22 Novembre 1762.
Il pleuvait doucement sur la perfide et les gouttes de pluies qui filtraient du toit de chaume se mêlaient à la poussière, à la boue et au sang qui maculaient le bois vermoulu de la plateforme perchée sur une mangrove. C'était une petite plateforme recouverte d'un amas d'argile et de paille et de feuilles séchées, mise à nue, sans artifice. De nombreuses plateformes comme celles ci accueillaient souvent le fond du fond du panier de la cité, les mendiants soit trop estropiés, soit trop orgueilleux et stupide pour se faire esclave, qui n'auraient aucun espoir de ne pas finir au fond de l'eau, dévoré par les bêtes. Pourtant cette plateforme ci portait l'odeur du sang et de la mort et tous l'évitaient en dehors des capitaines. Elle était assez surelevée pour que personne ne vit ce qui s'y passait, mais aussi pour que tous puissent entendre les cris d'horreur, de douleur et d'agonie qui en sortaient. Il fallait bien que les capitaines aient un endroit pour effectuer certains sales boulots et cette idée venait d'ailleurs de celle qui s'occupait de l'aménagement de al cité pirate, et elle se trouvait en pleine séance à ce moment.
Kalza'ah expira une bouffée de tabac, son agacement brutal se muait tranquillement en exaspération. Elle n'avait pas le temps d'être là aujourd'hui. Elle n'avait pas le temps de s'occuper correctement de ses clients, de ses expéditions, de ses projets personnels et de l'entretien de la cité, dont l'étanchéité des toits qui gouttaient, et encore moins de temps pour ce qu'elle était en train de faire. Un problème mineur mais assez gênant pour devoir être régler rapidement venait de se frayer un chemin dans son emploi du temps à son grand dam.
Alors avec la même précision, avec le même espoir de voir cette séance se termine et en y mettant plus de rage elle refit claquer son fouet de cuir à la poignée à tête de Graärh. Le fil cuisant ondula et émit son clac retentissant, la magie funeste laissant son impression malsaine dans l'air et une trace violacée sur la peau qu'elle frappa. Une nouvelle gerbe de sang, mêlée de pus, gicla sur le sol, qui goutta de plus belle et se perdit dans les profondeurs du marais où d'étranges créatures se mouvaient, rendues folles par les touches de nectar délicieux qui leur arrivaient du ciel.
Mais elles attendraient.
Car l'elfe au dos mis en charpie ne broncha pas plus que lors des précédents coups. Kalza'ah expira une nouvelle bouffée avec plus de lassitude. Le pauvre hère était tellement résigné, tellement recroquevillé au plus profond de sa petite tête, dans l'état le plus misérable, qu'il n'en restait rien. Quelque part elle le savait mais elle refusait de l'admettre et persistait à espérer qu'il se décide enfin à révéler son secret. Ce n'était pourtant pas compliqué. Ce n'était qu'une petite bavure sur sa fiche de compte, qu'une petit trou dans sa bourse de pièces mais qui pourrait rapidement s’aggraver si elle n'y faisait rien.
Alors qu'elle inspectait tranquillement son marché, elle avait reçu un rapport de ses petites pattes noires qui travaillaient à sa paperasse et à ses comptes. Les jeunes esclaves de son harem avaient compilé les lettres de clients mécontents et fourni un compte rendu assez complet et plein de petites courbettes honteuse. Le papier était mauvais, il avait de quoi la mettre en rage et ses petites pattes avaient désignée volontaire une petite jeunette pour le lui apporter. Elle avait donc désigné elle aussi la jeunette, mais pour donner les coups de fouets à sa place à ses camarades pour leurs couardises et à elle même pour sa faiblesses. Les mauvaises nouvelles étaient tolérables, mais une telle attitude de soumission mal placée dans son propre harem, dans la meilleure caste de femmes criminelles, c'était impensable.
Ce fameux texte relevait un problème d'ordre de l'après vente. C'était encore une surprise pour l'ancienne Aaleeshaan. Elle n'était pas marchande dans l'âme et avait encore beaucoup de mal à planifier ou anticiper très loin dans le futur quand elle agissait. Pour elle, une fois l'esclave vendu et expédié, elle n'avait plus à s'en soucier, c'était aux maîtres de faire leur travail pour le garder et compléter son éducation. Mais bon, apparemment les nobles peux-nues étaient tels des enfants et avaient besoin qu'on les traîne par la main, jusqu'au bout...
