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descriptionsous l ombre de licorock - Sous l'ombre de Licorock [Kaalys] EmptySous l'ombre de Licorock [Kaalys]

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8 Février 1763


S'il y avait un lieu sur l'Archipel qu'il parvenait sans trop d'efforts à nommer sa maison, c'était bien Paadshail, l'île du gel. La perspective de son retour en ce lieu lui avait été délicieuse, lorsque son aimé avait décidé de tourner son regard vers les monts enneigés, et vers les angoisses du peuple de la nuit. Le port de Nevrast, cependant, ne lui renvoyait aucunement cette impression d'infinie puissance, de sauvage liberté et majesté que l'Inlandsis et les montagnes lui avait toujours inspiré. Ce lieu n'était pas sa maison. Mais… c'était son peuple, et son peuple avait besoin de lui. Il savait, intrinsèquement, qu'il ne pourrait désormais plus l'abandonner. Leur aventure dans la forêt lui avait ouvert les yeux et l'esprit bien au-delà de ce qu'il pensait possible. Bien qu'elle fut terrible, elle avait également apporté de nombreux bienfaits et il ne pouvait le nier. La haine brûlait toujours dans son cœur, quand il pensait à la créature qui avait manqué tuer son compagnon, irraisonnée, brutale et sans concession, elle brillait comme un phare dans la nuit et pulsait comme un second cœur. Il évitait de se tourner vers elle, certain qu'il s'enfiévrerait inutilement, gâchant ainsi tous leurs efforts et leurs sacrifices. L'intellect d'Achroma, en lui, approuvait grandement cette décision, le confortant dans sa détermination à ne pas ouvrir la porte de cette fournaise à la violence insoupçonnée. Elle se libérerait, à un moment ou un autre, mais il pouvait essayer de délayer ce moment le plus longtemps possible afin de se consacrer pour l'heure à la crise qu'ils subissaient. Son inquiétude allait moins à ses propres réactions qu'à ce qui attendait peut-être au cœur de la forteresse vampirique. C'était un contre-coup de ce qu'il avait obtenu, un prix à payer sans nul doute pour le retour de certains de ses souvenirs et capacités. Et pour la survie de son Inséparable. Et au-delà de la haine, il touchait du doigt l'inestimable de la capacité à s'attacher et à entreprendre pour les autres. La capacité à vouloir donner pour plus grand que soit. Désormais, il était capable de s'identifier à une masse, bien qu'il ne puisse accepter ses travers, c'était un énorme pas en avant, une progression gigantesque dans sa rémission. Purnendu serait certainement très fier. Aldaron l'était en tout cas. Seule ombre au tableau : il manquait quelque chose. Un nom, quelqu'un. Il y avait encore des vides en lui, mais celui-là était le pire.

Soupirant, il sortit de sa rêverie à l'instant où son pas le menait au bout du ponton de bois, face au chemin de neige boueuse qu'ils avaient empruntés pour se rendre à Licorock. Le regard fixe, il tendit son être vers cet odieux berceau de cauchemars et relâcha un ultrason. Il sentit l'énergie bourgeonner en cône devant lui sur des dizaines de mètres, mais sans apport de la moindre information concrète sur quoi que ce soit d'intéressant. A quoi s'était-il attendu exactement ? Il faudrait y retourner, pour régler la question en suspend, mais avant cela, ils devaient faire évacuer Aerthia. Aldaron préparerait les choses à Nevrast le temps que lui et Kaalys vérifient ce qui se tramait dans la forteresse et s'assure de l'état des vampires, puis il mènerait les navires de sauvetage le long de la côte. Intérieurement, il se remémorait les arguments de l'elfe pour le convaincre que les vampires n'étaient pas devenues des bêtes sanguinaires, enfin pas plus qu'avant. Il espérait que cela se réalise.

« C'est étrange, de passer trois ans sans s'attacher à une forme quelconque de reconnaissance de groupe et de se découvrir capable de donner sans une arrière pensée en revenant finalement ici »

Il l'avait sentit plus qu'il ne l'avait vu, un nœud magique mirifique qui s'approchait soudain lentement, son chant entêtant pulsant à ses oreilles et dans ses sens de haut mage. Kaalys. Le grand dragon n'avait pas son pareil, que ce soit à Nevrast ou sur tout Nyn-Tiamat. Du moins à sa connaissance. Il lui devait beaucoup, autant pour son aide dans la forêt que pour son aide actuelle. S'il n'avait pas accepté de le conduire jusqu'à Aerthia, il aurait été forcé de passer par mer ou par Licorock encore une fois. Le chemin aurait été long, semé de dangers. Long surtout. Le temps qu'il parvienne à destination, les vampires se seraient sans doute entre-tués. Une fin pathétique pour un peuple qui ne méritait pas cela. Certes, les vampires avaient leurs défauts, leurs fautes mais une extermination de masse ? Non. Ils avaient aussi du bon en eux. Il en était persuadé. Et pas parce qu'il vivait une quelconque forme d'utopie naïve mais parce qu'il avait des raisons concrètes de le penser.

« Je tenais à te présenter mes excuses, Kaalys. Lorsque nous nous sommes vu pour la première fois, je n'étais pas… et bien disons que j'étais moins encore moi-même que je ne le suis aujourd'hui. J'ai cru que tu étais… »

Se détournant de la route pour faire face à la masse d'écailles scintillantes, la mine soucieuse. Comment expliquer ce qu'il avait cru et ressentit? Aldaron comprenait, de par leur union, ce qui le torturait depuis son éveil. Mais Kaalys le pouvait-il ? Et surtout, voulait-il, lui, lui infliger ce fardeau ? Le dragon ne méritait pas vraiment de se faire infliger ça après son aide. Songeur, il observa le vide un bref moment, cherchant une réponse appropriée et une échappatoire à ce qu'il avait naïvement amorcé. Maintenant qu'il le regardait avec des yeux dont le voile était partiellement levé, il ne trouvait pas de réelle ressemblance entre ce dragon là et celui de ses cauchemars. Et puis, il y avait eut l'apparition dans la forêt. Ce spectre rongé par la mer qui s'était avancé vers lui, qui avait dévoré l'image d'Aldaron. Le rappel le crispa. Il inspira l'air empuanti de Nevrast en cachant à peine son dégoût aux relents qui remontaient, et décida d'achever autrement son affirmation.

« Puis-je faire appel à tes souvenirs ? Sur notre ancien continent… Est-ce qu'un dragon est mort au-dessus des flots ? Un dragon dont le corps aurait été embrassé par Océan. Blanc, ou gris, quelque chose d'approchant ? »


Dernière édition par Achroma Seithvelj le Dim 3 Mar 2019 - 8:42, édité 1 fois

descriptionsous l ombre de licorock - Sous l'ombre de Licorock [Kaalys] EmptyRe: Sous l'ombre de Licorock [Kaalys]

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Après la débâcle de Licorock et le retour peu glorieux au port de Nevrast, Kaalys s'était isolé afin de reprendre des forces. Sa fierté avait été entachée par les blessures qu'il avait subies, ainsi que par son incapacité à protéger les bipèdes qu'il avait accompagnés. La licorne, petite par la taille, était un grand adversaire et, désormais, le Nacré redoutait de la croiser à nouveau. Les cicatrices qui striaient les fines membranes de ses ailes se chargeaient de lui rappeler.
Mais cette aventure lui avait permis de faire la connaissance de plusieurs bipèdes. Deux d'entre eux retenaient particulièrement son attention. Le premier était un elfe du nom d'Aldaron. Ce dernier avait soigné les premières blessures de Kaalys, l'empêchant ainsi de se vider de son sang dans la neige, au détriment de ses propres réserves magiques. Le sacrifice de l'Elfe lui valait le plus grand respect de la part du jeune saurien, mais également son amitié. La petite figurine en forme de dragon était là pour le rappeler.
Le second bipède attisait la curiosité du saurien. Il répondait au nom d'Ivanyr, mais Aldaron lui avait révélé la vérité à son sujet. Son véritable nom était Achroma et, autrefois, l'Ancien avait été le dragonnier de Silarae. Pour Kaalys, rencontrer le Lié de sa mère n'était pas une coïncidence. Sans même vraiment le savoir, à cause de sa mémoire défaillante, Achroma s'était attiré la protection du dragon de nacre.

Ses forces retrouvées, les puissantes ailes du saurien le mena, une nouvelle fois, jusqu'au port de Nevrast. Les vampires se servaient de ce lieu pour charger et décharger les navires qui y accostaient, leur capitale n'étant pas proche de la mer. Une erreur, songea le jeune dragon en se posant dans la neige. Ses puissantes ailes soufflèrent l'air autour de lui et des bourrasques chargées de neige s'élevèrent, faisant se reculer les quelques bipèdes qui se trouvaient là.
Voir un dragon n'était pas chose commune et les vampires, race majoritairement représentée à Nevrast, ne pouvaient s'empêcher de se tourner vers Kaalys tandis que ce dernier contournait tranquillement les quelques bâtiments. Tranquillement était, toutefois, un grand mot. En vérité, chaque pas du saurien faisait trembler les murs et craquer la neige. Lorsqu'il passait trop proche d'un maison, la neige qui recouvrait les toits dégringolait en gros paquet blanc. Malheur à ceux qui se trouvaient en dessous !

Kaalys retrouva Achroma au bord de l'eau, tel était leur point de rendez-vous. Le vampire était déjà là, sans surprise, et le jeune saurien le rejoignit en quelques pas seulement. Un peu sur le côté et légèrement en retrait par rapport à l'Ancien, l'Éclat de Nacre s'allongea paresseusement dans la neige. Elle formait un matelas douillet, pour lui, et il résista à l'envie de s'y rouler comme un dragonnet. À la place, il tendit son cou vers Achroma et le couva de ses grands yeux dorés.

L'Ancien peinait à trouver ses mots mais s'extirpa du bourbier par une petite pirouette. Mais il ignorait que Kaalys savait. Le jeune Nacré savait qui était Achroma et qui était cette figure d'argent qui le poursuivait en rêve. Toutefois, il ne s'agissait pas d'une chose qu'il pouvait lui révéler comme cela. C'aurait été un choc trop violent, pensait Kaalys.

« À ma connaissance, il n'y a eu que deux dragons dont les écailles étaient de cette couleur et qui sont mort sur l'ancien continent. Le premier était celui que les bipèdes nomment Tyran Blanc. Il était albinos, ses écailles étaient donc blanches. Le second dragon était ma mère, Silarae. Elle était aussi blanche que la neige de cette île. » conta le jeune dragon qui se fiait aux dires de ceux qui lui avait parlé de sa mère. « Elle est morte au coeur du désert, terrassée par le chagrin. Elle avait perdu son Lié. »

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Une infinie tristesse vint envahir ses yeux au bleu de lagon, et il se détourna lentement, goûtant l'affirmation comme une larme saline venue se perdre entre ses lèvres froides. Il n'était pas un dragonnier, il n'était pas un dragon mais… il avait, lui aussi, quelqu'un sans qui il ne pourrait pas vivre, quelqu'un qui représentait son bonheur et ses espoirs. Si Aldaron venait à disparaître, qu'est-ce qui lui resterait ? Pourquoi poursuivrait-il sa vie ? Lorsque la Licorne lui avait fait voir la mort de son aimé, il avait ressentit un lambeau de l'horreur, de la peine, et de la détresse… de la souffrance, qu'il vivrait si cela arrivait pour de bon. Et son cœur avait déjà été en lambeau. Alors perdre un part de son âme même ? Qu'est-ce qui pouvait être plus terrible que cela ? Mais, au-delà de cette terrible question, il y en avait une autre, une incompréhension. Pourquoi avait-il vu Silarae, Mère de Kaalys ? Quelle place avait-elle dans ses souvenirs ? Pourquoi est-ce qu'elle le poursuivait ? Le torturait ?Et lui, pourquoi la haïssait-il ? Pour lui infliger tout cela, ou bien y avait-il une raison que sa mémoire éclatée dissimulait ? Il sentit une ombre se mouvoir dans un recoin de son esprit, une inspiration fantôme, comme si un être impalpable s'apprêtait à haranguer et il le repoussa fermement. Il ne voulait aucune harangue. Une petite part de lui ne voulait même pas la réponse aux questions qui se répercutaient en un écho glacé sous son crâne. Lorsque l'Enwr avait massacré ses protections, à Cordont, il avait eut un aperçu de l'horreur que ses souvenirs pouvaient receler. Ce n'était pas étonnant qu'il se montre frileux à ré essayer désormais.

« C'est abominable, de perdre la moitié de son âme »

La formulation était-elle volontaire, ou l'utilisait-il sans y penser ? Il gardait le regard rivé sur le large, cet océan immense dans lequel il aurait lui-même aimé se perdre à plus d'une reprise. Au-dessous d'eux, les sternes criaient, lançant leurs appels stridents dans la bise marine chargée d'iode et de gel. Un contre-point innocent à une voix aux accents de vérité souillée, de vérité honteuse.

« Le lien… apporte beaucoup de belles choses, d'apparence, il semble si rutilant, si attractif, un rêve devenu réalité. Avoir quelqu'un rien qu'à soit, un partenaire et plus encore, une autre part de soi-même, toujours présente, qui vous comprend, vous soutient, avec qui vous partagez une intimité à la profondeur semblable à nulle autre. C'est quelque chose de beau. Et de beau à voir. On sent toute la grâce et l'union de tels êtres quand on les voit. 'Beau' prend un autre sens avec eux. Un sens tout particulier, qui leur est propre. L'harmonie est frappante, quand deux êtres se comprennent et s'entendent sans même se consulter. Et l'amour partagé. C'est beau oui »

Un blanc, infime, alors qu'il reprenait son souffle, que ses traits s'altéraient sous une étrange souffrance. Cette conversation, il l'avait eut avec Aldaron, mais Aldaron n'avait pas semblé y attacher l'importance que lui y attachait. Pourtant son sentiment n'avait pas cessé de se renforcer, au fil des jours, puis des semaines. Il n'avait plus rien dit en sa présence, mais il y pensait, souvent.

