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5 novembre, Cordont.

Son époux était parti le jour-même de la catastrophe, l'immaculée se retrouvait seule, et même si ça ne lui déplaisait pas forcément, elle aurait aimé avoir de la compagnie, mais finalement préférait se murer dans sa solitude, elle n'avait pas de mort à pleurer, ni blessure à panser. Elle avait marché toute la journée le long de ce gouffre, comme s'il aurait pu l'absorber, le vide était finalement la seule chose qui l'attendait. Elle aurait été joueuse, elle aurait pu sauter et voir si elle parviendrait avec ses talents à y survivre. Puisqu'elle ne voulait attendre qu'un des hommes de son époux le pousse.

Les petits jeux habituels entre les deux cygnes étaient devenus bien moins cordiaux ces dernières semaines, elle sentait la présence de sa garde cachée non loin, finalement, il n'y avait qu'un pas à faire dans un sens ou dans l'autre l'aurait libéré de ce fardeau. Elle avait déjà pris connaissance de ces deux-là un spadassin et un type immense en armure qui était silencieux. Elle avait passé toute la journée d'hier, à essayer de s'en débarrasser, pot de vin, menaces de mort, tentative de séduction rien ne fonctionnait. Elle recevait pour unique réponse : le conseiller Dalis nous à charger de votre protection.

Elle enrageait, sa douce liberté déjà lui manquait, le moindre de ses gestes serait rapporter, la moindre erreur serait fatale, elle en avait bien conscience, elle ruminait dans son coin tout le jour durant. Elle était furieuse, et ce ne fut qu'une fois la nuit tombée que les choses se décidèrent enfin à bouger. Un homme venait la trouver, un homme discret, elle se contentait de récupérer sa note et de le congédier. Ainsi, elle aurait une rencontre avec cette connaissance, mais avant elle devait s'assurer de semer les deux imbéciles. Comment avait-il pu s'assurer qu'elle était encore présente ici ? Visiblement, l'elfe regorgeait de talent qui rendait presque le cygne noir envieux.

Alors elle décidait de passer par les bois, les semant avec une grande facilité au terme d'une longue course, zigzaguant à travers les arbres, marquant quelques pauses, changeant brusquement de direction, elle se sentait comme une bête traquée. Finissant par arriver au camp, plutôt désert au vu de l'heure particulièrement tardive bien qu'elle croisa quelques gardes.

L'immaculée finissait par pousser le pan de la tente du bourgmestre, à bout de souffle. Elle posait les deux mains sur le bureau de l'homme, lui adressant un regard nerveux mais néanmoins ravi. Elle semblait anormalement fébrile, agissant comme une bête traquée.

- Ne faites plus jamais ça. Plus jamais. Je suis suivie. Bien entendu, Aldaron ne pouvait se douter de ce qu'il adviendrait à cause de ce simple mot.

Elle ajoutait ensuite, en s'asseyant à moitié sur le bureau de l'homme, faisant face à l'entrée de la tête un pied encore posé sur le sol, et elle sortait son arbalète de sous sa cape, elle la chargeait d'un geste sec, pendant qu'elle chargeait elle adressait quelques mots au bourgmestre.

- Je m'apprête à faire la plus grosse erreur de ma courte vie Aldaron, je ne veux aucun commentaire à ce sujet, s'il vous plaît. Le ton de la voix de la fille Dalis était étonnament doux et calme.

L'ancienne vampire semblait plus tranquille à présent - elle se sentait sans doute en sécurité -, elle retenait son souffle, son arbalète à la main, elle semblait parfaitement déterminée, et ce fut les secondes les plus longues de sa vie. Elle entendit les gardes se faire bousculer et sa garde rentrer, les deux hommes observèrent un court instant la scène - le spadassin étirait un sourire, l'immaculée avait fait l'erreur qu'ils attendaient - avant que Sintharia ne décoche son carreau directement dans la visière du plus grand. Laissant tomber son arbalète devenue inutilisable. Ensuite, elle utilisait son esprit-lié pour ralentir le temps déployant son arbalète magique, la chargeant d'un carreau d'énergie violet en levant son et tirer dans le dos de l'autre homme, en plein cœur alors qu'il allait s'enfuir. C'était donc ça le curieux artefact qu'elle portait lors de leur première rencontre une arme bien dissimulée.

La scène n'avait duré que quelques secondes tout au plus. Et enfin elle pouvait reprendre son souffle.


Équipements :


Esprit-lié :

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    Le souffle de l'elfe était lent et aussi paisible que possible. La transe l'aidait à tenir mais la fatigue se fait sentir, de plus en plus. La situation tendue à Cordont mettait le nord et le sud dans tous ses états et la difficulté ne ferait que croître crescendo, lorsqu'il aurait à s'entretenir avec Nolan, lorsqu'il devrait retenir Delimar de mettre le campement à feu et à sang. L'elfe se frotta l'arrête du nez, fermant les yeux, cherchant dans le calme de la nuit un peu de repos, quelques petites minutes, les coudes appuyé sur le bois de fortune qui lui servait de bureau. A Cordont, tout le monde était à l'affût, tout le monde s'espionnait. Aussi le petit manège des gardes laissés par Toryné ne lui avait pas échappé. S'il y avait un échauffourée, s'il y avait un combat, ici, dans ce lieu si plein de tensions, cela mettrait le feu au poudre. Charge était sienne que de désamorcer cela. Il n'était pas le genre d'homme à laisser les choses lui tomber sur le coin de la figure. Il était plus réactif que ses congénères d'elfes. Alors il avait écrit à Sintharia. Il l'avait convoquée pour prendre de ses nouvelles, d'une part, et pour mettre un terme à cette mascarade. Toryné ne méritait pas le cygne noir, et puisqu'elle avait appelé son aide, par la note qu'elle avait laissé à son égard cette nuit d'été, il ne ferait que rompre un fil déjà bien entamé. Et dire qu'il avait été invité à leur mariage, voilà qu'il jouait les briseurs de couple. Cela ne lui plaisait pas. Ça n'était pas un rôle dans lequel il s'épanouissait, que ce soit pour protéger Eleonnora ou que ce soit pour protéger Sintharia... Mais la satisfaction de les savoir sauves et les fruits qu'il pourrait en récolter par la suite parvenaient à le cotenter.

    Aldaron était un homme qui cherchait des talents, qui les couvait, qui les incubait comme un père protecteur jusqu'à les voir fleurir comme de magnifiques plantes. C'était un travail de longue haleine, mais sur le long terme, cela s'avérerait d'une valeur inestimable. Les liens qu'il tissait, les soutiens desquels ils s'entouraient, rendraient son empire fort et indestructible. Voir l'immaculée pousser le pan de sa tente et entrer ne le surprit guère. Il releva la tête et sa garde n'avait pas bouger d'un iota, visiblement prévenue que la jeune femme viendrait à lui. Droit, même dans son armure en mithril, Aldaron avait les mains à plat sur le bois du bureau, cillant à peine devant la fébrilité de Sintharia. Avait-elle peur ? « Je sais. » répondit-il à la première information qu'elle lui donnait. Bien sûr qu'il savait qu'elle était suivie. Force était de constater qu'elle avait heureusement eu l'intelligence de choisir la nuit pour le rejoindre. Lorsque sa garde mortelle viendrait la aborder la tente du bourgmestre, elle mourrait et les chaînes seraient définitivement brisées. Est-ce que sa réponse devait rassurer la jeune femme ? Probablement, au moins elle avait l'assurance que si elle manquait son coup, il serait là pour être sa seconde flèche. Se levant de sa place lorsqu'elle se tourna vers l'entrée, sa main aux doigts émaciés d'un rose cendré se refermait sur son arc. La scène qui se déroula devant lui fut d'une telle rapidité qu'il n'eut même pas le temps d'effleurer une plume de son carquois. Il fallait dire qu'il prenait son temps. Ses gardes pouvaient se montrer efficaces et il aurait toujours son armure et sa magie pour se protéger si les choses viraient au vinaigre. Il n'avait pas peur de deux malheureux êtres. Il avait connu pire à Morneflamme.

