemblance entre ce dragon là et celui de ses cauchemars. Et puis, il y avait eut l'apparition dans la forêt. Ce spectre rongé par la mer qui s'était avancé vers lui, qui avait dévoré l'image d'Aldaron. Le rappel le crispa. Il inspira l'air empuanti de Nevrast en cachant à peine son dégoût aux relents qui remontaient, et décida d'achever autrement son affirmation.
« Puis-je faire appel à tes souvenirs ? Sur notre ancien continent… Est-ce qu'un dragon est mort au-dessus des flots ? Un dragon dont le corps aurait été embrassé par Océan. Blanc, ou gris, quelque chose d'approchant ? »
Dernière édition par Achroma Seithvelj le Dim 3 Mar 2019 - 8:42, édité 1 fois