Le jeune immaculé tituba un peu, quand ses pas foulèrent à nouveau la terre ferme. Le temps passé en mer l'avait habitué au rouli permanent du bateau. Jadis, cette sensation l'avait beaucoup amusé. Aujourd'hui, elle froissait son nez en une grimace désapprobatrice. Il n'aimait pas le bateau qu'il venait de quitter. Il n'aimait pas chaque souvenir lié à ce bateau.
Une dizaine de pirates l'accompagnaient. Ils avaient beau présenter toute la diversité que le Maëlstrom pouvait offrir, un point commun les réunissaient : tous étaient porteurs d'une arme, fusse-t-elle visible ou non. Le message donné à Valmys avait été limpide : pas question pour lui de s'échapper avant le moment voulu. L'Orque y avait mis les formes et la subtilité qui étaient ses habitudes. L'Enwr sentait son esprit-lié, inquiet, pulser en lui, prêt à le protéger des menaces d'acier et de chair qui l'encerclaient. Son escorte avait beau plaisanter légèrement, il ne voyait en eux que des crocs, et une faim insatiable dont son âme portait encore les marques.
Ses pas foulèrent le sol, dans un bruit visqueux de boue détrempée. Le ciel au-dessus d'eux était gris, lourd de neige. Dans leur grande bonté, les pirates avaient rendu à Valmys ses vêtements, et avaient accepté de lui fournir un manteau supplémentaire. Nul collier n'ornait son cou, nul contrainte ne l'entravait. L'immaculation le surprenait encore : malgré le léger nuage de vapeur qui partait avec son souffle, il ne souffrait, effectivement, pas de la température, comme il l'aurait fait jadis. Ce n'était que son attitude, renfrognée et résignée, qui enfonçait son museau dans le col de son manteau, et ses mains dans le fond de ses poches. De temps à autre, il jetait un regard abyssal mauvais, et sans doute très mauvais pour son serment, à ses gardes du corps. Le reste du temps, il découvrait le port de Nevrast.
L'héritier des Leweïnra ignorait pourquoi on l'avait débarqué ici. Certainement pas pour lui faire prendre l'air, ou le réconforter. Pour le vendre au marché des Catins, comme l'Orque le lui avait jadis promis ? Ç'aurait été incohérent avec le traitement qui lui était offert. En revanche, il songea bien à l'hypothèse selon laquelle le gredin l'échangeait contre quelque chose. Avait-il finalement eu vent de son identité ? Allait-on demander une rançon au Domaine ? À Aldaron ? Non, dans tous les cas, l'idée était beaucoup trop risquée pour vraiment y croire. Valmys interrogeait les environs, à la recherche d'un quelconque indice quant à leur direction.
Seul le climat différenciait ces lieux de l'image qu'il se faisait d'Athgalan. Les maisons paraissaient bancales, pour certaines, plus proches d'abris que de véritables habitats. Le bois avait été assemblé grossièrement, et même la position des demeures les unes par rapport aux autres ressemblaient à un éloge au chaos. Le tout était empêtré dans une boue de neige fondue et piétinée dont personne ne semblait se soucier, pas même les plus propres sur eux. L'apprenti baptistrel aurait sans doute pu déplorer le manque cruel de soin pour les arts de la construction et de l'esthétique dont faisait preuve le peuple vivant ici, s'il n'avait pas été occupé à s'inquiéter des crocs qu'arboraient ces derniers. Allait-il finir en simple poche de sang sur pattes ? Il n'était même pas sûr que son goût satisferait son goûteur ! Vraiment, ce n'était pas une bonne idée !
Mais au fond, l'Orque pouvait-il vraiment avoir une bonne idée ?
L'angoisse montait lentement mais sûrement dans le torse de Valmys. Une musique lente dont les notes se faisaient de plus en plus lourdes, comme si chacun de ses pas nouait davantage une corde autour de son cou. Il se trouva presque à songer au Maelstrom comme un endroit sûr. Là-bas, si son avenir avait été incertain, son présent, lui, avait fini par lui apporter l'assurance d'être vivant. Ici, il ignorait même si quelque nouveau-né n'allait pas lui sauter à la gorge -auquel cas, escorte ou non, il ne se refuserait pas d'user de sa magie. Ses muscles étaient tendus, comme autant de cordes d'arcs qu'il craignait de voir apparaitre. Sur lui, il sentait parfois trainer des regards inquisiteurs. Qui était ce petit être, aux oreilles rondes et au visage rayé de veinules, que l'on protégeait si bien ? Qu'avait-il pour lui ?
Il commençait à se lasser de se sentir mouton au milieu de la meute. Sa magie lui paraissait logée sous sa peau, prête à jaillir, lui forger une armure. Ses muscles étaient bandés, comme des cordes d'arc. Le regard qu'il portait aux environs se faisait de plus en plus frénétique. Sans doute aurait-il implosé si, face à lui, il n'avait pas soudainement reconnu ce visage, cette peau grise, ces cheveux blancs, et ces yeux d'un vert paternel.
Aldaron. Dähddy. Son protecteur, celui qui l'avait pris sous son aile. Aussi noble de port qu'à son habitude. Aussi digne et sûr de lui qu'à l'accoutumée. Le meilleur symbole pour raviver en Valmys la flamme de l'espoir, faire pétiller son regard. Il n'osa néanmoins ni bouger, ni parler. Il ignorait pourquoi son père était là, ignorait si c'était le trahir que le reconnaître, ou si cela gâcherait un quelconque plan.