    Le silence revenu, les deux corps gisants au sol, l'elfe reposa son arc et contourna son bureau. Il posa sa dextre sur l'avant-bras de la jeune femme, celui qui avait tiré, le forçant doucement à ne plus rester à l'horizontale et il repassa la cape de l'immaculée par dessus ce bras armé, camouflant le secret bien gardé qu'elle lui avait révélé et dont il sentait toute l'aura magique, à présent. Il la reconnaissait. L'anneau qu'il portait à sa main droite pulsait d'une magie consciente, également. Deux hommes vinrent avec une malle de bois et y entreposèrent les corps. Un nettoyage efficace. On avait presque l'impression qu'ils en avaient l'habitude. C'était en fait le cas. Combien d'assassins lui avaient envoyé Selenia ? Il ne les comptait plus et les corps avaient toujours disparu dans la nature. Deux de plus, cette nuit. Son regard s'était planté dans le sien, tout ce temps, sans dire un mot. Elle lui avait demandé de ne pas commenter alors il gardait ses pensées pour lui-même. Lui était d'avis en revanche qu'il ne s'agissait pas de sa plus grosse erreur mais probablement le plus bel élan de courage qui lui était venu durant sa vie. Il avait fallu qu'il la pousse, qu'il lui ouvre la voie... Et maintenant ? Oui, 'et maintenant ?' était la question la plus importante. Sa mine était grave et sa posture régalienne. Il ne la quittait pas des yeux, comme s'il avait cette capacité de sonder les tréfonds de son âme. Lorsque les deux hommes sortirent, lorsque la solitude retomba sur eux, dans cette tente, il leva sa main, doucement.

    Du revers de son index, il vint effleurer la pommette de Sintharia, dans un geste tendre, presque affectueux. Il ne pouvait pas se permettre de la prendre dans ses bras pour la réconforter si elle n'y venait pas d'elle-même : il avait trop de respect et de noblesse pour cela. « Et maintenant ? » Que voulait-elle ? Qu'espérait-elle ? Ce soir, c'était à son désir, à elle, auquel il répondrait. Mais il ne pourrait pas la faire garder, si elle ne voulait pas de sa protection. Il ne pourrait pas l’enchaîner si elle ne lui parlait pas ouvertement de ce que son cœur voulait, de ce qu'elle espérait. L'extrémité de ses doigts glissèrent le long de la mâchoire de la sainûr pour lui relever le menton vers lui : « Qu'est ce que je peux faire pour t'aider, Sintharia ? » souffla-t-il, tout bas, d'une voix grave, sourde et l'intensité de son regard n'avait pas faibli.

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Son instinct de survie s'était embrasé, elle avait utilisé toutes les armes qu'elle avait eut en sa possession pour ne pas que les hommes s'en sortent et nul doute si elle aurait eu à les égorger, elle l'aurait fait avec plaisir. Elle ne s'était même pas rendue compte que des hommes vinrent cacher les cadavres, elle semblait totalement absente pendant un instant et ce ne fut qu'une fois qu'ils furent seuls qu'elle lâchait quelques mots d'un ton dénué d'émotion.

- Je viens de tuer deux personnes, Aldaron. Elle le répétait dans un murmure, c'était une évidence et nul pouvait le nier. Elle ne l'avait pas fait depuis son retour à la vie.

La question en sous-texte était surprenante, elle s'inquiétait de ce que l'homme pouvait en penser, en proie à une légère panique, pourtant elle s'y était préparée, si bien qu'elle ne baissait son bras que lorsqu'il lui indiquait d'un geste doux, elle revenait lentement à elle. Puis il dissimulait son arme, comprenant le secret qui les liait, il était en quelque sorte son complice dans cette affaire, il lui fallut encore quelques secondes pour reprendre définitivement conscience et le contact des doigts de l'homme sur sa joue. Elle levait ses yeux d'argent sur lui, des yeux brillant d'une certaine peur et d'appréhension, un instant elle ressemblait à une enfant, sans maquillage et ses atours de noble on ne pouvait lui donner guère plus de dix-sept pintemps.

Puis elle réalisait qu'elle venait de tuer instinctivement et de manière préméditée deux personnes qui ne lui avait rien fait, et quand elle réalisa que c'était juste ce qu'elle avait fait toute sa vie, elle se révulsa dans un haut-le-cœur, venant d'elle-même se blottir contre l'elfe instinctivement. La vie lui avait fait prendre conscience d'une chose : la culpabilité. Et c'était un sentiment si terrible et qu'elle ne découvrait qu'à présent ! Son géniteur ne l'avait jamais préparée à avoir des remords ! Elle était une arme, une arme n'a pas besoin de ce genre de faiblesse.

Et à cela venait s'ajouter sa trahison, et elle réalisait qu'elle erreur elle avait fait, dans son désir de fuite instinctif elle avait oublier le principal, la prunelle de ces yeux était en danger. Et son corps tremblait à cette idée.

- Ne me laisse pas maintenant ou je m'effondrerais.

Le ton de la jeune immaculée sonnait comme une supplique, il n'y avait rien d'étonnant à cela, elle n'avait toujours vécu que par et pour son géniteur, elle n'avait jamais rien connu d'autres au fond. Alors il n'y avait rien d'étonnant qu'elle fuit trouver refuge dans la seule personne de confiance qu'elle avait à portée et qui se trouvait être finalement le bourgmestre de Caladon.

- C'était trop tôt pour que l'on se voie, ce monstre à ma fille en otage, il va lui faire du mal. Et qui sait ce que son esprit tordu trouvera à faire pour me provoquer, il va nous tuer toutes les deux.

Bien qu'elle avait quelques connaissances en politique, elle était trop jeune et trop impulsive pour gérer seule un conflit avec le conseiller, elle se jetterait dans la gueule du loup tôt ou tard. Une mère ne pouvait laisser son enfant dans une situation aussi critique. Et lorsque la peur et la crise furent passées, elle se détachait de lui avec une pointe de regret. Tâchant de mettre un peu d'ordre dans sa tenue pour sauver le peu de dignité qui lui restait - bien qu'elle ne s'en préoccupait pas tant que ça.

Sintharia retrouvait son calme, lentement, et elle retrouvait le sang-froid dont elle avait fait preuve lors de leur première rencontre.

- Je ne me reposerais pas tant que je ne serais pas certaine qu'elle soit en sécurité. Est-ce que tu peux m'aider ? Néanmoins, elle savait que l'homme avait bien assez à gérer avec les conséquences politiques de la découverte des sous-terrains pour préoccuper de la survie d'une petite fille de six ans.

Elle flanchait sur ses jambes, mais elle ne laissait rien paraître, la catastrophe avait ébranler tout ceux qui l'avait vécue, son regard était particulièrement déterminé, et nul doute que l'homme saurait faire usage des capacités de l'immaculée en retour, mais ce n'était pas cela qu'elle craignait.

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    Solide montagne face au vent, il la gardait dans la ligne de ses mires émeraudes, la patience pour masque de tolérance, le silence pour apparat de ses lèvres fines. Sa peau sombre masquait assez bien ses traits, ceux de l'inquiétude. Il n'avait pas peur, pas pour lui même. C'était la trajectoire de vie, incertaine, que prenait la jeune femme, qui le perturbait. Elle était en état de choc après l'adrénaline de l'action. Aussi ne la perturba-t-il pas. Elle venait de tuer deux personnes. C'était un fait et c'était ainsi qu'il voyait les choses. Un fait implacable et cruel et pour autant, nécessaire et défensif. Aussi monté et prémédité soit le plan qu'elle avait élaboré, il n'en demeurait pas moins vrai que la première victime, dans ce jeu morbide, c'était elle. Il ne pouvait pas la blâmer de l'occulter. Lui-même avait fait cette erreur coupable lorsqu'il avait regardé les crimes monstrueux qu'il avait commis à Morneflamme. « Oui. » souffla-t-il, bas, sans jugement, sans rancune, sans félicitations. C'était un 'oui' factuel, un 'oui' qui s'ancrait dans le réel, lui donnant plus de force et plus de vérité. Elle ne pourrait pas le nier et lui non plus. Mais ça l'indifférait. Il ne la regarderait pas autrement, mais elle, peut-être, le regarderait-elle autrement. Soit comme un psychopathe plus dangereux encore que Toryné, soit pour ce qu'il était vraiment : un homme qui avait traversé de lourdes épreuves et qui s'était sali les mains en chemin.

    Dans ces yeux gris terrorisés, le bourgmestre constatait toute l'ampleur des enjeux qui tourmentaient la jeune femme. Une telle arbalète entre de telles mains. Elle savait indéniablement s'en servir. Toryné avait-il fait d'elle son arme ? Étrangement, cela faisait écho à sa propre relation avec Achroma. Le réincarné avait juré d'être son épée, brandir sa bannière. S'il avait été un roi, Ivanyr aurait été son bouclier-lige mais sa relation avec le vampire n'avait rien de l'abus. La place qu'ils avaient, ils l'avaient librement choisie, en toute connaissance de cause. Aldaron ne lui avait rien imposé. Il ouvrit les bras pour la laisser y trouver le réconfort qu'elle réclamait. Il referma son étreinte avec douceur, caressant son dos avec une tendresse qui lui était propre. Aldaron n'avait jamais eu de gestes brusques, excepté à Morneflamme. Mais Morneflamme était une exception pour beaucoup de choses, alors cela ne comptait pas. « Tu es sous ma protection, Sintharia, autant de temps que tu le voudras, rassure-toi. » Voix grave et ferme pour répondre à la supplique. Oh non, il n'allait pas la jeter à terre et encore moins maintenant ; cela aurait était tellement hors de personnage qu'il ne se serait pas même reconnu en cela. Il n'avait pas reçu l'éducation de gifler une femme après l'avoir laissée dans la poussière, alors qu'elle lui demandait son aide. Une aide dont il avait les moyens, indéniablement.