« Mais pour cette lumière, cette beauté, il y a un revers aussi noir que son éclat est scintillant. Le prix à payer est aussi lourd. Mortel, si on perd son autre moitié. Un prix naturel déjà bien assez élevé. Lorsqu'on s'élève assez pour frôler la pureté d'une telle union, la chute est forcément violente, proportionnée. C'est pire que de s'arracher un membre, c'est sa propre essence, son intégrité totale qui est déchirée, irréparable. Et c'est cela qu'on a transformé en machine de guerre… c'est cela qu'on a utilisé sans la moindre considération pour la délicatesse de cet équilibre, la préciosité de ce tout, bénédiction et malédiction. Combien de ces élus se sont ente-déchirés pour le simple orgueil de nations aux motifs discutables ? »

L'amertume gagnait son ton, l'aloès coulant hors de ses lèvres, ou bien était-ce un sel venimeux, cristaux de cyanure ou d'arsenic ? Il secoua la tête, tourna un regard torturé vers le grand dragon de nacre, comme si la vision de cette chatoyante magnificence pouvait chasser la noirceur de la bêtise mortelle.

« Est-ce tout ce que l'on voit en eux, des machines de guerre, de parfaits portes-étendards ? Combien portent ou ont porté le poids de centaines de milliers d'attentes aveugles et ineptes, si loin de leur vérité ? Oh certes, tout un chacun se sacrifie pendant la guerre, chaque soldat verse son sang, et risque de perdre la vie, mais qui pourrait nier combien il est injuste que ces nouveaux éclats de lien ne vivent que pour s'abîmer au combat. Ils ne devraient pas être condamnés ainsi. Le lien lui-même est déjà bien assez obscur, son évolution bien assez étrange, dans sa beauté. Pourquoi donc le lien s'établit-il à la naissance ? Quels sont les critères qui réunissent deux êtres… qui peuvent les réunir même quand une part de ce tout doit attendre mille ans en se sentant incomplet… As-t-on simplement réellement une concordance, pour créer cette beauté, ou est-elle forcée d'un amour factice, magique ? »

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Sous l'oeil attentif du dragon, Achroma sembla soudainement la proie d'un terrible chagrin. Étaient-ce les réminiscences de son lui passé ? Étaient-ce les lambeaux de sa première existence qui, agitées par la brise et les propos du dragon, s'éveillaient ? Kaalys poussa doucement son esprit contre celui de l'ancien dragonnier et sentit les raisons de ses tourments. Les questions et les compréhensions se bousculaient dans la tête du vampire.

« Ça l'est. » approuva doucement le jeune dragon, tandis que son esprit reprenait sa place. En vérité, Kaalys ne pouvait pas dire lui-même si, oui ou non, perdre son Lié était abominable. C'était douloureux et triste, ça oui, il pouvait en témoigner… Mais son Lien avait été coupé avec douceur, par rapport à sa défunte mère par exemple.

Il écouta ensuite, sans interrompre. Son regard ne quittait pas le vampire. Tout juste clignait-t-il des yeux. L'avis de Kaalys sur le Lien était fait depuis quelques temps, mais il avait beaucoup évolué depuis sa naissance. D'abord magie incomprise et admirée, il s'était accroché à son Lié avec ferveur. Il n'avait pas eu le choix, car la magie qui l'unissait alors à cet autre être faisait en sorte qu'il soit incapable de vivre sans lui, leurs âmes n'en formant plus qu'une.
Puis son Lien avait disparu, coupé par la magie du Néant. Seul dans sa tête, son âme déchirée, il s'était peu à peu habitué à la vie en solitaire. Il vivait pour lui-même, allant là où il le voulait, comme et quand il le voulait. Cela lui avait permis de méditer sur le Lien et ses conséquences, bonnes ou mauvaises.
Ainsi, Kaalys pensait fermement que cette magie était néfaste pour les dragons comme pour les bipèdes. Elle créait un amour fou entre deux êtres, mais un amour faux, teinté de magie et non de véritable sentiments. Mais cela, il fallait en être coupé de la même façon que lui pour le comprendre. Dans le cas d'une violente déchirure, telle que la mort, la douleur était trop grande, trop vive, pour espérer y survivre.

« Je suis né grâce à lui, puis l'ait perdu. Cela m'a offert l'occasion de méditer sur lui avec la vision d'un dragon lié et d'un dragon libre. » il dondolina de la tête, cherchant ses mots, et se redressa sensiblement. Ses orbes dorés, brillantes d'intelligence, se tournèrent vers l'horizon. « Un dragon destiné à se lier a le sentiment d'être incomplet. Je ne pense pas qu'il l'est vraiment, mais la magie du Lien créait ce sentiment factice. Puis, quand le bipède qui lui correspond se présente à lui, cette même magie établit un lien et un amour puissant et indestructible entre ces deux êtres. Je pense que, au départ, ces sentiments sont faux. Ils sont créés par la magie. Mais, rapidement, les deux êtres apprennent à se connaître et se découvrent. De vrais liens se tissent entre eux, ainsi qu'un amour pur et sincère. »

Les billes dorées se posèrent sur Achroma, douce et réconfortante.

« J'ignore tout des critères qui définissent le Lien. Mon ancien Lié et moi-même étions très semblables, mais il y en a d'autres qui étaient très différents. Vous, bipèdes, ne dites vous pas que les opposés s'attirent et que, qui se ressemble s'assemble ? » il y avait dans sa voix une petite pointe de légèreté, sur la fin. « Je pense que nous ne le saurons jamais vraiment. Peut être est-ce écrit, peut être est-ce un pur hasard. En revanche, ce qui pour moi est certain, c'est que ces Liés ont un devoir et un rôle à jouer. La bêtise mortelle les a trop souvent poussé à s'entre-déchirer, mais ces êtres touchent du doigt une compréhension de l'univers que les autres n'auront jamais. » mais quel était ce rôle ? Kaalys en avait son idée, mais il ne s'agissait pas de la vérité. Simplement de son désir de voir les races s'unir sous l'oeil attentif et millénaire des liés et des dragons.

« Mais je pense que le Lien tel qu'il existe aujourd'hui n'est pas une bonne chose. Ni pour les dragons, qui naissent enchaînés, ni pour les bipèdes qui perdent leur libre arbitre dès qu'ils touchent l'oeuf. Ni les uns, ni les autres sont en mesure de choisir s'ils veulent se lier. Ils sont esclaves de cette magie. J'aimerais pouvoir modifier ce Lien. Je pense qu'il devrait être librement consenti par les deux parties et être le fruit d'une sincère amitié plutôt que factice et forcé. Il en serait alors encore plus beau. » le presque-lien, comme le nommaient les dragonniers et les dragons liés. Pourtant, n'était-il pas, lui, LE vrai lien ? Basé sur une véritable compréhension de l'autre, sur de vrais sentiments développés au fil du temps ? « Cela permettrait également aux dragonnets de naître au sein de leur famille et de grandir auprès des leurs… »

« Ceci est une conversation que tu pourrais également avoir avec Verith, le dragon de l'ire. Son avis sur le lien et les bipèdes est arrêté depuis longtemps. C'est un dragon qui a souffert des guerres plus que n'importe quel autre. Il y a perdu toute sa famille. »

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Ainsi, il était un enfant du lien ? Non, ce n'était pas là une juste formulation, cela le dévalorisait bien trop, cela l'insultait bien trop. Kaalys avait peut-être percé sa coquille en sentant son dragonnier proche mais il était une vie à part entière, il se définissait par bien davantage que ce lien maudit. L'y réduire lui paraissait être la pire des injustices. Une vie n'avait pas de valeur uniquement parce qu'elle obéissait à une magie spécifique. Un sourire peiné vint flotter sur ses lèvres, éphémère. Maintenant qu'il y repensait, il y avait énormément de petits détails qui lui revenaient en mémoire et qui appuyaient encore davantage sur les iniquités du lien. La prison d'une coquille pour le dragon, condamné à ne sortir qu'à l'heure de la réunion, peut-être même jamais et la prison de l'esprit et du cœur, pour un dragonnier qui s'ignore, vivant toute son existence avec le manque et la perte, l'inexplicabilité de la relation fusionnelle, au tout début, pourquoi cet être et pas un autre ? En quoi est-il 'spécial' ? Pourquoi cet amour existait-il ? C'était trop simple de se contenter d'un 'c'est la faute de la magie' parce que la magie créait rarement hors du Néant, aucun d'eux n'était une déesse ou Origine. Que se passait-il quand le mortel mourrait avant de rencontrer son lié draconique, celui-ci restait-il indéfiniment là, prisonnier, une relique de la terrible indifférence du Lien ? Le créateur du Lien voulait-il cela, ou avait-il d'autres projets, d'autres espoirs en tête ? Plus il y pensait, plus Kaalys parlait et plus il avait de 'mais' et de questions en tête, d'interrogation que personne ne pouvait réellement éclairer. Et plus il sentait cette gêne, cette indicible souffrance grandir en lui, comme si on ouvrait lentement une blessure dans son cœur.

Et plus il ruminait tout cela, plus il écoutait cette pulsation de souffrance en lui, et plus il avait la migraine. En fin de compte, son regard clair quitta la vision aqueuse qui étendait sa grâce infinie devant eux, pour revenir poser ses mires sur le dragon qui l'accompagnait.

« Beaucoup d'êtres ont perdus toutes leurs familles, beaucoup d'êtres pensent avoir souffert plus que les autres. Souvent, cela dénote plus d'égocentrisme et de manque d'empathie et de compréhension qu'un réel statut de martyr »

C'était prompte, mais il se méfiait terriblement de ce genre d'affirmation. Les pires rebuts de la société savaient jouer la symphonie du drame, pour servir leurs buts. Il s'adoucit presque immédiatement, ses traits impériaux se peignant du songe autant que du souci.

« Mais il paraît qu'on ne peut pas demander à tout le monde d'être objectif… et je suppose que la douleur peut parfois occulter la capacité à penser aux autres »

C'était néanmoins une concession lacée d'une réelle amertume. Si les êtres qui peuplaient le monde avaient eut la capacité à faire fi de leur propre douleur pour regarder au-delà, bien des horreurs et des tristesses auraient été évitées. Pourquoi les Déesses avaient-elles créées leurs enfants avec de tels défauts, là était la question. Un parent éduquant mal son enfant pouvait-il réellement le blâmer de ne pas suivre une route digne de ce nom ? En fin de compte, ils faisaient tous avec ce qu'ils avaient.

« Le rituel étant dit… Je prêterais volontiers l'oreille, qu'il soit martyr ou non. Peut-être serait-il bon que nous parlions tous les trois, d'ailleurs »

Cette fois, le regard couleur de lagon du vampire était animé d'un semblant d'une vie plus douce, presque amusée, bien que la terrible souffrance qui le rongeait continuait de s'épandre avec largesse. Il laissa un instant le silence le gagner, tandis que sa mire se perdait dans la contemplation des écailles couleurs crème. Kaalys avait une superbe ligne, parmi le peu de dragons qu'il avait pu voir jusqu'ici. Sa vue se troubla, un bref instant, et la crème devint argent, avant de devenir carmine. Sa ligne de sourcils s'arqua, chassant de nouveau la douceur.

« Verith, tu dis… c'est étrange, j'ai l'impression de connaître ce nom, simplement, je n'arrive pas à le rattacher à une image réelle et construite. C'est comme… comme si je l'avais sur le bout de la langue et que cela m'échappait. Sais-tu où il se trouve ? Nous pourrions le rencontrer une fois les vampires évacués d'Aerthiä. Je doute qu'il soit possible d'améliorer les conditions de vie de mon peuple en une journée même si je ferais tout ce que je peux pour les aider et les ailes d'un dragon sont vives et promptes dans les hauts vents… si tu cela t'intéresse et que tu acceptes de me porter, bien entendu »

Pour éviter de rester debout en permanence, il se tassa un petit coin de neige et s'installa sans faire de cérémonie, déposant son bâton près de lui et repliant à demi ses longues jambes sous lui. La blancheur de la neige était encore pure sur cette parcelle. Elle ressemblait aux écailles qu'il avait vu dans la forêt.

« Quelque chose cloche, avec le lien. Toutes mes questions sans réponses, tout ce que tu indiques… quelque chose n'est pas à sa place. Et surtout… parfois, cela ne marche pas, n'est-ce pas ? Des dragons liés et leurs dragonniers qui ne parviennent jamais à s'entendre. Parfois, ces sentiments induis deviennent une telle plaie que le lien devient une torture et que les deux parts finissent par en mourir… S'il n'y avait pas tous les témoignages et occurrences de couples qui fonctionnent, cela aurait pu ressembler à une farce, au jeu d'un enfant cruel. La vie ne devrait pas être un jeu. Pas dans ce sens là en tout cas »

Il soupira et se laissa tomber en arrière, porté par le poids de ses questions et de ses ressentis. Les mots du dragon tournaient dans sa tête, d'autres pensées aussi et de vagues échos. Il avait quelque chose sur le bout de la langue mais quoi ? Si Kaalys avait raison, et que les dragonniers avaient accès à un aspect, un fragment de vérité cosmique… qu'est-ce que ça pouvait être et surtout, en quoi tout ce poids moral et ces fautes psychologiques et éthiques pouvaient jouer dans ce savoir ? Est-ce qu'il y avait une relation entre tous ces éléments ou avait-on arbitrairement décidé de donner cette connaissance et de les faire souffrir pour quelque chose qu'ils n'avaient jamais demandé ? Il ferma les yeux et essaya de plonger dans cette perche qu'on lui tendait et qui restait, à sa grande frustration, tout juste hors de portée.

