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    2 avril 1763

    La tresse s'achevait, soignée, par dessus son épaule, alors que l'elfe en nouait l'extrémité par un lacet de cuir. Il lissait du bout des doigts, les pointes délicates. Il était tendu, la coiffure avait occupé ses doigts. S'il s'était écouté, Aldaron aurait été accueillir Ivanyr au port, mais la raison l'avait fait patienter chez lui. Les semaines s'étaient écoulées, étirées en longueur sans qu'il ne puisse les réduire et l'absence de son inséparable avait rendu ses jours de plus en plus ternes. Il avait envie de se jeter dans ses bras, de profiter et savourer pleinement sa présence... Mais déjà qu'il peinait à se contenir, à rester à l'intérieur du manoir, alors s'il avait du attendre, marcher près de lui du port jusqu'ici ou ailleurs pour enfin exploser de toute son affection une fois à l'intérieur de ces quatre murs... Non, il n'aurait jamais tenu. Et il doutait que faire l'amour à son fiancé sur les pavés du port parce qu'il lui avait trop manqué et qu'il était incapable d'attendre qu'ils eurent trouver un peu d'intimité, soit l'acte le plus conseillé pour un respectable bourgmestre. Alors la coiffure l'avait occupé de longues minutes, à la faire, la défaire et la refaire autant de fois que nécessaire pour que cela ne soit pas un vague brouillon sans harmonie.

    Puis il avait fait les cents pas. Sentir sa présence, accessible, dans le port, avait été une véritable torture. Il s'était plusieurs fois mordu la lèvre jusqu'à sang pour se juguler, avant de regretter l'acte au goût métallique et exécrable sur sa langue que cela avait. Il cracha cette infamie et rinça sa bouche, avant de soigner la plaie par la magie... Puis il reprit ses interminables cent pas qui donnaient de tournis à sa domestique qui essayait tant bien que mal de l'habiller. Il ne tenait pas en place. Le pantalon de toile verte était, après plusieurs tentatives échouées, recouvert d'une tunique d'un blanc cassé. La ceinture était nouée difficilement, la domestique dut même lui faire les gros yeux pour qu'il s'arrête une poignée de secondes et qu'elle finisse son travail. Ses mains tremblaient d'impatience. Le spirite de l'inséparable lui faisait sentir chaque pas qu'Ivanyr faisait sur les pavés pour le rejoindre. Le nexus du cœur venait renforcer cette sensation, établissant un compte à rebours dont il se languissait du terme.

    Ivanyr était resté sur Nyn-Tiamat, pour établir les siens, cachés, nomades, sur l'île neigeuse, à l'abri d'Irina, des Graärhs et des créatures tiamarantiennes. Si Aldaron avait des nouvelles régulières sur ses plans et ses difficultés, ses paroles ne remplaceraient jamais assez ses bras protecteurs lorsqu'ils se refermaient sur lui. Pendant des jours, sa voix fut son seul rayon de soleil pour éclairer ses heures loin de lui, sa seule bouffée d'air dans cet environnement qu'il trouvait de plus en plus toxique. Pourtant, il ne l'était pas, mais c'était son esprit-lié qui le rendait étouffant et sans saveur semaine après semaine. Il perdait cette envie d'avancer, de se battre, de voir le bon malgré l'océan d'obscurités et de vices. Il s'accrochait à la promesse qu'Ivanyr avait formulée, celle qui avait formé le serment de son retour à Caldaon pour leur mariage. Il avait tenu l'engagement et cette croyance l'avait occupé le soir, là où jadis il discutait au coin du feu ou dans la verrière avec le vampire. Là, il préparait et organisait les festivités. Il avait beaucoup de contacts, parvenant ainsi à obtenir tout ce qu'il désirait facilement. Il avait peint des rubans à la main, tracé des arabesques au pinceau sur des parchemins, soigneusement. Il avait entretenu des fleurs, dans la roseraie, veillant sur leur santé et leur fraîcheur.

    Ce n'était pas tout les jours qu'il se mariait. Des siècles durant, les humains s'étaient liés les uns aux autres. A Gloria, Aldaron avait assisté aux banquets grandioses et les festivités pleines de vie qui unissaient deux humains. Il ne les avait jamais envié, à l'époque. il avait même trouvé hypocrite de se jurer fidélité quand beaucoup de ces dames et, plus rarement, de ces messieurs, venaient passer de belles nuits à en compagnie de l'elfe à la peau de cendres. Mais maintenant ? Il comprenait et comprenait mieux qu'aucun non-spirite de l'inséparable ne l'apprendrait jamais. Alors il avait mis beaucoup de soin dans chacune de ses préparations. Il avait noué avec soin les petits sachets de confiseries, fabriqué, gravé et décoré les objets rituels. Plusieurs fois il s'était posé la question de la cape qu'Ivanyr placerait sur ses épaules mais le vampire ne lui avait pas confié son blason, ni le nom qu'il porterait, fruit de ses investigations dans les archives glacernoises. Avait-il trouvé ?

    L'impatience le frappait à nouveau. Il quitta le salon, finalement, et descendit l'escalier. Il retenait ses pas pour ne pas courir, tout dévaler et le retrouver. Il réussit même assez : lorsqu'il posa le pied sur  le parquet du rez-de chaussée, la grande porte s'ouvrait. Il envoya paître sa réserve et sa volonté de fer et traversa en courant le grand hall. Ses pieds nus effleuraient à peine la pierre froide d'un carrelage marbré, dans l'agilité gracieuse, raciale, de sa course. La haute silhouette de son aimé se dessinait à la lumière des candélabres quand l'elfe lui sauta au cou, passant ses bras autour de sa nuque et ses jambes quittant le sol pour s'enrouler autour de sa taille. Sous l'impulsion, le dos du haut mage avait été plaqué contre la porte à peine refermée, lorsqu'il avait du reculer pour amortir la jetée de son inséparable sur lui. Ses lèvres avaient épousé les siennes, le corps tremblant, ses doigts crispés dans la chevelure platine, dans un échange passionné et d'une sincérité poussée à un paroxysme d'authenticité. Il irradiait de tout son amour, secoué de spasme irrépressibles à ce contact fusionnel. Son cœur, dans sa poitrine, battait à tout rompre à l'unisson avec... L'autre. L'autre ?

    Les pulsations sous ses doigts, la chaleur de ses lèvres et de sa peau lui firent l'effet d'une douche froide et lorsqu'il rompit leur baiser pour reprendre une inspiration, ce fut pour pousser un cri de terreur. Il le relâchait et s'écartait subitement, reculant de plusieurs pas effrayés en arrière, manquant de trébucher contre un candélabre. Il empoigna le manche de celui-ci, orientant les cinq cierges flamboyants vers le vampire chaud, comme arme et bouclier à l'encontre de cet imposteur. Sa respiration, haletante, tout comme ses traits dévastés trahissaient son égarement. Les flammes faisaient miroiter des larmes de joie, cristallisées sur ses joues par l'instant d'incertitude. Son corps était chaud et vivant... Ce n'était donc pas un vampire. Et pourtant son esprit-lié et son nexus du cœur lui confirmaient que c'était bien son lié qui se tenait là, devant lui. « Qu-Qu'est-ce... » Entama-t-il, tremblant et peinant à remettre ses idées en place. Il avait tant attendu leurs retrouvailles que se retrouver ainsi dubitatif était inimaginable. Il ne savait pas sur quel pied danser : « Tu as immaculé ? » Comment Aldaron ne l'aurait-il pas senti si tel était le cas ?

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Le monde était terne, sans goût et sans couleur, une interminable désolation fade et grise, impitoyablement uniforme, impitoyablement fatigante. Vivre devenait une torture, chaque seconde de son existence une bataille pour se raccrocher à ce qui faisait battre son cœur mort. Chaque instant, chaque décision, était une une victoire sur l'apathie profonde qui menaçait d'avoir raison de lui comme un venin insidieux. Cela avait commencé simplement et pourtant implacablement dès l'instant où il l'avait quitté. Depuis combien de temps exactement ? Il avait l'impression que cela faisait une éternité entière, le double de sa vie qu'il ne l'avait pas contemplé, pas étreint… Non, s'il se forçait encore à penser, à dépasser les insidieux murmures de son désespoir, cela faisait moins de deux mois. Mais son âme entière pleurait une éternité prégnante de solitude et de souffrance. Le monde avait lentement perdu ses couleurs, petit à petit, il avait perdu sa vibrance, ne lui inspirant plus rien, et finalement son esprit lui-même avait commencé à s'engourdir, à lâcher prise de ses accroches, de ses attaches. Il avait beau aller de l'avant, son corps et son esprit semblaient attachés par des chaînes alourdies de plomb, il travaillait à accomplir le but qu'il s'était fixé, mais tout au fond, il aspirait uniquement à retrouver l'homme qu'il aimait par-dessus tout. Désormais, les seules couleurs qu'il percevait étaient celles provenant de son nexus du cœur, injectées directement en lui par la magie Baptistrale. Le bleu lui serrait le cœur et lui donnait envie de tout plaquer pour rejoindre l'elfe, le protéger, l'aimer et l'adorer comme il le méritait, le mauve lui faisait monter les larmes aux yeux. S'il avait hurlé toute l'intensité de ses sentiments depuis les cimes enneigées ou confié la profondeur de son affection à la brise marine, aurait-il porté jusqu'à lui ? Il lui avait parlé, de nombreuses fois, en utilisant leur anneau des murmures mais… cela ne lui suffisait pas, ce n'était une minuscule bouffée d'air dans une noyade longue et lente.

Désormais il était là, proche, si proche. La marche depuis le port n'était pas si longue. Il pouvait presque le toucher, presque le sentir et le goûter dans l'air. Il était là. Le manque devenait alors intolérable, menaçant de l'abattre. Comment lui résister alors que la source de tout ce qu'il était, de tout ce dont il rêvait était là, à quelques minutes à peine de lui, et qu'il l'attendait. Figé sur les dalles du quai, capuche ombrant son visage, le haut mage tenait la boussole du cœur serrée dans sa main, observant l'aiguille qui pointait fermement vers la demeure du Bourgmestre. Elle revenait toujours vers Aldaron, elle lui pointait toujours la voie à suivre, une fois ses désirs de surface satisfaits. Il la rangea lentement à l'intérieur de sa cape puis se tourna pour indiquer aux marins où déposer ses effets personnels. Ce fut au sein d'un monde de gris et de mauve qu'il se dirigea vers le soleil de sa vie, aveugle à tout le reste, sourd à tout le reste, insensible et lointain. Le monde n'existait plus, il ne restait qu'Aldaron. Et il l'attendait. Devant la porte, il s'arrêta un instant, expira profondément et fit tomber le tissu qui dissimulait ses traits. En ce lieu, il ne craignait rien après tout, ni espionnage ni regard indiscret. Écartant le battant, il entra sans attendre l'arrivée d'un serviteur, tout son être vibrant des retrouvailles prochaines. Il sentait l'elfe de l'autre côté de cette porte, il sentait sa présence et ses doigts fourmillaient de l'envie de le serrer et le toucher. Et soudainement, il le vit, de l'autre côté du rez-de chaussé. Il était là, dans un monde en noir et blanc, brillant et viride. Et après un bref instant, il ne fut plus seulement là, il fut dans ses bras. Le réceptionnant lourdement, il referma ses bras sur lui alors que son dos percutait la porte qu'il venait de refermer à point nommé. Soudainement… le monde retrouvait sa chaleur, et lui avec.

Il sentait la chaleur de son compagnon, de son fiancé. Aldaron irradiait la chaleur, exactement comme un soleil ou un feu et le réchauffait lentement. Il sentait sa peau picoter, il sentait ses muscles s'assouplir. Il sentait son parfum envahir son odorat, le bruit de son cœur dans ses oreilles. Il le sentait lui. Il était là. Il le serrait, et le serrait comme s'il pouvait soudainement fusionner avec lui pour ne plus jamais le quitter. La douceur de ses lèvres contre les siennes l'enivrait et lui faisait tourner la tête, et il se perdait en lui. Essayer de transmettre toute l'intensité de son amour dans un seul baiser semblait impossible mais pourtant il essayait, y mettant tout son cœur. Chaque fibre de son être s'imprégnait de lui, de sa présence, de sa passion, lui répondant et s'attisant de toutes ces sensations. Soudainement, le monde avait un sens, un flot et une saveur. Soudainement, le monde redevenait un lieu où il faisait bon vivre. Il tremblait avec lui, secoué jusque dans son essence la plus primordiale tant il revenait à la vie en sa présence. Ne pouvait-il simplement l'absorber et ne plus jamais l'abandonner ? Et puis, soudainement, il eut l'impression qu'on venait de lui arracher un membre alors que son fiancé reculait, l'abandonnant loin de lui dans un cri de terreur incompréhensible. Ivanyr resta planté là, yeux grands ouverts débordant de perte et d'incrédulité, complètement désarçonné par la réaction inattendue de son Inséparable. Il avait vaguement élevé une main pour le retenir mais ce qu'il voyait dans le regard de son aimé le sciait en deux sans aucune forme de concession. Le voir fuir lui déchirait l'âme plus sûrement que toute autre puissance en ce monde et il aurait affronté mille licornes plutôt que d'être la source des tourments qu'il voyait là.

