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descriptionOeuvre du vide [Naal + MJ] EmptyOeuvre du vide [Naal + MJ]

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19 Septembre 1763, Mont Nocturne, Domaine Baptistral


Ils avaient quitté la couche de leur promesse, chassant aux eaux claires et pures sueur, encre et autres fluides. Cette rencontre revêtait une importance primordiale à ses yeux et en son coeur, il n’aurait souffert de la conduire ainsi échevelé. Néanmoins, il regrettait les tracés de l’élégante plume de son frère. Plus tard, certainement, lui demanderait-il de les reproduire de nouveau afin qu’il puisse les figer grâce à ses pouvoirs, en attendant de savoir s’il posséderait les siens propres. En attendant, il revêtait une tunique d’un blanc doux aux broderies rouges, bleus et jaunes vives dont les pans se multipliaient dans la retombée du drapé sur les jambes, la capuche ornée d’une chouette retombant dans son dos. Le tissu simple en soie était serré à la taille par une ceinture de tissu carmin filée de perles de bois. Il replaça Varda à sa gorge et serra un instant le coeur bouclier entre ses doigts, sentant la différence de texture entre les deux perles de pureté et la perle d’ambre offerte par Naal. Avec un soupire, il cessa de s’imprégner des vibrations de l’objet et tressa sommairement sa lourde chevelure blanche, enfila des sandales de cuir et rejoignit l’humain à l’extérieur. Ils se rendaient au coeur du Domaine, là où la luminosité était faite de cristaux naturels et non de lumière du jour pouvant cuire sa peau délicate.

Allons y. Il séjourne près du coeur du Domaine, au sein du mont nocturne

La march prendrait certes un peu de temps, mais aucun d’eux n’était douillet après tout et cela leur donnait le temps de discuter avant qu’ils ne se trouvent face à face avec Ascheriit. Maintenant qu’il y pensait, sa décision de le placer là n’avait rien d’anodin. Entre la créature est l’extérieur, il y avait l’intégralité des sanctuaires et des résidents, une concentration de puissance naturelle qu’il avait espéré suffisante si Véhasiel prenait le dessus sur Eird, pour l’arrêter. Il n’avait aucune certitude que cela suffise. Au sein du Baoli, la chimère n’avait fait qu’emprunter un pouvoir qu’elle ne comprenait pas et il avait été forcé de détruire une arme légendaire et d’user du chant d’Origine pour vaincre sa puissance de Néant. Aujourd’hui, il avait été consacré par une fusion élémentaire, même lui, chantevide en devenir, n’avait pas l’ombre d’une idée sur sa puissance quantifiable. Et avec leurs pouvoirs en pleine restructuration, quelle force lui opposer à présent ? Il avait peur de lui, au-delà de son mal-être et de son amertume, de ses doutes et de sa méfiance, de sa compassion également pour l’humain prisonnier là-dedans. Oui, maintenant que Naal avait abattu le carcan de son agonie, ses affects revenaient. Et il avait peur. Il savait qu’empêcher les graärh de le détruire avait été la bonne solution… mais qu’en faire, à présent ?

Depuis notre retour et depuis notre découverte des changements opérés dans nos pouvoirs, Eird a été à leur redécouverte. Mon hypothèse, que je pense avoir confirmé avec votre aide, étant que la réapparition de Néant dans notre balance naturelle a forcé les éléments à une autre place et un autre poids. En l’absence de Néant, ceux-ci avait emplit une place vacante dont ils ont été expulsés

Comme il avait demandé à Naal de l’instruire de la culture almaréenne et de la foi de Néant, lui-même partageait ses connaissances avec lui, prêt à lui ouvrir les portes des secrets baptistraux. Contrairement au reste des exilés, les dévots de Néant étaient impliqués, ou plutôt, seraient très impliqués, dans leur culte. Hors, à présent, le pont se faisait entre la religion du vide premier et son couronnement comme force d’équilibre de la nature au sein de l’Ordre. Et de toute façon, ils étaient des gardes du savoir. Le savoir été fait pour se transmettre et se cultiver par le plus grand nombre possible.

Pour le moment, il quitte rarement le coeur du Domaine. Son état physique s’est renforcé lentement, mais il reste faible et, je pense, le sera toujours en raison de ses difformités causées par les exactions des chimères sur son corps. Cependant, la seconde raison est simple : il n’est pas stable. Les trois personnalités s’échangent le contrôle sans schéma spécifique, sans rythme propre. Je préfère qu’il reste au plus profond de nos résidences afin d’augmenter nos chances de le contrôler si Véhasiel venait à s’imposer en maître et à tenter de s’échapper d’ici. Cependant, je n’ai aucune certitude sur notre capacité à le retenir durablement

Un soupire lui affaissa les épaules pendant quelques instants, et il éleva une main pour venir caresser les feuilles d’un figuier sur leur chemin, laissant la ramure bruisser dans le mouvement pour le plaisir de ses sens. Contrairement à Naal, sa naissance elfique et son statut d’avatar de l’existence le prédisposait à apprécier ce que la création des déesses offrait. En vérité, depuis qu’il avait entonné le chant de Néant, il était d’autant plus sensible à l’existence et sa richesse, car la symphonie du vide premier remettait réellement le reste à sa juste place.