Le système de tatouage sur la peau, ou de marquage au fer rouge sur la fourrure venait de rencontrer un obstacle. Les esclaves se libéraient de leur chaines, s'enfuyaient et faisait soigner leurs marquages, rétablissant leurs liberté et compliquant leur remise sous les fers. Au dela de l'aspect techniquement gênant et pénible en ressource et efforts, c'était surtout une blessure d'orgueil qu'on lui infligeait. Ces êtres étaient des esclaves pour toujours et ils n'avaient pas le pouvoir d'effacer la marque sur leurs corps qui les désignait comme tel. Ils ne pouvaient pas supprimer ce moment de leur vie où ils étaient tombés plus bas que terre et s'était soumis à son pouvoir. Ils n'en avaient pas le droit.
Aujourd'hui, sous la pluie ruisselante et tiède d'Athgalan, elle se vengeait sur l'un de ces soigneurs/affranchisseurs elfiques que le capitaine des assassin avait réussi à trouver et lui ramener. S'il savait comment supprimer un tatouage ou une marque de brûlure, il saurait sûrement comment la rendre permanente en inversant son sort. C'était ce à quoi elle se raccrochait avant mais devant le mutisme de sa victime elle s'était finalement résignée.
"Bon. Ça suffit. Nous allons chez l'alchimiste. Allez lui annoncer ma venue et exposez lui mon problème. Evitez de lui servir la même soupe insipide et mielleuse qu'à moi, je lui épargne ce supplice car j'ai besoin de son talent."
Elle s'adressait à la suivante patte noire qui la suivait pour la matinée mais aussi au grand pirate esclavagiste qui arrondissait ses fins de mois en jouant les larbins à gros bras pour elle.
"Vous ramènerez celui là également, on fera les tests de tatouage et de fer rouge sur lui, autant qu'il serve à quelque chose avant qu'on le jette dans le marais. Et bien qu'attendez vous ? Que la pluie s'arrête ? Allez !"
Et Kalza'ah bourra son calumet d'herbes plus relaxantes pour se reposer après sa séance de travail tandis que ses serviteurs s'activaient pour organiser la rencontre avec l'artisan de l'occulte. Elle relacha la pression contenue dans ses épaules et laissa ses paupières se clore lentement.
C'était parfois dur de diriger autant d'incompétents et de gérer autant de tâches mais elle n'y pouvait rien.
Elle avait vraiment l'esclavage dans la peau.
Dernière édition par Kalza'ah Ashuddh le Jeu 17 Jan 2019 - 17:00, édité 1 fois
Il pleuvait doucement sur la perfide et les gouttes de pluies qui filtraient du toit de chaume se mêlaient à la poussière, à la boue et au sang qui maculaient le bois vermoulu de la plateforme perchée sur une mangrove. C'était une petite plateforme recouverte d'un amas d'argile et de paille et de feuilles séchées, mise à nue, sans artifice. De nombreuses plateformes comme celles ci accueillaient souvent le fond du fond du panier de la cité, les mendiants soit trop estropiés, soit trop orgueilleux et stupide pour se faire esclave, qui n'auraient aucun espoir de ne pas finir au fond de l'eau, dévoré par les bêtes. Pourtant cette plateforme ci portait l'odeur du sang et de la mort et tous l'évitaient en dehors des capitaines. Elle était assez surelevée pour que personne ne vit ce qui s'y passait, mais aussi pour que tous puissent entendre les cris d'horreur, de douleur et d'agonie qui en sortaient. Il fallait bien que les capitaines aient un endroit pour effectuer certains sales boulots et cette idée venait d'ailleurs de celle qui s'occupait de l'aménagement de al cité pirate, et elle se trouvait en pleine séance à ce moment.
Kalza'ah expira une bouffée de tabac, son agacement brutal se muait tranquillement en exaspération. Elle n'avait pas le temps d'être là aujourd'hui. Elle n'avait pas le temps de s'occuper correctement de ses clients, de ses expéditions, de ses projets personnels et de l'entretien de la cité, dont l'étanchéité des toits qui gouttaient, et encore moins de temps pour ce qu'elle était en train de faire. Un problème mineur mais assez gênant pour devoir être régler rapidement venait de se frayer un chemin dans son emploi du temps à son grand dam.
Alors avec la même précision, avec le même espoir de voir cette séance se termine et en y mettant plus de rage elle refit claquer son fouet de cuir à la poignée à tête de Graärh. Le fil cuisant ondula et émit son clac retentissant, la magie funeste laissant son impression malsaine dans l'air et une trace violacée sur la peau qu'elle frappa. Une nouvelle gerbe de sang, mêlée de pus, gicla sur le sol, qui goutta de plus belle et se perdit dans les profondeurs du marais où d'étranges créatures se mouvaient, rendues folles par les touches de nectar délicieux qui leur arrivaient du ciel.
