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descriptionD'écume et de cendres - Nathaniel EmptyD'écume et de cendres - Nathaniel

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    9 Février 1763

    L'hiver mordait sa peau de cendre, plus encore ici, à Nevrast, qu'à Caladon. La montagne était glaciale et abrupte. Au final, ce n'était pas très étonnant que seuls les vampires aient décidé de vivre ici. Les Glacernois auraient pu y survivre, mais quelque chose lui disait que les nordiques et les enfants de la nuit n'auraient pas fait bon ménage. Les prunelles d'émeraudes miraient encore la silhouette lointaine du Nacré qui s'envolait en direction d'Aerthia. Sur son dos, l'Aîné, révélé au grand jour, s'éloignait de lui pour accomplir son devoir, ancien qu'il était, auprès des enfants tourmentés. La séparation commençait déjà à se faire sentir. Le décor semblait se ternir à son absence, être là avait de moins en moins de saveur. Il y avait un grand vide d'un seul coup, dans son cœur. Mais il s'était promis de ne pas s’appesantir dessus et de tenir bon. Ivanyr lui avait promis revenir. Et il reviendrait. Licorok, sous ses yeux, lui fit serrer les dents d’appréhension. Il était venu chercher des réponses, pour le Commerce Écarlate et pour ces Couronnes de Cendre dont l'avait averti Jangali, et il n'était pas tombé sur ce qu'il voulait. D'autres œuvres l'appelaient, l'inquiétaient. L'instabilité politique du Royaume Vampirique le préoccupait. Mais il avait confiance en Ivanyr. Il savait qu'appuyé par la force d'esprit d'Achroma, il saurait trouver les mots justes pour que cela ne tourne pas au vinaigre dans tout l’archipel.

    Son souffle chaud formait un nuage de vapeur devant ses lèvres, pour autant, il n'était pas décidé à rentrer à l'intérieur d'une bâtisse tant que la silhouette de son aimé n'aurait pas complètement disparu de sa vision. Nevrast était encore un très petit village portuaire dont les rues étaient boueuses de neige fondue. Les vampires étaient jadis des nomades, l'artisanat n'avait jamais été leur fort et ne l'était pas plus aujourd'hui. Les maisons de bois étaient disgracieuses, mal équilibrées, mal isolées. Chaque pièce d'architecture semblait insulter copieusement la grâce et l'harmonie. Une académie était en cours de construction. La princesse Faust avait tenu à l'éducation des siens, mais transformer ce port en véritable capitale prendrait du temps. Seul les quartiers de la Hanse, boycottée par Caladon depuis l'anoblissement des Harrington, près du port et ceux, plus larges, du Marché Noir infiltré, semblaient donner le change et un semblant de dynamisme dans cette ville décrépie. L'elfe poussa un soupir : il faudrait  des mois pour tout construire ici et tâcher de relever le peuple vampirique. Un peuple endetté n'était pas bon pour les affaires, sur le long terme. Ce n'était profitable que si cela ne durait pas une décennie. Les temps difficiles, ici, devaient prendre fin. Voilà quelques mois que la Triade avait acheté des terres à Nevrast, venant dès lors rembourser une partie des dettes accumulées par un peuple qu'il n'avait pas eu, au cours des siècles passés, l'habitude de gérer des comptes.

    Comme des nouveaux-nés, ils faisaient leur premier pas et des erreurs. Aldaron veillait néanmoins à les aider tout en asseyant son emprise ici également. L'échange devait être gagnant, il n'avait pas attendu qu'on lui réclame son soutien et il n'attendrait pas de remerciement en retour. Il ne le faisait pas pour Faust. Il ne le faisait pas pour sa gloire. Il le faisait pour Tiamaranta. Certaines choses devaient être faites et s'il avait attendu l'accord des uns et des autres, il n'aurait plus rien eu à relever. Ainsi le secret du Marché Noir était d'une importance cruciale, pas seulement pour duper Sélénia... Mais pour n'avoir de compte à rendre à personne. La liberté était la plus grande force qu'on n'acquérait que dans l'ombre. Il y avait au centre de Nevrast une bâtisse de pierre. C'était bien la seule et c'était pour cette solidité qu'il avait choisi de placer le corps de la Princesse Vampirique, dans son cercueil de glace. Ce n'était pas la panacée, mais cela ferait son office jusqu'à ce que le navire pour le Domaine Baptistral soit prêt et qu'il puisse conduire les victimes de Licorok à des soins avisés. Il avait déjà prévenu Kehlvehan de la nouvelle, le Gardien ferait bon accueil de ses réfugiés.

    Il n'y avait plus qu'à attendre et depuis le balcon de pierre de cette bâtisse, les prunelles verdoyantes de l'Inséparable quittaient l'horizon où son fiancé avait disparu pour contempler les environs. Son regard, après quelques minutes, se posa sur une haute carrure encapuchonnée, adossée nonchalamment contre la façade d'une maison. L'un et l'autre s'observaient, se scrutaient, alors que les trois hommes présents avec lui sur le balcon lui apportaient des nouvelles : « Le ravitaillement de sang n'est plus qu'à trois jours du... futur port improvisé d'Aerthia. » L'elfe fronçait délicatement les sourcils pour retrouver dans ses souvenirs qui était cet homme au visage couvert mais qui, de toutes évidences, devait se faire un malin plaisir à lui signaler subtilement qu'il était là. «Il semblerait que le Maelstrom vogue sur les côtes de Nyn-Tiamat. La cargaison navale pourrait être mise en péril. » Tiens donc, le Forban était dans les parages. « Des rumeurs courent qu'Eärendil serait en ville. » L'elfe arqua un sourcil : « Vous m'en direz tant. » Ses mires se posèrent très brièvement sur l'un des trois hommes avec lui, un homme en retrait et silencieux qui s'éclipsa aussitôt à l'ordre implicite. Un homme du Marché Noir, même si officiellement un simple serviteur.

    Les orbes d'émeraude revenaient sur Nathaniel, écoutant d'une oreille distraite les autres nouvelles qu'on lui apportait. De temps à autre, il donnait des ordres, des directives à suivre sans détacher son regard du Capitaine. Une silhouette, plus fine, humaine, vint donner un message à l'Orque, avant de s'éloigner en courant, effrayé. Sur le parchemin l'invitation était codée, mais il ne doutait pas que l'elfe sombre en comprenne le contenu puisqu'il s'agissait du code qu'utilisait jadis le Marché Noir à l'ère du Tyran Blanc. Il aurait pu lui souffler d'autres mots plus intelligibles, mais il voulait lui rappeler ce qu'ils avaient entretenu jadis et le rôle qu'ils avaient communément joué. Mieux valait cela qu'une lettre d'insultes pour ce qu'il avait fait subir à Valmys. Ainsi Nathaniel avait l'assurance qu'Aldaron était disposé à le rencontrer sans désirer immédiatement qu'on répande ses tripes au sol.

    Il regagna l'intérieur de la bâtisse et ne fut guère surpris d'être rejoint, bien plus tard, par l'Orque. Comment était-il rentré ? Il s'en moquait pas mal. Nathaniel avait ses méthodes et s'il avait croisé des sbires du Marché noir, ceux-ci l'avaient probablement laissé passer ou avaient volontairement fermé les yeux sur sa présence. L'important était qu'ils se rencontrent. Leweïnra leva ses mires sur le nouvel arrivant, le dos droit comme bien des rois, ne démordant en rien de la noblesse de sa lignée et de son éducation. Propres, ses vêtements taillés sur mesure ne faisaient que refléter le manque d'envie d'Aldaron à se perdre en fioritures. C'était simple mais d'excellente qualité. Il n'avait jamais eu besoin d'extravagance et d'étalage pour que son aura charismatique attire l’œil et le charme. Sa longue chevelure blanche était soigneusement lissée et partiellement tressée. Il posa un index émacié sur ses propres lèvres pour réclamer à Nathaniel un silence complice, puis il se levait et allait jusqu'à une porte dérobée.

    Après avoir jeté un coup d’œil avisé par dessus son épaule pour s'assurer que l'Orque le suivait, il entra au sein d'une pièce circulaire à peine éclairée et froide. La danse ambrée des flammes enveloppait la Triade de tout son mystère. Au centre de la pièce se trouvait un cercueil de glace dans lequel reposait... Irina Faust. La citatrice sur son œil ne facilitait pas la reconnaissance mais Nathaniel avait du bien assez la côtoyer pour réussir l'exercice. Les pas de ses bottes claquaient de manière régulière sur le sol, laissant au Capitaine du Maelström le soin de découvrir ce qu'Aldaron avait dans sa griffe, ne laissant planer aucun doute sur le fait qu'il puisse s'en servir de monnaie d'échange si cela se montrait nécessaire. Ses mires jaugèrent de l'intérêt d'Earendil avant de monter à l'escalier de pierre en colimaçon jusqu'à l'étage supérieur. Là, il tint la porte ouverte à celui qu'il accueillait toujours dans le silence, et ne relâcha le panneau de bois qu'une fois l'elfe sombre à l'intérieur. La porte claqua doucement, comme comme le glas, sourdement. Les glyphes dont le marché Noir avait équipé la pièce aménagée camouflait leur entrevue, protégeait leurs paroles des oreilles tendues.  Proche du pirate, il leva une main délicate vers lui, sans geste brusque. Ses doigts fins, dotés de la grâce du beau peule, pincèrent le tissu de la capuche du colosse pour la faire tomber. Son souffle paisible s’échouait sur le visage bien connu de Nathaniel, à présent dévoilé. L'émeraude éclatant perçait le pigment sombre des iris qui lui faisaient face, observateur muet de ce que pouvait receler ce personnage.

    Ses traits de cendre, lisses, ne laissaient paraître ni haine ni satisfaction de le revoir, juste un entre-deux indécis, perplexe qui le jaugeait. Son regard sévère, sourcil légèrement froncés, détaillait le visage sombre et ses tâches plus obscures encore qu'il savait de naissance pour l'avoir jadis connu, dans son enfance. Ses lèvres scellées ne semblaient pas décidées à rompre le silence, Aldaron n'était plus aussi impulsif qu'autrefois. Il était capable de patience avisée, pesant de la pertinence des mots qu'il pourrait venir prononcer. S'il avait écouté son cœur, il l'aurait giflé, pour le mal qu'il avait fait à Valmys. Pour lui faire payer, au moins un peu, ses actes honnis. Mais si cela lui picotait les doigts, comme Nathaniel devait bien s'en douter, la réserve qu'il manifestait lui donnait de la valeur. Les récentes nouvelles, au sujet des chimères, venaient de cet homme après tout. Et s'il ne s'était pas présenté à la collecte de fond du pirate, il en avait reçu le contenu par l'Intendante. « Nos routes se croisent donc à nouveau. » entama-t-il sans le quitter des yeux. « Ce n'est pas faute de t'avoir esquivé. » avoua-t-il sans grande volonté de le cacher. Il n'avait pas aimé son alliance avec le souverain Sélénien. Cette mascarade n'avait eu ni le concours ni l'or de Caladon. « Qu'est ce qui t'amène à Nevrast, Nathaniel ? »


Dernière édition par Aldaron Leweïnra le Dim 21 Avr 2019 - 15:56, édité 1 fois

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¤ Retrouvailles ¤

Le sombre vaisseau du capitaine des gredins rôdait aux alentours de l’île de Nyn-Tiamat, s’apprêtant à frapper cette île à tout instant telle une guêpe s’apprêtant à piquer un humain durant l’été. À vrai dire, le maitre du Maelstrom avait déjà commencé à frapper, il avait frappé à chaque instant où il avait posé le pied en cette terre gelée. La première fois pour prendre la vie d’un homme et placer quelqu’un d’autre à sa place. Les trois fois suivantes pour frapper quelques villages graärh côtiers. Nathaniel avait mis une cinquième fois le pied à terre et son dard s’apprêtait à piquer une fois encore. Cette fois-ci, sa cible devrait être la capitaine des catins. Il ne comptait pas lui faire du mal, pas vraiment, il souhaitait simplement … s’entretenir avec elle. Malheureusement, les choses avaient pris une tournure différente. La pseudo princesse noire était introuvable. L’elfe sombre avait eu vent des événements qui s’étant déroulés au sein de la forêt de Licorok tout récemment. Et Irina avait disparu à ce moment-là. Nathaniel ne savait qu’une seule chose, elle était blessée. Rien de plus. Le capitaine de la confrérie n’espérait qu’une seule chose, qu’elle ne soit pas morte … enfin pas définitivement, elle était une vampire après tout.

La chance n’avait pas encore décidé d’abandonner le gredin qui était en veine ses derniers temps. Irina avait disparu, il suffisait de la retrouver et pour ce faire il lui fallait une piste. Or une piste, il pensait en avoir une. Nevrast était un port miteux, après tout rien d’étonnant pour une construction vampirique. Cet état pitoyable permettait justement de mieux déceler les changements, en bien, qui s’y produisaient. Et des changements positif il y en avait eu. En deux points du port pour être exact. Ça se construisait … ça s’améliorait. Mais sur ses deux points, un seul endroit possédait un bâtiment en pierre. Louche que ceci. C’est donc bien évidemment par là qu’il allait commencer. Eärendil profita de la présence des hommes de son fils, Teotl, pour leur ordonner de glaner des informations pour lui. Afin de mieux se fondre dans la masse, Nathaniel abandonna son costume du capitaine du Maelstrom pour vêtir des vêtements en peu plus passe-partout. C’est ainsi que le gredin apprit la présence en ces terres du bourgmestre de Caladon, à moins que ça ne soit l’ancien. L’elfe à la chevelure d’écume décida d’aller voir cela par lui-même, ordonnant à quelques hommes de lui suivre de manière discrète en se mêlant aux environs.

