Septembre 1762
Les cris des mouettes emplissaient les hauteurs de gréments des navires mouillant dans le port de la Revenante, en une enthousiaste cacophonie qu’accompagnaient les exclamations des marins, les grincements des charrettes et des cordages et le grondement profond, sourd, des flots venant lécher les quais de déchargement grouillant de vie. Les formes bicolores se poursuivaient dans le ciel dégagé, plongeaient parfois vers la surface mousseuse de la mer, ou vers les dalles souillées des quais de pêcherie pour grapiller quelques reliquats des cargaisons transportées plus tôt dans les entrepôts. Parfois, certaines descendaient vers les toits et les poutres de bois pour s’y installer, ou s’approchaient trop près des étales et des devantures, repartant après avoir été chassées avec force piaillements. Le navire avec lequel ils étaient parvenus jusqu’à cette plateforme commerciale grouillante de vie, le Soupire de la reine, était amarré au bout du second quai intérieur, près de la jetée, ses voiles blanches nettement pliées et sécurisées. L’équipage s’échinait encore, cuisant sous les rayons de la journée et la gifle du vent iodé, tandis que d’autres navires paraissaient désertés par leurs équipages. Les ponts de bois vides s’étendaient là, comme une invitation au voyage, une promesse de l’immensité que ces fiers destriers de la mer parcouraient régulièrement. Leur périple depuis les glaciers de Nyn-Tiamat jusqu’aux rivages de Calastin lui avait permis d’admirer longuement les prouesses que ces géants des mers pouvaient accomplir, et de s’émerveiller de leur robustesse et de l’ingéniosité de leur construction. De prime abord, ce n’était peut-être qu’une coque de bois flottante, mais lorsqu’on voulait bien se donner la peine d’observer de plus près, on se rendait aisément compte qu’il y avait bien davantage à voir. Pourtant, malgré un voyage riche d’enseignements, Ivanyr était d’humeur morose. Le roulis du navire l’avait conduit à d’étranges rêveries, et le soupire des embruns avait dépeint en son esprit des paysages et des occurrences étranges.
A présent installé à l’ombre d’un entrepôt, il passait le temps en observant le déchargement d’un navire tout juste accepté à quai. Le collecteur de la taxe d’amarrage était venu recevoir le prix du séjour des mains du capitaine, puis avait autorisé les premières manutentions pour le transfert de la cargaison. Les premières caisses commençaient tout juste à être soulevées par élingage, et les premières charrettes préparées. Purnendu était partit en éclaireur, s’engageant à l’intérieur de la ville sans lui, sans doute un peu pour l’épargner, mais sans doute avait-il d’autres motivations… Encore une fois, il ne comprenait pas le chaton, comme il n’avait pas compris pourquoi l’autre avait décidé de l’accompagner hors de Nyn-Tiamat pour retrouver des vampires qu’il n’avait jamais vu de sa vie. L’excuse de l’intérêt purement médical à l’égard de son protégé avait certaines limites, et Ivanyr ne faisait que soupçonner certaines possibilités ayant conduit le félin à lui emboîter le pas sur la route des autres îles, sa méfiance ayant d’ailleurs mal acceptée de ne pas comprendre ce qui se passait. Pourtant, Purnendu ne lui avait jamais fait de mal et s’avérait aussi loyal qu’utile, alors il ravalait ses angoisses, son pessimisme, et il lui donnait une chance. Il le lui devait après tout. Mais en attendant, il se retrouvait sans rien à faire, à part mijoter dans son coin, et il commençait à s’ennuyer ferme. Ce n’était tout de même pas très juste que son chaton de compagnon de voyage puisse explorer cette ville alors qu’il était coincé tout seul ici à jouer les ornements, hey, lui aussi il était curieux ! Les marins avaient décrit ce lieu comme une plaque tournante de commerce et de voyages, une ville d’union et d’infinies possibilités, lui rendant des éloges enthousiastes. Etait-ce ensuite étonnant qu’il veuille la découvrir par lui-même pour jauger de leurs dires ?