    Lorsqu'elle alla plus en amont lui expliquer le fond du problème, une fois encore, il garda le silence, digérant la nouvelle, établissant dans son esprit le champ des possibles pour résoudre cette affaire. Autant qu'il lui avait semblé, Toryné aimait la petite, comme sa propre fille. Il avait pris du temps pour elle, pour l'élever. Aldaron était bien placé pour savoir combien le temps était précieux lorsqu'on était un politicien. Est-ce que Sintharia exagérait alors ? Peut-être, mais il avait aussi envie de la croire. Le vampire lui avait paru sous un autre jour, cette nuit d'été, il s'était montré sous un visage qu'il n'avait jusqu'alors pas connu et cette cruauté froide, s'il la connaissait lui-même, il était persuadé de la juguler et de l'orienter par la raison dans des voies plus nobles que l'égoïsme. Lorsque la jeune femme fut calmée, il desserra lentement son étreinte, la couvant toujours de son regard à la fois froid et attentif, d'une dualité remarquable. « J'ai des yeux à Sélénia. Mais vu la situation qui se profile ici-même, je compte bien faire profil bas et ne pas mettre le feu aux poudres. Je vais surveiller Toryné. Je vais surveiller ta fille. Je vais m'assurer qu'elle reste en bonne santé à défaut de pouvoir la mettre en sécurité. S'il vous veut toutes les deux mortes, Sintharia, alors tu dois rester ici, avec moi. Si tu le poursuis à Selenia, je ne pourrais plus te protéger. Ta fille est encore son seul moyen pour t'atteindre, alors reste hors de sa portée, et je ne pense pas qu'il fera du mal à ta fille, dans l'immédiat. Il est parti se mettre à l'abri dans un endroit où je ne peux pas me permettre de l'attraper. »

    Le temps de mettre en place un plan. « Dès qu'il y aura du nouveau, je te préviendrai. Lorsqu'une occasion se présentera, je ferai en sorte de récupérer ta fille. » Il poussa un soupir, laissant retomber ses épaules. « Toryné te connaît bien. Il sait que tu ne tiendras pas en place. Alors ne lui fait pas ce plaisir. Il n'est pas stupide : s'il n'a plus ta fille pour bouclier, je ne donne pas cher de sa peau. » Non seulement pour ce que Sintharia pourrait lui faire, mais, dans le fond des prunelles d'Aldaron, il y avait cette cruauté viscérale qui lui promettait, silencieusement, qu'il serait de la partie s'il fallait transformer Toryné en tapis de cheminée. Et lui, dirigeant du Marché Noir, avait beaucoup plus de moyens que Sintharia pour parvenir à ses fins. « Je vais lui faire parvenir une lettre, si tu le veux, dans laquelle je lui expliquerai que la place de l'enfant d'une citoyenne de Caladon est auprès de sa mère. » Car à présent, elle était citoyenne de Caladon. Et s'opposer au retour de cet enfant était un crime envers Caladon : « Je ne m'attends pas à ce qu'il m'écoute. Je veux qu'il sache qu'il n'a pas intérêt à jouer stupidement s'il ne veut pas m'avoir définitivement à dos. Cela le fera réfléchir à deux fois avant de mettre un plan à exécution. » Car il en mettrait un, c'était certain. « Entendu ? »

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Elle se rassurait au contact de l'homme et finalement un peu de douceur après tout ce qu'il venait de se passer était tout ce dont elle avait besoin se sentir protégé était rassurant et agréable.

- Il ne la tuera pas, il fera pire que ça. Il sera prêt à la transformer plus tôt que prévu et nous n'aurons plus aucune prise, ce n'est pas une enfant vampire sans mémoire que je veux récupérer.

Elle tirait sans mal une carte des îles sur le bureau de l'elfe, glissant son doigt jusqu'à Sélénia. Elle réfléchissait durant quelques secondes avant de poser sa pensée.

- Par chance il n'est pas très discret, mais il connaît mes habitudes. Il ne restera pas longtemps à Sélénia, il y a une vieille ennemie qui serait prête à le tuer si elle en avait l'occasion. Puis elle glissait son doigt jusqu'au royaume elfique. Je suis sûre qu'il n'ira pas non plus ici, il a une ennemie qu'il ne peut mettre à bat. Il aimerait que j'accoure à Aertia, mais il sait que je ne tomberais pas dans un piège aussi grossier, c'est là où il a le plus d'allié comme il a pris soin d'évincer la majorité de ceux qui n'étaient pas de son avis. Où vas-t-on quand l'on craint pour sa vie ? Qui peut nous assurer qu'il ne nous arrivera rien ? Un endroit où les petits oiseaux laissent leur place aux meilleurs chanteurs.

Elle plongeait ses yeux dans ceux de l'homme, elle n'était certainement pas l'être le plus intelligent ou le plus fort, mais elle se contentait d'être maline, et c'était largement suffisant pour survivre.

- Si tu estimes que cela nous sera utile alors fais-le. Tu as mon entière confiance.

Sintharia ne saurait le nier, il avait un doigté habile et une langue qui l'était au moins tout autant, il saurait faire ce qu'est nécessaire, elle non et ce n'était pas de la faiblesse que de s'en rendre compte. Il y a quelques mois, elle aurait refusé son aide et serait certainement tomber dans un piège ridicule, mais aujourd'hui elle savait se poser sur des esprits plus aiguisés que le sien.

- Je n'ai aucunes connaissances politique, je n'ai pas d'armée à te fournir pour affirmer tes positions mais je peux t'aider, tu peux m'utiliser. Sinon je serais un bien mauvais investissement, n'est-ce pas ? Et je n'ai pas envie de découvrir ce que la Triade fait à ses mauvais investissements.

Dans ses mots on pouvait trouver une certaine crainte à laquelle s'ajoutait un ton sûr, elle n'aimait pas rester inactive, et si l'homme avait quelque chose à en tirer ça serait bénéfique pour eux deux, elle avait prouver qu'elle était capable de se servir d'une arme.

- Je me demande tout de même ce qui a pu pousser Aldaron à parier sur une simple courtisane, qui plus est la femme d'un de ses anciens amis. Vous ne m'avez pas recontacté avant de vous assurer que je ne pourrais pas faire demi-tour. C'était bien mené. Aldaron, vous êtes un homme habile et effrayant. Le compliment était franc, on devinait néanmoins un petit quelque chose de charmeur.

Elle était curieuse d'en apprendre d'avantage sur ces faits, elle avait trahi une fois le sang de son sang, elle était curieuse de savoir ce qui avait pu pousser l'elfe à lui faire confiance, sa connaissance des gens ? Où peut-être que lui aussi avait quelques petits oiseaux qui venaient lui chanter des chansons venues de toutes les îles ? Néanmoins, elle omettait volontairement un détail, le fait d'être une courtisane était un pieu mensonge, ce n'était que l'une des nombreuses vies qu'elle avait du mener pour sa propre survie.

Sa curiosité maladive devenait un profond respect et sans doute même une certaine crainte. Elle fonctionnait à l'instinct, si elle craignait une personne, c'est que cette dernière était forcément capable de la tuer ou de la battre à son propre jeu. Et de cette manière, le bourgmestre pouvait s'assurer de la fidélité de l'immaculée, la vie lui seyait bien trop pour qu'elle se risque à la perdre à force de jouer aux infidèles, et elle prenait bien conscience qu'Aldaron n'était pas le genre d'homme avec lequel elle pouvait se permettre de jouer, contrairement à son ancien époux.

Pour ensuite faire baisser la tension de ces instants elle s'occupait de ramasser son arbalète qui était restée à terre, tâchant de ne pas avoir un air menaçant, bien que l'arme n'était même plus chargée. S'asseyant dans un coin de la tente. Puis déterminée à nettoyer l'arme qui avait bien souffert de la catastrophe de Cordont.

- Je ne me souviens plus de ce que c'était d'être vivante. D'être fatiguée ou même dégoûtée. La mort à tendance à tout émousser. J'avais oublié à quel point vivre est compliqué.

Il s'agissait là d'une simple constatation à cause de son nouvel état d'immaculée. Sa transformation en vampire avait balayé tous ses souvenirs, et tout le reste finalement, ça avait été un véritable choc, respirer, sentir son cœur battre, goûter à la pleine mesure de ses sentiments.

- Puis-je vous suggérer quelque chose ?

