Reine isolée. - Toryné Dalis.

De retour dans leur appartement de fortune, la situation pouvait sembler quelque peu glaciale entre les deux Dalis, pourtant il n’en était rien pour Toryné. Alors qu’il se dénudait, s’offrant la liberté de la nudité puisqu’il était désormais dans une ambiance bien plus intime, il fredonnait même d’un air assez enjoué.

Il sentait cependant bien que sa fille n’était pas dans le même état d’esprit, elle était silencieuse, sûrement qu’elle n’avait pas apprécié du dénouement de la soirée avec Aldaron, sûrement qu’elle ne s’était pas attendu à cela. Pour le conseiller en revanche, la soirée s’était bien déroulé, bien entendu, il n’avait pas prévu le déroulement de cette rencontre, mais le résultat restait en accord avec ses objectifs et désirs, Sintharia était encore jeune après, elle ne pouvait pas forcément comprendre certaines dimensions qui s’était joué devant elle. Toryné ne savait aucunement ce qu’avait fait sa fille en quittant cette fameuse soirée, il ne doutait de rien.

Ce fut finalement cette dernière qui brisa le silence qui ne semblait ne peser que sur elle, l’invitant à consommer le plaisir de la chair, Toryné, toujours porté sur ce vice, ne refusa et sans un mot, il s’approche de sa future épouse, afin de “l’honorer” comme il se doit.

Il ne servirait à rien de donner une description de ce long acte qui ferait rougir la plus vétérante des catins. C’était ainsi que beaucoup de choses se réglaient entre les deux cygnes, que ce soit conflit, retrouvaille ou encore pour des décisions parentales. Cependant, il s’agissait également d’un moyen de communication entre eux, sans parler, beaucoup de chose se comprenait juste par cet acte, Sintharia était troublé, son géniteur le sentait dans sa chair.

-J’ai savouré ta chair, mais désormais, c’est ta voix que je désire. Il n’en dit pas plus, il invitait Sintharia a parlé, et il se doutait qu’elle comprenne si elle était vraiment troublée.

Il se posa nonchalamment, toujours, sur un fauteuil proche du lit, fixant sa fille, un sourire satisfait sur le visage, sûrement dû aux plaisirs de l’acte, mais également sur le fait qu’il connaissait suffisamment sa fille pour comprendre certaines choses.  Il croisa ses jambes, se donnant des airs encore plus féminins, s'étirant les bras d'une manière très féline, sûrement aurait-il ronronné s'il avait été de cette espèce.  

Il ne doutait pas qu'il s'agît de la soirée passé avec Aldaron, Sintharia avait-elle espéré voir son paternel conclure une solide alliance ? Où observer la signature d'un pacte puissant ? Hélas, ou heureusement, aucune collaboration ne s'était conclu, c'était même bien plus proche de l'inverse. Était-elle déçue ? Son ego de Dalis et de mère ne pouvait accepter cela et par conséquent, il se devait de rectifier le tir, il devait expliquer ce qu'il s'était passé dans sa psyché et pourquoi il ne fallait pas s'en faire, la soirée s'était bien passé et il allait lui démontrer.

Les paroles de Sintharia furent très troublantes pour le sublime androgyne, son sourire s'effaça pour laisser une expression neutre et pensive. Il fallait le reconnaître, pas une seconde il n’avait pensé à l’éventualité que Sintharia puisse un jour ne pas suivre ses idéaux ou désirs. Pour lui, les Dalis ne formait qu’un seul être, composé de plusieurs, mais dont il incarnait l’esprit, quelque part Sintharia était une extension de lui-même à ses yeux. Cela pouvait sembler incroyablement égoïste et égocentrique de sa part et sûrement ça l’était, mais c’était également des séquelles de sa mère et de ce qu’elle avait de lui. Alors qu’il n’était qu’un nouveau, il ne vivait que pour sa mère, sa déesse, sa raison de vivre, il était alors comme il percevait inconscient Sintharia aujourd’hui, l'extension d’un être qu’il voyait comme bien plus supérieur à lui-même, un part d’un tout bien plus important.

