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7 Septembre 1763, Sanctuaire de la secte noire, Athgalan


Elle avait été une de ses favorites, belle par l’esprit, plus que par le corps. Son refus d’être entretenue et protégée avait conduit à cet instant, déplorable et inutile. La rage d’un soudard avait mit fin à une existence de survivalisme et de souffrance, avait éteint la farouche détermination de son regard pour ne laisser que le lustre vitreux du trépas. Elle laissait derrière elle une petite fille de huit ans, dévastée et déjà souillée, par les mains mêmes qui lui avait ôté sa mère. Sans le courage de l’enfant, il n’aurait sans doute pas su ce qui était advenu de cette femme courageuse qui n’avait voulu que la sécurité de sa progéniture. L’enfant, Athela, avait rejoint le giron du culte immédiatement, sous sa protection, et la dépouille de sa mère avait été apporté dans le sanctuaire afin d’être purifiée, glorifiée et son âme détachée parfaitement de son corps. On l’avait lavé des souillures, du sang et des déchets dans un bain froid et parfumé, avant qu’il n’opère sa préparation lui-même, comme un dernier hommage à leur proximité silencieuse. La peau traitée scintillait d’un lustre argenté, fixant la peinture qu’Athela déposait sur les marbrures outrageant sa forme froide tandis qu’il glissait les tiges taillées en son sein, souhait silencieux d’une renaissance plus généreuse envers la défunte. Les viscères ôtées, il ne restait que le coeur et les poumons, traités afin de ne pas pourrir, ouverts afin d’accueillir la composition florale qui viendrait orner la pâle forme de son amante.

Amarante blanche enlaçant l’aubépine, belle dame dansant avec le bleuet, couronne de campanules et d'héliotropes, Petits bouquets de jonquilles miniatures et d’oeillets… Il montrait à Athela comment nouer les tiges sans rien briser quand l’un des Hadarhs vint à lui pour le prévenir que son invité venait d’arriver. Mander de capables ouvriers n’était certes pas la plus aisée des tâches, lorsque l’on était pirate et stationné à Athgalan. Bien entendu, cette question spécifique aurait pu se résoudre plus aisément s’il avait accepté que son petit compagnon chanteur soit sollicité. Une acceptation improbable cependant, en raison de la préciosité de Valmys à ses yeux. Sa pureté, son innocence, il voulait les préserver à n’importe quel prix, y compris en souillant un autre à sa place. Mais sacrifier à cette pieuse détermination nécessitait en contrepartie de plus gros efforts pour circonvenir un homme d’égal talent. Le reste, en revanche, s’était avéré d’une plaisante facilité après l’enlèvement chorégraphié d’Ilhan Avente. Fort satisfait de ses fils, le capitaine des assassins n’avait attendu que l’arrivée de son invité d’honneur pour débuter cette étape du grand plan. Il avait été sécurisé en mer, loin de tout regard impromptu et hypothétiquement ennemi, placé à bord d’un navire avec les égards dus à son rang tout en ne sacrifiant rien à l’anonymat et la complète sécurité du transport. Ni le navire, ni l’équipage ne devaient être identifiés, ni même le cap exact avant arrivée effective. Les adversaires de son père étaient partout.

Lorsque le sang-mêlé fut enfin conduit au sein du sanctuaire, ses fils levèrent sa cécité et lui fournir tout le nécessaire à sa dignité et son intégrité : un nécessaire d’hygiène, des vêtements, un repas riche, du repos… A présent qu’il était au mieux de sa forme, la rencontre pouvait avoir lieu. Il déplorait simplement qu’elle vint à bourgeonner en de telles circonstances personnelles. Reposant la tige d’une longue et purpurine acanthe, l’Immaculé donna de précises instructions à Athela, puis commanda l’entrée de son invité auprès de l’Hadahr. L’accueillir en ces lieux était un signe de bonne volonté, une symbolique ouverte de son désir de collaboration. Il ne s’attendait pas à ce que l’homme en comprenne la teneur immédiatement, mais il avait bon espoir que son éducation raffinée aide à appréhender, petit à petit, ces subtilités. Les pas résonnaient, sur les dalles de marbre sombre du couloir, comme un prélude à la présence qu’il avait recherché tandis qu’il contemplait, à l’ombre de son masque, le paysage de leur premier contact. La caverne naturelle était large et inégale, esquissant une forme sphérique avec une cheminée naturelle par laquelle cascadait la lumière du soleil ainsi que la fine caresse d’une pluie tiède. Les murs de pierre étaient couverts d’une végétation dense, humide, colorée. Le centre de l’espace en revanche était dégagé, un chemin de pavés blancs guidait le visiteur vers ce coeur auréolé d’une luminosité poudrée. Six croix de bois étaient dressées autours du coeur, chacune portant une figure glorifiée, peinte d’un blanc poudré, comme une céramique, décorée de figures colorées et nichant des fleurs aux parfums délicats.

Sa table de travail, en pierre blanche, était installée près de l’une des paroies végétales, et ce fut de cette table, dans la pénombre prégnante, qu’il accueillit l’Espérancieux. “Bienvenue” Sa voix était douce, ténue, neutre, son vibrato atténué comme un ornement androgyne. Il attendit que l’homme le repère et s’inclina avec grâce, comme il convenait de le faire face à un membre de la noblesse. Se relevant, il prit tout le temps nécessaire à l’étude de son invité, de longues minutes passées dans le confort d’un silence doux et ouaté. Puis, lorsqu’il s’estima satisfait de ce qu’il contemplait, le pirate s’approcha davantage, d’un pas aussi tranquille que son attitude le suggérait, dépourvu de toute forme d’agressivité. “J’ai beaucoup admiré la réalisation du manoir Espérancieux à Ipsë Roseä, Seigneur. Un bel exemple du savoir-faire de votre lignée en matière architecturale. Je suis honoré de recevoir dans mon humble sanctuaire un homme aussi habile et de si prestigieuse ascendance. Je gage que ce lieu n’est guère à la hauteur de vos prétentions légitimes mais je ferais tout mon possible pour me montrer en hôte exemplaire dans la mesure de mes maigres moyens” Un nouveau silence, tandis qu’il le quittait du regard pour observer la vacuité de l’espace alentours. Le vide choisi, pour complimenter ce qui était, le ravissait pourtant chaque fois qu’il le contemplait. Chaque oeuvre unique en son genre, et pourtant doté d’un trait commun. Un sourire fleurit sous son masque, se répercutant sur les lèvres masculines qu’il portait comme un ornement sur-mesure pour son invité. “C’est ici que nous effectuons les hommages aux défunts, voyez-vous. Chaque composition florale porte une prière sur mesure pour l’être trépassé. Ils peuvent rester ainsi indéfiniment, recevant le respect qu’ils méritent et, pour beaucoup, n’ont pas reçu dans la vie…

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Belethar se redressa, le visage en sueur.

Un cauchemar, voilà longtemps que cela ne lui était pas arrivé.

Comme toujours, ce qu’il lui restait de ses songes-là étaient assez évasifs. Le fait qu’il était élu du Pingouin le rendait certes assez « habitué » au domaine des rêves, où tout du moins tout ce qui apparaissait dans ces endroits ne lui était pas vraiment étranger. Néanmoins, ses nuits étaient la plupart du temps sous bonne garde de son esprit totem, ou assez paisible au point que le Pater Familias ne se souvienne généralement de rien de ce qui s’était passé pendant son sommeil …

Et puis il y avait des exceptionnelles fois, où tout partait à veau l’eau, où il ne contrôlait plus rien, et se laissait emporter dans les ténèbres de son esprit.

C’était le cas aujourd’hui, où il avait revécu pendant de longues minutes interminables la traversée d’Ambarhuna jusqu’à Tiamaranta, et l’hypothétique noyade d’Helena et d’Aughar dont l’apprenti baptistrel les avaient imaginé victimes.

Avait-il causé indirectement la mort de deux de ses êtres les plus chers ce jour-ci ? Ses capacités de baptistrel ne l’avaient pas quitté au moment où c’était arrivé, alors il imaginait que non, mais ne pas savoir était probablement la pire des situations, parce que de là il pouvait imaginer tout et n’importe quoi. Or, Belethar avait le bon goût d’être extrêmement créatif, alors …

Quoi qu’il en soit, il avait vraisemblablement plus important à gérer que ses états d’âme pour l’instant. Il se frotta le crâne, constatant que cela sonnait encore très fort là-dedans … Bon, certes, moins fort que ces derniers jours, mais la fatigue et le coup qu’il avait reçu ne devaient pas vraiment aider.

Le reste était très flou, il se revoyait dans un bateau, attaché et yeux bandés : lui qui avait l’habitude de ne presque plus jamais prendre la mer à l’aide de ce moyen de transport, il avait pu retrouver les « joies » du mal de mer, des ballotements, des cris, et autres incessants passages qui avait contribué à la grosse migraine qu’il avait attrapé à la suite de tout ce … Cirque.

Il ne savait pas ce qui lui était arrivé, on l’avait évidemment enlevé contre son gré (ce qui était par ailleurs une grande première dans sa petite carrière de Pater Familias, et il se demandait d’ailleurs si ce n’était pas la première fois, tout court, qu’on enlevait de la sorte un chef de famille Espérancieux) … Mais, des morceaux ne collaient pas. Ou tout du moins, ce n’était pas vraiment à quoi il s’attendait.

On l’avait laissé en paix pendant le voyage, et on l’avait même loger par la suite, nourri et préparé des vêtements qui correspondaient tout à fait à ses goûts personnels …

Aujourd’hui encore, il ne savait pas vraiment où il était, mais ce qui était sûr c’est qu’il allait bien. Alors évidemment, il avait essayer de trouver une réponse logique à toute cette agitation : était-ce des pirates qui en voulaient à sa famille et son argent ? Ou bien des rivaux caladoniens quelconques qui voyaient l’activité florissante de la famille d’un mauvais œil, depuis leur déménagement en Ipsë Rosea … ?

Ce qui était sûr, c’est que Belethar était resté longtemps à bord de ce bateau. Evidemment, il ne savait pas exactement combien de temps parce que on avait tout fait pour lui masquer les détails de l’expédition, mais ce n’était pas un court voyage … Était-ce possible qu’il ne soit même plus à Calastin ? Et qui étaient ces gens qui avaient presque tout compris de ses habitudes, permettant de l’amener là sans que Belethar ne se sente lésé outre mesure … ?

Beaucoup de questions, pour si peu de réponses, mais l’enwr n’était pas dupe, cela devait faire partie de la mise en scène … Restait pour lui de trouver qui, quoi et comment. Il espérait que sa famille ne s’en faisait pas pour lui, mais pour l’heure même si cela le chiffonnait profondément, il ne pouvait rien faire.

En vérité, le Pater Familias n’eut que peu de temps pour réellement reprendre ses esprits et commencer à échafauder un semblant de plan puisque dès qu’il fut toiletté, habillé et globalement présentable, un grand gaillard vint le chercher : il semblait que son ravisseur l’attendait.

Belethar soupira. De toute façon, il n’avait pas vraiment le choix d’improviser une fuite : là encore, les lieux devaient avoir été choisis à l’avance et sécurisés au cas-où quelqu’un faisait des vagues, et puis ce n’était pas comme si Belethar était un mage de guerre aguerri … Au contraire, il n’aurait pas fait de mal à une mouche, alors pourquoi diantre l’enlever ?

Sans trop tergiverser, le Pater Familias suivit le grand gaillard. Là encore, il jugeait inutile de poser des questions : de toute façon on lui aurait au mieux pas répondu, et au pire on l’aurait molesté physiquement. Jusqu’à présent, il avait conservé toute son intégrité physique, alors il tâcherait d’en rester là.

