Oh mon royal bateau [PV Nolan Kohan]

¤ Infiltration ¤

Le bruit, bruyant et désagréable, de la roue qui tourne sur le sol. La roue d’une charrette qui tourne sur une route mal entretenue. Le bruit, répétitif et hypnotisant, du bois qui grince sous les tracas de la route. Le bruit, percutant, des sabots d’un cheval contre le roc. Le souffle, puissant, produit sous l’effort de la monture. Le bruit, mélodieux et harmonieux d’un harmonica. Mi, La, Do, Si, La, Do, La, Si, La, Fa, Sol, Mi. Répétez en boucle de sorte qu’elle rentre dans la tête. Jusqu’au moment où le bruit sourd, produit par un objet contondant frappant contre le bois, ne vient perturber cette harmonie. Une voix grave et suave s’éleva alors.

« La répétition est terminée Frederick, on arrive. Préparez-vous, se serait dommage que tout foire avant même qu’on ne commence.

« Tu es sûr de ton coup Nath ? Tu ne préfèrerais pas t’en faire construire un ? »

« Oh non … celui-ci sera parfait. J’ai passé cinquante ans en taule à cause d’une sentence rendue sous l’autorité de cette famille. Il est temps que leur descendant paie. Et le cadeau du roitelet sera une parfaite compensation. Allez, activez-vous ! »

Il était temps que le voyage se termine. Nathaniel en avait plus que marre de la terre et plus particulièrement de voyager sur terre, et encore plus précisément d’utiliser un cheval pour cela même s’il était en charrette. Rien ne valait la mer et un bon bateau. En parlant de bateau, c’est exactement pour cette raison que l’elfe sombre était venu sur la terre ferme, sur l’île de Calastin. Le pirate avait débarqué à Caladon avec une équipe avant de se rendre à Sélénia. Le criminel à la blanche chevelure ne souhaitait pas attirer l’attention plus que nécessaire. Il y aurait bien assez de grabuge comme ça le moment venu alors autant jouer la carte de la discrétion dans un premier temps.

La raison de la venue d’un chef de la confrérie à Sélénia ? Un bateau, mais pas n’importe quel bateau. Un navire de ligne, mais pas n’importe quel navire de ligne. Un bâtiment destiné à être offert du roi Nolan Kohan. L’elfe sombre avait l’intention de s’en emparer. C’était un coup risqué, cela le pirate en avait conscience, mais s’il réussissait … s’il réussissait, il aurait non seulement un puissant et somptueux navire, mais il se taillerait également un nom dans ce Nouveau Monde en volant un bien à un roi. Certes, cela risquait d’agacer au plus haut point les autorités, mais le criminel à la chevelure blanchâtre s’en moquait bien, au contraire même il s’en amusait.

Nath et sa troupe passèrent sans encombre la porte d’entrée de la ville de Sélénia. C’était une jolie ville, majestueuse, riche tout l’inverse Athgalan. Mais la putride avait un avantage sur la majestueuse : la liberté de ses citoyens. Qui ne rêve pas de faire ce qu’il souhaite faire sans la moindre barrière ? Nathaniel préférait le chaos à l’ordre.

Le capitaine de la confrérie avait déjà usé de son influence pour récolter quelques informations sur le bâtiment qu’il comptait voler, être en charge de la corruption des autorités avait ces avantages. L’elfe sombre savait déjà presque tout ce dont il avait besoin de savoir et avait monté un plan en conséquence. Voler un navire de cette taille avec une vingtaine d’hommes n’était pas une mince affaire, c’était même impossible dirait certain. Mais Nathaniel  acceptait volontiers de relever ce défi. Tout ce qu’il avait à faire, c’était amener le bateau au large et se rendre à un point de rendez-vous prédéfini. Là-bas, deux frégates attendaient avec un équipage prêt à  changer d’embarcation.

Eärendil avait l’intention de subtiliser le bâtiment au nez et à la barbe du roi lui-même le jour où ce dernier devait en prendre possession. Était-ce de l’arrogance ? De l’insolence ? De l’insouciance ? Ou peut-être simplement de folie ? Aller savoir.

Nathaniel et sa troupe étaient arrivés à la capitale impériale un peu plus de deux semaines avant la délivrance du cadeau à l’empereur Nolan Kohan. Le bâtiment était déjà construit, mais pas tout à fait terminer. Quelques dernières finitions devaient être accomplies, notamment l’application de laques sur la coque, le pont et d’autres parties du navire afin d’offrir une meilleure durabilité à ce dernier face à l’eau de mer et aux diverses intempéries. À quoi bon qu’il se mette à pourrir dans les premières années.

Les criminels parvinrent à se faire embaucher auprès du constructeur, sur un tel bâtiment de la main-d’œuvre supplémentaire était toujours nécessaire. Ainsi, pendant les semaines qui suivirent, Nathaniel et ses hommes furent au plus près au bateau, s’assurant également de ne pas avoir à s’introduire lors de la délivrance du cadeau à l’empereur qui marquerait également sa mise à la mer.

L’aube du douze juillet de l’an dix du quatrième âge pointa finalement le bout de son nez, les travaux étaient terminés et l’elfe sombre avait fini de peaufiner les derniers détails de son plan. Le navire était presque prêt à être volé. Le roitelet devait, selon ses informations, se rendre sur les coups de midi au port d’azzuréo afin de prendre possession de son bâtiment. C’est à ce moment précis que Nathaniel agirait. Sans attendre, tous se préparèrent.

Sélènia la Majestueuse, tel était le nom de la nouvelle capitale du Royaume que le jeune empereur venait de rebâtir sur l’île de Calastin. Tant d’événements s’étaient déroulés depuis que son peuple avait dû prendre la mer pour fuir l’invasion des Chimères. Et peu de temps après leur installation sur cette île en forme de croissant des soulèvements avaient éclaté, conduisant son empire à la scission.

Pourtant, en dépit de ce climat tendu, le jeune monarque, âgé d’à peine 17 printemps, endossait le fardeau de la couronne et désirait gouverner son peuple d’une main de fer. Ce dernier était déterminé à châtier sévèrement tous les ennemis de la Couronne et à ne laisser quiconque remettre en cause son autorité.

Du haut du balcon de ses appartements, l’adolescent contemplait sa magnifique cité baignée par le soleil d’été. Son palais dominait la ville et de l’endroit où il se trouvait, le blond pouvait apercevoir les flots bleutés de l’océan.

Celui-ci ferma les yeux, se laissant aller momentanément à la rêverie. Soudain, un coup frappé à la porte l’arracha à ses pensées.

- Entrez, dit-il d’un ton autoritaire. Quelques secondes plus tard, un valet élégamment habillé entra dans la pièce en s’inclinant :

- Votre Altesse, veuillez m’excusez de vous déranger, mais il est temps de vous préparer pour la cérémonie d’inauguration du navire impérial qui a lieu à midi.

- Très bien, j’arrive dans une demi-heure, tu peux disposer.

Le serviteur exécuta une nouvelle révérence afin de s’éclipser.

A midi, le souverain de Sélénia devait prendre possession et embarquer à bord d’un splendide vaisseau. Ce dernier, destiné à devenir le joyau de sa flotte, avait nécessité des mois de labeur acharné et la force de travail de milliers d’ouvriers.