Oh et puis tant pis ! Il n’avait absolument aucune idée de quand l’autre allait revenir et il n’avait pas envie de rester indéfiniment sur place, autant partir de son côté quitte à revenir plus tard. Se redressant sèchement, il prit garde de rabattre totalement l’amplitude de sa capuche sur son visage, laissant la légère brume d’eau de mer brouiller ses vibrations, puis sortit de l’ombre du bâtiment qui l’avait abrité pour se diriger vers l’une des artères principales menant hors des quais de déchargement. La route pavée était encombrée de charrettes et d’individus, majoritairement humains, à quelques exceptions près. Nulle part pourtant il n’y avait de Graarh. Du moins, nulle part où il portait le regard, et celui-ci ne parvenait pas à se fixer, tant il y avait à voir autours de lui. Caladon était la première ville qu’il voyait de ses propres yeux, et qu’on ne lui décrivait pas simplement par des récits. Sous sa capuche, le vampire cilla plusieurs fois, pupilles sensiblement dilatées par la lumière, l’excitation et les centaines d’informations que son esprit enregistrait tant bien que mal tandis qu’il se gavait de la vision de la Revenante. Il y en avait trop ! Bien trop pour tout voir en une fois, bien plus encore pour le décrire ! Quel lieu curieux que celui-ci, comment ces elfes, humains et vampires pouvaient-ils vivre les uns à coté des autres sans sembler davantage perturbés. La ville semblait encore être en construction, mais ce qu’ils avaient pu accomplir en si peu de temps forçait le respect. Le tintamarre se transformait progressivement, depuis le concert industrieux du port et de ses abords, l’artère conduisait ensuite à une chorale de voix et de bruits divers, domestiques sans doute, mais il restait douloureux pour les oreilles sensibles du vampire, dont les sens s’avéraient plus fins que ceux des humains, et qui de plus n’était pas très habitué à de telles proportions sonores.
Etrangement, pourtant, le bourdonnement de ruche de la ville semblait noyer ce qui ne cessait de chuchoter dans les recoins vulnérables de son esprit. Passé le premier instant de déséquilibre, il se découvrait une clarté d’esprit certaine dans cet environnement pourtant opulent en stimulations intellectuelles. Se glissant hors du flot, il s’installa sur une margelle, et attendit un peu, s’octroyant le confort d’une observation plus minutieuse pendant quelques instants plutôt que de continuellement surveiller où il mettait les pieds en plus de se démancher le cou pour capturer toutes les images intéressantes qui se multipliaient autours de lui comme autant de champignons. L’une d’entre elle retint toutefois davantage son attention, et le vampire se redressa vivement en essayant de suivre des yeux la forme poilue et étrangère qu’il avait cru apercevoir. Un Graarh ? Ils étaient également coutumiers de cette ville finalement ? Voilà qui semblait bien étrange tout de même, ça ne cadrait pas, pas du tout. Et il ne ressemblait pas du tout à Purnendu non plus, à bien y regarder. Illusion d’optique ? Non décidément, il fallait qu’il voit ça de plus près, depuis le temps qu’il voulait voir d’autres membres de cette race ! Se glissant de nouveau dans la foule, il tenta donc de suivre le félin tant bien que mal, et manqua de se faire renverser par une charrette en coupant la file en sens inverse. Ah, il allait vers le port ? Peut-être que finalement, tout le monde serait content dans cette histoire, et il ferait gentiment semblant de n’être pas partit du tout. Lèvres légèrement pincées pour retenir son excitation, il se glissa cependant dans l’ombre d’une grosse caisse de bois pour s’assurer de ne pas être vu immédiatement sur les quais tandis qu’il jaugeait la façon dont il pouvait approcher de l’autre.