Immobile, le haut mage semblait avoir été frappé par la foudre, dévasté et fasciné, transis d'une adoration qu'il rayonnait et tremblant d'un noir désespoir. Ses lèvres s'entre-ouvrir en tremblant, mais aucun son ne les quitta tant il était défait. Bras ballants, il se froissa d'une expression proche de celle d'un chaton battu sur un porche par temps de pluie. Du orange, du bleu et du gris explosaient dans son œil droit, ne faisant qu'accentuer encore sa désolation. Il était magnifique, vivant, vivace, vibrant… il voulait tant le toucher, l'engloutir, le rassurer, le…

« Hein ? Quoi ? »

Son esprit mit de longs instants supplémentaires avant de comprendre enfin ce qui pouvait clocher. Revenant à lui avec un sursaut, il chercha gauchement dans les boucles de sa lourde chevelure, écarta une tresse avec quelques mèches fines et folles sur lesquelles il tira involontairement, s'infligeant une courte douleur au cuir chevelu et une grimace. Ses doigts s'enroulèrent autours d'un bague de métal et il la retira de la tresse pour la lancer à Aldaron afin qu'il la regarde de plus près. Elle mais surtout le glyphe inscrit dessus. Un frêle sourire fragile et timide s'inscrivit sur ses lèvres alors que son regard brillait de sa peur de lui faire encore du mal.

« C'est une exaltation de la nuit éternelle. Ce devait être une surprise »

Il baissa le regard, ouvertement penaud malgré sa haute stature et son impact. D'une main, il froissait le bord de sa cape pour s'occuper et s'empêcher de l'agresser pour le serrer dans ses bras, de l'autre il essayait vainement de lisser de nouveau sa chevelure dérangée. L'hésitation dura un bref instant avant qu'il n'aille plus loin dans son explication, d'une voix basse et douce, comme s'il craignait de l'effrayer davantage ou qu'il fut honteux de lui même, et certainement un peu des deux.

« Je pensais que ce serait plus agréable, surtout pour notre mariage, pour toi d'étreindre une chair vivante, ou qui au moins semble l'être. A vrai dire je… je voulais t'en parler avant, je l'avais mis pour le tester et j'ai oublié de l'enlever… en posant le pied sur le quai… je ne pensais plus qu'à toi… rien qu'à toi... »

C'était idiot, il s'en voulait atrocement maintenant de lui avoir fait peur ainsi. L'idée même lui donnait envie de s'effondrer à ses pieds pour demander pardon tant il détestait cela. A la place, il inspira profondément et éteignit les flammes du chandelier avant de s'avancer lentement vers lui. Il n'alla pas jusqu'à l'attraper mais lui fit de nouveau un sourire, ayant de nouveau le bout des doigts qui fourmillait. Déglutissant douloureusement, il posa une main sur le chandelier, l'abaissa puis ouvrit les bras.

« Tu sais… je n'immaculerais pas sans toi, Aldaron. Si cela doit arriver, je veux le faire avec toi uniquement. Mais avant ça… Je voudrais te vêtir de ma cape »

Cette fois, son sourire se fit plus assuré, plus confiant et d'une infinie chaleur, car c'était la pensée de leur union et de leurs retrouvailles qui lui avait permit de perdurer. Lui avait rejeté ses dernières peurs à ce sujet.

« Tu sais, la boussole n'a jamais cessé de te pointer, pendant tout ce temps… »


Dernière édition par Achroma Seithvelj le Dim 21 Avr 2019 - 17:59, édité 1 fois

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    Le vampire chaud qui lui faisait face sembla d’un seul coup ne pas en comprendre plus que lui sur la situation alors qu’il en était l’auteur et responsable. Les mains tremblantes, les doigts du bourgmestre demeuraient fermement enroulés autour du manche du chandelier. Ses mires verdoyantes étaient presque exorbitées, sincèrement effrayées et inquiètes. Mais aussi égarées. Il était véritablement perdu et marqua un bref mouvement de recul lorsqu’il le vit entamer un geste de la main. Très vite, néanmoins, il ne perçut aucune magie. Aucun ancrage clé ne réclamait qu’on se tire les cheveux pour lancer un sort, dans les livres de magie. Par réflexe, il manqua d’esquiver le petit objet qu’on lui envoyait, craignant que cela lui explose dessus ou il ne savait quoi… Mais sa présence d’esprit préféra œuvrer autrement et arrêta l’objet en plein vol par télékinésie, le faisant léviter à quelques centimètres de ses doigts cendrés. De là, ses mires s’accordèrent quelques secondes d’observation de l’objet. Ce ne fut qu’à la lumière du nom de cette chose métallique qu’il se concentra pour en trouver les signes distinctifs.

    Ce furent néanmoins plus les mots, doucement énoncés par le vampire penaud qui eurent tôt fait de le convaincre qu’il s’agissait bel et bien de lui. Il n’y avait qu’Ivanyr pour être doté d’une telle tendresse à son égard. Il avait l’air si penaud et douché de lui avoir fait peur. L’éclat flamboyant étreint à outrance s’éteignit, les plongeant dans une pénombre intimiste. Il y avait encore un autre candélabre de l’autre côté de la porte, mais il était un peu plus loin d’eux pour illuminer pleinement la scène de son aura régalienne. Le jeu fin d’ombres et de lumières révélait des traits qui se détendaient sur le visage racé de l’elfe. Il avait l’air moins inquisiteur et d’un geste souple de la main, il attrapa la bague de cheveux dans le creux de sa main. Il vit l’autre approcher et empoigner le chandelier qu’il lui laissa, docilement. Sa respiration s’apaisait à sa proximité et lorsque ses bras s’ouvrirent, il vint lentement mais naturellement s’y loger, comme si c’était sa place habituelle, son foyer. Il enfouissait son nez contre son torse, ses doigts agrippaient ses vêtements sur les flancs et il poussa un soupir, destiné à faire retomber toute la tension, lorsque les bras de son Inséparable se refermèrent sur lui.

    Il resta un moment dans son étreinte, immobile et paisible, ressentant, à nouveau, l’émanation fraîche de son corps à laquelle il était habitué. Ses doigts, refermés sur ses vêtements, le tiraient délicatement mais fermement contre lui, pour ne pas qu’il parte, encore, pour ne pas qu’ils soient séparés. Une éternité passait : son âme se réchauffait aux rayons de leur jumelle, par la symbiose, pure et sincère, de leur proximité. Il n’avait pas besoin de plus pour l’heure, ni de mots, ni de plaisirs charnels. Sa seule présence le comblait bien assez. Et une fois l’élan de ses retrouvailles refroidis fortuitement, il ne restait que cette union parfaite et immaculée, pleine de réserve et à la fois si sincère. Aldaron relevait son nez vers le visage de son aimé, longeant de son extrémité la peau glacée du menton et du nez d’Ivanyr, et dans le lent déroulé, ses lèvres épousaient les siennes, fébriles d’une sensibilité savourée. Il enlaçait sa nuque, de ses mains, puis de ses bras, goûtant encore longuement à la vibrance unique de leurs retrouvailles.

    Un instant, il replaça la bague métallique autour de la tresse platine, signant son acceptation. Avec l’agilité et la force elfique dont il était doté, ses pieds quittèrent de nouveau de sol, cette fois sans élan, et ses jambes s’enroulaient autour du bassin de son aimé, bras noués à son cou. Son poids ne serait un obstacle pour eux qui étaient graciés d’une force surhumaine et d’un amour prêt à tout. Un baiser à nouveau, prémisse d’une  nuit savourée jusqu’à l’aube.

    ***

    Le vent printanier, chargé de pluie, claquait son orage sur les toits de Caladon mais en rien la tempête n’avait ébranlé la délectation de leurs sens au contact de l’autre. Au petit jour, le clapotis régulier des dernières pluies s’écoulaient le long des gouttières jusqu’au sol. Le coq chantait le réveil aux premiers rayons dorés d’un horizon brumeux, frais et humide. Dans les bras à présent chauds du vampire, sa peau à nue avait cure des caprices extérieurs. Il ronronnait presque de bonheur, blotti tout contre lui comme une créature symbiotique. Ses mains vagabondaient sur les vallons et sillons de ses muscles, y retrouvant là un ersatz de la carrure glacernoise. Sa tête reposait sur son torse, les yeux clos, somnolant d’un demi-sommeil, si fragmentairement consumé cette nuit. A moitié grimpé sur lui, il se lamentait mentalement qu’il aurait bien du mal à quitter le lit parental à l’avenir si, en plus de son amour, les bras d’Ivanyr lui offraient la chaleur d’un cocon délicieux qu’il consommerait à outrance, au grand damne de son Conseil.

    En le sentant bouger, il grogna pour le retenir et alla jusqu’à le chevaucher pour lui barrer la route, dans un mouvement tout ensuqué de sommeil : il n’avait pas l’intention de laisser sa bouillotte s’échapper comme ça ! Après quelques minutes, il se redressait au dessus de lui et se remerciait d’avoir tressé ses cheveux hier soir. L’ouvrage était déjà bien débraillé, il aurait été échevelé s’il ne l’avait guère fait. Ses mires verdoyantes n’étaient qu’à moitié ouvertes alors qu’il plongeait son regard sur lui, un sourire aux lèvres. Un baiser et il se calait encore plus sur lui, l’enveloppant comme un koala sur sa branche en grognant de satisfaction. D’ordinaire, il se calait à ses côtés ou près de lui… Mais là, définitivement, il avait adopté l’exaltation de la nuit éternelle, une fois la surprise effrayante de la veille passée. Il lui fallut encore quelques minutes pour s’éveiller, malgré le battement régulier, illusionné, du cœur d’Ivanyr qui le berçait lorsqu’il collait son oreille contre son torse.

    A nouveau, il se redressait, le silence véhiculait ce que les mots ne pourraient jamais pleinement décrire. Son amour pour lui n’avait pas de limites et les paroles n’auraient fait que les cerner. Péniblement, il se redressait, finissant assis à califourchon et il baillait. Il frottait ses yeux, étirait ses bras pour dénouer ses muscles, et le réclama encore contre lui. Il tirait sur un bras pour qu’Ivanyr se redresse aussi et qu’il vienne se nouveau se loger, au chaud. Il poussa un soupir : « Comment vont les tiens, restés sur Nyn-Tiamat ? » finit-il par demander. Retrouver une vie nomade ne devait pas leur déplaire : ils avaient eu tant et tant l’habitude de cela. « A Caladon, on ne parle presque plus que de la guerre à venir. Des chimères. » Il frissonnait, se collait contre lui pour prendre sa chaleur, mais il savait pourtant que ce n’était pas du au froid. « Ils ont peur. Moi aussi, je crois bien... » Même s’il ne pouvait pas le montrer à son peuple. « Beaucoup voulaient fuir. D’autres savent que nous avons eu beaucoup de chances de trouver l’archipel et que nous ne seront peut-être pas aussi chanceux à nouveau. Ils sont fatalistes : tout ici, comme ailleurs, devient morose. Le soir, je m’occupe des préparatifs de notre mariage pour penser à autre chose. Tu vois ? »

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Il attendit, tâchant de retenir à la fois le tremblement de son angoisse et l'impulsion de l'attraper pour le serrer de lui-même dans ses bras, souffrant de cette implacable distance qui n'avait pas lieu d'être. Par sa faute ! S'il avait fait fonctionner sa mémoire pendant un bref instant salutaire, tout cela ne serait pas arrivé. Mais il avait rattrapé sa bêtise, n'était-il pas ? Un instant plus tard, le corps chaud et souple venait se loger contre le sien, lui tirant un soupire de bien-être. Le vampire referma sa prise sur lui, l'enlaçant tendrement et avec précaution, mais non sans force, caressant sa nuque et sa hanche, qui lui servaient de prises et plongeant le nez dans sa chevelure parfumée. Dans ce simple contact défait de toute tension érotique, il ne restait qu'un aveux en filigrane, lacé dans la douceur de leurs gestes, le bonheur qu'ils rayonnaient, enfin réunis. Laissant la course du temps se poursuivre sans lui, le haut mage ferma les yeux, concentré sur les caresses qu'il prodiguait et les sensations qu'il recevait, l'esprit apaisé, défait de ses pensées parasites continuelles. Leurs essences mêlées resplendissaient, de cette manière unique, de cette beauté à la seule portée de ceux qui s'aimaient véritablement et que l'affection comblait parfaitement. La grâce de leur lien magnifié n'avait pas sa pareille. Il était là, l'assurance lui suffisait. Ils étaient ensemble. Dans un mouvement ajusté, il recula légèrement, plongeant son regard dans le sien, mystifié de la verdure de ses prunelles, son jardin secret. Il était le printemps, la renaissance parfaite au milieu des cendres, lui était l'hiver son opposé, sommeil de la vie sur le monde et ensemble, ils formaient un tout unifié. Il l'embrassa, plus comme une danse orchestrée, paisible et frémissante de leur harmonie. Ses mains vinrent ceindre les hanches saillantes mais gracieuses, le pressant lentement contre lui, alors que le velouté de leurs lèvres se mêlait.