Fleuretant aux alentours de cette bâtisse en pierre, l’elfe prenait soin de repérer les endroits où il pouvait pénétrer et sortir de ce lieu. Il attendrait peut-être le couvert de la nuit pour y pénétrer en toute discrétion et voir ce qu’il y avait à l’intérieur. En attendant, l’heure de la pause avait sonné. Même un capitaine de la confrérie avait besoin de se nourrir et de boire. Achetant de quoi grignoté dans un des commerces, il alla s’adosser contre l’un des bâtiments faisant face à la bâtisse de pierre. Il pourrait continuer à surveiller sans éveiller les soupçons. Alors qu’il mangeait ce qui semblait être un pain elfique revisité particulièrement fade, le regard du forban se posa sur l’un des balcons de l’édifice. Ses yeux avaient capté un mouvement, un homme était sorti et observait l’horizon. Il l’observait longuement et avec intensité. Son regard pointait en direction de la forteresse d’Aerthia qui se trouvait à plusieurs lieux d’ici. L’elfe put avoir le temps d’observer longuement et discrètement l’individu au balcon. Il lui rappelait quelqu’un … oui rappelait parce que celui qui tenait là semblait avoir été pas mal ravagé. Non pas qu’il était moche, simplement que … les événements qui avaient troublé ces dernières années ne l’avaient pas épargné. Le gredin n’avait pas la certitude de qui il pouvait bien s’agir. Il avait un doute, il ne l’avait pas vu depuis longtemps, mais s’il s’agissait de lui, il avait bien changé. Que le temps est cruel.

À rester figé là à regarder discrètement l’individu au balcon, Nathaniel fut repéré. L’elfe de la bâtisse avait surement dû sentir le lourd regard du gredin sur sa personne. Nathaniel continua à l’observer de manière discrète, veillant à ce que leurs regards ne se croisent jamais. L’autre semblait faire de même. S’il s’agissait bien de qui il pensait. Il s’agissait d’Aldaron Triade, alors avoir une discussion avec lui pourrait s’avérer bénéfique. Peut-être savait-il où la capitaine des catins se trouvait. Et puis, lui-même avait un bien qui pourrait fortement l’intéresser. Valmys étant encore à bord de son bâtiment. Subtilement, l’elfe à la chevelure d’écume fit un signe discret, un signe que les passeurs du marché noir utilisaient durant les temps sombre où le Tyran Blanc régnait sur la plus large partie d’Ambarhùna. Si l’individu au balcon était bien celui qu’il pensait être, dans pas longtemps quelqu’un devrait débarquer pour s’adresser à lui. C’est ce qui finit par se produire. Un humain vint à sa hauteur quelques minutes après avec un message. Discrètement, l’humain lui tendit un parchemin. Nathaniel saisit la main du messager et s’approcha de lui en prenant le message avant de lui murmurer quelque chose à l’oreille. L’humain détala aussitôt sans demander son reste tentant de cacher son trouble.

Nathaniel ouvrit lentement la capsule qui contenait le message d’Aldaron. Ce dernier était codé, mais il ne fallut pas longtemps au gredin pour le déchiffrer. Il s’agissait d’un ancien codage, utiliser du temps où le marché noir combattait le Tyran Blanc. Il s’agissait d’une invitation. Lentement, l’elfe sombre leva le menton, regardant en direction celui qu’il savait désormais être exactement Aldaron Triade et s’éclipsa le plus naturellement du monde, venant disparaitre parmi les passants et les habitations. Le capitaine de la confrérie alla récupérer ses effets, à l’exception de son turban, et alors que les chutes de neige et le vent se faisaient plus forts, il en profita pour se diriger vers la bâtisse en pierre où il avait été invité. Il ne fallut aucun mal à Eärendil pour pénétrer le bâtiment. Usant d’un accès qu’il avait déjà repéré et du Vol du Bourdon pour figer les quelques gardes sur son passage, ceux-ci ne se rendant dès lors pas compte de sa présence, le gredin parvint à se rendre dans l’un des salons vides. Sans se priver il commença à explorer la pièce, venant glisser dans l’une de ses poches une petite chose de valeur que ses yeux experts avaient pu repérer.

Bientôt, il remarque une porte menant à un petit bureau et il décida de l’ouvrir lorsqu’il entendit du bruit de l’autre côté. Nathaniel pénétra avec nonchalance, pas plus inquiet que cela d’être repéré. Après tout  il avait été invité ici. Et si on souhaitait le dénoncer, il n’aurait qu’à faire taire ladite personne. Fort heureusement, l’occupant n’était nul autre qu’Aldaron Triade, celui qui l’avait invité ici. Lorsque celui-ci le repéra, un petit sourire amusé vint éclaircir son visage alors que son hôte venait lui intimer le silence. Le capitaine du Maelstrom suivit le dirigeant du marché noir quand ce dernier l’invita à le suivre par une porte dérobée. Quelque peu sur ses gardes, même s’il avait été invité ici, Nathaniel pénétra en compagnie d’Aldaron à l’intérieur de la pièce circulaire où se trouvait au centre un cercueil de glace. Le gredin s’en approcha, mais pas plus que de raison afin de voir au travers de la glace l’occupant dudit cercueil. L’amusement de la lassitude s’empara de lui lorsqu’il reconnut l’occupant. Irina Faust se tenait là, mais elle avait l’air bien amochée. Bien qu’il ne soit pas un expert en magie, cette dernière semblait avoir été mise en stase dans l’attente de recevoir des soins. Le gredin devina tout de suite que si Aldaron lui avait montré cela, c’était pour révéler une des cartes qu’il possédait dans son jeu.

La manœuvre était habile, non seulement il montrait qu’il disposait d’un moyen de pression, mais aussi qu’il était prêt à discuter ou marchander. Ne disant toujours aucun mot, Nathaniel alla à la suite de son hôte, montant par un escalier pour rejoindre une autre salle où les deux elfes pourraient, à n’en pas douter, discuter. Une fois tout les deux seul, Aldaron s’approcha de Nathaniel pour venir tomber sa capuche. L’elfe sombre laissa l’autre faire, révélant ainsi son visage qui fut tout de suite reconnu. Le gredin profita d’être proche du commençant pour détailler les traits de son visage. Triade avait beaucoup changé, le temps n’avait pas été tendre avec lui. Le capitaine de la confrérie n’ignorait pas ce que celui-ci avait traversé, même s’il ne savait pas tout pour autant. Eärendil put remarquer la perplexité luisant dans le regard de Triade lorsqu’il le reconnut. Était-il heureux ou mécontent de le revoir ? La réponse arriva bientôt, le pirate laissant le bourgmestre ouvrir la discussion.

Le capitaine ne répondit pas tout de suite et trouva un endroit pour s’asseoir, venant se poser de manière décontractée, malgré le sérieux de la situation. Prenant un ton faussement choqué et triste, le gredin lui répondit.

« Tu es si froid avec moi Aldaron. M’esquiver, mais qu’ai-je bien pu faire pour qu’un honorable membre de la Triade me fuit de la sorte. »

Le ton de pirate changea, revenant plus sérieux, alors qu’un sourire venait révéler les dents ciselées du brigand.

« Tu ignores pourquoi je suis là ? Je croyais pourtant qu’Aldaron Triade … oh oui, c’est Leweïnra maintenant. Je disais donc, je croyais pourtant qu’Aldaron Leweïnra savait toujours tout. »

Nathaniel ne se montrait pas tant provocateur, mais joueur avec son interlocuteur. Au risque de l’agacer, mais cela il s’en moquait bien.

« Je vais être sincère avec toi. Disons que c’est donnant-donnant. Je suis venu à Nevrast pour trouver Irina Faust. Tu m’as épargné du temps en me montrant que tu avais la catin avec toi. En plus, elle semble plus facile à transporter maintenant. »

L’elfe à la chevelure d’écume se redressa sur son siège.

« Je suis venu à Caladon tu sais. Pour te voir à l’origine. Malheureusement j’ai appris que tu n’étais pas là. J’ai dû faire affaire avec celle qui te remplaçait. C’était plus facile qu’avec toi. Même si je ne sais pas si j’ai vraiment gagné au change. Et toi, Aldaron, que fais-tu à Nevrast ? J’ai bien failli ne pas te reconnaitre tu sais. Tu as été profondément marqué … mais rassures-toi, m’amuser avec toi ne me dérange toujours pas. »

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    L'ombre d'un sourire amère venait marquer le coin de ses lèvres de cendres lorsque l'elfe à la chevelure d'écume feint de geindre le rejet qu'Aldaron lui faisait subir. Pauvre chaton, il allait s'allier avec Nolan Kohan pour enrichir la Confrérie et il s'étonnait que cela le refroidisse ? Peut-être aurait-il du lui montrer le brasier de Morneflamme et lui mettre cette gifle qui le démangeait tant. Les mires d’émeraude le suivirent du regard jusqu'à ce que le pirate prenne place dans un siège, près de la table en bois, carrée sur laquelle reposait... Et bien la Triade ne savait pas trop. L'emblème des vampires ? C'était de l'art très grossier et s'il s'était écouté, le bourgmestre aurait qualifié ceci de crapaud ou de lézard biscornu. Il avait bien assez de volonté pour encaisser les pics sous-entendus avec lesquels Nathaniel le flagellait. Il n'avait repris le nom de Leweïnra que parce que la Triade n'était plus, son frère et sa sœur trépassés. Et il avait beaucoup changé, physiquement et mentalement parce que son séjour à Morneflamme avait été monstrueux. Mais s'il ne répondait à ces deux attaques gratuites, il ne les oubliait pas. Au fond, Nathaniel pouvait bien s'amuser avec cela, mais comme pour beaucoup de choses sans attraits, il s'en lasserait. L'elfe à la peau de cendre ne donnerait donc pas d'attrait à ses choses : l'éducation se ferait avec patience et indulgence. Que pourrait-il tirer de ce Gredin ?

    Les avances audacieuses ne manquèrent pas d'empourprer brièvement ses joues, n'ayant visiblement plus l'habitude de ces manières de charretiers. Il avait évolué dans un milieu bien plus noble et raffiné. La cours des Kohans avait été riche de bons mots, propos délicats où le charme avait été un art. Les rougeurs ne furent heureusement que passagères, pouvant presque passer pour de la colère éphémère. Ses mains se rejoignirent, doigts entrelacés se calant dans son giron. Le port altier signait sa rigidité et son silence régalien reprenait la main sur leur conversation. « Je suis ici pour le Commerce Écarlate. Quelque chose dans la forêt de Licorok interrompait son acheminement. Je suis venu avec une supposition. » Celle que Rog soit à l'origine de cela puisque Jangali lui avait parlé une porte de glace menant à Nyn-Tiamat. « Je repartirai avec une invalidation de mon hypothèse et deux nouveaux problèmes. Des Licornes sabotent la route Écarlate et distordent la psyché de ceux qui les approchent. Le Royaume Vampirique est au bord de la guerre civile. » Délassant ses doigts, il écartait ses mains en signe d'impuissance : « J'ai prêté de l'argent à cet empire pour qu'il se construise, à Aerthia. Mais les dettes s'accumulent. Il est temps que je reprenne cet endroit en main où cela finira par nuire aux affaires de Caladon. » Et à celles du Marché Noir avant tout. Si la guerre lui avait toujours profité car il était très doué pour fonctionner dans cette difficulté, il ne pouvait pas permettre que cela dure trop longuement non plus. Et le problème dans la situation de Nevrast, c'était que cela irait sûrement de mal en pis... Puisqu'il avait décidé de placer le visage d'Achroma Seithvelj en rival, plutôt que de s'en servir au soutien de la légitimité de Faust.

    « Il est faux de croire que je puisse tout savoir. Je sais seulement beaucoup de choses, et j'en suppose le reste. De Korentin et des Protégés, je n'étais pas le maître-espion, mais le passeur. Néanmoins, si j'en juge à l'échec d'Irina au Royaume Vampirique, il m'était possible de supposer qu'il ne lui soit pas venu des compétences meilleures pour la Confrérie. Ce qu'elle n'était pas capable de mettre à la disposition de ses propres intérêts, pourquoi les aurait-elle eu pour les pirates ? Ainsi te l'ai-je dévoilée. » Dans son cercueil de glace, elle reposait, à la merci d'un complot que l'elfe accepterait de sceller pour qu'elle ne traîne pas dans les jambes de son Inséparable. Et aussi probablement pour lui sauver la vie. Les vampires n'étaient pas un peuple tendre, surtout auprès de ceux qui étaient affaiblis. « Et elle t’intéresse bel et bien, qu'a-t-elle donc fait pour que tu la recherches en personne ? » Il laissa la question en suspens, offrant à Nathaniel le droit de ne pas lui répondre. Tous avaient des buts cachés, les révéler devait relever d'un choix consenti et il n'avait pas envie de lui arracher les vers du nez. « Quels piètres alliés que sont les tiens. La Confrérie ne saurait se targuer de la qualité de ses têtes pensantes, pas plus que de ses alliés... Je sais que tu es venu à Caladon, quelques jours de plus à naviguer vers nord et tu aurais pu me rencontrer à Cordont. Tu n'as pas fait cet effort à mon égard, tu es le seul à blâmer de n'avoir gagné au change. Je t'aurais apporté plus. » souffla-t-il en plantant ses émeraudes accérés sur lui.

    Quelques pas en avant, vers lui, les mains nouées l'une dans l'autre, reposant mollement sur le bas de son ventre. « Je t'aurais... Conduit à t'interroger. Dis-moi Nathaniel... Comment des plans confidentiels de voyage d'un navire sélénien destiné à transporter le roi en personne, solidement protégés par un entourage compétent, se retrouvent-ils entre tes mains ? Entre les mains du pirate le plus apte à dépouiller ce navire jusqu'à l'os et à le couler au fond de l'océan ? » Il arqua délicatement un sourcil, dévoilant un pan bien maigre, bien fragmentaire, des actions du Marché Noir. Ce n'était qu'une vulgaire revente d'information noyée dans la masse. « La providence est généreuse, n'est-ce pas ? » Aldaron avait un peu poussé la providence et le sous-entendu l'annonçait clairement. « Et voilà qu'en dépit de mon cadeau, tu reviens avec tes nouveaux alliés de parole. Nolan Kohan et Cynoe. A toutes les nations tu réclames de payer, tout en épargnant l'Empire. » Ses sourcils se fronçaient d'incompréhension : « Éclaire-moi, a quel moment as-tu jugé qu'il puisse s'agir d'alliés de qualité... » Et vu le dédain et l'incrédulité qu'il mettait dans ses mots, après que Nolan lui ait dévoilé à Cordont combien il pouvait être empoté, Aldaron n'était, de toutes évidences, pas du même avis : « … Ou... A quel moment t'es-tu fait rouler dans la farine par un adolescent ? » Il avait du mal à trouver une autre explication. Dans tous les cas, il n'avait en rien honoré le cadeau qu'il lui avait fait.