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    *Et merde.* songea-t-il de but en blanc sans pour autant marquer le moindre doute sur son visage calme et lisse. La destination de Toryné ne lui plaisait pas du tout. Mais alors pas le moins du monde. L'inquiétude, paternelle, croissait en lui, et son esprit, jamais pleinement endormi, évaluait l'arbre des possibles pour prendre position et définir les décisions qui s'imposaient. Car il faudrait en prendre, à présent qu'il avait une pareille information. « Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a l'art de se faire des ennemis... » Comme souvent en politique mais Aldaron était aussi un politicien... Et n'avait pas autant de personnes à son encontre. Il fallait croire que le style hypocrite n'aidait pas à créer des liens durables. Il y avait toujours ce moment où la duperie, mise à jour, laissait entrevoir le revers de la médaille. Aldaron savait mentir et arrondir les angles. Il savait aussi faire preuve de franchise et d'honneur lorsqu'il s'avérait nécessaire d'en user. Il faisait la part des choses, quitte à se faire rouler dessus à avoir joué d'authenticité. Il était plus en phase avec lui-même, et sur le long terme, c'était plus rentable. Il reprit sa place, au bureau, et saisit un parchemin vierge. Contrairement à ce qu'il avait proposé et ce à quoi Sintharia agréait, l'elfe n'écrivait pas à Toryné. Pas tout de suite. Il avait plus urgent avant et surtout, plus important pour son cœur. Quelques soient ses querelles, elles passeraient bien souvent au second rang derrière ses affects.

    Plume trempée dans l'encre, il entamait sa première ligne d'un 'mon fils', net et franc, tandis qu'il écoutait Sintharia. Son travail l'obligeait souvent à écrire et écouter en même temps, l'instant ne faisait pas exception. Il releva les yeux à la franchise du compliment, quelques secondes, autant qu'il savait qu'il y avait bien des lèvres pour prononcer de pareilles caresses. Mais il n'y avait pas de mensonges dans le propos de l'ancienne vampiresse. Le glyphe de sa chevalière d'argent le lui confirmait pleinement. Il reprit son écriture, sans un mot de plus. S'il était le genre de personnage à parler beaucoup, eu égard du métier qui était le sien, il maîtrisait tout aussi parfaitement les silences. La lettre était concise mais parfaitement claire, lorsqu'il la plia et fit couler, à la jointure du papier, la cire. Le sceau de Caladon vint plisser le carmin encore mou avant de se solidifier. Au second parchemin, il l'écoutait toujours alors qu'il entamait cette fois sa lettre d'un 'Toryné' plus raide et froid, dans l'écriture, par rapport aux beaux arrondis de la première missive, en langue elfique. Dans cette lettre, il informait le vampire du rattachement de Sintharia Dalis à la Cité Libre de Caladon. Si l'information était directe et sans fioriture, à n'en pas douter, il y avait en sous-texte qu'il avait pris l'immaculé sous son aile et que l'attaquer reviendrait à s'en prendre à la Cité et à lui-même, ce qui ne serait guère tolérable pour les bonnes relations entre l'Empire Vampirique et l'Alliance. Il appartiendrait à Irina Faust de trancher entre se ranger auprès de son Conseiller ou de l'abandonner en pâture... Et Aldaron comptait bien faire pencher la balance en sa faveur, évidement. Il avait un atout de force pour cela : Achroma. S'il attendait que son amant soit prêt pour un tel essai, il ne doutait pas qu'il ferait mouche auprès de son peuple de la nuit, ayant longuement été, par le passé, le veilleur, l'Aîné, l'homme de confiance de ces éternels.

    En seconde partie de sa lettre, brève mais complète, il sommait le vampire que rendre à une mère caladonienne sa progéniture. Si Toryné pouvait prétendre méconnaître l'appartenance de Sintharia à la Cité Libre au moment de son méfait, après pareille sommation, il ne pourrait l'ignorer. Aussi lui laissait-il le temps de rendre cet enfant avant que son visage androgyne ne soit sur une affiche de recherché. Il doutait qu'il obtempère. Cette lettre n'avait pas l'objectif qu'elle clamait. C'était une mise en garde, ferme et froide, qu'il le plaçait dorénavant dans ses ennemis. S’interrompant avant de signer, à la question de la jeune femme, il releva ses prunelles d’émeraude sur elle, avec cette intensité régalienne qui en marquait l'expression continuellement. « Ne pas mourir ? » tenta-t-il de deviner, ironiquement, à l'issu des propos qu'elle avait précédemment tenus. C'était du moins ce qui semblait en découler naturellement, après le tableau morose qu'elle peignait de la mort. Sans lui laisser le temps de répondre, il poursuivit : « Ton admiration me touche, quand bien même elle ne repose que sur une aura. L'image que je renvoie dois être forte. Cela ne signifie pas que je le sois forcément, là est le mensonge qui est le mien. » Ça n'était qu'un mensonge partiel. Son potentiel, via le secret Marché Noir, était intense, mais en rien invincible. S'il voulait lui faire peur et craindre qu'il ne soit pas à la hauteur de la protection qu'il réclamait ? Pas vraiment. Il lui soulignait toutefois qu'il ne pouvait obtenir tout ce qu'il voulait, humble qu'il était. « Je n'avais pas... Prévu tout ceci. » D'un geste vague de la tête, il désignait la catastrophe de Cordont et les conséquences politiques qui en découlaient, inévitablement.

    « Ni que ton époux irait se cacher... Là où vit le fils que j'ai adopté, il y a deux semaines. L'Enwr Valmys Neolenn Leweïnra. » Là était sa crainte, que l'autre fou s'en prenne au baptistrel qu'il avait choisi de protéger, également, et à qui il offrait une part de son affection. Son regard se baissa sur la première lettre qu'il avait rédigée. « Je lui ai demandé de rester prudent et de signaler à ses Cawrs que Toryné Dalis a, avec lui, une enfant qui n'est pas la sienne et que j'ai appelé à rentrer à Caladon. » Il avait aussi réclamé à Valmys de faire autoriser la présence du Bourgmestre au Domaine, dans le cas où il ait à intervenir directement dans cette affaire. Il avait déjà bien assez avec Cordont... Mais n'était pas à l'abri d'une catastrophe. Le navire qui porterait la lettre au baptistrel resterait probablement plus longtemps au port de Nethéril que prévu. Il ne comptait pas laisser son fils sans renfort... Même s'il doutait que Toryné ait la stupidité d'un pareil acte au sein du Domaine, le vampire lui avait déjà prouvé combien il savait se montrer sot... En particulier devant l'un des dirigeants de l'archipel. Ses affaires personnelles le rejoindraient bientôt, ici, à Cordont lorsque les convois de Caladon arriveraient. Parmi ces possessions, il y avait une pierre de communication qui le reliait à Valmys. Il serait bien plus facile d'échanger avec lui ainsi. « Je compose au fur et à mesure avec les informations qui me parviennent, sans être certain d'avoir un coup d'avance ou un coup de retard. Si tu travailles pour moi, je ne veux pas que tu sois effrayé par mes erreurs, car je ne chercherai pas à les camoufler. Toryné est un homme qui croit en sa perfection. Il dissimule ses échecs pour ne laisser paraître que les victoires. Je crois en mon imperfection. Je crois aussi qu'il y a dans mon parcours, des échecs. Je veux te protéger, mais je peux faillir. Je veux te rendre ta fille, mais je peux faillir également. La seule chose que je puisse te promettre, c'est ma volonté ferme. »

    Il posa longuement son regard sur elle, la détaillant en silence : « Ce que je veux te dire, c'est qu'il y a un avenir possible dans lequel Toryné mord ta fille avant que je ne puisse intervenir. » Il pondéra les mots qu'il venait de prononcer, avant d'ajouter : « Un avenir où sa mémoire disparaît. » Il posa sa plume sur le bureau et s'adossa dans le fond de sa chaise. Il entrecroisa ses doigts et reposa ses mains sur son ventre. Son regard était calme face à la vérité crue. « Tu dois être préparée à cela. Envisager cette possibilité... Et je dis bien : cette possibilité. Car cet échec n'est pas une fin et ne doit pas te faire perdre tout espoir. La perte n'empêche pas d'avancer et de recréer, même si la route est longue, je crois être bien placé pour affirmer cela. Certains vampires parviennent à recouvrir tout ou partie de leur mémoire. On oublie rarement son premier amour. Pas complètement. » Celui d'une mère, ce contact singulier que la petite avait eu contre le sein de sa génitrice. « Quoiqu'il fasse, quoiqu'il t'inflige comme blessure, aucune d'elle ne mettra fin à ton existence si tu en décides autrement. Tu devras te battre. C'est pour cela que je me suis intéressé à toi. Je n'ai pas parié sur une courtisane. J'ai tendu une perche et tu l'as saisie. Cela aurait pu ne jamais arriver. Si j'avais prévu cette fin, cette hypothèse incarnée aujourd'hui, j'en avais prévu d'autres. Soit tu étais fidèle à Toryné, jusque dans sa bêtise, ma tentative aurait été vaine. Un coup dans l'eau, un coup pour rien. Mais je n'aurais rien perdu. J'avais seulement à gagner dans l'hypothèse où tu le quittais. Car si tu le quittais, cela signifiait que tu étais capable de lui tenir tête, de refuser ces mots fallacieux, de te battre... Et si tu étais capable de te battre pour lui tourner le dos, tu serais capable de te battre pour tout le reste. Je n'avais pas besoin de te donner plus, pas besoin d'intervenir avant car si tu avais la qualité que j'escomptais, tu te serais tourné vers moi, forcément. »