Il sentit les doigts de son aimé glisser dans sa chevelure et soupira en sentant l'énergie que pompait le bijou couler hors de lui pour reprendre son office. Un instant plus tard, il soutenait l'elfe accroché à lui, et montait à l'étage lentement, sans se presser. Il quittait à peine ses lèvres, juste le temps de le laisser respirer, mais ne le dévorait pas, l'invitant davantage à partager, jouer, avec une sensualité qu'il lui inspirait, suivant son souffle et la musique de son cœur aimant qui se répercutait dans ses nerfs et sa peau comme une mélopée salvatrice, la muse de sa tendresse. Il ouvrit la porte de leur chambre du coude, puis de l'épaule, la referma d'un coup de botte ajusté et vint à déposer la forme souple de son fiancé sur les draps parfaitement lissés. Le couvrant de sa carrure, il abandonna toute notion d'extérieur pour se concentrer sur la tendresse et l'affection profonde, vibrante et impériale qu'il nourrissait pour lui. C'était moins une étreinte qu'une ode, une vénération de sa personne, un don et un rendu, un partage, alors qu'il le retrouvait, le redécouvrait sans hâte et sans gaucherie passionnée, goûtant chaque parcelle de lui, chaque infime frémissement, déposant à même sa peau les fleurs de sa ferveur et de sa dévotion. Corps en autels de leur union, il nouait sa révérence à l'Inséparable, et bien davantage, à l'homme exceptionnel qui le graciait de son éternité. Il se noya dans la douceur de sa peau, retraçant chaque cicatrice, adorant ce passé de lui avoir délivrer un compagnon à la perfection aussi subjective que réelle à son esprit, plongea les mains dans sa chevelure, étreignit ses formes racées jusqu'à plus soif, l'entraînant dans une chorégraphie sans heurt et sans violence aucune, à la mesure de leur hyménée. Puis lorsque l'apaisement vint, comme la douceur des ailes d'un papillon, il l'enlaça et le lova dans son étreinte, promesse d'infinité.

***

Le chant de la pluie claquant contre les fenêtres et le toit, la symphonie pavée du grondement de l'orage, le berçait bien davantage qu'une transe, l'apaisant et lui inspirant de plus agréables pensées que les ténèbres des nuits de Paadshail ne savaient le faire malgré leur authenticité. Ivanyr appréciait l'île gelée pour sa passion sauvage et sans appel, pour sa pureté inconditionnelle. Mais Calastin avait cette douceur nourricière qui se mariait bien mieux avec l'être assoupi entre ses bras. Là où le nord hurlait furieusement à l'éternité primale, la terre verte promettait le renouveau en un cycle de subtile équilibre. Les averses printanières purifiaient la terre de l'abondance, la gorgeant des largesses d'un monde encore riche. Alors que l'aube caressait la toile du ciel de ses doigts roses, le lent clapotis de l'eau continuait à instiller chez lui une délectable torpeur. Immobile, les yeux fermés, ses bras conservant Aldaron comme le plus précieux des trésors, Ivanyr s'offrait aux éléments extérieurs, remerciant silencieusement le monde pour les bienfaits qu'il recevait en ces heures longuement attendues. Le chant doux coulait depuis les vitres perlées jusqu'en son âme, la carapace de la puissance draconique nichée en lui, préservant son essence première des contactes du monde, craquelée par ses récentes expériences se gorgeant de ce flot de jouvence. Dragon endormit veillant sur son bien le plus précieux, le haut mage suivait des chemins illuminés d'un esprit revivifié, de nouveau éclairé par l'espoir et l'optimisme. Le corps alangui dans ses bras rayonnait, même à ses prunelles closes. Aldaron était sa lumière, son tout. Et le retrouver était son propre printemps. Néanmoins, tout printemps qu'il fut, il allait bien devoir s'éveiller pleinement pour manger quelque chose. Son image dans les yeux du vampire ne pouvait suffire à le nourrir.

C'était toutefois sans compter sur les toquades de son tendre ami, qui fit comprendre en termes peu équivoques son désir qu'il ne se meuve pas. Un léger sourire aux lèvres, amusé et frustré tout à la fois, le haut mage rapprocha encore davantage l'elfe de lui et le mira, gloussant sous cap à son regard encore noyé de sommeil. L'embrassant avec douceur, il ne retint guère son rire chaud et grondant cette fois, touché par son imitation du poulpe. Conquis, il se refusa à le presser et se contenta d'accompagner son éveil par de longues et chaudes caresses, se félicitant grandement, cette fois, d'avoir fait l'acquisition de cet objet aussi rare qu'intéressant. Cela leur offrait un confort nouveau mais délicieux qu'il n'était pas prêt à abandonner maintenant qu'il y avait eut droit. Lorsqu'enfin Aldaron se redressa, il lui décocha un regard amusé, haussant un sourcil.

« Bien dormi ô ma tendre petite boule de plumes ? »

Quoi ? En privé, il pouvait bien se permettre non ? Surtout quand l'elfe avait eut l'audace de le surnommer 'piou piou' après tout. D'une main, il lui flatta la courbe délicieuse d'une épaule. Là où bien des hommes jaugeaient par des mesures moins flatteuses, il trouvait une attraction indécente aux épaules de son amant. Son port était un sujet d'attraction pour lui, d'inspiration à la muse de son désir, et il fallait l'avouer, il avait une chair magnifique, au grain superbe. Il avait très envie de les mordiller, mais se contenta d'y déposer un baiser. Son regard se nouait au sien dans une danse plus délicieuse encore que leur union physique, chargée de l'intensité de leur affection. Néanmoins, alors qu'il lui ceignait la taille, le sujet abordé fâcha quelque peu son humeur câline. Pensif, il se reposa contre lui, sans cesser de parcourir le vélin de sa peau, consommant sa présence comme la plus douce des drogues.

« Bien, je crois. J'ai l'impression de leur avoir ôté un poids des épaules. Lorsque je les observe, je ressens une impression de justesse. Je ressens une émotion profonde, intense. Je suis ému et fier, et bien davantage, sans que je ne puisse trouver le mot adéquat. L'image est superbe, Aldaron. Les contempler évoluer dans la nature, dans les ombres, comme les prédateurs qu'ils sont… ils retrouvent de cette impitoyable noblesse, et je sais au plus profond de moi que c'est ça, un véritable vampire »

Il n'était pas certain que l'intensité de son ressenti parvienne à traverser ses mots, mais si quiconque pouvait la saisir c'était bien son Inséparable. Pas un seul instant il n'avait regretté de s'être investit auprès d'eux. Ses partisans étaient une autre gemme, un autre de ses trésors. Il voulait à tout prix leur permettre de prospérer et avait nombre d'idées pour cela. Il en avait déjà partagé beaucoup avec l'elfe mais en concevait toujours d'autres. Il y avait énormément à faire, bien entendu, car le royaume vampirique était une ruine alarmante mais avec de la patience, de la loyauté et de la motivation ainsi que les bons choix, ils s'en sortiraient. Eux, mais également les autres. Et ils en ressortiraient plus forts. Bien plus forts. Grandis d'une manière encore inédite. Les sacrifices consentis ne seraient pas vains, il l'avait juré et tiendrait parole.

« Ils se trouvent pour le moment aux abords de l'Inlandsis, dans une série de grottes afin de surveiller la possible avancée des Graarh. Je ne voudrais pas que ceux restés à Aërthia se trouvent pris par surprise et massacrés. C'est aussi le lieu idéal pour s'entraîner »

Les vampires combattraient conte les Chimères eux aussi, il ne comptait pas refuser l'appel. Tout comme les autres évidemment. Personne ne gagnerait rien à ce que le monde disparaisse après tout. Resserrant son étreinte sur le corps de son lié, il regretta de ne pouvoir le détromper. Aldaron était intelligent, c'était pour cela qu'il avait peur. Il comprenait leur position et les enjeux. Lui dire de ne pas craindre aurait été ridicule et dangereux… une insulte à son intelligence, justement et à son rôle d'Inséparable. Il voyait parfaitement. La morosité avait atteint son clan également avant qu'il ne décide d'agir. Il ne pouvait chasser la peur, mais il était l'Aîné et les vampires avaient une foi presque effrayante en lui. De plus en plus, alors que sa mémoire revenait, il comprenait pourquoi. Achroma avait accomplit tant d'exploits, certains en compagnie d'Aldaron, que son peuple voulait absolument croire qu'il vaincrait de nouveau.

« Je vois parfaitement, oui. Moi aussi j'ai peur »

Peur que la foi qu'on plaçait en lui soit vaine et vide. Peur de perdre son lié, et son peuple. Peur de reperdre la mémoire et des sacrifices que l'on pourrait encore lui demander. Peur qu'ils ne puissent pas s'en sortir cette fois. Mais fuir ne servirait à rien et il aimait ces terres. Il avait des trésors à protéger, des personnes auxquelles il tenait. Pour tout cela, il ne voulait pas fuir. Et il savait que Aldaron avait aussi la volonté de se battre. Un instant, il ferma les yeux et céda à une épaule tentatrice, pour se consoler, profitant d'un menu plaisir de la vie tant qu'elle lui appartenait encore. C'était la meilleure réponse à cette peur. Et aux Chimères, pour l'heure. Ils se battraient, quand l'heure viendrait. Ils n'avaient pas le choix. Pas d’alternative. Cela pouvait aussi être libérateur en un sens. Il n'y avait aucun question à se poser, il fallait simplement se préparer. L'acceptation venait puis restait simplement l'idée qu'ils se battraient de leur mieux car ils n'avaient absolument rien à perdre.

« Peut-être devrions-nous faire une fête au sein de Caladon, pour notre mariage, en plus de la cérémonie privée. Un événement heureux pourrait être un message fort pour le peuple de la Revenante, qu'en penses-tu ? Tu le connais mieux que moi. Leur changer les idées pendant quelques heures, mais également montrer que nous pensons encore à l'avenir, que nous pensons encore en avoir un au-delà de la vague sombre qui approche de nos côtes. Je sais que c'est la vérité pour moi… Mais même si ça ne l'est pas, il n'est pas utile de le montrer. Célébrer la vie, pendant quelques heures, pleinement et férocement, peut être salvateur »

Il vint lui caresser la joue, le couvant tendrement de son regard de lagon et lui caressa les lèvres du pouce avant de lui flatter la gorge. En cet instant, nulle peur ne l'affligeait. Il aimait bien trop son Inséparable pour ressentir autre chose que cette plénitude et le féroce désir de le protéger. Il serait prêt à arracher le cœur des Déesses mortes pour lui. Se tenir face aux Chimères n'était rien. Il irait au combat son goût sur la langue, son parfum aux sens et son nom aux lèvres, son amour brûlant dans son cœur. Il combattrait pour eux, et pour les siens. Et d'ailleurs, à défaut de chasser la peur, il avait peut-être un exutoire à proposer à son tendre compagnon. L'idée n'était pas si mauvaise après tout. Il ne savait pas si son fiancé apprécierait la suggestion mais pouvait toujours tenter. Avec un sourire, il mordilla de nouveau son épaule, déposa un baiser délicat au creux de sa gorge et vint remonter lentement jusqu'à sa tempe, qu'il baisa également avant de poser le front contre le sien.

