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Fin Mars 1764

Ce jour-ci était un jour particulier pour Claudius, qui s’en était revenu de ses pérégrinations à Delimar depuis peu. La visite du Maître de Guerre n’était pas resté discrète très longtemps et avait fait grand bruit à la Cour, soulevant avec elle de nombreuses interrogations à son sujet.

Les rivaux tout autant que les plus fidèles soutiens du Havremont cherchaient à savoir pourquoi il avait fait ça. Il y avait cependant des versions différentes des faits, à chaque fois. Certains faisaient courir des rumeurs de trahisons à la Couronne qu’il avait juré de défendre coûte que coûte, qu’il prévoyait d’annexer Selenia pour le compte de Delimar. D’autres étaient simplement étonnés de voir que Claudius, qui s’était toujours défendu de faire des courbettes face aux personnes de l’Alliance, collaborait avec des délimariens.

Quoi qu’il en soit, à ces bruits de couloir, le Havremont avait sa réponse fabriquée, aisément justifiable. Le mot d’ordre passée par la Reine Victoria avait été de détendre les relations avec l’Océanique, alors Claudius s’inscrivait avant tout dans cette lignée. Ce qu’il n’explicitait pas forcément, c’est que malgré les avertissements de Verith de l’Ire, cela n’empêchait pas le Maître de Guerre de continuer à tisser des liens avec Naal du Néant, entretenant cette amitié acquise de façon si particulière. Il en profitait également pour prendre des conseils méthodiques auprès des Glacernois pour combattre les Vampires, couvrant tout cela d’échanges de bon aloi de tactiques militaire.

En vérité, depuis ses récents déboires avec la famille Elusis, et sa discussion avec Aldaron, le Havremont vivait légèrement dans la peur. Il avait congédié toute sa famille loin dans les terres appartenant à Selenia, dans un endroit qu’il savait sûr, et restait très à l’affût d’une potentielle contre-attaque.

C’était aussi dans cette optique là qu’il avait rassemblé tous les soutiens qu’il trouvait, à Selenia, ou ailleurs : Claudius savait que ses jours étaient comptés, et vu la sournoiserie dont le peuple de la nuit avait coutume, le Maître de Guerre était sur tous les ponts depuis peu.

Ce qu’il disait moins, c’est qu’il préparait quelque chose d’autres, mais qui allait dans l’intérêt de son pays. La discussion avec Aldaron, si elle avait été difficile sur bien des points, mais avait bien porté ses fruits sur d’autres, confirmant les intentions du Maître de Guerre. Même si son ami était complètement emporté par les velléités dominatrices de son Mari, jusqu’à lui faire perdre la raison sur le devenir de cet Empire, Claudius devait au moins admettre qu’il n’avait pas torts sur certains points.

Voilà longtemps que la lignée des Kohan ne s’était montré plus digne de ce qu’elle avait été, et la situation actuelle ainsi que les derniers événements où le Havremont s’était retrouvé seul face au destin de l’Empire l’avait poussé à prendre des mesures radicales.

Dans la Grande Muette, et chez les soutiens de Claudius les plus fidèles commençaient à se répandre un bruit, celui d’un Triomphe qui attendait les séléniens qui avaient accepté de suivre sa voie et non plus celle de la lignée dirigeante traditionnelle de l’Empire. Très peu étaient à savoir toutes les modalités de ce plan, mais il s’agissait en fait d’un Coup d’État visant à destituer la Reine Victoria, pour placer Claudius au pouvoir.

Ça n’était pas vraiment de gaieté de coeur que le Havremont avait mis en place tout ceci, mais il estimait que c’était la meilleure réponse à apporter face à un Empire qui tombait en ruines jour après jour poussé par des dirigeants complètement inaptes à faire quoi que ce soit, et surtout compte tenu de la situation actuelle avec les vampires Elusis. Claudius se méfiait depuis le début de la montée en puissance d’Achroma et de sa venue à Selenia, mais les récentes visions qu’il avait eu, en plus de sa discussion avec Aldaron lui avait confirmé toute cette méfiance.

Selenia était convoitée, et en cela il se devait d’être vigilant.

C’est cette même vigilance, qui le fit sursauter quand on vint toquer à la porte de son bureau, alors que le Maître de Guerre à sa fenêtre. Claudius n’était pas un accoutumé des visites, mais là, on lui annonça un invité de marque :

“Maître Havremont, Ilhan Avente de Délimar désire s’entretenir avec vous.”