Nolan éprouvait une certaine impatience à l’idée de monter à son bord et de voguer à nouveau sur l’océan. Pour l’occasion, l’empereur décida de revêtir une tenue d’apparat et, comme l’exigeait le protocole, les lames écarlates devaient l’escorter. Depuis son sacre, la surveillance autour de lui était devenue encore plus étouffante, semblant l’enserrer tel un étau d’acier.

Le blond éprouvait déjà quelques difficultés à la supporter quand il n’était que prince héritier, mais désormais celui-ci devait faire bonne figure. Il demeura impassible tandis que les lames écarlates formaient une allée pour l’escorter jusqu’à son royal carrosse.

Le gamin y prit place en compagnie de l’un de ses conseillers qui, en voyant son visage renfrogné, crut bon de dire.

- Majesté…vous savez que toutes ses mesures de sécurité ont pour seuls buts votre protection et celle du Royaume…
- Je sais, je sais, coupa sèchement Nolan en écartant légèrement les rideaux qui masquaient les fenêtres du carrosse afin de jeter un coup d’œil à l’extérieur pendant qu’ils traversaient les ruelles de la ville. Heureusement que je vais bientôt recevoir comme présent un superbe bateau et prendre la mer à son bord, voilà qui me changera les idées et égayera ma journée !

A leur arrivée au port Azzuréo, l’adolescent descendit du carrosse et les nombreux gardes présents et les membres imminents de la Marine Royale s’inclinèrent devant lui en s’écriant :

« Gloire à sa majesté ! », « Longue vie à l’empereur Nolan Kohan ! »

L’amiral s’avança et s’inclina révérencieusement devant son souverain.

- Majesté, vous nous honorez de votre présence. Les efforts n’ont pas été ménagés pour vous offrir le plus somptueux et le plus puissant des navires. Celui-ci est fin prêt pour son inauguration et la cérémonie débutera dès que vous en donnerez l’ordre.

- Très bien Amiral, que la cérémonie de remise du navire débute.

Le port avait été nettoyé de fond en comble et de nombreux gardes encerclaient le lieu empêchant la populace d’approcher. Une haie d’honneur avait été formée pour permettre au monarque de se rendre jusqu’à l’endroit où le magnifique navire attendait sa venue.

¤ Casse royal ! ¤

« Gloire à sa majesté ! Longue vie à l’empereur Nolan Kohan ! »

Dehors, la clameur commençait à s’élever. Le roi venait de faire son entrée. Déjà le peuple adulateur venait rendre grâce au jeune souverain. Quelle bande de lèches-bottes. Mais Nathaniel n’allait pas lui jeter la pierre, à lui aussi on lui léchait les bottes. D’un certain point de vue, le roitelet et lui-même étaient semblables. Chacun se trouvant à la tête d’une entreprise. Lui des gredins d’Athagalan et l’autre d’un royaume. Cependant le pirate ne lui enviait rien. Être un roi sur terre n’était pas quelque chose de flatteur. Mais l’elfe sombre n’avait pas le luxe de gaspiller du temps à jouer aux comparaisons et aux critiques plus longtemps que cela. Il avait un bateau dont il devait s’emparer et la venue du prince lançait justement le signal d’alarme. Il était temps.

Nathaniel et le reste de sa troupe se trouvaient déjà dans le bateau, ainsi que les autres marins, au niveau des différentes soutes se trouvant à l’intérieur de la coque. L’endroit grouillait de vie, les nombreux marins s’apprêtant aux derniers préparatifs en vue de permettre au navire d’effectuer son premier petit voyage, un voyage inaugural en somme. Nathaniel et sa troupe s’occupaient de leur propre préparatif pour leur part. S’emparer d’un navire aussi grand et avec autant de monde à son bord n’allait pas être une tâche aisée. Alors dans un premier temps, il allait falloir réduire le nombre d’âmes vivantes. Le groupe aurait sans doute déjà bien trop à faire avec les gardes et les gardes du roi pour en plus avoir à faire à des marins souhaitant se faire bien voir auprès de leur souverain.

L’elfe et ses hommes disposèrent alors à différents endroits des tonneaux contenant à l’intérieur une poudre qui une fois chauffée dégagerait une épaisse fumée à la toxicité létale. Il ne faudrait que quelques instants pour que le poison ne se répande dans les poumons des boucaniers séléniens et ne les tue. Malheureusement, le poison ne pourrait pas tout faire. L’intégralité des salles se trouvant à l’intérieur de la coque serait enfumée, mais le pont lui serait hors de danger. Ce poison avait cette détestable manie de devenir inoffensif une fois qu’il était exposé au grand air. Bah ! Peu importe, la quasi-totalité de l’équipage serait décimée.

Pendant ce temps-là, du côté du port et du roi, les choses s’activaient.

« Majesté, vous nous honorez de votre présence. Les efforts n’ont pas été ménagés pour vous offrir le plus somptueux et le plus puissant des navires. Celui-ci est fin prêt pour son inauguration et la cérémonie débutera dès que vous en donnerez l’ordre. »

« Très bien Amiral, que la cérémonie de remise du navire débute. »

L’architecte à l’origine de ce bâtiment s’avança alors. Un sourit ravi ornait son visage. Arrivé à la hauteur de Nolan il s’inclina comme le voulait la loi tout en se présentant, avant de se redresser une fois qu’il en eut l’autorisation. L’homme tenait entre ses mains une bouteille de champagne d’un vignoble réputé, mais aujourd’hui disparut. Le vin était ancien et provenait d’Ambarhùna. Le sommet de la bouteille était relié à une corde fixe à l’extrémité du mât d’artimon à l’arrière. Il le tendit au souverain.

« Je vous en prie majesté. Veuillez nous faire l’honneur de baptiser ce navire en brisant cette bouteille contre le navire avant que nous le mettions à l’eau. Que ce bâtiment qui vous a été construit, soit l’épée qui nous gardera du mal. »

Le navire se trouvait en effet sur une large structure en bois, légèrement incliner en avant vers la mer, mais retenu par des chaines et de solides barricades. Lorsque le roi aurait donné le signal en brisant la bouteille, les liens seraient retirés et le quatre-mâts glisseraient vers l’eau. Il était prévu que le roi et ses accompagnateurs rejoignent le navire à chaloupe. La manœuvre était violente et dangereuse, il ne pouvait être pris le risque qu’il arrive quelque chose à sa seigneurie.

Attendant à l’intérieur de la cale que le roi donne le coup d’envoi, Nathaniel et sa troupe s’apprêtaient. Jusqu’ici en tenue de travailleur, ils c’étaient vêtus de leur vêtement de corsaire ainsi que de leurs armes, les ayant faits entrer illégalement à l’intérieur du bâtiment en même temps que les autres tonneaux contenant divers éléments.

« C’est bientôt l’heure … »

« Tu as raison, enduisez vos masques et mettez-les sans plus attendre. Inutile de nous faire avoir pas notre propre poison. »

L’elfe sombre se saisit de son foulard et versa dessus le contenu d’une fiasque, une forte odeur s’en échappant alors. Sans plus attendre, il entoura le foulard autour de son cou puis le fit remonter de sort à masquer sa bouche et son nez. Ceci fait, il attrapa sa visière et la plaça sur ses yeux, avant de saisir fermement sa masse.