« Aimerais-tu que je t'enseigne un peu de magie ? Les miens aussi craignent mais je leur ai donné l'ordre de se préparer et ils se sont lancé à corps perdu dans cette tâche. Veux-tu t'entraîner avec moi ? »

Avec douceur et révérence, il vint dénouer sa tresse, attrapa un peigne par magie et commença lentement à les lisser, par gestes lents et attentifs.

« Sortons du lit, prenons un petit-déjeuner ensemble, puis trouvons un lieu pour pratiquer la magie et je t'enseignerais quelques uns de mes tours. Tu as déjà d'excellentes connaissances, je suis certain que j'apprécierais aussi de te voir à l’œuvre. En retour, j'aimerais beaucoup que tu m'aides à travailler sur un autre spectre qui me suit. Il est apparut après ton départ de Nyn-Tiamat et me laisse perplexe. J'aimerais explorer sa présence avec toi et avoir ton soutient. Peut-être que cela pourrait aussi t'intéresser, précédemment tu connaissais les spectres qui me venaient après tout. J'aimerais pouvoir te montrer les progrès que j'ai pu faire avec ma mémoire. Si tu veux bien m'accorder la joie de ta présence, petite boule de plumes »

Taquin, il lui fit un sourire joueur et un baise-main galant en totale opposition au surnom affectueux qu'il s'était toqué de lui donner ce jour-là.

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    Boule de plumes. C'était au moins aussi peu charismatique que piou-piou,mais cela le fit sourire en coin. Alors il ne lui reprocha pas, gardant pour lui ce doux surnom intimiste et révélateur. Pour autant, le spirite de l'inséparable ne se sentit qu'à peine apte à lui répondre. La nuit avait été bonne, chaleureusement accompagnée. C'était indéniable. De là dire qu'il parvenait à se sentir reposé ? Son inquiétude grandissait à la proche venue des chimères. Qui pourrait seulement bien dormir en sachant que ces cruelles ignominies faisaient voile vers eux et qu'ils ne s'en relèveraient probablement pas ? Il haussa doucement les épaules. Il n'avait pas envie d'être pessimiste, mais il l'était malgré lui. Il n'était pas bien certain, en son for intérieur, qu'ils pourraient s'en sortir. Leurs lendemains étaient si flous, l'elfe peinait de plus en plus à se projeter au delà de cette ultime bataille, comme s'il s'agissait d'un mur au dessus duquel il ne pouvait voir. Il y était bien contraint, de par son poste à Caladon, mais il était humain et il avait peur.

    Il n'était pas seul. Ivanyr lui confiait la réciproque. S'il aurait voulu qu'il le rassure ? Probablement oui, tout en sachant pertinemment qu'il n'y aurait pas cru si on lui affirmait avec certitude qu'ils s'en sortiraient. Peut-être était-ce mieux ainsi, au final, que son lié ne lui clame pas leur survie si hypothétique. Il était las des discours d'espoirs qu'il entamait lui-même pour son peuple, il avait besoin de ce havre de vérité, ainsi dure puisse être cette dernière. Et puis, au delà de ces basses considérations, il y avait la lumière et la beauté du monde que le vampire savait si bien lui montrer. Il aurait aimé voir avec lui ce peuple de la nuit revenu à sa prédation primale et noble. Il aurait voulu connaître ces ombres chasseresse et envoûtantes qui avaient su le séduire, dans leur horreur brutale et leur charme glacial. Les mires de son fiancé le saisissaient et l'emportaient vers des contrés enneigées, les cimes immaculées d'un hiver magistral dont il était le Prince. L'on pourrait dire ce qu'on voudrait du pouvoir disparate du peuple de la nuit : celui qui portait la couronne noire à ses yeux, c'était Ivanyr. Et cela bien plus que ses pâles concurrents... A savoir une brute épaisse, une femme qui s'était écrasé devant le peuple graärh, et... Toryné ? Etait-il utile de préciser combien il le méprisait ?

    Pourtant, si ce peuple éclaté devait perdurer dans cet état de division, il faudrait bien le ressouder et de tous les défauts dont était doté le cygne, Aldaron voulait bien lui reconnaître d'être un père véritablement et sincèrement investi dans ce rôle. S'il y avait bien un être au monde avec lequel son cœur paternel vibrait, c'était bien lui... Et combien n'aurait-il pas donné pour avoir droit, lui aussi, à toute l'affection d'un père à laquelle il n'avait jamais goûté ? L'idée lui trottait en tête, sans qu'il ne sache s'il céderait à ce caprice, un jour ou non. L'étreinte d'Ivanyr venait le caler contre lui. Ses lèvres embrassait la peau illusionnément chaude de sa gorge, vibrant aux mots de sa voix grave. L'elfe relevait le nez, gardant le contact contre la peau jusqu'à saisir délicatement entre ses dents le lobe de son oreille. Il le mordillait quelques secondes, comme s'il cherchait à chasser les frissons de la peur pour les remplacer par ceux de la sensualité puis l'épargna, reculant assez pour croiser ses mires.

    La proposition de fête pour Caladon fut graciée d'un doux sourire en coin, aimant assez cette idée. Il voulait d'un mariage discret, pour profiter pleinement de ceux qu'il aimait... Mais il ne saurait refuser d'étendre sa joie à tout Caladon pour les sortir de leur torpeur morose. Il pouvait bien offrir cela au peuple qui l'avait élu. Il n'eut guère à lui répondre qu'il se faisait dévorer l'épaule, le cou et la tempe de baiser, sa peau électrisée à son contact, frissonnante de plaisir. Il lui avait manqué et à leurs retrouvailles consumées, il le sentait infiniment. Pourquoi avait-il accepté qu'il parte ? Pourquoi ne s'était-il pas accroché à lui comme une moule à son rocher, faisant un caprice suivi de désobéissance si l'Aîné l'avait laissé planté à Nevrast ? Ses doigts vagabondant sur son torse, il laissait à Ivanyr le soin de ses cheveux blancs, l'écoutant silencieusement jusqu'alors. Et jusqu'au baise-main. Il se mit à rire à cette toquade qu'on offrait uniquement aux femmes et vint lui pincer la peau du ventre : « Me prendrais-tu pour ta femelle ? » railla-t-il avant de rouler des yeux.

    « Tu as raison, pour la fête à Caladon. Comme pour tout le monde, rire, chanter et danser leur fera du bien et chassera, au moins pour un temps l'ombre de ce qui nous attend. Profiter de la vie... » Son sourire se crispa, pensif : « Ensemble. Tant que nous le pouvons. » Il était redevenu grave malgré lui. Il secoua la tête de gauche à droite en baissant les yeux, contrit. Il dirigea la main qu'il tenait contre son torse, son cœur, puis vers son ventre, comme s'il aurait voulu lui faire sentir la crispation de ses entrailles. Ou comme l'aurait fait une femme enceinte. Le geste lui paraissait étrange à bien y penser et stupide. Comment pouvait-il physiquement sentir sa nervosité ? Il relâcha sa main, se mordant la lèvre : « Je suis soulagé que tu sois rentré. » C'était égoïste et s'il avait été au bout de ce trait, il l'aurait gardé avec lui, rien que pour lui. Mais à peine retrouvé, quelques jours, et Aldaron devrait se rendre au conseil de guerre qui aurait lieu à Delimar. Il doutait pouvoir emporter avec lui son Inséparable. Tâchant de se ressaisir, il veilla à se convaincre qu'il devait profiter pleinement de l'instant présent. Il inspira l'air dans ses poumons, les lèvres cendrées ornées d'un sourire qui se voulait rassurant.

    « Je pense que je ne trouverai pas meilleur professeur que toi dans l'archipel... Et pas seulement pour ton savoir de mage, si tu vois ce que je veux dire. » Il lui donnait envie de se dépasser, d'aller plus loin que ses limites. Il lui donnait envie de faire des progrès, de se donner pleinement à l'ouvrage et réussir. L'esprit-lié de l'inséparable lui donnait toute l'allégresse dont il avait besoin. Il eut un sourire en coin alors qu'il se dégageait de son étreinte et du lit pour aller prendre de quoi se vêtir. « Les forêts autour de Caladon sont importantes pour obtenir facilement du bois et avancer les constructions de la ville et des navires. Hors de question qu'on s'en serve pour m'apprendre à y mettre le feu, altesse l'Incendiaire. » railla-t-il en lui jetant un regard par dessus son épaule alors qu'il enfilait une tunique. Plus sérieux, il ajoutait : « Peut-être auprès de la falaise, qu'en dis-tu ? Je crois que c'est notre sanctuaire de prédilection. » Reprenant le peigne, il acheva de se coiffer avant de tresser à nouveau, proprement, sa longue chevelure. C'était fou comme il y arrivait mieux quand Achroma était là. Achevant la tâche, il jeta un regard sur le vampire, pour voir s'il était prêt. Il se tenait férocement en laisse pour s'imposer la discipline de bouger et de ne pas rester à se lamenter.

    Il vint lui prendre un baiser, puis la main, l’entraînant jusque dans la salle à manger où les domestiques s'affairaient à dresser la table, visiblement surpris de voir le bourgmestre levé si rapidement. Ils s'activèrent de finir et de leur laisser leur intimité. « Tu as faim aussi ? » demanda-t-il, attentif, et déjà ravi à l'idée d'avoir un câlin pendant qu'Ivanyr se rassasierait et puis, sérieux, il demandait : « A quoi ressemble ce nouveau spectre ? Comment l'as-tu rencontré et... Est-ce que tu as interagi avec ? »

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La raillerie lui tira un sourire en coin, tandis qu'il lui décrochait un regard affectueusement sceptique, sourcil élégamment relevé et il vint lui caresser une épaule, se rapprochant de nouveau après avoir tenté une vague esquive pour éviter de se faire pincer. La réponse, il la donna en se nichant tout contre sa gorge.

« Que voilà un vilain terme pour définir tout ce que je te prend pour... »

Il avait été plus cru que ça sur bien des points par le passé et même dans ce simple sous-entendu au grivois consommé, mais quelque chose en lui trouvait cette image tellement plus vulgaire. Peut-être était-ce l'influence d'Achroma, mais il ne voyait certainement pas son lié comme une vulgaire jument.

Installé contre lui, il lui coula un regard en coin. Le monde de l'art n'était pas exactement son fort, si ce n'était, à en croire les légendes, pour tisser des contes et des récits. Ainsi, la poésie n'était pas de ses qualités. Il n'en demeurait pas moins généreux et prolixe en son esprit, pour nourrir l'arborescence des adjectifs et des métaphores entourant autant son amour que son respect pour son fiancé. En vérité, devoir se contraindre en rimes raides et peu naturelles ne lui semblait même pas correspondre à l'authenticité et au côté non conventionnel d'Aldaron. Les mots aussi, avaient besoin de liberté.

Savoir que l'idée d'une fête partagée, plus large et mondaine, lui plaisait lui tira une brève expression satisfaite. S'ils avaient voulu une cérémonie privée, c'était pour éviter d'être mit au centre de trop de lumière et pouvoir réellement en profiter. Et il y tenait, surtout pour son compagnon. Mais en ces temps troublés, donner un peu de leur bonheur personnel ne serait pas cher payé si cela permettait de redonner pour un moment de l'espoir au peuple Caladonien. Il en avait bien besoin, il était plus doux et disparate que le peuple vampirique. Les siens éprouvaient une joie sauvage à l'idée de combattre et de défendre leurs terres malgré la peur.

« Oui, nous profitons de ceux que nous aimons »

Il fallait croquer la vie à pleine dent, ceci ne serait pas différent. Du moins était-ce le message à faire passer bien qu'il éprouva lui-même des difficultés à ravaler sa crainte pour ceux auxquels il tenait. Sa main pressa sensiblement contre l'abdomen musclé et gainé de l'elfe, alors qu'il expirait profondément, lentement, jusqu'à vider ses poumons de toute trace d'air. Il y avait quelque chose de non dit, dans leur contact, une tension qui n'avait rien d'agressive, une attente qui n'avait rien de critique. Il en était lui-même troublé, tentant de sentir ainsi tout ce qui contraignait son lié. La pression se relâcha et il vint lui flatter les hanches, ravalant des questions informulées.