Ses yeux d'ambre réclamaient qu'il vienne le secourir, autant qu'il s'inquiétait de savoir comment ils se retrouvaient ainsi, face à face.
Dernière édition par Valmys Neolenn Elusis le Sam 6 Juil 2019 - 13:56, édité 1 fois
Une dizaine de pirates l'accompagnaient. Ils avaient beau présenter toute la diversité que le Maëlstrom pouvait offrir, un point commun les réunissaient : tous étaient porteurs d'une arme, fusse-t-elle visible ou non. Le message donné à Valmys avait été limpide : pas question pour lui de s'échapper avant le moment voulu. L'Orque y avait mis les formes et la subtilité qui étaient ses habitudes. L'Enwr sentait son esprit-lié, inquiet, pulser en lui, prêt à le protéger des menaces d'acier et de chair qui l'encerclaient. Son escorte avait beau plaisanter légèrement, il ne voyait en eux que des crocs, et une faim insatiable dont son âme portait encore les marques.
Ses pas foulèrent le sol, dans un bruit visqueux de boue détrempée. Le ciel au-dessus d'eux était gris, lourd de neige. Dans leur grande bonté, les pirates avaient rendu à Valmys ses vêtements, et avaient accepté de lui fournir un manteau supplémentaire. Nul collier n'ornait son cou, nul contrainte ne l'entravait. L'immaculation le surprenait encore : malgré le léger nuage de vapeur qui partait avec son souffle, il ne souffrait, effectivement, pas de la température, comme il l'aurait fait jadis. Ce n'était que son attitude, renfrognée et résignée, qui enfonçait son museau dans le col de son manteau, et ses mains dans le fond de ses poches. De temps à autre, il jetait un regard abyssal mauvais, et sans doute très mauvais pour son serment, à ses gardes du corps. Le reste du temps, il découvrait le port de Nevrast.
L'héritier des Leweïnra ignorait pourquoi on l'avait débarqué ici. Certainement pas pour lui faire prendre l'air, ou le réconforter. Pour le vendre au marché des Catins, comme l'Orque le lui avait jadis promis ? Ç'aurait été incohérent avec le traitement qui lui était offert. En revanche, il songea bien à l'hypothèse selon laquelle le gredin l'échangeait contre quelque chose. Avait-il finalement eu vent de son identité ? Allait-on demander une rançon au Domaine ? À Aldaron ? Non, dans tous les cas, l'idée était beaucoup trop risquée pour vraiment y croire. Valmys interrogeait les environs, à la recherche d'un quelconque indice quant à leur direction.
Seul le climat différenciait ces lieux de l'image qu'il se faisait d'Athgalan. Les maisons paraissaient bancales, pour certaines, plus proches d'abris que de véritables habitats. Le bois avait été assemblé grossièrement, et même la position des demeures les unes par rapport aux autres ressemblaient à un éloge au chaos. Le tout était empêtré dans une boue de neige fondue et piétinée dont personne ne semblait se soucier, pas même les plus propres sur eux. L'apprenti baptistrel aurait sans doute pu déplorer le manque cruel de soin pour les arts de la construction et de l'esthétique dont faisait preuve le peuple vivant ici, s'il n'avait pas été occupé à s'inquiéter des crocs qu'arboraient ces derniers. Allait-il finir en simple poche de sang sur pattes ? Il n'était même pas sûr que son goût satisferait son goûteur ! Vraiment, ce n'était pas une bonne idée !
Mais au fond, l'Orque pouvait-il vraiment avoir une bonne idée ?
L'angoisse montait lentement mais sûrement dans le torse de Valmys. Une musique lente dont les notes se faisaient de plus en plus lourdes, comme si chacun de ses pas nouait davantage une corde autour de son cou. Il se trouva presque à songer au Maelstrom comme un endroit sûr. Là-bas, si son avenir avait été incertain, son présent, lui, avait fini par lui apporter l'assurance d'être vivant. Ici, il ignorait même si quelque nouveau-né n'allait pas lui sauter à la gorge -auquel cas, escorte ou non, il ne se refuserait pas d'user de sa magie. Ses muscles étaient tendus, comme autant de cordes d'arcs qu'il craignait de voir apparaitre. Sur lui, il sentait parfois trainer des regards inquisiteurs. Qui était ce petit être, aux oreilles rondes et au visage rayé de veinules, que l'on protégeait si bien ? Qu'avait-il pour lui ?
Il commençait à se lasser de se sentir mouton au milieu de la meute. Sa magie lui paraissait logée sous sa peau, prête à jaillir, lui forger une armure. Ses muscles étaient bandés, comme des cordes d'arc. Le regard qu'il portait aux environs se faisait de plus en plus frénétique. Sans doute aurait-il implosé si, face à lui, il n'avait pas soudainement reconnu ce visage, cette peau grise, ces cheveux blancs, et ces yeux d'un vert paternel.
Aldaron. Dähddy. Son protecteur, celui qui l'avait pris sous son aile. Aussi noble de port qu'à son habitude. Aussi digne et sûr de lui qu'à l'accoutumée. Le meilleur symbole pour raviver en Valmys la flamme de l'espoir, faire pétiller son regard. Il n'osa néanmoins ni bouger, ni parler. Il ignorait pourquoi son père était là, ignorait si c'était le trahir que le reconnaître, ou si cela gâcherait un quelconque plan.
Ses yeux d'ambre réclamaient qu'il vienne le secourir, autant qu'il s'inquiétait de savoir comment ils se retrouvaient ainsi, face à face.
Dernière édition par Valmys Neolenn Elusis le Sam 6 Juil 2019 - 13:56, édité 1 fois