Je ne pourrais vous dire quelle sera la personnalité dominante lorsque nous nous présenterons devant lui. Je ne suis pas même certain qu’une seule visite suffise à appréhender la question. Je vous laisse seul juge

Dans un bruissement d’aile, Khepekk, le vautour familier qui l’avait adopté, se posa sur une branche de baobab miniature près d’eux et confirma les dires de son maître d’un claquement sec du bec. L’elfe lui jeta un coup d’oeil circonspect avant de poursuivre sa route, laissant l’oiseau les suivre à distance respectueuse. Ils approchaient désormais du coeur du Domaine, leur objectif. Plus froid et plus sombre car plus en profondeur, ce lieu-là était éclairé d’une lueur bleue douce, diffuse, comme s’ils avaient passé la surface d’un lac pour s’enfoncer en lui, bien qu’ils soient encore fermement sur terre. Son pas s’altéra, mourut un instant tandis qu’il se tournait pleinement vers lui.

J’ai peur, Naal. De ce que renferme cet être. Tout cela était figé dans la glace de mon agonie avant votre arrivée. Je ne voyais que mon mal-être canalisé par Eird, par sa présence, par les questions qu’il soulève mais c’est vrai… je crains tout cela. Et je vous suis d’autant plus reconnaissant de votre soutien

Ils repartirent. Eird se trouvait présentement dans un des jardins les plus profonds, baignant dans la même lueur mauve et bleu, douce, qui irradiait de cristaux mais également, à cette profondeur, de la végétation alentours. Les bâtiments étaient constitués de la roche anthracite et noire qui constituait l’environnement naturel, dépourvus de grandeur ou de fioritures. Une source d’eau chantait tout doucement autours d’eux, mais en dehors de cela, le silence était prégnant et d’une extrême profondeur. L’aide qui veillait sur le Chante-vide difforme s’inclina à leur arrivée et disparu rapidement. Eleni hésita un bref instant à prendre la parole mais, ne souhaitant pas orienter Naal même involontairement, lui laissa la place, échangeant seulement avec lui un long regard et le frôlement de ses doigts contre les siens.

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    L'eau passait entre ses mains en coupe mais Naal tâchait d'en retenir le principal. Il venait se rafraîchir le visage et ses mains humides poursuivaient leur mouvement jusque l'arrière de son crâne rasé, où sa croyance au Néant était affichée, comme sur toute sa peau ambrée, par des tatouages de symboles noirs. Le visage au dessus de la bassine, buste en avant, l'eau coulait de son nez et de son menton pour perturber la surface lisse et pure. Il fermait les yeux, soupirait, cherchant à éloigner les tensions de son appréhension. Il se lava le reste du corps, pour se défaire des marques de sa récente matinée, sans en perdre le souvenir pour autant, comme une chaleur dans sa poitrine. Nu et séché, il enfila sa coule noire, celle qu'on appelait la longue nuit en almaréen, et il rabattait sur sa tête la capuche dans laquelle le suaire mystique était cousu, comme une doublure. Ses pieds nus le menèrent au dehors et si ses mires d'un bleu céleste semblaient contempler le paysage, il n'en était rien. Son regard était flou, tourné vers le Vide, objet de son adoration. Il n'avait jamais su apprécier les montagnes, la mer ou le vent. Il n'avait jamais su aimer une forêt ou une horde d'animaux. Il aimait à voir le vide inoccupé dans tout cet être. Les déesses avaient pris toute la place, comme pour combler le vide. Elles n'auraient jamais du. Mais dans cette abondance, lui, ancien Serviteur du Néant, il voyait ce qui n'existait pas, le silence quand le vent se taisait et l'obscurité quand le soleil se couchait. Et les émotions, lorsqu'elles s'exprimaient sur un visage où dans les arts, de toutes nature qu'ils puissent être.

    Ses lèvres bougeaient en silence. Il marmonnait muettement ses prières, occupant son attente par sa dévotion ; les perles d'Odrikatas, entre ses doigts, marquaient une percussion lente mais régulière. Ses mires s'orientaient vers le Gardien à sa venue et l'almaréen mit un temps, à dévorer sa silhouette immaculée du regard, avant d'acquiescer d'un geste net de la tête et de le suivre. Il ferma les yeux, récitant toujours ses prières en silence et se laissa guider par le son de la voix de Kehlvehan. Ses pieds avaient assez de sensibilité, après 2000 ans de refus de port de chaussures pour définir la qualité du sol et rester aisément debout. Ce n'était pas la première fois qu'il réalisait ce genre d'exercice : s'il devenait un jour aveugle, il saurait tout à fait se débrouiller. Fermer les yeux et retrouver l'obscurité l'aidait à faire abstraction de l'être pour retrouver sa communion avec l'Unique. Il écoutait les précieuses informations que son Frère lui léguait, comprenant sa démarche autant que ce qui semblait composer le Chante-Vide. Il ouvrit les yeux lorsqu'il n'entendit plus les pas du Gardien, réalisant qu'il s'était arrêté pour lui faire face. Il lui retourna un fin sourire plein d'une tendresse sincère à la reconnaissance qu'on lui exprimait... Mais il ne chercha pas à le rassurer. Non pas qu'il soit un mauvais ami, mais il n'en savait rien et ne voulait pas lui mentir. Il jugeait aussi que cette peur était trop saine pour vouloir l'étouffer. Il était bon qu'il puisse avoir peur, cela signifiait qu'il y avait maintenant de choses en lesquelles il tenait. Et qu'il sentait. Pour Naal les émotions étaient la création du Néant, ce que les Sept ne pouvaient avoir inventé. Dans le Néant, naissaient ces choses inexplicables, les idées, le génie et les sentiments. Toutes ces choses qui venaient comme ça, par hasard, sans source réelle. On aimait ou on aimait pas, cela n'était fait pour être expliqué.