Le mental en revanche, c’était autre chose. Parce que plus il s’avançait derrière ce sbire de son ravisseur, plus des questions dans sa tête se posaient, et ce n’était manifestement pas tout de suite qu’il aurait des réponses.

Maintenant qu’il était au mieux de ses moyens, il distinguait clairement l’endroit où il était logé, et dans lequel ils se baladaient, avec ce mur silencieux qui l’amenait à sa destination : une sorte de caverne naturelle très sombre. Il identifia en quelques coups d’œil d’expert que c’était manifestement un projet ambitieux : construire des habitations et un lieu de vie d’une façon générale dans une grotte ou une caverne n’était jamais chose aisée, car des tas de paramètres rentraient en compte : quid de la luminosité de l’habitation par exemple ou encore de ses espaces aménageables sans risquer un glissement de terrain, et également quid de la situation de ce lieu de vie : comment se plaçait-il par rapport aux lieux habités dans la région ?

Bien sûr, pour avoir quelque chose de cette envergure, l’architecte imagina bien qu’ils ne devaient pas se trouver au centre d’une ville, mais tout de même … Tout ceci l’intriguait de plus en plus.

Après quelques instants de marche, on le fit attendre. Puis le sbire s’effaça enfin, laissant place à une pièce qui étaient largement plus vaste que les petits couloirs qu’on lui avait faits emprunté plus tôt.

… Et le moins que l’on puisse dire, c’était qu’il y avait de l’effort, dans la construction de cette pièce : probablement était-ce une vaste voute de la caverne naturelle, qui avait été aménagée pour recevoir des gens : la lumière, bien que toujours un peu faible, irradiait déjà plus que dans les autres coins qu’il avait visité, ce qui eut mine de rien pour effet de le rassurer un peu plus.
L’environnement de cette pièce était cependant … Etrange, à la limite d’un rite religieux un peu étrange. Le regard de Belethar se porta naturellement vers le centre de la pièce, et de là il pu voir dans l’autre un grand chemin de pavé blanc qui semblait mener vers une silhouette affairée à son travail, sur une grande table encore une fois blanche. Puis son regard se porta vers le haut de la pièce, et de là il pu apercevoir de grands espaces comblés par des grandes croix qui portaient des … Corps fleuris ?

L’Espérancieux eut un petit déglutiment de la gorge … Certes, les éléments disposés de cette façon rendait la pièce et le centre d’une façon générale assez imposants, mais … C’était bizarre, voir d’un mauvais goût certain, non ? Enfin, dans un autre contexte, cela aurait pu être de mauvais goût, mais bizarrement, l’architecte trouvait que là dans ce cas précis, cela avait du sens …

Un sentiment très étrange le parcoura à cet instant précis : mais où est-ce qu’il avait encore atterri …

Il s’approcha de la table où l’attendait le maître des lieux, et quand il releva de sa tête, il fut surpris de voir trait pour trait, la tête de sa femme disparue, Héléna.

Il se recula un instant, se frotta les yeux et se pinça, s’assurant que tout ceci n’était pas une mauvaise blague ou encore un coup de son esprit cauchemardesque … Mais quelques secondes passèrent, dans un grand silence. Tout ceci était bien réel.

Belethar s’apprêta à parler néanmoins il fut interrompu par un :

« Bienvenue »

… Qui n’était absolument pas la voix d’Helena, qu’il aurait reconnu entre milles. Belethar se frotta le front, mécaniquement, avant de pousser un long soupir. Il ne savait pas s’il était soulagé que ce ne soit pas vraiment sa femme, ou alors s’il était encore plus inquiet de tout ce qui se passait par ici : malgré ce souhait de bienvenue souhaité d’une voix qui semblait relativement neutre, et cette révérence cordiale … De plus en plus, quelque chose ne tournait pas rond par ici.

Son ravisseur le laissa patienter un instant, dans un grand silence, comblé par des battements du pied de l’élève Baptistrel … Il détestait le silence. Puis, l’homme ou quiconque se situait derrière ce visage d’Helena se rapprocha, et évidemment, Belethar recula. Même s’il ne semblait pas agressif, il souhaitait garder des distances de sécurité avec son hôte du jour. Simple question de sécurité.

« J’ai beaucoup admiré la réalisation du manoir Espérancieux à Ipsë Roseä, Seigneur. Un bel exemple du savoir-faire de votre lignée en matière architecturale. Je suis honoré de recevoir dans mon humble sanctuaire un homme aussi habile et de si prestigieuse ascendance. Je gage que ce lieu n’est guère à la hauteur de vos prétentions légitimes mais je ferais tout mon possible pour me montrer en hôte exemplaire dans la mesure de mes maigres moyens »

Belethar haussa ses deux sourcils, réfléchissant bien à ce que son hôte venait de lui dire : le manoir Espérancieux en Ipsë Roseä, le savoir-faire architectural de sa lignée … Mais depuis combien de temps l’espionnait-il ? Et qu’était ce que tous ces éléments de langage : « tout son possible pour se montrer en hôte exemplaire », son ton de voix paraissait sincère, mais était-il seulement au fait que cela pouvait vraiment passer pour de l’insolence, compte tenu des conditions de sa venue …

Belethar tâcha de reprendre ses esprits, et se fit une réflexion : présentement, il n’était pas vraiment en position de force de se plaindre à lui de quoi que ce soit, alors ses questionnements et autres remarques pour l’instant allaient rester dans son for intérieur.

Mais diantre, qu’est-ce que lui voulait ce type plus maniéré que lui, qui vivait dans un endroit si bizarre, et qui usait vraisemblablement d’artifices pour lui faire voir le visage de sa femme ?!

« C’est ici que nous effectuons les hommages aux défunts, voyez-vous. Chaque composition florale porte une prière sur mesure pour l’être trépassé. Ils peuvent rester ainsi indéfiniment, recevant le respect qu’ils méritent et, pour beaucoup, n’ont pas reçu dans la vie… »

Des hommages au défunt donc, mais dans quel but ? Le cerveau de Belethar tourna à toute vitesse : l’hypothèse qu’il s’était retrouvé au milieu d’un culte religieux étrange s’avérait-elle donc vraie ? Mais quel genre de culte ouvrait les corps pour y rentrer des compositions florales, aussi jolies soient-elles ?

Ne pouvant plus tenir, Belethar attendit poliment que son hôte termina sa phrase, avant d’à son tour prendre la parole :

« Vous allez sûrement me répondre que c’est vous qui posez les questions, mais … Qu’est-ce que c’est que tout ça ? -Fit-il en désignant la pièce dans son entièreté- Pourquoi m’avoir enlevé, si vous prétendez admirer le travail de famille ? Puisque vous semblez bien me connaitre, au point de me faire voir le visage de ma femme disparue et de me parler de mon déménagement à Ipsë Roseä, n’avez-vous pas pensé que ceux-ci précisément pouvaient être inquiets de ma disparition ? Et enfin … Mais bon sang, qui êtes-vous véritablement, et qu’est-ce que vous me voulez, au juste ? Donnez-moi-même au moins une réponse vague ! Vous savez, je suis peut-être un noble de naissance, mais je ne suis pas vraiment attaché à l’étiquette, vous n’avez pas besoin de tout ce cérémoniel pour m’adresser la parole. Je ne vous ferais aucun mal, c’est promis, puisque je n’en ai aucune envie et que de toute façon je ne pourrais le faire ! »

Sa prise de parole ne se voulait pas agressive avec son hôte … Mais Belethar à ce stade était simplement complètement confus. Vu l’ambiance, Il se doutait bien que son ravisseur ne lui répondrait que très vaguement à toutes ces questions, mais il fallait avouer que tout ceci était vraiment très intriguant, et que pour continuer la conversation de manière à peu près saine, il allait avoir besoin de quelques explications préliminaires.

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Il se tenait coi, offrant à son invité toute latitude de réfléchir à la façon dont il souhaitait mener cette entrevue. Serait-il de bonne composition, ou tout au contraire ? Choisirait-il la main tendue d’une conversation instruite et courtoise ou préfèrerait-il être dompté par la force ? La pesée ne tarda guère et il décida de noter la promptitude de l’humain de côté, gardant là une information pouvant s’avérer précieuse à l’avenir. L’écoutant attentivement, légèrement penché vers lui, le scorpion laissa fleurir ses lèvres d’un sourire amusé et sensiblement déconcerté. Il le laissa parler, poursuivre, il le laissa s’ouvrire de sa confusion, s’en épancher sans lui imposer de limites. Peut-être le ferait-il un peu plus tard, si cela s’avérait nécessaire à la bonne tenue de leur échange. Pour le moment, il n’en voyait pas du tout l’utilité.

Non, en effet

Faisait-il référence à son impuissance ? Ou à toute autre chose ? Ne s’en ouvrant pas le moins du monde, son regard n’en luisait pas moins d’une douce appréciation sans complexes. L’étrange de la situation ne l’atteignait pas. N’existait pas, dans sa version de l’instant présent,  il était parfaitement dans son élément. Peut-être parce qu’il était réellement à l’aise. Après Fabius, rien ne pouvait guère l’émouvoir en termes d’étrangetés. Pour autant, il ne badinait pas avec les questions posées. Se définir était un art périlleux, aussi délicat qu’un fil de soie tout juste récolté. Il ne voulait pas trop en dire, devant un esprit aussi riche que devait être celui d’un Enwr, mais il ne désirait pas se montrer avaricieux non plus. Il tenait réellement à cet échange, pas uniquement à la commande qu’il voulait passer, mais au contact qui en naissait indubitablement.

Je suis le Père. Je ne possède pas d’autres noms en ces lieux dont je suis le gardien. Certains me nomment visage de Mort. D’autres me nomment visage de Vie. Je dirige les servants de ces déesses. Ceux qui apportent le repos et nourrissent la roue de la réincarnation au travers de l’archipel. Je suis aussi le jugement du Roi des océans

Une manière comme une autre de distiller l’identité de celui qui motivait tout cela. Ce n’était certainement pas un secret d’état et surtout, Nathaniel aimait que l’on sente sa présence. Son ombre. C’était là leur accord. L’Orque brillait, attirant l’attention et lui, le Scorpion, frappait quand personne ne regardait. En l'occurrence, l’Enwr aurait fini par savoir. Il préférait donc capitaliser l’information, en se montrant de bonne composition et ouvert, plutôt que de subir. La confusion apparente de son invité, comme son ouverture, étaient des mains tendues qu’il saisissait volontiers. L’homme était certainement assez intelligent pour le craindre, nul besoin donc d’accentuer cela outrageusement. Il préférait nuancer sa peur, la laçer de compréhension et de respect si c’était possible. Il voulait montrer être bien plus que les griffes à sa gorge, la volonté qui dirigeait le mouvement…

C’est en son nom que je vous ai fait venir jusqu’à moi. Athgalan nécessite la précieuse attention des Espérancieux afin de croître davantage. Seule elle arrive au bout de ses bégaiements

Il y eut un blanc passager puis il glissa plus bas, en une chaude confidence, marquée par l’amusement du ton comme de la lippe. Si cela n’amusait pas son interlocuteur, cela l’amusait lui sans nul doute.

Cela veut dire que je souhaite engager vos services

Ah, doux silence confortable. Il le laissa s’égrener alentours une poignée de minutes avant de s’incliner à nourrir la curiosité naturellement de l’architecte. En vérité, parler de ce lieu ne l’émouvait nullement. N’avait-il pas lui-même engagé cette opportunité quelques instants plus tôt ? L’espace dans lequel ils évoluaient présentement avait été l’un des premiers à être achevé, pour son immense importance symbolique eut égard à la profonde dévotion du culte qui vivait là. En toute transparence, la rapidité d’exécution venait également de la simplicité de la fibre artistique qui avait menée ce projet. La grande caverne ne nécessitait pas de prouesses architecturales pour transmettre son message. Au contraire. L’opulence distordait et complexifait la symbolique, et rendait la symbiose, la résonance moins puissante, moins directe et moins pure.