« Il est temps de s’amuser, Catherina. Je me demande si la rencontre avec le roitelet te plaira. »

Lorsque la bouteille se brisera, les liens du navire seront tranchés. Le bâtiment glissera alors jusqu’à l’eau. Dans un même temps, les pièges empoisonnés s’activeront et une épaisse fumée engloutira l’intérieur de la coque. Quelques nuages s’échapperont surement des fenêtres de tir des armes magiques embarquées et de l’écoutille, mais ça n’avait pas d’importance. Lorsque cela arrivera, il sera déjà trop tard. Le casse royal aura débuté.

¤ L’attaque surprise ! ¤

Des cris, des exclamations résonnèrent soudainement à l’extérieur du navire. Le peuple, la foule, la populace commençaient à s’agiter. L’empereur des hommes venait de baptiser son navire. Très bientôt, la clameur du peuple fut brisée par le grincement du bois, du claquement violent de l’eau. En somme, de tout le brouhaha engendré par la mise à l’eau d’un navire. L’ensemble du bâtiment trembla, semblant menacer se rompre, mais il n’en fut rien. Le navire était solide, il en faudrait bien plus que cela pour le briser, mais il est vrai que la mise à l’eau est une naissance assez mouvementer pour un bateau. À l’intérieur, Nathaniel et se troupe se tinrent solidement afin de ne pas se faire emporter ou se blesser. Il aurait été dommage d’être mis hors d’état de nuire avant que tout commence. À peine la proue du navire toucha-t-elle l’eau que les pièges des pirates s’activèrent. Une opaque fumée empoisonnée se répandit à l’intérieur de la coque. Pendant ce temps-là, Nathaniel et ses hommes se précipitèrent  jusqu’à pont, poussant les matelots les plus vaillants qui agonisaient lentement. Lentement, des différentes écoutilles et fenêtres de tir la fumée commença à sortir, devenant inoffensive. Les autorités verraient bientôt ce phénomène plus qu’étrange et viendront sans nul doute inspecter en ne voyant ni flamme ni fumée noir ou odeur de brulé. Il fallait se dépêcher. Sortant de l’écoutille principale, suivie de ses hommes, Nathaniel cria ses ordres.

« Bazile, Cameron ! Au grand mât, sortez-moi la grand-voile et le grand hunier ! Frederick, Gunther ! Le mât de misaine, sortez la misaine et le petit hunier. Nous en aurons besoin une fois que je nous aurais fait dégager du port. Les autres avec moi. »

Profitant des l’effet de surprise, les nommés s’empressèrent de grimper cordages afin de rejoindre les voilures. En même temps, profitant également de l’effet de surprise, Nathaniel et les non-nommés dégainèrent leur arme pour attaquer les matelots restants, n’ayant pas été victime du gaz. Se saisissant de Catherina, l’elfe sombre vint fracasser le crâne du premier malheureux à sa portée et n’ayant pas encore eu l’occasion de réagir.

« À la poupe ! Nous devons la prendre avant que les gardes n’arrivent. »

Tout en commençant à se frayer un chemin jusqu’à cette dernière, Nathaniel commença à user de son totem, amorçant le début d’un mouvement de courant maritime qui servirait à faire bouger le navire. Arrivant à proximité de l’escalier menant au gaillard d’arrière, là où se trouvait la barre du gouvernail. L’orque se retrouva plaqué contre le bastingage par un matelot hargneux. Lui donnant un coup de genou dans la cuisse il le fit reculer, avant de le saisir et le faire passer par-dessus bord. À ce moment-là, le pirate déguisé se retrouve face à la mer, et put voir la barque approchant dans laquelle se trouvaient le souverain et ses hommes.

« La cavalerie arrive, grouillez-vous ! »

Sans y prêter plus attention, Nathaniel commença à grimper l’escalier, vérifiant que sa bague de capitaine de la confrérie était bien positionnée sur son doigt.

Les amarres venaient à peine d’être larguées et le bateau de prendre la mer qu’une épaisse fumée envahit la coque. Les vapeurs mortelles s’échappèrent par les écoutilles empoisonnant les infortunés matelots qui avaient le malheur de les respirer. Dès après, les individus responsables de cette machination se frayèrent un passage vers le pont, tuant ceux qui se mettaient en travers de leur route. Tandis que le navire royal, fier et majestueux, s’éloignait en direction de la Haute-mer, la foule massée sur le port commençait à festoyer, inconsciente de ce qui se passait à bord. Le jeune empereur embarquait à bord d’une chaloupe, accompagné d’une escorte de gardes et se dirigèrent vers le navire. Alors qu’ils étaient presque parvenus à sa hauteur, les flots s’agitèrent faisant tanguer la chaloupe. Le vieux conseiller déjà bien incommodé par son mal de mer se cramponna au bord et s’écria :

- Vous avez senti cette secousse ? On dirait que les eaux sont agitées alors qu’il n’y a pas un souffle de vent…

Nolan s’apprêtait à répondre par un trait d’esprit afin de détendre l’atmosphère quand il remarqua l’expression sombre et soucieuse d’un des lames écarlates.

- Siméon quelque chose te tracasse ? Tu fais une drôle de tête…

- Majesté, j’aperçois de la fumée qui s’échappe du navire et je crois qu’il se passe quelque chose de louche à son bord, dit l’homme d’un ton grave. Puis, ce dernier se tourna en direction d’un autre soldat :

- Albéric utilise ton esprit-lié du Geai moqueur pour communiquer télépathiquement avec les autres liés du Geai moqueur pour les informer que nous avons remarqué quelque chose de suspect sur le vaisseau. Et demande-leur d’envoyer du renfort !

Albéric se concentra et envoya un message télépathique aux liés les plus proches. Sur un bateau appartenant à la marine royale, « la perle noire », le capitaine admirait la mer en discutant avec l’un des matelots.  Soudain, son visage se figea et une voix résonna dans son esprit afin de l’informer de la situation. L’ordre lui était donné de mettre les voiles vers le navire de l’empereur et de l’intercepter.

Lorsque cela fut fait, Siméon donna l'ordre aux soldats présents d’embarquer à bord du bateau à l’aide de cordes munies de grappins et dit à l’adolescent :

- Majesté, restez-ici, c’est trop dangereux pour vous de monter à bord. Nous ne savons pas ce que allons y trouver mais nous devons en avoir le cœur net. Les renforts ne vont pas tarder à arriver. Je vais survoler le navire pour découvrir ce qui s’y passe et tenter de récolter des informations.

Après cela, Siméon utilisa le pouvoir de son esprit-lié pour se changer en chouette et s’envola laissant le jeune empereur en compagnie du vieux conseiller et de l’Amiral. Frustré Nolan leur jeta un regard en coin, réfléchissant au moyen de leur fausser compagnie et de monter à bord. Puis, sans crier garde le gamin se jeta à l'eau et commença à nager maladroitement vers le bateau tandis que le vieux conseiller au bord de la crise d’apoplexie poussait de grands cris.  