    La fraîcheur picotait sa peau sans le faire frisonner. L'obscurité lui convenait et les cristaux diffusaient une lumière douce. Il percevait la présence du Néant, comme une mère était capable de reconnaître la respiration de son enfant. Il était tout proche et lorsqu'ils purent distinguer la silhouette difforme, assise sur un banc, près de l'eau, ils s'arrêtèrent. Il sentit le regard d'Eleni sur lui, autant que ses doigts contre le siens. Il vint les étreindre, machinalement, et croisa son ses mires, pas plus rassurées, visiblement. Il le relâcha et avança vers la chose. Il éleva ses mains pour attraper les bords de sa capuche, qu'il basculait en arrière, révélant son visage marbré de tatouages sombres mais dont les yeux, d'un bleu céruléen, rappelaient les teintes que diffusaient les cristaux en l'endroit. Il approcha de celui que le Gardien avait appelé Eird. Il s'agenouilla à ses côtés, prenant délicatement une... Main ? Admettons que ce soit une main, en tout cas, cela sortait d'une manche. « Je m'appelle Naal du Néant. » se présenta-t-il sans savoir s'il devait le faire ou si Néant se souvenait de lui. « Je connais, au moins un peu, il me semble, les trois parties de votre être. L'une d'elle porte l'humanité que nous avons tous en nous, mortels, celle qui se sacrifie pour les siens et qui accepte de souffrir. Puissions-nous lui offrir notre sincère miséricorde. » Car il la méritait. Aucune solution n'était jamais parfaite. Les aléas de l'humanité faisaient que les erreurs existaient. Elles pouvaient être pardonnées.

    « La seconde est une entité corrompue par la haine et un désir violent de vengeance. Elle est prompte à user, par des moyens impies, de la puissance du Néant. J'ai vu d'elle bien des horreurs pour lesquelles le pardon peinera à sortir de ma bouche. » Il se souvenait encore très bien de ces expériences, ces mots perfides, sa souffrance. La cage où il avait été enfermé comme un chien. « La troisième est une essence intemporelle, au delà même du divin, où naît toute chose, dans laquelle j'ai baigné plusieurs siècles durant et qui me connaît bien plus intimement que jamais aucun être ne le pourra. C'est à vous que je souhaite parler. » Était-ce lui ? Ou tout autre ? S'il s'exprimait à une part de lui, est-ce que les deux autres pouvaient entendre ? Il n'y avait qu'un moyen de le savoir : « Il y a un peu moins de cinq ans, vous avez créé ce corps qui est mien et vous y avez replacé mon âme. Vous m'avez demandé... » Il s'arrêta en milieu de phrase, c'était difficile, pour lui, de l'évoquer. Il avait l'impression que la plaie ne guérissait pas, même avec le temps. « De planter une épée dans votre cœur. Pour tuer l'avatar de votre incarnation. Vous étiez vidé de votre essence, morcelé de toutes parts. Un dragon blanc, avide de pouvoir, s'était approché de vous afin de s'assurer de votre amour. Vous lui avez donné votre cœur et il a été enfermé dans une cage... » Autant qu'Ascheriit l'avait fait avec Vehsiel. « Pour que ce monstre cesse d'abuser de vous. Mais même dans les tréfonds de sa geôle, il s'est servi de la dévotion de mon peuple à votre égard et de votre Toute Puissance, pour que nous menions sa guerre à sa place. »

    Il déglutit difficilement avant de poursuivre : « Vous m'avez demandé le nom de mes frères, ceux qui mériteraient d'avoir le don de Dieu, comme vous me l'aviez offert, et je vous ai répondu 'Lyra, Dradrok et Aldakin'. Le Blanc leur a offert votre don et il les a corrompu pour en faire ses Généraux de bataille. » Il se sentait coupable de les avoir vendus. Comment aurait-il pu le savoir ? Il aurait pourtant du. « La terre a été ravagée, le Tyran Blanc est sorti de sa geôle et vous, il ne vous restait rien de plus à espérer que le trépas libérateur. Je vous l'ai donné. Et je n'ai pas envie que cela se reproduise une seconde fois... » Pourtant l'histoire se répétait. Il y avait un monstre, enfermé dans une geôle et attaché à la puissance du Néant. Le Néant était fort, mais Naal se souvenait encore comment cela finissait des milliers d'années plus tard. « J'ai la chance de vous trouver avant que cela n'arrive et en même temps, je ne sens tout aussi démuni que si on m'avait offert l'opportunité de me présenter à vous, avant que le Tyran ne dévore votre essence. Je ne sais pas ce que j'aurais pu faire, en vérité. Suis-je destiné à vous tuer, encore une fois ? »