Cette pièce est appelée la Marche. Le dernier lieu de repos des morts élus et le dernier lieu de recueillement avant la porte de Mort. Les individus exposés sous vos yeux sont glorifiés dans leur dernier sommeil. Ils sont défaits des exactions de ce monde sur leurs personnes et offert un ultime moment d’extase avant le délitement de l’identité dans la roue

Il s’était détourné de la silhouette quinquagénaire pour embrasser du regard l’espace ouvert et aéré, la mire remontant le long du hauban de lumière central. Son ascension prit fin, l’attention cascadant sur les compositions florales qui s’offraient, sans pudeur mais avec force gravité, aux visiteurs encore absents. Les fleurs étaient préservées, exactement comme les corps. Elles se montraient généreuses avec l’observateur, bien plus qu’elles n’auraient pu en d’autres circonstances. Elles étaient cultivées au sein du sanctuaire même, dans une aile naturelle, creusée à même la roche et entièrement dédiée à la botanique. Les apprentis les plus jeunes débutaient leurs apprentissage auprès de ces plantes mais tous les résidents du sanctuaire revenaient vers elles à un moment ou un autre, portés par le ressac de leur existence. Les résidents et les plantes étaient intrinsèquement liés.

Chaque fleur, chaque végétal possède sa signification. Les résidents du sanctuaire connaissent ces messages secrets et peuvent lire les prières ainsi transmises aux bienheureux défunts. Connaissez-vous le langage des fleurs, Monseigneur ?

Un Enwr devait certainement avoir été éduqué dans cette discipline. A moins, bien entendu, qu’il n’ait pas choisi une telle discipline. Sa propre fille avait décidé de s’en passer, déjà forte de nombreuses connaissances sur ce sujet. La réponse ne devait sans doute pas venir immédiatement. Dans l’impression profonde et paisible des lieux, il en vint à observer les végétaux qui ornaient Athela. Son regard se fit morose, nostalgique et grave, prompte à s’imprégner de l'histoire de cette douce créature. Par égard et dévotion pleine et entière, aucun des bienheureux de la salle n’était un membre du culte. Mais elle ? Son héritage en serait. Son histoire, narrée auprès des apprentis, en serait, pour illustrer les profondeurs que, parfois, leurs peuples traversaient. Nulle nature n’avait jamais prévue les déboirs et les peines de cette femme. Tout cela, elle le devait aux siens.

Son histoire est des plus désolantes. Il s’agissait d’une noble, associée au mauvais comte. Elle a perdu toute position après la fin de la guerre et pour préserver sa fille, elle a vendu son corps. Elle ne savait rien faire d’autre. Elle est morte il y a quelques jours… un client qui ne voulait pas la payer. Sa fille a naturellement été recueillie parmis nous

La voix chagrine ne concevait qu’à peine le geste qu’il eut pour désigner le corps au repos, long et lent, à la grâce usitée, écornée de désillusion. Si la théâtralité s’avouait à demi-mot, l’empreinte même de l’affect était brillant de sincérité. Athela aurait mérité bien autre chose que cela. Il laissa une main gantée de cuir noir courir sur les délicats pétales, sur les tiges riches et souples. La prière reliait les âmes par delà les ports de Mort, aussi ne doutait-il nullement que leur message touche celle qui avait été arrachée à ce monde par le couperet d’une funeste destinée. Il ne pouvait nier l’impérial de l’appel qu’elle avait reçu, mais s’en désolait néanmoins. Respecter sa mémoire était alors la seule chose à faire. Et il ouvrait le voile de leurs croyances séculaires à son invité, lui offrant là plus qu’une connaissance, une fenêtre sur l’âme du sanctuaire.

J’ai composé sa prière moi-même, avec l’aide de son enfant, pour lui permettre de dire au revoir avec moins de tristesse. A peine, mais tout lambeau, dans une telle tragédie, n’est-il pas bon à prendre ?

L’espoir et la douceur étaient les liqueurs divines de l’élévation par le miel.

Notre monde est souffrance, cruauté. Non par nature malgré sa dureté, l’outrage naît d’esprits pairs, hélas. Sa mort en est une preuve. La disparition d’une femme et d’un fils également…

Sa voix se perdit, sans que le ton ne s'essouffle, se délitant simplement dans le silence ambiant et confortable.

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“Je suis le Père. Je ne possède pas d’autres noms en ces lieux dont je suis le gardien. Certains me nomment visage de Mort. D’autres me nomment visage de Vie. Je dirige les servants de ces déesses. Ceux qui apportent le repos et nourrissent la roue de la réincarnation au travers de l’archipel. Je suis aussi le jugement du Roi des océans”

Belethar se frotta la barbe, écoutant d’une oreille attentive la présentation de son hôte. Au moins, il avait le sens de la formule et une bonne politesse, c’était déjà ça. Pirate, mais pas malotru. L’Enwr dû faire de gros efforts pour essayer de placer un autre visage que celui de son ex-femme disparue sur le corps qui lui parlait, mais passé cette petite gymnastique mentale, il fallait avouer qu’au moins, il présentait bien les choses.

Bon, c’était une évidence : il parlait exclusivement en énigmes, mais à cela Belethar s’y attendait. Puisqu’il avait accordé autant d’importances à tout le “rituel” autour de cette rencontre, à la limite du cérémonial religieux assez étrange, l’Enwr ne s’attendait pas à ce qu’il lui déroule un tapis rouge et lui révèle tout d’un coup. Non, le Pater Familias allait devoir être plus fin que ça s’il souhaitait avoir des informations …

Mais le souhaitait-il vraiment ? Après tout “Le Visage de Mort”, cela voulait quand même dire ce que cela voulait dire. Mais bon. C’était donc bien quelqu’un qui agissait pour le Roi des Pirates. Il ajouta d’ailleurs, à ce sujet :

“C’est en son nom que je vous ai fait venir jusqu’à moi. Athgalan nécessite la précieuse attention des Espérancieux afin de croître davantage. Seule elle arrive au bout de ses bégaiements. Cela veut dire que je souhaite engager vos services.”

Il avait glissé cette dernière phrase sur le ton de la confidence. Cela laissa Belethar … Circonspect ? En vérité, il eut un moment d’hésitation puis un petit rictus sur son visage : en soi, rien n’interdisait que sa famille travaille pour les Pirates, et son serment Baptistral non plus … Bon certes, là il ne faisait pas dans l’éthique … Mais ainsi dirait son cousin Tomhar “Les affaires sont les affaires”, avec toute la sagacité qu’il lui attribuait.

Belethar roula ses yeux, et estima qu’il devait au moins écouter le Pirate avant de se braquer. Et puis de toute façon ce n’est pas comme s’il avait le choix … Il profita d’un instant de silence dans ce que lui disait son hôte du jour :

“Vous savez, bien que nous ayons opéré récemment quelques … Disons … Revirements politiques, nous n’avons pas fermé nos partenariats commerciaux. Bien que je l’avoue, le lieu et la communauté que vous représentez sont singuliers … Si votre projet est sérieux, alors nous pouvons mettre des moyens en oeuvre pour vous aider …”

L’Enwr laissa couler sa phrase : par “projet sérieux”, il voulait évidemment dire tout un tas de choses : si la rémunération y était, s’il pouvait avoir tout ce qu’il fallait pour travailler dans de bonnes conditions, si on allait lui laisser toute la liberté pour élaborer cela proprement … Mais bon. Il faisait confiance à cet homme manifestement très bien informé pour comprendre tout cela de lui même. Il ne faisait visiblement pas face à une bête tout plein de muscles, bien que ses manières étaient alambiquées, autant en profiter.

Belethar écouta de nouveau sagement les explications de son ravisseur quant à la composition de cette pièce et sa symbolique … C’était bizarre. Mais est-ce que cela dépassait tout le reste des bizarreries qu’il avait vu aujourd’hui ? Seul les Septs le savaient. Toujours est-il qu’il trouvait ce qu’il avait exposé sous les yeux dégoûtant, les corps exhibés ainsi même si décorés, ce n’était absolument pas son sens de l’esthétique.

Mais quelque part il comprenait au moins un petit peu ce que le pirate lui expliquait, et la symbolique derrière : ce n’était pas plus stupide que les croyances envers les autres religions. Belethar haussa les épaules : il se sentait profondément mal à l’aise, mais quelque part, ce message lui parlait … Étrange sentiment qu’était celui-ci …

Mais au moins le Pirate avait réussi a capté son attention, ne serait-ce que pour qu’il continue ses explications. Il opina de la tête quand vint la question du langage des fleurs. Oui, c’était quelque chose qu’il connaissait. Bon, il n’en avait pas fait son cheval de bataille, mais il avait des notions dans cette matière. Il glissa au Pirate :

“Je n’ai pas non plus une expertise confirmée sur la question, je vous serai plus utile pour l’art du mouvement, par exemple …”

Non pas qu’il se sentait de proposer une danse à son ravisseur, il n’avait pas certainement pas développé ce syndrome qu’on racontait dans ses histoires ou les princesses emprisonnées tombaient finalement amoureuses de leurs ravisseurs. Il se sentait simplement obligé de se justifier par honnêteté intellectuelle.

Belethar écouta l’histoire de la jeune femme ainsi exposée en dodelinant de la tête. Il parlait avec tant d’aisance de choses horribles, s’en était vraiment très perturbant. Mais finalement, encore une fois Belethar trouvait que le discours se tenait. Soit il avait travaillé sa petite allocution, soit il le pensait sincèrement …

Certainement un peu des deux. Cependant, l’apprenti Baptistrel se garda bien de titiller le Pirate sur ces questions. Bien que “le Père” l’avait mis en confiance, il était pour l’instant ici en captivité : il tenait à sa vie, et avait bien conscience de ses capacités négatives au combat. Alors il se garda de toutes remarques déplacées.

Cependant, au silence que son ravisseur laissa traîner, il ne put s’empêcher de répondre :

“C’est vraiment ce que vous pensez ?”

Il laissa un blanc. Après tout, la question méritait d’être posée.

“Je suis plus du genre à voir le verre à moitié plein. Je suis certes un bien-né, qu’il n’a en soi vu de la misère profonde que ce que son maître au Domaine a bien voulu lui montrer, bien qu’il n’ait pas été tendre avec moi sur la question … Mais bon c’est aussi formateur. Cela vous rappelle que quand vous construisez des toits et quatre murs pour une personne, vous faites bien plus que empiler des pierres sur des tuiles”

Si Le Père était habile avec les mots, Belethar l’était certainement aussi. Après tout il avait reçut les enseignements directs d’un grand champion en la matière, connu et redouté des plus grands. Mais il se garda de toutes comparaisons supplémentaires avec Kehlvehan, qui représentait à lui seul un monument de savoir qu’il n'atteindra probablement jamais dans sa courte vie d’humain, et il reprit son argumentaire :

“Quand vous faites ce métier, vous êtes bien plus qu’un simple exécutant. Vous construisez des foyers, des symboles de pouvoir, des lieux de cultes … Tout un attirail sur lequel Vie laisse son empreinte indélébile, à jamais.”

La symbolique divine valait ce qu’elle valait, mais il insista bien là dessus pour que le “Visage de Mort” comprenne ce qui le motivait à travailler, et comment la famille concevait ses oeuvres.