    « Si tu ne te montres pas plus disposé à me satisfaire, il est sot de ta part d'espérer autre chose que ma froideur. » S'il jouait sur les mots de façon tendancieuse ? Assurément. Cette conversation serait bien fade si elle ne prenait pas la forme d'un jeu.

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¤ Bataille de fion ¤

Cela faisait bien trop longtemps que Nathaniel n’avait pas revu Aldaron. L’elfe sombre était un homme occupé tout comme l’elfe cendreux. Quelquefois il avait essayé de rentrer en contact avec lui, comme la fois où il était venu à Caladon. Mais si l’autre avait également essayé de l’esquiver, alors la probabilité de leur rencontre s’en était retrouvée diminuée. Pourtant, c’est bien le commerçant qui l’avait invité ici. Avec honnêteté, la même qu’avait employé le pirate en lui annonçant pourquoi il était ici aujourd’hui, Aldaron lui révéla le pourquoi de sa présence à Nevrast. Son histoire était intéressante. Mais était-ce à cause d’une licorne si Irina était dans cet état, ou était-ce à cause d’une tentative d’assassinat en raison de la proximité d’une guerre civile ? Ou mieux encore, était-ce l’elfe cendreux qui l’avait mis dans cet état afin de la capturer ? Après tout, ne venait-il pas de dire qu’il allait prendre cet endroit en main pour lui reprendre ce qui lui venait de droit. Il n’y a rien de pire qu’un créancier qui n’a pas été payé. C’est un peu comme une catin qui n’a pas reçu son dû après avoir fait son office. En somme, elle aussi devenait une créancière à ce moment-là. Qu’importe ! Au final le plus intéressant était ce qu’il comptait faire d’Irina. Qui sait, tous deux n’avaient pas nécessairement des objectifs opposés. Le gredin souhaitait ramener la catin à Athgalan, non seulement pour qu’elle remplisse ses obligations de capitaine bien trop longuement délaisser, mais aussi pour s’assurer de son vote futur. Les paroles d’Aldaron ne tardèrent pas à confirmer la pensée de Nathaniel. Le commerçant n’était pas opposé à un possible accord. Il le démontrait par l’intérêt porté à l’encontre des objectifs du gredin. Toutefois, le pirate ne lui répondit pas tout de suite, restant énigmatique, écoutant ce que le dirigeant du marché noir avait de plus à dire. Lorsqu’il eut fini, l’orque n’eut qu’une seule réaction. Il éclata de rire.

« Alda … Alda … Alda. Que tu es présomptueux. Penses-tu que j’ignorais que le Marché noir avait joué un rôle dans l’obtention du chemin du cargo sélénien par ma personne ? Je sais que je suis assez veinard de nature, mais là, c’était tout de même beaucoup trop facile à mon goût. »

Le gredin s’étendit légèrement, poursuivant.

« Alda … Alda … Alda … que tu es hypocrite. Qui a travaillé en faveur de la rébellion du père de ce même adolescent ? Mh ? Oh mais oui … je crois que c’est bien toi. Tu as également mangé à la gamelle des Kohan, alors ne me le reproche pas. Au moins, moi, je ne me suis pas embourgeoisé à leur contact. »

Nathaniel se redressa et commença à fouiller l’endroit.

« Il nous faut boire. Je sens que la discussion va être passionnante. »

L’elfe sombre ouvrit une vitrine et sortit des verres. Fouillant dans sa poche, il sortit une petite flasque dont il versa un peu de son contenu face à Aldaron, avant de lui tendre un verre.

« Par où dois-je commencer ? Ah oui, par ton manque de jugeote. Est-ce que tu sais pourquoi je suis toujours en vie aujourd’hui ? Parce que je sais évaluer les situations à risques. Un peu comme toi qui sais évaluer une transaction financière. Cordont était une situation qui puait beaucoup trop à mon goût pour que je m’y déplace simplement pour tes beaux yeux. Les hautes sphères de l’Alliance et de l’Empire réuni au même endroit. Ma présence n’aurait fait que compliquer les choses. Les Délimariens souhaitent me voir pendu parce que je suis un pirate. Et Nolan souhaite me voir bouffer par son dragon. Crois-moi, si je m’étais rendu là-bas, il y aurait un risque certain que tout cela me pète à la gueule. Je ne fais pas souvent preuve de sagesse. Mais je crois qu’on peut appeler ma non-venue à Cordont de la sagesse. »

Nathaniel porta le breuvage à ses lèvres et but une lampée.

« Tu peux boire, je n’ai pas l’intention de t’empoisonner. C’est de la liqueur d’Athgalan. Tu en as peut-être déjà entendu parler. »

Le gredin but une nouvelle gorgée avant de continuer.

« Continuons sur ton manque de jugeote. Penses-tu, que moi, Nathaniel Eärendil, aurait choisi comme alliés l’empereur de Sélénia et son dragon ? La situation était simple. Soit je combattais un dragon à l’aide de mon navire avec la chance d’y rester. Soit j’essayais de trouver une solution où j’en sortais … plus avantagée. Le choix a été vite fait. Mais lorsque mon canon a frappé Cynoë et a désarçonné son cavalier, l’idée de tuer un dragon ne m’a pas semblé être la meilleure option. Ce Cynoë a un fils, la dragonnière de ce fils est très proche d’un autre couple de lié. Combien de temps aurait-il fallu avant que je vois débarquer deux autres dragons ? Tu es un très bon homme d’affaires Aldaron, mais tu as encore beaucoup à apprendre en ce qui concerne la façon de mener un combat. »

Lentement, le pirate de la confrérie alla rejoindre son siège.

« C’est moi qui ai roulé cet adolescent dans la farine. J’ai coulé son convoi, je l’ai vaincu sur le champ de bataille, tué ses hommes et je l’ai par la même humilié. Et lorsqu’il est revenu pour en découdre avec son dragon j’ai obtenu un accord. La cargaison du convoi, c’est son précieux dragon qui est allé me récupérer ce que je n’avais pu récupérer au fond de la mer. Sélénia a payé comme les autres. Tu aurais dû voir la tête de l’empereur lorsqu’il a admis de traiter avec moi. Lui faire ravaler sa fierté était exquis. »

Un sourire éclaira le visage de Nathaniel qui vint poser son verre.

« Bon. Maintenant que ce point est éclairé, que fait-on ? Est-ce qu’on continue cette bataille de fions ? Non pas que ça ne me ferait pas plaisir, tu as plus de répondants que la moyenne des gens. Mais la jalousie ne te sied guère. Te voir telle une femme que j’aurais délaissée pour aller en tripoter une autre m’attriste. Et tu sais à quel point j’adore satisfaire la gent féminine … et masculine. »

Nathaniel se redressa et s’approcha tranquillement d’Aldaron. Inversant les effets de l’esprit-lié du lion à l’aide de son sort unique, il alla légèrement aguicher les sens du commerçant à l’aide de sa seule prestance. Arrivant tout proche d’Aldaron il vint lui saisir la main avec une infinie délicatesse. Le gredin mit l’une de ses mains dans ses poches pour la ressortir et venir déposer un objet dans le creux de la paume de l’elfe cendreux. Le gredin se recula de quelques pas laissant son interlocuteur découvrir ce qui venait d’être déposé dans sa main.

« Et toi je pense savoir comment te satisfaire. »

L’objet que Nathaniel venait de déposer dans la main d’Aldaron était une sculpture de bois de frêne, lisse et claire, de forme oblongue, d'environ vingt centimètres, en légère impression d’entonnoir : Nacre, le Fusain Immémorial.

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    L'éclat de rire claqua à ses oreilles, suivi des propos de son invité. Le Marché Noir fut mis sur le tapis. Nathaniel n'était pas le premier à le nommer devant lui en espérant qu'Aldaron se débatte ou réagisse de cette affirmation. Elle sortait de nulle part pour expliquer un simple détournement d'information auquel tout bon dirigeant de nation savait s'exercer. Mais s'il lui plaisait de croire que l'ombre du marché Noir planait toujours, qu'il croit. Aldaron ne confirmerait ni n'infirmerait, son silence valait plus que l'une ou l'autre des deux autres options. Plus que la chose elle même, c'était l'aura de mystère qui avait une véritable valeur. Les mots coulaient alors sur lui comme une pluie de printemps.

    Quant aux Kohans ? Il y en avait eu jadis quelques excellents. Aldaron n'avait pas parlé d'eux. Il n'avait parlé que de Nolan et Nathaniel extrapolait. Il avait des griefs contre Korentin et n'avait jamais joué les hypocrites dès lors qu'il eut été déçu par le souverain. Il l'avait abandonné sans plus de sommation, à l'instant où il avait découvert le vide qui se cachait derrière l'homme qu'il avait maintenu en vie à Morneflamme, au péril de la sienne. C'était bien de Nolan dont il était ici question, néanmoins. Et l'adolescent s'était montré d'une instabilité exemplaire, qui avait mené l'elfe quelques secondes plutôt à le qualifier d'allié discutable. Un père et un fils pouvaient être bien différents et Aldaron n'avait pas mis sur la table le sujet 'Kohan' dans sa globalité. Sans quoi il y aurait beaucoup plus à dire et il n'était pas certain que Nathaniel se montre attentif d'un bout à l'autre de son plaidoyer tant il prendrait bien des heures. Il l'aurait perdu en chemin.

    Fronçant les sourcils devant ce cheminement hors de propos, il ne rétorqua qu'un silence désabusé, le suivant toujours du regard dans sa fouille sans gêne. Qu'il fasse donc comme chez lui ! Ses lèvres se pincèrent pour camoufler un rire à le voir agir de la sorte. Quel délicate attention que de lui offrir un verre, dommage que le bourgmestre caladonien ne soit pas disposé à l’honorer. La suite le fit doucement sourire, en son fort intérieur. Le grand Capitaine Earendil, terreur des mers, avait peur de Nolan et des délimariens. Il ne savait pas s'il devait applaudir cette sagesse dont il se targuait ou pouffer de rire de le voir ainsi craindre un adolescent et des nordiques que le Bourgmestre avait lui-même affronté lors de discussions politiques. Un petit mot doux et il lui aurait arrangé un rendez-vous caché. Ses années à dévorer la gente masculine et féminine ne lui avait donc jamais appris ce genre de combines ? Les excuses étaient belles, auréolées de fleurs qu'il se jetait pour appuyer ses propres décisions... Et pour ce spectacle, l'elfe lui laissa le bénéfice de l'avoir convaincu. Au moins un peu.

    Ses yeux se baissèrent sur la liqueur. Bien sûr qu'il en avait entendu parler. Il en avait même détourné. Mais là n'était pas la question. Malgré l'invitation renouvelée, il ne toucha pas au verre, se montrant difficile dans les approches du pirate. Il n'était plus le genre de personne à sauter aveuglément dans un filet tendu comme un papillon d'été qui ne craignait pas de se faire arracher les ailes. L'écouter lui raconter ses déboires avec Nolan acheva de briser le vernis parfait de son masque régalien. L'amusement de l'entendre lui conter son exploit marqua ses lèvres en coin. Voilà qui était intéressant à apprendre. Ce cher Nolan ne s'était pas vanté de cela. Il serait si amusant de faire courir ce bruit dans les couloirs du palais. Les rumeurs allaient bon train, surtout chez les nobles et le discrédit de l'adolescent, dans ses fonctions, perçaient au grand jour... Erreur après erreur.

    En vérité outre la défaite de Nolan, c'était la satisfaction qu'il partageait avec l'Orque qui l'intriguait. Leurs buts n'étaient pas si éloignés et ils avaient jadis travaillé ensemble. Cela y faisait doucement écho. L'approche, cette fois physique, ne le fit pas reculer, trouvant aux traits et à la force du Gredin bien des attraits. Allons donc, il avait trouvé le moyen d'inverser son esprit-lié du lion ? Et quoi ? Il espérait que cela surplombe la fidélité de celui de l'inséparable et la volonté de son esprit à ne se plier jamais plus devant les désirs d'un autre ? Que Nathaniel apprenne : cela s'appelait le consentement. L'intrigue le tenait néanmoins en haleine. Etait-il donc dévoué à le satisfaire ? Le 'comment' avait toute son attention. Le geste délicat lui sembla déplacé chez un tel personnage, bien qu'il en apprécia l'effort. Son sourire se fana pour revenir au marbre régalien lorsqu'il réalisa de quoi il s'agissait.