¤ Il est temps de prendre le large ! ¤

Les cris, les entrechocs, les agonies. Tous les fracas propres au combat émanaient du navire. Les hommes de Nathaniel avaient envahi le pont, profitant de l’effet de surprise pour prendre l’avantage. Dans un premier temps, nombreux furent ceux à recevoir un coup dans le dos ou sur la tête avant d’être balancé par-dessus le bastingage. Cela ne dura qu’un temps, lorsque les marins se rendirent compte de la trahison, ils s’empressent de saisir la première arme venue pour se défendre et bouter les ennemis hors du vaisseau. Le combat était alors engagé. L’elfe sombre s’attela à se frayer un chemin jusqu’au gaillard d’arrière, éjectant un Sélénien sur sa route avant de monter l’escalier et arriver enfin jusqu’à la barre. Un sourire éclaira son visage, révélant ses dents ciselées. En dépit du foulard masquant le bas de son faciès on pouvait aisément deviner de par certains traits tirés de ses pommettes la joie du pirate. Lentement, la main gauche du criminel vint caresser le bois du gouvernail, presque sensuellement, alors qu’il liait sa bague de capitaine de la confrérie à ce bâtiment.

Au même moment, une ombre se profila sur son flanc gauche. Nathaniel eut à peine le temps de tourner la tête qu’il vit une chouette devenir homme et lui tomber dessus. Le voleur de bateau tomba à la renverse avec le transformiste au-dessus de celui-ci. Ce dernier commença à lui asséner un coup de poing avant de saisir de son arme pour le frapper. L’elfe sombre eut tout juste le temps d’attraper le manche de sa masse tombée non loin de lui pour percuter l’épaule du soldat afin de dévier son attaque le repousser d’au-dessus de lui. Jurant entre ses dents, Nathaniel se redressa et darda un regard furieux l’homme face à lui.

« Je ne sais pas qui tu es chien galeux, mais tu vas foutres le camp de mon bâtiment avant que je ne te jette en pâture au requin. »

Le gredin leva Catherina avant de venir l’abattre en direction de l’amiral, débutant le combat. Dans un même temps, l’eau continuait d’agir sous la volonté de Nathaniel. Le courant éloignait le navire du port. Lentement, le trois-mâts se mettait à bouger, prenant de la vitesse à chaque instant. Le courant emportant avec lui, et pouvant même conduire jusqu’au navire si on l’utilisait, tout débris ou corps, interne ou non. Les plus malchanceux d’entre eux se retrouvant engloutis sous le bâtiment. Les premiers hommes de Nathaniel étaient parvenus, tout haletants, à gravir les mâts auxquels ils avaient été assignés. La grand-voile suivie peu de temps après de la misaine fut déployée et le vent commença à s’y engouffrer.

Nathaniel continuait de combattre l’amiral et voyant les premières voiles du navire se dérouler, il comprit que son plan fonctionnait jusque-là sans accroc. Il était alors temps de passer à la suite. Profitant d’une ouverture dans la joute, l’elfe sombre assénant un coup de pied dans le torse à son adversaire pour l’éloigner de lui et manquer de le renverser. Profitant de déséquilibre de ce dernier, le gredin de l’attaqua pas, au contraire, il profita de l’occasion pour user à nouveau de son esprit-lié. Lentement, le criminel à la crinière blanche ordonna à la mer de se retirer. Lentement, l’eau mouillant le port se mit à reculer, d’une manière précédant un tsunami. Mais le pirate n’avait aucune envie ou même intérêt à ravager la ville ? Il n’irait pas jusque là. Sous peu, les bateaux du port se retrouveront tous à terre, incapables de bouger et donc incapable de le poursuivre.

Nolan avait bondi hors de la chaloupe, au mépris du danger, plutôt que de demeurer sagement les bras croisés alors que des malandrins tentaient de s' emparer de son bien. Il devait trouver un moyen de monter à bord coûte que coûte ! L’adolescent impétueux n’en faisait qu’à sa tête et préféra ignorer les cris effarouchés de son conseiller qui manqua de défallir lorsqu'il plongea dans les flots.

Progressant tant bien que mal, malgré le poids de ses vêtements d’apparat imbibés d’eau de mer et de sa nage maladroite, le gamin arriva jusqu’à la coque du navire. Ce dernier parvint à saisir une longue corde qui pendait et grimpa jusqu’au bastingage qu’il enjamba. Un chaos innommable régnait sur le vaisseau et les corps inanimés des membres de l’équipage étaient étendus sur le pont. Qu’avait-il bien pu se passer à bord de ce bateau pour causer autant de pertes humaines ? Songea le jeune empereur.

Un tel massacre ne pouvait être que l’œuvre de pirates sanguinaires, de dangereux criminels ou d'esprits machiavéliques. Les responsables de cette barbarie avaient profité de la cérémonie afin de perpétrer ce sinistre attentat dans le but de dérober ce navire impérial. Nolan serra les dents de rage à cette idée. En soi, le vol de ce bateau ne constituait pas une perte inestimable car son immense fortune lui permettait d’en refaire un identique ou plus majestueux encore. Néanmoins, un tel acte représentait un véritable affront à la Royauté et nul ne pouvait porter atteinte à la Couronne impunément.

Les soldats qui l’accompagnaient étaient montés à bord du bateau et les renforts n’allaient pas tarder à arriver. Pourtant, le jeune Kohan désirait rencontrer l’énergumène qui avait osé ourdir cette sombre manigance. Il exécuta le geste clé d’un sort destiné à augmenter sa furtivité et à couvrir le bruit de ses pas avant de se précipiter en direction du gaillard arrière et d’en gravir l’escalier. Le navire ne cessait de tanguer et les eaux semblaient très agitées, ce qui manqua de faire trébucher l'adolescent.

[Autre] Cape des ombres
Une chape d'ombre et de silence tombe sur le lanceur, il ne produit plus de bruit et son corps dévie la lumière, le rendant presque invisible ( mais pas totalement )
Geste clé : S'enlacer soit même

Une fois parvenu en haut, là où se trouvait la roue du vaisseau, il aperçut une haute silhouette, à l’allure patibulaire, qui ressemblait à un elfe, en train de combattre l’un de ses hommes ayant le pouvoir de se transformer en chouette grâce à son esprit lié.

Le combat faisait rage à tel point qu’aucun des deux ne sembla prêter attention au jeune homme, toujours masqué par son sort de furtivité. C’est alors que ce dernier manifesta sa présence en disant d’un ton impérieux.

- Assez ! Arrêtez immédiatement ce combat !

Puis ses sourcils se froncèrent et ses prunelles dorées se dardèrent sur le sombre individu qui avait eu la témérité de s’emparer de son bien.

- Qui que vous soyez, j’exige des explications à la raison de votre présence à bord de MON vaisseau.

Le jeune empereur se tenait les bras croisés sur la poitrine, ne cherchant même pas à dégainer son épée ou à se lancer dans la mêlée car cela ne serait que pure stupidité de sa part. Sous ses vêtements, il portait un corset destiné à empêcher toute agressivité aux personnes dotées d'une force mentale inférieure, à condition que lui-même n’en manifeste aucune. Pour l’heure, le blond ne désirait pas se battre mais seulement obtenir des explications de la part de ce triste sire.

