Kidnapping pour raisons impérieuses (PV Nolan)

Ce jour-là Nolan avait délaissé l’enceinte du palais pour se rendre sur le plateau herbeux à proximité de Sélénia afin de se livrer à une partie de chasse, en compagnie d’Aymeric un jeune noble de son âge. Le plateau de Calastin comptait un grand nombre d’espèces animales et les deux jeunes gens avaient remarqué des traces qui ressemblaient à celles d’un grand ours. Suivant cette piste, les deux gamins décidèrent de partir à sa recherche et de ramener sa dépouille comme trophée. Bientôt ils parvinrent à proximité d’une caverne et remarquèrent que les traces s’arrêtaient là. Aymeric décida d’enfumer l’endroit pour forcer l’animal à sortir et son plan sembla fonctionner lorsqu’un énorme ours, au pelage aussi noir que la nuit, sortit furibond de son antre.

Sans attendre le signal de Nolan Aymeric tira avec son arbalète sur l’ours, mais il manqua le cœur et le carreau se ficha dans le poitrail de l’animal, le rendant fou de rage et de douleur. Et avant que le jeune empereur ne puisse faire quoi que ce soit l’ursidé bondit en direction de l’infortuné Aymeric et lui enfonça ses griffes acérées dans la cuisse, lacérant sa chair. Reprenant son sang-froid, le blond parvint à terrasser l’animal fou furieux en lui décochant des carreaux de son arbalète, mais la blessure de son compagnon semblait profonde et le sang ne cessait de couler.

- Tu aurais dû être plus prudent et attendre mon signal avant de lui tirer dessus, le gronda Nolan, en déchirant une bande de tissu pour confectionner un garrot de fortune.

- Je suis désolé majesté, geignit le jeune noble dont le visage était devenu blême.

- Il vaudrait mieux que nous rentrions à la hâte à Sélénia, je suis incapable de soigner ta blessure mais je connais quelqu’un qui le pourra…

Installant Aymeric blessé sur sa monture devant lui, ils retournèrent au galop en direction de la cité. Les deux adolescents n’y parvinrent qu’à la nuit tombée et Nolan s’empressa de frapper à la porte de la demeure du chirurgien impérial nommé Lothar Raven. Cependant, seul le silence lui répondit. L’empereur fronça les sourcils et tambourina plus fort mais sans plus de succès. Dépité, le gamin contourna l’habitation et remarqua que l’une des fenêtres à l’étage était ouverte et qu’une liane s'échappant de l'ouverture pendait le long du mur. Intrigué, il entreprit de l’escalader et monta à son tour dans la chambre du chirurgien qui se trouvait sans dessus-dessous comme si une lutte avait eu lieu. L’encrier qui lui servait à tremper sa plume s’était renversé, trempant d’encre son pupitre et le cahier où il notait ses analyses cliniques. Voilà qui n’augurait bien de bon ! Lothar avait disparu et l’état d’Aymeric nécessitait des soins dans les plus brefs délais.

Nolan descendit ouvrir la porte de la demeure et sortit chercher le jeune noble avant de l’installer dans le lit du chirurgien. Le garçon était très pâle et son front commençait à devenir brûlant de fièvre, le souverain sélénien y posa une compresse imbibée d’eau tiède espérant faire baisser la température :

- Tiens bon Ayméric, je vais faire le nécessaire pour ramener Lothar Raven ! Celui ou ceux qui l’ont enlevé n’ont qu’à bien se tenir car leur crime ne demeurera pas impuni.
Puis l’adolescent sortit de sa sacoche un objet précieux et magique qui n’était autre qu’un miroir enchanté de la vision lointaine.

Miroir enchanté de la vision lointaine :
Miroir à main magique en métal précieux, finement décoré, capable de montrer à la demande n’importe quelle personne
Glyphe 1 : Vision - Montre à la demande n’importe quelle personne vivante

- Montre-moi Lothar Ravan, ordonna-t-il. Et aussitôt l’image de l’homme d’une cinquantaine d’années, bâillonné et ligoté apparut à la surface du miroir. L’obscurité l’entourait et le blond était incapable de discerner les traits de son ravisseur, nimbé d'ombre.  

Il serra les dents et se retint de lâcher un juron.

- C’est bien ce que je pensais ! mais cela ne se passera pas comme ça. J’ignore où son ravisseur compte l’emmener mais je vais retrouver sa trace et le châtier comme il le mérite !
Sous ses vêtements de chasseur, le jeune Kohan était méconnaissable et il prit soin d’utiliser un sort d’ombre pour mieux se fondre dans les ténèbres nocturnes. A présent, il était paré pour partir à la poursuite de ce mystérieux ravisseur et quitta la demeure du chirurgien.

[Autre] Cape des ombres
Une chape d'ombre et de silence tombe sur le lanceur, il ne produit plus de bruit et son corps dévie la lumière, le rendant presque invisible ( mais pas totalement )
Geste clé : S'enlacer soit même

Après avoir quitté la demeure du chirurgien, Nolan s’enfonça dans les ténèbres de la cité, à la recherche du mystérieux ravisseur. Il devait se hâter car le temps pressait, son ami Aymeric était brûlant de fièvre et sa blessure risquait de s’infecter. Décidément, l’adolescent jouissait de malchance ! Son compagnon de chasse s’était fait blessé par un ours enragé et un crétin avait kidnappé son chirurgien attitré ! Sans compter que l’obscurité l’avait empêché de distinguer les traits du ravisseur à l'intérieur de son miroir de la vision lointaine. S’il l’attrapait celui-ci passerait un sale quart d’heure et le blond lui montrerait qu’on ne s’en prenait pas impunément à un membre de son personnel médical.

« Qui que tu sois, tu ne m’échapperas pas » pensa-t-il en réfléchissant à un moyen de le retrouver car le fieffé kidnappeur avait filé sans demander son reste. C’est alors qu’une idée lumineuse germa au sein de son esprit. Pour retrouver le ravisseur et son otage, il devait se comporter comme un chasseur traquant une proie. Nolan se concentra et exécuta le geste clé d’un sortilège.

[Offensif] Instinct du chasseur
Permet de développer les aptitudes suivante : Vision, Odorat et les Réflexes durant un court laps de temps. Plus le niveau du lanceur est élevé plus l'effet est prolongé. Utile pour traquer un homme ou un animal et que ces quelques sens font défaut, utile aussi tout simplement pour améliorer ses capacités.

Geste clé : Écarter les bras quelques secondes puis venir frapper à deux reprises ses mains l'une contre l'autre.

Aussitôt l’adolescent sentit ses sens se décupler et désormais il percevait différemment son environnement.

Un sourire s’afficha sur ses lèvres et il murmura à haute-voix :

- Maintenant à nous deux, fichu ravisseur  ! Je te traquerais jusqu’au bout du monde s’il le faut.