Peine perdue semblait-il. Est-ce que les Graarh n’étaient pas sensés ne pas aimer les nouveaux arrivants ? Etre méfiants ? Se glissant jusqu’à l’entrée de l’entrepôt aussi discrètement que possible, Ivanyr fut plus que satisfait de découvrir que cette zone du port ne semblait pas très utilisée pour le moment, lui permettant de s’approcher sans mal et sans devoir répondre à la moindre question. Dans le pire des cas ? Il se contenterait de dire qu’il s’était perdu. La suite cependant lui retira toute envie de rire… et plus d’une heure plus tard, dans l’un des postes de gardes de la ville, il se demandait encore ce qu’il lui avait prit d’agir aussi impulsivement. Il se demandait tout autant, incidemment, comment de telles choses pouvaient bien exister. Le simple rappel lui emplissait la bouche de venin, et il gardait résolument les lèvres closes et les poings serrés dans les plis de sa cape pour éviter de faire quelque chose qu’il regretterait encore davantage que le reste. Fermé et froid, son regard bouillant restait résolument détourné des humains présents dans la pièce, fixant avec entêtement le mur le plus proche avec l'envie irrépressible d'y écraser son poing. Aussi, lorsque la porte s'ouvrit sur de nouveaux arrivants et une odeur encore inconnue, il failli manquer complètement l’événement. Et pourtant, avec une subtilité fracassante, poigne d'acier dans un gant de velours, l'impression vint s'imposer à lui… Ce fut d'abord un léger frémissement, comme en l'écho à quelque terrible retenue, comme un rugissement retenu, qui semblait tout de même frapper, déchirant à demi-mot. Puis ce fut ce goût sur la langue, délicatement iodé, mais était-ce le sel du vent marin ou toute autre chose ? Cillant, le vampire se tourna enfin, pour planter avec franchise ses prunelles dans celles du nouveau venu.
De LA nouvelle venue, en réalité. La scrutant avec fixité, comme s'il la disséquait couche par couche, le vampire finit néanmoins par légèrement retrousser les lèvres un bref instant, avant de briser enfin le contact visuel. Sur l'autre chaise, le capitaine de navire qu'il avait 'volé' se levait déjà pour interpeller la demoiselle, mais lui restait muré dans son silence, la détaillant avec un mélange d'amusement détaché faisant briller ses yeux et de curiosité non dissimulée. Il ne dissimulait pas davantage sa méfiance, car même si elle l'intriguait, il ne savait absolument pas s'il devait la classer chez les alliés potentiels ou chez les ennemis déclarés. La cacophonie de la voix du marin lui étrillait les oreilles, mais il se contenta de soupirer en lui décochant un coup d'oeil clairement hostile et tout sauf repentant. Avec un soupire, il attendit simplement que l'autre finisse par reprendre son souffle, puisqu'il y était obligé, et prit enfin la parole, rompant le soudain silence de son ton profond et vibrant comme le roulis de la mer. « Il dit la vérité, j'ai effectivement rendu la liberté aux Graarh qu'il retenait comme esclaves » Le terme était lacé du dégoût qu'il lui inspirait, portant comme une nausée. « Et si véritablement c'est un crime que de rectifier une injustice pareille, alors je paierais sans rechigner pour mon exaction, vous n'avez pas à vous en faire, qui que vous puissiez être » Se décrispant enfin, d'un seul coup et totalement, il laissa l'onde de soulagement courir sur lui comme une eau fraîche et remua légèrement les doigts pour savourer l'impression de liberté et de légèreté que cela lui apportait. Il assumait parfaitement ce qu'il avait fait, ne regrettait en rien et était certain d'avoir raison…. Alors il n'avait nulle raison de se torturer. « Vous êtes juge donc ? Je n'ai jamais vu de tribunal de ma vie, vous allez probablement devoir me dire tout ce que je dois faire » L'entournure de sa bouche s'arqua sensiblement « Ces messieurs ne m'avaient pas prévenu que j'étais forcé de les suivre, et j'ai malheureusement malmené l'un d'entre eux. Mais je vous assure que je suis de bonne volonté quand on consent à m'expliquer les choses »
A présent installé à l’ombre d’un entrepôt, il passait le temps en observant le déchargement d’un navire tout juste accepté à quai. Le collecteur de la taxe d’amarrage était venu recevoir le prix du séjour des mains du capitaine, puis avait autorisé les premières manutentions pour le transfert de la cargaison. Les premières caisses commençaient tout juste à être soulevées par élingage, et les premières charrettes préparées. Purnendu était partit en éclaireur, s’engageant à l’intérieur de la ville sans lui, sans doute un peu pour l’épargner, mais sans doute avait-il d’autres motivations… Encore une fois, il ne comprenait pas le chaton, comme il n’avait pas compris pourquoi l’autre avait décidé de l’accompagner hors de Nyn-Tiamat pour retrouver des vampires qu’il n’avait jamais vu de sa vie. L’excuse de l’intérêt purement médical à l’égard de son protégé avait certaines limites, et Ivanyr ne faisait que soupçonner certaines possibilités ayant conduit le félin à lui emboîter le pas sur la route des autres îles, sa méfiance ayant d’ailleurs mal acceptée de ne pas comprendre ce qui se passait. Pourtant, Purnendu ne lui avait jamais fait de mal et s’avérait aussi loyal qu’utile, alors il ravalait ses angoisses, son pessimisme, et il lui donnait une chance. Il le lui devait après tout. Mais en attendant, il se retrouvait sans rien à faire, à part mijoter dans son coin, et il commençait à s’ennuyer ferme. Ce n’était tout de même pas très juste que son chaton de compagnon de voyage puisse explorer cette ville alors qu’il était coincé tout seul ici à jouer les ornements, hey, lui aussi il était curieux ! Les marins avaient décrit ce lieu comme une plaque tournante de commerce et de voyages, une ville d’union et d’infinies possibilités, lui rendant des éloges enthousiastes. Etait-ce ensuite étonnant qu’il veuille la découvrir par lui-même pour jauger de leurs dires ?