Il avait écarquillé les yeux. Ça alors. Ilhan Avente. D’abord, voilà longtemps qu’il n’avait pas entendu son nom en relation avec le sien, bien qu’il savait évidemment tout ce qu’il faisait pour la Cité Libre … Mais ensuite, leur dernier entretien devait probablement daté de l’époque où tous deux oeuvraient pour Fabius. Beaucoup de choses avaient changé depuis, mais à cette époque là, les deux s’entendaient plutôt bien.

Le voir ici n'étonnait pas spécialement Claudius, à la vue de la détente entre Selenia et Délimar, c’était simplement que le fait qu’Ilhan souhaite s’entretenir spécialement avec lui étonnait le Havremont, surtout vu les chemins radicalement différents qu’ils avaient décidé d’emprunter.

Pour autant, Claudius eut un petit sourire intéressé, avant d’intimer à son serviteur :

“Je vous en prie, faites lui savoir précisément en ces termes que je suis disposé à recevoir le Conseiller Avente, et apportez nous de quoi nous rafraîchir tous les deux.”

Le serviteur fait une petite révérence avant de vaquer à ses occupations. “Conseiller Avente”, le choix de l’expression n’était pas anodin, à la vue des fonctions qu’exerçaient Ilhan à l’époque, et ce pourquoi Claudius l’avait connu, mais aussi maintenant à Delimar. Il espérait que l’Althaïen apprécie l’attention, sans pour autant le mettre en froid de suite.

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Nevrast, Ipsë Roséa et maintenant Sélénia. Un mois. Un mois de voyage et de déplacements. Un mois qu’il n’avait pas revu sa femme. Un mois qu’ils étaient mariés et un mois qu’il n’avait pu profiter de la douce saveur d’avoir une famille. Un mois, cela était si court et à la fois si long… Il avait eu des voyages et des absences de plus longue durée. Quand il y avait eu les incidents à Cordont notamment, ou ensuite quand il avait été kidnappé par les pirates… Mais son caractère était plus enclin au sédentarisme, au calme et à la tranquillité des habitudes. Quand il avait signé pour Delimar, il avait notifié vouloir son confort et sa tranquillité. Peut-être aurait-il dû préciser ce qu’il entendait par tranquillité, car apparemment ils n’avaient pas les mêmes définitions du mot. À moins que l’on puisse dire qu’un séjour chez les pirates soit tranquille...

Un séjour chez les pirates qui correspondait d’ailleurs à la dernière fois qu’il avait séjourné à Sélénia. Étrange comment soudain cette ville lui rappelait également des mauvais souvenirs sans en être liée directement. Certes, il devait avouer en avoir de très bons également. De très  bons et de très honteux toutefois. Son dernier séjour en ces lieux avait été marqué du sceau de la courtisanerie et de la séduction, sans même qu’il n’y prenne garde. Il était tombé dans ses filets, et avait attrapé dans les siens un étrange et bel oiseau. Pourquoi et comment avait-il cédé ? Peut-être parce qu’il n’était, au fond de lui, qu’un homme, aurait-il été tenté de répondre. Mais il savait aussi que cela n’était que de fausses excuses. Il avait fauté. Il ne pouvait dire avoir regretté réellement l’instant, mais il savait pourtant que son comportement était inadapté pour un diplomate. Pas envers une impératrice, alors devenue Reine depuis. Il aurait dû reculer, renoncer, rejeter les avances, avec toute la délicatesse requise, mais ne pas céder. Elle avait pour elle l’excuse de son jeune âge, et la lourde pression sur ses épaules, lui n’avait aucune excuse. Pas même celle de la maladie qui le rendait alors mourant. Non, aucune excuse.

Il préférait en tout cas éviter toute autre visite en tête à tête avec la reine de Sélénia. Bien entendu, son séjour n’avait rien de secret, il était envoyé par Delimar, pour des relations diplomatiques, pour conforter, petit à petit, le rapprochement qui semblait s’amorcer entre les deux cités. Il ne pouvait donc éviter une rencontre avec la Reine, c’eût été mal venu. Mais il devait tout de même garder ses distances. Et il avait veillé à ce qu’on prétende qu’il était absent si jamais la Reine tentait de revenir le visiter au logement qu’on lui avait attribué, comme cela s’était passé la dernière fois. Même si’l doutait qu’elle récidive elle aussi. Quand ils s’étaient revus le matin-même, et qu'elle l'avait reçu dans la grande salle du trône au palais, il avait lu dans son regard la même gêne, la même volonté d’oublier. Alors il avait fait mine d’avoir oublié, de n’avoir pas recouvré ces souvenirs-là. Car elle savait…