¤ Il est temps de prendre le large ! ¤

La mer se retirait. Des grincements de bois se firent entendre, bientôt tous les navires à quai virent leur coque toucher le sol, se mettant alors à pencher d’un côté ou d’un autre. Attirant le regard de quelques personnes attentives. L’eau se retirait de plus en plus vite, augmentant le courant créé par Nathaniel, emportant le bateau, ou plutôt l’ex-bateau de l’empereur vers le grand large. Le nouveau capitaine du bâtiment était aux prises avec un officier de la marine Sélénienne. Ce bougre ne se laissait pas faire et ayant pris l’elfe sombre par surprise il s’était offert un avantage. Néanmoins la situation trouva assez vite un équilibre. Il suffirait d’une erreur de la part d’un des combattants pour que l’autre l’emporte. Ce moment vint enfin et c’est le Sélénien qui la fit. Nathaniel en profita alors pour se saisir de son opposant, passant sa masse sous sa gorge et commençant à l’étrangler en pressant la manche contre sa gorge. Il serait parvenu à ses fins, mais une perturbation se produit. Je jeune roitelet en personne, encore trempé, venait de faire irruption sur le pont et semblait avoir usé de magie pour empêcher toute violence. L’emprise du pirate se relâcha, il cessa d’étrangler l’officier, mais ne cessa pas pour autant de le maintenir bloqué contre lui pour l’empêcher de s’échapper.

« Assez ! Arrêtez immédiatement ce combat ! Qui que vous soyez, j’exige des explications à la raison de votre présence à bord de MON vaisseau. »

« On dirait que le maitre vient à la rescousse de son serviteur. »

L’elfe sombre se recula jusqu’au bastingage et exécuta un mouvement pour faire tomber l’homme par-dessus bord. L’éloignant loin de lui sans violence. Le pirate débarrassé de ce poids se tourna en direction de l’empereur. Les combats avaient cessé sur le navire, les quelques marins survivants et les voleurs de bateau se regardaient en chien de faïence, leurs regards se tournant petit à petit vers l’arrière du navire, là où se trouvaient le capitaine et le souverain.

Un soupire s’échappa de Nathaniel, à bonne distance du roi il leva sa masse de façon à la pointer vers lui, comme s’il le pointait du doigt.

« J’ai horreur qu’on m’interrompe pendant que je tue, gamin. Ça a le don de m’énerver … de vraiment m’énerver. C’est comme si on te coupait la parole. C’est très impoli, tu sais. »

Profitant de ce moment d’accalmie, le capitaine put pleinement se concentrer sur son totem, accélérant le mouvement. Le bateau tangua un peu, prenant de la vitesse. Dans un même temps, les deux dernières voiles que l’elfe sombre avait ordonné affalées commençaient à être déployé. Nathaniel  vint poser sa masse contre son épaule et commença à marcher en direction de l’empereur, le regardant de haut.

« Ce bâtiment n’est plus le tien, jeune homme. Je m’en suis emparé. En paiement de la dette de tes aïeux qui m’ont autrefois envoyé en prison. »

Les yeux de l’elfe sombre au travers de sa visière étaient posés sur ceux de Nolan. Une lueur prédatrice dans son regard trahissait son envie de tuer la proie qu’il avait face à lui.

« Tu peux toujours essayer de me le prendre, mais si tente de me voler tu devras en affronter les conséquences. »

Nathaniel tendit une main en direction du visage de Nolan, comme pour essayer de lui caresser la joue, ne quittant pas ses yeux du regard.

« Il n’est pas dans mes plans d’enlever l’empereur des Séléniens. Mais si tu t’obstines alors je n’aurais pas le choix. Je connais une entrepreneuse qui paierait cher pour avoir une putain au sang noble. »

Sous son foulard le pirate souriait à pleine dent, une aura dangereuse émanant de lui, appuyant chacun de ses propos.

Au fur et à mesure que la mer se retirait, les flots écumants emportaient le navire vers le grand large, faisant grincer violemment sa coque. En montant l’escalier qui menait à la roue de navigation, Nolan surprit le combat qui faisait rage entre l’Amiral de la flotte sélénienne et une énergumène à l’allure patibulaire. Ces derniers semblaient tellement absorbés par leur lutte qu’aucun des deux ne remarqua la présence du blond avant qu’il ne la manifeste d’un ton impérieux. Celui-ci possédait une grande autorité grâce à son esprit lié du Coq et le corset magique qu’il arborait sous ses vêtements empêchait toute agressivité de la part des personnes alentour, à condition que lui-même n’en manifeste aucune.

Suite à son intervention, l’elfe ténébreux tourna la tête dans sa direction avant d’ajouter d’un ton dédaigneux à l’Amiral « On dirait que le maître vient à la rescousse de son serviteur », ce qui fit naître un froncement de sourcil chez le souverain sélénien.

Puis, le pirate sanguinaire en profita pour lâcher l’homme qu’il tenait à la gorge et de le pousser sans agressivité par-dessus bord. L’adolescent demeura immobile, sans ciller, les prunelles dorées rivées sur celui qui avait eu l’outrecuidance de dérober son bien. Les traits de son visage étaient dissimulés derrière un bandeau de pirate ; toutefois ses oreilles effilées et sa silhouette souple et élancée laissaient deviner une ascendance Elfique. Désormais, Nolan était seul à seul avec ce criminel des mers animé par de noirs desseins.

L’elfe sombre en profita pour dire qu’il détestait être interrompu pendant qu’il assassinait quelqu’un, mais loin de se laisser émouvoir par cette remarque, Nolan répondit avec le même ton acide :

- Et moi j’ai horreur qu’on vole mes biens et qu’on massacre mes sujets, cela a vraiment le don de m’énerver. Donc nous étions faits pour ne pas nous entendre. Quant à la politesse, si vous êtes si pointilleux avec les bonnes manières, ne savez-vous donc pas que c’est très discourtois « d’emprunter » le bateau d’autrui sans lui demander l’autorisation et en plus de tuer l’équipage ? Non seulement c’est impoli, mais en plus ce n’est pas très gentil.

Dès après le gredin qui s’était auto-proclamé nouveau propriétaire du vaisseau royal s’étala sur les raison de son larcin, à savoir le paiement d’une dette ancestrale. Selon ses dires, l’un des ancêtres de Nolan avait envoyé ce forban en prison et ce dernier était désormais avide de se venger sur l’héritier actuel de la lignée Kohan. Les lippes du gamin esquissèrent un sourire.

- J’ignore lequel de mes ancêtres t’a envoyé en prison, mais il a été mal avisé de prendre cette décision. Ce n’est pas dans les geôles que tu aurais dû faire un petit tour mais chez le bourreau. Mais crois-moi je ne commettrais pas la même erreur. Tu auras la juste rétribution que tu mérites !

A travers la visière du pirate Elfique, le jeune empereur discerna des yeux cruels, à l’éclat givré, semblables à ceux d’un prédateur guettant sa proie. Ils ressemblaient aux globes d’un monstre marin ou des requins qui rodaient autour des vaisseaux, flairant la moindre goutte de sang et prêts à déchiqueter de malheureuses victimes à l’aide de leurs mâchoires acérées.