Scrutant le sol à l’aide de sa vision affûtée, le jeune empereur remarqua des traces de pas qui s’enfonçait dans la boue. Elles étaient fraîches et étrangement profondes, comme si leur propriétaire possédait une forte corpulence ou portait une lourde charge. Nolan se rappela qu’à l’intérieur du miroir de la vision lointaine, il avait vu que le ravisseur transportait le chirurgien. Il s’agissait donc d’un premier indice pour retrouver sa piste…

Le gamin suivit ses traces mais bientôt elles parurent s’effacer et il peinait à poursuivre sa traque ; quand soudain, il aperçut un mouchoir de soie blanche tombé sur le sol boueux et en le ramassant, le souverain Sélénien remarqua deux initiales, L et R, cousues en fil d’or. Un parfum et l’odeur caractéristique des potions médicinales émanaient de ce mouchoir et en flairant l’air à l’aide de son odorat aiguisé par le sortilège, Nolan arriva devant une petite maison.

Est-ce que c’était ici que le kidnappeur retenait le médecin impérial ? Pour s’en assurer, le monarque devait pénétrer à l’intérieur de ce lieu, en toute discrétion, et sans attirer l’attention du commanditaire de cet enlèvement. D’ailleurs pour quels motifs ce dernier avait enlevé le chirurgien chez lui en plein milieu de la nuit ?

Toujours masqué par son sort de cape des ombres, qui dissimulait son apparence et étouffait le bruit de ses pas, l’adolescent contourna lentement la demeure et s’approcha d’une des fenêtres, qui donnait sur une petite chambre. Le bruit de plusieurs voix lui parvenait et en jetant un coup d’œil discret à l’intérieur le blond aperçut le chirurgien qui lui tournait le dos, aux côtés d’une jeune fille dont il ne discernait pas bien les traits et tous deux semblaient penchés au-dessus d’un lit. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien se raconter tous les deux ? Le monarque tendit l’oreille et décida de les espionner à l’aide de son audition sur-développée avant de décider de passer à l’action.

Toujours dissimulé par la cape des ombres, Nolan épiait l’intérieur de la pièce à travers la fenêtre et écoutait les bribes de conversation qui parvenaient à ses oreilles. La voix grave du chirurgien résonna, expliquant la situation critique de l’homme allongé dans le lit, suivie de celle plus féminine d’une jeune fille. L’inquiétude transparaissait dans ses intonations et le jeune empereur devina sans peine à quel point celle-ci était attachée à cet homme. La suite de la conversation lui révéla que ce dernier n’était autre que le père de cette mystérieuse kidnappeuse. De toute évidence, cet enlèvement n’était guère motivé par l’appât du gain et le désir d’obtenir du palais une substantielle rançon, mais par le souci de la vie d’un mourant. Si le monarque Sélénien aurait jugé avec sévérité un tel acte en d'autres circonstances, désormais,  sa colère vis-à-vis du ravisseur de son médecin personnel laissait place à une certaine forme de compassion.

Malheureusement, en dépit de ses compétences médicales, le chirurgien se trouvait dans l’incapacité d’opérer sans l’aide de ses instruments. Et étant donné la gravité de l'état de santé du blessé, même la magie se révélerait impuissante à soigner entièrement ses plaies. Tous deux n’avaient donc pas d’autre choix que de ramener l’homme au bord de l’agonie jusqu’au logis du médecin…

En entendant ces paroles, Nolan retint son souffle et son cœur se mit à battre plus vite dans sa poitrine. Si cette femme et le chirurgien retournait à la demeure de ce dernier, ils trouveraient l’infortuné Aymeric, blessé et en proie à la fièvre.

Que faire ? L’empereur ne pouvait pas courir le risque que le moindre mal soit fait à son ami, mais d’un autre côté, si celui-ci s’opposait aux desseins de cette jeune fille, il condamnait un malheureux à succomber à ses blessures.

Soudain, l’agonisant se redressa sur son lit et dit dans un souffle que quelqu’un les espionnait derrière la fenêtre. Nolan frissonna, ne sachant quelle décision adopter. Devait-il fuir ? Surement pas, une telle attitude le ferait passer assurément pour un lâche. Sans sourciller, le jeune Kohan ouvrit la fenêtre et pénétra lentement à l’intérieur de la pièce.

Demeurant nimbé par le voile d'obscurité, l’adolescent n’avait guère envie de dévoiler son identité, du moins pour l’instant. Aussi se contenta-t-il de s’adresser à la jeune fille d’un ton plein de détermination :

- J’ai entendu toute votre conversation et j’ai bien compris que vous aviez besoin de l’aide de ce médecin pour sauver votre père. Si cela n’avait été pour un tel motif jamais je n’aurais toléré que quelqu’un s’en prenne au chirurgien impérial. Du moins sans subir un châtiment bien mérité ! Je peux aller chercher ses instruments chez lui, mais…il y a là-bas un jeune homme blessé par un ours et qui est dévoré par la fièvre. Il m’est impossible de le laisser mourir et j’ai besoin de l’aide de ce médecin pour lui administrer un remède…

Puis Nolan darda son regard de Topaze sur le médecin et poursuivit :

- Deux vies sont en jeu et aucune n’a plus de valeur que l’autre. Je me refuse à ce que l’un soit sacrifié pour sauver l’autre ! Pourrez-vous vous occupez de ces deux blessés et y a-t-il la moindre chose que je puisse faire ?

Dès après que Nolan eut pénétré à l’intérieur de la pièce où se trouvait le chirurgien enlevé et un mystérieux blessé, la jeune fille blonde recula et s’empressa de brandir un couteau dans sa direction. Face à cette réaction défensive, le jeune empereur préféra demeurer calme et tenter de la raisonner plutôt que de dégainer à son tour son épée.

Pendant ce temps le mourant qui avait signalé la présence de l’intrus perdit connaissance tandis que le chirurgien, au visage grave et impassible, tournait son regard vers la jeune femme, attendant sa décision, qui tomberait comme une sentence.

L’adolescent lui-même restait suspendu à ses lèvres, soucieux de connaitre son verdict au dilemme qu’il lui proposait. En croisant ses prunelles céruléennes emplies de désespoir, Nolan ressentit un pincement au cœur à l’idée qu’il la soumettait à une douloureuse torture. S’il comprenait son fervent désir de sauver l’homme évanoui, ce dernier ne pouvait pourtant pas céder et la laisser monopoliser les soins du chirurgien, condamnant ainsi son ami à un sort funeste. Toutefois, semblant céder à la voix de la raison, la gamine aux cheveux dorés rengaina le couteau qu’elle tenait à la main et s’adressa à l’empereur en des termes qui lui auraient arraché un sourire, n’eut été la gravité de la situation. Avait-elle conscience de s’adresser au souverain Sélénien en personne ? De toute évidence non, sinon celle-ci n’aurait jamais osé employer ce ton teinté d’animosité et empli de menaces à l’encontre de la Couronne. Ignorait-elle que le crime de lèse-majesté était passible de la peine de mort ?

Fort heureusement, Nolan était magnanime et ne put s’empêcher d’éprouver une vive compassion à l’égard de cette jeune fille dont le dévouement filial paraissait exceptionnel. Et de toute évidence, celle-ci ne manquait guère de courage et de détermination, deux qualités qui plaisaient énormément au jeune monarque.