“Je ne dirais pas que vous avez torts Messire, il faudrait être aveugle pour dire sciemment que ce monde n’est secoué par aucune souffrance ni cruauté. Mais j’aimerai attirer votre attention sur le fait qu’il est aussi possible de concevoir des modèles sociétaux où le Progrès et l’Humanité sont mis en exergue ... “

C’était généralement cette partie de son discours où les gens riaient au nez de Belethar. Mais l’Enwr ne se laissa pas abattre : si son ravisseur était vraiment philanthrope, alors il n’avait pas de doute qu’il le laisserait s’exprimer en toute tranquillité :

“Je ne connais pas grand chose sur les Pirates, si ce n’est les légendes que l’on raconte à votre sujet depuis des années. Mais il me semble qu’à la base, vous avez embrassé la Liberté pour construire quelque chose en dehors des carcans classiques et encombrants, et en vous rapprochant de vos Compagnons n’est-ce pas ?”

Nouveau silence, venant ponctuer l’intervention de l’Architecte, qui commençait déjà doucement à concevoir quelque chose dans sa tête … Des bâtiments au service de la Liberté. Voilà quelque chose qui promettait d’être intéressant …

“Vous avez votre Cause, et j’ai la Mienne. Reste à savoir si ces deux-là peuvent faire bon ménage … Mais l’hypothèse n’est pas très intéressante cher … Père ?”

Belethar hésita sur la façon dont nommer son ravisseur. Il fallait avouer qu’appeler “Père”, celui qui avait le visage de sa femme, mais qui était en fait un pirate, cela n’était pas très naturel.

Cela étant, leurs coopérations bien qu’incongrues, pouvaient peut être s’annoncer plus intéressantes qu’elle ne le promettait initialement. Belethar espérait toutefois que le Pirate garderait son image ouverte d’esprit jusqu’au bout et que tout ne tourne pas au cauchemar assez rapidement une fois leurs accords scellés …

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Il lui aurait naturellement rétorqué qu’il n’aurait pas prit la charge de telles dépenses à son encontre s’il n’avait pas été capable de fournir le nécessaire à la réalisation de sa demande, et pourtant s’il l’affirmait ainsi, c’était sans doute que l’Espérancieux avait déjà fait les frais d’une telle expérience. On ne nommait l’absurde que pour s’en prémunir. Soit, qu’il se rassure, son projet était aussi complet et solide que son ambition était large pour ce futur fief, et il n’avait aucun mal à l’affirmer sans prendre peur. Une civilisation ne se construisait pas dans la boue et la fange, et si l’on fronçait le nez à l’égard des bas instincts, il était pourtant nécessaire de les contempler afin de pouvoir se consacrer à d’autres occupations, que le commun jugeait plus ‘noble’. Car forcément, il était plus noble de vouloir alambiquer la pensée à l’extrême sur ces biais de langage plutôt que de s’assurer que les rejetons d’une nation avaient tous suffisamment de nourriture pour vivre et grandir. Nonobstant ces considérations étriquées de la masse, lui voulait avant tout que le peuple de son père, ces réprouvés, ces rejetés et méprisés, aient un confort basique de vie avant tout le reste. Tout comme il tentait d’installer de nouveaux rites mortuaires afin de raviver l’estime de ces âmes en perdition envers eux-mêmes.

Tout dépend de vos intentions Monseigneur. Mon intention personnelle est de vous engager afin de réaliser les plans, et la construction, d’une ville pour le peuple que dirige celui que je sers. La vôtre reste à déterminer, ce me semble. Je ne puis affirmer que vous vous contenterez de réaliser cette commande. Si, au-delà de cela, vous vous donnez pour intention de faire ‘bon ménage’ de nos causes, c’est entièrement de votre ressort et je m’y plierais. Je ne juge nullement de vos ambitions personnelles, bien que je puis, certes, trouver fascinant de les entendre conter. Qui suis-je pour offrir une critique après tout ? Seulement un outil

Il n’avait nullement eu l’intention de confronter son opinion et ses valeurs à celles de son visiteur mais prêtait une oreille attentive à l’explication qu’il donnait. Les déesses avaient construit un monde riche et varié qui appelait à l’inspiration et à l’observation. Chacun était libre de penser comme il le désirait. En vérité, être capable de penser par soi-même était même une ôde aux Déesses. Quand on le faisait avec l’expérience du monde, c’était mieux encore mais cela ne devait rien stopper. Un novice pouvait tout autant concevoir, son seul souci serait alors d’apprendre quand revoir ses opinions et de ne parler que par hypothèses afin de ne pas froisser ou insulter. En l’état, il jaugeait que son vis à vis était expérimenté mais qu’il choisissait volontairement de se tourner vers l’optimisme. C’était une voie parfaitement naturelle en cela qu’elle permettait de ne pas étouffer l’âme sous la gangrène et le désespoir. Peut-être était-ce aussi pour cela qu’il voyait l’Architecture ainsi, une vision qu’il appréciait d’ailleurs réellement. Cela ne voulait pas dire qu’il n’était pas critique quant à la capacité d’une société à promouvoir réellement le progrès et l’humanité. Mais ça, il lui en reparlerai sans doute plus tard, autours d’un bon repas. Il n’avait pas eut une discussion si stimulante depuis Ilhan Avente.

Il est agréable, néanmoins, que vous conceviez la portée symbolique de vos créations. Je la trouve presque plus importante que la construction physique. Qu’en pensez-vous ? Un toit, une maison, même aux murs délabrés, à la paillasse infestée, est parfois un réconfort. La certitude de pouvoir retourner en un lieu où l’on pourra trouver un fragment de paix et de soulagement

Et en cela, il parlait d’expérience. Avoir vécu dans les bas-fonds gloriens, avoir séjourné dans des taudis surpeuplés, lui avait appris la valeur d’un foyer et les nombreuses formes qu’il pouvait revêtir. L’échelle du monde était bien différente, selon la strate sociale. Les symboliques, pourtant, étaient les mêmes. Seules les formes changeaient. Oui, quand on construisait une maison, on faisait plus qu’empiler des pierres sur des tuiles. On donnait des outils servant à la construction d’un être, le soulagement d’être au sec quand vient la pluie, la chance de faire un feu quand vient la neige, un coin isolé quand on ne supportait plus la foule, un élément de personnalisation d’une personne, une opportunité de créer et de développer des compétences, un lieu où revenir après un voyage long et fatiguant, un lieu connu, familier, après avoir affronté un monde en perpétuel changement… et bien davantage. Il ne saurait jamais évoquer tout ce que cela représentait. Cette symbolique, elle devait également être présente au sein de la nouvelle ville pirate. Et pour chacun. La tâche en devenait d’autant plus complexe et délicate mais plus fascinante encore. Il estimait, pour sa part, avoir reçu l’inspiration des Déesses pour ce qui aurait trait à ses affaires mais qu’en serait-il des autres capitaines ?

Plutôt qu’une légende, peut-être pourrais-je vous entretenir de la véritable histoire de la Confrérie ? Que diriez-vous de m’accompagner sous le dôme de Vie, que vous semblez couronner de vos travaux, pour en discuter ? Mon ouvrage doit sécher avant que je ne le reprenne, de toute façon

D’une nouvelle révérence profonde, il l’invita à sortir en sa compagnie. Son pas souple fut adapté à celui de son invité afin de ne pas lui demander un effort quelconque pour le suivre. Le long des artères sombres, ils marchèrent dans un silence complet et ce ne fut qu’en pénétrant dans une nouvelle cavité que le tueur rompit son coi imposé, pour expliquer à son interlocuteur, avant toute chose, que les couloirs faisaient voeux de silence, et qu’il était bon pour les disciples de le respecter, afin de jouir pleinement des bienfaits de l’audition. Trop de parler faisait perdre en valeur à leur capacité oratoire naturelle, trop de parler taisait le bruit de la vie du monde, ses soupires, ses aveux secrets… Il y avait un temps pour chaque chose, et un rythme pour chaque chose, savoir les apprécier, s’adapter, était important, tout autant que de savoir manier le pouvoir du grand cycle. Ce n’était pas totalement étranger à l’art Baptistral, d’ailleurs, s’il avait pu comprendre certaines des philosophies du Domaine. La parole ne pouvait tout faire en ce monde, parfois il fallait être et non pas affirmer être. Ils débouchèrent à l’air libre, après une remontée en pente douce. Le dôme de Vie était un cercle de pierres blanches peintes, et un jardin naturel sous le tiède vent de la savane. Un large et vénérable bananier ombrait les lieux.

Lorsque l’Empire Kohan régnait sur Ambarhuna, des voix au sein du petit peuple se sont élevées contre le traitement des plus démunis. Serfs, Paysans libres, Ouvriers, Artisans, et tant d’autres. La pauvreté rongeait les pieds de la dynastie Kohan. De ceci, trois organisations sont venues au monde, avec trois visions différentes. Le Souffle, guilde des assassins, se mettait au service des plus riches. La Meute, guilde des voleurs, s’en prenait aux riches pour donner aux plus pauvres. Les Lames Rouges, guilde de soldats rebels et désabusés, s’en prenait à tout symbole et noeud de pouvoir de la royauté afin de la faire s’écrouler

Il indiqua deux sièges en toile et bois sculpté, permettant ainsi à l’Espérancieux de s’asseoir s’il le désirait. Lui-même aimait rester debout en ces lieux.

Ces trois organisations évoluèrent progressivement. Leurs reliquats devinrent la cour des miracles. Cette même cour devint à son tour la Confrérie. Les racines de notre organisation sont celles d’une population maltraitée et saignée pour le confort des classes dirigeantes. La liberté est une façon d’exprimer notre volonté mais en vérité c’est une vision sensiblement romancée de la chose. Nous sommes une lie rejetée. Il y a en notre sein des individus aux desseins pleins de vilenie. Certains aux yeux des moeurs de nos peuples, d’autres de façon plus viscérale

Il prit une tige tombée à terre, jaunie, en prit une seconde, et se prit à un tressage oisif, simplement pour occuper ses mains et offrir un humble tribut à ce lieu.

Je n’affirmerais donc pas que l’intégralité de la confrérie est uniquement la création même de l’Empire, mais une large part l’est belle et bien. Moi-même, j’ai été prostitué avant d’être accepté par un maître pour apprendre l’art des Déesses. J’ai vécu dans un taudis de Gloria et je grapillais quelques piécettes pour survivre en laissant des nobles trop honteux de leurs déviances pour les montrer dans leurs salons se coucher sur moi jusqu’à m’en faire saigner. L’histoire de la Confrérie, de la façon dont je la perçois, est l’histoire des inégalités profondes de nos sociétées

Le ton de sa voix ne changeait pas. Il portait son passé sans honte et s’en servait pour avancer. La Confrérie commettait des actes que la masse jugeait répréhensibles. Ils avaient pourtant été victimes de situation toute autant outrageante.

Nous avons survécus au travers de ces inégalités pour devenir plus forts. Nous partons de rien, ici, nous ne savons pas gérer un royaume, construire une nation mais nous voulons apprendre. Nous voulons nous en sortir, nous construire, nous, en dehors de ces inégalités. Ces carcans, comme vous les nommez, ne sont pas encombrant… pour de nombreuses gens, ils sont mortels et étouffent à petit feu. Liberté, Égalité. Je n’irais pas jusqu’à vous insulter en affirmant Fraternité. Ce n’est pas le cas. Ce n’est pas moindre pour autant. Honnêteté, peut-être

Ils ne cachaient pas leurs vices aux autres, ils étaient tels qu’ils étaient. Imparfaits mais présents, dotés du même droit de Vie que tout autre créature. Ils n’affirmaient pas que la naissance donnait un droit à quoi que ce soit si ce n’était se battre et travailler pour ce que l’on désirait.

Votre tâche sera certes de construire une ville, un symbole, sans doute même plus d’un. Au-delà, votre tâche sera aussi de permettre de faire croître son peuple en lui ouvrant un réel horizon et en pensant les infrastructures qui vont permettre au peuple d’exprimer son potentiel. Est-ce un devoir auquel vous pensez pouvoir répondre ?