Oh et puis tant pis ! Il n’avait absolument aucune idée de quand l’autre allait revenir et il n’avait pas envie de rester indéfiniment sur place, autant partir de son côté quitte à revenir plus tard. Se redressant sèchement, il prit garde de rabattre totalement l’amplitude de sa capuche sur son visage, laissant la légère brume d’eau de mer brouiller ses vibrations, puis sortit de l’ombre du bâtiment qui l’avait abrité pour se diriger vers l’une des artères principales menant hors des quais de déchargement. La route pavée était encombrée de charrettes et d’individus, majoritairement humains, à quelques exceptions près. Nulle part pourtant il n’y avait de Graarh. Du moins, nulle part où il portait le regard, et celui-ci ne parvenait pas à se fixer, tant il y avait à voir autours de lui. Caladon était la première ville qu’il voyait de ses propres yeux, et qu’on ne lui décrivait pas simplement par des récits. Sous sa capuche, le vampire cilla plusieurs fois, pupilles sensiblement dilatées par la lumière, l’excitation et les centaines d’informations que son esprit enregistrait tant bien que mal tandis qu’il se gavait de la vision de la Revenante. Il y en avait trop ! Bien trop pour tout voir en une fois, bien plus encore pour le décrire ! Quel lieu curieux que celui-ci, comment ces elfes, humains et vampires pouvaient-ils vivre les uns à coté des autres sans sembler davantage perturbés. La ville semblait encore être en construction, mais ce qu’ils avaient pu accomplir en si peu de temps forçait le respect. Le tintamarre se transformait progressivement, depuis le concert industrieux du port et de ses abords, l’artère conduisait ensuite à une chorale de voix et de bruits divers, domestiques sans doute, mais il restait douloureux pour les oreilles sensibles du vampire, dont les sens s’avéraient plus fins que ceux des humains, et qui de plus n’était pas très habitué à de telles proportions sonores.
Etrangement, pourtant, le bourdonnement de ruche de la ville semblait noyer ce qui ne cessait de chuchoter dans les recoins vulnérables de son esprit. Passé le premier instant de déséquilibre, il se découvrait une clarté d’esprit certaine dans cet environnement pourtant opulent en stimulations intellectuelles. Se glissant hors du flot, il s’installa sur une margelle, et attendit un peu, s’octroyant le confort d’une observation plus minutieuse pendant quelques instants plutôt que de continuellement surveiller où il mettait les pieds en plus de se démancher le cou pour capturer toutes les images intéressantes qui se multipliaient autours de lui comme autant de champignons. L’une d’entre elle retint toutefois davantage son attention, et le vampire se redressa vivement en essayant de suivre des yeux la forme poilue et étrangère qu’il avait cru apercevoir. Un Graarh ? Ils étaient également coutumiers de cette ville finalement ? Voilà qui semblait bien étrange tout de même, ça ne cadrait pas, pas du tout. Et il ne ressemblait pas du tout à Purnendu non plus, à bien y regarder. Illusion d’optique ? Non décidément, il fallait qu’il voit ça de plus près, depuis le temps qu’il voulait voir d’autres membres de cette race ! Se glissant de nouveau dans la foule, il tenta donc de suivre le félin tant bien que mal, et manqua de se faire renverser par une charrette en coupant la file en sens inverse. Ah, il allait vers le port ? Peut-être que finalement, tout le monde serait content dans cette histoire, et il ferait gentiment semblant de n’être pas partit du tout. Lèvres légèrement pincées pour retenir son excitation, il se glissa cependant dans l’ombre d’une grosse caisse de bois pour s’assurer de ne pas être vu immédiatement sur les quais tandis qu’il jaugeait la façon dont il pouvait approcher de l’autre.
