Juillet de l’an 1761
La nuit était fraîche, malgré la saison estivale bien présente. La veille, une tempête venue du Nord avait grandement rafraîchi la température ambiante, rappelant que le froid ne s'oubliait pas totalement, même en été. Sighild, elle, en avait cure. Le froid n'avait jamais été un soucis, même s'il était plus humide que dans ses chères montagnes disparues. Mais là, ce soir là, elle était morose. Morose et mordillant ses lèvres devant son verre vide. D'ordinaire, elle était moins dans cet état là. Mais là...
Elle avait décidé de traîner dans une petite taverne réputée plus tranquille que les autres. Bien qu'elle soit faite de bric et de broc, que son allure faisait plus penser à une bicoque à la limite de s'écrouler et fabriquée avec des restes de navires, elle avait le mérite d'être bien fournie en boisson et d'apporter un peu de chaleur dans un intérieur pas trop pris dans les courants d'air d'une construction précaire. Mais là, ce soir, un groupe de marins un peu bourrés avaient décidés de faire virer la plupart des clients masculins des parages, comme s'ils en étaient les rois et qu'ils estimaient que la petite taverne leur appartenait. Le tenancier n'avait pas su dire non, pris entre l'intérêt financier que pourra rapporter ces clients buvards que dans la crainte de se prendre un coup pour cause d'être seul face à un groupe d'hommes soûls.
Et elle, si elle décidait de partir avant que les choses ne s'échauffent ? Hormis ces marins, il ne restait plus que la serveuse, le tavernier et elle-même. Pour l'instant, elle n'avait pas attiré leurs attentions. Une bonne chose qu'ils l'oubliaient. Peut être qu'ils ne savaient pas que c'était une femme. Elle était bien grande, dépassant les critères habituelles ; normale pour une nordique. Et comme elle était vêtue comme un chasseur, elle n'avait rien pour provoquer une quelconque image de séduction. Mais elle pressentait que cela ne durerait pas longtemps, allez savoir pourquoi.
Elle tendit son verre vide vers le tenancier, lui faisant ainsi signe qu'elle avait encore soif.