    Pour la première fois de sa vie, il sentit les fils de l'amour paternel le tirer vers le bas. Son sang ne fit qu'un tour, sous le joug de la surprise. Il serra les dents, perplexe devant l'aveu formulé sans plus d'explications. Il avait son fils : ce message là était clair. Le comment et le pourquoi restaient à définir. Et si Nathaniel s'était vanté de sa sagesse et de sa faculté à survivre un peu plus tôt, se mettre à dos celui qu'il avait désigné comme dirigeant du Marche Noir était probablement aussi osé que d'aller se promener au milieu de Délimariens. Fatal. Morneflamme ne lui avait pas appris à être tendre, loin de là. Et il espérait vivement que l'autre ait une autre explication à lui fournir que le basique kidnapping destiné à obtenir une rançon. Mais si c'était ce qu'il attendait : « Il semblerait que nous ayons un accord. » acheva-t-il froidement et la glace, retenue avec la réserve des rois, de ses mots l'intimait à se justifier très rapidement de l'état de son fils. « Faust est gravement blessée. Elle doit être conduite au domaine baptistral, sans quoi elle ne te servira à rien. Mon navire se laissera aborder sans heurts et te confiera son trésor si tu me laisses Valmys ici, à Nevrast. Je ne saurai que trop de conseiller de faire l'entier voyage, ou de la cueillir sur le chemin du retour. »

    Il acheva là son propos et son accord. Et mieux valait pour Nathaniel qu'il n'essaie pas de négocier davantage, l'elfe concédait de bon gré, sans s'appuyer de son esprit lié. Mais s'il voulait vraiment négocier, il le regretterait. Le saumon avait tendance à plus se servir qu'à donner : il y perdrait aux changes. « Il explorait les terres de Keet-Tiamat aux dernières nouvelles. Comment s'est-il retrouvé avec toi ? » Mentalement, il pesta contre la Cawr Aramis, sensée assurer la sécurité de l'apprenti. Quand il irait voir Kelhvehan, il lui chaufferait les oreilles de mettre son fils dans l’embarras lors de mission mal entourée ! Déjà que Valmys avait été soigné à la capitale elfique suite à un odieux accident et à l'atelier de charcuterie auquel Aramis s'était adonnée... Mais en plus il apprenait que Valmys s'était retrouvé à bord du Maelström ! Maudite soit cette bécasse, le Domaine allait entendre parler de lui.

    Il fulminait intérieurement et l'ombre dans le creux de ses prunelles témoignait de l'orage à l'intérieur. Il poussa un profond soupir. Après la crainte et la colère venaient la déception lasse et la vexation. « C'est ainsi que tu penses me satisfaire ? » Avec quoi ? Des menaces ? Ceux qui  lui en avaient fait n'étaient plus là pour confesser leurs regrets. L'égarement peiné se lisait à présent sur son visage, sans qu'il n'ait à le feindre ou à le cacher. Il secoua la tête de gauche à droite, peu enclin de croire que l'autre aurait la sottise d'agir de la sorte... Mais à défaut de plus explication, c'était la seule conclusion à laquelle il pouvait aboutir. Il se détourna de lui, marchant vers l'une des fenêtres salie de suie, mal entretenue. On voyait à peine l'extérieur, déformé par un verre peu droit. «  Ne me mens pas, si ma jalousie t'attristait véritablement, tu veillerais à me rendre unique à tes yeux. » Non pas à lui faire également ravaler sa fierté. « Et au final quoi ? Tu me traites comme lui ? » Comme cet enfant Kohan qui n'avait rien à lui apporter ? Il avait de quoi être vexé. Ses mires fixaient le port, comme si son fils allait apparaitre sous ses yeux.

    S'il lui jouait les violons de la crise de jalousie ? Oh oui. Et ça l'amusait beaucoup.

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¤ Erreur ¤

C’est avec une certaine délectation, que le gredin se garda bien de dévoiler, qu’il observa le masque du commerçant se fendre pour révéler un visage aussi dur que la pierre. Voici alors Aldaron lorsqu’il était touché là où ça faisait mal. Le capitaine ne dit mot et écouta la suite avec un certain amusement. D’un ton aussi froid que l’inlandsis de Nyn-Tiamat, l’ancien membre de la Triade décréta qu’il avait un accord, avant de lui révéler son plan concernant Irina, lui consentir qu’il pouvait prendre possession de celle-ci et du navire, en échange de quoi le pirate devrait lui remettre son fils. Nathaniel ne rétorqua toujours rien, jouant le jeu d’Aldaron qui présumait de bien des choses. Voilà pourquoi il avait abandonné ses enfants, la famille nous fait nous emporter, la famille nous rend vulnérables. Dans un monde où la vie est cruelle, avoir une telle faille dans son armure n’est pas une chose recommandable. L’elfe sombre porta son verre à ses lèvres, buvant une nouvelle gorgée de la liqueur venue du marais. Nathaniel se mit à regarder le plafond de la pièce alors qu’Aldaron commençait à se lamenter et à jouer la carte de la jalousie. Encore une fois, c’est un éclat de rire qui brisa le silence de l’orque.

« Alda … Alda … Alda. Que tu es mélodramatique. Ai-je dit que je voulais te vendre ton fils ? »

Le visage de l’elfe sombre se tourna vers l’elfe cendré, prenant un air éberlué par les propos tenus par son interlocuteur.

« Je n’ai aucunement l’intention de te céder ton fils en échange d’un quelconque accord. Je te le rends bien volontiers. »

Déstabiliser son adversaire, le prendre au dépourvu, agir avec malice. Voilà comment l’orque menait ses batailles. Et quoi de plus fourbe pour un pirate que de dire la vérité. Nathaniel n’avait pas menti, il voulait satisfaire pour Aldaron, et pour cela il lui rendait son fils. Eärendil était malin, même s’il ne semblait pas toujours le montrer. Se mettre à dos Aldaron n’était pas dans ses desseins, parce que cet elfe était compétent et cela reviendrait donc à se priver d’un individu compétent. Et les esprits-liés savent qu’ils sont peu nombreux.

« Ton fils va bien. Il se trouve à bord du Maelstrom qui se trouve au large. Je l’ai repêché en pleine mer, au beau milieu de nulle part. Aucun navire à l’horizon ni aucune épave. Il s’est retrouvé au milieu de l’eau comme par enchantement. Je lui laisserais le loisir de te conter comment il s’est retrouvé là, il se serait bête de te spoiler. Reshenta est hostile. Il aurait pu finir noyé par un hippocampe ou englouti par la mort blanche. Quelle chance pour lui que je passais justement par là. Appelons ça la providence. »

Le gredin joua avec l’une de ses bagues, la faisant tourner autour de son doigt, avant de poursuivre.

« Je ne te demande rien en échange de ton fils chanteur. Fait comme tu as prévu. Amène Irina jusque chez les baptistrels. Je te propose même que mon navire serve d’escorte au tien jusqu’à Néthéril pour que rien ne lui arrive. Une fois que tes hommes auront accompli leur devoir, ils s’en retourneront auprès de leur maitre. Je réglerais mon affaire avec Irina à sa sortie du domaine. La place d’une catin est à Athgalan. »

Nathaniel se redressa doucement allant rejoindre Aldaron près de sa fenêtre.

« Ton petit numéro de fermeté … je dois avouer que j’en ai eu des frissons d’excitation. »

L’elfe sombre dévoila son sourire carnassier. Cela l’avait en réalité beaucoup amusé de voir Triade se ternir.

« J’étais sérieux quand je disais que la jalousie ne t’allait pas. Quel dommage que tu aies présumé que je puisse monnayer ton fils et te traiter comme j’ai pu traiter le Kohan. Mais je ne te le reproche pas. Après tout je suis victime de ma réputation. »

Cette fois-ci c’était au pirate de se plaindre, ou plutôt de jouer la plainte en mettant avant sa réputation et faire croire qu’il souffrait qu’on le prenne toujours pour un méchant. C’était bien évidemment faux. Le gredin s’en contrefoutait.

« Nous avons déjà travaillé ensemble, Aldaron. Il serait dommage de ternir nos relations de la sorte. Je pense que nous n’aurions rien à y gagner. Ni toi ni moi. À vrai dire, nous avons plus à gagner à travailler ensemble, à nouveau. »

Le capitaine à la chevelure d’écume se pencha légèrement sur oreille de l’elfe de cendre.

« L’empereur n’était qu’une coopération passagère, une coopération dont il finira par payer les frais. Je me doute bien qu’il y a des petits malins qui sauront comment en tirer profit. Le descendant d’une antique lignée de pirates qui marchande avec un criminel. On pourrait y voir un renouement avec ses origines. »

Nathaniel s’éloigna un peu de son interlocuteur.

C'est bien moi qui l'ait roulé dans la farine.

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    L'éclat de rire claqua à ses oreilles, encore, comme une mélodie déjà connue, un refrain qui relevait ponctuellement leur échange d'une régularité joyeuse. Mélodramatique maintenant ? Il savait être bon acteur, mais s'il l'était autant, c'était parce que le fond de la question le perturbait sincèrement. Il avait très mal vécu d'être placé sur un pied d'égalité avec tous les autres nobles par Korentin, après tout ce qu'il avait donné et sacrifié de lui avec le Marché Noir et Morneflamme. Non pas qu'il ait un ego démesuré, mais quand on avait regardé pendant trois ans dans l'ouverture d'une porte qui menait droit à la folie, on s'attendait à un minimum de reconnaissance et de compassion. Il y avait du vrai lorsqu'il affirmait n'attendre aucune gloire de ce qu'il faisait dans l'ombre. Il avait fait une croix là-dessus. Pour son propre bien. Mais lorsqu'elle venait, inattendue, elle lui faisait le plus grand bien, il n'allait pas l'oublier.  

    Il avait donc droit à un cadeau, ainsi étaient-ce les intentions de Nathaniel. Un fin sourire étirait doucement ses lèvres de cendre, satisfait de la tournure de cette conversation. L'Orque avait beau le trouver mélodramatique, il répondait à sa réclamation et il trouvait cela délicatement attentionné. Ou intéressé. Mais l'en blâmerait-il si Aldaron y trouvait aussi son compte ? Ses craintes s’apaisaient aux nouvelles qu'on lui confiait. Son fils allait bien, et il aurait probablement une histoire à lui conter : il lui tardait de l'entendre et de comprendre, savoir de quoi il en courait exactement. La tension retombait, alors qu'il caressait délicatement le bois de Nacre. Il entendait son invité se rapprocher, sensible au rythme de sa respiration et à sa présence. Et il sut très vite pourquoi : son esprit se relâchait à l'emprise du Lion. Que pouvait-il bien y faire ? Résister ainsi pour ne pas tomber complètement sous son joug. Subir l'impuissance tout en montant qu'il tenait bon.

    Les poils de sa nuque se hérissaient à son souffle près de son oreille. Un frisson délicieux lui parcourrait l'échine alors que ses convictions s'effritaient. L'esprit-lié du fauve gagnait du terrain, mais il était bien lus fort que ces simples gens à médiocre volonté. Il ferma les paupières pour inspirer lentement et se consolider de l'intérieur. Il ne perdait rien de sa royauté, son corps droit ne saurait jamais plier contre sa volonté. Pas après le Tyran Blanc. Son père elfique aurait été fier de le voir enfin endosser la véritable noblesse, cacher ses faiblesses et ses douleurs sous le marbre d'un masque longuement travaillé. Il avait l'air d'une montagne qui jamais ne ploierait, qu'importe combien le vent soufflerait. C'était de là qu'il tenait une large part de son charisme : dans ses racines solidement ancrées dans le sol.  

    « J'aime mieux cela. » affirma-t-il au terme des paroles de son invité. Il aurait pu le remercier d'avoir sauver la vie de Valmys, mais il n'avait pas oublié le sévisse dont l'Enwr avait été victime lors de son premier séjour sur le Maelström. Il n'allait tout de même pas l'applaudir à présent mais... Son silence sur ses méfaits antérieurs soulignait que son geste généreux effaçait son ardoise. Ni blâme, ni félicitation. Le seul témoignage d'une remise à zéro, d'une nouvelle chance. Il resta silencieux néanmoins sur la proposition dont il était l'objet. Il se laissait le temps de la réflexion pour aboutir aux bonnes conclusions. Travailler ensemble ne faisait aucun sens dans l'état actuel des choses. Il peinait sincèrement à imaginer en quoi le Capitaine des Gredins et Caladon pourraient se rejoindre. Si le Capitaine des Contrebandiers était venu le trouver, probablement auraient-il pu discuter affaire... Et sous certaines conditions. Mais là ? Non vraiment, il ne voyait pas à maigre échelle, mais lorsqu'il élargissait le panel des possibilités, les projets de l'Orque se dessinaient plus distinctement.

    « Quant à travailler ensemble... Mon pain quotidien, c'est de faire marcher le commerce et le tien, c'est d'embusquer mes convois. Je vois mal en quoi nous pourrions lier cela ensemble, cela d'autant plus qu'un accord protège déjà Caladon de tes malversations, Maître des Gredins. » Un sourire en coin venait alors qu'il ouvrait les yeux et se tournait pour lui faire face. « En vérité si je voulais vraiment faire affaire avec quelqu'un, ce serait avec le Roi de la Confrérie. Et comme celle-ci n'est dotée que de têtes égocentriques qui ne votent que pour elles-même... » Alors il risquait de ne parler à personne avant un bon bout de temps. Mais cela n'était pas dans les projets de Nathaniel et si la Triade le menait sur le sujet, c'était qu'il avait très bien compris quel chemin le pirate remontait. Il n'aurait voulu l'esquiver. Cela l'intriguait. Deux petits pas le menaient près de lui et une main délicate se levait pour lisser proprement le revers de la veste du Capitaine, la replaçant contre son torse en y chassant les salissures marines.

    « C'est tentant. » souffla-t-il, sans préciser s'il parlait des pectoraux sur lesquels sa main reposait à présent ou de la proposition de travailler ensemble. En vérité, il s'amusait du double-sens de leur conversation... Mais il parlait bien de leur collaboration. Plus d'une fois, il avait tourné son regard vers les pirates pour étendre l'emprise du Marché Noir jusque ces gredins. L'un des dix arts de l'organisation œuvrait d'ailleurs à un rapprochement et c'était cette branche qui avait fait en sorte que Nathaniel se retrouve avec les plans de voyage du Roi Sélénien. Mais ce qui l'avait retenu jusque là, c'était son image qui ne voulait pas écorner par des actes de piraterie et... une opportunité qui ne s'était jamais présentée jusqu'à présent.