« Je suis d'accord, le lien ne devrait pas être tel qu'il est. Je ne sais pas s'il est possible de le modifier mais… rien n'empêche de chercher et d'essayer, ne penses-tu pas ? Même ce fameux devoir envers le monde, je pense qu'il serait mieux perçu et mieux chéri et accepté, mieux compris, si les liés étaient libres d'en prendre le fardeau plutôt que de le voir s'imposer à eux. Qu'elle soit magnifique ou pas, une chaîne est une chaîne »

Le silence fut fracassant. Il s'était tut et son coi semblait envahir les environs. Qu'est-ce qui restait à dire après ça ? Une chaîne était une chaîne, point. Il soupira de nouveau, gardant les yeux fermés. La présence magique de Kaalys était toujours à ses côtés. Elle pulsait comme une étoile chaude, et l'approcher de ses sens manqua lui faire monter les larmes aux yeux. Il n'osait pas encore l'approcher, pas comme ça. Il y avait autre chose. Quelque chose de plus délicat et de douloureux. Il préférait en recevoir l'autorisation, faire autrement n'aurait que jeté du feu sur son sentiment de dette.

« Ton lié… serait-ce trop cruel de ma part de vouloir connaître votre histoire ? Dis-moi, Kaalys. Si tu changeais le lien, comment le verrais-tu… comment… le sentirais-tu ? »

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Kaalys expira un profond soupir. Ses naseaux se dilatèrent pour laisser passer l'air chaud qui fit partiellement fendre la neige dans laquelle il était allongé. Il continuait à couvrir Achroma de son doux regard d'or liquide. On aurait dit une statue de sel ou de glace tant il était immobile. Seules ses prunelles, dans ses orbites, passaient, de temps en temps, du bipède à l'horizon. Il ressentait, tandis qu'il caressait doucement l'esprit d'Achroma, tout son trouble, toute sa douleur, toutes ses questions.

« Beaucoup d'êtres ont perdu leur famille, oui. Mais peu de dragons sauvages. » Répondit calmement Kaalys. Il ne parlait pas des dragons liés et anciens liés, car la famille n'était - normalement - pas une notion aussi importante pour eux qu'elle l'était pour les dragons sauvages, dit libres.

Kaalys se méfiait de Verith. Le Rouge avait un caractère complètement différent de celui du Nacré et on ne pouvait pas dire qu'ils s'entendaient. Ils se toléraient sur la base d'avis convergeants vis-à-vis du Lien, mais leur relation n'allait pas vraiment plus loin.

« Verith est le plus grand de tous les dragons vivants sur cet archipel. Une fois dans les cieux, il n'est pas difficile de le trouver. Il suffit de regarder l'horizon. » Répondit le jeune Nacré.

Imitant Achroma, le saurien se redressa. Il fit quelques pas dans la neige, qui se tassa sous son poids, et balaya un coin de poudreuse avec sa queue avant de s'y asseoir comme un chat. Droit comme un I, il dominait le Lié de sa mère de toute sa hauteur, ses ailes légèrement écartées de ses flancs.

« J'ai dit que je t'aiderais et je compte respecter ma promesse. Je te porterais jusqu'à la cité de ton peuple. » Cependant, Kaalys ne possédait pas de selle et Achroma risquait fort de s'abîmer le derrière sur ses écailles tranchantes comme autant de lames de couteau. Il lui faudrait trouver une solution, même temporaire, s'il souhaitait arriver à Aerthiä en un morceau.

« Je l'ignore. » Répondit sincèrement Kaalys. Est-ce que le Lien pouvait réellement unir deux êtres destinés à ne pas s'entendre ? C'était tordu. « Mais j'imagine que cela est possible. Si deux Liés ont des caractères opposés, même la plus puissante des magie ne peut changer cela. Pas sans leur voler leur identité propre. »

Et il y avait bien des façons pour un couple Lié de se déchirer. Dans cette symbiose ressemblant fort à une relation amoureuse, voir sa moitié d'âme - quelle soit bipède ou dragon - tomber amoureux pouvait devenir toxique, par exemple. La jalousie n'était qu'une option parmi tant d'autres.

« Cependant, j'ignore tout de cette magie. » Renchérit Kaalys tandis que le vampire évoquait le Lien. « C'est pourquoi j'ai besoin de toute l'aide possible pour mener cette quête. » Poursuivit-il. Il songeait, bien entendu, à Verith. Mais aussi à Achroma lui-même. Quelque part dans son esprit se cachait sa véritable identité, son vrai lui ainsi que toutes ses connaissances sur les Dragons et les Dragonniers.

À la dernière question de l'ancien dragonnier, Kaalys demeura silencieux. Il pencha sa large tête, étudiant en silence le profil du nordique. Le jeune saurien songeait souvent à Dawan, ce petit Elfe qu'il avait tant aimé... et d'un amour véritable, était-il certain.

« L'histoire est terriblement courte. » Commença Kaalys, grave. « Il s'appelait Dawan. C'était un Chanteciel. Il était l'être le plus doux, le plus gentil et le plus aimant qu'il m'ait été donné de connaître. Notre premier contact ne fut pas aussi délicat qu'on peut le penser. À peine sortit de mon oeuf, j'ai mordu le doigt qu'il tendait vers moi. » Révéla Kaalys non sans une pointe d'amusement. Il se souvenait parfaitement de l'expression du petit Elfe à ce moment là. « Nous n'avons guère eu de temps. Notre Lien s'est rompu par la faute des Chimères, lorsqu'elles attaquèrent le Domaine. Nous n'avons jamais eu l'occasion de voler ensemble. »

La tristesse ébranla le coeur du Nacré. Il détourna le regard, ses orbes se perdant vers l'horizon. Même si le Lien forçait l'amour, Kaalys était certain que les sentiments qu'il avait éprouvé - et éprouvait encore - n'étaient pas factices. C'était une douleur sourde coincée entre deux écailles. Elle serait toujours là, comme un avertissement, un rappel.

« Comment le sentirais-je ? Ce lien... » Afin de répondre à la dernière question d'Achroma, l'ancien Lié se tourna de nouveau vers le nordique. « Comme une promesse librement consentie. Un pacte dans le but d'œuvrer pour le bien du plus grand nombre et un engagement à ne jamais plus se déchirer entre Dragons ou Dragonnier. J'aimerais que ce Lien rassemble et ouvre la voie vers une compréhension du monde qui va au-delà des futiles affaires mortelles. J'aimerais que les Liés soient en mesure de s'unir pour guider la marche du monde vers un lendemain paisible. »

Le Nacré fit une pause. Son esprit caressait doucement celui de l'Ancien. Sans prendre en compte le lien qui unissait autrefois Ivanyr et la mère de Kaalys, ce dernier appréciait beaucoup le nordique. Il était plaisant de discuter avec lui, sans parler de leurs idées et aspirations qui se rejoignaient.

« Et toi, comment le vois tu ? Et quand souhaite tu partir pour Aerthiä ? Mes écailles sont tranchantes, le vol ne sera pas très agréable sans selle. Y as-tu songé ? »

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Curieux, pour un dragon aussi gros que cela, il ne l'avait encore jamais vu, même de loin. Ce n'était pourtant pas faute d'avoir les yeux tournés vers le ciel. Mais à la vérité, il ne possédait pas d'ailes, aussi était-ce sans doute là toute la différence. Porté par Kaalys, tout changerait sans doute. Voler… La notion était attirante, et pas seulement par son lustre banal. Il sentait son être s'y accrocher viscéralement, instinctivement. Voler était une idée prégnante et symbolique, riche d'une immensité de vibrants ressentis, d'aspirations éclatantes. Quitter le sol et se défaire de ses attaches purement terrestres, être libre au sein d'un monde soudainement infini, se sentir complet, entier, se sentir… quoi exactement ? Il n'en était pas certain, et pourtant son âme en frémissait. Seuls le respect et une part de décence l'empêchait de lui réclamer cette envolée là dans la seconde sans autre but que de sentir le vent siffler contre lui et voir le paysage défiler. Fort heureusement, le dragon avait de quoi détourner la conversation de façon fort à propos. Son peuple… il espérait que ce fut vrai et que les vampires fussent réellement son peuple. Qu'il puisse s'identifier à eux sur le long terme et les aider. Il avait besoin de ce sentiment d'appartenance, pas uniquement au travers de la présence d'Aldaron et de sa famille. Il avait besoin de pouvoir répondre avec sincérité à certaines questions existentielles.

Pour l'instant, il se laissait porter par des sentiments viscéraux. Venir en aide au peuple de la nuit était venu naturellement, passionnément, et il voulait encourager cela. Il se sentait concerné, comme il ne l'avait jamais ressentit jusque là et il voulait y répondre, il voulait revendiquer tout ce que cela impliquait, sa propre personnalité qui se forgeait, ou se reforgeait. Cependant, que Kaalys ait promis de l'aider à sauver les vampires ne signifiait pas qu'il était tenu d'accepter davantage. Retrouver Verith n'aiderait sans doute pas les sangs froids. Pour autant, le lui faire remarquer serait sans doute cracher sur sa bonne volonté autant que sur son intellect. La créature devait bien s'être rendue compte de cela par elle-même lorsqu'elle avait accepté, une fois encore, de le porter. La présence du dragon était extrêmement précieuse pour lui. Non seulement c'était un soutient de poids, capable et efficace, mais son image, le symbole même de ce qu'il était pouvait grandement lui servir. Quant à la promptitude de son vol, elle était proverbiale. Grâce à lui, il pourrait couvrir tout Nyn-Tiamat aisément. S'il devait l'admettre, il trouvait également auprès de lui un interlocuteur intéressant et qui le mettait en confiance. Auprès de lui, il ne ressentait pas le besoin de se battre verbalement, bien au contraire. Mais peut-être se fourvoyait-il… seul le temps le lui dirait, éventuellement.

« Cela ne serait pas la première puissance à le faire, cependant »

Bien qu'il ne possède aucun souvenir de l'époque du Tyran, il en avait suffisamment entendu pour savoir que cet être monstrueux avait privé bien des individus de ce qu'ils étaient. Quant aux Déesses… il suffisait de savoir qu'elles étaient à l'origine de la malédiction vampirique pour comprendre ce qu'elles pouvaient accomplir. Pourtant, il déplorait pouvoir même imaginer que le Lien prive des êtres de leurs identités réelles. Bien qu'il fut le premier à reconnaître les défauts de cette force, il ne pouvait se résoudre à la condamner. Il y avait encore trop de bon et d'espoir pour le Lien, bien qu'il faille gratter la couche de crasse pour le trouver. Voilà pourquoi le changer était la meilleure des réponses à ses yeux, tout comme il lui était si simplement venue la décision de s'investir pour les vampires. C'était là une décision sans lendemain, certainement. Qui étaient-ils pour changer le Lien ? Quels moyens avaient-ils ? Mais ce n'était pas réellement là ce qui comptait. Leur volonté comptait. Cette volonté était alors le fondement de tout. Elle était la force qui motivait leurs actions, leur cheminement.La partager était réconfortant, enthousiasmant même. Il était tout prêt à l'aider et ce qu'il apprit ne fit que le pousser davantage dans cette décision. Silencieux, il ne répondit pas, ne lui confia ni condoléances, ni tentative de réconfort. Face à certaines douleurs, seul le silence était de mise, une forme de respect.

Il ne dit rien… mais il se releva, et s'approcha de lui, venant poser une mai aux longs doigts sur les écailles puissantes. Il resta là, debout près de lui, sans rien dire, simplement présent. Sa description du Lien, tel que lui le souhaiterait lui tira un vague sourire.

« J'aime la sonorité… C'est une belle vision »

La présence de l'esprit draconique contre le sien était troublante. Sa chaleur et sa radiance amadouait une part farouche et blessée de son être alors qu'une autre hésitait à se laisser approcher. Ce n'était pourtant pas de la défiance, mais une réaction traumatique qu'il ne s'expliquait pas lui-même. Tout comme Kaalys semblait porter une blessure profonde, il avait l'impression d'en porter une. Elle n'avait pas de nom, ni de forme ou d'explication mais elle existait et chaque caresse qu'on lui dédiait le soulageait autant qu'elle le torturait de ce quelque chose d'étrange et d'incompréhensible. Pour autant, il ne le repoussait pas, l'accueillant librement, sans appréhension et sans gêne, accessible. Ses pensées n'étaient pas dissimulées ou cryptées, et des fragments d'images, de sons, d'odeurs, de sensations flottaient à la surface de ses pensées, entourant un réseau complexe de pensées conscientes et façonnées qui se ramifiait encore et encore jusqu'à l'infini. A l'image de son fiancé, il pensait souvent trop. Beaucoup trop. Chaque pensée était un terreau à plus, chaque échange créait une multitude d'opportunités, et il était souvent bien trop faible pour ne pas se laisser appeler. Et pourtant, il reconnaissait lui-même le bienfait de ne pas trop penser. A chaque effleurement de l'esprit de Kaalys, le sien frémissait et semblait s'ouvrir comme la corolle d'une fleur, avant de se refermer quand il s'éloignait. Pour autant, l'être conscient ne semblait aucunement alerte de ce que son esprit pouvait faire.

« Oui, j'y ai songé. Je souhaitais néanmoins avoir ton sentiment à ce sujet. Mes aides m'ont offert une selle de dragonnier. Je n'ai pas cherché à savoir comment ils l'avaient obtenu. Nous pourrions l'utiliser si tu l'acceptes. Sinon, je me protégerais pas magie, ou tu peux également me porter dans tes pattes, je pense »

Il avait été très surpris lorsqu'on lui avait apporté l'objet. Elle semblait avoir déjà servit et même avoir vu plus d'une bataille, mais cela ne faisait qu'augmenter sa valeur car elle avait prouvé sa résistance. De plus, elle semblait parfaitement convenir à son assise un peu raide et les lanières de retenues avaient été adaptées à une morphologie proche de la sienne. Le vampire avait bon espoir de pouvoir profiter de cela pour un confort adéquat à leur voyage, mais si le dragon préférait ne pas subir la selle il était prêt à s'adapter. Après tout, l'autre était déjà bien gentil de le transporter. Quand partir ? La réponse était simple mais en soit, elle lui instillait un fragment d'impatience. Partir ne voulait pas seulement dire porter secoure aux vampires. Cela voulait également dire voler. L'un comme l'autre étaient des perspectives motivantes. Bien moins celle d'abandonner son Inséparable dans cette ville pourrie par l'humidité, tombant en ruine rongées par le sel et la glace. Aldaron resterait en sécurité, au moins le temps qu'il s'assure que visiter la forteresse ne lui coûte pas la vie à cause de vampires devenus violents à cause du manque de nourriture. L'idée le glaçait encore plus sûrement que la présence de la Licorne.