Arborant un sourire amusé, Nolan répliqua en soutenant son regard mauvais:

- Vous seriez vraiment prête à tuer l’empereur de Sélénia pour sauver votre père ? Votre dévotion filiale vous honore mais c’est un crime très grave et passible de la peine capitale, vous n’avez donc pas peur de ce qui pourrait vous arriver ?

C’est alors que le chirurgien, occupé à observer la scène, sans se départir de son impassibilité, crut bon d’intervenir afin de mettre un terme à cette dissension en leur demandant de l’aider à transporter l’agonisant.

Nolan n’avait aucune raison de refuser de le secourir car son seul désir était de sauver son ami et non point de provoquer la mort d’un autre homme ; aussi s’empressa-t-il d’accepter la proposition du médecin. Toutefois, pendant que lui et la jeune fille blonde soutenait le blessé, le jeune souverain remarqua les regards incendiaires qu’elle lui lançait. Décidément, cette gamine ne manquait pas d’audace et n’eut été l’urgence de la situation, l’adolescent l’aurait presque trouvé cocasse.

- Ne vous inquiétez pas pour votre père, je suis certain que le chirurgien impérial trouvera un moyen de s’occuper de deux blessés. Il est renommé pour son art et de plus je ne prends…euh Nolan Kohan ne prend que les meilleurs à son service.

Le gamin se mordit les lèvres en songeant qu'il avait failli par inadvertance trahir sa véritable identité. Tout en continuant à soutenir l’homme inconscient, ils parvinrent à la demeure du médecin et celui-ci leur ordonna d’un ton ferme d’obéir à ses ordres et de ne prendre aucune initiative afin de ne pas mettre en péril la vie des deux blessés. Certes, l’empereur n’aimait guère recevoir des ordres, entêté comme il l'était; néanmoins ce dernier possédait suffisamment de lucidité pour s’apercevoir qu'obtempérer représentait la solution la plus avisée. La vie de son ami valait bien ce sacrifice et le souverain sélénien décida de mettre son orgueil de côté le temps que ce dernier soit soigné. Pendant que le médecin commençait à s'acquitter de sa besogne à l'aide de son matériel, le souverain sélénien répondit:

- Très bien, pour ma part je vous obéirez et je m’en remets à vous. Faites pour le mieux afin de sauver ces deux hommes.

Ses mires pailletées d’or se dardèrent sur l’adolescente et la scrutèrent d'un air interrogateur. Qu’allait-elle répondre au chirurgien, étant donné son fort tempérament, Nolan craignait le pire.

Décidément cette jeune fille lui plaisait de plus en plus car elle ne manquait guère d’aplomb et possédait une vision lucide de l’empereur des Hommes, à savoir un individu destiné dès sa naissance à gouverner un empire, mais qui demeurait un humain avec ses forces et ses faiblesses, tiraillé entre ses ambiguïtés.

- Vous avez raison en disant que l’empereur Nolan Kohan n’est qu’un homme. Certains tombent dans le piège de l’idolâtrie en le vénérant ou en le considérant comme un surhomme, sans doute à cause de l’aura de prestige qui entoure la lignée des Kohan mais en fin de compte, celui-ci reste un adolescent avec ses qualités et ses défauts. Vous avez tort de penser que les choses sont aussi simples car même si l’empereur occupe un statut différent de celui du commun des mortels cela ne veut pas dire qu’il refusera d’assumer les conséquences de ses actes ou se dérobera. De ce qu’on dit de lui c’est quelqu’un qui a le sens de l’honneur et qui est capable de se battre pour ses sujets et ses valeurs. Donc même s’il n’était pas condamné par la Loi sans doute se blâmerait-t-il lui-même pour ses actes. Mais dites-moi vous semblez avoir certains préjugés envers lui, est-ce qu’au moins vous avez des informations fiables à son sujet ?

Nolan s’étonnait un peu qu’elle puisse tenir de tels propos, ce qui l’intriguait et il désirait savoir d’où cette jeune fille inconnue tenait de telles informations. Toutefois, ce dernier persistait à garder son identité secrète car il ignorait comment cette jeune fille réagirait en apprenait que le mystérieux jeune homme en face d’elle n’était autre que l’héritier de la couronne et il ne voulait pas gâcher la spontanéité de leur discussion ; Celui-ci songea qu’il était parfois plus simple de se défaire de son rôle Empereur et de voir les autres s’adresser à lui comme à une personne ordinaire. Toutefois, le jeune monarque savait que sitôt sa véritable identité dévoilée, le regard de cette inconnue changerait, en bien ou en mal…

Dans tous les cas, il serait biaisé par l’idée qu’elle se faisait du souverain Sélénien et le blond préférait qu’elle le juge et apprenne à le connaitre pour ce lui et non pas pour son image d’empereur.

Les deux adolescents collaborèrent ensuite afin de transporter le blessé jusqu’à la demeure du chirurgien et une fois arrivés là-bas ce dernier des ordres pour que chacun l’assiste de son mieux, en apportant aux deux blessés les soins indispensables à leur rétablissement. Nolan obtempéra sans discuter ; certes c’était un gamin têtu, mais il avait la sagesse d’esprit d’obéir quand la situation l’imposait et dans ce cas présent le chirurgien se révélait être la personne la plus à même de gérer une telle situation. Aussi mettant sa fierté de côté, il occupa la position d’exécutant et commença à effectuer les soins demandé par le médecin sur Aymeric tandis que l’adolescent s’occupait de son père.  

Par ailleurs, en voyant à l’œuvre cette médecine inspirée de celle des Almaréens, si différente de celle des guérisseurs Ambarhùnéens, le gamin se remémora les paroles de son ancien mentor Christan Weren qui l’avait mis en garde au sujet des limites de la magie et préconisé d’apprendre à se servir d’autres outils afin de pouvoir se tirer de maintes situations périlleuses. Aujourd’hui, le jeune Kohan mesurait toute la sagesse d’un tel conseil.

Ensuite le chirurgien décida d'opérer le père de la jeune fille, sans anesthésie, et demanda à cette dernière de le maintenir fermement pour l’empêcher de bouger durant toute la durée de l’opération.

Après cela,  il en fit de même avec l'ami de l'empereur et celui-ci obtempéra en le tenant vigoureusement, mais le jeune homme fiévreux ne cessa de pousser des cris de douleur lorsque l’aiguille transperça sa chair. Afin de l’apaiser, le couronné lui murmura des paroles réconfortantes et lui tendit un petit morceau de bois pour qu’il puisse mordre dedans.

- Tiens bon l’ami, c’est pour ton bien et bientôt ça sera presque fini.

Une demi-heure après , ce médecin décidément réputé pour son efficacité parvint à panser et à recoudre les plaies des deux blessés. Dès après, l’ami de l’empereur, malgré le calvaire de l’opération sombra dans un profond sommeil et serait rapidement sur pied avec des soins appropriés. C’est alors que le vieil homme s’adressa en aparté à son souverain et lui chuchota que le père de la jeune fille se trouvait dans un piteux état en raison d’une importante perte de sang suite à son hémorragie, et qu’il valait mieux éviter de trop s’adresser à elle car cette dernière risquait de sur-réagir si son père venait à décéder.