« Je suis heureux de te retrouver »

Cela avait été nécessaire car il n'aurait pu tenir davantage et s'il avait été égoïste, il aurait empêché Aldaron de le quitter sur Nyn-Tiamat. Il l'aurait gardé avec lui, pour lui, pour qu'ils parcourent les sentes glacées ensemble, pour qu'il lui fasse voir plus de cet hiver éternel et immortel. Mais hélas, l'elfe était encore bourgmestre et sa place, surtout en un temps aussi noir, était avec son peuple. Caladon avait besoin de lui. Et il savait de toute façon que son lié aurait été malheureux et tourmenté de ne pas être à sa juste place. Son amour n'était pas encore aussi aveugle. Mais il était heureux d'être à présent auprès de lui. Il se sentait renaître.

Son sourire, éclatant et joueur, répondit seul aux compliments qu'on lui faisait. La réciproque était également vraie. Ce sourire se fit rire quand on lui rappela le titre dont il était largement affublé dorénavant. Il ne l'avait certes pas volé celui-ci. Pouffant de rire et l’œil pétillant, il décida de le prendre avec bonhomie. Au fond, le titre lui plaisait, il était véridique et s'il parvenait à faire quelque peu rire son fiancé...

« Incendiaire. Oui, j'ai certes fait preuve d'un tempérament… ardent… contre la Licorne. Je brûle/i] littéralement, autant de l'envie d'en découdre avec la bête que d'amour pour toi. Je prêche avec une conviction [i]embrasée pour la libération des Graarh et je bouille/i] de l'envie de voir l'esclavage aboli. Je nourris une détermination [i]inextinguibledans mon travail pour rétablir la dignité du peuple vampirique, j'aime à nourrir un espoir flamboyantque les miens puissent retrouver leur noblesse. Je... »

S'arrêtant, il se fit pensif, se creusant la tête pour trouver un synonyme de plus entrant dans le thème. Hélas, il ne trouvait pas. Dommage. Si Aldaron ne trouvait pas ça drôle, à défaut, lui s'amusait très bien ainsi. Qu'avait-il dit un peu plus tôt ? Que les mots aussi avaient besoin de liberté ? En tout cas, ils avaient des couleurs au moins pour cette fois. Secouant finalement la tête, il reprit :

« Je suis à court. Mais la falaise me va très bien. Je pourrais me rouler dans le sable et plonger dans l'eau si tu m'allumes un peu trop »

Il aimait énormément ce lieu près de la falaise. Le terme de sanctuaire lui allait très bien, c'était un lieu de souvenirs et de passion pour eux. Lui jetant un regard amusé, presque enfantin dans sa satisfaction, il se dégagea des draps pour se relever et examiner les alentours à la recherche de ses habits. Ses longs doigts nouèrent les boucles de sa chemise, de sa ceinture puis de ses sangles pendant qu'Aldaron se peignait. Sa propre chevelure resta telle qu'elle était. L'apparat de guerre avait relativement tenu en place.

Relevant les yeux de son ouvrage, il croisa le regard forestier de son aimé et vint le rejoindre, répondant à la caresse de ses lèvres avec un plaisir qu'il ne cachait pas. Ensemble, ils descendirent jusqu'à la salle à manger, et le vampire en profita pour surveiller l'extérieur par la baie vitrée, ne voulant pas risquer d'aller jusqu'à la falaise sous une averse soutenue. Mais heureusement, le flot semblait s'être calmé, ressemblant à un léger crachin qui aurait certainement disparu d'ici qu'ils quittent la maison.

« J'ai faim oui »

Sa voix suave et douce, sucrée et susurrante, ne donnait pas une indication claire sur la faim exacte à laquelle il pensait mais il ne vint pas moins lui caresser la carotide, se délectant de l'idée même de son sang sur sa langue. Le laissant s'installer, il posa un genoux à terre près de lui mais ne se jeta pas sur sa gorge immédiatement quant bien même l'idée était tentante. Mais s'il en jugeait par leurs dernières expériences avec les fantômes de son passé, l'humeur avait tendance à être parfois refroidie et il voulait garder cet instant câlin et gourmet comme une carte dans sa manche au cas où.

« Il s'agissait d'un elfe masculin, haute stature, cheveux blancs, le visage marqué de cicatrices, la peau blafarde… Saeros s'est montré très vindicatif à son égard »

Il se creusa la tête. Quand exactement avait-il noté son apparition ? Quand le marché noir avait récupéré un certain ouvrage, pour le lui remettre sur sa demande. Voilà qui était curieux d'ailleurs maintenant qu'il y pensait, est-ce que c'était lié au livre ? Il posa les deux mains sur un de ses genoux, plaça le menton dessus, sourcils froncés alors qu'il réfléchissait à ses précédentes rencontres avec le fameux spectre. Ce n'était pas le plus violent. Le dragon était bien pire que ça, Saeros était bien plus bavard. Mais il y avait quelque chose chez lui, tout de même, quelque chose de très étrange, de triste.

« La première fois que je l'ai vu, c'est en récupérant la commande que j'avais fais à tes hommes à Nevrast. Je me suis plongé dans ma lecture, et quand j'ai relevé les yeux il était là. La seule interaction réelle que j'ai eu avec lui c'est ma tentative de l'incinérer à ce moment-là en pensant qu'il s'agissait d'un potentiel assassin. Et par réflexes, je l'avoue. Il ne me dit pas un mot quand il apparaît, il ne fait que me regarder… J'ai fini par abandonner l'idée de lire ce livre tant que je ne comprend pas ce qui se passe. Je n'ai pas spécifiquement envie de relever le nez et de le trouver chaque fois à quelques centimètres de moi à me fixer comme... »

Comme lui fixait Aldaron la nuit ? C'était extrêmement perturbant et toutes ses tentatives pour lui parler s'étaient soldées par des échecs. Quoi que ce spectre représente, il était opaque et peu prompte à lui donner des indices. Mais Aldaron, qui le connaissait bien, saurait peut-être l'aider. Penchant la tête sur le côté, joue contre l'intérieur d'une cuisse douce, il soupira, dépité. Chaque spectre qu'il avait vu lui avait posé des problèmes différents. Saeros par son insupportable manie d'être présent tout le temps et de l'agonir de tant de piques et d'informations qu'il ne savait réellement pas la raison de sa présence, la femme humaine parc qu'il ne comprenait pas pourquoi cela reparaissait alors qu'il avait enfin retrouvé Aldaron, la dragonne parce qu'elle voulait le tuer… et maintenant… lui là.

« Les dernières fois, tu as vu ces spectres comme moi. Je crois même que tu avais interagis avec Saeros. Peut-être que celui-là attend que tu sois présent pour parler ? Je pensais que nous pourrions nous occuper de cela en rentrant, après notre séance sur la falaise. Qu tu puisses examiner le livre et me dire ce que tu penses de tout cela… peut-être m'aider à renforcer mon esprit pour ne pas que je sois autant importuné... »

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    L'humour léger lui faisait étirer un sourire d'un pourpre terne à l'ivoire tendre. Qui aurait pu croire que cette bouche si prompte aux baisers et aux mots souverains avait été capable de dévorer de la chair humaine tel le repas honni d'un muselé ? De ces yeux d'un vert aussi profond qu'une forêt dense, qui aurait pu imaginer les larmes de deuils par milliers qui avaient frappé sa vie par à-coups de stèles de marbre et de bûcher aux flammes dévorantes ? A sa manière de rire jusque les yeux, les prunelles nimbées d'étoiles brillantes de vie, qui aurait forgé en lui, sur lui, le volcan de Morneflamme ? Qui aurait lu la guerre sur la peau pigmentée des paillettes de cendres qui avaient fusionné par le souffre, claquant de son gris moucheté l'éclat rosé et clair de l'innocence ?

    Qui aurait décelé, là, gravé dans les rides fines et encore bien trop lisses pour être marquées, l'histoire de son existence qui avait basculé de la candeur à la clameur d'un suppliant ? N'avait-il prié la Tyran Blanc ? A genoux et la tête couverte de cendres ? Qu'à sa chevelure immaculée, on ne saurait décrire la noirceur qui s'était détrempée lorsqu'il avait été libre, dit-on, évadé ? Qu'à ses doigts émaciés coulait le sang d'un meurtrier ? Des gorges, ils avaient serrées. Des cheveux crasseux, ils avaient saisis pour qu'à sol volcanique se tienne une rencontre fracassante. Combien de vies, pour la sienne ? Combien de sacrifiés sur l'autel de sa toute incarnée survie... Pour qu'en ces jours d'exil, il se dresse au balcon du Palais de Caladon, la peau propre, le regard droit, la posture régalienne ? Un sourire d'un pourpre terne à l'ivoire tendre : ils y croyaient.

    Qu'aux tréfonds des abîmes, il avait couvé l'égarement et le Marché Noir comme une secte d'adorateurs éperdus, fanatiques en quête de l'or d'une paix, ou son simulacre. Un équilibre entre l'ordre et le chaos, une balance entre la défendue folie et la vertueuse raison, vêtu de bonne facture et de simplicité, les cheveux lissés et le visage d'un innocent bienfaiteur. Il s’effrayait parfois lorsqu'il se souvenait des respirations rauques et tremblantes dans la nuit noire mais brûlante du volcan. Il se faisait peur souvent lorsqu'il revoyait Achroma brûler sur le bûcher funéraire... Et pourtant, il n'avait pas prié. Comment aurait-il pu encore le faire ? Ses prières trois années durant avaient été des suppliques et des louanges adressées à un être qu'il haïssait viscéralement ? Comment aurait-il pu prier encore, des déesses, des esprits, qui les avaient abandonnés ? Qui les avaient déçus ?

    Il n'avait plus eu le foi en cela. Devant le bûcher de l'Aîné, ses vêtements avaient cachés les brûlures d'un homme comme bien des apparats dont il se dorait pour restaurer une image fanée, flétrie, calcinée. Mais il n'avait pas prié, les lèvres scellées dans sa douleur et ses joues irradiantes de maigreur où n'avaient couler que des larmes perdues : les sillons avaient disparu. Les sanglots n'étaient qu'un son dans le lointain, un passé qui ressurgit en un vacarme assourdissant, telle des cloches carillonnant un écho de jadis. C'était son innocence qu'il avait pleuré, tout ce que le tyran avait détruit en lui, tout de que les guerres avaient arraché. Qui aurait deviné le lourd passé qui avait pesé sur les épaules du Bourgmestre caladonien ? Il donnait tout à la lumière, lui qui se complaisait dans l'ombre. Dans son ombre.

    Et pour autant, le sourire qui s'étirait sur ses lèvres était sincère et franc. De ces épreuves, il s'était relevé grâce au vampire qui lui racontait des âneries et qui le faisait rire par elles. C'était cela, toute la magie de sa renaissance. Il avait brûlé, dans le volcan et le feu l'avait dévoré. Aujourd'hui, ce feu lui chauffait le cœur d'un amour qui l'aidait à franchir tous les obstacles qui se dressaient devant leur avenir. Les chimères se présentaient à leurs portes, violentes et pleines de haine... Mais il rirait. Il riait parce qu'Ivanyr était là pour lui donner cette envie et cette force. La dernière bataille n'avait plus d'importance tant qu'il était dans sa bulle avec l'homme qu'il aimait éperdument. C'était comme cela qu'il tenait debout et qui ne donnait pas l'air, excepté au creux de ses prunelles soucieuses, d'avoir traversé un désert et de se trouver face à une mort imminente, dans la bataille à venir.

    Il s'installa dans un siège et au genou mis à terre, il se tournait vers son aimé, un sourcil arqué, interrogateur. La posture avait quelque chose de grisant, quand on savaient qu'ils étaient tout deux des meneurs d'hommes. Ils avaient toujours cette même révérence l'un pour l'autre et il y aurait fort à parier que leurs intérêts et leurs projets ne viennent jamais à diverger. Il n'en demeurait pas moins vrai que contempler sa soumission physique, bordée de respect, avait des atours enivrants, autant qu'il vouait une adoration sincère pour son suppliant. Outre les considérations politiques, venait aussi la sensualité éveillée par cette aguicheuse proximité dont la chaleur fut nettement refroidie à la suite de ce qu'on lui narrait. La description était bien assez complète pour qu'il devine aisément de qui il s'agissait. Les elfes n'avaient pas une population très nombreuse et si l'on ne considérait que la faible portion qui avaient eu des liens sincères avec un vampire... Cela se réduisait à peau de chagrin. Eliowir Serillëiel était une évidence.