« Nous partons aujourd'hui. Plus vite nous seront là-bas, plus vite nous saurons à quoi nous en tenir et plus vite nous pourrons redresser la barre de ce coche fou »

Son regard se tourna vers la ville, pensif. Tout était prêt ou presque et le reste serait entre les mains capables de son compagnon. Il ne pouvait être partout, alors déléguer une partie de ses soudaines responsabilités était une obligation pragmatique et il avait toute confiance en Aldaron, en particulier après leur discussion la veille. Il pouvait se consacrer entièrement à se rendre à Aerthia. Même Irina était sécurisée à sa place et ne lui causerait aucun problème. Il s'était lui-même occupé de renforcer le cercueil de glace de sorte qu'il soit impossible à ouvrir par un intrus. Il ne lui restait qu'à grimper sur le dos du dragon et à s'éloigner. D'un geste, le haut mage invita son compagnon écailleux à le suivre vers l'intérieur de la petite ville portuaire, pour aller examiner l'objet, mais aussi pour qu'il récupère certains de ses biens avant le départ. Marchant lentement, davantage pour ne pas glisser que par volonté de faire traîner, il profita de leur avancée pour répondre à la seule question laissée en suspend. Elle était dure, cette question, sans réponse totalement définie et gravée dans la pierre. Peut-être parce que cet objectif était aussi lointain que nébuleux en l'instant ou peut-être simplement parce qu'il se réservait encore une réponse définitive. Mais il pouvait néanmoins l'ébaucher, avec précaution.

« Comment je vois le Lien ? C'est encore trouble. Comme un partenariat, je pense. Avant tout, par dessus tout, comme un ressentit, un sentiment de communion entre deux êtres qui se retrouvent l'un dans l'autre, qui ont une complicité, un passif, une dynamique commune et une tendresse l'un pour l'autre. Je le vois comme une volonté de se rapprocher encore davantage, de partager et de combler l'éternité. Une évolution d'une union déjà présente. Voilà ce que je vois en l'instant. Une camaraderie qui a vaincue toutes les barrières. Ensuite ? Une acceptation, en connaissance de cause, du poids qui vient avec le bonheur du Lien. Je vois le Lien comme une opportunité donnée et prise, d'évoluer »

Pour le reste, rien n'était moins sûr, mais si les Liés avaient de bonnes volontés, alors il n'avait pas à craindre ce qui en résulterait. Pour autant, il ne désirait pas forcer un bipède ou un dragon à accepter quoi que ce soit qui ne soit pleinement comprit et accepté… simplement parce qu'il n'en viendrait rien de constructif. Seulement de la rancœur et de l'incompréhension. Un rejet. Mais alors, devait-on réellement réduire les Liés à un rôle unique prédéterminé ? Non certainement.

« Je ne suis pas un grand partisan de l'édit absolu. Ainsi chaque lié a, je pense, ses qualités et une richesse à offrir. Ils peuvent se donner des objectifs différents, tout en offrant une part d'un tout, donner de leur propre manière sans avoir à suivre un modèle fixe. Je pense qu'il est important qu'ils conservent leur individualité et qu'ils aient la possibilité de poursuivre leurs propres buts, tout en participant d'un grand tout. Leur permettre de se développer ensemble, comme personnalités individuelles et complètes, détachée de toute incidence extérieure, politique, culturelle, idéologique. C'est également là une faute majeur de nos récentes années. Les jeunes dragonniers n'ont pas le temps de se construire qu'on les projette déjà dans des rôles de premiers plans »

Il voulait qu'ils puissent comprendre combien le monde était magnifique et combien il était important de l'aimer. Mais tout cela, ça ne venait qu'avec l'expérience, en fin de compte. Quand la vie vous avez déjà secoué et ballotté au grès de ses courants.

« J'y ai peut-être plus pensé que je ne croyais. Mais nous sommes presque arrivé. Ce devrait être ce bâtiment, en face de nous. Je vais aller récupérer mes affaires, et nous pourrons y aller »

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La large tête couverte d’écaille se pencha légèrement sur la droite, tel un jeune chaton étudiant un tout nouvel objet. Kaalys avait transporté quelques personnes sur son dos. Valmys, Aeglos. Jamais Dawan, mais à présent Achroma. Son coeur, pendant un instant, se serra, ses orbes disparurent, puis l’or couvrit de nouveau le vampire. La selle laissait un sentiment négatif au jeune dragon. Cet objet, pourtant banal, était comme un symbole de domestication… ou de partenariat ? Kaalys pencha davantage la tête, réfléchissant à cette nouvelle idée. Elle lui plaisait davantage. Et puis, après tout, il était libre de choisir si un bipède, ici Achroma, pouvait accrocher une selle sur son dos.

« La selle sera parfaite. Vois cela comme un gage de confiance. » répondit finalement le dragon en se redressant.

Ses aides lui avaient offert une selle. C’était étrange de prime abord. À moins que ces personnes furent au courant de la véritable identité d’Ivanyr. Là, tout prenait un sens. Les manigances bipèdes amusaient, cette fois-ci, l’esprit du saurien. En son fort intérieur, il avait hâte de découvrir les émotions d’Ivanyr lors de ce ‘premier’ vol.

Tranquillement, Kaalys se releva. Un peu de neige glissa le long de ses flancs et tomba mollement dans la poudreuse tandis qu’il emboîtait le pas à Achroma. Derrière lui, sa queue creusait un large sillon dans la neige mélangée à la boue et la terre. Se glisser entre les battisses de la petite bourgade n’était pas une mince affaire pour le grand saurien. Ce dernier devait redoubler de prudence pour ne pas détruire tout ce qui se trouvait proche de lui. Même en maintenant ses ailes contre ses flancs, les maisons qui bordaient la route n’étaient pas à l’abri. Au moins, Kaalys ne risquait pas de glisser avec ses puissantes griffes qui lui servaient de grappin.

« Nos points de vues ainsi que nos désirs se rejoignent. Cela fait plaisir à entendre. »

Kaalys était volontairement nébuleux, mais l’Ancien saurait sans doute ce qu’il sous-entendait.

« Je suis d’accord. À peine étais-je sorti de l’oeuf que je me suis retrouvé le centre d’une attention dont je ne voulais pas. J’avais besoin de me découvrir moi-même, de découvrir mon Lié, avant de pouvoir accepter de quelconques responsabilités. Tout être a besoin de se construire correctement, d’avoir du temps, avant de pouvoir se consacre à autre chose que lui-même. Sinon, ce n’est pas sein. »

Le dragon soupira. Tant de choses avaient été faites de travers, lorsqu’il y songeait.

En lorgnant le bâtiment indiqué par Achroma, Kaalys se contenta d’un signe de tête avant de s’asseoir dans la neige, la queue enroulée autour de lui. Tandis que l’Ancien récupérait la fameuse selle ainsi que ses effets personnels, le saurien laissait son esprit s’envoler loin de son enveloppe. Il sentait les âmes qui peuplaient la petite ville assiégée par le vent. Il entendait les murmures de leurs pensées, comme une cacophonie en arrière-plan. Lorsqu’il se concentrait sur ces voix, il parvenait à mieux les discerner et à en suivre le fil. Toutefois, Achroma fut vite de retour et ses aides ne seraient pas de trop pour fixer la selle sur le dos du saurien.

« Il est préférable de nous mettre à l’écart. »

Un accident était si vite arrivé ! Kaalys conduisit le petit groupe un peu plus loin, à une cinquantaine de mètres de la première habitation. Déjà il s’y sentait plus à l’aise sans le risque de détruire un toit avec une aile mal placée.

« J’imagine qu’il suffit de mettre la selle sur mon dos et de passer les lanières sous mon ventre. »

Et de se tenir tranquille. Kaalys ne pouvait rien faire d’autre tandis qu’on déposait la pièce de cuir sur son dos. La sensation n’était pas désagréable, l’ouvrage était de qualité – quoique usé - et s’adaptait à la morphologie du jeune saurien. La selle trouvait sa place entre ses ailes, là où les piques qui couvraient son échine étaient plus petites. Finalement, le Nacré tourna sa large tête pour observer Ivanyr. Sans un mot, il se ramassa sur ses pattes, son ventre frôlait la terre. Hélas, son dos était encore très haut. Le saurien offrit donc sa patte pour aider Achroma à grimper.

Le poids de l’Ancien n’était guère une lourde charge pour le jeune dragon. Du haut de ses dix mètres, il pouvait porter plus que cela.

Doucement, Kaalys se redressa. Il sentit les lanières de la selle contre son abdomen et son poitrail. Elles tenaient bon, ce qui poussa le saurien à étendre doucement ses ailes. Là aussi, tout allait bien, ses mouvements n’étaient pas entravés.

« Accroche toi. »

Fort heureusement, la selle comportait un large pommeau auquel Ivanyr pouvait se tenir à loisir. La perspective de retrouver les cieux rendait Kaalys très heureux et ce dernier n’attendit pas davantage pour déployer ses ailes et bondir vers le ciel. En quelques battements puissants, il s’arracha à la gravité et prit peu à peu de l’altitude.

« L’attrape rêve que m’a offert Dawan me permet de me soustraire aux éléments. Mon vol ne peut être contrarié par le vent, pour ne citer que lui. »

L’objet évoqué par Kaalys flottait à quelques centimètres de l’une de ses cornes, sur le côté droit de sa tête. Il ne lévitait pas, en vérité, et était attaché par un fil invisible. L’objet détenait de puissants pouvoirs, dont celui évoqué par le saurien.

« Nous sommes à une journée de vol d’Aërthia. J’ose espérer que le temps sera clément. »

Il disait surtout cela pour Achroma. Pour l’heure, malgré l’air glacial, il ne neigeait pas. On distinguait les montagnes au loin, ainsi que la forêt devant, telle une masse sombre grouillante au pied des monts enneigés.

« Je peu voler une journée. Préfères-tu que nous fassions le trajet en une seule fois? Ou souhaite tu que nous nous arrêtions juste avant de survoler la forêt de Licorok pour que tu te dégourdisse les jambes ?»

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« Que j'escompte honorer à sa juste valeur »

Il ne comprenait que trop bien, intuitivement, ce qu'on lui offrait, ce que cela représentait, et ce qu'il pouvait en tirer. Dire qu'il valorisait cette aide était presque trop peu. Néanmoins, et non sans raison, Kaalys se méprenait quelque peu. Prenant possession de la selle, il l'observa quelques instants avec une certaine critique, soupesant une fois encore la décision qu'il avait prise sur un coup de tête. Tapotant finalement le cuir, le vampire rejoignit le dragon. Son regard resta fixé sur Kaalys, alors même qu'il expliquait ce qui lui était venu à l'esprit.

« Cependant, je ne pense pas que ce soit réellement à moi de te mettre cette selle, symboliquement, j'entends. Je voudrais te la donner. Je ne suis pas dragonnier, pour posséder une selle comme celle-ci, mais toi si tu désire permettre à des bipèdes de monter sur ton dos, tu n'auras pas à te poser la question à chaque fois de la façon dont tu dois t'y prendre. Tu auras déjà ce qu'il te faut. Et si tu ne le désire pas, elle restera vide »

Quant à savoir comment elle devait être transportée, il faisait confiance à la magie pour permettre de la garder à portée sans être une gêne pour le nacré. Il ne s'octroyait pas réellement la possibilité de harnacher librement un dragon, que celui-ci le veuille ou non. Disons, pas en étant possesseur des moyens. Mais Kaalys serait libre de choisir et c'était très bien ainsi. Aurait-il aimé être seul détenteur de cette selle et de ce qu'elle représentait ? La question l'avait en réalité à peine effleuré. Il ne regardait pas Kaalys pour ce qu'une union pourrait lui apporter, il regardait Kaalys comme un être vivant pas comme une accumulation de pouvoir.

« Sans aucun doute »

Le haut mage accompagna le grand écaillé un peu plus loin, afin de ne pas risquer de détruire un de ces minables bâtisses. Elles tenaient déjà à peine debout alors il n'y avait aucun besoin d'en rajouter. En vérité, quitter Nevrast serait sans doute salutaire pour lui quoi qu'il se passe… ce lieu était l'agonie de tout sens architectural. Inconscient de partager au moins son appréhension d'une casse avec le dragon, Ivanyr commença à étudier l'ensemble des sangles nécessaires à l'attache de la selle. A première vue, il avait l'impression de nécessiter une formation en ingénierie Almaréenne pour s'en tirer, mais une fois cet instant de perplexité révolu, ce n'était pas si compliqué.

« Je ne sais pas si 'suffire' est vraiment le bon terme, Kaalys »

Le rire contenu dans sa voix le disputait à l'auto-dérision et il souleva un peu plus l'objet pour montrer le réseau de lanières qui pendait en dessous. Néanmoins, il ne recula pas devant l'effort. Silencieux durant tout le processus, les gestes venaient naturellement, presque instinctivement, même s'il aurait été incapable de les répéter s'il avait réellement réfléchit à ce qu'il était entrain de faire. Tant que cela fonctionnait, ça lui allait très bien. Une fois les sangles les plus importantes fixées, il s'autorisa un bref instant de pause avant d'achever sa besogne. Grimper sur le dos du dragon après ça ne fut pas des plus aisé et il oscilla inconfortablement à plus d'une reprise, raide.

S'installant dans la selle, Ivanyr grimaça et se pencha avec moult précautions afin d'attacher les lanières servant à sécuriser son assise et ses jambes. Puis, il fit léviter son paquetage jusqu'à lui, en un tour simple, et l'attacha dans son dos. Un instant, il resta tiraillé entre la satisfaction d'user d'un don qui lui était aussi naturel que de respirer et l'amertume de se souvenir que ce même don n'avait pas été suffisant dans la forêt. Il devait encore s'améliorer. Il n'était pas encore assez fort pour protéger complètement Aldaron… il devait devenir meilleur. S'entraîner n'était plus un exutoire, c'était un but sincère pour la survie de ce qu'il aimait.