S’il avait privilégié un Enwr pour le travail qu’il désirait voir accompli, c’était justement parce qu’il avait l’espoir que l’individu élu comprenne la portée de ce que représentait cette future ville. S’il voyait le verre à moitié plein, comme il l’affirmait, alors cela lui permettrait peut-être de réaliser cette société idéale, ou quelque chose d’approchant, une première tentative. En cela, il faisait bon esprit eut égard aux velléités de l’architecte de faire bon ménage avec lui. Il laissa un léger silence s’installer, conscient d’avoir beaucoup parlé en une fois, attentif à son invité. Lorsqu’il se décida à parler de nouveau, ce fut d’une voix plus douce encore.

Vous pouvez m’appeler Nayan, si vous le désirez

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“Tout dépend de vos intentions Monseigneur. Mon intention personnelle est de vous engager afin de réaliser les plans, et la construction, d’une ville pour le peuple que dirige celui que je sers. La vôtre reste à déterminer, ce me semble. Je ne puis affirmer que vous vous contenterez de réaliser cette commande. Si, au-delà de cela, vous vous donnez pour intention de faire ‘bon ménage’ de nos causes, c’est entièrement de votre ressort et je m’y plierais. Je ne juge nullement de vos ambitions personnelles, bien que je puis, certes, trouver fascinant de les entendre conter. Qui suis-je pour offrir une critique après tout ? Seulement un outil”

Belethar haussa un sourcil et fit une petite moue. Il avait donc décidé de botter en touche. Dommage. Etait-ce par pure esprit de protection qu’il ne s’étendait pas sur des convictions personnelles, ou parce qu’il n’en possédait pas, ou bien ultimement parce qu’il était toujours aussi … neutre quand à sa vision des choses ?

L’Enwr ne savait pas vraiment. Peut-être bien que c’était tout cela à la fois. Cela dit, le Pater Familias décida de ne pas vraiment insister. Après tout même s’il semblait très bien connaître Belethar, ce n’était que la première fois qu’ils se rencontraient, et aussi étrange qu’était cette rencontre, l’élève baptistrel comprenait qu’il ne voulait pas non plus se confier instantanément à lui comme un ami le ferait. C’était bien normal après tout.

Alors Belethar pris son mal en patience, et décida plutôt de le laisser parler. Après tout, même si ses manières étaient pour le moins singulières, les discussions qu’il avait eu avec lui jusqu’à présent n’étaient pas inintéressantes. Alors peut être que le laisser étendre son point de vue allait finalement lui faire dire des choses.

“Il est agréable, néanmoins, que vous conceviez la portée symbolique de vos créations. Je la trouve presque plus importante que la construction physique. Qu’en pensez-vous ? Un toit, une maison, même aux murs délabrés, à la paillasse infestée, est parfois un réconfort. La certitude de pouvoir retourner en un lieu où l’on pourra trouver un fragment de paix et de soulagement”

L’Enwr frotta son petit bouc, et esquissa un sourire en coin. Semble t-il qu’il avait vu juste, au moins en partie. Le ravisseur commençait enfin à faire tomber un petit peu son masque. Fort bien.

“Assurément répondit l’architecte. Même si bien évidemment, il est généralement bon de bien se sentir chez soi, quelque soit les circonstances. De nos jours, les nobles de sang comme moi, ont trop souvent tendance à mépriser le bas-peuple dans leurs palaces, ou châteaux selon la situation. En cela, je suis différent des autres. En tant que biens-nés, nous nous devons de bien des manières de montrer l’exemple. En construisant des maisons et des édifices en tout genres, j’accomplis bien plus qu’un simple acte physique. Je me sens utile, et je rends d’une certaine façon ces choses que l’on m’a donné à la naissance.”

Position audacieuse qu’était celle-ci en ces temps, et qui a valu à Belethar d’essuyer de nombreuses critiques. C'eût été hypocrite de dire qu’il n’avait cure que d’être un noble, et que seul le bonheur du petit peuple l’importunait. Non, être Noble signifiait qu’il était naturellement né supérieur à une bonne partie de sa race, mais cette supériorité ne devait pas être utilisée pour écraser mais plutôt pour … Tirer vers le haut ?

Le Progrès était vraiment devenu sa boussole avec le temps.

“Plutôt qu’une légende, peut-être pourrais-je vous entretenir de la véritable histoire de la Confrérie ? Que diriez-vous de m’accompagner sous le dôme de Vie, que vous semblez couronner de vos travaux, pour en discuter ? Mon ouvrage doit sécher avant que je ne le reprenne, de toute façon”

Belethar hocha la tête, et suivit son hôte tranquillement. La discussion était sérieusement entamée, l’enwr commençait à se détendre de nouveau. Il haussa les sourcils et s’autorisa un petit soupir avant de finalement dire :

“Vous apprendrez que je ne dis jamais non à une discussion.”

Et pour cause, celle-ci n'engage en principe à rien. Le plaisir de confronter ses idées, d’écouter, d’apprendre aussi parfois, seul restait. C’est pour cela que Belethar n’avait jamais fermé la porte à personne dans toutes ses entreprises différentes. Il ne fallait pas s’arrêter à des préjugé, parfois l’on avait de bonnes surprises si l’on laissait les gens parler …

Ces quelques menues réflexions lui firent presque oublier le silence pesant qui soudain régnait, quand les deux êtres marchaient vers leur but.

Une fois arrivés dans l’antre, Belethar pris un bon bol d’air frais. Ce n’était pas qu’il se sentait particulièrement opressé dans ces cavernes, mais son instinct de voyageur préférait largement le grand vent au renfermé.

Il fallait avouer également que le lieu dans lequel l’avait emmené son ravisseur n’était pas des plus déplaisants. Un jardin d’intérieur, décoré simplement. Cela suffisait parfois au bonheur, qui se trouvait décidément vraiment dans des petites choses.

Pour la suite de la conversation, Belethar se trouva essentiellement dans l’écoute de ce que son potentiel futur partenaire commercial lui disait. Il avait eu évidemment vent de la création de la Confrérie des Pirates, et des quelques écrits qui relataient de l’origine de son existence, mais il était toujours bon d’entendre différentes versions à une histoire.

Belethar esquissa un sourire au moment où les inégalités furent évoquées … Et de voir à quel point ces histoires de déterminisme sociaux pouvaient changer le destin d’un peuple tout entier. Cela dit, à la lumière de ces nouveaux éléments, Belethar comprenait de mieux en mieux à qui il avait affaire derrière ce masque.

“Votre tâche sera certes de construire une ville, un symbole, sans doute même plus d’un. Au-delà, votre tâche sera aussi de permettre de faire croître son peuple en lui ouvrant un réel horizon et en pensant les infrastructures qui vont permettre au peuple d’exprimer son potentiel. Est-ce un devoir auquel vous pensez pouvoir répondre ?”

Belethar prit une petite inspiration, pesant le pour et le contre de ce qu’il venait entendre. La promesse que lui faisait celui qu’il allait appelé Nayan désormais était évidemment plus qu’intéressante. Elle pouvait présenter un beau message, au-delà des potentiels préjugés. Il garda le suspens un instant, prenant le temps d’observer ce grand bananier, puis son ravisseur, avant de finalement s’exprimer sur la question.

“Cher Nayan … Bien que notre première rencontre soit … Impromptue, et pas forcément commune … Vous aviez piqué ma curiosité. Vous avez désormais mon attention.”

Il émit un petit sourire. Le défi était de taille, et il allait très certainement faire jazzé si tout ceci venait à fuiter, mais qu’importe. La Liberté et l’Égalité … Une drôle d’idée pour cette époque que la leur. Mais Belethar adorait les drôles d’idées.

“Je ne sais pas si mes épaules suffiront à porter tout le poids de ce que vous venez de me raconter, mais je ferais mon maximum pour exaucer votre voeu de fonder un socle solide pour votre Nation grandissante.”

La promesse avait été scellée, ici et maintenant. Avec l’ombre du doute, bien sûr, qui ne pouvait pas en avoir quand on s’adressait à des pirates dont le propre était d’être malhonnête ?

Mais c’était dans la nuit qu’il était beau de croire en la Lumière, et cela Belethar le savait mieux que personne. Le Pater Familias eut une nouvelle petite inspiration avant de reprendre brièvement la parole :

“Mon coeur de philosophe, et votre récit me pousse à croire que vous êtes bien plus que ce que vous semblez être au premier abord. Afin de bien préparer notre collaboration cependant, je risque de rester parmi vous au moins quelques jours, et peut être également voir la ville dans son état d’aujourd’hui. Me permettrez vous cela ?”

Question importante s’il en était, et vu les manières d’accueillir les hôtes, Belethar préférait s’assurer que ce détail était possible. Seulement après ils pourraient parler de technicité avec son hôte, enfin si celui-ci le voulait, bien sûr …

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De nos jours ? Le mépris des nobles pour le petit peuple n’était pas récent. Il ne datait pas d’hier. D’où provenait la certitude que certains individus étaient supérieurs aux autres ? Comment décidait-on qui était supérieur ? Est-ce que cela était définitif ? Transmissible ? Que signifiait réellement être supérieur ? Et qui pouvait réellement décider de valider, ou d’invalider, tout cela ? Lorsqu’il acceptait la ‘domination’ d’un noble sur sa personne, était-il réellement l’inférieur ou était-il maître et décideur de la légitimité de cette noblesse ? Avait-il ce pouvoir par logique et lien de cause à effet ou pas une plus grande élection ? S’il ne se posait pas usuellement la question, c’était qu’il n’avait pas la réponse et avait trop vécu pour perdre son énergie et son temps à se focaliser sur cette question. Elle existait, il le reconnaissait, mais si cela ne servait pas ses intérêts directs que de l’adresser et de la faire reconnaître, alors il s’en passait. “salus votre tranquillité d’esprit et votre certitude. Je ne peux que vous souhaitez ce hâvre de l’esprit” Nonobstant tout ce que l’on pouvait s’imaginer de l’engeance à laquelle il appartenait, il ne souhaitait pas promptement douleur ou soucis à qui que ce soit, bien que cela puisse effectivement advenir au cas par cas. De plus, un architecte qui n’était pas perturbé par des questions existentielles était sans aucun doute un architecte qui travaillait correctement.

Il ne disait jamais non à une discussion ? Le pirate eut une légère hésitation, l’entournure de ses lèvres se courba sur l’ébauche d’un sourire. Oui, il était désormais fort d’une meilleure connaissance de sa personne, ce qui était en tout temps appréciable. Tout discussion ne pourrait cependant avoir lieu que dehors, aussi attendit-il cet instant avant de s’exprimer. L’histoire de la confrérie, c’était l’histoire de l’Empire, en fin de compte, revenant chaque fois aux mêmes questionnements. “C’est le mieux qu’un individu puisse offrir” Il ne lui demanderait l’impossible que pour le voir se dépasser et il ne le blâmerait pas de ne pouvoir atteindre et combler ces sommets. Il savait ce que l’histoire qu’il lui avait transmis représentait. Il savait aussi les monts de labeur qu’une telle entreprise allait demander. Il ne désirait pas cacher son exigence, c’était elle qui l’avait bien servi toutes ces années, elle qui conditionnait sa place actuelle et ses réussites. Il serait exigeant oui, mais il était aussi objectif et rationnel. “Vos demandes sont mes ordres, Seigneur. Vous devrez néanmoins vous déplacer sous la garde de mes disciples. Non que je souhaite vous dissimuler quoi que ce soit, mais la ville est loin d’être sécurisée, et tous ne répondent pas aux principes de notre caste de dévots” Et il n’avait pas spécialement envie de le voir poignardé dans une allée sombre simplement parce qu’il respirait le noble.