    « Un amant. » acheva-t-il à ses mots incomplets. Le ton avait été plus sec qu'il ne l'aurait voulu, malgré l'habillage affectueux. La jalousie l'étrillait stupidement. Il posa une main sur celle de son fiancé, comme pour le rassurer sur ses intentions avant qu'il ne secoue doucement la tête de gauche à droite. « Continues. » Le souffle avait été plus calme et doux, alors qu'il réchauffait sa gorge des saveurs sucrées et amères de son thé, en quête d'une échappatoire et pourtant cela l'étrillait toujours. Sa possessivité était flagrante, autant qu'elle s'en trouvait grotesque. L'elfe dont il était question était mort et il avait la promesse d'un inséparable comme sublime joyau d'un amour inégalable. Alors pourquoi cette jalousie ? Parce qu'il n'aimait pas qu'on dévore son fiancé, et bientôt époux, du regard... Avide d'un intérêt qui ne serait jamais satisfait mais dont la seule existence avait le don de l'agacer. S'il le pouvait, il aurait arraché les yeux de ce spectre. Mais ça aussi, c'était stupide et vain.

    Il acquiesça d'un signe de tête entendu à la proposition qui lui était faite, tâcha d'avaler son repas autant de la venue de ce spectre. Il se souvenait de sa nuit passée avec Achroma, à Nevrast, ses mots rassurants et sincères... Du moins les espérait-il ainsi. « Je ne suis pas un professeur très tendre. J'ai appris à renforcer mon esprit dans la violence, tu sais ? Je ne connais que cette école. » Les propos étaient sombres et pourtant auréolés d'une vérité criante. Il ferait ce qu'il pourrait pour l'aider en retour, parler serait peut-être un bon début pour s'éviter une certaine forme d'agression. La force de son esprit s'était cristallisée par la souffrance et la peine. Ils avaient été le moteur de sa volonté à avancer : se battre encore et toujours, sans baisser les bras.

    Malgré lui, le silence s'était installé entre eux, seulement béni par leur douce proximité et le tintement délicat de la vaisselle de porcelaine comme les cloches carillonnant les hospices. L'elfe s'était perdu dans ses pensées, en quête d'un sens, d'une raison à la présence d'Eliowir. N'avait-il pas déjà apporté l'amour à Ivanyr ? Ce spectre venait-il alors invoquer des doutes ? Ou un besoin d'avoir d'autres amants ? « Achroma n'avait jamais été restreint par le nombre... De ses conquêtes. » Bien, il pouvait appeler cela ainsi. « Eliowir Serillëiel, cet elfe dont tu parles, avait été subjugué par l'Aîné, comme je l'avais été. Comme beaucoup l'ont été. Comme beaucoup le seront toujours... » Même devant les yeux d'Ivanyr. Il ne le regardait pas, il mirait au loin, dans le flou, un point d'ancrage par dessus sa tasse.

    « Mais il y avait quelque chose de plus profond et de réciproque, entre eux. Une alliance que les autres ne pouvaient pas atteindre et qui leur appartenait. Je n'ai pas beaucoup connu Eliowir, seulement une fois qu'il soit devenu un vampire. Pour les elfes, il était un paria. Il avait tué son enfant, je suppose que cela nous rapprochait. » Aldaron n'avait pas tué son propre fils, mais il l'avait abandonné. N'était-ce pas pire ? Il n'avait pas été banni pour cela, mais dans les yeux des siens, il n'avait jamais rien vu de plus que le rejet. « C'est Achroma qui l'avait mordu, pour le sauver de la malédiction de Néant. C'est pour cela... C'est pour cela que je pensais qu'en cas d'urgence, tu serais capable d'en faire de même avec moi, et de continuer de m'aimer ensuite, comme cela avait été le cas pour lui. » Il secoua la tête de gauche à droite en reposant une tasse vide sur la soucoupe prévue pour cela.

    « Je t'ai déjà parlé d'Eliowir, le soir où on a renoué, près de la cheminée, tu te souviens ? Tu n'avais demandé si j'étais jaloux et je ne t'ai pas répondu. » Tout comme il ne répondait pas quand on lui parlait du Marché Noir. Il savait être prolixe sur bien des choses, et à plus forte raison lorsqu'il fallait camoufler des éléments plus secrets. « J'ai beaucoup de respect pour lui, mais aujourd'hui, si je pouvais lui arracher les yeux, à ton spectre, je le ferai sûrement. » Ses mires retombaient sur lui, presque navré du propos, car il avait sincèrement respecté Eliowir, jadis. Aujourd'hui, il était un souvenir qu'il n'aimait pas regarder en face, tout comme on peine à regarder les ex-compagnons de l'être avec qui on partage le désir d'éternité. Au fond, c'était assez logique, même s'il s'en blâmait. Il afficha un faible sourire en coin, pour casser la lourdeur de ses mots : « Mais oui, je tâcherai de lui parler, si cela peut t'aider. Je suis curieux autant qu'inquiet du message qu'il peut vouloir te transmettre. Surtout s'il t’apparaît sous la forme d'un elfe, en vérité. S'il avait été un vampire, je pense que cela aurait été de te faire renouer avec un ersatz d'amour paternel, sincère. »

    Sa conversation avec Tryghild au sujet des enfants ne l'avait pas laissé indifférent. Un passage constructif dans la vie d'un couple auquel ils n'auraient, tous deux, pas le droit. « Mais l'elfe... L'elfe était son amant. » Ses sourcils étaient froncés par l'incompréhension avant qu'il ne décide de se lever, pour tourner la page et digérer tranquillement, avant d'y revenir, plus tard : « Allons sur la falaise. Que souhaites-tu m'apprendre ? »

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Un amant ? Ivanyr décocha un regard sceptique vers son fiancé, perturbé par l'idée d'avoir pu oublier un individu avec lequel il aurait partagé des fluides intimes. Mais en fin de compte il avait oublié tellement de choses qu'il ne serait certainement pas à ça près. Peut-être que son lien avec l'Inséparable le poussait également au déni de ces relations passées. Peut-être. En tout état de cause, il croyait à la parole d'Aldaron et était donc profondément perplexe quand à ce que son inconscient essayait de lui dire. Pourquoi faire ressortir le spectre d'un ancien amant à quelques jours à peine de son mariage ? Il n'avait pas le droit de profiter de son bonheur ? Parce qu'il avait beau vouloir se montrer optimiste, il n'inventait pas la jalousie qui transpirait de son fiancé et il ne lui en voulait d'ailleurs pas le moins du monde. Bien qu'il n'ait aucunement besoin de preuves d'affection, de par leur couronnement par l'esprit de l'amour, il n'en demeurait pas moins touchant de voir à quel point l'elfe le chérissait. Un léger sourire flotta sur ses lèvres, alors qu'il poursuivait son explication jusqu'au bout, couvant Aldaron d'un regard à présent chaud et tendre, se demandant quelles proportions cette jalousie prenait, dans les tréfonds de son auguste esprit. Qu'est-ce qu'il s'imaginait ? Il avait été établit que sa propre propension à l'extrémisme, quand il s'agissait de son compagnon, était proverbiale, mais il savait aussi que l'archer dissimulait parfois de bien sombres secrets dans ses silences et ses pensées.

L'avertissement, en écho à sa demande, lui tira quant à lui un fin sourire effilé. La réponse qu'il lui fit vint d'une voix détachée, tranquille mais pas moins assurée pour autant.

« Je n'ai guère de foi en l'oisiveté pour renforcer un esprit et l'éducation, la discipline protocolaire laissent des failles dans l'armure mentale que l'on dresse car elles ne sont, à mon sens en tout cas, pas taillées sur mesure pour celui qui doit s'éduquer. Si je te le demande, ce n'est pas pour être ménagé »

Il savait par quoi son amant était passé, ce qu'il avait traversé et bien qu'il n'ait pas le poids de ses souvenirs, il partageait pleinement la souffrance qu'il sentait indéniablement chez lui… mais qui ne l'avait pas vaincu.

Le silence gagna leur entourage et le vampire ferma les yeux, se laissant bercer, flotter, sans avoir besoin d'alimenter une quelconque conversation. Le flot revint pourtant, sous la voix de son amant, lui barrant le front d'un trouble certain. Ainsi, il avait été un conquérant, même en cela ? Même pour quelque chose d'aussi trivial que l'attraction physique, le plaisir des sens ? L'image semblait si grotesque. Il ne se voyait pas doté d'un tel magnétisme, et pourtant force était de reconnaître ce qu'il avait déjà vu se produire devant lui. Point alors de connivence physique, mais c'était un aperçu suffisant pour, une fois de plus, croire sans concessions les paroles d'Aldaron. Pourtant, il n'était pas à l'aise avec cette perspective. Il ne se sentait pas l'âme d'un maître de harem et ne le désirait pas. Une seule personne occupait ses plus érotiques pensées, comme les plus douces et les plus mélancoliques. Il n'avait d'yeux et d'appétence que pour son lié, et n'avait aucune intention de varier les expériences. Voilà encore un aspect de l'Aîné avec lequel il ne se sentait pas du tout en phase. Un bref instant, il se tourna vers l'intérieur, vers la présence vibrante en lui, ancienne, antique même, qui restait si discrète mais toujours présente, attentive et disponible. Les sentiments qui émanaient d'Achroma étaient pourtant… ils étaient loin de lui être compréhensibles.

« Je ne m'en souvenais pas... »

Le souffle était discret et sincère. Il ne s'était pas souvenu de la mention de cet elfe. Était-ce par déni qu'il n'avait pas retenu ou simplement parce qu'il avait eut autre chose en tête, de plus important ? Il tâcha de se souvenir mais n'y avait définitivement pas accordé assez d'attention. Pourquoi Eliowir était-il revenu vers lui ? Que représentait-il ? Aldaron se levait et s'il suivit le mouvement, oubliant l'idée de se nourrir, il ne pouvait aussi aisément rejeter ses interrogations et ses pensées. La demande de l'elfe lui parvint mais uniquement au travers d'un voile distant. Se passant une main sur le visage, il tâcha de se focaliser sur ce qui lui était convoyé. Le reste pouvait attendre. Cela avait attendu jusque là, un peu plus de viendrait tuer personne. Et tant qu'il ne touchait pas à l'ouvrage, il ne risquait aucune visite impromptue et distrayante. La magie donc… Même à Nyn-Tiamat, il n'avait pas cessé de continuer à la travailler, à étendre ses connaissances et à rôder son lien avec elle. La magie lui était aisée, mais l'expliquer et l'apprendre à un autre ? C'était plus difficile, plus délicat. Comment pouvait-il faire pour enseigner à un elfe qui avait sans doute sa propre connexion, bien spécifique, à la trame ? Peut-être justement en commençant par là ? Observant son amant au travers de ses sens magiques, il regarda un moment les liens lumineux qui pulsaient avant de prendre la parole.

« Comment perçois-tu la magie ? Comment… Que ressens-tu à son contact, quand tu l'utilise pour produire un sort par exemple ou que tu te gorges d'énergie ? »

Avant de se lancer tête baissée dans un cours magistral qui ne servirait à rien, il voulait comprendre exactement où se situait son amant. Aldaron n'était pas un débutant, travailler étroitement avec lui à son avancée serait certainement bien plus productif que de se contenter d'un discours plat et sans formes.

« Quand tu marches, est-ce que tu arrives à percevoir les différences de densité dans la trame ? Sous quelle forme ? Si tu dois appeler de l'énergie à toi, comment procèdes-tu ? »

L'elfe verrait très certainement quel cheminement il désirait suivre n'est-ce pas ? Ensemble, ils commencèrent à se préparer à partir, tout en discutant, une façon d'avancer les choses avant d'arriver à destination et d'entamer les hostilités. Repensant à leurs mois de vie commune, il lui vint une autre question importante.

« Qu'est-ce que tu aimes faire avec l'énergie que tu tires de la trame ? Tes créations matérielles sont très réussies, comme l'épée… mais est-ce que tu te sens à l'aise là-dedans ? Quand tu veux user de la magie sur un champ de bataille, à quoi penses-tu en premier ? »

Pour autant, il ne dit rien de ce que lui-même sentait ou imaginait car il ne désirait pas influer sur ses réponses. Aldaron était assez indépendant pour que le risque soit presque non existant et c'était une des raisons qui lui faisait admirer son lié mais mieux valait ne rien tenter. Dans le pire des cas, cela éviterait que la conversation perde les réponses qu'il espérait obtenir.