    Il reprit sa plume pour signer la lettre et la scella également. « Tu vas faire partie de ma garde rapprochée. Je ne te demande pas de tuer pour moi. Je veux seulement que tu empêches qui que ce soit de m'atteindre. Tu n'es pas la seule dévouée à ce rôle... Peut-être te rendras-tu compte qu'il en a d'autres, à roder autour de moi. » Il eut un sourire en coin, amusé. « Évitez seulement de vous entre-tuer en faisant trop bien votre travail. » Et en imaginant que l'autre est un ennemi plutôt qu'un allié. « Si tu as un doute... Tu n'auras qu'à faire connaissance. Ou venir me demander. » Penchant la tête sur le côté, songeur, malgré le sourire doux qui revenait sur ses lèvres : « Qu'avais-tu à me suggérer ? »

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- J'espère que cela le ramènera à la raison.. Je ne le considère pas perdu pour autant, mes sentiments ne sont pas morts. La mère n'oubliera pas, mais l'épouse pardonnera, il n'a pas toujours été ainsi, depuis quelque temps, il est devenu en quelque sorte.. Paranoïaque, j'aimerais qu'il ne soit pas totalement perdu. Ou plutôt, j'aimerais y croire. Mais vous avez encore une fois un regard plus avisé sur la situation que moi.

Elle était jeune et particulièrement instinctive, elle aimait voguer en fonction de ses émotions, néanmoins elle était prête à faire preuve de prudence et à faire confiance - ce qui était suffisamment rare chez-elle pour le mentionner - au jugement de l'homme. Elle ne se jetterait pas dans un piège.

- Personne ne mourra, du moins, je l'espère, ce n'est pas pour des morts que je veux me battre. Le cœur de l'immaculée se serrait. Nous sommes tous obligés de mentir un jour, de jouer sur les mots, de paraître différents de ce que l'on est. Il faut bien ça pour vivre. Et personne ne peut tout prévoir, sauf peut-être les esprits, fut un temps. Sintharia tentait d'apaiser l'homme, finalement.. Elle n'était peut-être pas à sa place, mais si elle pouvait ne serait-ce que le soulager un peu, elle le ferait et avec plaisir.

Néanmoins, sa conscience de mère refusait de perdre son enfant, pas par la non-mort, surtout pas, cette pensée lui déchirait le cœur, et lui faisait monter légèrement les larmes aux yeux, elle baissait la tête, prétextant observer mieux son arbalète.

- J'ai mis des années à me contrôler en sa présence, elle n'avait que quelques jours lorsque j'ai été mordue, pour un vampire nouveau-né, son ancienne famille ce n'est que du sang. Pour moi ça serait le futur le plus inconcevable qui soit. Et si ça arrive, la chose qui s'éveillera en elle, ne sera plus ma fille. La voix de l'immaculée tremblait, tendis qu'elle faisait mine de se concentrer sur son arme. Ce n'est pas votre échec qui m'effraie, mais le mien en tant que mère. J'ai raté ses premiers pas, ses premiers mots, je suis passée à côté de tout, je me faisais passer pour une vivante parce que je craignais son rejet. Mourir ne me fait pas peur, me battre non plus, mais ça.. C'est bien le pire que je puisse imaginer.

Aucun mensonge une nouvelle fois, son cœur parlait, mais elle pouvait certainement se tromper, les émotions n'étaient pas forcément la raison.

- Je n'étais qu'une catin de Gloria pendant la guerre, semblable à cent mille autres, mais je crois quelque part que c'est elle qui m'a permis de tenir et de ne pas mourir malgré ces vampires qui étaient partout. Et encore, aujourd'hui, je me demande pourquoi il ne m'a pas laissé la tuer, même si je sais maintenant qu'il a toujours prévu d'en faire une de ses filles. Nous avons eut de nombreuses disputes à ce sujet, je n'ai jamais voulu de cette vie pour elle.

Elle venait ensuite s'asseoir en face de l'homme, pas vraiment décider à se morfondre dans son coin, elle restait néanmoins à une certaine distance pour ne pas étouffer l'elfe. Pendant qu'elle parlait, elle avait sortait certaines fioles, de son manteau. Son talent principal restait sa maîtrise de l'arbalète et sa discrétion et en secondaire venait l'usage des poisons.

- Alors ça serait un honneur de vous servir. Aimeriez-vous être au courant de chaque carreau tiré ? Je ne peux pas promettre de ne pas tuer quelqu'un qui vous menacerait ou vous espionnerait.. Mais je peux lui faire chanter le nom de son commanditaire. Et à partir d'un nom, je saurais agir. Elle mettait bien plus que ses lames à sa disposition, mais tout son être. Néanmoins, je ne peux garantir d'être derrière vous pour vous secourir à chaque instant, je ne suis plus un vampire, j'ai besoin de dormir. Elle croisait les bras avant d'observer l'homme. Ne vous en faites pas pour moi, je garde tout jour quelque chose au cas où les choses tournent mal, je suis dure à la douleur, mais pas invincible. Et je n'ai pas prévu de divulguer vos secrets si vous m'en offrez. J'ai néanmoins un cadeau à vous faire, ceci. Elle prenait quelque chose à l'intérieur de sa veste et le glissait sur la table du bout des doigts, un minuscule flacon, rempli d'un liquide transparent Si un jour les choses vous paraissent trop compliqués, ou si la fin est inéluctable, une mort simple et efficace sans douleur, en quelques minutes..

C'était en quelque sorte un cadeau, un cadeau qu'elle lui faisait, il serait dommageable pour le bourgmestre de ne pas en avoir connaissance, le savoir était le pouvoir ainsi il saurait l'utiliser au mieux.

- Je me méfie de tout le monde, Aldaron, c'est le meilleur moyen de rester vivant, et la vie me sied tout particulièrement. Je tâcherais de ne pas entrer trop farouchement en conflit avec vos autres gardes, ni de me faire tuer par eux. Néanmoins, je ne vous demanderais pas leurs noms, je préfère me faire ma propre opinion par moi-même. Après tout avec les airs prédateurs et la tendance à rôder de l'immaculée il n'était pas impossible qu'on puisse la prendre pour un spadassin et ça tombe bien c'était exactement ce qu'elle était, néanmoins qu'on ne le prenne pas pour quelqu'un du mauvais côté serait plutôt bénéfique pour sa propre vie.

Et lorsque l'elfe lui demandait ce qu'elle avait à lui suggérer elle se redressait un peu, et fixait l'homme dans les yeux annonçant d'un ton calme, presque trop calme. Et la chose avait quelque chose de parfaitement effrayant.

- Si un jour ne serait-ce que la pensée de vous trahir me vient à l'esprit, tuez-moi. Mais ne vous contentez pas de me faire égorger par un de vos gardes Elle posait à nouveau un regard sur lui, profond. Que je souffre à la hauteur de votre déception.

Néanmoins, elle se doutait que l'homme ne soit pas forcément enclin à utiliser ce genre de méthode, elle si. Mais certainement pas contre lui, elle le respectait bien trop pour ça et elle n'avait aucun intérêt à l'utiliser contre un homme qu'elle respectait autant.

- Néanmoins, je sais que vous êtes un homme prudent, le poison a tendance à corrompre tout ce qu'il touche, une arme à utiliser à escient, néanmoins cela me rassurerait de vous savoir avec ça. Vous savez vous entourer, j'ai vu lors du congrès que vous parliez à une connaissance commune. Cet elfe aux cheveux blancs.. Un adversaire remarquable, nous nous sommes battus par deux fois, il m'a appris beaucoup de chose.