Bien entendu, il n’était pas comme sa mère, lui régnait sur sa famille par l’amour et non par l’asservissement, lui ne jetait pas ceux qu’il aimait lorsque ces derniers devenaient obsolètes ou menaçants. Il avait ce que Théodora n’avait jamais eu, la confiance envers sa famille.

Cependant, que se passerait-il si Sintharia ne le suivait plus, ou même pire, si elle se retournait contre lui ? Cette simple idée donnait des frissons, voir même des nausées au vampire, mais était-ce possible ? Pour lui, bien entendu, non. Il se sentait trop fusionnel avec sa fille et amante pour ne serait-ce imaginer un seul instant une quelconque trahison venant d’elle. Sintharia était juste troublé par cette soirée, c’est avec cette idée que le conseiller tentait de se rassurer, après elle était encore jeune, il était normal, Toryné lui avait l’expérience suffisante pour garder la tête froide dans ce genre de situation… du moins c’est ce qu’il estimait…

-Ma fille, je sais que tout cela te trouble. Il se leva et se posta à la fenêtre, se moquant qu’un passant puisse le voir nu à travers le verre de la vitre. Tout ce que tu vois, c’est ma fierté qui fermé toute possible entente entre moi et Aldaron, n’est-ce pas ? Cependant les choses ne sont pas aussi simple que ça, je ne pouvais pas me permettre de conclure une alliance avec cette elfe. Toryné se tourna vers sa fille s’adossant contre la vitre, les bras croisé, il avait un air quelque peu moins gracile et féminin, mais surtout, il avait l’air on ne peut plus sérieux, tout en gardant une sorte d’aspect pensif. Aujourd’hui, sais-tu ce que je cherchais ? Pas forcément une alliance quelconque, bien que cela aurait pu très certainement être très avantageux. Mais non ce n’était pas l’objectif de cette rencontre, mais plutôt l’un des dénouement que j’avais envisagé. L’objectif était le suivant, voir si le bourgmestre pouvait s’avérer être un allié en plus d’un ami. Ce sont deux choses différentes, ma fille, un ami peut très bien s’avérer être le pire allié qui soit, tout comme un ennemi peut devenir l’élément central d’une machination. J’ai présenté une vérité général à Aldaron, un élément que même un néophyte en politique pourrait aisément deviner, j’ai clairement énoncé que nos intérêts passeraient forcément avant notre amitié, est-ce faux selon toi ? Il s’agissait pour Toryné d’une question rhétorique. À ce moment là, je dois admettre avoir été surpris, je ne pensais qu’Aldaron viendrait s’opposer à cette vision des choses, surtout venant d’un Caladonien, il n’a d’ailleurs pas manqué de me… Nous provoquer… Les paroles de l’elfe résonnaient dans son esprit, Aldaron avait remis en question ses succès politiques et stratégiques aux cours de cette conversation… il ne l'oubliera pas de si tôt. C’est très simple hélas, pour commencer, il est plus difficile de conclure une alliance solide avec une personne qui ne partage pas ta manière de penser, mais ce n’est pas impossible, ce n’est pas d’ailleurs pas le problème en soi, le problème vient de ce qui en découle. Un idéaliste, voilà ce qu’est Aldaron derrière ses belles paroles, on ne peut s’allier à un idéaliste, car ce dernier viendra sonner le glas de la trahison pour la moindre action venant à l’encontre de ses croyances. Regarde donc comment il a réagi lorsqu’il a parlé de l’empire Sélénien, n’aurait-on pas dit un véritable enfant à qui une mère a montré un peu d’attention à son aîné, c’était ridicule et j’aurais dû comprendre dès cet instant que je ne pouvais compter sur lui. Ne laisse pas les paroles de cette carcasse psychique embrumée ton esprit ma fille, car il n’a été que sur la défensive, il est d’abord venu geindre du fait que j’ai visité l’empire avant sa petite revenante, par la suite, il est venu contester une vision politique pourtant simpliste et enfin, il s’est mis dans la posture de la victime, du trahi, portant accusation et provocation pour finalement se retirer de la soirée avec de fausses paroles de sagesse… Sintharia, Aldaron malgré son âge, n’est qu’un enfant à qui on a donné des pouvoirs… Et comment compter sur un peuple qui a donné de tel pouvoir à un être comme lui ?