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Cela allait bientôt faire cinq mois, dans six jours exactement, qu’il était … né ? Re-né ? Les deux pouvaient s’appliquer en réalité. L’être qu’il était avait connu une deuxième naissance lors de la fusion. Mais comme il était devenu autre chose, on pouvait aussi parler de naissance. Toutefois, celui-ci était à ses premiers balbutiements, comme un bébé. Bien qu’en réalité il n’ait rien d’un bébé. Plus le temps passait, plus cette image d’enfant perdu disparaissait. Il lui faudrait encore du temps pour comprendre ce qu’il était, mais aussi pour définir ce qu’il est. Les Ambarhùniens avaient fait face aux chimères, ils y avaient fait face seuls, sans la moindre aide d’une entité supérieure. Ils avaient dû faire face à une menace ancienne et extra-planaire. Pour vaincre, chacun avait dû faire des sacrifices. À l’époque, Ascheriit l’avait compris, c’est pourquoi il avait choisi de se sacrifier pour emporter Vehasiel avec lui. Que le néant les englobe et les fasse disparaitre. Les choses étaient toutefois plus complexes que cela. Les connaissances qu’avait pu glaner Ascheriit durant sa possession étaient nombreuses, mais imparfaites. Les conséquences de ses actes avaient donné naissance à Eird et ce sont les autres qui allaient devoir s’en occuper. D’eux et de leurs actes dépendrait l’avenir.

Le corps d’Eird était marqué par les ravages de Vehasiel. Mi-humain, Mi-chimère. Une monstruosité, une hideuse monstruosité, un corps faible, bien trop faible pour la puissance qu’il habitait. Toutefois, les soins et le traitement des membres du domaine portaient des fruits. Chaque jour le chantevide se renforçait. Il parvenait à être actif plus longtemps, il gagnait en autonomie, il parvenait même à marcher. Marcher restait toutefois difficile et il n’allait jamais bien loin et devait avoir de l’aide. Son appétit s’améliorait également. Fort de l’énergie qui commençait à parcourir son être, Eird avait commencé à user de sa voix pour stabiliser son corps afin de chasser les affres de Vehasiel. Il faudrait néanmoins beaucoup de temps pour y parvenir. S’il y parvenait un jour.

L’incertitude planait, car Eird n’était pas le seul à profiter de ce regain de force. Eird est l’enfant du vide imprégné par Ascheriit et Vehasiel. Une union de deux esprits forgée dans l’énergie du néant. Une union toutefois tumultueuse et pour de bonnes raisons. Un corps n’est pas censé abriter deux esprits. La fusion avec un élément n’est pas censée se faire à trois. La fusion avec un élément n’est pas censée se faire avec une entité provenant d’un autre plan, d’une autre réalité et non régie par les mêmes lois. Ce cas inédit avait donné naissance à Eird, le nouvel esprit habitant cette enveloppe. Un esprit toutefois hagard, perdu, fragile et surtout malléable. Gravitaient autour de cet esprit deux étincelles, semblables à deux satellites autour d’un astre céleste. Deux réminiscences, moins qu’un esprit, mais plus qu’une idée. Deux résonances, deux consciences, deux mémoires … deux moralités. Deux poids dans une balance instable, l’un cherchant à obtenir un déséquilibre en sa faveur, l’autre cherchant l’équilibre par leur disparition commune. Le concept Vehasiel refusant de disparaitre. Le concept Ascheriit désirant sa disparition et celle de son opposant. Chacun de ces concepts influençant l’esprit d’Eird afin de le façonner en sa faveur. Cette lutte fatiguait Eird qui par moments s’endormait, laissant ainsi la place à ce qui pourrait se rapprocher d’une personnalité de Vehasiel ou d’Ascheriit. Bien qu’ils ne soient tous deux que des ersatz de ce qu’ils furent autrefois. N’en ayant toutefois pas conscience, pas même Eird. Persuadé de toujours exister. Persuadant de toujours exister. Pour combien de temps encore ?

L’état d’Eird, plus son apparence, n’était pas pour ragaillardir ceux qui le côtoyaient. Il était le mystère, il était l’inconnu, il était l’anomalie. Était-il un ennemi ? Était-il un ami ? Était-il bénéfique ? Était-il maléfique ? Fallait-il écouter ses paroles ? Fallait-il le laisser vivre ? Fallait-il le tuer ? Tant de question. Si peu de réponses. Eird lui-même se questionnait sur ce qu’il était. Son esprit était telle une bibliothèque dont un tremblement de terre aurait fait tomber les livres des étagères. Une bibliothèque immense, semblant infinie, et des montagnes de livres face auxquelles il devait se baisser pour en attraper un puis chercher son emplacement parmi les innombrables rangées. Des souvenirs provenant d’Ascheriit, de Vehasiel et du vide.