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    Son fiancé s'en trouvait perturbé. Aldaron le sentait, il le voyait. Les éléments qu'il lui apportait à chaque fois, au sujet de la vie d'Achroma, portaient leur lot de troubles naturels, qu'on retrouvait souvent face à la nouveauté, mais en plus attaché à soi. Il pouvait comprendre que cela puisse être un coup de massue, qu'il  ne se reconnaisse dans telle ou telle action. Aussi avait-il pris l'habitude de le laisser digérer chaque information, de la comprendre, et de se l’approprier. Il avait, plus d'une fois, éprouvé l'envie de discuter avec lui immédiatement, pour recueillir ses sentiments et ses émotions, l'aider et le guider dans ses réflexions... Mais il en était souvent venu à la conclusion qu'Ivanyr devait faire son propre chemin. S'il l'orientait, la solution ne serait pas du vampire mais d'une idée préconçue d'Aldaron, pas forcément adaptée à son Lié. Leurs discussions sérieuses avaient prouvé qu'ils n'étaient pas toujours d'accord et qu'ils n’éprouvaient pas les mêmes urgences et les mêmes rêves. Cela n'avait rien de tragique, c'était même une richesse et il ne voulait pas restreindre cette vision à la seule sienne. Il avait beaucoup à gagner en laisser Ivanyr être lui-même, et dans ses propres valeurs, Aldaron retrouvait une volonté à ne pas asseoir son point de vue sur ceux des autres pour les écraser. S'il asseyait un point de vue, c'était parce qu'il y avait une place toute prête à l'accueillir, que le terrain était préparé et consentant.

    Se levant, il se chaussa et se couvrir les épaules d'une cape alors que les domestiques s'affairaient à table pour la débarrasser. Les questions lui tirèrent un sourire en coin, à la fois satisfait qu'Ivanyr soit parvenu à mettre ses pensées de côté, au profit de leur présent sujet, et intrigué de la tournure que cela prenait, comme un prélude à la leçon. « Je ne la perçois pas toujours de la même manière. Il y a des fois où je ne la vois pas du tout. Le diadème améliore mes sens, y compris ma sensibilité magique et... Maintenant, quand je suis à tes côtés, je la vois également. Je suppose que cela a trait à notre esprit-lié de l'Inséparable et le fait que j'aie rencontré mon petit fils sur le chemin du retour à Caladon. Il est dit que nous avons une meilleure affinité avec la magie. C'est perturbant, je ne voyais pas aussi bien la trame avant... Hier soir. De ce fait, c'est encore un peu flou, je t'avoue. » Il fronçait les sourcils avant de porter son regard interrogateur sur son fiancé et de finir par pousser la porte du manoir. Sa garde, au dehors, se mit en ordre de marche pour l'escorter, mais lorsqu'ils virent la haute silhouette du mage vampirique qui le suivait, ils surent très vite qu'ils allaient être congédier, au risque de ne servir à rien. Aldaron leur adressa un regard entendu et ils quittèrent leur poste. Cela n'empêchait pas sa garde à distance de garder un œil sur lui, en cas d'agression, mais depuis son pacte avec la Confrérie, Aldaron craignait moins pour sa peau. Les contrats d'assassinat avaient été bloqués à la source, le laissant à de meilleures occupations et à quelques oisivetés qu'ils ne se serait pas permis jusqu'alors.

    « Tout à l'air plus complexe, d'un coup. Je ne percevais pas vraiment de différences de... Densités ? De densités, oui, c’est le bon mot, tu as raison. Elle a l'air plus chargée par endroit, comme sur des objets enchantés ou... Près de ceux qui utilisent la magie. Je n'ai pas essayé, à nouveau, depuis que tu es là, mais je suppose je sentirais plus distinctement ses flux se concentrer dans mes mains, lorsque je veux lancer un sort. » Il secoua la tête de gauche à droite, perplexe, continuant d'avancer dans les allées de Caladon, s'arrêtant dans ses paroles pour respecter d'un signe de tête ou d'un signe de main, un Caladonien qui le saluait. « Cela doit te paraître décousu, ce que je te dis, non ? C'est encore un peu brouillon, nouveau, comme sensation. Quand je veux lancer un sort je sens la magie comme... Comme un récipient que je remplis d'eau jusqu'à ce qu'il soit à un niveau idéal pour ce que je veux en faire. Je n'ai qu'à l'appeler, c'est assez instinctif, c'est quelque chose que je fais depuis des siècles et qui coule dans mes veines d'elfe. C'est compliqué d'expliquer comment je procède pour l'appeler. C'est... C'est de la volonté. C'est être comme une éponge qui absorbe l'eau. Y a-t-il une manière spéciale de procéder ? » Jusqu'alors, cela lui avait toujours suffi, pour ses capacités. Mais comme pour toutes les maîtrises, en particulier d'armes, il fallait dépasser le stade de la simple utilisation spontanée et aléatoire pour former cela d'une manière plus cohérente et consciente.

    « Quant à la forme que cela prend... C'est plus une sensation. Une sensation de trop plein, c'est parfois étouffant et parfois, un vide terrifiant, désertique. Je la sens comme sur moi. Comme, un objet qu'on presse sur ma peau, sur mes sens, plus ou moins fort. C'est vraiment confus comme image. » Pensif, il levait régulièrement son regard sur Ivanyr, comme pour chercher dans ses yeux si ce qu'il disait était complètement délirant, à côté de la plaque ou cohérent. « J'aime aller dans le sens de cette énergie. Parfois il est nécessaire de la contorsionner, de la plier, et parfois il est possible de... Juste la suivre, l’entraîner et s'en servir. C'est ce que j'aime faire avec la magie, une symbiose... Et pas seulement avec la magie en fait, je pense que c'est dans mon caractère, de façon générale. Je ne suis pas un dictateur, je ne vois pas comment je pourrais avoir une autre relation avec la magie que celle que j'adopte avec le monde qui m'entoure. Je la canalise, je la concentre et je lui donne une direction... » La falaise se dessinait devant eux quand la ville se fit plus éparse. Penser au champ de bataille lui renoua l'estomac : « Je ne pense à rien sur un champ de bataille. Je fonctionne plus avec les tripes. Je pense que c'est ce que fait tout un chacun quand il est dans la mêlée d'une guerre. Cela n'a rien de très intellectuel ou de réfléchi, c'est... Spontané. C'est vrai. Ça n'a rien d'une mascarade. »

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C'était la seconde fois qu'il se retrouvait à jouer les professeurs. Hélas pour le pauvre Avente, son fiancé avait davantage de moyens pour le motiver, sans parler de meilleures capacités de compréhension. Est-ce que ça relevait du racisme ? Sans doute la réponse était-elle positive, néanmoins il n'en avait pour ainsi dire rien à faire. Aldaron était un elfe, pour tout ce que cela pouvait engendrer de désagréable par moments, il avait une affinité inhérente avec la trame et la magie qui en découlait. L'écoutant attentivement, Ivanyr prit note, intérieurement, de ce qu'il apprenait, pour essayer de le recouper avec ce qu'il savait. Le changement radical de perception de la tram était, en effet, certainement une conséquence de leur proximité d'Inséparables. Pour toutes les terribles conséquences que ce lien entraînait si l'un d'eux venait à trépasser, ils y gagnaient énormément, en plus d'un Amour impérissable. Des profits plus pragmatiques, comme le renforcement de leurs deux corps. Un autre élément, tiers à leur échange, vint également à être mit précieusement de côté : le fait que son fiancé ait pu voir son petit-fils. Mais ils reviendraient peut-être plus tard. Au coup d’œil, il hocha simplement la tête, à la fois pour conforter sa position mais également pour confirmer qu'il écoutait attentivement ce qu'on lui confiait. Tout ce qu'Aldaron affirmait allait dans le sens qu'il désirait, fort heureusement.

« Non, ce n'est pas si décousu. Continue »

Qu'il ne s'arrête surtout pas sur un doute car l'entendre était fascinant et pas simplement parce que le son de sa voix lui caressait la peau comme une douce brise. Tout au fond, le haut mage s'amusait également de la façon dont l'elfe cherchait un soutien en lui. C'était terriblement agréable comme sensation, de pouvoir être son pilier, même un peu. Et il n'avait pas à forcer, car malgré les appréhensions de son aimé, il avait une justesse instinctive de la chose. Lorsqu'il se tut, Ivanyr resta lui-même coi quelques minutes, le temps de réfléchir. Puis lorsqu'il eut à minima ordonné ses pensées, il brisa le silence tranquille qui s'était installé entre eux.

« Dans l'ensemble, tout ce que tu me dis est correct et même encourageant. Je suis personnellement partisan de la symbiose magique, de ne pas forcer l'énergie mais de s'en imprégner et de la transformer en un membre de plus, plutôt que de la prendre comme un outil extérieur. En vérité, je vois les gestes clefs comme une béquille, un moyen d'aider l'esprit à suivre le chemin nécessaire pour manipuler l'énergie. Comme le mouvement que tu ferais avec un bouchon en liège sur un tonnelet. C'est une image peu délicate, mais l'énergie c'est le liquide, le bouchon le geste clef. Pour avoir accès au liquide et le boire, il faut retirer le bouchon. Lorsque la symbiose est poussée à l'extrême, elle permet de ne plus avoir besoin de ce bouchon. Donc si tu es plus à l'aise avec cette méthode je pense que c'est pour le mieux. Tu ne pourras jamais progresser en forçant la magie parce que tu atteindras forcément une limite infranchissable rapidement… »

Il n'aimait pas cette façon de faire. La majorité des humains apprenaient ainsi, car ils n'étaient pas autant liés à la trame que les elfes et les vampires, mais leur manque de sensibilité était désolant. Plus encore que d'essayer de l'entraîner, pouvoir partager ces ressentis nébuleux avec son compagnon était une porte ouverte sur une nouvelle forme de plaisir. C'était des sensations difficiles à transformer en mots, encore davantage à comprendre quand on ne le vivait pas soi-même alors il avait envie de sauter sur l'occasion. Il aimait la magie, elle lui donnait une sensation proche de la présence de son aimé, une sensation d'être à sa place, complet, de ne pas être un pingouin sortit de sa banquise. Le monde prenait plus de sens avec elle.

« Comme toute chose est liée à la trame et possède son propre flux, ou peu s'en faut, la meilleure image que je donnerais est celle d'un récipient effectivement, la même dont tu usais. Tous les êtres n'ont pas la même contenance, ni le même goulot pour se remplir. En fonction de la contenance, on porte le récipient ou on nage dedans. Une excellente façon de s'améliorer, c'est de savoir jouer avec le contenu de son récipient jusqu'à le connaître par cœur. La vitesse à laquelle il se remplit, en quelle quantité, puis, comment ne verser que le strict minimum pour chaque action que tu désires accomplir, voire, ensuite, comment verser l'énergie de façon économique, en influençant uniquement les moments clefs du flux. Et tout ça, en fin de compte, ça se sent. Tout part de là »

La falaise se dessinait devant eux. Ils n'étaient pas encore arrivés, mais ils s'en approchaient désormais et hors des murs de la ville, le vampire se sentit mieux respirer. Et la perspective de la suite commençait à le rendre plus enthousiaste et guilleret.

« Et le meilleur moyen pour devenir aussi familier avec cette part de nous-même, c'est de pratiquer, tout simplement. Et quitte à pratiquer, que tu pratiques avec moi. Ainsi non seulement tu approfondiras un lien que je trouve déjà très sain, mais en plus tu pourras apprendre à l'identifier en comparaison d'un autre, et à comprendre, avec du temps, comment d'autres mages fonctionnent et quel est le cycle de leurs flux »

S'il avait l'air prêt à recevoir un cadeau ? Sans doute. Il ne pouvait cacher sa joie à l'idée de tout cela. Maintenant, hors de question de ne pas en profiter. Ils arrivèrent finalement sur les hauteurs faisant face à l'océan et le vent froid et iodé vint leur fouetter le visage. Tout en bas, les vagues léchaient la roche, mousseuses, sombres, huileuses. Ici, ils seraient très bien. Ce lieu était chargé de mémoires vives pour eux, des souvenirs de leurs retrouvailles, de leur premier saut. Et c'était encore quelque chose d'intime que de partager la magie ainsi. À ses yeux en tout cas.

« Voyons, si je fais simple pour commencer... »

Une boule de feu vint gronder entre ses doigts, sans qu'il la relâche. Elle restait là, irradiant farouchement et produisant une chaleur qui irrita quelque peu ses yeux. Il mettait volontairement plus d'énergie dans le sort que ce qu'il demandait en temps normal, pas par pur plaisir mais pour les besoins de l'exemple qu'il voulait montrer. Sous ses propres yeux, le sort encore retenu luisait d'un pâle éclat argenté en raison de l'énergie qu'il y versait. La masse pulsante et grondante était directement reliée à sa paume. Après une minute complète, il relâcha le concentré igné sur les roches qui formait la jupe de la falaise, où les flammes s'écrasèrent avant de se disloquer en laissant une marque sombre rapidement effacée par les flots gourmands. Il réitéra ensuite le sort, cette fois en usant de l'énergie minimale nécessaire pour concentrer les flammes par l'essence de feu. Cette fois, le flux était ténu, pulsant à peine. Pourtant les flammes étaient les mêmes. Après une minute complète, il l'expédia au même endroit que la précédente.