A ces mots, le blond se mordit les lèvres et tourna ses prunelles couleur de topaze vers l’adolescente qu’il observa à la dérobée. Cette dernière était si préoccupée par l’état de santé de l’homme inanimé, désormais prisonnier entre la vie et la mort, qu’elle ne remarqua pas le regard du sélénien peser sur elle.  

Nolan se tourna vers le médecin et lui dis à voix basse, de manière à n’être audible que par lui.

- Vous êtes sûr que son état est si critique que ça ? N’y a-t-il rien que nous puissions faire pour tenter de le sauver ? Il a perdu beaucoup de sang certes, mais il existe peut-être un moyen de s’en procurer et de lui en administrer. J’ai entendu dire qu’il existe des pilules de sang capable de reconstituer les réserves sanguines des blessés et que certains vampires les utilisait pour se nourrir. Je suppose qu’il est possible d’en trouver ne serait-ce que via le commerce écarlate ou d'autres voies illégales. Bon je suppose que ça sera difficile d’en trouver en pleine nuit mais je refuse de rester là les bras ballants à attendre durant des heures alors que la vie d’un homme est en jeu. Cependant, je préfère que cette jeune fille ne soit pas mêlée à cette histoire, ses nerfs sont à vif et il vaudrait mieux qu’elle se repose pendant que je m’occupe de cette affaire en toute discrète…Gardez le secret à ce sujet car ce que je m’apprête à faire sera sans doute dangereux.

Après cela, Nolan s’approcha du lit où se trouvait Alauwyr dont le visage était devenu livide en raison de son importante perte de sang et s’adressa à sa fille :

- Il vaudrait mieux que vous reposiez, vous semblez épuisée et malgré votre inquiétude, vous laisser mourir n’aidera en rien votre père, au contraire, peut-être désapprouverait-il votre attitude. Aymeric est tiré d’affaire et je pense qu’il en est de même pour votre père, tout ira bien faites moi confiance. A présent,  je vais sortir quelques minutes pour respirer un peu d’air frais car l’odeur du désinfectant me donne un peu mal à la tête.

Ensuite le gamin s’empressa de sortir à l’extérieur trouver les fameuses pilules de sang afin de redonner de la vigueur au moribond et de lui sauver la vie par la même occasion.

Après avoir tenté de rassurer l’adolescente au sujet de l’homme qui gisait inanimé dans le lit et dont le sort demeurait pourtant incertain ; Nolan prétexta le besoin de prendre l’air en raison de la forte odeur de désinfectant qui régnait dans la pièce. Il ignorait si cette excuse parviendrait à endormir la méfiance de la jeune fille et il en sortant celui-ci lui lança un regard en biais, rassuré de la voir se tenir au chevet du moribond.
A présent ce dernier avait le champ libre pour s’acquitter de sa mission et ramener au plus vite des pilules de sang. La vie d’un homme en dépendait et ses heures étaient comptées car en raison de son état critique, il ne verrait probablement pas le lever du jour si nul ne lui prodiguait un apport de sang régénérant à temps.  

Toutefois une inconnue de taille demeurait, où allait-il trouver des pilules de sang à Sélénia et au beau milieu de la nuit ? Si même le chirurgien n’en possédait pas, cela signifiait qu’il s’agissait d’une denrée particulièrement rare voire illégale et les seuls à en être facilement pourvus étaient les vampires grâce au commerce écarlate. Le jeune empereur réfléchit à comment dénicher l’une de ses créatures en pleine nuit dans une cité peuplée d’humain comme Sélénia. La tâche lui semblait quasi insoluble, autant rechercher une aiguille à l’intérieur d’une botte de foin. Toutefois, il ne comptait pas se décourager avant même d’avoir essayé.

En sortant de la demeure du médecin, ce dernier rabattit la capuche de son longue cape sur sa tête et se mit en route en marchant d’un pas feutré, tentant de se fondre dans les ombres de la nuit. A cette heure tardive, un profond silence régnait dans les ruelles de la cité et la lumière blafarde de la lune et des étoiles conférait au lieu une atmosphère fantomatique.

Le jeune empereur continuait sa progression, un peu hésitant quant à la manière dont il devait s’y prendre pour débuter sa quête des fameuses pilules de sang. Tout en marchant, ce dernier ressentit l’étrange impression de se sentir espionner par quelqu’un mais il avait beau jeter des regards derrière lui, il ne remarquait rien d’anormal. Les alentours étaient déserts et peut-être que cette impression ne résultat que l’effet de son imagination rendue trop fertile à cause de l’anxiété liée aux récents événements.

Cette sensation d’être observé à la dérobée s’accentua et Nolan continua de progresser dans les venelles sombres, feignant de n’avoir rien remarqué jusqu’au moment où celui-ci brusquement volte-face afin de surprendre son poursuivant. C’est alors qu’il aperçut, à quelques mètres de lui, la fameuse jeune fille blonde qui l’avait accompagné chez le chirurgien en compagnie du moribond. Ainsi au lieu de demeuré à son chevet, cette dernière avait pris le risque de le suivre à travers le dédale tentaculaire de Sélénia.

Le souverain sélénien s’apprêtait à la sermonner vertement pour l’avoir suivi de la sorte en prenant des risques inconsidérés car la cité regorgeait d’innombrables dangers, surtout en pleine nuit. Toutefois, l’adolescente ne lui laissa guère le temps d’ouvrir la bouche et se mit à le questionner sur la raison de sa petite escapade nocturne avant d’ajouter quelque chose qui le laissa pantois. En entendant la jeune demoiselle évoquer cette chasse au trésor qui datait de ses quinze ans et dont presque personne n’avait entendu parler, Nolan sentit son palpitant s’accélérer. Comment pouvait-elle savoir cela ? A sa connaissance, une seule autre personne au monde connaissait son secret.

- Je ne me sauvais nulle part, dit-il un peu piqué au vif par sa question. Puis, il se mordit les lèvres ne sachant s’il devait lui révéler l’objet de sa quête. Pourtant, étant donné la gravité de la situation et maintenant qu’elle était là, le jeune empereur pouvait difficilement lui dissimuler la vérité concernant l’état de santé de son père. Mais avant cela, celui-ci devait éclaircir un certain mystère…

Ce dernier s’approcha d’elle et posa doucement ses mains sur ses frêles épaules :

- Vous n’auriez pas dû me suivre, la ville est pleine de dangers et je m’en voudrais beaucoup s’il vous arrivait quelque chose. Il voudrait mieux que vous retourniez au chevet de votre père, au moins là-bas vous serez en sécurité mais avant cela j’aimerais que vous répondiez à l’une de mes questions. D’où tenez-vous cette information concernant la chasse au trésor de l’empereur Nolan Kohan ?