L’air hagard et absent qu’arborait le plus souvent Eird s’expliquait surement ainsi. Il était perdu dans sa propre psyché, s’employant à remettre de l’ordre dans cette bibliothèque. Cela lui demandant un effort mental conséquent. Et le lieu où avait été placé le chantevide par ses semblables l’aidait beaucoup. Il était au cœur du domaine, mais un dans un lieu disolé, beau, calme et serein. Mais surtout il était à la croisée des chemins, à la croisée des éléments. Il entendait le crépitement du feu et ressentait sa chaleur. Il entendait le bruit des vagues et sentait l’humidité. Il entendait le roulement des plaques et humait l’odeur de la terre. Il entendait le sifflement et percevait la brise contre sa peau. Il discernait la beauté et la tendresse des étoiles, l’apaisant.

Aujourd’hui, Eird était dans le jardin, il avait demandé à y aller très tôt, il voulait ressentir la fraicheur du matin et voir la rosée. Il avait même pris une feuille d’une plante avant de faire glisser quelques perles dans sa gorge malgré le regard réprobateur de celui qui devait le garder aujourd’hui. Pour se faire pardonner, Eird avait proposé de faire quelques pas. Il en avait fait huit avant de s’arrêter et de se faire ramener à son fauteuil. Celui-ci était en bois et il y avait deux grosses roues sur les côtés afin de pouvoir se déplacer. C’était astucieux. Étaient cousus au siège de nombreux coussins bien rembourrés pour éviter qu’il ne se blesse en restant trop assis. Voilà bien deux heures maintenant qu’Eird était plongé dans une grande absence, ses yeux intégralement noirs observant le vide devant lui. Il était retourné dans cette bibliothèque, continuant de ranger tant bien que mal.

Il entendit résonner dans sa transe mentale, des pas. Ceux-ci semblaient fort lointains. Eird n’y prêta pas attention. Puis, ces pas se rapprochèrent. L’humain redressa la tête de sa pile de livres, sortant de l’allée dans laquelle il se trouvait pour regarder l’entrée de la bibliothèque. Là-bas, il y avait un épais chevalet en bois. C’est là qu’arrivaient les nouveaux livres. Lentement, il s’y dirigea. Une douce lumière apparut sur le chevalet. Un nouveau livre arrivait, une nouvelle histoire. L’enfant du vide se plaça devant et l’ouvrit avec délicatesse. Deux visages apparurent sur les pages. Fière-rivière était là, mais des ondoiements apparaissaient sur son visage, telles des rides à la surface de l’eau. L’autre visage, il ne le reconnaissait pas. Du moins pas tout de suite. Alors que les paroles de ce dernier commençaient à sortir du livre pour venir résonner dans la bibliothèque, Eird vit au loin de la lumière s’échapper d’une allée. Il s’y déplaça lentement, penchant la tête. Un livre brillait. Il s’en approcha, entrant dans l’allée, puis remarqua qu’à l’extrémité de celle-ci se trouvait quelqu’un. Un être grand semblable à un oiseau. Un air mauvais apparaissait sur son visage. Ce dernier s’apprêta à courir en direction d’Eird quand un loup surgit pour le mordre au bras et le renverser. Profitant de l’occasion, Eird saisit le livre et courut jusqu’à la rangée adéquate pour le ranger.

Une minute allait bientôt s’écouler depuis de Naal avait fini de parler quand Eird revint à lui. Lentement, l’humain difforme tourna le visage, ses yeux aussi sombres que la nuit se posèrent sur l’être agenouillé devant lui. Le chantevide serra légèrement la main qui tenait la sienne. Sa voix s’éleva alors, belle à en souffrir.

« Je vous ai vu sans vous voir avec des yeux qui ne sont pas les miens. Je vous ai parlé sans vous parler avec une bouche qui n’est pas la mienne. Je vous connais sans vous connaitre, Foi-souffrante. »

Eird leva son autre main, venant caresser la joue, avec délicatesse, pour ne pas le griffer.

« Chassez cette peine qui étreint votre cœur. Votre crainte est infondée, car votre pensée l’est aussi. Celui à qui vous souhaitez parler. Celui que vous avez peur de tuer. Il n’est pas ici. »

Eird vint poser sa deuxième main sur celle de Naal tenant la première.

« Le père a donné le pouvoir au huit, les forces pour créer un monde. Ils ont chacun manier ces forces à leur façon, offrant ainsi à celles-ci une moralité caractérisée par la manière dont ils les ont maniés. C’est ce vide moralisé que vous vénérez, Foi-souffrante. »

Eird retira sa deuxième main.

« Ces forces caractérisent ce monde. Gardant une trace de cette moralité. Ainsi, nous, baptistrels, qui fusionnons avec les éléments, fusionnons avec une force moralisée. Cette force et cette moralité nous imprègnent, mais puisqu’il s’agit d’une fusion, l’être que nous sommes à l’origine l’imprègne aussi. »

Ce qu’il tenait de faire comprendre à son interlocuteur, c’est qu’il n’était pas ce Néant pur auquel Naal cherchait à s’adresser. Eird se pencha alors un peu et vint poser sa main au niveau du cœur de Naal.