L’elfe sombre poursuivit, semblant vouloir l’intimider en évoquant les conséquences fâcheuses qui l’attendait s’il s’entêtait à vouloir récupérer son navire. Avec aplomb, le jeune Kohan répondit :

- Puisque tu parles d’assumer les conséquences de ses actes. Crois-tu que je laisserais un tel acte de vilenie impuni ? Même si aujourd’hui tu parvins à t’enfuir je te ferais traquer. Ce bateau est empuanti par l’odeur de la mort et souillé par le sang de mes marins et ce crime réclame justice ! Plus jamais tu ne connaîtras la paix, j’y veillerai.

La suite des paroles sarcastiques de l’elfe et le terme de « putain noble » pour désigner le jeune empereur le firent éclater de rire :

- Jusqu’à présent tu ne fais que vomir ton fiel, mais épargne ta salive ta bave ne m’atteint pas. Et puis pourrais-je savoir à qui j’ai l’honneur ? Il est très désagréable de ne pas savoir à qui l’on a affaire, à moins tu sois trop lâche pour oser décliner ton identité et montrer ton visage à découvert ?

En guise de réponse, l’odieux criminel se mit à répandre une aura maléfique et l’éclat de son regard sardonique rappela au blond les pires cauchemars de son enfance. Il sentit la peur s’insinuer en lui peu à peu et son cœur battre la chamade. Que lui arrivait-il ? Pourquoi la vue de cet elfe suscitait en lui une telle frayeur ? Usait-il d’un quelconque maléfice ? L’adolescent luttait intérieurement pour ne pas laisser transparaître la peur qui s’insinuait en lui. Mais il devait se montrer fort et la surmonter !

Par ailleurs, son vis-à-vis ne pouvait pas user d’agressivité envers lui grâce à sa magie. Ce dernier devait simplement chercher à le déstabiliser dans l’espoir que submergé par sa terreur il se sauve en courant ou utilise son arme, annulant l’effet de protection de son corset.

- Tu crois peut-être m’impressionner avec ton aura maléfique mais laisse-moi te dire que tu te trompes, je…
Tout d’un coup, Nolan sentit l’odeur âcre de la fumée agresser ses narines et quelqu’un derrière lui l’empoigna fermement par le bras. C’était l’un des lames écarlates.

- J’ai mis le feu à plusieurs endroits du navire, d’ici peu celui-ci ne sera plus qu’un joli tas de cendres. Majesté, il faut quitter ce bateau sur le champ, il y va de votre vie.

Puis l’homme tira fermement le gamin pour l’emmener avec lui.

¤ Fuyez pauvre fou ! ¤

Le regard féroce et criminel de l’elfe sombre pesait de tout son poids et dangerosité sur l’empereur elfique, l’observant tel un orque prêt à se propulser en dehors de la mer pour saisir entre ses crocs le lion de mer sur la plage. L’être à la chevelure d’écume n’avait pas dans ses projets de s’en prendre à l’empereur personnellement. Il n’était pas là pour ça. Il n’avait par ailleurs aucun intérêt à le tuer. Peut-être à s’amuser avec lui, mais en dehors de cela être un régicide de l’intéressait nullement. Lui voler son navire, voilà pourquoi il était là aujourd’hui. Si on le laissait partir sans offrir des résistances plus que celle nécessaire pour qu’il s’empare du bâtiment, alors il partirait. Dans le cas contraire, il devrait faire preuve d’une inutile violence. Non pas que cela le dérangerait plus que cela. La leçon de morale du prince en réponse à la sienne le fit quelque peu sourire. C’est qu’il avait un peu de répondant le roitelet. Il avait presque envie de s’emparer de lui maintenant pour voir quel serait son comportement une fois derrière les barreaux. Serait-il aussi hargneux ?

 « Oh, mais l’on souhaiterait me punir. Voilà un jeu très amusant que tu me proposes, tête couronnée. Je l’accepte ! »

Nathaniel fit quelques pas en arrière pour remettre de la distance entre lui et le jeu humain.

« Envoie donc tes chiens me traquer. Je prendrais grand plaisir à canonner leur bâtiment et à les jeter en pâture en requin. Peut-être alors tenteras-tu de m’attraper par toi-même. »

L’elfe sombre tendit sa main grande ouverte en direction de l’empereur avant de la refermer.

« Cependant, si tu m’approches de trop près, ou si tu te tiens trop longtemps loin de moi. Alors les rôles seront inversés, la souris sera se faire chat et le chat deviendra souris. Et c’est moi qui te mettrais la main dessus. »

Nathaniel joua de sa masse, la faisant tourner avant de donner quelques coups dans le vide, faisant siffler le vent.

« Dans les deux cas, Catherina éclatera de nombreux crânes et sa soif sera rassasiée. Et si elle est ravie, alors je le serais aussi. »

L’embarcation avait fini par atteindre le large, portée par les courants marins. Le port de Sélénia avait presque disparu de l’horizon. Lentement, l’elfe commença à libérer les eaux afin que cette dernière vienne à nouveau mouiller le port. Il ne pourrait continuer son manège bien longtemps de toute manière au risque de s’épuiser plus que nécessaire. Dans tous les cas, aucun navire du port ne les rattraperait. Seuls présenteraient un danger ceux en haute mer. Et encore s’il y en avait.

« Jusqu’à présent tu ne fais que vomir ton fiel, mais épargnes ta salive ta bave ne m’atteint pas. Et puis pourrais-je savoir à qui j’ai l’honneur ? Il est très désagréable de ne pas savoir à qui l’on a affaire, à moins tu sois trop lâche pour oser décliner ton identité et montrer ton visage à découvert ? »

Le pirate ricana quelque peu.

« N’est-ce pas toi qui voulais me traquer ? Je ne vais pas non plus te faciliter la tâche sans quoi la chasse perdra toute sa saveur. L’odeur de la mort et du sang que ce navire laissera sur son sillage devrait te suffire. Dans le cas contraire, tu n’auras qu’à attendre notre prochaine rencontre pour tenter d’en apprendre plus. Je suis sûr qu’elle ne tardera pas et sera aussi excitante que celle-ci. ! »

Alors que le blondinet s’apprêtait à lui répondre, un homme vint interrompre leur discussion, attirant aussitôt le regard de l’elfe qui sembla le foudroyer.

« J’ai mis le feu à plusieurs endroits du navire, d’ici peu celui-ci ne sera plus qu’un joli tas de cendres. Majesté, il faut quitter ce bateau sur-le-champ, il y va de votre vie. »

Un grognement s’échappa du criminel à cette annonce. Il avait osé mettre le feu à SON bâtiment ? Voilà qui n’était pas très sage. Pas très sage du tout d’ailleurs. Si l’envie de le tuer était grande, il ne pouvait malheureusement toujours rien faire. Sans doute en raison du prince. Pendant ce temps-là, les hommes qu’il avait envoyés affaler les voiles avaient fini.