Alors que le jeune empereur s’enfonçait dans le dédale tortueux de la ville, protégé par l’obscurité nocturne et à l’abri des regards indiscrets. Ce dernier eut la désagréable surprise de découvrir que la jeune fille, au lieu de demeurer au chevet de son père blessé, s’était lancée à sa poursuite au mépris de tous les dangers. Que faire à présent ? L’adolescent ne pouvait décemment pas l’entrainer dans une quête aussi périlleuse ; après tout, ce n’était encore qu’une gamine, probablement incapable de se battre et qui ne représenterait qu’un poids mort pour lui. Suite à ces paroles qui ressemblaient à un sermon, la blonde fronça les sourcils et répliqua d’une voix empreinte de sécheresse qu’elle avait déjà affronté d’innombrables dangers et ne comptait pas rester près de son père, les bras croisés, à le regarder agoniser.

Nolan poussa un profond soupir en songeant que comble de malchance, en plus d’avoir été suivi à son insu, celui-ci venait de tomber sur une forte tête. En voyant l’air à la fois renfrogné et déterminé que son visage arborait, ce dernier comprit qu’il était inutile de tenter de la dissuader de l’accompagner.

Soudain, l’adolescente lui délivra une information pour le moins étonnante et qui concernant la fameuse chasse au trésor secrète menée en compagnie du soldat Alauwyr Iskuvar. Comment pouvait-elle savoir une chose pareille ? Personne à part lui et cet homme ne connaissait cette information, à moins que… ? Lorsqu’il l’interrogea à ce sujet, celle-ci recula et sortit une dague prête à se défendre et lui renvoya sa question. Tout d’un coup, son visage blêmit et elle retira sa main de son fourreau tandis que ses prunelles bleutées s’écarquillaient de stupéfaction.

La suite des paroles de la jeune fille laissa Nolan pantois. Son père lui avait raconté ? C’était impossible, seul Alauwyr était au courant de cette histoire et à sa connaissance ce dernier n’avait pas d’enfant.

- Votre père ? Est-ce que par hasard l’homme qui vous a raconté cette histoire se nomme Alauwyr Iskuvar ?

Le souverain sélénien attendit sa réponse le cœur battant. Se pouvait-il que son sauveur de jadis, porté disparu depuis des années ait survécu ? S’agissait-il de l’agonisant que le chirurgien tentait de sauver et dont les heures étaient comptées si tous deux ne parvenaient pas à dégoter une pilule de sang.

Désormais puisque son identité était découverte, Nolan n’avait plus besoin de se la jouer incognito.

- Puisque vous connaissez cette histoire de chasse au trésor et la fugue du jeune empereur, alors vous savez aussi qui je suis, dit-il d’un ton grave. Mais pour ma part j’ignore jusqu’à votre nom, comment vous appelez vous ?

Mais l’heure était trop grave pour qu’ils s’égarent en palabres car le temps pressait. Le jeune empereur réfléchit. Il devait trouver une idée et vite s’ils voulaient sauver la vie d’Alauwyr, mais trouver des pilules de sang à Sélénia et en plein milieu de la nuit s’avérait une tâche plus complexe qu’il n’y paraissait.

- Nous ne gagnerons rien à tourner en rond en ville, au contraire nous risquons de perdre un temps précieux. Si nous voulons trouver des pilules de sang, peut-être n’aurons-nous pas d’autre choix que de nous rendre dans les quartiers malfamés de la cité ou nous trouverons certainement des indices car ce genre de pilules faisant partie du commerce écarlate se vend certainement au marché illégal. Peut-être même que certains apothicaires peu scrupuleux en possèdent ou savent où nous pourrons en trouver.

Après cela, le jeune empereur poursuivit sa route jusqu’au vieux port et pénétra dans la partie basse de la ville. Un lieu sombre et dangereux où régnait une grande criminalité, mais et où l’on pouvait également dégoter des denrées illicites et invraisemblables. A Sélénia, il était possible de trouver de tout à condition de connaitre les bonnes adresses.

- Nous allons devoir être prudents et éviter d’attirer l’attention car ce lieu est truffé de brigands. Commençons à chercher discrètement une apothicairerie et nous verrons bien ce que cela donne.

L’obscurité nocturne dissimulait en partie les traits réguliers de la jeune fille blonde, même si son silence éloquent laissait deviner sa stupéfaction et son trouble. En effet, ce n’était guère tous les jours qu’une femme du commun avait l’occasion de rencontrer l’empereur Sélénien en personne et l’adolescente malgré sa jactance, à cet instant, paraissait n’en mener pas large face à l’héritier de la couronne. Cependant, après un bref instant de flottement, celle-ci se ressaisit et fronça ses sourcils dorés tout en arborant une expression de franche détermination. A en juger par la vitesse à laquelle elle s’était reprise en dépit du choc causé par cette rencontre inattendue, cette jouvencelle ne devait guère manquer de sang-froid malgré son tempérament de feu.

Dès après, elle confirma à Nolan ce que son intuition lui avait soufflé après qu’elle ait révélé connaitre les détails de l’escapade secrète et de la chasse au trésor du jeune Kohan. Alauwyr Iskuvar était bel et bien son père et cette dernière se prénommait Sshylshara. En entendant cette révélation eut l’impression que son palpitant allait exploser dans sa poitrine, ainsi Alauwyr, son sauveur de jadis, porté disparu depuis tant de mois, était en vie. Mais pour encore combien de temps ? Si  la jeune fille et lui ne parvenaient pas à mettre la main sur des pilules de sang l’agonisant n’en avait plus pour longtemps. Quel cruel tour du destin cela serait si Alauwyr venait à décéder alors que tous deux étaient sur le point de se retrouver. Toutefois, Nolan était déterminé à se battre pour sauver la vie de celui qui l’avait aidé autrefois, au péril de la sienne. Ainsi, il pourrait rembourser cette dette contractée envers l’Almaréen qui l’avait sauvé de la noyade lors de son exploration du mausolée interdit.

- Ainsi Alauwyr est encore en vie alors que je le croyais mort et il a une fille…Voilà qui m’étonne de lui, moi qui croyait qu’il s’agissait d’un vétéran de guerre solitaire sans famille.

La suite des paroles de la blonde lui arrachèrent un léger sourire :

- Fort bien Sshyl alors nul besoin d’employer des « Majesté » et tout ce cérémonial compliqué qui prévoit à la Cour. En cela vous ressemblez à votre père, lui-non plus n’était pas très à l’aise avec le protocole mais après tout ne dit-on pas tel père telle fille ? Très bien ne perdons plus de temps, allons-y.

Une fois, leurs palabres achevés le monarque de Sélénia conduisit sa comparse jusqu’aux quartiers malfamés situés dans la partie basse de la cité qu’on surnommait « Sélénia la noire » en opposition avec la partie haute où se trouvaient les rutilantes demeures de la noblesse. La capitale de l’empire Sélénien dissimulait sa population de basse extraction, ses malandrins, ses brigands et ses filles de joie, tel un malade dissimulait sa lèpre au sein de cet univers malsain, abrité derrière les ténèbres de la nuit. En voyant les mines patibulaires des énergumènes qui peuplaient ces lieux de perdition, Nolan sentit des frissons lui parcourir l’échine, mais n’en laissa rien paraître, dissimulant ses craintes derrière un masque d’assurance impavide. De temps à autre, il observait du coin de l’œil la fille d’Alauwyr qui, à son instar, affectait un calme impassible et l’adolescent se sentit un tantinet impressionné par sa force de caractère. A sa place, la plupart des jeunes demoiselles se seraient blotties contre lui, effrayées à l’idée de parcourir ce monde de criminalité et débauche, afin de trouver la protection d’un preux chevalier. Assurément, Sshyl était différente des jeunes filles nobles et des courtisanes que le jeune empereur avait l’habitude de côtoyer à l’intérieur de l’enceinte de son palais. Et celle-ci alla même jusqu’à plaisanter sur l’étrangeté de la situation, ce qui ne manqua pas de surprendre le jeune empereur.