Sentir Kaalys bouger le ramena à la réalité et il se sentit un instant mal à l'aise, angoissé à l'idée de cette masse d'écailles qui se mouvait sous lui. Fermant les yeux, il s'accrocha à l'avant de la selle, légèrement penché en avant, et retint un halètement de peur. Le voir étendre ses ailes ne fit rien pour le calmer, mais il resta muet. Le décollage lui fit remonter le cœur dans la gorge, et il tâcha de respirer de son mieux pour faire passer l'horrible sensation. Ses mains crispées sur l'accroche de la selle, le vampire se risqua à ouvrir les yeux uniquement quand le dragon sembla se stabiliser et qu'il lui parla de nouveau.

« Oh… je vois… parfait... »

Lui ? Manquer d'enthousiasme ? Si peu… Il avait l'impression d'être une brindille dans une tempête et n'avait qu'une peur : que les lanières qui le retenait craquent. Il serait éjecté et tomberait à sa perte, éclaté en une bouillie sanglante sur les roches en contrebas. Le teint légèrement gris, Ivanyr resta raide et crispé, et lança une prière silencieuse à toutes les forces supérieures de ce monde pour que le temps, effectivement, soit clément, ou il ne survivrait simplement pas à la traversée. Et il fallait qu'il arrive à se détendre. Il le fallait absolument. Inspirant profondément, le haut mage tâcha de regarder le paysage, pour essayer d'y trouver du réconfort….

… et manqua rendre l'âme immédiatement. Quoi, ils étaient déjà si haut ? Bon sang qu'il allait vite. La sensation d'être happé par le vide lui vint immédiatement, comme si, malgré les attaches, il allait glisser et tomber. Un gémissement d'angoisse lui étrangla la gorge et il se pressa contre la selle quelques longs instants. Si Kaalys n'avait pas parlé directement dans sa tête, il ne l'aurait pas entendu. Sur l'instant, c'était lui demander de choisir entre peste bubonique et peste pneumonique. Ils pouvaient descendre tout de suite ? Comment ça non ? Comment ça ce ne serait pas productif ?

« Euuhhh… euh… euh... »

Il fallait absolument qu'il se convainc qu'il n'allait pas mourir là tout de suite. Gauchement, le vampire glissa une main dans les replis de ses vêtements, et serra la main sur la boussole de Lyssa. Elle était accrochée autours de son cou par une lanière et ne risquait pas de lui échapper. La calant dans sa paume, il observa l'aiguille qui pointait rageusement vers Nevrast et puisa toute la force dont il avait besoin dans la pensée d'Aldaron. Lentement, en tremblant, il se redressa, serrant les dents. Ce n'était pas assez, c'était loin d'être assez, mais comme un pendu allant à son exécution, il n'avait pas réellement de choix.

Par à-coup, il parvint finalement à se tenir droit et jeta un nouveau coup d'oeil au paysage. Même s'il risquait d'être raide à l'arrivée, il ne se voyait pas du tout faire une escale. Maintenant qu'il savait combien le décollage lui faisait peur, l'idée d'en subir un autre à intervalle aussi court lui donnait des hauts le cœur. D'une voix étranglée, sans certitudes d'avoir été entendu, il transmit donc sa réponse : pas besoin de pause. De toute façon, en dehors de son angoisse des hauteurs nouvellement découverte, il n'avait pas envie de perdre du temps dans une telle situation.

Après quelques instants de plus, le vampire décida que la meilleure façon d'essayer de dépasser son profond malaise était de le confronter. Avec l'impression d'être sur le point de mourir, il ouvrit donc pleinement les yeux et se gorgea du paysage alentours. Lentement, progressivement, les tremblements disparurent et son angoisse diminua jusqu'à des braises palpitantes mais assourdies. Timidement, il s'avoua que la vue était très belle. Elle lui gagnait progressivement le coeur et il se rendit à l'évidence, Kaalys avait raison… sans les embardées du vent, son vol était fluide et souple, lui permettant de souffler un peu.

« C'est… étrange, j'ai une sensation de déjà vu… je ne saurais pas l'expliquer mais… j'ai beau avoir peur, j'ai l'impression d'être, d'avoir déjà volé sur le dos d'un dragon »

Il était terrifié, et en même temps, il ne pouvait s'empêcher de le vivre. Lentement, cela le gagnait, tandis qu'il s'ouvrait à toutes les sensations, à tous les ressentis qui le giflait de plein fouet. Rempochant la boussole, il borda sa cape afin qu'elle ne claque pas en permanence au vent puis jeta un coup d'oeil non pas vers le bas, mais vers le sommet des montagnes. C'était moins difficile de regarder vers le haut, cela lui donnait moins l'impression de chute soudaine et vertigineuse. Pendant un moment, le vent siffla seul autours d'eux, sans prise sur la grâce de Kaalys. Les yeux toujours rivés sur les montagnes, le haut mage céda en fin de compte à ses pensées troubles.

« Pourrait-on lier autrement que des dragons et des dragonniers ? Serait-ce seulement possible de reproduire une forme approchante d'union entre deux bipèdes, ou deux dragons ? Si deux êtres peuvent choisir de souder leurs destins en raison de leur forte proximité, pourquoi cela devrait se limiter aux dragons et aux bipèdes ? Est-ce seulement réalisable ? Dans quelle mesure ? Sous quelle forme ? Certainement pas la même mais … le lien des Inséparables existe pourtant, comme celui des Geais Moqueurs. Ils sont différents, bien entendu, néanmoins je me pose la question. Si nous parvenons jamais à changer le Lien… peut-être serait-il possible de le diversifier, de le rendre accessible autrement, à une autre échelle pour ceux qui désireraient oeuvrer et perdurer ensemble. Sans est-ce utopiste, naïf, mais la théorie me plaît… »

Pourquoi s'épanchait-il auprès de Kaalys en particulier ? Bonne question. Peut-être parce qu'il était un interlocuteur intéressant tout simplement.

« Bien sûr, il ne s'agit pas simplement d'une question philosophique ou spirituelle. Je pense également en termes pragmatiques. Un dragon et son lié partagent leur énergie, étant ainsi plus puissants et endurants. Plusieurs bipèdes pourraient ainsi accomplir davantage, s'ils pouvaient mettre leurs forces en commun non pas simplement en lançant le même sort en même temps, mais en reliant leurs filins de trame, leurs énergies, afin d'établir un puits commun destiné à des tâches complexes ou de grande ampleur. Mais je suis certainement ennuyant, non ? »

Lui ? Essayer de s'occuper l'esprit ? Peut-être bien...

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Achroma avait de la chance dans son malheur : Kaalys volait mieux que la moyenne. Il n’était pas un maître dans les cieux, mais il se débrouillait plus que bien. Son passager ne risquait donc pas de finir écraser après un atterrissage raté ou quelque chose de ce genre.

« Est-ce que ça va ? »

Sur son dos, Ivanyr lâchait un gémissement plaintif, que le vent rendit lointain. Avait-il le mal de l’air ? Ou quelque chose de ce genre ? Il n’allait tout de même pas vomir sur ses écailles, n’est-ce pas ? Cela risquait fort de fâcher le dragon, sinon, qui avait sa fierté malgré sa gentillesse. En tout cas, Achroma bougeait beaucoup, comme s’il ne savait pas comment se placer sur la selle.

« C’est peut être le cas. Dans une autre vie. » répondit mystérieusement Kaalys.

Un instant, il imagina sa mère, l’argentée. Sous ses yeux, sa silhouette se dessina et, dans ses pensées, elle les accompagnait. Puis, il songea à Achroma et la silhouette de l’Ancien se dessina sur le dos de Silarae, le dos un peu trop droit, la mâchoire crispée et les mains blanchit à force de serrer trop fort le pommeau de la selle. Cette même selle qui, désormais, se trouvait sur le dos de Kaalys.

Les pensées d’Achroma arrachèrent le jeune dragon aux siennes.

« Un Lien, autre que celui d’un dragon et son dragonnier, existe déjà. Il est un peu différent, bien sûr, peut être pas aussi puissant… mais… C’est ainsi que se forme les familles, les amitiés, les couples… Posséder une connexion mentale, ou tout pouvoir de ce genre, n’est que secondaire, non ? Lorsqu’on est bien entouré. »

Certes, il y avait bien des avantages à être en mesure de partager sa force avec un autre, mais le revers de la médaille était également immense. Et ceux prêt à en payer le prix n’étaient sans doute pas aussi nombreux qu’il était possible de l’imaginer.

Laissant Achroma à ses pensées, Kaalys bifurqua doucement sur la gauche afin que son museau pointe vers leur destination. Juché sur son dos, le Nacré doutait fort que l’Ancien soit en mesure de dormir, ou même de somnoler. De ce fait, le jeune dragon se sentait obligé de maintenir son attention sur autre chose que les centaines de mètres qui le séparaient du sol, ou sur le vent qui pouvait l’emporter vers une chute mortelle si les lanières qui le retenaient venaient à céder.

« Je suis lourde ou légère mais impalpable. Pourtant, on me met ou on me casse. Qui suis-je ? » lui demanda t-il soudainement.

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Lorsque le nacré s'enquit de son état de santé, la réponse fut pour le moins équivoque. Le vampire avait émit un son qui n'avait rien d'engageant, mais le fait même qu'il puisse encore produire un son prouvait qu'il était encore de ce monde et donc que cela allait relativement bien, toutes proportions gardées. Pour un premier vol, c'était peu concluant mais ce n'était en tout cas en rien la faute de ce pauvre Kaalys. Le vampire était certain que pour un dragon, il volait très bien. Ou bien était-ce qu'il volait très bien même pour un dragon ? Quelque chose comme ça. Bien vite cependant il essaya de ramener son esprit sur autre chose. Mais là encore, il ne s'attendait pas à la réponse qu'on lui procura. Dans une autre vie ? Peut-être… même si c'était très étonnant de posséder des souvenirs d'une vie antérieure sans être de la Corneille. Et ce serait d'une fumeuse ironie, puisqu'il n'accédait pas aux souvenirs de cette vie présente à volonté. Néanmoins, il n'avait vraiment rien à opposer à son compagnon de voyage à ce sujet. Ni la volonté de le faire d'ailleurs. Il était simplement curieux. Des souvenirs, réminiscences, d'une autre vie ? Une vie où il aurait été dragonnier alors ? Il n'imaginait pas que beaucoup de dragons acceptent de vouloir se laisser monter par des bipèdes, même pour la bonne cause et sans arrières pensées. Quel genre de dragonnier aurait-il pu être alors ? Humain, Elfe, Vampire ? Il y avait quelque chose d'étrange à penser cela. Une impression vague que quelque chose ne convenait pas, concrètement, aux cases qu'il possédait. Un élément qui ne rentrait pas. Oui… mais lequel bon sang ?

« Bien sûr, en termes purement relationnel, je suis parfaitement d'accord. Néanmoins, j'adressais la question sur un plan pratique et magique, non comme une errance de l'âme ou du cœur »

Lui-même était un Inséparable, il savait la puissance que l'amour pouvait avoir et qu'il en existait diverses formes. Sa question restait cependant. Était-il possible d'unir des forces magiques pour les mettre à la disposition d'un seul être qui les dirigerait, afin d'accomplir de grands travaux ? Sans doute lui faudrait-il trouver un autre haut mage pour répondre à cette interrogation. Il n existait, il le savait, pour en avoir déjà vu un. Mais cela viendrait plus tard, quand il n'aurait pas un peuple tout entier à sortir de son écueil. Les vampires… dans quel état allait-il trouver Aërthia ? Son inquiétude revenait au grand galop. Et si les vampires étaient devenus fous ? Bah, cela ne servait vraiment à rien de mâcher ces angoisses continuellement. Si seulement il pouvait réussir à s'ôter tout ça de la tête. Sans avoir l'impression de mourir d'ailleurs, tant qu'à demander l'impossible.

« Comment ? »

Il sortit de ses pensées brusquement, cligna des yeux et força le dragon à répéter car il n'avait absolument pas saisit la première fois. Puis, quand il comprit enfin, un léger sourire lui vint aux lèvres. Une devinette hein ? Il aimait les devinettes ? Mordant aisément au hameçon, le vampire se mit à réfléchir et inférer les possibilités. Bon joueur, il ne s'était jamais énoncé comme étant particulièrement doué pour les devinettes. Celle-ci néanmoins semblait relativement aisée. Une mise en bouche peut-être ? Avant le plat de résistance ? Il pouvait évidemment lourdement se tromper mais il en doutait. S'offrant le luxe de pondérer encore un peu plus, juste parce qu'il le pouvait de toute façon dans sa position, Ivanyr finit néanmoins par se redresser avec un grand sourire. Cette fois, il était très sûr de lui, et il lança, assez fort pour être entendu.

« Une ambiance ? »

Il attendit de savoir si cela correspondait bien à ce que le dragon attendait, puis, il décida naturellement que c'était à son tour de poser une devinette. Qu'il ne soit pas toujours celui qui se tordait l'esprit.

« Je reste dans mon lit mais je ne dors pas. J'ai des lacets mais pas de chaussure. Je coule mais je ne me noie pas. Qui suis-je ? »

Ils survolaient à présent Licorock et le vampire prit son courage à deux mains, pendant que Kaalys réfléchissait, pour se pencher légèrement et regarder en bas. Il émanait de ce lieu quelque chose de terrible. Une malveillance… ou non, ce n'était pas tout à fait une malveillance, c'était autre chose. Plus complexe mais non moins dangereux. Il y avait quelque chose, là en bas. Quelque chose qu'ils avaient effleurés sans réellement le comprendre. Quand il avait demandé, avant l'expédition, s'ils y avaient eut des éclaireurs préalables, il avait eut raison d'agir ainsi. La façon dont ils s'étaient introduis dans la forêt était stupide et grossière. Il fallait agir différemment pour comprendre exactement ce qui se passait. C'était préoccupant. Il voulait y retourner, mais sans comprendre comment s'introduire dans le cycle de la forêt lui-même, ce serait peine perdue. Comment faire pour s'y introduire cependant ? Il n'était pas tout à fait certain.