Mais elles attendraient.
Car l'elfe au dos mis en charpie ne broncha pas plus que lors des précédents coups. Kalza'ah expira une nouvelle bouffée avec plus de lassitude. Le pauvre hère était tellement résigné, tellement recroquevillé au plus profond de sa petite tête, dans l'état le plus misérable, qu'il n'en restait rien. Quelque part elle le savait mais elle refusait de l'admettre et persistait à espérer qu'il se décide enfin à révéler son secret. Ce n'était pourtant pas compliqué. Ce n'était qu'une petite bavure sur sa fiche de compte, qu'une petit trou dans sa bourse de pièces mais qui pourrait rapidement s’aggraver si elle n'y faisait rien.
Alors qu'elle inspectait tranquillement son marché, elle avait reçu un rapport de ses petites pattes noires qui travaillaient à sa paperasse et à ses comptes. Les jeunes esclaves de son harem avaient compilé les lettres de clients mécontents et fourni un compte rendu assez complet et plein de petites courbettes honteuse. Le papier était mauvais, il avait de quoi la mettre en rage et ses petites pattes avaient désignée volontaire une petite jeunette pour le lui apporter. Elle avait donc désigné elle aussi la jeunette, mais pour donner les coups de fouets à sa place à ses camarades pour leurs couardises et à elle même pour sa faiblesses. Les mauvaises nouvelles étaient tolérables, mais une telle attitude de soumission mal placée dans son propre harem, dans la meilleure caste de femmes criminelles, c'était impensable.
Ce fameux texte relevait un problème d'ordre de l'après vente. C'était encore une surprise pour l'ancienne Aaleeshaan. Elle n'était pas marchande dans l'âme et avait encore beaucoup de mal à planifier ou anticiper très loin dans le futur quand elle agissait. Pour elle, une fois l'esclave vendu et expédié, elle n'avait plus à s'en soucier, c'était aux maîtres de faire leur travail pour le garder et compléter son éducation. Mais bon, apparemment les nobles peux-nues étaient tels des enfants et avaient besoin qu'on les traîne par la main, jusqu'au bout...
Le système de tatouage sur la peau, ou de marquage au fer rouge sur la fourrure venait de rencontrer un obstacle. Les esclaves se libéraient de leur chaines, s'enfuyaient et faisait soigner leurs marquages, rétablissant leurs liberté et compliquant leur remise sous les fers. Au dela de l'aspect techniquement gênant et pénible en ressource et efforts, c'était surtout une blessure d'orgueil qu'on lui infligeait. Ces êtres étaient des esclaves pour toujours et ils n'avaient pas le pouvoir d'effacer la marque sur leurs corps qui les désignait comme tel. Ils ne pouvaient pas supprimer ce moment de leur vie où ils étaient tombés plus bas que terre et s'était soumis à son pouvoir. Ils n'en avaient pas le droit.
Aujourd'hui, sous la pluie ruisselante et tiède d'Athgalan, elle se vengeait sur l'un de ces soigneurs/affranchisseurs elfiques que le capitaine des assassin avait réussi à trouver et lui ramener. S'il savait comment supprimer un tatouage ou une marque de brûlure, il saurait sûrement comment la rendre permanente en inversant son sort. C'était ce à quoi elle se raccrochait avant mais devant le mutisme de sa victime elle s'était finalement résignée.
"Bon. Ça suffit. Nous allons chez l'alchimiste. Allez lui annoncer ma venue et exposez lui mon problème. Evitez de lui servir la même soupe insipide et mielleuse qu'à moi, je lui épargne ce supplice car j'ai besoin de son talent."
Elle s'adressait à la suivante patte noire qui la suivait pour la matinée mais aussi au grand pirate esclavagiste qui arrondissait ses fins de mois en jouant les larbins à gros bras pour elle.
"Vous ramènerez celui là également, on fera les tests de tatouage et de fer rouge sur lui, autant qu'il serve à quelque chose avant qu'on le jette dans le marais. Et bien qu'attendez vous ? Que la pluie s'arrête ? Allez !"
Et Kalza'ah bourra son calumet d'herbes plus relaxantes pour se reposer après sa séance de travail tandis que ses serviteurs s'activaient pour organiser la rencontre avec l'artisan de l'occulte. Elle relacha la pression contenue dans ses épaules et laissa ses paupières se clore lentement.
C'était parfois dur de diriger autant d'incompétents et de gérer autant de tâches mais elle n'y pouvait rien.
Elle avait vraiment l'esclavage dans la peau.
Dernière édition par Kalza'ah Ashuddh le Jeu 17 Jan 2019 - 17:00, édité 1 fois