Il soupira et ferma les yeux, il était synthétique dans ses propos pour éviter de perdre sa fille et il était profondément dépité, mais il s’avait globalement géré ce genre de déboire politique, après tout des déceptions, il en avait déjà eu par le passé. Cependant, cette fois-ci, cela venait toucher à ce qu’il avait de plus précieux, et cela l’agaçait forcément.

-Il est certes puissant, mais le royaume vampirique est aussi puissant et je ne pense pas qu’il nous mènera une quelconque vendetta… mais nous ne devons pas le craindre, nous sommes tout à fait capable de tenir tête à son empire économique. Par conséquent ma tendre fille, la soirée est un succès, car je sais aujourd’hui qu’Aldaron et Caladon ne sont pas des alliées fiables à l’heure actuelle.

Effectivement, il était important pour lui de trouver des alliées, mais également d’écarter ceux qui ne conviendrait pas.

-Et donc… il en venait à quelque chose de tout aussi important. Farianthe ne posera pas les pieds dans cette ville, hors de question que la bêtise Caladonienne puisse contaminer notre fille.

Il se retourna de nouveau vers la fenêtre, contemplant la ville dans l’obscurité, murmurant tristement “Mais qu’est devenu cette ville qui faisait autrefois chavirer tout mon être ?”

Les paroles de sa fille ne lui plaisait guère, non, il était même hors de lui. Avait-elle écouté un traître mot de ses paroles ? Comment pouvait-elle, non comment osait-elle dire de telle chose ? Pourtant le conseiller fit tout pour garder son calme, s’énerver n’apporterait rien et cela surtout ne lui ressemblait pas.

-Je mettrais ça sur le compte de ta jeunesse Sintharia, mais surveille tes paroles, elles ne sont pas seulement irrespectueuse, mais également fausse… Je n’ai certes été que peu cordiale, ça je ne m’en cache point, mais notre hôte n’a pas été différent et hélas c’est donnant donnant, pourquoi accepterais-je d’être traité de la sorte ? Et où as-tu une main tendu ce soir ? Où alors ta définition de “main tendu” est faussé ma pauvre fille… Il soupira, signe de son énervement manifeste. Qui es-tu ? Tu parles comme une petite fille qui découvre les durs réalités de la vie… Oui j’écrase et utilise les sentiments des autres et alors ? Qu’elle différence y a t-il avec toi qui traque et tue ? As-tu oublié ce que nous sommes ? Aldaron a-t-il mit quelque chose dans ton verre ? Mais je m’égare… car ce soir, ce que tu dis est hors propos…

Toryné fixa sa fille d’un regard impérieux et colérique, peut-être même qu’il y avait de la déception dans ce regard.

-Je ne t’ais jamais raconté tous ce que j’ai du faire pour survivre et en arriver là aujourd’hui, tu n’en sais que quelque anecdote, alors ne pense pas pouvoir me dire quand j’agis par ego, je sais quand je dois faire des courbettes, je sais parfaitement quand je dois soulever ma robe pour obtenir quelque faveur ! Mais surtout, je sais quand je ne dois pas le faire ! J’ai près de 300 ans maintenant… Il se tue, ne continuant pas phrase, son regard n’était plus sur sa fille, mais fixait le vide, le conseiller était de nouveau dans l’une de ses torpeurs contemplatives. Son esprit lui montrait beaucoup d’image, sa mère, ses frères et soeurs, Irina Faust, Aldaron et tant d’autre personne, tout se mélangeait en lui et cela lui faisait mal au crâne.