Progressivement, sur leur chemin, Ivanyr se détendit jusqu'à tenir en selle sans craindre pour sa vie même s'il restait un peu raide. Lorsqu'il tenta de se reposer cependant, un violent cauchemar vint le prendre, dessinant les images sanglantes de la débandade de la forêt et la mort de l'illusion d'Aldaron. Il vint en rêve le grand dragon qui s'avançait et une forme indistincte, presque une ombre. Il s'éveilla hors de sa transe en haletant, s'accrochant à la selle, perturbé et perdu avant de comprendre où il se trouvait. Soupirant profondément, il contacta son Inséparable par l'anneau des murmures pour le mettre au courant de leur avancée avant qu'il ne retombe un long moment dans le silence. Il vit la forme spectrale près de lui, l'observant silencieusement, mais refusa de lui adresser la parole.

« Penses-tu que nous approchions ? Peut-être pouvons-nous faire un arrêt rapide avant notre arrivée ? Je voudrais pouvoir me dégourdir les jambes. Ca ne serait pas vraiment bon pour mon image si je tombe du haut de ton dos stupidement parce que je serais trop rigide, non ? »

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Les dragons ne peuvent pas sourire, cela leur est anatomiquement impossible. Tout juste peuvent-il soulever leurs lippes, en fait, pour dévoiler une rangée de crocs acérés. Un sourire, sans surprise, à faire faire des cauchemars aux enfants et mouiller les chausses des plus valeureux. Mais, après avoir énoncé son énigme, Kaalys ce serait volontiers rendu souriant s’il avait était un bipède car il se sentait fier d’avoir trouvé de quoi divertir Achroma.

Ce dernier, visiblement bon joueur, saisi l’opportunité. Dès lors, le jeune saurien jura entendre les méninges de son passager travailler.

« Une ambiance ? »

Achroma ne fit qu’une bouchée de cette première devinette et il en semblait assez fier de lui, comme en témoignait le ton de sa voix que même le vent n’empêcha pas de porter aux oreilles du dragon.

« Félicitations. » accorda Kaalys.

Ils laissaient, désormais, la toundra derrière eux, ainsi que la mer et le port. La forêt, au-dessous de Kaalys, devenait de plus en plus dense à mesure qu’ils cheminaient vers le nord, lui semblait-il, et cela le rassurait guère. Mais par chance, l’Ancien décida à son tour de lui poser une devinette. Celle-ci permit au dragon d’occulter la forêt qu’il survolait.

« Une rivière. » fini par répondre Kaalys entre deux battements d’ailes.

Progressivement, les devinettes s’espacèrent, ainsi que les mots échangés. Puis, finalement, le saurien sentit le vampire s’enfoncer dans une sorte de sommeil. Le silence, bien que relatif à cause du vent qui siffler, laissa l’occasion à Kaalys d’égarer ses pensées. Celles-ci se tournèrent vers le forêt qu’il survolait encore, puis vers sa sœur et enfin de nouveau vers Achroma, dont il percevait le cauchemar sans être en mesure d’en savoir davantage. Mais, d’un légère saccade, le dragon préféra réveiller l’ancien. Ce dernier refit surface en haletant et Kaalys le sentit s’agripper à la selle pour reprendre ses esprits.

« Nous ne sommes plus très loin. » approuva Kaalys.

Ne souhaitant pas se poser près de la forêt qui bordait la cité, le jeune dragon avait contourné celle-ci par l’ouest afin de se poser entre elle et la mer. Kaalys préférait mille fois avoir une étendue d’eau et un ciel dégagé derrière lui, plutôt que des arbres et cette aura délétère. Il n’avait pas vraiment peur, bien sûr, mais il se méfiait non sans raison. Le souvenir de ses ailes meurtrit était encore bien vivace.

« Cela aurait le mérite d’être drôle. » se moqua gentiment le saurien. Un espèce de ronronnement caverneux s’échappa de sa gorge. Était-ce cela, le rire d’un dragon?

Doucement, Kaalys inclina sa queue de telle sorte qu’il commença à perdre de l’altitude. Il vira ensuite, sur la droite, afin de décrire une spirale. Cet atterrissage était un peu longuet, mais il avait au moins le mérite de ne pas faire mourir de peur le vampire.

Finalement, les pattes du dragon foulèrent de nouveau la neige tout en douceur. Ses grandes ailes faisaient se soulever des nuages de poudreuse tout autour de lui tandis que la basse végétation se pliait sous la force des bourrasques. Une fois immobile, Kaalys plia les genoux et se servit de sa patte pour offrir un « marche-pied » à Achroma. Tout raidit par le voyage, ce dernier risquait d’avoir les jambes en coton, il était donc préférable de ne pas sauter à terre au risque de finir la tête dans la neige.

« D’ici, quatre battements d’ailes et nous serons à destination. » c’était une unité de mesure très approximative, mais si Achroma choisissait de voler de nouveau, cela ne durerait pas plus de cinq minutes. Des remparts de la ville, que le saurien devinait sans mal, des dizaines de paires d’yeux étaient sans doute en train de les épier à travers une longue-vue.

« Je suppose que tu souhaites te rendre directement au palais ? J’ose espérer que l’accueil ne sera pas trop désagréable. »

C’était un avertissement à peine voilé. Kaalys ne souhaitait pas être embêté, de quelque façon que ce soit, par les vampires. Sa patience risquait fort d’être bien pauvre si cela devait arriver.

« La loi du plus fort prédomine chez les vampires. Qu’espères-tu de moi exactement, une fois là bas ? »

Même si, sans rien faire si ce n’est se tenir là, Kaalys était déjà capable de tenir quelques vampires en respect.

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Drôle mais destructeur pour son image et il n'avait pas besoin de se rajouter inutilement des obstacles dans cette vaste fumisterie. Roulant des yeux, vaguement amusé sinon alarmé de la perspective, il maintint néanmoins le besoin de s'assouplir les muscles avant d'entrer en scène, exactement comme un chanteur échaufferait son organe avant une représentation. S'accrochant fermement, Ivanyr inspira et se prépara mentalement à devoir subir la descente qui enverrait son cœur tout mort qu'il fut dans sa gorge. Quelle ne fut pas sa surprise, donc, de noter un changement drastique d'approche dans la façon dont Kaalys quitta les nuées pour retrouver le sol ferme. Voilà qui le convenait beaucoup mieux ! C'était bien moins terrifiant que de chuter à pic vers le sol. Soupirant de soulagement, il défit les sangles qui le retenait en place, puis se tourna de côté, très lentement. Même avec la résistance des vampires, il avait été meurtrit par le vent coupant des hauteurs.

« Merci Kaalys »

Il posa un pieds sur la patte, se retenant avec précaution aux écailles, et parvint, un pas après l'autre, lentement, à descendre et à faire quelques pas dans la poudreuse. Chaque pas lui demandait de forcer légèrement et il retenait une grimace alors qu'il détendait des muscles perclus par le voyage mais aussi par la peur. Il pu également contempler la vue depuis les hauteurs car même s'ils étaient sur un sol ferme, celui-ci n'était pas la Toundra triste et morne de Nevrast. Admiratif malgré tout, de cette beauté sauvage et austère, presque sinistre, Ivanyr resta de longues minutes à la contempler en laissant ses pensées voguer au loin. Lorsqu'il décida de revenir au moment présent, en se tournant vers le dragon de nacre, il eut un léger sourire. Une partie de ce à quoi il avait réfléchit tendait vers la façon dont il devrait s'y prendre afin de parvenir au but espéré avec les vampires. Et la question de son comparse était très juste, très sensée, car elle se posait forcément.

« L'image de ta présence est déjà un gros avantage pour moi, même sans rien faire. Mais j'aurais besoin de ton aide pour préparer et sécuriser l'évacuation de la ville. Sans compter qu'avoir quelqu'un d'intelligent avec qui échanger sur les problèmes qu'on trouvera là-bas ne sera pas du luxe »

Pas qu'il considéra les autres vampires comme des imbéciles mais… oh enfin un petit peu tout de même. Pouvait-on vraiment lui en vouloir ? Jusque là, il n'avait pas spécialement constaté une outrance intellectuelle chez les représentants des siens. C'était presque factuel plus qu'une insulte. Cela dénotait davantage de son sentiment désabusé que d'un quelconque mépris.

« Je ne vais pas aller au palais. Dès qu'on me verra arriver avec toi et s'ils me prennent pour Achroma comme tant d'autres, c'est au palais qu'ils vont m'attendre, ceux qui espérerons me barrer la route. Mais non, je compte procéder autrement. A nous deux nous devrions être capables de les rassembler sur une place, par exemple, pour y prendre la parole »

Avant toute autre chose, ils devaient être mit au courant de la menace à laquelle ils étaient confrontés et à la certitude que plus la moindre goutte de sang ne parviendrait jusqu'à la forteresse. Ils ne pouvaient pas rester dans l'illusion qu'ils étaient en sécurité, car ce n'était pas le cas. Ils devaient avoir peur, tout vampires qu'ils soient, afin de se mettre dans la tête une bonne fois pour toute que bouger était une demande vitale.

« Je ne te demande pas de protection à moins que tu ne sente venir un danger extrême car comme tu l'as justement dit, la loi du plus fort prédomine. Je dois pouvoir montrer que je suis le plus fort… même si leur notion de cette force est biaisée. Mais je ne suis pas là pour parler philosophie avec eux. Pas pour le moment en tout cas »

Plus tard peut-être, quand le besoin de sécurité serait plus mince, l'atmosphère moins tendue, et qu'il apprendrait à apprécier les siens un peu plus. Bien qu'il souhaite s'engager auprès d'eux, les aider, il n'avait pas vécu à Aerthiä et il n'était pas un affin de leur train de vie quotidien. Il avait vécu isolé avec sa famille, puis avec des graarh, puis à Caladon. Cela lui avait ouvert d'autres frontières mais pour parvenir à ce qu'il désirait, il allait devoir réapprendre à être un vampire avant tout.

« Nous sommes là de concert pour les aider, y comprit contre eux-mêmes. Il faut les secouer. Je ne te caches pas, cependant, que j'ai aussi décidé que je n'allais pas les laisser à un autre incompétent pour qu'il termine ce que Faust a commencé. Sauf que ça, c'est un projet personnel et je n'ai pas envie de t'y impliquer si tu ne le désire pas »

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Une fois Achroma descendue, le jeune dragon nacré se redressa et s’assit. Derrière lui, sa queue battait un rythme que lui seul était capable d’entendre. De profondes stries marquaient la poudreuse, comme si quelqu’un avait voulu dessiner une forme géante avec ses bras et ses jambes. N’était-ce pas les jeunes enfants, justement, qui faisaient cela ? Des dragons de neiges, si la mémoire de Kaalys ne lui jouait pas de tour. C’était amusant, se dit-il, en dessinant une forme quelconque dans la neige à l’aide d’une griffe.

Devant lui, Achroma se dénouait les jambes et, de temps en temps, le saurien jetait un coup d’oeil. Kaalys s’attendait presque à lever les yeux une énième fois et retrouver le vampire la face dans la neige, mais il n’en fut - finalement - rien.

Le Nacré était fier et, presque imperceptiblement, ce dernier bomba le poitrail. Il se savait grand - pour son âge - et il se savait fort. Et comme beaucoup de dragon, il avait sa fierté et aimait qu’on souligne ses forces. Tandis qu’il suivait Achroma du regard, il imaginait aisément l’effroi que son ombre menaçante pouvait provoquer chez les habitants de la capitale voisine.

« J’ai survolé Aerthiä à plusieurs reprises. Il s’y trouve un quartier marchand et non loin de là, la plus grande place de la cité. Si ma mémoire est bonne, c’est à l’opposé du palais, il s’agit donc d’un bon endroit où rassembler ton peuple. » Plus ils seraient loin du centre du pouvoir, plus Achroma avait de chance de ne pas tomber sur des opposants. « Ma voix portera dans leurs esprits et les enjoindra de nous retrouver sur cette place, ai confiance. »

Kaalys jouissait d'une bonne réputation. Il s'était toujours battu du côté des bipèdes, il avait même était blessé pour eux. Il avait élu domicile sur Nyn-Tiamat et, jamais, n'avait menacé leurs vies.

De sa lourde tête, le jeune dragon acquiesça aux propos de vampire. Prouver sa force pour leur montrer à tous qu’il pouvait être leur chef... Cela ne serait pas une mince affaire. Achroma était un mage, pas un guerrier, et les vampires n’avaient pas la réputation d’être des gens d’esprit. Kaalys espérait que cette partie se passerait bien.

« Je te laisserai mener ton combat. Mais j’ai promis à Aldaron de veiller sur toi. Si cela dégénère et que ta vie est en danger, il me faudra agir. »

Il y avait peu de doute, concernant cette partie-ci, pour qu'Achroma ne soit pas d’accord. Mourir n’était pas au programme.

« J’ai promis de t’aider. » doucement, le dragon se baissa jusqu’à ce que son museau soit s’y proche d’Achroma que ce dernier pouvait sentir le souffle brûlant du dragon. Leurs regards se croisèrent. « Et je compte tenir ma parole. Au moins jusqu’à ce que ton peuple soit en sécurité. »

Sans plus attendre, Kaalys se redressa et proposa sa patte au vampire. Il hissa ainsi ce dernier jusqu’à la selle.  L’atterrissage pouvait être doux, mais c’était clairement une autre perd de manche concernant le décollage. Kaalys n’avait pas le choix de prendre de l’élan avant de s’élancer, d’un puissant battement d’ailes, vers les cieux. Et, sans attendre, il se dirigea vers la capitale vampirique.

Celle-ci, comme promis, n’était qu’à quelques minutes de vol. Déjà, ses murailles de pierre se faisaient plus nettes. On pouvait même déceler la complexité de l’architecture. Kaalys n’était pas adepte des constructions de pierres bipèdes, car elles dénaturaient trop le paysage, mais il devait reconnaître le savoir faire des vampires.