« Tu as vu la différence non ? Et pour créer les flammes, je n'ai pas fait chauffer l'air jusqu'à une température spécifique, je n'ai pas non plus invoqué des flammes sorties de nul part si ce n'est de mon imagination. Ce sont des méthodes qui existent, elles sont utilisées. Toutes deux amènent au même résultat mais en forçant, comme tu l'as toi-même exprimé. Je me suis contenté de baigner l'essence feu primaire autours de ma main de l'énergie de mon corps. Il n'en faut pas plus. Tu ne possèdes pas d'alternatives pour tous les sorts existants, mais pour une majorité tout de même. C'est le second pas à faire après la symbiose en elle-même, être intime avec chaque sort pour en trouver le fonctionnement le moins gourmand. Une fois que tu as fais ces étapes-là, la dernière est finalement presque barbare en comparaison. C'est utiliser tes connaissances pour lentement repousser la limite physique de ce que ton récipient personnel peut contenir. Comme un entraînement physique »

Cette fois, il retomba plus longtemps dans le silence, de nouveau incertain de là où il désirait aller en ce sens. Ne voulant cependant pas sembler le délaisser, il offrit simplement :

« Combien d'énergie peux-tu mettre dans une boule de feu ? Essayes d'en saturer une ? »

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    Non, se battre sur un champ de bataille n'avait rien d'une mascarade. Le silence était revenu, et avec lui les souvenirs houleux du métal qui se fracasse quand les épées s'entrecroisent, et les cris qui jaillissent des gorges des condamnés. Il se souvenait encore de l'horreur qui marquait leurs visages, la haine et la ferveur : ils étaient comme des animaux obligés d'aller de l'avant. La guerre était leur seul moyen de survivre, leur dernier salut. C'était horrible, la guerre, quand on y pensait. Le goût du sang dans la bouche, l'odeur du feu et de la chair en lambeau. La cacophonie. La marée humaine meurtrière. Ce ne fut que lorsqu'Ivanyr reprit la parole qu'Aldaron quitta ses souvenirs. De quoi parlaient-ils déjà ? Ah oui, la magie. Il avait dit qu'il ne réfléchissait pas à la manière dont il utilisait sa magie lorsqu'il combattait. Parce qu'il ne pouvait pas se le permettre, du moins en pleine mêlée. On avait rarement l'occasion de se poser pour réfléchir à la meilleure stratégie. En général, on faisait avec son cœur et ses tripes. Du moins était-ce ainsi qu'il vivait les choses, peut-être à tord. Peut-être devrait-il plus souvent garder la tête froide.

    L’approbation à sa manière de fonctionner le rassura, non pas qu'il ait eu véritablement un doute, mais parce qu'il n'avait pas envie de changer la relation qu'il entretenait avec la magie. Il n'aurait pas aimer qu'on lui dise qu'il faille la dominer et la soumettre. Il ne s'était pas attendu à cela de la part d'Ivanyr, la grande majorité des hauts-mages, que le Marché Noir avait pris sous son aile pour les protéger et favoriser leur don, étaient aussi de cet avis. Il n'y avait rien qui ne s'obtenait durablement par la force. Ceux qui agissaient comme cela obtenaient probablement vite ce qu'ils voulaient, mais ils se heurtaient vite à ce plafond de verre, imbrisable, qui les obligeait à tout réapprendre pour pouvoir encore avancer. Beaucoup d'humains avaient cette approche dominatrice avec la magie, comme s'il s'agissait d'un animal à dompter à coups de fouets. Aldaron, lui, était intimement persuadé qu'il fallait marcher dans la main avec son environnement, quel qu'il soit, pour parvenir à lui donner la direction souhaitée. Il acquiesça d'un signe de tête aux propos de son fiancé. Ne pas changer sa manière de voir lui convenait : pouvoir l'approfondir pas à pas était une bonne opportunité.

    Les hauteurs de la falaises dessinaient leurs souvenirs en filigrane, dotant le lieu d'une atmosphère paisible et propice à l'échange. Ils avaient tant et tant partagé ici-même. Aujourd'hui serait une fois de plus. Il s'écarta légèrement d'Ivanyr à l'apparition de la boule de feu. Il lui faisait confiance, malgré son titre d'incendiaire, mais il devait avouer que la chaleur d'un tel brasier ne l'attirait guère, depuis Morneflamme. Il se tenait toujours à une distance raisonnable des sources trop chaudes. Quelques centimètres de retrait lui suffisait alors que ses mires verdoyantes contemplaient l’œuvre de son professeur du jour. Il se montrait attentif, autant que curieux. Il fallait dire qu'Ivanyr était particulièrement enjoué à l'idée de pratiquer et de lui expliquer la magie. Partager avec lui ce moment le rendait sûrement meilleur élève encore, juste parce qu'il lui plaisait de rendre le vampire heureux.

    « D'accord. Je vois l'idée » Se prêtant à l'exercice, il plaça une main devant lui paume levée vers le ciel et mires descendues sur ses doigts. L'essence du feu primaire, donc. L'elfe n'avait jamais été vraiment très en phase avec le feu, après avoir vécu au cœur d'un volcan, il en ressentait même une certaine aversion. Chercher son essence sans l'associer à son traumatisme n'était pas une mince affaire, mais il s'y employait et la première flammèche vint danser dans le creux de sa main, suivant les fluctuations du vent jusqu'à s'enrouler sur elle-même, croître et former une boule. Combien pouvait-il mettre dans son récipient ? Il n'en savait trop rien. Il tâchait de le remplir, en éloignant ses sentiments, mais plus il faisait cela, et plus il allait contre sa nature, plus il se heurtait à un blocage qui n'avait rien de naturel. Il relâcha sa création pour qu'elle aille s'écraser sur un rocher. Il recommença l'exercice.

    Cette fois, il laissa la chaleur de ses émotions se joindre à l'essai, sans les retenir. Sa peur, sa tristesse et sa folie sacrifiées sur l'autel du feu purificateur. Il savait que son esprit pourrait tenir le choc, maintenant. La Licorne avait eu sur lui un effet étrange, elle l'avait poussé au delà de ses limites pour lui faire comprendre que toutes les barrières qu'il avait érigée jusque là n'était pas assez solides. Qu'il devait aller plus loin pour résister. Il envoya la boule de feu sur la roche, dans un instant de panique. Le feu était devenu liquide, visqueux, mêlé à la roche, le tout d'un orange très sombre. Une seconde de réaction plus tard et cela aurait brûlé sa main en coulant... Mais fort heureusement la lave s'était échouée sur le rocher, le couvrant d'une pellicule sombre et poreuse. L'elfe secoua la tête de gauche à droite : « Je... Désolé, je n'ai pas du appeler que l'essence primaire du feu je crois. Mais aussi la terre, la roche et... » Ça avait fusionné. Comme à Morneflamme.

    Il expira sèchement de faire en abaissant sa main, déçu et en colère contre lui-même.... Mais pas le moins du monde avec l'envie d'abandonner. Il s'y essaya une troisième fois arrivant au même résultat qu'avec la première. L'exercice demandait d'être reproduit dans le temps pour aller vers plus de lâcher prise, ce à quoi il ne parviendrait pas en si peu de temps, c'était certain : « Le feu n'est pas fait pour moi. Je n'arrive pas à lâcher prise parce que j'ai peur de ma création. Je ne veux pas lui donner trop vie parce que... Je ne veux pas qu'elle grandisse. Quand c'est toi qui manipule le feu, il y a ma confiance en toi qui me rassure et me dit que tu sais ce que tu fais. Mais... C'est tout. Tu vois ? Ce n'est pas mon affinité. » La terre aurait été plus de sa compétence, vu qu'elle s'était aisément introduite dans sa boule de feu. « Mais je pense comprendre ce que tu veux m'apprendre, je dois m’entraîner régulièrement pour que ma capacité s'élargisse comme un estomac à ce qu'il aura l'habitude d'ingérer. » Pas sur le feu néanmoins. Car ici, ce n'était pas un problème de capacité, mais d'incompatibilité.

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Il eut un grand sourire admiratif, excité, en le voyant faire. Ses prunelles ouvertes en permanence sur l’aura de la Trame lui permettait de contempler le travail accomplit à un niveau intime, celui de l’énergie entrant dans le corps tant aimé pour en ressortir par la suite transformée, teintée par lui. Elle n’était pas tout à fait la même lorsqu’elle quittait un corps mortel mais elle était encore différente pour lui lorsqu’elle quittait son futur époux. Il y avait quelque chose de fascinant à voir son piou cracher du feu ainsi. Au-delà, cependant, il avait grande hâte de voir ce qu’il allait pouvoir faire de sa demande. Combien pouvait-il mettre dans une boule de feu ? De quoi allait-elle avoir l’air à la fin ? Aurait-elle une couleur spécifique ? Il se contint, ou du moins essaya, pour ne pas lui ajouter une pression supplémentaire et le déconcentrer, même si au cours d’un combat, personne n’aurait cette délicatesse. La flamme grandit, mais rencontra rapidement une limite invisible et lorsque l’elfe la fit s’écraser, elle éclata et se dissipa rapidement dans l’air ambiant sans laisser plus qu’une trac de brûlure sur la roche de la falaise. Coi, le vampire laissa son compagnon recommencer l'exercice un seconde fois, à son rythme et y prêta d’autant plus d’attention, pour essayer de saisir l’instant où le blocag était apparu. Il reçu une toute autre image, en voyant l’énergie de la trame noircir et recula légèrement pour éviter d’être pris dans l’aura de chaleur que l’elfe dégageait d’un seul coup. Surpris par la soudaine violence que l’elfe concentrait entre ses mains, il observa un moment son visage avec circonspection puis revint à ce qui bouillait entre les longs doigts d’archer.

Il regarda la chose s’écraser contre la roche, puis le visage délicat de son amant. Muet, il l’observa un moment puis l’enlaça avec une immense délicatesse, venant lui embrasser la tempe et lui caresser doucement le dos. La culpabilité le remuait intérieurement, il s’était laissé totalement engloutir par son excitation et avait perdu de vue les traumatismes profonds de son amant. Les mêmes traumatismes qu’il lui avait juré de tenir à distance, l’aider à les dépasser, le protéger. Et il venait d’oublier tout cela au profit de son jeu avec la magie. Ils étaient à la veille de leur mariage et il se montrait encore terriblement égoïste. Expirant profondément, il le relâcha et le prit par les épaules, à bout de bras, en lui souriant doucement.

C’est moi qui suis désolé. J’ai complètement occulté Morneflamme… J’espère que tu pourras m’en excuser

Vraiment, il s’en voulait. Le relâchant enfin, il chassa une part de son malaise afin de pouvoir se re focaliser sur ce qu’il était entrain d lui apprendre. D’une voix qu’il voulait légère, il essaya de défaire le malaise ambiant en expliquant que l’essence du feu n’était pas simplement une flamme comme celle d’une bougie, mais englobait toute source de flamme y compris la lave et foudre. Il s’agissait aussi d’une réelle expression de cet élément, pas seulement de l’âme torturée par la cruauté du Tyran Blanc. Néanmoins, il lui proposa d’user d’un autre élément, un élément avec lequel il serait plus en phase, qui lui ferait moins peur. Il vint naturellement à l’idée du vent, qui lui semblait en adéquation avec le caractère dual d’Aldaron, sa complexité et sa liberté.

Il voulait continuer encore, ne pas s’arrêter à cette peur qu’il avait et puisqu’il fallait vivre la magie, s’il voulait la vivre autrement alors c’était son droit et c’était même très bien. Il voulait l’encourager. Plus Aldaron se développerait dans le sens de ses émotions et de son ressenti, ce dans quoi il était bien et ce vers quoi il allait naturellement. C’était cela vivre la magie, il ne fallait pas forcer vers ce qui ne lui était pas naturel et agréable. Il pouvait agir de la même manière avec le vent et la brise. Ou même avec l’eau ou la terre s’il le voulait. Chaque élément avait un écho particulier en soi, mais leur accès au fond de l’âme était le même. Le même élan, la même symbiose profonde et immuable, entraînante, qui venait surgir en soi quand on était vraiment un avec la trame. Il y arriverait.

Il y arriverait….

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