Il grimaça et porta sa main sur son front, il était dur pour lui de réfléchir ainsi…

-Je ne te comprends pas Sintharia et cela m'effraie… Tes paroles sont vides de sens à mes oreilles… Si j’étais ma mère… Encore une fois il se tue, rien que de repenser à la trahison de sa mère… le mettait mal à l’aise. Jamais il ne serait comme sa marâtre de mère, jamais il ne jouerait avec sa famille comme de vulgaire jouet pour ensuite les jeter. C’était ainsi que les choses marchaient en famille, non ? La fidélité entraînait la fidélité… la trahison entraînait la trahison… C’était aussi simple que ça pour lui…

Il ne continua pas, il avait ce sentiment que peu importe ce qu’il pourrait dire, sa fille ne l'écouterait pas. Devait-il accepter cette divergence d’opinion ? Après tout n’avait-il pas besoin d’un point de vue extérieur lorsqu’il était dans l’erreur… le seul problème étant qu’il ne voyait pas son erreur dans son entrevue avec Aldaron et que surtout on lui reprochait absolument tous les maux qu’avait entraîné cette soirée… Sans oublier certaine parole qui ne ressemblait pas à la fille qu’il avait toujours connu et aimé, son regard se perdait encore dans le vide, avec un mélange de mélancolie et d'interrogation.

- Silence ! Tout ce que tu dis ou fais est retenu contre nous et pas seulement contre toi ! Rends-toi en compte ! En te fermant les portes de Caladon, tu les fermes à moi aussi. Il y avait en réalité une foule de produits qu'on ne pouvait se procurer presque qu'en Caladon, et elle trouverait assez inconfortable de devoir prendre un bateau pour rejoindre la cité des pirates.

Et par-dessus tout elle en avait assez d'être traitée juste comme la femme de ce dernier, c'était un léger ras-le-bol qui venait s'ajouter par-dessus la foule de goutte qui avait fait éclater le vase sous la pression. Peut-être que c'était juste le résultat d'un mal qui traînait depuis bien plus longtemps que ça.

Le cœur de la jeune vampire était libre - bien que clairement pas à prendre -, et parfois ce besoin de liberté occultait tout le reste, c'était ainsi, elle était jeune et aurait tout le loisir plus tard d'être plus posée.

- Sauf que dans ceux des autres que tu piétines sans pitié il y a aussi les miens. Et que je ne te dois rien et certainement pas la soumission, je ne suis pas un de tes sous-fifres, si ma présence n'est plus requise, j'aimerais m'en aller, d'autant plus que j'ai du travail cette nuit.

Elle tirait sa malle de vêtement de sous le lit, avec une force exagérée qui trahissait son énervement, il fallait qu'elle se change, et plus vite elle aurait quitter ce luxe qui la mettait mal à l'aise pour retourner à ses ombres, mieux ça sera.

- Et merde.. Sache que le jour où je devrais partir, j'emmènerais ma fille avec moi, tu auras bien assez de ton foutu ego pour converser. Elle posait une main agacée dans ces cheveux avant de commencer à les tresser.

Les paroles de celle qui se prétendait sa fille allaient bien trop loin, irrespect et provocation, l’esprit de Toryné bouillait en lui. Le conseiller se précipiter sur l'effronté, le regard animé que par une chose, la colère pure. Son svelte bras se leva, la paume de sa main parfaitement tendue, s’abattant sur la joue de Sintharia. Du moins, cela aurait le cas, si la matriarche n’avait pas retenu son geste au dernier moment, arrêtant sa frappe punitive à quelque centimètres de la joue de la jeune vampire.

-Comment oses-tu ? COMMENT OSES-TU ? Hurla-t-il, laissant s’échapper sa rage d’une manière bien moins violente. De quel droit me dis-tu “silence” ?! De quelle folie penses-tu pouvoir me dire que tu ne me dois rien ?! Tu n’étais qu’une catin parmi tant d’autre quand je t’ai trouvé, tu vivais comme une misérable, dans une misérable cité… Et moi dans mon immense bonté que t’aie je offert ? Le renouveau ! L’immortalité ! La beauté éternelle ! Chaque mot qu’il énonçait portait avec eux une forte conviction dans la voix du sublime androgyne. Sans moi… tu crois que tu serais en vie ? Non, tu serais resté avec tous ses misérables sur notre continent natale, oublié de tous, mais que dis-je, personne n'aurais même su ton existence !

Toryné prit une posture droite, les bras croisé, son regard n’était plus colérique, mais plutôt sévère. C’était le regard de la mère, qui traduisait davantage de la déception que de la colère.