« Ce que vous cherchez ne sera jamais plus ailleurs qu’ici. Le Néant que vous vénérez c’est tu à tout jamais le jour où vous avez réalisé sa dernière demande. Et personne ne pourra jamais plus l’incarner ni parler aussi fidèlement que lui. »

Eird retira sa main pour venir la poser sur la joue de l’humain, chassant une éventuelle larme qui pourrait naitre. Naal devait faire le deuil de son dieu mort. Ou un autre que Vehasiel pourrait se servir de lui un jour.

« Mais tant que vous n’oublierez pas où il se trouve, le reste n’aura pas d’importance. »

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Foi-Souffrante ? Allons bon. Coi, il se contenta de s’asseoir sur une pierre plate près de la fontaine. Et coi il resta quant bien même les propos étaient erronés. Mais ils étaient ce que pensait la créature, et cela le confortait dans l’incapacité de celle-ci à réellement être un maître de l’ordre, et au-delà, cela le confortait dans la certitude que cet être n’était pas réellement le vide ni son incarnation mais bien une création toute autre. Ce que Naal avait craint, au sujet de cette chimère, n’était pas fondé. En revanche, le reste semblait bien l’être. Et cela lui posait un problème. Ce qui était amusant, cependant, au sein de cette dévastation, était de voir comment Eird correspondait effectivement à ce qu’il décrivait. Cependant, et par pur respect, Kehlvehan ne désirait nullement intervenir pour détromper en totalité les paroles de cet être. Ces paroles s’adressaient à Naal et non à lui et c’était à Naal de décider s’il désirait y croire ou considérer cela sous plusieurs angles. Et il avait toute confiance en son frère. Ce n’était pas lui qui l’inquiétait mais bien l’autre, l’amalgame. Un amalgame qui, s’il était libre de croire ce qu’il désirait, ne pourrait guère aider l’Ordre dans ses recherches avec des pensées qui se contraignaient dès l’instant de leur apparition. En revanche, là où il pouvait se permettre de prendre la parole, c’était sur le but de leur visite.

Ce n’est qu’un aspect de la question Eird

Il n’y avait pas d’agressivité dans sa voix mais elle n’était pas douce pour autant. La chimère affirmait ne pas être Néant pur et en cela il était parfaitement d’accord avec lui. Mais cela ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas à le tuer. En vérité, cet autre aspect en devenait d’autant plus important. Si Naal n’avait pas à craindre de tuer Néant, il restait à déterminer si il fallait quand même le tuer tout court et tout tendait à dire que oui. Pour lui, ce qui c’était passé n’était pas une fusion. La création d’une conscience supplémentaire, d’ailleurs, était loin d’être le résultat d’une fusion. Mais de quoi était-ce le fruit exactement ?

Tu dis être baptistrel mais tu n’as pas été appelé et tu n’as pas reçu d’ordination. Tes pouvoirs ont été façonnés de façon extérieure et par une perversion du vide réel. Tu n’es donc pas un maître mais tu as accès à nos pouvoirs. Tu dis avoir fusionné, et si tu as tenté, une fusion, cependant n’inclut jamais deux consciences et n’en produit pas de nouvelle. Il existe des créatures, sur cet archipel, qui ont un accès, même limité, aux vibrations du monde. Mais contrairement à eux, tu portes en toi une Chimère

En clair, il n’était ni un cawr, ni une créature tierce dotée d’accès naturel. La question restait donc de savoir ce qu’il était car il était, forcément, peu importe le reste. Et savoir qu’il n’était pas un maître pouvait également l’arranger, bien que sa présence condamne ses propres inclinaisons vers le vide. L’affirmation n’était pas un pilori, mais il était là pour comprendre. Rester indéfiniment dans l’ignorance était un danger. Mais s’il avait une idée de la façon dont il voulait mener tout cela, il ne fermait pas la porte à être convaincu de le laisser vivre.

As-tu conscience de ce qui se trouve en toi ? De deux autres principes?

descriptionOeuvre du vide [Naal + MJ] EmptyRe: Oeuvre du vide [Naal + MJ]

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    Le dévot n’eut dans l’immédiat que le silence pour lui répondre. Il ne méprisait pas cet absolu mutisme, il le respecta les premières secondes, puis il tourna le regard vers Eleni, comme pour lui demander silencieusement si cette créature était sourde ou muette, auquel cas cela expliquerait qu’il ait parlé et qu’on ne lui réponde pas. Mais comme le Gardien ne lui répliqua rien à ce sujet, le regard d’un bleu céruléen de Naal revint sur le chantevide, tout à son silence. Il n’osa le déranger ou le bousculer, approuvant mentalement l’idée que l’handicap de cet être ne devait, de toutes évidences, pas être que physique. La main se serra doucement sur la sienne avant qu’une voix radieuse se s’élève en propos sibyllins. Tout Oracle qu’il fut, il avait l’habitude des palabres énigmatiques où son Dieu cherchait à le pousser sans aller trop loin, afin que le dévot trouve des réponses et apprenne par elles.