- Vous m’en direz tant, moi qui avais coutume de croire que d’ordinaire ce sont les hommes qui protègent les femmes et non l’inverse, vous m’apprenez quelque chose.

Puis avec un sourire crâneur et une lueur amusée dans ses prunelles mordorées, le couronné poursuivit :

- Je vous remercie de votre sollicitude à mon égard, mais je sais fort bien me défendre seul et il se pourrait même que ce soit moi qui sois amené à vous protéger si vous couriez un quelconque danger.

Nolan n’était guère le plus macho des Séléniens ; néanmoins ce dernier possédait sa fierté et son Ego masculin en pâtirait à l’idée de se faire protéger par une jouvencelle, sans doute encore pucelle qui plus est. Autour d’eux, marchaient à pas feutrés de tristes sires qu’on aurait préféré ne pas croiser au milieu de la nuit au cœur des quartiers malfamés. Cependant, l’adolescent savait que pour ne pas attirer leur attention, mieux valait feindre l’assurance et poursuivre sa route comme si de rien n’était.

Bientôt le Roi et la blonde parvinrent devant la façade d’une apothicairerie, illicite bien entendu, et en examinant la porte de plus près, Sshyl remarqua des marques qui ressemblaient à des griffures. Le jeune empereur s’approcha et lui chuchota à l’oreille de manière à n’être entendu que d’elle seule.

- On dirait bien que nous ne sommes pas les seuls à la recherche de certains produits, à en juger par ces curieuses marques, une ou plusieurs personnes ont tenté d’entrer par effraction dans cet endroit. Je pense qu’essayer de crocheter la serrure ne sert à rien et que la porte est certainement fermée de l’intérieur grâce à un verrou. Je vais tenter le coup et voir si ça marche.

Profitant qu’il n’y avait personne dans les alentours pour observer leur petit manège, le souverain sélénien se concentra et exécuta le geste clé d’un sortilège. Puis, ce dernier poussa la porte qui s’ouvrit lentement dans un grincement lugubre et invita la jeune fille à entrer à l’intérieur.



- Les dames d’abord, dit-il toujours dans un chuchotement.

Le lieu où ils venaient de pénétrer baignait dans une pénombre bleutée à travers laquelle on discernait avec difficulté un mobilier rudimentaire, des coffres, un comptoir et des étagères sur les rangées desquelles étaient empilés d’innombrables bocaux et toutes sortes de pots et de filtres.

- Je pense que nous devrions être très prudents car cet endroit est peut-être protégé par des pièges, sans compter qu’en fouillant à la recherche de pilules sanguines nous risquons d’attirer l’attention des occupants des lieux.

Quand Nolan se permit une remarque, un tantinet sexiste il fallait bien l’avouer, sur le fait que c’était les hommes qui d’ordinaire protégeait les femmes et non l’inverse ; la jeune fille se contenta de répliquer que mieux valait reparler d’un tel sujet plus tard car la situation se prêtait mal à une telle discussion, non sans ajouter que son père avait jadis extirpé le jeune prince héritier d’une situation bien périlleuse. A croire que cette dernière prenait un malin plaisir à rabâcher cette fugue de jeunesse et le rôle majeur que l’Almaréen y avait joué, tout en mettant l’accent sur l’immaturité du futur monarque.

Le jeune empereur se contenta de hausser les épaules en disant d’un ton désinvolte :

- Certes, certes ma chère. Mais trêve de bavardages, comme vous l’avez signalé l’heure n’est pas à d’interminables palabres concernant la condition de la femme ni à me rappeler mes erreurs de jeunesse mais plutôt d’œuvrer à sauver votre père.

Le monarque Sélénien avait encore du mal à se faire à l’idée de la paternité d’Alauwyr, d’autant plus qu’il venait de l’apprendre dans des circonstances pour le moins troublantes. Alors que celui-ci s’y attendait le moins, son sauveur d’autrefois, Alauwyr Iskuvar réapparaissait, plus mort que vif, et en compagnie d’une étrange jeune fille prénommée Sshyl.

Ensuite, ils poursuivirent leur quête d’une apothicairerie susceptible d’abriter les fameuses pilules sanguines que ceux-ci recherchaient désespérément afin de sauver l’Almaréen dont les heures semblaient comptées en l’absence de traitement inapproprié. Les deux adolescents se faufilèrent discrètement à travers les ruelles de la cité, sous le couvert de l’obscurité, tout en évitant les passants à l’allure patibulaire, et qui représentaient la pire canaille des bas-fonds.

Enfin, à force de recherche, les deux gamins parvinrent devant une apothicairie dont la serrure était marquée de mystérieuses griffes. Nolan prit d’abord ces curieuses marques pour des traces d’effraction et décida d’utiliser sa magie afin de déverrouiller la porte.

Malgré la pénombre nocturne, ce dernier devina à l’expression plein d’agacement du visage de Sshyl que cette dernière n’était guère enchantée qu’il recoure à tel un sortilège car malgré tout, ils courraient le risque de se faire repérer par les brigands du coin. Forcément, la magie n’était pas ce qu’il avait de plus discret, mais bon le souverain Sélénien se voyait mal enfoncer la porte à grands coups d’épaules ou forcer la serrure à l’aide d’une épingle.
Une fois à l’intérieur, la jeune fille ne se fit pas prier pour le sermonner à propos des griffures qui recouvraient la serrure qui, selon elle, étaient des marques de reconnaissance et non des traces laissées par des tentatives d’effraction.
Nolan poussa un profond soupir et répondit en fronçant les sourcils :

- Vous avez de qui tenir, comme votre papa vous ne pouvez pas vous empêcher de mettre votre grain de sel pour un oui et pour non, en plus vous semblez avoir hérité de son caractère de cochon. Je plains l’homme qui vous épousera.

Il était vrai que la donzelle paraissait peu commode et d’avance le jeune empereur éprouvait de la compassion pour son futur époux. Peut-être même avait-elle déjà un fiancé ? A dire vrai, l’adolescent n’avait guère l’opportunité de bien la regarder et l’obscurité qui régnait dans la pièce voilait ses traits, seule la blondeur de ses cheveux ressortait. Toutefois, il ne pouvait pas lui donner tort sur le dernier point évoqué.

- Il est vrai que je n’y connais rien au monde de la rue et que j’ai pris ces griffures pour des traces d’effraction et non une marque, que voulez-vous je suis un monarque pas un brigand. Et tout le monde n’a pas eu la chance de naitre et de grandir dans une bauge malfamée telle que les bas-fonds de Sélénia, dit-il en haussant les épaules et d’un ton teinté d’ironie.