-Penses-tu vraiment que Caladon nous est totalement fermé ? Depuis quand t’affiches-tu dans des apparats aussi flamboyant que les miens ? N’es-tu pas censé être le cygne noir ? Depuis quand remarque-t-on ta présence ? Es-tu incapable d’avoir recours à des intermédiaires sinon ? Aurais-tu peur de te fournir à Athgalan ? D’un geste de la main, Toryné balaya l’air. Alors cesse donc de geindre, tu n’es pas une personnalité politique pauvre sotte, ton réquisitoire n’est que pure affabulation.

Un sourire hautain et mauvais se dessina sur son visage, son regard devint plus malicieux, l’une de ses mains se porta à ses lèvres, les tapotant légèrement.

-Quant au fait de partir avec Farianthe, si ce n’était pas l’idée la plus stupide et enfantine que je n’avais entendu de ta part, j’aurais sûrement rigolé. Je me souviens encore de cette époque, pas si lointaine, où je devais user de la force pour t’empêcher de te repaître de ta fille tant aimée. Dis-moi, Sintharia, qui s’occupe de notre fille ? Qui s’assure qu’elle ne manque de rien, qui lui a pour l’instant transmis les bases de son éducation ? Toi ? Non, toi, tu es une jeune vampire, tu aimes bien trop ta “liberté”, tu aimes trop chasser et puis… tu as des contrats à remplir. Sans moi, qui s’occupera de la petite Farianthe, hum ? Pendant que madame partira pendant plusieurs mois s’amuser sans penser aux conséquences de ses actes, pourras-tu comme moi, avoir autant d’esclaves ou de servants pour t’occuper de cette enfant ? La vérité ma fille, c’est que tu as de belles paroles, je t’ai appris à un minimum bien t’exprimer… Mais des belles paroles vide de sens sont comme un beau cadavre, inutile. Je ne réclame pas ta soumission, je réclame une clairvoyance nécessaire pour que tu puisses réaliser qu’elle est ta place pour le moment, pour l'instant ton manque de maturité me déçoit…

Désormais, le cygne blanc était un peu plus joueur, certes, il était toujours en colère et déçu, mais la curiosité, maladive chez sa personne, prenait petit à petit le dessus. Il voulait voir ce que pouvait répondre sa fille devant les faits qu’il pointait, comment justifierait ses paroles, qui tenait plus d’un caprice d’enfant, qui ne pourrait nullement assumer par la suite ses dires. C’était en quelque sorte un exercice latent pour la jeune Dalis, pourrait-elle ravir son paternel en argumentant sa position, ou alors finirait-elle par reconnaître ses torts ? Ou bien encore, elle continuerait aveuglément à se conforter dans ses fausses idées, ce qui serait une profonde déception pour son géniteur.

- Ose lever encore une seule fois la main sur moi, et tu ne la reverras jamais plus. Le ton avait été lourd de menace, nulle trace d'amour là-dedans, il avait laissé place à la bête ombrageuse, qui était prête à tout pour sa simple survie, et jamais une Dalis, n'aurait pus se laisser insulter de la sorte. Elle n'avait même pas eu peur pire, elle le défiant en se redressant, arme à la main. Contrairement à toi, j'applique mes menaces, alors ose. Et nous verrons lequel de nous deux est le plus courageux.

Comment aurait-elle pu le prendre une quelconque menace venant de sa part au sérieux ? Elle ne pouvait pas prendre au sérieux quelqu'un qui se fardait comme les hautes de la prostitution et tolérait qu'on crache sur son blason. Elle ne pouvait juste pas le concevoir.

- Si j'ai envie d'être une putain fardée, comme toi, je serai une putain fardée, c'est ainsi que j'ai toujours fait, et que je continuerais à faire, contrairement à toi, quand j'ai besoin de quelque chose, j'y vais moi-même, je n'envoie pas quelques petites mains pour faire la salle besogne. Ne me prends pas pour une idiote, je me débrouille très bien sans toi. Tu serais sans doute surpris que lorsque je vagabonde, je dors dans des draps en soie en charmante compagnie.