Quant à savoir s’il était plus qu’il ne le semblait… C’était un tout autre sujet. Il l’observa un long moment sans rien dire, puis s’approcha de lui. Il transpirait la magie. Peu importait. Il lui apposa une marque du traqueur d’un geste pour activer les glyphes requis. “Par sécurité. De sorte que je puisse vous rejoindre en cas d’urgence. Prudence est mère de sûreté, n’est-il pas ?” Parfois, bien que très rarement, ses disciples rencontraient une résistance déplorable, en particulier de la part des laquais de certains autres capitaines. Il aurait sans doute besoin de lui ouvrir des portes lui-même. Ce projet était très important, son père le désirait, il ne faisait que donner corps à ses désirs. Il n’y avait rien qui lui importait plus que cela. “Il y a cependant plus que la ville présente à visiter. Je vous mènerais, avec mon bâtiment, plus à l’Est, là où s’élèvera la future ville que vous avez pour tâche de concevoir. La nouvelle Athgalan ne se dressera pas dans ce marais. Il vous faudra connaître la topographie du lieu que vous aménagez, je gage ?” Stoïquement, il fit passer au second plan toute curiosité sur la façon dont cet homme pouvait le concevoir lui, être. Il était le fils de Nathaniel, n’était-ce pas bien suffisant ? C’était tout ce dont il avait toujours rêvé. Tout ce à quoi il avait aspiré toute sa vie. “Avez-vous déjà été confronté à la vie dans les taudis Glorien, Seigneur ? L’odeur et la crasse… Il vous faudra sans doute vous préparer avant de sortir

De nouveau, il resta silencieux, sans le lâcher du regard, sous son masque. Lorsqu’il prit la parole, son élocution s’était faite plus lente, pensive. “Comment procédez-vous, usuellement, pour vos projets ? Si ce n’est pas une question indiscrète. Je me fais foi de pourvoir à tous vos besoins promptement, mais je dois reconnaître n’avoir que des connaissances très fragmentaires de votre expertise. Si vous consentez à m’éduquer, je pense pouvoir affirmer que je ne décevrais pas vos attentes, Seigneur. L’amélioration continue est gage de vie saine et je soupire après un partenaire d’échanges convenable en ces lieux hélas

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“Vos demandes sont mes ordres, Seigneur. Vous devrez néanmoins vous déplacer sous la garde de mes disciples. Non que je souhaite vous dissimuler quoi que ce soit, mais la ville est loin d’être sécurisée, et tous ne répondent pas aux principes de notre caste de dévots”

Belethar inspira et eut un petit haussement d’épaules. Il n’osait pas vraiment le dire à son interlocuteur de peur de le blesser, mais cela ne l’étonnait pas vraiment. Aussi civilisé cet homme soit-il, le Pater Familias faisait partie des gens qui pensaient que les croyances, même si parfois elles étaient fausses, ne venaient pas forcément de nul part. Or, vu le portrait que Nayan avait fait de sa nation, aussi louable soient leurs intentions, Belethar compris rapidement qu’il serait un bourgeon de rose au milieu d’un champ de tournesol.

Autrement dit, un intrus.

Le Pater Familias n’aimait pas vraiment se sentir exclu d’un peuple, mais il savait que chacun avait besoin de son temps d’adaptation. S’il avait des idées reçues sur les pirates, il ne doutait vraiment pas que la réciproque était vrai. Et d’une façon générale, comment en vouloir à un peuple qui avait vécu dans des quartiers sentant la fiente, méprisé de tous ?

Il n’y avait pas vraiment de réponses à cette questions. Belethar détourna un instant le regard vers le petit jardin par lequel la faible lumière du soleil dardait en ce temps automnal. Il s’apprêtait à dire quelque chose, mais quelques picotements vinrent lui chatouiller la joue gauche.

Par un réflexe très humain, il plaqua évidemment les mains dessus, et se rendit compte que certaines cicatrices d’un autre temps qui ne s’étaient jamais vraiment résorbées se mettaient à … bouger ? Etrange, car cela était en plus sans douleur, si ce n’est ce petit picotement. Puis l’Enwr s’aperçut que Nayan avait fait un geste en sa direction. Au final, le picotement s’arrêta quelques instants après. Ça ne se voyait vraiment bien que si l’on se rapprochait de son visage, mais quand Belethar passait un doigt sur sa joue, il sentit qu’un un espèce de motif étrange était venu épouser ses cicatrices. Cela lui donna au passage un certain cachet “mystique” à une partie de son corps qu’il avait du mal à assumer. Un instant supplémentaire et Belethar reconnut la marque du traqueur.

“Par sécurité. De sorte que je puisse vous rejoindre en cas d’urgence. Prudence est mère de sûreté, n’est-il pas ?”

Le Pater Familias eut un haussement de sourcil, connaissant très bien les dérives potentielles de ce genre de marques. Après tout, si ce Nayan était fort sympathique pour l’instant, il ne devait pas oublier qu’il était son ravisseur. Il émit un petit soupir. Il aurait aimé se sentir plus libre, car ce n’était pas comme s’il allait semer les graines de la discorde en Athgalan.

Cependant Belethar accepta de faire contre mauvaise fortune, bon coeur. Après tout, ses intentions n’étaient pas malveillantes, donc il tâchait de voir cette marque comme quelque chose lui permettant de s’épanouir dans une nouvelle ville. Il n’y avait en principe aucune raison pour qu’on se serve de sa marque comme quelque chose d’autre que préventif.

“J’imagine oui …” ponctua t-il pour Nayan.

Belethar souffla un instant, prenant quelques instants de silence pour se ressourcer. Donner un nouveau visage à la cité Pirate n’était pas infaisable, mais n’allait certainement pas être une tâche simple. D’autant qu’il n’était pas au bout de ses surprises …

“Il y a cependant plus que la ville présente à visiter. Je vous mènerais, avec mon bâtiment, plus à l’Est, là où s’élèvera la future ville que vous avez pour tâche de concevoir. La nouvelle Athgalan ne se dressera pas dans ce marais. Il vous faudra connaître la topographie du lieu que vous aménagez, je gage ?”

Belethar eut un regard interloqué. Effectivement, cela avait piqué sa curiosité. Il répondit à son interlocuteur :

“Alors vous avez prévu une pleine renaissance pour votre nation, j’imagine ? Cela étant, je ne peux que vous encourager dans cette démarche, il est vrai que vivre dans des marais ne doit pas être simple tous les jours.”

D’autant que cela représentait un véritable défi architectural de construire dans une surface comme celle-ci : Belethar aurait dû prendre en compte milles et un critères pour ne pas avoir de bâtiments qui s’enfoncent au fil du temps, et il est vrai que cela n’aurait pas été très pratique.

“Il me faudra effectivement voir la topographie des nouveaux lieux pour déterminer un projet qui vous corresponde pleinement. J’espère simplement que celui-ci est à la grandeur de votre ambition !”

Belethar adressa un clin d’oeil à Nayan, essayant de briser la distanciation étrange entre les deux. Il préférait collaborer dans des bonnes conditions, après tout.

“Avez-vous déjà été confronté à la vie dans les taudis Glorien, Seigneur ? L’odeur et la crasse… Il vous faudra sans doute vous préparer avant de sortir”

Eut égard à cette remarque, Belethar précisa que s’il avait grandi en de très bonnes conditions, il était parfaitement conscient de cette pauvreté. Il rappela notamment à son ravisseur où dans son apprentissage Baptistrel, il dû faire face à des situations d’extrême précarité avec son Maître, mais encore à des moments ou dans l’apprentissage de son métier, il devait construire des maisons à ceux qui n’avaient tout simplement plus de familles, et donc plus de toits.

Bien sûr, il avait également travaillé avec des grands pontes de la Noblesse, cela il ne s’en cachait pas. Mais ça n’était pas pour autant qu’il ne connaissait pas la misère. Il ne l’avait jamais vécu en tant que personne, mais il était parfaitement conscient de celle-ci.

C’était d’ailleurs pour essayer de l’endiguer qu’il faisait, entre autre, ce métier. Soudainement, le ton de la conversation changea et Nayan s’intéressa aux procédés de Belethar :

“Comment procédez-vous, usuellement, pour vos projets ? Si ce n’est pas une question indiscrète. Je me fais foi de pourvoir à tous vos besoins promptement, mais je dois reconnaître n’avoir que des connaissances très fragmentaires de votre expertise. Si vous consentez à m’éduquer, je pense pouvoir affirmer que je ne décevrais pas vos attentes, Seigneur. L’amélioration continue est gage de vie saine et je soupire après un partenaire d’échanges convenable en ces lieux hélas”

Belethar prit un instant pour se frotter sa petite barbe avant de répondre :

“Usuellement, il y a toujours un entretien comme celui que nous venons de faire, où je demande systématiquement les fondements du projet à des potentiels clients, voir la symbolique de celui-ci. Cela permet non seulement de voir s’ils ont une idée claire sur la chose, mais aussi de prendre en note les premières idées qui me viennent à l’esprit pour faire éclore un beau projet. Vous concernant, j’ai pu voir que vous aviez de la suite dans les idées, ce qui me fait plaisir.

Par la suite, il m’appartient de faire une étude de terrain, plus ou moins longue selon l’envergure du projet. Puis je dessine les plans, et vous sollicite autant de fois que nécessaire pour savoir si cela vous convient. L’idée bien sûr, étant que ce projet soit conçu par notre famille, mais qu’il vous appartienne aussi pleinement. Il est important que le chez vous que nous construisons, soit véritablement un chez vous.

Et puis une fois cette étape franchie, nous construisons. Là encore, les travaux prennent plus ou moins de temps selon les aléas de la magie, du terrain, et des potentiels derniers ajustements que nous devrons faire. C’est généralement à cette étape où nous avons besoin de plus de ressources matérielles, et où j’agis comme véritable maître d’oeuvre.”


Belethar se tut un instant, se rendant compte qu’il avait peut être déversé une pluie d’informations d’un coup. Une fois que quelques minutes étaient passées, il fit :

“En somme, nous ne réinventons pas la roue, mais nous tenons vraiment à mettre nos partenaires au centre du processus. Mais il est vrai que cela peut prendre en compte certaines contraintes pour vous. Mais là n’est qu’un déroulé général … Après tout, nous sommes aussi agiles dans la construction d’un projet, tout n’est pas figé dans du marbre.”

Nouveau clin d’oeil du Pater Familias. Peut-être que collaborer avec ce Nayan n’allait pas être si terrible, finalement …

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Il acquiesça lentement, pour lui confirmer la chose. Plus que d’essayer de dompter le marais, il était grand temps pour leur nation de s’extraire du cocon de glaise d’Athvamys pour déployer des ailes acceptables. La glaise ne pouvait pas tout offrir, et certainement pas ce qu’ils recherchaient. Ce n'était pas qu'une question d'hygiène ou d'horizon, mais de potentiel. S'ils continuaient de construire en ces lieux, leur fondement, leur socle, serait aussi instable que le limon puant du lit de la mangrove. « Le lieu, ou le projet ? » Il ne doutait pour autant ni de l'un ni de l'autre. S'il avait décidé d'engager des moyens pour acquérir cet architecte-là plutôt qu'un autre plus accessible c'était pour la qualité reconnue de son œuvre jusqu'à présent justement. Il avait beaucoup d'attentes. Quant au lieu, il avait déjà abrité la splendeur des capacités architecturales du vieux continent, c'était une valeur plus que sûre. Il ne restait que la réalisation à opérer et il voulait lui donner absolument toutes ses chances. Étant novice, cependant, il avait besoin d'en savoir un peu plus sur le procédé.