« Écoutez donc votre larbin. Fuyez. Fuyez avant que l’océan ne vous emporte ! »

Nathaniel se concentra, la magie vibrant autour de lui, lentement il leva sa main libre en direction du ciel. Le navire entier se mit à grincer. À tribord l’eau était en train de grimper sur la coque, arrivant jusqu’au bastingage et commençant à se répandre sur le pont. L’elfe sombre commença à venir noyer les premiers feux visibles tout en se dirigeant vers l’écoutille principale. Si ce chien avait mis le feu à l’intérieur il devrait les éteindre également.

Nolan se tenait face à l’Orque sans sourciller et n’hésita pas à répondre à ses paroles acerbes par des piques assassines. Que s’imaginait-il ce satané forban ? Que celui-ci allait le laisser dérober son navire sans protester ? Certes l’empereur était encore un adolescent, mais malgré en dépit de sa jeunesse ce dernier avait déjà affronté de nombreuses épreuves et n’appartenait pas à l’espèce de ceux qui se faisaient facilement impressionnés.
Ainsi ce fourbe de pirate acceptait de bonne grâce de se livrer à ce qu’il considérait comme un jeu. Fort bien, il risquait d’être exaucé au-delà de ses espérances.

- Tu m’en vois ravi, dit le blond dont les lèvres affichèrent un sourire narquois. Du reste quand bien même tu te serais désisté, je ne t’aurais guère laissé le choix. On ne refuse rien à l’empereur de Sélènia.

Ensuite l’elfe aux cheveux cendreux poursuivit son discours grandiloquent et teinté d’animosité n’hésitant pas à prophétiser un sort peu enviable à l’encontre des « chiens » que l’empereur oserait lui envoyer. Dès après, il n’hésita pas à menacer le jeune souverain lui-même si d’aventure celui-ci tentait de l’approcher ou au contraire de le fuir.

L’adolescent répondit en persiflant :

- Tss tout de suite les grands mots. Et bien nous verrons si tu es à la hauteur de tes prétentions car il se pourrait que ça soit toi qui finisses dans le ventre d’un requin. Quant à ton jeu du chat et de la souris, si tu vois en moi une proie inoffensive prend garde à ce ton arrogance ne se retourne pas contre toi et que je ne me mue en prédateur. Mais si tu veux jouer à ce jeu nous serons deux !

Cherchant sans doute à l’impressionner, le truand des mers brandit son arme nommée Catherina et la fit tournoyer dans des gestes plein de désinvolture. A cette vue, Nolan haussa un sourcil et se contenta de croiser les bras sur sa poitrine. Mais c’est qu’il se moquait de lui l’animal en exécutant une démonstration digne d’un saltimbanque.

- A ta guise, pour ma part je préfère savourer un bon vin plutôt que de me repaître du sang de victimes. Que veux-tu on ne peut pas tous être des monstres sanguinaires à ton instar.

Quand le monarque de Sélénia l’interrogea sur son identité, le pirate éluda la question prétextant qu’il n’allait pas lui faciliter la tâche et que cela n’en donnerait que plus de saveur à leur petit jeu. Cependant, le sang laissé dans son sillage lui servirait d’indice. L’adolescent s’apprêtait à répondre lorsque l’un de ses lames écarlates l’interrompit en le saisissant fermement par l’épaule.

L’homme avait profité de la diversion causée par la discussion entre l’empereur et l’Orque pour bouter le feu au navire. En entendant cela, le criminel des mers poussa un grognement haineux.

Alors que la lame écarlate l’entrainait à sa suite, Nolan se retourna et lança au pirate.

- Et bien « sans nom » tu ne m’en voudras pas d’écourter cette conversation, mais il semblerait que je doive te fausser compagnie mais n’aie crainte nous reverrons ! J’ignore quand mais un jour ou l’autre nos chemins se recroiserons je t'en fais le serment !

Puis, le gamin et le soldat se précipitèrent en direction de l’arrière du navire tandis que les flammes léchaient la coque et qu’une épaisse fumée s’échappait de la cale. L’eau commençait à affluer sur le pont au point que bientôt elle atteignit la moitié des cuisses du souverain et de son subordonné. Le port de Sélénia se trouvait encore visible dans le lointain.
L’homme se tourna alors en direction de Nolan :

- Majesté ! Cramponnez-vous fermement à moi, je vais user du pouvoir de mon esprit-lié de la sauterelle pour nous téléporter là-bas.

Alors que l’eau les entourait de toute part, le blond ferma les yeux, avant d’être happé à travers l’espace, et quand celui-ci les rouvrit ils se trouvaient tous deux sur la berge du port. La lame écarlate s’écroula sur le sol d’épuisement tandis que la foule poussait des cris à la fois de soulagement et de stupéfaction et que les soldats se rassemblaient autour de leur monarque.

- Je vais bien, n’ayez aucune inquiétude dit-il. Occupez-vous plutôt de lui, dit-il en désignant le soldat épuisé par l'effort fourni.

- Votre Altesse, Nos navires sont coincés dans le port à cause du reflux des eaux mais nous pouvons donner l’ordre aux navires de la marine Royale et aux corsaires de la couronne qui se trouvent en haute mer de se lancer à la poursuite du criminel qui a attenté aux jours de sa majesté.

Nolan éclata de rire et secoua négativement la tête :

- Pas la peine. N’en faites rien. A l’heure qu’il est ce gredin doit être déjà pas mal occupé à éteindre les incendies sur SON rafiot, du moins ce qu’il en reste. Mais comme je suis magnanime et bon joueur je veux bien lui laisser une petite avance avant de lancer la traque. Disons jusqu’à…demain, puis sa tête sera mise à prix.

L’adolescent fixa l’horizon où le vaisseau était sur le point de disparaître et ses prunelles dorées se mirent à luire d’un éclat glacé.

- Mais crois-moi satané pirate, lorsque la traque commencera tu n’auras aucune chance d’en réchapper. Tu as peut-être gagné cette bataille mais pas la guerre…et je suis un adversaire autrement plus redoutable que ceux que tu as affronté jusqu’à présent.

Puis comme si rien ne s’était passé, le jeune homme donna l’ordre que les festivités reprennent malgré ce regrettable « incident » et que le vin coule à foison. Après tout, ce dernier n’allait pas laisser cet importun lui gâcher sa journée et, à l’avenir, il saurait lui montrer qu’on ne s’en prenait pas à la Couronne en toute impunité.

¤ Mer de feu ¤

Ce petit merdaillon lui plaisait bien, et un sourire aussi cruel que sadique s’élargissait sur son visage dissimulé par son foulard. Cette traque allait être amusante et l’orque avait bien l’intention de se faire chat pour chasser le jeunot et s’emparer alors de lui. Oh oui, tous deux allaient bien s’amuser une fois qu’il lui aurait mis la main dessus, parole de pirate ! Malheureusement, cela serait une prochaine fois, le capitaine de la confrérie avait un vol à finaliser, il devait prendre la poudre d’escampette en semant ses poursuivants. Mais avant cela, il lui fallait éteindre les flammes qui étaient en train de s’emparer du bâtiment. L’elfe sombre avait relâché sa pression sur les flots, de sorte qu’ils puissent lentement retourner jusqu’au port de Sélénia sans créer de dommage, de sorte à pouvoir se concentrer sur autre chose. Rapidement Nathaniel vint faire grimper l’eau sur le pont du navire pour étouffer les premières flammes visibles. Jetant un dernier coup d’œil derrière lui, il remarqua l’empereur et son garde disparaitre, sans doute téléporter. À ce moment-là, la magie du blondinet se dissipa.