- Et puisque vous êtes la fille adoptive d’Alauwyr où avez-vous appris tout ça ? Après tout, de ce que je sais de lui malgré son côté bourru, il s’agissait d’un bon bougre et je l’imagine mal s’accoquiner avec des racailles ou alors je me suis bien trompé sur son compte…

Après cela, tous deux poursuivirent leur quête des pilules sanguines et la jeune fille s’approcha du comptoir, avant de passer prudemment à l’arrière afin de s’assurer qu’il n’y avait pas de piège. Tout d’un coup, son visage blafard s’éclaira d’un large sourire et elle souleva une petite trappe dissimulée sous un tapis. Lentement, Sshyl souleva la trappe…

A l’intérieur, se trouvait une fiole de verre qui semblait contenir les précieuses pilules, un sourire satisfait apparut sur le visage de l’adolescent. Ainsi, leur quête n’avait pas été vaine et puisqu’il ne semblait pas y avoir de piège, il suffisait de s’en emparer et de déguerpir sans demander leur reste.
Soudain, des grognements retentirent et en tournant sa tête dans la direction d’où ceux-ci provenaient, Nolan aperçut deux prunelles dorées qui luisaient dans l’obscurité et la forme massive d’un gros mastiff. L’animal les fixait en retroussant ses babines et commença à aboyer en arborant une expression menaçante, comme prêt à leur sauter à la gorge.

Tellement préoccupés à éviter les pièges, les deux gamins n’avaient pas pris garde au gros chien de garde qui somnolait dans son panier et s’était réveillé peu après leur arrivée. Le jeune empereur se mordit les lèvres et ne put s’empêcher de lâcher un juron :

- Zut ! il ne manquait plus que ça ! un sale cabot et avec tout ce raffut il est capable de réveiller toute la maisonnée. Prenez vite les pilules, je vais voir si je peux le neutraliser car je doute qu'il nous laisse partir bien tranquillement.

Il commença à regarder autour de lui, s’il n’y avait pas quelque chose dont il pourrait se servir pour le « calmer » sans quoi celui-ci serait forcé d’utiliser sa magie, avec tous les risques de se faire prendre par les occupants des lieux. A moins que Sshyl n’ait une idée de génie pour se débarrasser  du clébard, sinon ils n’étaient pas sortis de l’auberge.

Décidément cette Sshyl était déterminée à ne pas s’en laisser compter, du moins à juger par le regard vipérin qu’elle asséna au jeune Empereur et le ton bourru, hérité de son père, avec lequel elle lui répondait. De toute évidence, cette dernière n’était guère impressionnée par le statut de tête couronnée de son interlocuteur et ne se gênait guère pour le lui faire savoir, n’hésitant pas à répliquer de manière sarcastique à ses propos.

Cependant, Nolan était loin de s’en offusquer, au contraire, n’eut été la gravité de la situation, cette joute verbale l’aurait amusé. Aussi en guise de réponse, celui-ci se contenta de lancer un sourire goguenard à la jeune fille dont la remarque suivante titilla malgré tout sa curiosité :

- Il va falloir que j’aie une sérieuse discussion avec Alauwyr quand celui-ci sera tiré d'affaire, notamment à propos de ses fréquentations.

Le souverain Sélénien appuya sur le dernier en mot en fixant Sshyl d’un air entendu. A en croire ses paroles, on pouvait presque soupçonner Alauwyr d’avoir mené une double vie mais l’adolescent ignorait sans doute de nombreuses choses à propos de cet Almaréen au passé bien mystérieux.
Après avoir découvert une petite trappe dissimulée derrière le comptoir, les deux gamins mirent la main sur un bocal qui contenait les fameuses pilules sanguines. Mais l’adolescent était sur le point de s’en saisir que des aboiements retentirent et ils discernèrent à travers la pénombre de la pièce la forme massive d’un chien de type mastiff dont les prunelles dorées luisaient d’un éclat mauvais. Décidément c’était bien leur veine, songea Nolan. Ils étaient parvenus à entrer dans cet apothicairerie et à se faufiler dans l’obscurité en évitant d’éventuels pièges. Et tout ça pour quoi ? Pour se faire repérer de la manière la plus grossière qui soit en raison de la présence de ce maudit chien de garde. A croire que souvent les bonnes vieilles méthodes étaient les plus efficaces.

Malheureusement pour les eux, les aboiements de ce satané cabot risquaient d’alerter toute la maisonnée et à ce stade mieux valait prendre les pilules et filer sans demander leur reste. Le jeune empereur n’avait franchement guère envie de faire la connaissance des propriétaires de cette apothicairerie illégale, surtout avec ce bocal de pilules sanguines, probablement issues d’un marché parallèle, à la main. Sans attendre, Sshyl s’empara du bocal et le glissa sous sa tunique avant de s’écrier à l’attention de son royal comparse :

''Il est hors de question que vous jouez les preux chevaliers avec ce sale clébard ! Tenter de le neutraliser, la belle affaire ! ''

En entendant ces paroles, Nolan ne pût s’empêcher un profond soupir. La fille d’Alauwyr savait se montrer aussi agaçante que son papa lorsqu’elle s’y mettait et cette dernière ne trouva rien de mieux à faire que de prendre plusieurs bocaux assez fins, remplis de poudre, et de les lancer en direction du chien.

Ceux-ci se brisèrent dans un bruit cristallin et le contenu poudreux se répandit dans l’atmosphère faisant tousser le canidé et les deux gamins par la même occasion.

Quelle idée saugrenue que de lui jeter à la gueule des bocaux qui contenait peut-être une matière nocive alors qu’il aurait plus simple et plus sûr d’utiliser un sortilège pour assommer l’animal !

Franchement, ce dernier commençait à regretter de s’être laissée entraînée dans cette affaire par cette gamine écervelée mais que ne ferait-il pas pour sauver Alauwyr ?  

Nolan mit une main sur le bas de son visage pour éviter de respirer les particules de poudre en suspension dans l’air, mais il soupçonnait cette apothicairerie de ne pas se contenter de vendre quelques potions ou pilules illicites, mais de faire également du trafic de narcoleptiques. Il devrait tirer cette affaire au clair une fois qu’Alauwyr serait tiré d’affaire.

"Allons-y !

La jeune fille s’empara de sa main et l’entraina à sa suite, espérant pouvoir fuir très facilement. Quelle naïveté, pensa le jeune empereur. Pour une fille qui prétendait avoir grandi dans la rue au milieu de la racaille, elle croyait se tirer bien facilement d’un mauvais pas.

Et en effet, le cabot ne semblait pas près d’abandonner et malgré les brûlures provoquées par les poudres sur sa truffe, celui-ci se lança à leur poursuite et s’agrippa au bas de la cape de Nolan, espérant le retenir.

- Votre plan est un fiasco ! Vous auriez dû me laisser faire directement ! A présent, je vais m’occuper de ce chien !