    L’humain fronça doucement les sourcils. Ça pour le connaître sans le connaître, il en avait la preuve par l’acte quand Naal fut appelé Foi-Souffrante. Sa croyance ne souffrait d’aucune écorchure, aucune atteinte. Elle été restée pleine et entière. C’était l’homme qu’il était qui avait été frappé, torturé, trahi. C’était son âme qui tremblait mais sa foi était intacte, fanatique. Elle n’avait connu aucune chute, si ce n’était par perte de l’être cher qui incarnait le Néant. Son Dieu, il lui manquait. Sa croyance en la toute puissance du vide originel, son potentiel créateur était aussi solide qu’autrefois. Aldakin avait été manipulé par un autre que Néant, Naal n’avait pas connu la désillusion. La vérité éclatante l’avait, au contraire, convaincu plus encore que les préceptes d’amour universel et de création étaient aussi l’apanage des Dieux. De son Dieu.

    Il l’écouta sans mot dire, acceptant sa tendresse comme un témoignage sincère de son affection. Son Dieu n’était plus là. Il était comme un ami duquel il devait faire le deuil… Mais un ami qu’on avait côtoyé pendant 2000 ans, pendant cette vie, comment pouvait-il l’oublier ? Il n’aurait donc pas à le tuer, à nouveau. Mais tuer cette autre incarnation de Néant n’était pas excessivement plus aisé. Naal souffrait de la perte d’un ami, mais sa croyance était en ce Néant universel. Même si l’ami dont il avait été l’Oracle avait moralisé cette notion du Vide, elle restait un concept qui avait ses valeurs et son rythme, encore et toujours. Même entre les mains des chimères, il avait reconnu le Néant, certes déformé selon ses propres mœurs. Mais il avait reconnu la puissance de Néant. C’était alors qu’il y avait bien ce caractère universel qui permettait de dire que cela était le Néant. La seule chose qui l’apaisait était qu’il n’aurait pas à tuer un ami.

    Eird était un étranger à ses yeux. Et il y avait Vehasiel. Cela rendait l’acte plus facile, mais pas moins douloureux. La voix d’Eleni le tira de ses réflexions. Cela ne répondait en effet qu’à une partie de la question. Naal n’aurait pas à tuer à nouveau Néant, mais la créature ne lui avait pas confirmé ou infirmé qu’il aurait à le tuer. Etait-il dangereux ? Il n’en savait rien. Il était anormal, il n’était pas un cawr, pas un être fusionné. Il était une anomalie qui perturbait l’équilibre et qui, sans nul doute, perturbait assez les perceptions de Kehlvehan pour que celui-ci ait appelé l’aide d’un ancien Serviteur de Néant. « Je crois que l’Ordre manquait du point d’équilibre, dans les vibrations, qu’incarne le Vide… Mais ce que vous pourriez apporter à l’Ordre, en terme de savoirs, d’autres pourront aussi le faire sans risque. La chimère n’est pas de notre monde. Elle tend à le détruire pour assouvir sa vengeance contre le Créateur. Elle aurait du être aspirée comme les autres, mais elle est toujours ici. Sa présence et l’accès excessivement puissant au Néant qu’elle a, à travers vous, n’est-elle pas un danger pour nos peuples ? »

    Il porta son regard sur Eleni, perplexe. « Je crois que nous avons beaucoup de chance que les dirigeants de l’archipel n’aient pas réclamé votre tête, probablement parce que le Domaine n’en a guère répandu la nouvelle, le temps de vous comprendre. Mais il est tout aussi malsain que périlleux de jouer de ce silence, tant pour la sûreté de ce monde, que pour la confiance placée dans l’Ordre. Alors s’il y a quoique ce soit qui vous rende indispensable, je crois qu’il serait important de nous le faire savoir, afin de le faire valoir auprès des peuples. » Bien sûr qu’il lui laissait sa chance de lui montrer en quoi il était indubitablement mieux de le garder en vie. Sa demande était légitime : le Domaine ne pourrait pas cacher cette créature indéfiniment. La simple information qu’il y ait encore une chimère dans ce corps mettrait tout le monde en alerte.

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Eird avait parlé. Répondant à la seule et unique question qui lui avait été posée : Foi-souffrante était-il destiné à tuer Néant, encore une fois ? A cette interrogation le chantevide avait justement répondu, avec le savoir de l’ancien et du nouveau monde. Et la réponse à cette question était non, ce qui s’était passé et faisait souffrir cet homme de foi, ne se reproduirait pas et ne se reproduirait jamais. Pourtant, cette réponse ne semblait pas satisfaire ses deux interlocuteurs. Très rapidement, des éclaircissements furent apportés. Un léger sourire vint poindre sur la commissure des lèvres de l’humain déformé alors que son regard venait se poser sur fière-rivière resté en retrait. Faiblement, il entrouvrit la bouche pour laisser échapper un son, vint alors résonner dans la pièce la même note qui était apparue lors de ce que Kehlvehan décrivait comme sa corruption. Zal n’était-elle pas la note aussi la note de l’opposition. Était-il donc si étonnant que cela que lui, chantevide, soit l’opposé de ceux qu’il estimait comme ses semblables. Il n’était pas un baptistrel comme les autres, c’est vrai.