  « Tuez les marins de Sélénia restants ! Je m’occupe des flammes ! »

Les combats reprirent et les quelques marins de l’empereur qui n’avaient pas saisi leur chance pour s’enfuir se firent massacrer. Après avoir éteint le feu à la surface externe du navire, le pirate entra dans la cale et entreprit d’éteindre ceux à l’intérieur. Rapidement l’incendie fut maitrisé et le criminel retourna à la barre et fit changer de cap. Les principales voiles étaient sorties, le bâtiment était sous son contrôle, il devrait être en mesure de l’amener au point de rendez-vous où un équipage complet l’attendait.

« Navires en vue capitaine ! »

Après une trentaine de minutes, les deux frégates que l’orque avait prévues étaient enfin à portée.  Nathaniel ordonna que l’on immobilise le bâtiment en rentrant la voile et en jetant l’ancre. Il serait plus simple que les deux frégates s’abordent à lui, plutôt que le contraire. Finalement, les deux navires arrivèrent de chaque côté et des passerelles furent déployées. Sans attendre plus longtemps, les équipages commencèrent à venir vider les cargaisons pour remplir les cales du Maelstrom. Armes, nourritures, eau, boissons et diverses ressources nécessaires à la réparation du navire furent ainsi embarquées.

« Félicitation capitaine ! Votre projet fou semble avoir réussi. Nous nous inquiétions  et pensions que vous n’y parviendriez pas. Le navire semble avoir souffert. »

  « Je n’ai jamais dit que ce serait facile. J’ai seulement dit que ça n’était pas impossible. Nous avons rencontré un peu de résistance qui nous a fait perdre du temps. Nous sommes en retard sur l’horaire. Que les marins se dépêchent, il nous faut finir avant que la marine impériale ne rapplique. Je doute que l’empereur nous laisse filer rapidement après notre petite rencontre. Aucun navire ne devrait venir du port, c’est de ceux en haute mer dont nous devons nous méfier. »

« Capitaine ! Navire à tribord ! Pavillon sélénien ! »

Nathaniel lâcha un juron avant de se saisir de sa longue vue pour venir scruter l’horizon. Bientôt une frégate sélénienne apparut dans son champ de vision. Elle venait de la haute mer, au moins il ne risquait pas d’être pris en tenaille entre ceux venus de la haute mer et ceux venus du port. Néanmoins, un problème demeurait, le chargement du Maelstrom n’était pas terminé et il ne pouvait pas encore bouger. Un grognement s’échappa de l’elfe sombre qui fit alors un choix.

  « Cessez le déchargement d’une des frégates. Répandez l’huile et l’alcool à l’intérieur. Puis que l’équipage quitte le navire. Nous allons envoyer un message aux Séléniens. Si vous nous poursuivez, alors la mer prendra feu ! »

Des cris d’acclamation retentir parmi l’équipage et certains s’affairèrent à transformer l’une des frégates en brulot avant de la positionner et sortir toute la voilure pour finalement quitter le navire. Nathaniel embarqua à bord du futur brulot et mit le cap droit sur le navire ennemi avec un équipage réduit au minimum de sorte que tout le monde puisse sauter une fois le moment critique atteint. Arriver à mi-distance, le feu fut mis au navire et l’elfe sombre usa de son totem pour immobiliser le navire ennemi en détruisant le gouvernail. Ceci fait, peu de temps avant la collision, lui et l’équipage rester au bord sautèrent du navire pour rejoindre une chaloupe larguée à mis parcours. Les deux navires se percutèrent et une explosion eut lieu peu de temps après. Une épaisse fumée noire s’élevant dans le ciel. Arrivant finalement à la chaloupe, Nathaniel et ses hommes ramèrent pour rejoindre la Maelstrom, laissant derrière eux deux navires en train de se consumer et dont des cris et des ordres retentissaient.

« Le chargement est fini capitaine, mais en sacrifiant La Dame Blanche nous avons perdu près de la moitié de la cargaison. »

Ce sont les premiers mots que le capitaine de la confrérie entendu après avoir grimpé à bord de son navire.

  « Un combat ne se gagne pas sans sacrifice. Dites à l’équipage de se tenir prêt, nous partons. Mais avant cela, on se dirige vers l’épave ennemie. Je ne veux aucun survivant. »

Les ordres furent donnés et l’orque prit place sur le gaillard arrière, face à la barre qu’il commença à faire tourner afin de mettre le cap vers leur première destination. Lentement le bâtiment tourna et vint fendre les flots pour rejoindre la scène de bataille. Nathaniel y fit réduire la voilure pour ralentir. De nombreux débris flottaient à la surface de l’eau, certains plus gros que d’autres, n’ayant pas encore coulé. La plupart étaient en flamme ou à demi calciner et de la fumée recouvrait la zone. Sans attendre, les pirates se saisirent d’arbalètes et s’approchèrent du bastingage, cherchant des cibles à abattre. Cela ne tarda pas, les premiers sifflements produits par des carreaux libérés se firent entendre, suivis de cris d’agonie.

Nathaniel quitta la barre pour s’approcher à son tour d’un bastingage et vint arrêter un marin s’apprêtant à abattre un des naufragés.

  « Attendez. Celui-ci, sortez-le de l’eau. On va s’en servir pour envoyer un message à son altesse. Que l’on prépare une chaloupe et des vivres. »

L’homme fut sorti de l’eau et ramené sur le pont. Il était légèrement brulé, mais encore vivant et suffisamment vaillant.

  « C’est ton jour de chance mon gars. Tu ne vas pas mourir aujourd’hui. Mais le sors des vivants n’est pas plus enviable que ceux des morts. Tu vas apporter un message à ton empereur. Attachez-le et retirez-lui sa veste. »

Les hommes de Nathaniel s’exécutèrent et attachèrent l’homme face au mât avant de lui retirer son dos. L’elfe sombre s’approcha du dos de l’humain et saisit une dague qu’il fit chauffer.

  « Ne bouge pas. Je dois m’assurer que ton maitre puisse lire le message que je lui envoie. »

L’orque commença sans attendre à entailler la peau du malheureux, venant grossièrement écrire sur le dos de son messager : «  1 – 0 A bientôt ». Ce message n’avait d’autre but que d’énerver et de narguer l’empereur encore plus qu’il n’avait pu le faire aujourd’hui. L’elfe à la chevelure d’écume souhaitait que le blond soit suffisamment énervé pour décider de le traquer lui-même. Sans doute cela ne marcherait-il pas du premier coup, mais c’était un début. Ceci fait, Nathaniel ordonna que l’on apporte des soins rudimentaires au messager  avant de le mettre dans une chaloupe et le relâcher.

Après s’être assuré que le sélénien prenne la direction de la capitale, l’orque posa à nouveau ses mains sur la barre de son navire fraichement capturé.

  « On met le cap sur Athgalan ! La première tournée sera pour moi !! »

Le navire s’élança alors, venant briser les flots, tandis que la voix des pirates s’élevait en un chant.