Peine perdue semblait-il. Est-ce que les Graarh n’étaient pas sensés ne pas aimer les nouveaux arrivants ? Etre méfiants ? Se glissant jusqu’à l’entrée de l’entrepôt aussi discrètement que possible, Ivanyr fut plus que satisfait de découvrir que cette zone du port ne semblait pas très utilisée pour le moment, lui permettant de s’approcher sans mal et sans devoir répondre à la moindre question. Dans le pire des cas ? Il se contenterait de dire qu’il s’était perdu. La suite cependant lui retira toute envie de rire… et plus d’une heure plus tard, dans l’un des postes de gardes de la ville, il se demandait encore ce qu’il lui avait prit d’agir aussi impulsivement. Il se demandait tout autant, incidemment, comment de telles choses pouvaient bien exister. Le simple rappel lui emplissait la bouche de venin, et il gardait résolument les lèvres closes et les poings serrés dans les plis de sa cape pour éviter de faire quelque chose qu’il regretterait encore davantage que le reste. Fermé et froid, son regard bouillant restait résolument détourné des humains présents dans la pièce, fixant avec entêtement le mur le plus proche avec l'envie irrépressible d'y écraser son poing. Aussi, lorsque la porte s'ouvrit sur de nouveaux arrivants et une odeur encore inconnue, il failli manquer complètement l’événement. Et pourtant, avec une subtilité fracassante, poigne d'acier dans un gant de velours, l'impression vint s'imposer à lui… Ce fut d'abord un léger frémissement, comme en l'écho à quelque terrible retenue, comme un rugissement retenu, qui semblait tout de même frapper, déchirant à demi-mot. Puis ce fut ce goût sur la langue, délicatement iodé, mais était-ce le sel du vent marin ou toute autre chose ? Cillant, le vampire se tourna enfin, pour planter avec franchise ses prunelles dans celles du nouveau venu.
De LA nouvelle venue, en réalité. La scrutant avec fixité, comme s'il la disséquait couche par couche, le vampire finit néanmoins par légèrement retrousser les lèvres un bref instant, avant de briser enfin le contact visuel. Sur l'autre chaise, le capitaine de navire qu'il avait 'volé' se levait déjà pour interpeller la demoiselle, mais lui restait muré dans son silence, la détaillant avec un mélange d'amusement détaché faisant briller ses yeux et de curiosité non dissimulée. Il ne dissimulait pas davantage sa méfiance, car même si elle l'intriguait, il ne savait absolument pas s'il devait la classer chez les alliés potentiels ou chez les ennemis déclarés. La cacophonie de la voix du marin lui étrillait les oreilles, mais il se contenta de soupirer en lui décochant un coup d'oeil clairement hostile et tout sauf repentant. Avec un soupire, il attendit simplement que l'autre finisse par reprendre son souffle, puisqu'il y était obligé, et prit enfin la parole, rompant le soudain silence de son ton profond et vibrant comme le roulis de la mer. « Il dit la vérité, j'ai effectivement rendu la liberté aux Graarh qu'il retenait comme esclaves » Le terme était lacé du dégoût qu'il lui inspirait, portant comme une nausée. « Et si véritablement c'est un crime que de rectifier une injustice pareille, alors je paierais sans rechigner pour mon exaction, vous n'avez pas à vous en faire, qui que vous puissiez être » Se décrispant enfin, d'un seul coup et totalement, il laissa l'onde de soulagement courir sur lui comme une eau fraîche et remua légèrement les doigts pour savourer l'impression de liberté et de légèreté que cela lui apportait. Il assumait parfaitement ce qu'il avait fait, ne regrettait en rien et était certain d'avoir raison…. Alors il n'avait nulle raison de se torturer. « Vous êtes juge donc ? Je n'ai jamais vu de tribunal de ma vie, vous allez probablement devoir me dire tout ce que je dois faire » L'entournure de sa bouche s'arqua sensiblement « Ces messieurs ne m'avaient pas prévenu que j'étais forcé de les suivre, et j'ai malheureusement malmené l'un d'entre eux. Mais je vous assure que je suis de bonne volonté quand on consent à m'expliquer les choses »