« Je suis le fruit des opposés. Un être venu d’un autre monde. Un être venu de ce monde. Un être souhaitant détruire ce monde. Un être souhaitant protéger ce monde. Un être magique, mais qui pour autant peut survivre dans le néant et mourir dans la magie. Un être non magique, mais qui pour autant ne peut survivre dans le néant et vivre dans la magie. »

La note majeure résonnait encore dans la pièce. Zal n’était-elle pas aussi la note de la détermination. Était-il donc si étonnant que cela que lui, chantevide, soit le résultat psychologique de deux décisions différentes et opposés.

« Je suis le fruit des déterminations. Celle d’un être souhaitant se venger du père. Celle d’un être souhaitant arrêter le vengeur. »

Lentement, la note se mit à s’éteindre, cessant de résonner dans ce lieu. Zal n’était-elle pas la note de l’équilibre de l’ordre et des forces. Était-il donc si étonnant que cela que lui, chantevide, soit le point d’orgue entre Vehasiel et Ascheriit.

« Je suis le fruit de l’équilibre. D’un ordre et d’une force d’un autre monde. D’un ordre et d’une force de ce monde. Des lois de l’autre monde. Des lois de ce monde. »

Finalement, la note majeure mourut, laissant place au silence, rapidement brisé par Eird.

« Si j’ai conscience de ce qui se trouve en moi ? La bibliothèque est sens dessus dessous, l’oiseau tente souvent de me déranger, le loup le dispute alors ce qui m’oblige à partir ranger ailleurs. J’ai encore beaucoup de travail avant que tout ne soit arrangé. »

Les yeux sombres comme le vide du chanteur se posèrent de nouveau du Naal.

« Vous préjugez trop, foi-souffrante. Le loup se dispute avec l’oiseau depuis bien plus longtemps qu’aucun d’entre vous. S’il a choisi de faire l’opposer de vous, c’est pour séparer le valet de son maitre, alors ne fouler pas au pied sa détermination. »

Eird marqua une pause, reprenant sa respiration. Parler autant d’un coup le fatiguait rapidement.

« Je suis un être d’une fusion bâtarde. Tiraillé entre les lois des deux mondes dont je suis issu. Alors, dites-moi, foi-souffrante, qui d’autre se trouvent dans le même état que le mien et peut, sans risque, transmettre ce savoir qui est le mien ? »

Le regard se tourna en direction de Fière-rivière.

« Qui a aidé les siens à redécouvrir leur pouvoir, à la suite des conséquences de leur action pour vaincre les chimères ? »

Le chantevide, tremblant, s’appuya sur les accoudoirs de son fauteuil pour tenter de se lever.

« Qu’est ce qui a changé depuis ? La peur, du connu, de l’inconnu, de l’ignorance, de l’opposé. Est cela votre guide désormais ? »

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Mais rien n’a changé Eird

Et par ses simples paroles il prouvait assez ne pas être ce qu’il affirmait être. Et lui prouvait, à lui, qu’il fallait continuer de se méfier. Les questions qu’ils posaient étaient simples au fond d’elles-mêmes, si l’apparence ne l’était pas. Les réponses données étaient autant de preuves à apporter aux théories qu’ils avaient formulées, et ce sans besoin de confrontation. La manière dont la créature répondait et les éléments apportés parlaient d’eux-mêmes, sans biais aucun.

La peur a toujours été là, et les questions et la méfiance. Et elle est restée. La peur n’a rien d’illogique, de répréhensible, de sale… La peur est une réaction naturelle et positive. C’est la façon dont elle est traitée ensuite qui importe. Une saine peur peut aider celui qui l’expérimente, s’il sait écouter. Tu ne serais pas là, si la peur avait été un guide omnipotent. Mais tu ne seras plus là si nous ne pouvons nous assurer du danger que tu représentes. Et l’ignorer serait improductif, au mieux, et au pire criminel

La peur était la naissance des précautions et du questionnement, de la survie. Il ne fallait pas mépriser la peur, ou juger de ceux désirant l’écouter. Malheureusement, il semblait bien qu’encore une fois, il soit contraint de se faire la voix de la raison face aux autres. Il était venu avec le maigre espoir d’être détrompé, pourtant il se confortait dans sa position toujours un peu plus. Il ne voyait rien qui soit rassurant dans tout ce qu’il apprenait.

Depuis le début, nous nous posons ces questions. Et elles vont devoir être adressées, Eird. L’acte d’Ascherriit était inutile et maladroit, et il n’y a aucun irrespect là-dedans, simplement les faits, pragmatiques. Pour toute sa bonne volonté, son courage et ses efforts, tu es une menace et rien en toi, à l’heure présente, n’est nécessaire à conserver. Des personnes dites indispensables, il y en a plein les bûchers, et le monde continue de tourner

Hélas, le courage et la force de volonté ne signifiaient jamais qu’un individu ferait les choix les plus pertinents. Cela n’enlevait pas le courage et la force de volonté de l’individu en question.

Nous allons mettre les dirigeants de l’Archipel au courant de ton existence, Eird. Ils doivent savoir, et décider… Je ne peux pas me permettre d’être seul juge de ton futur

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