    L'aveu de son intérêt étant offert, restait à déterminer à quoi ressemblerait cette collaboration. Jadis, Aldaron avait été son dirigeant, mais aujourd'hui ? « Quel genre de roi es-tu, Nathaniel ? » Un pirate. Que pouvait-il attendre de lui, au fond ? Il ne savait pas comment il le traiterait, la marge de manœuvre dont-il bénéficierait. La Triade n'avait pas l'habitude d'être contraint. S'il était dans l'ombre, c'était justement pour être libre de ses mouvements et ne rendre de comptes à personne, aussi tenait-il beaucoup à le rester. « Me feras-tu toujours des cadeaux si je te dis oui ? Ou me prendras-tu comme acquis, tel Korentin ? » S'il cédait une partie de sa liberté pour servir un élu, il ne voulait plus d'un échange à sens unique. Le pirate ne pourrait pas manger sur son dos, Aldaron avait trop donné dans ce domaine pour l'accepter. La menace était néanmoins soufflée. Il avait joué et surjoué, lui réclamant de le satisfaire et le jeu était bon enfant. Mais l'homme qui n'avait pas su le satisfaire, c'était Korentin. Et Aldaron l'avait abandonné. Ce qu'il donnait, il pouvait aussi le reprendre et même le retourner contre lui : en témoigne le sort qui réservait à l'Empire de Nolan. Si Nathaniel en ignorait l'état, il en avait eu un fragment : l'elfe de cendre lui avait remis les plans de voyage de son navire et la mort du Roi ne l'aurait pas attristé.

    Se dressant sur la pointe de ses pieds, ses lèvres venaient près de l'oreille du Gredin murmurer un aveu évident qu'il voulait clairement mettre en lumière, car ce serait, inévitablement, le cœur de leur relation : « Je n'aime pas être délaissé. Utilisé sans retour aucun. Je peux pardonner tes frasques de pirate, ta ruse, ta manipulation, tes complots mais certainement pas cela. Plieras-tu à mes caprices si je comble les tiens ? » Il avait besoin de pouvoir compter sur lui, d'obtenir de lui ce dont il nécessitait. Masquer son affiliation serait l'une d'elles. Obtenir un accord avec les Assassins en serait une autre : il était las que les nobles séléniens les utilisent pour tenter de l'éliminer. Ce ne serait que ses demandes immédiates et il y en aurait d'autres, probablement à l'avenir, ou peut-être pas. Ce qu'il voulait c'était l'assurance qu'il l'écouterait. Qu'il ne serait pas traité comme les autres. Il était la Triade, pas le premier venu.

    Un sourire gêné s'étirait sur ses lèvres alors qu'il réalisait son comportement, sa proximité. Il ajoutait : « Si tu pouvais commencer par cesser d'utiliser ton esprit-lié sur moi, ce serait adorable de ta part. »

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¤ Discussion ¤

Subtilement, l’elfe sombre avait glissé à l’elfe cendreux la proposition d’une collaboration. En effet, tous deux pouvaient plus y gagner à travailler ensemble plutôt qu’à se faire la guerre. Et leurs opposants respectifs avaient également plus à perdre à les voir travailler ensemble plutôt que les voir se tirer dans les pattes. Il fallait voir la chose sous cet angle-là. Le venin pernicieux que gredin fit lentement son chemin, venant faire appel à la capacité de raisonnement du commerçant, à voir plus loin que le bout de son nez. Une fois de plus, le bourgmestre montra à Nathaniel qu’il était bien l’homme, ou peut-être l’elfe, qu’il pensait qu’il était. Un individu éclairé, possédant une certaine jugeote et de l’ambition. Le capitaine des gredins n’eut même pas à faire part de plus amples détails concernant une éventuelle coopération, il n’eut même pas semé plus de pistes. Le marchand elfique s’engouffra en plein dans le sujet souhaité par le pirate. Un léger sourire narquois et satisfait éclaire les lèvres du forban.

« Si tu pouvais commencer par cesser d'utiliser ton esprit-lié sur moi, ce serait adorable de ta part. »

L’elfe sombre se lécha les lèvres tel un lion se léchant les babines et vint éteindre les effets de son esprit-lié, se feignant ensuite en de fausses excuses. Car évidemment, il l’avait fait depuis le début.

« Oups, j’ai tendance à me laisser aller quand la discussion s’avère prometteuse et excitante avec un individu qui l’est tout autant. »

L’elfe retourna s’asseoir sur le siège.

« Il est vrai que Caladon est actuellement protégé par un accord la liant à Athgalan. Accord que j’ai moi-même conclu avec les quelques pouvoirs en ma possession. Mais celui-ci ne sera pas éternel. Alors les bâtiments marchands caladoniens redeviendront la cible des pirates. Une proie qu’ils n’auront pu toucher pendant un long moment. Ils s’en donneront alors à cœur joie. Tels des requins affamés ils se jetteront bâtiment battant pavillons Caladoniens pour faire main basse sur les richesses qu’ils transporteront. Richesses qui auront bien entendu eu le temps de gonfler puisqu’ils n’auront pas été victimes d’acte de piraterie pendant un long moment. Je suis qu’on peut rapprocher ça à une image … ah oui … celle d’une récolte. Les marchandises caladoniennes seraient bien mûres et prêtes à être récoltées. Pire encore, une autre ville pourrait venir passer un contrat avec Athgalan pour pousser les pirates à s’en prendre davantage aux caladoniens. Bien sûr, il y a toujours possibilité de renouveler l’accord qui lie Caladon à Athgalan. Mais pour obtenir un renouvellement autant de fois que nécessaire, il faudrait une décision unanime de la confrérie. Mes pouvoirs en tant que capitaine des gredins me permettent de former certains accords au nom d’Athgalan, mais ces accords ne peuvent être que limités. »

L’elfe reprit sa respiration.

« En effet, la confrérie pourrait permettre la conclusion d’accord plus important, mais ce serait via l’acceptation des capitaines composant cette dernière. Ou alors la confrérie pourrait faire affaire au travers d’un individu centralisant le pouvoir décision incarné en la personne du roi des pirates. Et le problème est en effet que ledit roi est élu par les membres, mais on sait que les membres ne votent pour leur propre candidature. Sauf si … »

Nathaniel laissa sa phrase en suspens, venant se saisir de sa flasque pour remettre un fond de liqueur d’Athgalan dans son verre. Verre qu’il saisit ensuite, venant humer le parfum qui se dégageait du liquide.

« Sauf si une personne parvient à réunir d’une façon ou d’une autre une majorité. Mais c’est une chose délicate. C’est affaire de négociation, marchandage, faveur et parfois … de meurtre. »

Le gredin trempa ses lèvres dans le breuvage avant de poursuivre.

« La question est plutôt : quel genre de roi serais-je ? Je ne suis pas roi … pas encore. »

L’elfe sombre finit sa phrase sur un ton énigmatique, laissant sous-entendre subtilement qu’il était déjà à la manœuvre sur ce point-là.

« Qu’est-ce qu’un roi ? Qu’est-ce qu’un royaume ? Qu’est-ce qu’une ville ? Un roi est un patron. Un royaume est une entreprise. Une ville est une succursale de cette entreprise. C’est simplement qu’on se place à une échelle différente. »

Le visage de l’elfe s’éclaira d’un air prédateur.

« Tu veux savoir quel type de roi je serais ? Je serais un roi patron. Je veux une entreprise florissante qui me permettra d’obtenir ce que je souhaite : mettre le monde à mes pieds. Or, comment obtenir une telle entreprise ? Il faut des ressources. Matérielles, immatérielles, humaines et financières. Et pour utiliser ses ressources, il faut une équipe compétente. Un peu comme l’équipage d’un navire. »

Le gredin marqua une courte pause.

« Pour cela il faut d’abord constituer l’équipe et ensuite il faut en prendre soin. Un peu comme le mari qui prend soin de sa femme afin qu’elle n’aille pas voir ailleurs. Mais … il faut également l’entretenir, un peu à la façon d’un arbre, élaguer certaines parties … surtout si l’un des membres cesse de montrer son efficacité ou pire va voir ailleurs. »

La réponse du brigand au marchand était claire. Il était prêt à faire des concessions, à faire des cadeaux, à céder à certains caprices. Mais il ne fallait se montrer raisonnable et surtout il ne fallait pas lui tourner le dos où lui faire des enfants dans le dos. Sur ses mots, Nathaniel but une petite gorgée du nectar dans lequel il avait mouillé ses lèvres un peu plus tôt.

« Tu avais raison. Au sujet de mes piètres alliés. Au sujet de la qualité des certaines têtes pensantes de la confrérie. Et au sujet de l’égocentricité de certaines de ses têtes. Mais j’ai appris une chose tout récemment … une tête, ça se remplace. Aisément. Il suffit de la trancher et d’en mettre une autre à la place. Encore faut-il trouver la bonne tête. »

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    Les rougeurs revenaient à ses joues dans la posture délicate. Les mires d'émeraude étaient froides, régaliennes, mais son corps trahissait ce que son masque camouflait. L'emprise cessa, à son grand soulagement. Ses pieds retrouvaient complètement la terre ferme et reculaient d'un pas. L'excuse le fit sourire en coin, autant qu'il ne l'aida pas à chasser l'éclat purpurin de ses pommettes. « Je vois. » Il était incorrigible. Même pris la main dans le sac, il s'en vantait. Qu'on lui affirme être prometteur était un compliment qu'il entendait et acceptait de bonne grâce. Avoir excité l'Orque en revanche... Jadis, il aurait été amusé par cela. Il en aurait jouer. Morneflamme avait refroidi ses ardeurs, paradoxalement, depuis. Sa fidélité à Achroma le rendait mal à l'aise, à présent, dans toute autre aventure. Il ne saurait y goûter sans se faire du mal en bout de compte et il n'était pas assez stupide pour cela.

    Tout en l'écoutant, il vint également prendre place dans un siège, mais même dans la relâche de son assise, il gardait un dos droit. Il n'était pas raide, mais il avait cette aura de noblesse pour l'auréoler. Son éducation avait mis du temps à se faire, mais elle était fort ancrée à présent dans sa manière d'être. Sa prise de parole fut longue et éclairante. Aldaron avait posé un coude sur l'accoudoir du siège, avant de venir délicatement reposer son menton dans la paume de sa main, silencieux. « Encore faut-il trouver la bonne tête. » répéta-t-il, bien d'accord avec lui sur ce point. Parfois, il n'était pas possible de trancher une tête, car ce serait se séparer d'un excellent élément. Les concessions faisaient un beau compromis. Il aimait sa façon de voir la gestion d'Athgalan comme celle d'une entreprise, car c'était également la sienne. Il s'était même demandé si le Gredin avait choisi cette image pour le séduire et l'imbriquer à son projet ou s'il s'agissait de sa véritable manière de voir les choses.

    Dans les deux cas, puisqu'il s'agissait de sa réponse, il la prenait comme telle. L'avenir lui montrerait la vérité et Aldaron ne se garderait pas le lui dire. S'il se moquait éperdument des coups bas qu'il pouvait infliger à d'autres, mais certainement pas à la Triade et à ses protégés. La réciproque serait de mise. « Je ne fonctionne pas à la menace ou à la contrainte, Nathaniel. Cela a même tendance à me braquer inutilement dans la révolte. Peut-être est-ce différent de ce que tu as l'habitude de côtoyer à Athgalan mais je ne suis pas de ces hommes. Je ne t'ai jamais mis de laisse autrefois, quand il était question de faire passer à l'Est marchandises et rescapés, tu te souviens ? Quand on nous trahissait, la Fratrie tombait mais ça n'allait jamais plus haut. » Faire confiance, était plus rentable que de contraindre tant que le traître ne disposait que de trop peu d'informations. Si l'un de ses Dix venait à le trahir aujourd'hui, il serait obligé de le faire exécuter.

    « Quant à tes projets au sujet des navires Caladonien, retiens que je ne suis pas Nolan. Ce gamin va être accusé de collaboration avec les pirates, mais que dirait-on si du jour au lendemain, on constatait que les pirates n'attaquent plus les pavillons Caladoniens comme c'est le cas aujourd'hui ? Que nous avons beaucoup de chance ou que le Bourgmestre a passé un accord en douce avec ces mêmes pirates ? Les navires que tu n'abordes pas, les convois que tu n'embusques pas, je suis obligé de les... Faire disparaître moi-même. Avec des techniques moins barbares, certes, mais je suis quand même obligé de faire ton travail. » Cela s'appelait faire du marché noir, en somme. Ces ressources bien réelle s'évaporaient de l'économie visible pour rejoindre le filet invisible que la Triade étendait dans l'ombre.

    « Cet or quitte bien l'économie de Caladon, et ne s'y reproduit plus. » Il ne pouvait pas continuer à réinvestir dedans, d'autant plus qu'il avait des projets de relance économique, ici, à Nevrast. Il ne pouvait pas être au four et au moulin. « Nos navires ne seront pas aussi juteux que tu ne le penses. En vérité, il me tarde que tu reprennes du service. C'était plus facile avec ton aide de garder une belle image. » Il roula des yeux en poussant un soupir. Eleonnora avait encore beaucoup à apprendre, hélas pour elle, le temps lui manquait et papa veillerait à rattraper ses bêtises derrière elle. Tant que cela serait possible. « Tu n'as pas besoin de m’impressionner, tu sais. Le Tyran était bien plus effrayant que toi, cela ne m'a pas empêché de le combattre, à partir du moment où je le désirais. Je sais de quoi tu es capable, Nathaniel, et je te prends au sérieux : tu n'as rien à me prouver. Je le vois dans les yeux de mon fils. » C'était affirmé froidement et en cela sincèrement. Bien sûr qu'il savait de quoi il était capable. Il ne lui aurait pas remis les plans de voyage de Nolan s'il l'avait sous-estimé.