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    L'elfe écoutait attentivement, sans l'interrompre, sans réagir, se contentant de jauger ses gestes et ses mots comme un enfant découvrait le monde. Il y avait même une certaine curiosité qui brillait dans le fond de ses prunelles, adhérant silencieusement aux pensées qu'elle lui dévoilait. Il parvenait à cerner les désirs de cette jeune immaculée, et de là découlait la marge de manœuvre qu'il lui restait, ou plutôt la marge d'erreur. S'il devait pêcher dans son imperfection. Un fin sourire marqua ses lèvres, au sujet du chevalier baptistral. Tiens, tiens... Son Seö était définitivement une célébrité. Ça ne l'étonnait pas tant de la part du chevalier, c'était un personnage bien particulier qui avait su aller jusque dans l'ombre dans laquelle la Triade s'était retranchée, jadis, pour lui redonner goût à l'amitié. Ses doigts émaciés d'un rose cendré se refermèrent sur la fiole avec laquelle il joua, de cette légendaire agilité elfique, songeur. Ses prunelles d'émeraude contemplaient le liquide transparent qui s'en trouvait à l'intérieur. Il y avait quelques mois de cela, il aurait admis être risible de trouver la souffrance trop grande pour vouloir mourir et en finir. Mais depuis le retour d'Achroma, la donne avait complètement changé. Il connaissait le prix fourbe à payer pour rester, tant qu'il ne voulait plus refaire cette traversée du désert seul. Il n'y aurait pas d'après, pour lui, si Achroma venait à mourir à nouveau. Le simple fait qu'il s’intéresse à cette fiole ne faisait que prouver, silencieusement, à Sintharia combien sa pensée avait évolué depuis son entrevue avec les Dalis. Cette soirée du mois d'août, il avait affirmé aux vampires qu'il ne les craignait pas, qu'il n'avait pas d'âme qui puisse lui être arrachée pour le faire souffrir. C'était faux aujourd'hui. Il y avait un homme qui pouvait causer sa perte autant qu'il incarnait sa délivrance, il s'agissait d'Ivanyr.

    Il redressa ses prunelles aux couleurs de la forêt sur l'immaculée, réalisant qu'il avait gardé le silence plus que de mesure. « Je ne te tuerai pas Sintharia. Même si tu venais à me trahir. Il y a bien pire que mourir en ce monde : c'est de rester. » Rester pendant que ceux qui lui avaient été chers rejoignaient un à un le monde de Mort. Rester en vie à Morneflamme et après, pendant de d'autres avaient été délivrés de ce fardeau. Rester et avancer encore pour payer cette dette qui avait sali ses mains de sang. Combien de fois avait-il rêvé d'avoir un adversaire à sa hauteur pour être capable de l'éliminer et mettre un terme à son agonie solitaire ? Même aujourd'hui, au sommet de Caladon, il aspirait à tomber sans parvenir à s'y résoudre. Son monde était celui de l'ombre, du Marché Noir, pas de la lumière. Mais il y avait cette dette sur son cœur qui le faisait rester. Rester encore. « Tu as le droit de me trahir, si c'est ce que te dit ton cœur. Je ne suis pas un tyran ni un geôlier. Tu es libre, si tu le souhaites. Tant que tu me sers, je te protégerai. Lorsque tu voudras partir, tu le pourras, ma mission s’achèvera là. Je n'oblige personne à me suivre, et c'est bien pour cela qu'il y a autant de personnes qui le font. » Les gens n'aimaient pas les chaînes et c'était bien parce que le Marché noir laissait ses membres libres qu'il avait autant d’adhérents... Et même des adhérents qui l'ignorent ? « Et c'est bien pour cela, aussi, que nombre de mes hommes n'auront pas besoin de mon ordre pour t'éliminer si tu deviens un danger pour moi. C'est leur choix, de me protéger. Comme tu le fais aujourd'hui. » Il se leva de sa chaise et alla ranger la fiole dans l'un de ses sacs. Défaisant son armure, il la retira assez rapidement. Le mithril était une matière solide mais très légère, qui convenait parfaitement à un archer. « Seö est un ami qui m'est proche. J'ai été son témoin lorsqu'il s'est marié, il y a peu à Caladon. »

    Son sourire en coin vint à s'élargir, torve devant la plaisanterie : « Cela me rassure, en un sens : au moins, je ne fais pas que défaire des couples. » Il roula des yeux, semblant briser la glace de la royauté pour s'afficher plus humain. Mais de toutes évidences, il n'avait rien brisé dans le cœur de la jeune femme. Elle aimait toujours son créateur, elle avait seulement ouvert les yeux. C'était le plus important. S'approchant d'elle, il leva les deux mains vers le visage de Sintharia et ses doigts effleuraient à peine ses pommettes, délicatement. Les yeux baissés sur elle, il aspirait les sentiments négatifs de la mère tourmentée pour la débarrasser de ce fardeau. La peine était canalisée dans son vêtement qui semblait luire d'une aura de pureté et lui redonnait une énergie dont il manquait. Voilà qui faisait d'une pierre deux coups. « J'ai un fils, moi aussi. Un garçon que j'ai eu alors que je n'étais pas encore capable d'affirmer une paternité sereine. J'ai échoué, auprès de lui. J'ai raté ses premiers mots, ses premiers pas. Je suis passé à côté de tout. Pour autant, qui qu'il soit aujourd'hui, qu'importe ce qu'il deviendra demain... Je l'aimerai toujours. Ce sera toujours mon fils. Et ta fille... Sera toujours ta fille, quoiqu'il se passe. » Il vint replacer une mèche des cheveux de la jeune femme derrière son oreille, d'une manière très paternelle. Ses prunelles, d'une intensité verdoyante, ne la quittaient pas du regard. Elles lui offraient sa complète attention et le miroir de ses sentiments. « Ne fais pas l'erreur de croire que qu'elle ne représentera plus rien pour toi, si cela venait à se produire. Et si je me trompe... Alors, c'est qu'il y a quelque chose de brisé en toi qu'il te faudra vraiment reconstruire. »

    Ah tiens, ça lui revenait maintenant. Ce visage, il s'en souvenait, elle l'y avait aidé. « J'ai vécu plusieurs siècles à Gloria... » expliqua-t-il, alors qu'il ne pouvait empêcher un sourire gêné de naître sur ses lèvre : « Je connais ses rues par cœur... Et ses catins aussi. Autrefois, je n'étais pas aussi sérieux. » Il eut un bref rire, aussi amusé que prude. Il n'évoqua pas d'avantage ce qui avait pu se produire. Elle était bien assez maligne pour comprendre qu'il avait goûté à sa chair bien avant ce pauvre Toryné. Quant à savoir si c'était un mensonge ou une vérité, il n'y avait bien qu'Aldaron pour s'en souvenir. « Ce que ton époux a fait pour toi et pour ta fille était encore ce qu'il y avait de mieux à faire, après ta transformation. S'il est devenu fou, j'espère qu'il saura se souvenir de ce qu'il y a de bon pour vous tous. Il va me falloir un peu de temps et quelques rencontres avec... Certaines personnes et je devrais finir par le mettre dos au mur. S'il a viré paranoïaque, ce sera le seul moyen de discuter avec lui. Je t'avoue que cela fait longtemps que je n'ai pas eu un défi de cette envergure. » Un sourire en coin. Au fond de lui, ça l'amusait. Toryné était un challenge qu'on lui lançait et qui lui plaisait. Il s'en serait donné à cœur joie dès maintenant s'il n'avait pas eu tout cet imbroglio à Cordont à s’occuper. Le temps n'était forcément à jouer en sa défaveur. Il était un homme patient. « La mort t'a isolée. Ici, tu n'es plus seule. Seö est resté pour me protéger. J'ai confiance en lui, s'il t'a appris certaines choses, je ne doute pas qu'il t'en apprendra d'autres à présent. Lorsque ma Lame sera à Cordont, je te la présenterai. Tu pourras rendre des comptes, à lui ou à moi pour tes carreaux tirés et pour les noms de commanditaires qui te seront donnés. Et sois prudente. »

    Il la jaugea du regard, un instant : « J'ai besoin que tu me parles de Toryné. Sa relation avec ta fille. Les noms de ses alliés, ceux de ses ennemis. Sa relation avec la nouvelle princesse, Irina Faust. Les choses qui ne pourront jamais être détruites dans son cœur, même avec cette folie. Ses projets. » La trahison. Était-elle capable d'aller à ce point ? Qu'était-elle prête à lui donner comme information ?

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- Je ne crains pas la mort, mais je ne sais pas si je crains de rester. Je laisse ça aux philosophes. Je ne suis qu’une simple hédoniste et une romantique, tant qu’il y aura plaisir et amour dans ce monde, je ne devrais pas vraiment en souffrir.

Une pensée douce et naïve qui pouvait facilement prêter à rire, cependant elle n’était pas stupide, clairement ça ne lui suffirait pas pour rester en vie, elle se protégerait de l’ennui et de la solitude et le reste ? Une vie creuse sans vraiment de sens.

- La trahison est l’arme des indécis, une arme que finissent par utiliser les gens qui l’ont subie. Je n’ai pas ce droit, j’ai choisi mon camp, ce n’est pas pour abandonner en cours de route. Néanmoins le sujet de celui qui serait en mesure de la tuer, la mettait relativement mal à l’aise. J’espère en tout cas qu’il n’y aura pas de malentendu.