La muraille de la cité ne pouvait arrêter le dragon. En effet, cette barrière avait été pensée pour stopper l’avancée des Graârh et des créatures de cette île, pas des sauriens. Elle ne possédait guère de balistes et les flèches, si les vampires attaquaient, ricocheraient contre les écailles du nacré. Ce dernier eu donc le loisir de la survoler et de pénétrer dans l’enceinte d’Aerthiä.

Sous lui, son ombre menaçante réveillait les foules. Comme un troupeau apeuré, de nombreux vampires couraient se mettre à l’abri dans leurs maisons de pierres. Mais Kaalys n’en avait que faire, son objectif était autre. Une fois la place repérée - ce qui était relativement simple puisqu’elle était un grand vide vue du ciel - le Nacré s’y dirigea.

« Vampires, habitants d’Aerthiä ! Je suis Kaalys, le dragon de Nacre, et j’ai à vous parler. Ne craignez pas mon ombre, ne craignez pas mes flammes car je suis un protecteur. Cherchez ma silhouette, retrouvez moi au centre de la plus importance place d’Aerthiä. »

Se poser dans un lieu si petit était une autre affaire. Kaalys ne voulait pas détruire quoi que ce soit, ni rendre Achroma malade. Hélas, ce dernier devrait avoir l’estomac bien accrocher : pour freiner sa course, le saurien ouvrit grand ses ailes, puis quelques battements en avant de lui lui permit de stopper son vol. Il se posa et le sol se mit à trembler sous sa masse jusqu’à ce que, comme toute à l’autre, le jeune dragon plie les genoux et permette à Achroma de descendre. Au centre de la place, il y avait une estrade. Sans doute devait-elle servir aux spectacles plutôt qu’aux annonces au peuple - car cela devait se passer au palais - mais cela serait suffisant pour que l’Ancien soit vue de tous.

« Habitants d’Aerthiä, voici mon message : l’Aîné souhaite vous parler et je vous demande de l’écouter. »

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Un quartier marchand ? Il allait vraiment devoir trouver quelqu’un pour lui expliquer la logique du maître d’oeuvre de la ville, car elle lui échappait totalement. Sans artisanat et sans force ouvrière, qu’est-ce qui pouvait exactement motiver la construction d’un quartier marchand ? Une forme exacerbée de pessimisme lui faisait dire que l’humain (car c’était probablement un humain) qui avait effectué les plans de la ville avait dû être soit un partisan du moindre effort, soit vouloir extorquer les vampires encore davantage. Néanmoins, pour l’heure, cela lui servirait si les dires de Kaalys étaient vrais.

Effectivement, ça serait parfait

Plus loin du palais, plus de temps pour ses potentiels adversaires pour faire le trajet, plus de temps pour parler en paix. Un léger sourire vint étirer ses lèvres et il posa une main sur les écailles au nacre luisant sous la lumière des hauteurs enneigées.

En toi oui, toujours. En eux ? Pas sûr

Le dragon avait prouvé qu’on pouvait compter sur lui, qu’il était fiable et plus que ça, entier et intelligent. La formulation, cependant, sonnait finalement bien plus étrange et romanesque qu’il ne l’avait envisagé. Son sourire se fana. Il espérait que, si les choses se passaient mal, Kaalys ne soit pas dérangé outre mesure. Il n’avait pas envie que quelque chose lui arrive par sa faute ou à cause d’une bande d’imbéciles. Sa foi en les vampires était inversement proportionnelle aux espoirs qu’il nourrissait pour eux. Et vu ce qui avait été fait par goût du pouvoir ? Il se trouvait légitime de douter.

Et je ne le refuse pas, c’est rassurant en un sens

Qui n’aurait pas aimé qu’une montagne d’écailles ailée crachant le feu veille sur vous ? Bien sûr qu’il appréciait sa protection. Il ne voulait juste pas la faire déborder, encore moins entraîner Kaalys dans quelque chose qui nuirait à sa liberté. Le dragon avait certes beaucoup d’altruisme mais il était neutre et objectif, pas attaché à un seul peuple. Sauf s’il s’agissait de sa volonté, il n’allait pas conspirer pour que cela change à son seul profit. Bien sûr, il espérait aussi que rien n’allait dégénérer. Mais la possibilité existait, présente, prégnante.Il ne pouvait l’oublier.

Oui

Il pressa le front contre ses écailles chaudes et inspira profondément, se laissant baigner de sa chaleur. Un instant, un souvenir sembla poindre dans sa mémoire, le tout premier de son éveil au sein d’un cocon semblable, chaud et écailleux. Un étrange bien-être vint à l’envahir, diffu mais délicieux et il soupira profondément en sentant des dizaines de tensions se dénouer dans son corps fourbu. La peine de l’éloignement de son lié existait encore, mais bien d’autres contrariétés s’étaient éloignées sans qu’il ne puisse vraiment dire pourquoi, si ce n’était ce bien-être physique, comme celui d’un cocon.

Allons y

Il remonta en selle et cette fois, le décollage le rendit moins malade. Aerthiä fut rapidement en vue, comme le dragon l’avait affirmé et il hasarda un coup d’oeil en biais afin de regarder à quoi elle ressemblait. Et le moins du monde, c’était que cette ville était presque aussi laide que Nevrast elle-même. Décidément, son appréciation du travail de cet architecte atteignait des abysses insondables malgré toute sa bonne volonté. Il était grand temps que les vampires partent et se trouvent un train de vie comme un environnement plus propice à encourager l’évolution positive.

Quelque chose, néanmoins, flottait en lui, une impression encore floue. La réaction des vampires le contrariait énormément. Instinctivement, il sentait que son peuple aurait dû réagir autrement. Prendre les armes, se préparer à se défendre ou au moins à border leur territoir en attendant de savoir la teneur de cette arrivée. Mais certainement pas fuir ainsi. Comment il le savait ? Une impression. Son petit doigt qui le lui soufflait. Les vampires s’étaient délités en ces lieux, ils étaient devenus faibles, avaient perdu leur férocité. Leur tranchant, leur critique, tout ce qui faisait d’eux un peuple fort, à part.

Vraiment… j’apprécie mieux ce type de descente

Son estomac était resté en place cette fois encore, à son grand plaisir, et il descendit sur la patte du dragon sans trop de mal. Les deux pieds sur le sol une fois de plus, le haut mage laissa son regard courir sur l’étendue vide devant lui, qui se remplissait lentement. Il monta pas à pas sur l’estrade, en se demandant encore comment il allait pouvoir lâcher son pavé dans la marre le plus efficacement possible. Lentement, les vampires apparaissaient, par dizaines, plus qu’il n’en avait jamais vu auparavant, attirés par la présence et les paroles du dragon. Tant de regards tournés vers eux…

De nouveau, une étrange sensation. Il sentait une autre foule, pleine de liesse, il entendait scander le nom d’Achroma et celui de quelqu’un d’autre. Le souvenir vint flotter à la surface de l’océan de son amnésie, si proche… mais se déroba à son toucher. Il rouvrit des yeux qu’il n’avait pas eut conscience de fermer, expira un souffle qu’il n’avait pas eut conscience de retenir et laissa s’écouler toute son appréhension, pour retrouver, dans l’intimité de sa psychée, la présence et la maestria d’Achroma. Et les paroles vinrent, simples, directes, stoïques mais non moins directrices.

Mais la verve seule ne suffisait pas, il lui fallait conter les évènements de la forêt, le destin d’Irina Faust et même ? Il fut contraint de prouver qui il était, encore, et de leur forcer la main, y compris en s’imposant par la force. Lorsqu’enfin, les vampires ployèrent devant l’importance, l’impérieux de cet exile. Lorsque la foule se dissipa, le vampire retourna auprès de Kaalys, et vint s’asseoir sur le bord de l’estrade, tout près de lui. Il resta un moment silencieux, profitant de la présence inondée de magie, calme, et qui ne le regardait pas comme un revenant.

Tu ne t’es pas trop ennuyé j’espère. Ca a été plus long que je ne pensais, et pourtant je partais pessimiste

Ils n’avaient pas été interrompus, mais ça ne voulait pas dire que de potentiels rivaux ou opposants n’allaient pas apparaître d’ici peu ou dans les prochaines heures, les prochains jours… tout était envisageable après tout.

Je pense que l’on pourra contacter Aldaron pour l’informer de notre survie … et du suivi d’une majorité des vampires

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Les ailes légèrement écartées de ses flancs, Kaalys avait délivré son message. Son ombre, immense et majestueuse, recouvrait la place et la foule qui commençait doucement à se former. De son regard impérieux, il la toisait, la surveillait car il ne pouvait risquer la vie de l’Aîné. Ce dernier, une fois descendu du dos de Kaalys, s’était dirigé vers l’estrade, y avait prit place et, avec une habileté insoupçonnée, délivré son propre message.

Pendant tout le laïus d’Achroma, le jeune dragon surveillait l’assemblée, son regard inévitablement attiré par les mouvements de la foule. Mais, sans réelle surprise, il n’y eu guère d’incident. La présence de Kaalys, dont la silhouette dominait quiconque, inspirait la crainte. Tenter quoi que ce soit contre l’Aîné signifiait signer son arrêt de mort.

Puis, finalement, la foule se dissipa. Depuis quelques minutes, déjà, Kaalys avait replié ses ailes. Du coin de l’œil, il observait Achroma s’approcher tandis que, derrière lui, sa queue battait un rythme lent. Les pics qui l’ornaient produisaient un cliquètement entêtant contre la pierre.

Le silence avait repris ses droits sur la place. Après le tumulte de la foule, la quiétude était un plaisir pour les oreilles. Du haut de la montagne, située juste derrière, Kaalys sentait l’air frais ainsi que l’odeur de la neige et des sapins qui en ornaient les flancs. C’était un parfum délicieux, reposant. Les vampires le sentaient-ils également?

« J’aime écouter et observer. J’ai appris de toi ainsi que de ton peuple aujourd’hui. » répondit le saurien en tournant son museau vers l’ancien dragonnier. « Ne perds pas plus de temps pour le contacter. Je subodore l’inquiétude de ton compagnon. »

Doucement, Kaalys se redressa. Il laissait ainsi un peu d’intimité à Achroma pour que ce dernier contact son aimé. Ces quelques minutes permirent au jeune dragon de se lever et de faire quelques pas sur la place. Celle-ci ne s’était pas totalement vidée. Sur son pourtour, un peu dans lombre, le saurien remarqua quelques vampires. Avaient-ils écouté le discours de l’Aîné ou venaient-ils d’arriver? Kaalys était incapable de le dire. En revanche, il pouvait déceler, via l’esprit, leur attitude belliqueuse. Téméraire, mais également confiant dans le rapport de force qui lui donnait l’avantage, Kaalys fit un pas de plus vers eux. Cela suffit à les chasser.

Satisfait, le saurien revint près d’Achroma.

« J’aimerais aller inspecter l’ouest de la ville ainsi que les bois jusqu’à la côte. Le plus simple est de mouiller des navires de ce côté de l’île. »

Étant donné la position élevée d’Achroma, puisque ce dernier se tenait toujours sur la haute estrade, Kaalys n’eut qu’à s’approcher pour que le vampire grimpe sur son épaule et regagne sa place sur son dos. Et en quelques battements d’ailes, le jeune saurien était de nouveau dans les airs et filé sans attendre vers l’ouest de la ville. Sous lui, des habitations se succédaient. Mais contrairement au quartier marchand qui se trouvait à l’est, ici se trouvaient des habitations plus douteuses. Les rues étaient plus étroites, plus sombres.

« Je ressens de la peine, ici. Nous survolons le quartier pauvre, sans lombre d’un doute. »

Le jugement transparaissait dans la voix du dragon. Ce dernier ne comprenait pas pourquoi l’on entassait des gens dans ce genre de quartier. Pourquoi, pour les moins chanceux de la société, les bipèdes faisaient si peu d’efforts ? Dans sa logique bien à lui, Kaalys imaginait les dragons d’une même nuée s’entraider plutôt que se déchirer de la sorte.

Après quelques minutes de survols, Kaalys se posa finalement à l’extérieur des remparts. La neige, sous ses pattes, crissait. Il y avait peu d’arbres afin d’offrir une vue dégagée des alentours tandis que, quelques kilomètres en contrebas, se profilait la mer. D’ici, elle avait une teinte grisâtre, parfait reflet du temps couvert.

« Il n’y a pas de portes de ce côté de la ville… Ces remparts sont de pierres et renforcés d’un peu de magie, toutefois j’aimerais y percer une ouverture. Cela nous fera gagner un temps précieux pour rejoindre la mer. »

Le saurien se redressa sur ses pattes postérieures et doubla facilement sa taille*. Les ailes déployées derrière lui, elles lui servaient de contre-poids pour tenir dans une taille position. De cette façon, Kaalys pouvait voir la ville derrière l’imposante muraille.

« Il y a des habitations derrière. Je n’aimerais pas blesser inutilement tes semblables, pense tu pouvoir les éloigner? »

Percer un passage depuis l’intérieur de la ville était inconcevable. L’espace dont Kaalys avait besoin pour se mouvoir n’était pas disponible à l’intérieur des remparts, à moins de souhaiter détruire plusieurs maisons en marchant dessus. Et, de cela, le saurien en doutait. Les habitants de ces habitations souhaitaient sans doute avoir le temps d’emporter leur effet dans l’optique de commencer une nouvelle vie sous la direction de l’Aîné et non de les voir écraser sous les pattes d’un dragon.


* position suricate xD

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Il eut un léger sourire incrédule, n’ayant pas réellement imaginé pareille réponse. Elle n’était pas désagréable, mais elle titillait sans nul doute sa curiosité.

Et qu’as-tu appris, si ce n’est pas intrusif?