    « Et je le vois lorsque je te regarde aujourd'hui. » La façon dont il se comportait, toute l'aura qui se dégageait de lui. « Quand j'ai tourné le dos à Korentin, je ne l'ai pas frappé en traître. Nous avons eu une discussion comme nous en avons une, actuellement toi et moi. La guerre était finie et je l'ai informé que la Couronne n'avait plus besoin de mes services. Je suis parti, et son existence, bonne ou mauvaise, m'indifférait. Jusqu'à ce que les déceptions et trahisons viennent à placer sa lignée, dans le camp de mes ennemis. Là vient mon combat, bien plus tard, non pas une trahison : je n'étais d'ores et déjà défait de mes obligations à son égard. Peut-être est-ce ma lenteur elfique, mais je ne parviens pas à passer de l'amour, l'admiration à la haine et la traîtrise, et inversement, en un claquement de doigt. A moins qu'on y mettre vraiment du sien à cette fin, évidement. Je sais mentir, et je sais aussi qu'il n'est pas toujours utile de mentir. Si une collaboration avec toi ne me sied plus, si tes actions me déplaisent, je te le dirais. »

    Aussi simplement qu'il venait de lui dire ceci : « Si nous parvenons à un accord, tant mieux. Sinon, je partirais sans faire de vague. Et tu pourras me tuer si tu as peur ou si telle est ta volonté. Je ne peux pas empêcher les gens d'être stupides, sinon j'aurais fait des miracles avec la Couronne. Et je ne saurais me départir de mes opinions. Je ne fonctionne pas à la menace ou à la contrainte. » Et il comptait bien ancrer ce message. Aller à l'encontre de ce fonctionnement serait se mettre à dos la Triade. « Disons que je ne suis pirate qu'à moitié. J'ai l'art mais pas la manière. Je n'ai ni l'intention de forcer un comportement brutal pour entrer dans le moule, mes actes et mes pensées peuvent l'être bien assez. » Morneflamme ne l'avait pas rendu tendre. « Et je n'ai pas la prétention de croire qu'il s'agisse de la meilleure façon de voir, au point de vous l'imposer. » Combien blâmait les pirates ? Il aurait été hypocrite pour Aldaron d'en faire autant. Le Marché Noir était de la piraterie. Une piraterie à son image, sans violence gratuite. Mais pas moins des actions faites dans l'ombre pour détourner l'économie au gré de ses envies.

    « J'ai seulement besoin que tu m'acceptes sans m'enchaîner. Est-ce que ma tête te convient ? » Et qu'il ne lui réponde pas que son corps également, ou il allait véritablement virer pivoine cette fois. « Mettre le monde à tes pieds est un ambitieux projet. Quels sont les prochaines étapes ? » il signait son acceptation.

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¤ Une affaire de boules ¤

La prestance, la façon de se tenir, le calme du marchand. L’elfe ne savait s’il devait en rire ou s’en peiner. En rire parce qu’il lui donnait l’impression d’avoir un balai profondément enfoncé dans le rectum et que cela le crispait autant physique que mentalement. Ou alors s’en peiner, car il avait là le reflet de l’éducation de la noblesse avec qui il s’était acoquiné et avec qui il avait traité. Sauf que l’elfe à la chevelure d’écume ne voyait pas cela comme un bien fait, mais un méfait. L’éducation noble n’était pas une éducation, mais un dressage. Aldaron avait été dressé comme un bon petit toutou auprès de la noblesse des hommes. Il s’agissait cependant du seul point noir de l’individu, car s’il ne pouvait nier une qualité à l’elfe aux cheveux cendrés c’est que, comme ou dit dans le milieu, il a couille. Une forme d’assurance, de force, d’ambition, qui ne le fait pas vaciller. Morneflamme l’avait assurément abime, mais une chose est sur le marchand n’avait pas été castré. Aussi le gredin avait bien saisi la façon dont l’homme procédait, par quel bout il fallait le prendre. Les avertissements de ce dernier ne servaient à rien. Menacer un individu avec une telle paire de roubignoles n’aurait pas ou peu d’effet. Même lorsqu’il avait annoncé tenir son fils, ce dernier avait décidé de la façon dont les choses allaient se passer. Le gredin appréciait beaucoup cela. C’est aussi pour cette raison qu’il avait moqué la réaction du bourgmestre. Il ne comptait pas le faire chanter, il ne comptait pas marchander son fils. Il comptait lui offrir, car il savait qu’en faisant cela, les profits seraient bien plus importants.

Nathaniel ne dit rien au sujet des remarques d’Aldaron. Il avait presque envie de lever les yeux au ciel. L’accord entre Caladon et Athgalan avait offert une opportunité à la cité libre, une opportunité qui n’était pas traitée à sa juste valeur. Faire disparaitre les navires et la richesse, monter de fausses attaques, faire réapparaitre les navires et la richesse, ou même simplement créer une société-écran pour faire fructifier cette richesse et la faire revenir plus tard à Caladon. Ou tout simplement dissimuler cette richesse dans un coin, se faire passer pour faible, attendre que les charognards approchent et au dernier moment les attraper. Le dernier représentant de la triade manquait-il à ce point d’imagination ? Et puis, si les autres n’étaient pas contents qu’ils aillent se faire voir. Ou au contraire, qu’ils passent eux aussi un accord avec les pirates pour avoir la paix.

« Korentin était un crétin. Tout comme son fils d’ailleurs. Il n’a pas su saisir, à moins qu’il n’ait pas voulu le saisir, ce que tu représentais. Moi par exemple, en toute amitié bien sûr, je t’aurais fendu le crâne à partir du moment où tu m’aurais tourné le dos. N’y voit rien de personnel là-dedans, mais de crainte que ton entreprise ou même ton intellect ne rejoigne un jour un dessein opposé aux miens, j’aurais préféré m’en emparer ou à défaut le détruire. Et regarde aujourd’hui, Korentin a laissé l’épine que tu représentes dans le pied de son fils. »

Nathaniel avait le chic pour faire un compliment et en même temps s’en servir pour justifier le meurtre de la personne qu’il avait complimenté. Et il ne s’agissait en aucun cas d’une menace, mais d’une simple constatation de fait.

« Dans les affaires, les sentiments ne comptent pas. Mais je veux bien reconnaitre qu’il est plus difficile de tuer une personne qu’on apprécie et plus difficile de faire affaire avec une personne que l’on souhaite crever sur place. Cependant, ce qui doit être fait, doit être fait. Raison pour laquelle il faut chérir les moments où affaires et sentiments se rejoignent. Prendre son temps à tuer un opposant. Faire un bon contrat avec un ami. »

L’elfe haussa les épaules.

« Je suis un pirate. Partant de ce principe je suis certainement capable du pire pour peu que cela me profite. Je pense que tu sais déjà cela. Et si tu traites avec moi, tu sais donc à quoi t’attendre. Mais rassures-toi, je ne vais pas te tuer aujourd’hui, sauf si tu m’y obliges. Même sans accord, ta survie, mais plus profitable que ta mort. »

Le gredin fit un petit clin d’œil à Aldaron en finissant sa phrase. Il lui avait dit de ne plus utiliser son esprit-lié, mais il ne l’avait pas interdit de le charmer par d’autres moyens.

« Rassure-toi, je n’ai pas l’intention te t’enchainer. Sauf si tu me le demandes. Comme les fleurs, tu fleuris mieux à l’extérieur, dans un jardin, qu’à l’intérieur d’une maison. Chacun fonctionne différent, il faut … il faut être un peu comme une putain avec ses clients, tous les clients ne jouissent pas de la même manière, il faut donc s’adapter à eux. Après rien n’empêche de plier les personnes à sa volonté. Il y en a toutefois qui ne plient pas, mais casse. Et dans ces cas-là, on ne peut plus rien faire d’eux. Alors il faut faire comme les putains. »

La comparaison était peu flatteuse, mais l’elfe était un des capitaines d’Athgalan et utilisait donc le jargon de son milieu.

« Ta tête me conviendrait parfaitement Aldaron. Mettre le monde à ses pieds est la porte se trouvant au sommet de l’escalier, il faut donc gravir cet escalier marche par marche, étape par étape. La première d’entre elles consiste à prendre la couronne de la confrérie. Je pourrais tuer tous les autres et m’en emparer en versant le prix du sang. Je pourrais convaincre les autres en versant le prix de l’or. Dans le premier cas, je sacrifierais des individus compétents. Dans le deuxième cas, je ne fais que charmer des vipères qui me mordront quand l’occasion se présentera. Où il y a la méthode Nathaniel, je m’assure de la loyauté de ceux déjà en place et dans le cas où je ne pourrais pas … je les remplace par des individus qui me sont loyaux et plus ou autant compétents que les anciens. »

Le gredin se pencha un peu en avant.

« Le Capitaine des esclaves m’est déjà acquis. Le capitaine des assassins a été remplacé. Le capitaine des catins … et bien disons que mise au pied du mur elle pliera ou mourra. Le capitaine des pirates ne m’apprécie guère, il est un déplorable meneur d’hommes, mais il a pour avantage d’être un mage puissant, je me tâte donc encore. Et concernant le capitaine des contrebandiers. C’est un individu tout juste passable, qui tient plutôt bien les comptes, mais … meh. Il manque d’ambition dirons nous. Je pourrais le soumettre, mais il existe des individus bien plus compétents que lui. Aussi pour gérer la trésorerie d’Athgalan je veux un la hauteur et celui-ci ne peut être que … le meilleur. »

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    Était-ce cruel de sa part de prendre du plaisir à chaque fois qu’il entendait dire combien les Kohans étaient des abrutis finis ? C’était que la bile était amère, dans toute cette histoire. Il avait tant et tant donné qu’il était soulagé de ne pas être seul, en définitive, lorsqu’il affirmait que celle lignée ne valait plus un clou (et de la part d’un marchand, c’était peut dire). Être agréé par ses pairs et proches l’apaisait dans l’idée qu’il n’était pas coupable de leur stupidité. Il n’avait pas contribué à cet état de fait désastreux. Nolan avait lui-même creusé son tombeau en refusant, lors de la discussion de Cordont, la proximité qu’Aldaron lui avait offerte, comme une main tendue, en l’appelant ‘Nolan’ et d’aucun autre titre. L’orgueil ou la méfiance du monarque lui avait fermé la dernière porte que le Bourgmestre avait accepté de laisser ouverte, en ultime chance.

    Tout juste après Morneflamme, il aurait probablement confirmé qu’il n’y avait pas de sentiments dans les affaires : il avait été un homme implacable et froid, brisé. Mais avant le volcan et à présent, il le refuserait. Le cœur était ce qui donnait un but à ses affaires. Il refusait l’égoïsme, il ne s’était jamais enrichi pour son propre bonheur. Il avait toujours été l’ombre qui aidait un autre à vivre mieux : la Rébellion, le Protectorat, la Caste de Dragonniers… Et maintenant Caladon et la Confrérie. Il donnait beaucoup à d’autres, s’en gardait peu pour lui. Depuis le retour d’Achroma, cela s’était peu à peu étiolé, courant vers une ambition plus personnelle qu’autrefois. Le Marché Noir acquérait un fort patrimoine, en particulier ici à Nevrast, ainsi qu’à Caladon et Sélénia et si Nathaniel lui ouvrait cette porte, le marché des pirates serait inondé de son emprise. Les griffes de l’organisation marchande s’allongeait de jour en jour, elles liaient les différentes nations et organisations. En définitive, tel était ce que l’elfe des cendres recherchait : être le lien.

    Accord après accord, nœud après nœud, il devenait le centre névralgique de la politique, une sorte de clé de voûte qui s’évertuait à tout faire tenir en place. Il n’attendait pas à être mis en lumière dans ce rôle, le seul sentiment d’avoir fait ce qui lui était possible lui suffisait amplement. Mais beaucoup le lui reprocheraient, le jalouseraient ou le craindraient. Aldaron aurait suffisamment de cet aplomb régalien pour les envoyer paître, mais pour autant, il grincerait des dents face à leur puérilité inévitable. Fort heureusement, il n’en dirait pas autant de Nathaniel. Le pirate avait d’avantage les pieds sur terre. Face à un pouvoir d’ampleur, parfois, il ne fallait pas foncer dedans avec hargne, désirant à tout prix le détruire ou le pervertir, au risque de s’y heurter avec fracas. Il fallait marcher avec, y trouver compte et profit. Il fallait voguer dans le sens des vagues, naviguer sur son flot généreux et prolifique, le temps d’une pêche ou sur le plus long terme. Le Marché Noir n’était pas une prison.

    Le clin d’œil fit brièvement rosir ses joues, mais le bourgmestre s’accrocha d’avantage aux propos qu’on lui offrait. Sous ses yeux, se dessinait de plus en plus clairement le visage du futur Roi de la Confrérie. Loin d’ignorer ses défauts, Aldaron s’attachait principalement à ses qualités, et son caractère joueur lui plaisait. Plus que cela, c’était sa franchise farouche qui l’impressionnait, crue. Du moins espérait-il qu’il s’agisse de franchise : Nathaniel n’aurait pas la stupidité d’engager un tel accord pour sa Confrérie en la basant sur du pipeau. Ce serait véritablement se tirer une flèche dans le genou. Le dernier point, et pas des moindre, était de retrouver le même caractère malléable et adaptatif qu’Aldaron chez le pirate. L’environnement était parfois abrupt et déplaisant. Beaucoup s’échinaient et se tuaient à vouloir le transformer pour le rendre compatible. D’autres se brisaient sous son joug à force de plier à sa seule volonté. Et d’autres utilisaient leur intellect pour s’imbriquer à l’environnement et marcher dans son sens. L’anticiper, le satisfaire, pour en tirer un véritable profit. Ni une lutte, ni une soumission, simplement une symbiose adaptative pour faire converger des projets.