La vie lui paraissait bien trop agréable pour la perdre à cause de cela, elle aimait la vie et surtout elle commençait enfin à s’habituer à la vie.

- Oh, il ne m’a même pas invité ! Un homme droit et juste, mais peu habitué à la traîtrise.. Elle prenait un air faussement vexé, qui illuminait ses prunelles argentées de la même lueur qu’ont les enfants mécontents et privés de dessert. Peut-être que vous n’avez rien défait, seul le temps nous le dira, il suffit d’y croire pour laisser une chance à une idée.

Elle ignorait si l’elfe savait s’il y avait une chance de récupérer l’esprit du patriarche Dalis, elle semblait vraiment s’en soucier, elle n’avait toujours connu que lui et l’idée de vivre sans lui ou pire qu’il la haïsse la rendait malade.

Le cygne noir levait un regard doux vers l’homme pendant qu’il s’approchait, elle appréciait le fait qu’il se débridait au fil de la conversation, ses gestes étaient doux et suffisaient à apaiser les doutes de l’ancienne vampire. Elle ne peinait plus à soutenir le regard de celui qui avait parvenu à lui faire ouvrir son cœur. Il avait sans doute raison, rien ne pourrait changer sa relation avec sa fille.

- J’espère que vous en gardez un bon souvenir, j’aimerais pouvoir en dire autant. Mais je ne regrette pas cette époque. J’y ai beaucoup appris quelque part, des choses qui m’ont permises de survivre et d’avoir la vie que je mène aujourd’hui.

Elle ne semblait nullement choquée par cette information, ils avaient été nombreux les hommes qui avait fait ça, un de plus ou de moins ne changerait pas grand chose. Mais la pensée l’amusait voir elle ouvrait d’autres portes.

- Toryné a toujours été plus proche de Farianthe que moi, elle est persuadée qu’il s’agit de son vrai père, elle l’aime d’un amour véritable que seuls les enfants ont et lui l’aime comme un père aime sa fille. Elle a toujours été sacrément gâtée et a reçu le meilleur. Elle est pure et innocente.

Sintharia eut un léger sourire à cette pensée, teintée de mélancolie.

- Il a un ennemi qui traînerait aux alentours de Sélénia, le commandant des armées, le Fléau Rouge, je sais que Toryné était dans son escadron lors de son service, ils étaient pourtant relativement amis, mais il semblerait que leur dernière rencontre, ce soit mal passée. Néanmoins, je doute que vous parveniez à en tirer grand chose, il est bien moins mesuré que vous, et avec tout le respect que je vous dois vous êtes un elfe, et son esprit à été grandement formaté à haïr les vôtres, voir à les tuer sans grandes raisons, un véritable problème pour le royaume vampirique même. Et je crains que nul garde ne suffise à vous protéger si vous tombiez dans son ire. Peut-être que l’odeur du sang l’attirera ici, auquel cas je ne peux que vous recommander d’être prudent vis-à-vis de cet individu. Il y a aussi sa génitrice, mais je ne l’ai jamais vue et il en parle très peu.

Une sage recommandation, l’être n’avait rien d’amical, mais il était à peu près l’ennemi de tous ceux qui ne pensait pas comme lui, ou qui n’était pas le royaume vampirique. Un véritable fléau qui pourrait fondre sur ses ennemis si la guerre se déclarait.

- Pour le reste, j’ignore tout de ses relations avec Irina, depuis notre première rencontre, il m’a soigneusement écarté de la moindre chose en rapport avec la politique, je ne peux que supposer qu’il l’a déjà rencontré, il est conseiller après tout. Les petits oiseaux que je laissais chanter au royaume, ce sont soudainement tu.. Peu de temps après cette nuit-là, une nuit ou nous nous sommes rudement disputer au sujet de l’avenir de notre famille à Caladon, il peut se montrer buté, mais moi encore plus, j’ai eu du mal à tolérer qu’il piétine mes sentiments dans la foulée, j’ai longtemps songé à vous rejoindre bien plus tôt, mais en temps que fille, je devais lui rester fidèle et ma fidélité continuera à lui aller tant que je ne l’aurais pas sauvé de cette folie. J'ai su que je ne pourrais rien faire seule le jour où il a lever la main sur moi.

Il n’y avait dans ses mots aucun mensonge, et elle était bien désolée de ne pas pouvoir mieux soutenir le Bourgmestre. Il n’y avait pas plus d’accusations, les oiseaux étaient faciles à trouver pour peu que l’on a les moyens et la patience de les éduquer.

- Néanmoins, je ne tolérerais qu’aucun mal lui soit fait, je ne désire pas sa mort, juste retrouver la personne que j’aime, il reste mien et je suis sienne. Je pourrais le faire abdiquer, mais je ne m’y risquerais pas tant qu’il aura ma fille.

Le ton de sa voix laissait transparaître l’écrasante vérité, dévoilant une volonté que rien n'ébranle et qui pousse au respect de part son jeune âge.

- Je n’ai pas envie d’être un pion dans votre jeu, j’aimerais garder ma neutralité, j’ai un grand respect pour vous deux, et ne désire pas vous perdre. Mais ne me faites pas avouer des choses que je pourrais regretter, Aldaron. Un pli soucieux barrait le front de la fille Dalis, elle révélait finalement un tempérament empathique.

L’immaculé regardait ailleurs d’un air légèrement gêné, elle ne savait pas mentir, elle aurait pu le faire, raconter des choses fausses ou se débarrasser de cette conversation qui la gênait, mais elle n’en faisait rien parce que la franchise était quelque chose de primordiale dans ce genre d’entreprise.

- Tant qu’il n’y aura pas de mensonge entre nous, tant que la confiance régnera, je ne faillirais pas, doutez une seconde de moi et là, je commencerais à faire des erreurs et à faillir.

Sintharia montrait une vraie volonté de faire de son mieux, mais elle avait besoin d’un peu d’aide pour atteindre l’excellence, quelque chose qui ne payait pas de mine, mais qui était primordial.

- Je n’ai pas grand chose d’un garde du corps, mais je peux m’y essayer. Je peux empêcher une lame de vous atteindre et un poison de vous tuer. Et surtout punir la personne qui l’a voulu. Et je n’aurais pas besoin d’or, de titre ou de permission pour le faire, je ne suis pas une mercenaire, je préférerais être votre amie, Aldaron.

L’immaculée fouillait dans une corbeille de fruits d’un air presque mutin puisqu’elle n’avait pas vraiment la permission, à la recherche du délicat met qui lui plaisait tant depuis qu’elle avait découvert le fait de manger autre chose que du sang. Néanmoins, elle écartait soigneusement le butin du reste des fruits, se rabattant sur une simple pomme. Mâchonnant le fruit d’un air pas vraiment ravi, elle n’aimait pas vraiment ça, mais son ventre réclamait, dure vie que d’être un être qui a faim.

- Je serais vous, j’éviterais de toucher aux pêches, elles sont gâtées. Il faudrait penser à remercier l’homme qui a fait ça, quel horrible crime de gâter la meilleure découverte du monde.

Bien entendu, le terme n’était pas correct, mais le message était clair face à ce qu’elle avait dit juste avant. Elle pourrait le faire, mais elle n’aurait pas besoin de nom, elle l’avait déjà. Elle attendait l’ordre tout simplement et l’histoire serait réglée cette nuit-là avant l’aube.

Ses capacités d’observation et d’analyse étaient particulièrement effrayantes, elle vivait dans ce monde depuis pratiquement toujours, elle avait appris auprès des meilleurs maîtres, et elle était prête à s’en servir pour lui. Et peu étaient dignes de recevoir cet honneur de la part du cygne noir. Elle n’avait besoin que d’un peu de carburant : la confiance.

descriptionCet avenir qui m'effraie tant. - Aldaron. EmptyRe: Cet avenir qui m'effraie tant. - Aldaron.

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    Peut-être n'avait-elle jamais eu à rester pour ignorer le mal que cela infligeait. Lui, il était resté. Après Achroma. Après Dawan. Après les Anciens. Après Cercëe et Corine. Après Morneflamme. Pendant des siècles, il était resté après les Hommes, chaque fois que l'âge les emportait et lui, l'elfe demeurait. Elle était encore trop jeune immortelle pour avoir senti les êtres chers lui filer entre les doigts, saisis par les griffes de l'implacable trépas. Celui dont personne ne revient, jamais. Excepté Ivanyr. Son cœur se serrait en pensant à lui, réalisant qu'il lui manquait, qu'il n'avait pas le temps, dans le chaos résolument installé à Cordont de le contacter, de le rassurer, de l'apaiser. C'était dans ce genre de situation qu'Aldaron ressentait pleinement l'esprit-lié qu'ils partageaient et qu'ils n'avaient pas encore appelé. Celui de l'inséparable. La fatigue avait une plus grande emprise sur lui, lorsque le vampire n'était pas à ses côtés, et pas seulement pour le confort que lui apportait sa Lame Blanche en le protégeant. C'était bien plus que cela.