« Je vois »

Jusque là ils se comprenaient. Avait-il déjà des idées, rien que par leur échange ? Il sentait une sourde fascination poindre, savamment retenue. Son interlocuteur ne découvrait qu'une cheville pour l'allécher mais ce qu'il voulait, c'était voir le jupon. L'idée derrière le projet, la conception technique après une étude du terrain, et finalement, la construction elle-même. En combien de temps d'ailleurs ? On parlait d'une ville entière. Sélénia, Caladon et Délimar étaient encore en construction après plus de deux ans. Combien de temps allait prendre l’érection de cette nouvelle ville ? Même avec des moyens magiques, au moins deux ans, peut-être encore davantage. Comment fonctionner pendant ce temps ? Esquiver les travaux ou bien s'intégrer dans l'activité quotidienne ? De quels moyens devraient-ils s'immobiliser ? Devaient-ils avancer par phases pour la construction même ? Les travailleurs devaient-ils être tenus au secret et par quels moyens ? Peut-être devaient-ils tous disparaître après coup, histoire de régler la question définitivement.

« Avez-vous déjà des idées en ce cas ?

Il en était curieux, intellectuellement comme pragmatiquement.

Pensez-vous que les aléas de la magie seront un obstacle majeur à la réalisation du projet ?

La magie était la clef d’une construction rapide, mais si la rapidité était un avantage, cela pouvait aussi fragiliser les fondations. Cela se valait. Néanmoins, il était intéressant de savoir ce qu’il en retournait. Lui-même n’étant pas mage, il ne s’était intéressé à la question que de loin, au travers de l’usage de glyphes et il s’était vite rendu compte que de ne pas se reposer dessus était un excellent choix. Pour autant, si ces glyphes pouvaient rendre d’utiles services, la manipulation de la magie était sans aucun doute d’un grand secour dans leur entreprise. Après un long moment de silence passé à pondérer la situation, il décida de réellement capitaliser sur la présence de son invité. Il l’avait lui-même affirmé : il n’avait pas souvent l’occasion d’avoir une discussion avec un homme éduqué et disposant d’un esprit critique et roué qui pourrait le stimuler intellectuellement. De plus, le point de vu d’un apprenti baptistrel pouvait s’avérer être une bouffée d’air frais pour lui.

Bien qu’il ne s’agisse nullement de schémas techniques, j’ai effectué des ébauches de visuels pour ce projet, si cela peut vous intéresser. Il s’agit uniquement d’inspirations esthétiques, nullement de technicité

Des croquis d’idées, sortis de l’esprit d’un artiste, mais pas d’un professionnel. Il ne s’attendait pas à une acceptation ou l’affirmation des possibilités de réalisation, néanmoins, il s’agissait de nourrir l’esprit inventif qui devait organiser cette naissance. Cette ville devait être différente. Elle était liberté, volonté de survivre, mais elle était également impitoyable, combat et ascension. Elle était à l’image de la piraterie. Elle devait être à l’image de la piraterie. Riche et diversifiée, mais mortelle. Or, il fallait pouvoir convoyer tout cela, non seulement à ceux ayant reçu une éducation, mais également les illettrés. Il fallait effacer l’impression de différence, justement et de hiérarchisation si mise en avant à Sélénia. Elle existerait car nul n’était égal en ce monde mais il fallait être capable de l’effacer, pour ne pas en faire un obstacle promu, mais un défi à relever.

Vous qui êtes de noble naissance, comment jaugez-vous de ce qui vous différencie de la population ? Comment identifiez-vous ce qui, tant par l’attitude que dans le décorum, vous sépare d’eux et comment feriez-vous pour l’atténuer ?

Il laissa un instant sa question s’ancrer, avant de poursuivre.

A bord, le sort d’un capitaine ne diffère pas réellement de celui de ses hommes et s’il possède un espace privé c’est avant tout pour les nombreux outils nécessaires à la navigation. Son destin et celui de ses hommes sont égaux, malgré leurs différences. C’est cet esprit que je souhaiterais voir guider votre oeuvre. Néanmoins je n’ai jamais vu cette idée transparaître autrement que sur un navire

Cependant, ce n’était pas parce qu’il avait pu expérimenter de nombreuses constructions sociales qu’il en avait une perception omnipotente. Le point de vu alternatif de l’Espérancieux serait une nouvelle bienvenue. Il poursuivit sous un nouvel angle, pour arborer la pensée.

Vous disiez que les nobles de sang avaient tendance à mépriser le bas peuple, mais qu’est-ce que la noblesse, à vos yeux ? Bien que vous affirmiez que ce projet doit être le nôtre, je suppose qu’une part du réalisateur s’ancre tout de même dans la création, ne pensez-vous pas ?

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« Je vois »

Belethar laissa le silence s’installer et regarda Nayan, l’air surpris. “Je vois”, c’était là tout ce qu’il avait à dire ? Lui qui s’était montré assez curieux et bavard jusqu’à là ? Allons, c’était peut être un peu court, jeune pirate !

Cependant, comme si son ravisseur l’avait entendu à travers la pensée, celui-ci s’empressa de poser d’autres questions :

« Avez-vous déjà des idées en ce cas ? »

Belethar se frotta la barbe, et plutôt que réfléchir longuement à une réponse, il préféra un échange assez spontané :

“J’ai toujours des idées derrière la tête, Nayan. Autrement je ne pourrais exercer ce métier demandant tantôt de suivre des instructions à la lettre, mais demandant aussi parfois de répondre à une demande assez vague de la part de nos clients”

C'eut été mentir de dire que Belethar avait déjà directement des plans pour le projet que le pirate lui proposait : il ne procédait usuellement pas comme ça. Il préférait réfléchir posément pour faire quelque chose de précis et carré, plutôt que de proposer à la hâte des idées sans queue ni tête. D’autant que l’Architecte préférait vraiment étudier le lieu de vie des hommes et des femmes vivant dans une ville, ainsi que leurs mentalités, avant de vraiment proposer quelque chose de concret dans une optique de grands travaux, qui prenaient du temps à se faire.

Seulement, comme il l’avait justement rappelé, à force d’expérience, Belethar avait aussi appris de ses précédents projets. Il savait usuellement les choses “classiques” à proposer, ces idées qui peu importe le client marchait toujours assez bien, et évidemment avec le temps l’Architecte avait aussi trouvé son “style” de bâtiment. Il adaptait donc les constructions à la demande, bien sûr, car il n’était pas question de reproduire la même chose pour tous types d’environnements, mais il savait généralement quelle envergure le projet aurait, même sans avoir mis un ou deux coup de crayons.

“Disons qu’avec mes nombreuses années de métier, je sais d’avance d’une façon générale ce qu’il faut faire ou ne pas faire, quelles sont les idées qui marchent, ou pas … Mais vous comprendrez bien que pour vous correspondre totalement, nous devons attendre un peu, les premières études de terrain.”

C’était simple comme bonjour : un forgeron savait comment faire une épée, mais il allait la faire plus ou moins longue, tranchante, épaisse … Selon le demandeur. De la même façon, l’architecte savait faire une maison, mais n’allait pas proposer tout et n’importe quoi à ses clients.

“Pensez-vous que les aléas de la magie seront un obstacle majeur à la réalisation du projet ?”

Là encore, Belethar se pinça les lèvres, réfléchissant cette fois-ci bien à ce qu’il allait dire. Après un instant, il délivra sa réponse :

“Disons qu’il est possible que cela génère du retard dans les travaux. Depuis toujours, la magie a toujours été au centre de nos conceptions, et même si notre famille s’est beaucoup débrouillé en quasi-absence de celle-ci, ce serait vous mentir que vous dire que nous ne nous servons absolument pas des arts de construction que la maîtrise de la Trame nous permet.

En d’autres termes, nous ne sommes pas comme les Délimariens capables de totalement nous débrouiller sans, mais nous nous sommes adaptés à la situation actuelle, nous rapprochant parfois des techniques que notre famille utilisait il y a de nombreuses années de notre époque, faisant un usage plus restreint de la magie. Ceci limitant les casses, et accidents graves.”


Heureusement pour Belethar, les Espérancieux n’étaient pas des petits nouveaux dans le domaine de l’architecture, aussi une certaine tradition avait perduré dans ce domaine-là, et même si la magie faisait parfois défaut au Pater Familias, il pouvait compter sur des centaines d’années d’histoire et de méthodes diverses et variés pour l’inciter à procéder autrement.

Là dessus, Belethar comptait également sur ses études qu’il avait mené pour comprendre comment les Délimariens arrivaient parfois à bâtir quasiment autant en autant de temps qu’un mage constructeur confirmé, pour l’aiguiller dans des potentiels conditions de travail compliqué pour lui. Il n’entendait pas les recopier bien sûr, mais si celles-ci pouvaient être sources d’inspirations …

Cela ne voulait pas dire que les accidents magiques n’inquiétaient pas le mage qu’était Belethar, bien au contraire. Mais hélas il fallait se rendre à l’évidence : l’activité ne pouvait s’arrêter, même en de dangereuses conditions comme celle-ci. Ça n’était pas des conditions de travaux idéales, mais l’architecture représentait aujourd’hui l’essentiel gagne-pain de la Famille. Ils ne pouvaient s’arrêter de construire à cause des changements quant à l’utilisation de la magie, sous peine d’une potentielle ruine.

Après un long silence, pendant lequel Belethar scruta un peu plus son environnement, il entendit Nayan qui disait avoir déjà conçu des choses pour son projet. L’Espérancieux lui répondit qu’il accepterait avec joie de voir ses réalisations, toujours preneur de réalisations préliminaires pour se faire une idée de ce qu’il devait construire dans la réalité. En vérité, Belethar appréciait toujours travailler avec quelqu’un qui avait de la suite dans les idées à la manière de Nayan, car cela rendait son travail plus simple.

Cependant aux autres questions du Pirate, cela demandait une réponse plus développée :

“Vous qui êtes de noble naissance, comment jaugez-vous de ce qui vous différencie de la population ? Comment identifiez-vous ce qui, tant par l’attitude que dans le décorum, vous sépare d’eux et comment feriez-vous pour l’atténuer ? A bord, le sort d’un capitaine ne diffère pas réellement de celui de ses hommes et s’il possède un espace privé c’est avant tout pour les nombreux outils nécessaires à la navigation. Son destin et celui de ses hommes sont égaux, malgré leurs différences. C’est cet esprit que je souhaiterais voir guider votre oeuvre. Néanmoins je n’ai jamais vu cette idée transparaître autrement que sur un navire”

Belethar pris encore une fois un instant pour réfléchir, car on pouvait apporter milles réponses différentes à ce genre de questions. Une fois qu’il avait bien peser ses mots, l’Architecte délivra sa vision des choses :

“Il y a mille et une choses qui différencie un noble de la population, Nayan. Trop, diraient certains, pas assez, diraient d’autres. La première des différenciations que n’importe quelle noble vous donnerait est celle du sang, évidemment. C’est peut être la plus injuste, mais peut être aussi la plus symbolique. Être noble ne s’achète pas selon moi. De cette différenciation primaire de sang découle bien des choses, différents selon les systèmes politiques. Un noble pourra tantôt disposé de grandes terres comme c’est le cas à Selenia par exemple, avoir des vassaux, être à la tête de grandes entreprises du pays comme à Caladon, avoir accès à une éducation privilégiée aussi, et avoir un sens des valeurs familiales bien précises …”

Belethar fit une pause dans son discours, et pris à nouveau le temps d’y réfléchir. Lui ne se cachait pas de tout cela : il avait eu accès à tout ce pouvoir, et tout ce qui le définissait au quotidien parce qu’il avait été né Espérancieux. Les choses auraient été bien différentes s’il avait été né pirate, par exemple, ou même dans une famille plus modeste.