Le souverain sélénien se concentra et effectua le geste clé d’un sortilège :



Aussitôt le corps du canidé se paralysa et, incapable d’aboyer, ce dernier dû se contenter de les fixer d’un regard carnassier.
Au moment où les deux adolescents s’apprêtaient à ouvrir la porte de l’Apothicairerie pour filer à l’extérieur, une grosse voix retentit, suivie du sifflement strident du carreau d’une arbalète fendant l’air pour venir se ficher dans la porte.

- Arrêtez sales morveux ! Je vais vous faire la peau !  

- Bon, je crois qu’il vaut mieux que je prenne les choses en main !

Nolan ouvrit la porte à toute volée et dès après ce dernier prit la jeune fille dans ses bras et la souleva, avant d’utiliser un nouveau sort afin de leur permettre de fuir, en faisant des bonds, et d'échapper à la volée de carreaux lancée sur eux :

- Accrochez-vous bien !

Sshyl avait tenté le tout pour le tout en lançant ces fioles remplies de poudre à la gueule de leur agresseur canin dans l’espoir de le ralentir. Hélas, quand on joue parfois on perd et cette tentative, bien qu’audacieuse, n’eut guère l’effet escompté. Cependant, l’adolescent disposait de plusieurs atouts non négligeables, notamment son don pour la magie, discipline qu’il étudiait depuis sa prime enfance, pour les tirer de ce mauvais pas.

Voyant que le plan de la jeune fille venait d’échouer lamentablement, le jeune empereur décida de reprendre les choses en main et paralysa le chien qui leur barrait le passage à l’aide d’un sortilège de stase. Incapable de faire le moindre geste, l’animal se contenta de leur lancer un regard brûlant de haine tandis qu’ils passaient devant lui.

Ensuite, tous deux se précipitèrent à toute vitesse vers la sortie d’autant plus que la voix menaçante du propriétaire des lieux venait de résonner, leur indiquant que les aboiements de ce maudit gardien avaient alertés toute la maisonnée.

Alors que les gamins s’apprêtaient à franchir la porte d’entrée, des carreaux d’arbalète se mirent à pleuvoir dans leur direction; fort heureusement, Nolan eut le réflexe salutaire d’utiliser un sort de bond qui leur permit de fuir à temps, tout en évitant ce dernier écueil.

Bien évidemment, le souverain Sélénien n’avait guère eut d’autre choix que de soulever Sshyl et de la serrer fort contre lui. Cette dernière se cramponna pour éviter de tomber, accrochant ses bras autour de son cou, pendant toute la durée du sortilège. L’adolescente se trouvait si proche de lui que celui-ci pouvait respirer le parfum de sa peau et sentir la chaleur de son corps ; prétendre que ce contact physique était désagréable serait mentir, même s’il aurait été malvenu de sa part de profiter d’une telle situation.

Malheureusement, loin de se montrer reconnaissante envers ce preux chevalier qui venait sans doute de lui sauver la vie, au péril de la sienne, la fille adoptive d’Alauwyr se mit à le morigéner dès l’instant où le jeune monarque la reposa sur le sol.

Nolan poussa un profond soupir. Décidément les femmes en général étaient bien compliquées et celle-là en particulier. Nul doute qui si Alauwyr ne lui avait pas transmis son sang, cette dernière possédait malgré tout son caractère de cochon.

- Me vanter ? Pourquoi donc ?

Cette Sshyl se trompait grandement sur son compte, le jeune homme n’était guère homme à s’enorgueillir d’une telle « prouesse ». Ces propos démontraient qu’elle avait encore de nombreuses choses à apprendre à son sujet.

- Vous vous méprenez sur ma personnalité, je ne vois pas l’intérêt de me vanter de vous avoir sauvé la mise alors que ce terrible chien et cette pluie de carreaux vous menaçaient. Je n’ai fait que mon devoir en agissant comme un gentilhomme et en secourant une belle demoiselle en détresse, dit-il en bombant un peu le torse avec fierté.  

Puis ses lippes s’ourlèrent d’un sourire enjôleur :

- Mais malgré tout, je ne serais pas contre un petit baiser en guise de remerciement.

Dès après, le jeune empereur abaissa ses paupières, ne voyant pas que la jeune fille qui le foudroyait du regard en profitait pour s’éclipser à la hâte.
Quand ce dernier rouvrit les yeux, la fille d’adoptive d’Alauwyr avait disparu, l’abandonnant seul au milieu de cette venelle déserte.

En constatant sa disparition, Nolan se mit à bouder, fustigeant intérieurement l’ingratitude de Sshyl qui l’envoyait paître malgré tout ce que celui-ci avait fait pour elle depuis le début de leur périple. Toutefois, nul besoin d’être devin pour deviner que la jouvencelle s’empresserait de se rendre au chevet de son père mourant.

A présent, l’empereur de Sélénia n’avait plus qu’à lui emboîter le pas et à rejoindre la demeure du chirurgien impérial en se frayant un chemin à travers le dédale obscur de la cité. Retrouver son chemin à travers cette obscurité quasi opaque ne serait guère une mince affaire, aussi décida-t-il, une fois encore, de faire appel à la magie.



Grâce à ce sortilège, le couronné parviendrait sans peine à regagner le lieu où Alauwyr se débattait entre la vie et la mort. Ensuite, celui-ci se fondit dans les ombres nocturnes, tâchant de ne pas attirer l’attention des noctambules car ce quartier mal famé de la ville-basse de Sélénia représentait un véritable coupe-gorge.

Quand il parvint enfin à regagner la maison du chirurgien, Nolan constata que la jeune fille l’avait devancé et était sur le point de s’assoupir, recroquevillée au pied du lit de l’Almaréen.

En posant son regard mordoré sur elle, le jeune homme afficha un léger sourire et se sentit soulagé de constater que cette dernière était parvenue à rejoindre cet endroit sans encombre. Décidément, cette gamine insolente ne manquait pas de témérité et de courage car il en fallait pour oser se lancer ainsi à l’aventure. Sans compter qu’elle faisait preuve d’un grand amour filial envers son père adoptif.

En mirant l’homme étendu sur le lit, d’apparence plus jeune qu’Alauwyr, le jeune empereur remarqua que son visage avait perdu cette pâleur crayeuse qui est le propre des agonisants et reprenait doucement des couleurs. Sa respiration semblait également plus régulière et son sommeil plus paisible que naguère.

Quant à son ami blessé par un ours lors de leur partie de chasse, l’infusion servie par le chirurgien paraissait également lui avoir redonné des forces et éloigné tout risque d’infection.

Le souverain Sélénien s’approcha du médecin et lui dis :

- Je vous remercie des soins que vous leur avait prodigué. Vous serez récompensé pour vos bons et loyaux services. A présent, je vais m’en aller mais tenez moi au courant de leur état de santé et si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Puis ses prunelles ambrées se posèrent sur Alauwyr qui dormait profondément et celui-ci ajouta avec gravité :

- Prévenez-moi immédiatement dès que cet homme sera réveillé, j’aimerais lui parler…

Après cela, le jeune souverain rabattit de nouveau la capuche de sa longue cape sur son visage et sortit sans bruit de la pièce, confiant les convalescents aux bons soins du chirurgien impérial.