    « Parfait. » confirma-t-il lorsqu'elle exposa ne vouloir aucunement le trahir maintenant qu'elle avait choisi son camp. Sintharia n'était pas une sotte fille : trahir c'était se faire des ennemis en tous bords. Le Prince Noir Saeros avait excellé jadis en la matière et s'il était resté assez longtemps en vie pour avoir réussi à trahir tout le monde, force était de constaté que ce n'était que parce que ça puissance en avait tenu plus d'un en respect. Et pourtant... Il était mort maintenant. La justice l'avait rattrapé... Enfin, la justice était un bien grand mot. On pouvait y mettre toute sorte de bêtises. Comme la vérité, le justice était hypocrite, tellement subjective. Il n'en existait pas qu'une.

    Le torse de l'elfe se soulevait d'un soupir. « Certainement. » Qu'il en gardait un bon souvenir. Lui aussi avait été un hédoniste, recherchant le plaisir pour oublier le peuple auquel il ne pouvait plus appartenir. Pour les elfes, il avait été l'Indigne, celui qui ne voulait pas se plier au dogme. Il aurait aimé vivre avec le peuple de la forêt, il n'aurait pas eu cette plaie ouverte dans laquelle on remuait continuellement un couteau. « Dommage que tu ne t'en souviennes pas. » Probablement auraient-ils eu plus à partager, à l'heure actuelle. Même s'il l'avait payée, il n'en demeurait pas moins vrai que partager un lit créait une indicible proximité qui se préservait avec le temps. Une confiance étrange, sibylline. Il n'avait jamais fait d'elle un objet. Elle, ni aucune autre. Elle aurait eu alors le souvenir de son respect et de sa tendresse, qui même s'ils existaient encore aujourd'hui, au cœur de leur conversation, étaient plus froids et distants.

    Prenant des notes mentales sur ce qu'elle lui offrait, l'elfe n'y trouvait pas tant son compte, pas la moindre amorce qui puisse l'aider à faire sa prise et à s'accorder des alliés. Peut-être valait-il mieux, au fond. Tant qu'il agissait par lui-même, il était certain qu'il ne tuerait pas pas Toryné. Se faire des alliés parmi les ennemis du vampire, c'était aussi prendre le risque que leurs intérêts personnels ne dépassent leur but commun. Que ferait-il de la dépouille de Toryné Dalis ? Rien, sinon un martyr, et il ne voulait pas de cela. Le Fléau Rouge était trop instable pour être un soutien et des inconnus trop vagues pour l'être d'avantage. « Très bien. Je ne te forcerai pas à d'avantage. » Il eut un sourire en coin, presque taquin. « Et je ferai jeter ces pêches. »

    Il reprit place dans l'assise de sa chaise, comme s'il repoussait le poids de la fatigue pour rester éveillé, encore un peu. « Tu es un pion, Sintharia, dans mon jeu. » Lui confirma-t-il au contraire de ce qu'elle lui demandait. Probablement était-ce cru, comme affirmation, mais s'il y avait bien une chose qu'il offrait à chacun de ceux qui le suivaient, c'était sa sincérité. « Mais je ne suis pas un joueur comme il en existe tant chez les vampires. Chacun de mes pions m'importe. Il n'y en a pas un qui soit sacrifié sans qu'il ne l'ai accepté, sans qu'il n'ait conscience de ce que son rôle implique. Être mon pion, ce n'est pas être de la chair à canon. Sois en assurée, ce n'est pas parce que tu te trouves là où je veux que tu sois que je ne souhaites pas ton bien. » Ses prunelles d'émeraude reposaient fermement et calmement sur les iris orageuses de l'immaculée. Il avait le charisme gravé dans ses traits, de plus en plus avec le temps, à mesure que le Marché Noir devenait plus puissant, son aura de détermination lui conférait une place confortable en apparence.

    « Accepte l'idée d'être manipulée, car ce sera le cas. L'amitié est une forme de manipulation, comme l'amour, que les croyances populaires ont élevées au rang d'acte sain. Me demander mon amitié en refusant de te soumettre à ce que je peux te suggérer... C'est la réfuter. » C'était demander une chose et son contraire : « Cela te fait vraiment si peur ? T'ai-je donné l'impression une seule fois de ne pas agir pour ton bien ou pour ceux des êtres que je protège ? » Il croisa ses doigts entre eux pour reposer ses mains sur son ventre, pensif. « J'ose espérer être quelqu'un intègre. Lorsque je mens, je le fait pour protéger. Lorsque je vole, lorsque je tue, je le fais pour protéger. Lorsque j'agis, je suis capable d'expliquer pourquoi, d'expliquer la logique sous-jacente. Si tu as le moindre doute, un jour, viens me voir. C'est comme cela que fonctionne l'amitié. Ça n'est pas en commençant à faire des erreurs dans la déroute que tu comprendras mes choix, c'est en obtenant des explications. »

    Un sourire doux et patient étirait ses lèvres pour conclure : « J'ai besoin de me reposer à présent, si tu le veux bien. Lorsque nous rentrerons à Caladon, nous aurons plus de temps pour en passer ensemble, se découvrir et nouer une amitié. Ces derniers jours et pour ceux à venir, je ne suis plus tant Aldaron. Je suis le Bourgmestre de Caladon. » Plus que jamais, pour éviter la guerre. C'était avec une telle discipline qu'il avançait le plus droitement possible.

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L’immaculée retint un sourire à cette pensée, elle aurait aimé dire qu’elle tentait de se souvenir de cette tragique époque, une période sordide remplie de gens sordides, et au final elle ne pouvait qu’imaginer ce qu’il s’était vraiment passé, elle avait oublié..

- Je crains qu’à l’époque nul ne se préoccupait des putains, et même encore aujourd’hui. Et si je suis en vie, c’est que quelque part vous avez contribué à ma survie et ça je ne peux pas l’oublier.

Elle ne devait son salut qu’aux hommes qui avaient été prêts à payer pour elle, sinon elle aurait tôt fait de mourir de maladie ou peut-être juste de faim. Vivre la nuit n’offrait jamais de mort digne ou juste. Alors quelque part tout ce dont elle avait aujourd’hui elle le devait à ses hommes qui avaient tous participer à sa survie d’une manière si particulière. Il était facile de deviner sa pensée derrière ses paroles.

- Une arme est faite pour être utilisée, utilisez moi quand et comme bon, il vous plaira. Elle inclinait légèrement la tête.

C’était toujours ainsi qu’elle avait été perçue et qu’elle se percevait, à travers ses armes qui agissaient comme une armure, et elles étaient un atout de taille dans la vie qu’elle avait choisi de mener.

- Excusez-moi, Aldaron, je n’étais pas à ma place. Avait-elle cru un seul instant qu’elle pourrait poser ses propres conditions ? Ou peut-être désirait-il lui faire croire ? Vous êtes bien plus avisé que moi en toute chose, je vais donc me reposer entièrement sur votre jugement et vous faire confiance.

L’immaculée comprenait les mots que lui tenait le bourgmestre, baissant les yeux quelques secondes pour être bien sûre de leur sens, la franchise voilà ce qu’elle avait en parti demander, elle l’avait obtenu, et elle ne pouvait plus chasser cette dernière à présent. En d’autres temps, elle aurait été vexée de se faire ainsi gentiment taper sur les doigts, sans doute, serait-elle parti même, mais pas ce soir, il lui donnait une leçon de Confiance et elle allait bien la prendre en compte.

- De mon avis de simple fille de nuit, vous êtes quelqu’un d’intègre, et j’espère apprendre beaucoup de vous, ne serait-ce que pour être une personne meilleure et vous servir vous ou votre cause de la meilleure manière qui soit. Je ne voulais pas remettre vos paroles en doute. Être un pion, un cavalier ou une reine sur un jeu, quelle différence ? Je n’ai pas pour habitude de m’offusquer que l'on me considère ainsi.

L’homme était cruel, peut-être même d’avantage que son époux, il lui paraissait dur et sévère et savait par avance que la moindre erreur lui coûterait. Néanmoins, il ne semblait pas jouer avec les sentiments et pour elle, c’était déjà un bon point. Elle frémissait, la fraîcheur de la nuit devenait plus présent à mesure que les heures les plus froides approchaient. Et à sa demande elle se levait et arrangeait rapidement sa tenue.

- Je ne peux que vous souhaiter une bonne nuit, tâchez de ne pas vous surmener. Le monde a besoin de vous.

Il était inutile de dire qu’il saurait où la trouver puisqu’à partir de cet instant, elle serait tapie dans l’ombre jamais bien loin, car même si elle ne montrait jamais de trace, elle honorait toujours sa parole. Elle s’inclinait poliment avant de sortir.

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