Il y avait une certaine note d'ironie en elle, elle se moquait de la naïveté de l'homme qui pensait qu'elle lui devait tout alors que c'était loin d'être le cas. Elle ne l'avait pas attendu pour vivre sa vie, alors elle se dépêchait de se vêtir, avant de céder à la colère.

- Tu es vraiment stupide, tu crois qu'une famille est là pour t'obéir, pour tout faire comme tu en as envie, si tu étais une vraie mère, tu saurais que c'est des conneries, la vérité, c'est que des enfants ne te doivent rien, ils ne sont pas censés faire preuve de gratitude, ils doivent juste manger ce que tu leur donnes et te briser le cœur, espèce d'imbécile égoïste. Ce n'est pas des faire valoir.

Elle avait soudainement délaissé sa colère, au final elle n'avait rien de plus que de la pitié pour cet être, néanmoins elle n'aurait pas le plaisir d'attendre la moindre réponse, finissant de se vêtir. Ajoutant tout simplement :

- Tu ne vaux guère plus que les soûlards ronflant dans les caniveaux de cette ville. Retourne donc comploter à Aertia avant que tu ne corrompes le peu de bien qu'il y a sur ce continent.

Puis elle finissait par partir.

Sintharia de par ses paroles venaient de perdre une grande partie de la confiance que lui accordait le sublime androgyne. Elle outre passait ses droits de simple fille en lui parlant ainsi, elle se persuadait qu’elle ne lui devait rien, se drapant d’une logique absurde sur la relation qu’un parent devait entretenir avec son enfant. Cette folle alla même jusqu'à le menacer ? Elle paierait sa défiance, mais pas tout de suite, il la laisse partir sans rien dire, le même sourire sur ses lèvres, même s’il devait avouer être déçu.

Toryné avait fait moult erreurs dans son éducation, il s’en rendait compte aujourd’hui. Il avait accordé bien trop de liberté à sa fille, le tout avec les précepteurs qu’il avait payé, il avait créé une arme dont il ne pouvait plus garder indéfiniment le contrôle. Il n’avait pas su reproduire ce que sa mère avait, Teren, un garde du corps fidèle, un exécutant qui ne vivait qu’à travers son parent. L’erreur était claire comme dit précédemment, la liberté qu’il avait donné, le vampire n’avait pas voulu reproduire le modèle de sa mère, plus par fierté que par réelle clairvoyance, il devait bien le reconnaître. Toryné avait aveuglément pensé que cette ingrate lui serait reconnaissante et il avait tout pour cela, il ne lui avait pas caché son passé d’humaine afin qu’elle réalise la chance qu’elle avait d’être là aujourd’hui et surtout qu’elle conçoive bien à qui elle devait tout cela. Cette liberté qu’il avait laissé agir, avait été dans la même idée, ainsi que d’avoir laissé la vie sauve à Farianthe… mais on ne peut combattre l’ingratitude, hélas pour lui.

Il regretta d’avoir laissé ses autres enfants mourir… cette pulsion narcissique l’avait réduit à l’état d’observateur, jubilant de contempler la jalousie de sa fille qui la poussait aux meurtres, aujourd’hui il payait le revers de la manche, satisfaire son ego avait eu ses conséquences.

Cependant, il n’avait nul raison de s’en morfondre, après tout il était bénie du somptueux cadeaux de l’immortalité, il avait déjà vécue 300 et il n’avait eu sa première fille il n'y a qu’une vingtaine d’année. Il avait tout le temps nécessaire pour se refaire une progéniture s’il le désirait et il le désirait, son instinct maternel, sa douceur de mère, cela ne saurait pas disparaître par un simple déconvenu. En revanche, il ne devait pas aller trop vite en besogne, il devait d’abord voir si Sintharia était définitivement perdu où s’il pouvait espérer la voir revenir dans le droit chemin, le sien. Car il aimait sa fille, il restait sa mère et il pensait également à Farianthe dans cette histoire… et justement la penser de cette petite humaine lui donnait déjà certaine idée.

L’avenir lui appartenait, et Sintharia allait devoir s’en rendre compte si elle voulait y avoir une place.