Défait de sa réponse, il se tourna vers l’anneau des murmures, pour mettre Aldaron au courant de ce qui se passait dans la forteresse et de ce qui avait transpiré de son approche des vampires. Il lui demanda de préparer les navires comme ils l’avait décidé ensemble et lui confirma qu’ils pourraient se présenter ensemble à Aerthiä la prochaine fois puisque les siens n’étaient pas devenus des bêtes débilitées par le besoin de sang. Il l’assura de nouveau, au terme, de son indéfectible amour pour lui, espérant le revoir rapidement, souffrant déjà de son absence après quelques heures.

Lorsqu’il revint à Kaalys, il avait le coeur serré par l’émotion. S’atteler à agir restait le meilleur remède possible pour ce mal incurable, aussi était-ce ce qu’il comptait faire.

C’était notre objectif, en effet. Autant faire de la reconnaissance, ça ne peut qu’être bénéfique

Il soupira cependant à l’idée de devoir remonter en selle. Ce n’était pas que Kaalys volait mal, il volait très bien, c’était d’ailleurs pour ça que le haut mage acceptait de réitérer la torture. Si le nacré avait été mauvais en vol, il aurait refusé tout net, orgueil draconique soit damné. Non il volait bien. En revanche lui, Ivanyr, volait très mal. Il avait peur, il était raide, et il se sentait terriblement impuissant ainsi vissé sur le dos d’un dragon à devoir le laisser faire. Donc la perspective de devoir recommencer ne l’enchantait pas vraiment même si son allié était providentiel.

Doucement… Douuuucement

Surtout, qu’il ne bouge pas. Il ne manquait plus que Kaalys se repositionne et que lui s’écrase au sol lamentablement. Très bon pour son image. Gauchement, il parvint à s’installer de nouveau et attacha les sangles. Que celui qui avait inventé ces sangles soit mille fois béni, même mort depuis longtemps. Une fois qu’elles furent attaché, il retint une grimace. Il s’était mal positionné et avait mal. Mais il n’osait pas tout défaire et tout refaire, tant pis. Il devrait le supporter un peu, le temps au moins d’être hors de vue de la majorité des vampires de la ville.

On peut y aller… je crois

Très occupé à sauver son fondement, le vampire fut prit de court quand la remarque du dragon fusa, lui décrochant une grimace d’un cynisme absolu. Cependant, il retint tout commentaire. L’amertume de Kaalys était fondée, quoi qu’on en dise. Que ce soit ici, ou ailleurs, le clivage de richesse était une honte. Mais chez les vampires, cela le surprenait. Là encore, il était prit à contre-pied de ce qui lui semblait naturel pour sa race. L’idée même d’une pauvreté lui semblait étrange, non naturelle. Pour lui, les vampires n’avaient jamais compté en terme de richesses. Ils n’avaient jamais pu.

Assombri par ces étranges différences, ces absurdités, il se laissa porté et en oublia presque sa peur et son inconfort. Seul l'atterrissage le fit sortir de ses pensées. Se redressant légèrement, il observa le terrain alentours. Alors qu’il allait ouvrir la bouche pour parler, le dragon décida de jouer les suricates et lui arracha un glapissement très peu digne, tandis qu’il s’accrochait à la selle de toutes ses forces. Un instant effrayé, il comprit à retardement ce que Kaalys tentait de faire et prit plusieurs inspirations spasmodiques pour essayer de se calmer et de se contrôler.

Si tu veux me tuer tu peux aussi me croquer c’est plus rapide et moins douloureux

La protestation était un gargouillement étranglé alors qu’il tentait de trouver une position pour se maintenir correctement. En fin de compte, il se retrouva debout les pieds sur ses sangles, à observer la muraille d’un oeil vitreux. La demande fut répondue d’un nouveau son qui n’engageait à rien et un instant plus tard, Ivanyr se téléportait à terre, n’en pouvant plus. Il se courba, haletant et attendit un moment pour se remettre avant de se redresser en rejetant ses tresses en arrière. Expirant profondément, il fit quelques pas précautionneux et observa la muraille en réfléchissant.

Je vais les éloigner, puis je protègerais leurs demeures. Quand ce sera fait, j’essaierais de fragiliser la muraille de l’autre côté pour te faciliter la tâche

Ainsi fut-il fait, bien qu’il fut contraint de revenir sur le dos de Kaalys pour passer de l’autre côté, avec moultes excuses de sa part. Une fois les habitants éloignés, le haut mage prit un moment pour se concentrer, puis vint observer la muraille une fois encore. Pensif, il expliqua le cheminement de sa pensée au nacré. La muraille était de mauvaise qualité, pas une catastrophe mais bien assez pour avoir des failles exploitables par un mage appliqué. Il pouvait user de sa magie pour faire s’éroder la pierre, avec du vent, et la rendre friable avec de l’eau. Ainsi, si Kaalys l’attaquait, elle résisterait beaucoup moins.

“En dernier recours, cependant, je peux aussi provoquer un tremblement de terre…[/color]”

Il hésita une second, puis convint, avec un haussement d’épaules.

Mais c’est un peu violent

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Achroma avait une nouvelle fois surmonté sa peur du vide pour traverser la ville vampirique en quelques battements d’ailes. Désormais de l’autre côté de l’imposante muraille, le duo devaient décider quoi faire.

Toujours dressé sur ses deux pattes postérieures, Kaalys entendit un son étranglé, comme un gémissement plaintif, avant de se rendre compte que pareille onomatopée venait d’Achroma, toujours perché sur sa selle. Le malheureux avait été oublié par le dragon, pendant un instant, et se retrouvait dans une position fort désagréable et très peu digne, il était vrai. Toutefois, l’instant d’après, le vampire se retrouvait aux pieds du saurien, qui pencha sa large tête vers lui. Du point de vue de l’Ainé, lombre gigantesque du dragon couvrait le gris du ciel.

Cette peur des hauteurs échappait complètement à Kaalys, qui dardait sur Achroma un regard circonspect. Comment cet homme avait pu chevaucher le vent avec sa mère ?

« Te tuer ? En voici une drôle d’idée. » Répondit t-il en reposant ses pattes antérieures dans la neige. Il y enfonça doucement ses griffes et souleva plusieurs mottes de neige de la taille d’un enfant.

Pour l’énième fois de cette journée, Achroma fut contraint de grimper sur le dos du dragon. Cette fois-ci, nulle cabriole, mais simplement le vol le plus court qui fut possible d’effectuer. Ainsi, le coeur du Vampire, ainsi que sa dignité, étaient épargnés. Une fois son passager à terre, Kaalys revint de l’autre côté de la muraille en quelques battements d’ailes qui semblèrent faire se lever le blizzard tant il volait bas.

Assit sur son séant face au mur de pierre, Kaalys observait les flux de magie plus que la pierre elle-même. Il ressentait cette magie qui parcourait toute la surface de la muraille afin d’en consolider les nombreux points faibles, tel qu’Achroma l’avait déjà fait remarquer quelques instants plus tôt.

« C’est une bonne idée. »
Approuva le dragon. L’eau et le vent étaient des éléments très puissant, capable de creuser la plus grosse des montagnes et de faire plier bien des rois.

Puis, la proposition de l’Ainé, que ce dernier jugeait un peu violente, fit relever le museau du saurien.

« C’est drastique, un peu violent, certes... Mais déployer une telle puissance pourrait te servir, au-delà de notre objectif qui est de détruire ce mur. Si tu arrives à faire suffisamment trembler la terre pour abattre à toi seul cette muraille, tu démontreras à tes adversaires et tes partisans l’étendue de ta puissance. N’est-ce pas ainsi que les Vampires fonctionnent ? Selon la loi du plus fort. »

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Ah oui, ça pour être drastique, c’était drastique oui. Il n’aurait réellement pas pensé qu’il allait marcher dans son sens sur ce coup-là et lui jeta un coup d’oeil surpris. S’il fallait être objectif, il n’était pas certain que ce soit vraiment une bonne chose que Kaalys l’encourage dans l’idée de provoquer un tremblement de terre. Il n’était pas certain de savoir le contenir en un seul et même emplacement et les vampires avaient déjà bien assez de soucis comme ça sans qu’il en rajoute une couche supplémentaire en dévastant la forteresse avec un sort mal ajusté. D’un autre côté, Kaalys avait raison, au moins ça montrerait définitivement sa puissance comme potentiel prince noir et personne ne viendrait lui chercher des noises. Il pesait sincèrement le pour et le contre. Maîtrisait-il suffisamment ce sort pour espérer maîtriser la destruction ? Non. Il aimait le feu en règle générale, pas vraiment la terre. Est-ce qu’il maîtrisait assez bien ses compétences pour parvenir à un résultat correct ? Il pouvait essayer en tout cas. La situation était assez désespérée pour qu’il se le permette en tout cas car si tout était calme en apparence, la vérité était bien plus sinistre.

Si c’est le cas

Il eut un léger mouvement de la tête alors qu’il se tournait vers son compagnon draconique et lui dédiait un regard quelque peu circonspect.

Mais je le trouve interprété de façon très bornée. La force brute ou la force magique ne font pas tout. Le terme lui-même est biaisé. Enfin, ce n’est pas vraiment la question bien sûr. Présentement, je ne pourrais pas solidifier ma place si je commence à philosopher. Un bon tremblement de terre fera l’affaire… pour le moment

Il observa la zone un long moment, marchant le long du mur puis des habitations pour délimiter un périmètre d’action. L’heure suivante fut consacrée à s’imprégner de la trame dans la zone et comprendre son flot naturel afin de l’utiliser plutôt que d’aller contre lui. Lorsqu’il déclencha enfin son sortilège, le haut mage pouvait imiter le rythme du battement de la trame et définir son impression et essence intérieurement comme extérieurement. Ce fut donc avec plus de certitude qu’il relâcha le geste clef et laissa courir l’énergie au travers du rayon qu’il s’était adjugé. Au début, rien ne sembla changer, puis vinrent les secousses, lentes, puis violentes et rapides. Plutôt que de marteler et de dévorer son énergie rapidement, Ivanyr préféra guider le sortilège sur les points les plus faibles de la muraille, jugulant la force de la colère terrestre pour qu’elle dure plutôt que de s’achever dans une apothéose. Les minutes passèrent, lentes et longues, tandis qu’il continuait de guider son énergie pour produire les secousses. Il douta. Voir la muraille, même mal construite, tenir le coup le fit réellement douter, jusqu’à ce que la première fêlure devienne visible.

Les craquements et grincements sinistres se firent de plus en plus sonores jusqu’à ce que la muraille finisse par s’écrouler sur un long pan dans un nuage de poussière, de débris divers et de neige. De partout, alarmés, les vampires venaient s’attrouper une fois de plus pour constater ce qui venait d’être fait, forçant le haut mage à faire fi de sa fatigue pour répondre à leurs interrogations. Fort heureusement, comme ils s’y étaient attendus, l’ampleur de l’acte magique adoucissait la grogne. L’attroupement se désagrégea petit à petit, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une équipe de garde près de l’ouverture, mise en place par Ivanyr pour alerter et protéger contre les possibles intrusions avant le grand départ.Le dragon et son comparse vampiriquent purent ainsi continuer d’avancer au-delà de la forteresse pour trouver le chemin le plus sûr pour les futurs exilés. Cette fois, le mage préféra faire une partie du chemin à pied, pas forcément par plaisir, mais davantage parce qu’il pouvait ainsi mieux jauger de la difficulté de la traversée. Malheureusement pour lui ? Il se mettait aussi à la merci des prédateurs.

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Bon, d’accord, Kaalys prenait vraiment la façon d’être des vampires au pied de la lettre. Était-ce mal ? Est-ce que les Vampires comprenaient la force d’esprit, la rhétorique, la stratégie ? Cela entrait t-il en ligne de compte au moment de décider qui était le plus fort ? Le saurien en doutait, mais peut être se trompait-il… auquel cas, les Vampires étaient moins des bêtes qu’ils le laissaient paraître.

Pendant que l’Ainé se préparait à lancer son sort, Kaalys s’allongea dans la neige, au pied de la muraille. Enroulé sur lui-même, il n’avait guère besoin de ses yeux pour veiller sur Achroma. En effet, son esprit s’étendait au-delà de sa propre forme terrestre et embrassait une petite partie de ce qui se trouvait de l’autre côté du mur de pierre. Sa conscience effleurait celles de quelques vampires, sans jamais vraiment entrer en contact avec.

Lorsque les premières secousses se firent sentir, Kaalys se redressa. Il s’écarta de quelques pas car il ne voulait pas se faire frapper par la chute de pierre à venir, puis s’assit tranquillement dans la neige. Tandis qu’Achroma faisait un gros effort magique, le saurien avait cet air de calme où le doute n’avait pas sa place. Il n’eut même pas besoin de soutenir les efforts du futur prince. Dans un nuage de poussière et de neige, la muraille céda. L’ouverture était grande d’au moins quinze mètres, mais de nombreux débris entravaient le passage. Il serait nécessaire de les retirer avant l’évacuation de la ville afin de faciliter celle-ci.

Quelques gardes furent laissés près de l’ouverture nouvellement créée, puis les deux compères s’éloignèrent de la ville. La route jusqu’à la côte devait être tracée, sécurisée, pour permettre aux Vampires de quitter la cité en ruine. Tandis qu’Achroma passait devant, Kaalys s’approcha d’un arbre mort et, d’un puissant coup de queue, le fit s’écrouler. Il s’enfonça dans la neige et fit se soulever un petit nuage de poudreuse lors de sa chute. Long d’environs quinze mètres, le tronc mort était presque dépourvu de branche. Le bois était sec, teinté en gris, et s’effritait quelque peu. Toutefois, cela ferait l’affaire.

Kaalys saisit le tronc entre ses pattes et s’éleva de quelques mètres. La distance qu’il parcourut fut minime, car le saurien déposa le tronc en face de la brèche dans la muraille. Il enroula ensuite sa queue autour du bois et commença doucement à le trainer derrière lui. Ce n’était pas la première fois que le saurien créait une route pour les bipèdes, la première menant à Licorok. De chaque côté du tronc, la neige formait une congère tandis qu’une piste praticable se formait derrière le dragon. La neige se tassait sous son poids, puis celui de l’arbre mort. Chevaux et chariots seraient prochainement en mesure de pratiquer cette voie nouvelle.

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