    Beaucoup se fermeraient des portes : Nathaniel était une brute sans foi ni loi. Aldaron ne saurait le nier, pirate de son état, il était probablement des plus doués. Mais le monde n’était pas fait que de personnes blanches et de personnes noires. Il y avait tout un nuancier de gris entre ces deux opposés inexistants. Même le Tyran n’avait su incarner parfaitement le noir. Son attachement, même minime, au Voyageur, prouvait qu’il avait eu, au fond de son cœur pourri, un semblant de lueur. Achroma en avait fait les frais. Il avait été le souffre douleur du Blanc pour payer ce crime. De même, la blancheur incarnée ne saurait éclater au grand jour, quand bien même bien des chevaliers se vantaient d’en porter l’armure. L’elfe cendré ne voulait pas se fermer la porte de la piraterie. Le choix était litigieux. Tryghild et Purnendu le haïraient sans plus de sommation s’ils apprenaient son affiliation. La piraterie n’était pas un groupement d’enfants de cœur… Mais la Noblesse de la Cour non plus. Pour autant, il était mieux d’appartenir aux seconds qu’aux premiers.

    Alors non, il ne se fermerait pas des portes pour cela. L’Ordre avait besoin de Chaos pour vivre. Sans quoi elle perdait sa cohérence, son but. Et si la Triade voulait être au point d’équilibre de ce monde, il fallait qu’il ait un pied dans chaque univers pour les nourrir, l’un et l’autre. Donner au plus faible, sans trop appauvrir le plus fort. Voire détruire certains, pour voir émerger tout autre chose ensuite. Le silence vint ponctuer le terme des plans de demie-mutinerie. Un sourire en coin arquait les lèvres du bourgmestre à la vaine flatterie. Sa nomination passerait donc par un meurtre et cette idée lui faisait serrer les dents… Et puis pas tant. Tryghild voulait resserrer ses liens avec les Graärhs. Leur offrir le cadavre d’un des Capitaines de la Confrérie qui arrachait les Graärhs de leur demeure, serait un bon début. Ils ne douteraient pas d’être sur la même longueur d’ondes après ce genre d’offrande. Peut-être que l’Intendante n’en voudrait pas. Mais au fond cela ne lui coûtait rien de repartir avec la dépouille du malheureux. Le Marché Noir transportait facilement des marchandises alors un homme… N’avait rien de bien différent avec du bétail. Et c’était même plus léger qu’un bœuf.

    « Où se trouve ce Capitaine des Contrebandiers ? » Demanda-t-il en réponse, d’ores et déjà prêt à l’éjecter de son siège pour s’asseoir à sa place. « Je vais devoir rester ici encore deux semaines, je pense. En fonction de… La suite des événements. » L’inquiétude nimbait le fond de ses prunelles comme une préoccupations omniprésente : Ivanyr venait de partir sur Aerthia. Ce qui en découlerait serait décisif. Malheureusement, Aldaron ne pourrait pas rester plus longuement sur Nyn-Tiamat. Caladon le réclamerait et l’Alliance tout autant eu égard de la grande bataille qui allait sceller leur destins. « Sur le chemin du retour, avec une bonne escorte, je peux me rendre à Athgalan asseoir ma place. Tuer cet homme. Sa dépouille m’intéresse. Et me saisir des livres de comptes d’Athgalan. » Il haussa finalement les épaules. Sauf si Nathaniel voulait s’en charger. C’était un point important, mais en rien primordial.

    « Gérer la trésorerie d’Athgalan sera la cadette de mes occupations. » Il avait manié bien plus complexe. Ces comptes-ci n’avaient pas besoin d’être falsifiés dans la mesure où ils étaient officiellement illégaux. Tenir cette comptabilité était enfantinement simple. « La contrebande du Marché Noir opère principalement dans le Royaume Sélénien et en sous main dans Caladon pour réguler notre économie. » Pour la première fois de leur conversation, il affirmait clairement l’existence active du Marché Noir. « … Et pour s’occuper des navires et convois que tes pirates auraient du piller. Avec l’arrivée des Chimères, l’armement est florissant et sauf si tu m’annonces que les pirates vont s’engager dans la bataille, évidement…. » Ce dont il doutait, ainsi était-il parti sur la négative. « ...Je n’en détournerai pas, pour l’heure, au profit de la Confrérie. » Il n’allait pas lui mentir : l’archipel avait besoin de ces armes. Plus que jamais. Il n’allait pas s’amuser à les faire disparaître à un moment aussi crucial de leur avenir. « Si nous survivons à cette guerre, tu auras, ensuite, le bénéfice de cela. En attendant, les dons offerts pour la fortification de Cordont s’achèvent et ont un reliquat. Lorsqu’ils seront terminées, les matériaux pourront commencer à disparaître. Je n’ai encore jamais mis les pieds à Athgalan. Du moins, pas en personne. Mais le peu qu’on m’en dit ferait presque passer Nevrast pour le fleuron de l’architecture, à côté d’elle. Une solidification ne sera pas du luxe : il me semble que la Confrérie ne s’est pas fait que des amis sur Néthéril. » La rançon de l’esclavage. Et des viols. Il fallait bien que cela se révolte un jour.

    A nouveau, il haussa les épaules : cela ne serait pas son travail à lui, néanmoins. Mais celui du Capitaine des Pirates ainsi que celui du Roi de la Confrérie. Celui d’Aldaron s’arrêtait à la fourniture de ces matériaux et vivres. Et aux informations. « Et il y a une très grande forêt, ici, au Nord de Nevrast. Avec des bestioles dérangeantes à l’intérieur dont il va falloir s’occuper. En fonction de qui montera sur le Trône Noir, dans les prochains jours… J’aurais, ou non, un homme à te faire rencontrer : mon fiancé. » La nouvelle ne devait pas être surprenante. Bien des Caladoniens avaient appris, en décembre, que le Bourgmestre projetait de se marier. « L’Aîné est de retour auprès des siens. Et il faut du bois pour construire des navires. Il serait dommage que tu entames ta relation avec Achroma, grillé comme un poulet parce que tu auras caressé la cuisse de son Inséparable, hm ? » Beaucoup d’informations et de sous-entendus en une poignée de phrases, mais il ne doutait pas que Nathaniel en comprenne l’essence : Ivanyr n’était pas du tout partageur, loin de là.

    Sans s’appesantir, il enchaîna : « Elendil Voronwë. » Un nom. Elfique de toutes évidences. « C’est le nom de mon infiltré du Marché Noir, dans la Confrérie. C’est par lui que te sont parvenus les plans de voyage du navire Kohan. Et tant d’autres. En plus d’informations et de marchandages, évidement. Ce sera aussi le nom de ton Capitaine des Contrebandiers. Officiellement. » Car officieusement ce serait bien lui. Et Nathaniel n’aurait pas de mal à comprendre que le Bourgmestre prenne soin de son image et se cache derrière un avatar pour agir. Une fois de plus, l’elfe cendré préférait l’ombre à la lumière. Ainsi n’avait guère les mains nouées par les apparences. « Et je souhaite aussi rencontrer ton Capitaine des Assassins. Certains nobles Séléniens passent par la Confrérie en espérant voir ma tête tomber, sans que je ne parvienne à remonter à eux en retour. J’aimerais que ton Capitaine sache que je ne suis pas un homme à abattre dorénavant. » Son regard d’émeraude appuyé sur l’Orque lui soulignait qu’il aurait, lui-même, un message à faire passer en ce sens, une fois Roi.

    « Et que je paierai pour avoir les noms, voire les têtes, de ceux qui s’amusent à ce petit jeu depuis trop longtemps parmi la noblesse des Kohans. Il va être temps de faire un petit nettoyage là-haut. » La rancune était nette à l’égard de ces ingrats. Il ne voulait pas forcément leur mort. Avec des noms, il allait les étouffer financièrement, les ruiner jusqu’à ce qu’ils tombent de leur piédestal. Et si ce n’était pas assez, ils seraient raccourcis d’une tête. « J’ai foi que cela servira aussi Nolan de ne plus être entouré de telles personnes. » souffla-t-il, presque pour lui-même. La noblesse était un poison. Mais défaite de sa gangrène, peut-être serait-elle plus saine ? Se penchant, à son tour, en avant, posant les deux coudes sur la table, il tendit une main pour prendre le second verre, finalement. Un sourire amusé en coin accompagnait son geste avant qu’il ne porte le verre d’alcool à ses lèvres. Il le but d’une seule traite avant de le reposer sur la table. Il était clairement habitué à l’alcool et ne souffrait pas de sa brûlure. Sous le masque lisse et régalien de son visage se cachait un homme qui avait plus d’une fois eu recours à l’alcool et aux drogues pour oublier Morneflamme… Et qui y résistait donc plutôt bien. Son sourire en coin s’étirait, satisfait de cette affaire.

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¤ Le vif du sujet ¤

Nathaniel venait de rentrer dans le cœur du sujet de sa venue ici. Il n’avait pas accepté l’invitation du bourgmestre de Caladon simplement en souvenir du bon vieux de temps ou alors pour prendre des nouvelles. Non, l’elfe sombre était ici pour des raisons plus personnelles, plus égoïste, même si le connaissant il était bien capable de les dissimuler sous l’intérêt d’Athgalan. Mais en vérité, l’intérêt d’Athgalan était le sien, du moins dans son esprit. Le capitaine des gredins, qui souhaitait devenir roi de la confrérie, voulait remplacer le capitaine des contrebandiers. Il voulait quelqu’un de plus compétent, un maitre dans l’art de l’argent, mais qui surtout ne se limitait pas à cela. Après tout, le capitaine des contrebandiers, ce doit aussi d’être un contrebandier et quoi de mieux que le dirigeant du marché noir pour cela ? La réponse de l’elfe cendré ne darda pas et sonna comme une douce musique aux oreilles du pirate. Où était la cible, l’elfe appréciait grandement ce raisonnement direct. Pas de perte de temps, directement de l’action. En même temps, gaspiller du temps dans cette affaire ne serait profitable à nul homme, même pour la victime. La délester de sa tête serait lui rendre grand service.

« J’ai envoyé le nouveau capitaine des assassins capturer la cible, mais il ne le tuera pas, je te réserve ce plaisir. Après tout, on ne peut pas tout confier à des hommes de main. Par moments il faut se salir soi-même les mains. »

Le gredin sembla quelque peu insister sur ce point, il apprécierait grandement qu’Aldaron en personne se charge de trancher la tête de celui qu’il remplacerait. Une sorte de rituel initiatique si on peut dire. Celui qui appartient à la confrérie ne peut être un sain, il doit nécessairement avoir les mains tachées de sang.

« Cette occasion te permettra de rencontrer l’un de tes collègues. En revanche, je ne sais si tu pourras garder le corps. Le capitaine des assassins n’en a pas l’air, mais il est un artiste, et je crois qu’il souhaitait faire de certains cadavres une œuvre. Mais, je te laisserais gérer ce détail avec lui tu es un grand garçon et tu sais comment négocier, je ne doute pas que tu parviendras à obtenir ce que tu souhaites. »

L’elfe à la chevelure d’écume écouta la suite sans piper mot, attendant patiemment le meilleur moment pour répliquer.

« Nous ? Participez à un combat avec les autres nations ? Même si notre destin est en jeu, ce serait une idée fort saugrenue. Comment pourrions-nous avoir confiance en ceux au côté desquels nous combattrions. Ils nous haïssent et font preuve d’une grande hypocrisie qui les pousserait à faire preuve des mêmes tactiques que nous : une dague dans le dos durant la confusion des conflits. Non, il vaut mieux pour eux, mais aussi surtout pour nous, que nous ne prenions pas part au combat. Ou tout du moins à leur combat et à leur façon. Athgalan a sa propre façon de faire les choses. Et si jamais nous devions agir, nous le ferions à notre façon, sans requérir l’aval d’autrui. Continue donc à mener ton affaire comme tu l’entends. Nous avons-nous même intérêt à ce que les nations s’arment afin qu’elles puissent faire face à la menace … pour nous en quelque sorte. Inutile donc de leur mettre des bâtons dans les roues, car au final ce serait nous tirer une flèche dans le pied. »

L’elfe haussa légèrement des épaules à l’évocation de l’état architectural de la cité pirate.

« Athgalan est située sur un marais, si nous voulions en faire une œuvre d’art, nous aurions choisi un cadre plus attrayant. Mais surtout moins hostile. Nous avons surtout concentré nos efforts à pacifier, je dirais au maximum, les environs où nous nous sommes installés. Athvamys est une contrée forte dangereuse. Et cette dangerosité est notre fortification. Les pirates passent plus de temps à bord de leur navire qu’à terre. Aussi l’état Athgalan est secondaire … du moins tant qu’on ne parle pas de son port qui lui est bien entendu primordial. »

Nathaniel hocha doucement de la tête.

« Tu marques en effet un point, nous ne nous sommes pas faits d’amis sur Néthéril, pourtant nous n’avons encore essuyé aucunes représailles. Cela viendra surement un jour, mais nous aurons le temps de la voir venir. Traversez le canyon est impossible, il faut donc le contourner. Prendre le port d’Athgalan serait surement possible pour une nation possédant une solide flotte, mais les Graärh ne sont pas des navigateurs. Ils n’ont donc qu’une seule option, débarquée dans le marais. Et là, la faune et la flore se chargeront d’entamer les troupes ennemies qui ne pourront de toute façon pas circuler comme le faisaient les armées en Ambarhùna. Les pirates d’Athgalan n’auront donc qu’à finir le travail si je puis dire. »

L’elfe était confiant en les défenses d’Athgalan, les pirates avaient su s’adapter à leur environnement pour en tirer profit. Ils ne connaissaient certes pas celui-ci parfaitement, mais ils en connaissaient aujourd’hui suffisamment, et chaque jour ils en apprenaient plus. La suite fit arquer un sourcil à Nathaniel. Il y avait donc tant de grabuge au sommet de l’état vampirique. Voilà qui promettait beaucoup. Le gredin n’aurait sans doute que peu de choses à faire pour tenir sa part du marché avec Kalza.

« Tu as un fiancé ? Mh … et vous êtes plutôt du genre union libre où ? Oh un inséparable … intéressant. Mais tu sais, ça n’empêche pas de … c’est fort dommage. »

Earendil ne put s’empêcher de rebondir sur l’occasion et lança un regard amusé et provocant à son interlocuteur avant de poursuivre.