“Abolir ces petites différenciations n’est pas quelque chose que vous pourrez faire rien qu’en construisant une ville, j’en ai peur. Je ne suis pas vraiment familier du monde de la navigation, Nayan, bien que celui-ci m’intéresse de plus en plus depuis notre arrivée sur l’Archipel, mais s’il y a bien un adage que je connais, c’est “Le capitaine est seul Maître à bord après Les Déesses”. Je suis d’accord avec vous, c’est probablement une vieille expression qui ne correspond pas à votre manière de fonctionner, pour vous autres pirates … Mais il veut bien dire ce qu’il veut dire. Le capitaine en tant que Maître doit guider ses hommes, prendre des décisions pour faire voguer le navire, s’assurer du stock de celui-ci pour que jamais son équipage ne meurt de faim, résoudre les conflits quand ceux-ci existent, prendre la décision d’aborder un navire ou pas, et ultimement avoir droit de vie ou de mort sur ses hommes.”

Belethar pris une nouvelle pause, et écouta les nouvelles remarques de son client, qui lui demandait ce qu’était la noblesse à ses yeux. L’Enwr se frotta la barbe, et tenta de répondre à la question en terminant de filer sa démonstration :

“Du point de vue que j’évoquais, la Noblesse dans sa fonction primaire, n’a rien de différent d’un capitaine de navire. Elle est une caste qui en principe a du pouvoir sur les autres, ceci impliquant qu’elle a des moyens pour exercer ce pouvoir. Elle en abuse parfois, souvent diraient d’autres.

Mais à mon sens, la Noblesse se trouve vraiment dans les valeurs de chaque famille. Dans ce poids souvent historique qui vous saisit au coeur, et que vous êtes obligé de respecter. J’en sais quelque chose, puisque j’ai cherché à le fuir pendant de nombreuses années, notamment en faisant mon chemin avec l’Ordre Baptistral. Si vous respectez ces valeurs et l’histoire de votre famille, ou alors que vous la créez par des actions notables, alors seulement vous pourrez vous prétendre Noble.

Pour en revenir à votre ville, si vous désirez brisez les barrières sociales, commencez par ne pas donner de privilèges à une famille plus puissante que les autres, cela sera un bon début. Je ne dis pas que chaque citoyen devrait dormir dans des petites maisons d’égales superficies, mais au moins que vous ne donniez pas volontairement à certains puissants un grand château et des terres simplement parce que vous êtes nés pour cela. Le matériel achète la paix sociale, mais pour l’essentiel, rien ne remplacera toute cette pédagogie dont vous faites preuve depuis tout à l’heure.

Apprenez à vos gens votre vision propre de la noblesse, qui n’est pas l’histoire d’une caste dirigeante et naturellement supérieure aux autres, mais bien l’histoire d’hommes et de femmes qui ont contribué à l’Histoire, avec un grand H cette fois-ci, de votre patrie. Cette place là peut s’entendre de tous, et paraîtrait déjà moins injuste.”


Belethar respira, se rendant compte que cela faisait déjà longtemps qu’il professait et que Nayan l’écoutait. Il eut un nouveau regard vers son client avant de lui dire :

“J’ignore si c’était la réponse que vous attendiez, mais pour l’essentiel voilà ma vision des choses. Mais la vérité c’est que l’on pourrait passer des jours durant à tenter d’imaginer un modèle sociétaire alternatif à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Certains ont commencé à l’imaginer, comme vous autres Pirates ou Delimar par exemple. Moi, j’essaie de me centrer vers la Paix et le Progrès.”

Et sur cette conclusion à ces démonstrations, Belethar se tût, laissant le silence à nouveau s’installer dans l’environnement. Peut être que Nayan désirait confronter son point de vue à présent …

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Il était donc question de nourrir son imagination de façon continue afin de rester adaptable dans son ouvrage. Mais comment s’y prenait-il ? De quelles sources disposait-il afin de renouveler le terreau fertile de son esprit plutôt que d’épuiser celui-ci ? Depuis leur arrivée sur l’archipel, le gros oeuvre ne manquait pas et la jachère spirituelle n’était sans doute guère possible. Alors quoi ? Lui-même appréciait l’art et disposait d’assez de curiosité pour ressourcer son intellect, pourtant trouver de nouvelles sources de jouvence ne pouvait faire de mal à personne, de même qu’apprendre comment les autres s’entretenaient. Pour autant, était-ce sage de s’ouvrir auprès d’un tel individu ? Au cours de sa vie, le pirate ne s’était guère ouvert et il n’avait guère apprit à le faire, ni à y voir autre chose qu’une faiblesse mortelle. Il n’était pas aisé de se défaire de cette idée, et seule la prédation lui offrait le loisir de contrôler ce qu’il donnait, dosant vérité et mensonge pour tisser un personnage autours de ce qu’il était réellement.

Il est donc nécessaire de nourrir votre capacité créative afin qu’elle reste alerte et uniquement modulée par les besoins du projet, est-ce correct ? C’est intéressant

Cet homme disposait donc, selon toute vraisemblance, d’une grande capacité d’adaptation. Pourtant il avait l’impression de le voir peiner face à lui, bien qu’il puisse s’agir d’une apparence. Non, ce n’était pas sa capacité d’adaptation qui était ici en question, mais davantage la capacité à lire et décrypter une attitude ou une humeur, qui ne s’affinait, en fin de compte, qu’au contact des autres. Lui-même était parfois d’un entêtement fort peu louable, passant complètement à côté de l’humeur de son interlocuteur. Mais il était vrai que souvent, c’était un manque volontaire. Il ne s'intéressait pas souvent à l’humeur des autres. Ses années de courtisan étaient révolues après tout. Il n’estimait pas devoir s’angoisser des affects des autres, en particulier quand il revêtait le masque du Père. Pour autant, il réservait encore son jugement à l’égard de l’architecte qui allait lui permettre de réaliser la renaissance de la Confrérie. C’était une précieuse pièce dans ses plans. Et en un sens, cela le poussait à la réflexion.

Je comprends, en effet. Sans les éléments froidement pragmatiques, bâtir reste une utopie intellectuelle. Pour autant, n’est-ce pas un mécanisme courant ?

Il aurait volontier demandé à ne surtout pas user des techniques habituelles, mais se passer du retour d’expérience serait très certainement une erreure. D’autres outils seraient à leur disposition pour différencier ce projet de ss prédécesseurs.

Nous n’avons pas vocation à nous passer totalement de magie, uniquement à garder en mémoire son instabilité afin de ne pas nous infliger d’inutiles contretemps

Il ne voulait pas que quelqu’un use inutilement de magie et ne fasse sauter des semaines de dur labeur, tout simplement. Bien qu’il soit tout à fait capable d’accepter de nombreux contretemps, liés à la saison ou au besoin de sécurité, il se connaissait suffisamment pour savoir qu’il serait fort mécontent si quelque chose qu’ils auraient pu prévenir venait à interférer. La perfection n’existait pas, mais elle était un sain sommet auquel aspirer pour s’améliorer continuellement. L’oisiveté du contentement était un dangereux écueil dans tous les aspects d’une vie, menaçant à chaque instant, sous différentes formes. C’était là qu’il se séparait de la majorité des pirates d’Athgalan, non par mépris, mais par aspiration. Ils n’avaient rien possédé, puis ils avaient plantés leurs crocs dans un morceau de vie et en étaient satisfaits. Lorsqu’on ne possédait rien et que l’ambition restait terrestre, le contentement venait aisément. Son contentement à lui était différent du leur, tout simplement.

La lueur s’était faite ambrée tandis qu’ils échangeaient, rendue plus chaleureuse et tendre. Teotl observait fixement son interlocuteur, hochant parfois très légèrement la tête, pour indiquer son attention. Lorsqu’il eut fini, le scorpion n’émit d’abord qu’une seule question, qui lui semblait naturelle au-devant de ce qu’exposait l’Espérancieux.

Vous scindez donc la paix et le progrès des besoins sociétaux ?

Ce n’était pas tant qu’il n’avait pas compris, et bien davantage qu’il cherchait à préciser la pensée de son interlocuteur pour lui, ou défaire sa vision, qu’il lui présentait, de zones d’ombres que lui pouvait y voir. Il était pour lui d’une infinie évidence que personne ne voyait un même mot de la même façon, et cela pouvait tout autant être bénin, comme la vision du pain pour les humains et les elfes, ou très délicat. Comme la paix.

Quand vous dites vous concentrer sur la paix, quel serait en pratique l’idée formulée ? Qu’il n’y ait plus de guerre ou s’agirait-il d’autre chose ?

Et si c’était le cas : de quelle guerre parlait-on ? D’une guerre entre nation ? D’une guerre de classes ? D’une guerre économique ? Culturelle ? Le chantier semblait, en fonction, plus ou moins titanesque, forcément. Parvenir à faire cesser les guerres entre nations était sans doute le plus simple, et pourtant même cela semblait par certains aspects parfaitement impossible, ne serait-ce que parce que les pirates existaient, justement. Pour autant, comme la perfection, ce n’était pas un choix d’objectif illogique.

Votre approche serait celle d’un progrès “humain” à défaut d’un meilleur mot ? La bonification d’un peuple dans son ensemble, au travers de ses différents aspects ? Ou bien serait-ce plus nuancé ? Quelle place accorderiez-vous au progrès par la guerre, qui jusqu’à présent a guidé la croissance des différentes nations ?

Il ne s’agissait pas uniquement de progrès militaires, les progrès se répercutaient sur les périodes de pseudo paix, encouragés par ce qui était perçus comme les horreurs de la guerre. La guerre poussait la paix, l’encourageait, jusqu’à ce que la paix s'essouffle et ne puisse plus se sustenter par elle-même. Il voyait la paix comme une fille de la guerre, jeune et vacillante, qui n’avait aucune chance de survie à long terme. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde bien entendu. Beaucoup d’individus détachaient les deux symboliques, beaucoup d’individus voyaient la guerre et la paix comme deux idées opposées.

Pour autant, sans une société qui fonctionne pour son peuple, est-il réellement possible de parler de progrès ou de paix ? Sans la réalisation d’une base solide, comment peut-on élever un peuple vers quelque aspiration plus lointaine ? Un peuple en pleine famine ne va sans doute pas se battre pour faire la guerre, mais il pourrait bien abandonner son seigneur pour un autre, plus attentif. C’est, finalement, une forme de guerre courtoise, de guerre d’image. Cela reste de la guerre. Est-ce que votre intérêt pour la paix prend également cette vision en compte ?

Car au final, la paix, c’était vague.

Au sein de notre culte, nous voyons en la mort la forme la plus pure de la paix. Lorsque nous prenons une vie, quelle que soit les intentions de celui qui nous paie pour cela, nous rendons hommages à notre proie et nous sacralisons l’acte. Nous voyons en la mort l’élévation lente de l’âme vers les déesses, le royaume de mort est un lieu d’union et de repos. Pour autant, par le monde, tuer est considéré comme un acte néfaste. Un acte de guerre

Il s’arrêta un instant, puis reprit, sous un autre aspect, intéressé de le voir développer sa pensée :

Vous avez dit, un peu plus tôt, que vous pensiez que la noblesse ne s’achetait pas. Pour autant, vous dites également que pour vous, la noblesse se retrouve dans les valeurs d’une famille. Peut-on donc penser que, malgré tout, si un individu montre la même somme de valeurs, sans noblesse de naissance, cette noblesse lui est tout de même due ? Après tout, un enfant peut naître noble mais il s’agit d’une chance et d’une coïncidence, tandis que le travail des valeurs, profonds et sur le long terme, montre en essence ce dont est fait un individu. De même, un noble naît dans la bonne famille mais qui ne porterait pas les valeurs de sa famille, ou d’autres familles, serait-il réellement noble ? Pensez-vous que la naissance offre un droit, ou une simple prédisposition ?

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