6 mai 1763
Dix jours sans nouvelles de son fils. Sa raison avait beau lui dire que la magie d’Ivanyr était puissante, qu’il ne serait certainement pas vaincu facilement, elle revoyait l’image d’Achroma vaincu. Ses visions étaient sauvages, Autone se demandait s’il y avait une raison derrière chacune d’entre elles, ou si le chaos avait choisi ses rêves comme passe-temps. Elle avait fini par comprendre que c’était la corneille qui s’était posé dans son sommeil et ce spirite devait être confus pour l’avoir entraîné dans un tel labyrinthe. Le rossignol aurait voulu envoyer une lettre, un message, quoi que ce soit à Ivanyr. Mais s’il ne pouvait répondre, quel était l’utilité sinon occuper d’avantage ses pensées?
Inutile de mentionner que la conseillère n’avait pas bonne mine. Autone marchait dans l’ombre de la gloire d’Eleonnora. Sa collègue était revenue comme une héroïne de guerre et Autone n’avait parlé à personne depuis la bataille. Elle aurait voulu réconforter la jeune Ostiz, être présente, mais elle ne pouvait se permettre de sortir de sa cabine si elle n’était pas en état de garder la tête haute. Elle avait uniquement accepté la présence de Marius pour lui demander de faire parvenir ses bagages chez elle à leur arrivé et de ne laisser personne entrer dans sa cabine. Lorsque l’équipage jeta l’ancre, elle avait laissé tout le monde s’empresser de poser pied sur terre et avait gardé ses vêtements de voyage. Aucune apparition publique ne serait faite aujourd’hui. Elle n’avait que ses biens personnels sur elle et se dirigea le plus furtivement possible vers la résidence d’Aldaron, où elle pourrait certainement retrouver Ivanyr. Elle culpabilisait, de ne pas penser à retrouver Odélie et Kyran d’abord, mais eux étaient en vie, alors qu’elle n’avait aucune idée de l’état d’ivanyr et du bourgmestre.
Devant la porte, une angoisse s’empara d’elle, et si quelque chose leur était arrivé? Elle cogna, une servante lui ouvrit et la laissa entrer, connaissant bien son visage. Autone n’osait pas poser de questions, elle avait bien trop peur de déverser toute son inquiétude sur la pauvre servante. La femme guida Autone vers un salon où elle put s’asseoir alors qu’elle allait annoncer à Ivanyr son arrivée. L’imbrisée prit dans ses mains la tasse d’un service à thé froid posé sur la table. Elle tentât de se réconforter dans les motifs feuillus des dorures, mais ses doigts tremblaient sur la porcelaine. La dame n’avait pas parlé d’annoncer son arrivée au Bourgmestre. Quelque chose devait être arrivé. L’espoir pourrissait d’anxiété dans sa poitrine. Elle le voulait sauf, vivant.
Sa conversation avec Aldaron à Cordont revenait à son esprit. Elle ne voulait pas qu’il parte. Il n’était pas forcé de partir. Il ne pouvait pas juste partir.
Fixant la tasse entre ses mains, Autone réalisa soudain qu'elle était, pour la première fois depuis des semaines, installée sur un siège confortable et immobile. Elle combattit l'envie de s'assoupir. Ce qui occupait ses pensées, elle ne voulait pas le voir. Quoi qu'il était arrivé à Aldaron, elle n'avait pas la force d'en être témoin. La tasse glissa de ses petits doigts, l'imbrisée sursauta et releva la tête. Ivanyr était là, mais elle n'avait pas le réflexe de réagir. Combattant la vision qui avait hantée la dernière nuit, elle fixa les yeux du vampires pendant quelques instants sans dire un mot, sans bouger ses mains qui étaient restés dans la même position même si la tasse avait glissé.
« Désolé…Je suis désolé… »
Daigna-t-elle enfin prononcer, mais ses yeux étaient encore ailleurs et il lui fallut quelques secondes pour parvenir à se lever et à reprendre une position naturelle. Elle se dirigea alors vers son fils d'une démarche fatiguée et l'étreignit sans s'arrêter pour le saluer.
« Qu'est-ce qui s'est passé? » Murmura-t-elle.