« Plus sérieusement, même s’il ne monte pas sur le trône noir, une rencontre avec lui pourrait s’avérer fort … intéressante. Mais ce bois éveille ma curiosité. Peut-être qu’en échange d’un petit coup de pouce du capitaine des gredins il pourrait se montrer généreux ou enclin à un marché. Après tout tu as raison, le bois sert à construire des navires et celui qui a des navires peut contrôler les mers. Et celui qui contrôle les mers … contrôle l’archipel. »

Nathaniel opina doucement du chef.

« Très bien, si tu veux placer un représentant ou un homme de paille pour tenir le rôle de capitaine des contrebandiers, mais donc. Tant que fais ton travail et que tu ne vas pas à l’encontre des intérêts de la confrérie, ça ne me dérangera pas. »

Écoutant la suite, Nathaniel eut le regard qui s’éclaira quelque peu. Oh, visiblement certains nobles Sélénien étaient moins bêtes que la famille royale et savaient que le bourgmestre de Caladon était un homme qui fallait soit avoir de son côté, son éliminer. Bien, au moins y avait-il quelques têtes pensantes là-bas.

« Je ne me mêle que rarement des affaires des autres capitaines, sauf en cas de projet de commun. Du moins, cette affirmation est à dire au passé désormais. Je ferais passer le message au capitaine des assassins et pourrais vous aider à organiser une rencontre. Ce genre de contrat va devoir cesser. Surtout que tu vas devenir un capitaine. Je l’inviterais à avoir le monopole des contrats d’assassinats … comme ça si quelqu’un projette de s’en prendre à un membre de la confrérie, je le saurais, mais plus encore, cela permettra de garder un œil sur les mouvements occultes des hautes sphères. »

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    Le nouveau capitaine des assassins donc... Il ne comptait pas dévoiler son visage à tous les capitaines de cette Confrérie, pas immédiatement, du moins. Il le ferait en fonction de la confiance et des nécessités... Et pour son affaire avec les assassins, il serait apodictique qu'il lui faille donner son nom afin que les contrats sur sa tête ne viennent pas à se solder par une désolante réussite. L'elfe des cendres arqua un fin sourcil : Nathaniel le croyait-il incapable de tuer quelqu'un pour mettre une telle insistance au fait qu'il lui faille éliminer lui-même son prédécesseur ? Aldaron n'en était pas à sa première guerre et le sang avait déjà coulé sur ses mains. Un bizutage ou un rituel initiative déjà consumé, qu'avait-il à prouver ? Cela ne lui ferait ni chaud ni froid. Ses siècles parmi les humains et les guerres dévastatrices lui faisaient regarder la mort avec beaucoup de distance et de sang froid, comme si jamais plus elle ne l'affecterait. Tous les hommes mourraient un jour ou l'autre. C'était une loi immuable, même pour les vampires éternels. Tout revenait à la poussière. « Je le tuerai et j'aviserai avec ton nouveau capitaine des assassins. » confirma-t-il d'une voix nette et sans pitié, sans la moindre vibration de crainte ou de doute : ils n'existaient pas dans son esprit. L'homme qu'il devrait abattre était un pirate. Il avait à son compteur bien des crimes et des délits : il n'aurait aucun scrupule.

    Il allait faire entrer la contrebande d'Athgalan dans une nouvelle ère plus stratégique et efficace, comme s'il mettait Athgalan au service du Marché Noir et le Marché Noir au service d'Athgalan. Les deux parties y gagnaient : Nathaniel aurait quelqu'un de compétent à ce rôle et Aldaron venait de signer un contrat qui lui assurait l'entier monopole sur la contrebande. Rien ne passerait en sous-main sans qu'il ne le sache, rien ne manquerait à une ville sans qu'il l'ignore. L'ombre du commerce clandestin se retrouvait dans sa poigne à présent. Il n'y aurait ni concurrence ni piège au trafic qu'il opérerait en silence, si ce n'était les autorités douanières qu'il biaiserait avec doigté, en leur laissant des victoires et des espoirs : il ne pourrait pas toujours gagner et perdre faisait aussi partie du jeu. Excepté pour la bataille à venir contre les chimères. Cette fois perdre n'était pas une option s'ils rêvaient d'un lendemain. Et Nathaniel lui confirmait ce que la Triade avait affirmé à demi-mot un peu plus tôt. « Bien. » concéda-t-il, satisfait de cette conclusion logique et prévisible, mais pas moins indispensable. Il répéta ce même mot lorsque le futur Roi de la Confrérie acheva tout son propos et que le silence revint. Les mires d'émeraude tombaient sur son verre à présent vide, pensif et préoccupé, les sourcils très légèrement froncés dans sa réflexion.

    « Athgalan n'a pas besoin d'être une œuvre d'art... Mais je vais avoir des affaires à y faire tourner. Si seul le port t’intéresse, moi, ce sont les marchés qui captent mon attention. Et ils ne sont pas sur le port. Je vais avoir besoin que les clients viennent à Athgalan. Déjà que le crime qui viole ses rues en rebute plus d'un, avoir quelque chose de solide et présentable pour les accueillir va devenir un indispensable si tu veux que la cité devienne un pôle incontournable pour la contrebande. Je peux faire des affaires en dehors, créer des relais invisibles pour les habitués dans tout l'archipel... Mais les habitués, ce sont à la fois les moins rentables et les moins nombreux. Alors que les novices en quête que quelque chose qui sort de l'ordinaire, ça... Ça, ça se fait bien embobiner et vider la bourse. Et mettre les pieds à Athgalan dissuade beaucoup de ces bénéfices. Moi même je ne m'y suis encore jamais risqué, tu comprends ? » Il y aurait toujours des gens bizarres à Athgalan et il faudrait sans cesse veiller sur ses arrières pour arriver à bon port et sans encombre. Mais non, il n'y avait pas que le port qui doive être entretenu et amélioré. « Quant aux graarhs, les pirates n'ont essuyé aucunes représailles justement pour les raisons que tu as évoquées. Ils ne sont pas stupides : ils n'iront pas se jeter dans la gueule du loup. Tu ne devrais sous estimer ni leur capacité à évoluer dans cette brousse qui nous est encore bien inconnu mais qui pour eux est leur terre natale ; ni sur leur capacité à se faire des alliés. Il n'y a pas que sur Néthéril que la Confrérie a des ennemis. Les navires de Délimar vous abattent à vue et la Couronne a une dent contre vous. Les graärhs ne sont pas des navigateurs... Mais leurs alliés pourront l'être. »

    Ses prunelles verdoyantes se relevaient sur Nathaniel. Captivantes et charismatiques, elles savaient garder l'attention de ses interlocuteurs. « Je peux me tromper. Il est possible aussi que leur colère et leur désir de vengeance effacent leur sagacité. Mais il est aussi possible qu'ils se montrent clairvoyants et particulièrement bien entourés pour détruire une Confrérie qui se repose sur ses lauriers. » L'elfe des cendres se redressa pour s'adosser dans le fond de son assise et poser ses main sur les accoudoirs pour se lever. Définitivement, il n'était pas né pour être un bureaucrate. Il préférait mille fois être un homme debout, un orateur. « Je crois que nous en avons fini. Comment comptes-tu me rendre mon fils ? Et... » Ses mains venaient naturellement se loger dans son giron, les doigts entrelacés les uns au autres et son regard se baissait sur cet homme assis : « Pour ton propre bien, nos satisfactions mutuelles ne resteront que de l'ordre du professionnel. Il en sera évidement de même pour celles que tu entretiendras avec Achroma... Et cela sera déjà bien suffisant, ne crois-tu pas ? Si tu as besoin d'une catin ou deux pour te soulager après nos entretiens, je peux te les dégoter, qu'importe le prix, tant que mon roi est satisfait. » C'était à la fois doux et tranchant, d'une possessivité subtile mais sensible. « Je lui parlerai de toi... J'aimerais néanmoins te mettre en garde : il n'est pas comme moi. Je suis une personne flexible, capable de fermer les yeux sur ton orgueil déplacé, tes frasques alcooliques et sexuelles, ainsi que sur ton comportement provocateur et condescendant... Mais cela ne sera pas son cas, à lui. »

    Le son de ses pas résonnaient sur le parquet alors qu'il s'éloignait de la tablée pour retrouver la fenêtre quittée un peu plus tôt. Ses mires cherchaient encore le Maelström et la silhouette de son fils adoptif. « C'est un prince. Authentique. D'une légitimité qui n'a rien de volée. Tu le verras par toi-même... Et je te conseille de ne pas jouer avec lui. Il serait naïf de ma part de te demander de te tenir à carreaux... » Un sourire en coin marqua ses lèvres : il n'était pas certain que Nathaniel en soit seulement capable. Aussi la demande était candide mais il l'assumait : « Mais tiens-toi quand même à carreaux. » Il portait à nouveau son regard sur le pirate à la chevelure d'écume. Il avait beau le dire avec humour, il n'en pensait pas moins le contenu : « Ne te le mets pas bêtement à dos pas excès de zèle. Entends mes mots comme une évidence que je préfère sortir des non-dits : ma fidélité à ton égard se limite à ma fidélité à son égard. Je ne veux pas avoir à choisir. Et tu ne veux pas que j'ai à choisir. » Car le choix était déjà établi.

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¤ Problème et solution ¤

Athgalan, une ville où régnerait l’insécurité ? Nathaniel tombait presque des nues face à tant d’évidents. Bien sûr qu’il en avait conscience, même un aveugle ne s’en serait pas rendu compte. Pour autant, le pirate n’avait pas l’intention ou l’envie de faire quelque chose de particulier pour changer ce fait. Athgalan est la ville du crime, un phare pour tous les rebuts. C’est ce qui faisait sa différence avec toutes les autres villes, elle n’était clairement pas taillée pour accueillir le gratin, la noblesse et les honnêtes gens, là n’était pas son but. Ceux qui venaient à Athgalan le faisaient à leurs risques et périls. Après tout, on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre, le lait, la vache et le cul de la crémière en prime. On trouvait en Athgalan des choses qu’on ne trouvait pas dans les autres villes, il fallait donc accepter d’en payer le prix pour en profiter. Nathaniel se contenta de lever les épaules et en écartant les bras.

« Il s’agit d’Athgalan. La population se compose de malfrat, pas d’honnêtes gens. On y trouve des choses qu’on ne trouve nulles par ailleurs, mais pour cela il y a un prix à payer et ce prix est l’insécurité. Toutefois, je comprends ton inquiétude. Athgalan connait de nombreux vols, meurtres et rixes, mais cela ne concerne que les particuliers. Certes au début nous n’avons connu que de rares incidents visant des biens appartenant à la Confrérie, mais cela ne s’est plus produit. Les quelques exemples que nous avons faits on suffit à dissuader les plus téméraires. Les habitants sont libres de s’en prendre entre eux, tant qu’ils ne s’attaquent pas à un bien appartenant à la confrérie ou à ses agents. »

Le gredin ricana légèrement.

« Mais là où tu vois un problème, je vois une opportunité. Vouloir faire régner l’ordre dans tout Athgalan serait contreproductif. Ce serait un peu comme vouloir mettre le feu à de l’eau. Partant de se postula, il y a plusieurs options. Option numéro une, faire un ou des quartiers sûrs en annonçant que la Confrérie n’y tolèrera aucune infraction, et pour s’y assurer, faire payer une taxe pour y pénétrer. Option numéro deux, les clients pourront louer les services de garde du corps à l’entrée de la ville. Ils seront bien sur estampillés agents de la confrérie, cela dissuadera  bon nombre de personnes de s’en prendre aux visiteurs. Option numéro trois, combinons les deux. Mettons les quartiers sûrs loin du port, ainsi les visiteurs se paieront une escorte pour se rendre en toute sécurité jusqu’auxdits quartiers, avant de payer un droit d’entrée. On vient à Athgalan pour ses bénéfices, mais je pense qu’on y vient aussi pour le goût du risque. Le chemin jusqu’aux quartiers sûrs pourrait devenir une sorte d’attraction touristique. Les visiteurs connaitront le frisson et l’excitation. On pourrait même organiser des événements, des fausses attaques. Cela pourrait être amusant. »

Nathaniel marqua une courte de pause, paraissant songeur.

« Tu as peut-être raison. À force de trop tirer sur la queue du chat, il finit par nous griffer. Peut-être devrais-je commencer des préparatifs afin d’accueillir comme il se doit de potentiel envahisseur. La piéger pour en faire une tombe à ses ennemis. Après tout, Athgalan n’est qu’une pile de bois avec un peu de bric et de broc. Un champignon toxique capable de repousser n’ importe où ailleurs. Pour ce qui est de la mer … je vais sérieusement songer à améliorer la flotte d’Athgalan. »

Toutefois, le futur capitaine des contrebandiers évoquait un plan intéressant. Faire sombrer les graärh dans une rage profonde pour leur faire oublier toute sagesse et prudence. Une chose qui devrait être assez aisée de faire pour lui.

« Je vais commencer à y songer. En ce qui concerne ton fils. Dès que le Maelstrom approchera des côtes, je le ferais accoster. Je le ferais conduire jusqu’à toi sous bonne escorte pour qu’il ne lui arrive rien. »

L’elfe sombre finit par se lever lui aussi de son siège et s’étira.

« Merci pour tes mises en garde, Aldaron. J’arrive bien à gérer avec les nobliaux quand il le faut, alors j’arriverais aussi à gérer avec lui. Je sais me montrer sérieux, y mettre les formes et faire des courbettes quand il le faut, même si c’est excessivement ennuyeux. Bien, à moins que tu n’aies autre chose à me dire, je crois bien que nous avons fait le tour de la question. Préviens-moi quand tu enverras Irina en direction du domaine que je puisse escorter ton navire. En attendant, j’ai d’autres choses à faire. Il parait que cette ile possède une faune bien plus coriace et hostile que les autres. Cela pourrait être fort amusant mis dans une arène. Ça aurait le mérite de focaliser la violence en un seul point et calmer un peu les pulsions de la populace d’Athgalan. »

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