Elle savait pour sa nature d’immaculé. Cela il l’avait rapidement compris, ses araignées le lui avaient confirmé. Et elle nourrissait clairement l’espoir que leur dernière entrevue tombe dans les limbes de son esprit. Il n’allait certes pas détruire ses beaux espoirs. Cela les arrangeait tous deux. Il suffisait juste de ne plus se mettre en nouvelle situation de tentation. Et de se forger une volonté de fer pour y résister si tel était le cas. Elle aussi semblait déterminée à éviter tout entretien trop durable avec lui, du moins un entretien où ils seraient seuls. Pour preuve, quand il avait évoqué un projet qu’il aimerait aborder également avec Sélénia, quand bien même ce projet n’avait rien avoir avec les affaires diplomatiques entre leurs deux cités, elle lui avait conseillé de l’aborder avec l'un de ses conseillers et lui en avait donné une liste.

Un nom, entre tous, avait retenu son attention. Havremont. Le Maitre des armées. Certes, il n’était en rien un mage de haut niveau. Il ne serait donc pas forcément sensible à ce projet. Mais il savait l’homme suffisamment honnête avec les faits et à l’écoute si on savait argumenter pour ne pas le rejeter en bloc. Contrairement aux trois autres noms. Des noms de la haute noblesse aussi, mais soit bien trop attachés à leurs prérogatives (et un tel projet pourrait les leur enlever, du moins de leur point de vue), soit trop cupides et trop enclins à la recherche de puissance et de pouvoir (et la magie était du pouvoir). Il pressentait qu’aucun des trois autres noms n’écouterait. Pire même, deux d’entre eux, au lieu de le rejeter devant lui, s’empresseraient de tirer leurs ficelles dans l’ombre pour que le projet avorte en Sélénia et ne puisse jamais voir le jour. L’autre le dénigrerait ouvertement, détournant chaque argument en son contraire. Non… Havremont était le meilleur choix. Il avait eu l’intention de revoir l’homme dans tous les cas. Il avait entendu parler de son séjour en Delimar et de son rapprochement avec Naal. Il avait eu alors l’intention de profiter de son passage en ces lieux pour renouer des relations, si ce n'est amicales, du moins cordiales, avec cet homme, et de faire de nouveau croiser leurs chemins, eux qui avaient emprunté des voies si différentes… Il ferait alors d’une pierre deux coups.

C’est ainsi qu’il s’était présenté pour avoir une entrevue avec le maitre des armées. Il ne s’attendait pas à être reçu immédiatement. Sans penser l’homme mesquin au point de vouloir le faire ouvertement attendre, il le savait suffisamment occupé, et pouvoir vouloir reporter leur entrevue à plus tard pour favoriser des affaires autrement plus importantes que la visite d’un ancien traitre.

Oui, ancien traitre. C’est ce qu’il était. Et doublement. Traitre à Fabius – que ce nom l’horripilait, même en pensée – et traitre envers les almaréens. Deux camps qu’avaient pu soutenir Havremont. Sans compter ensuite sa défection de la vie politique auprès des Kohans quand ils étaient arrivés sur l’archipel. Quand bien même il avait prévenu ses derniers avant même de poser un pied sur un bateau, et leur avait expliqué ses raisons… il n’en restait pas moins, aux yeux des fidèles aux Kohans, un homme qui avait déserté. Et pire encore, qui avait déserté pour rejoindre les dissidents et aider à forger l’Alliance. Certes, Havremont n’était peut-être plus si fidèle que cela aux Kohans si ses araignées avaient raison dans leurs soupçons. Mais il oeuvrait toujours à leurs côtés. Un homme tel qu’Avente n’était donc pas forcément le bienvenu. Sans être totalement malvenu non plus.

Quelle ne fut alors sa surprise d’entendre le serviteur revenir et lui offrir en réponse que Ser Havremont était disposé à recevoir le Conseiller Avente. Oui, surpris. Agréablement surpris. Ilhan hocha donc la tête et suivit le serviteur. “Conseiller Avente”, nota l’althaïen avec un sourire en coin. Ou comment lui rappeler le poste qui était le sien actuellement… et qui l’avait été aussi antan. Était-ce une marque de politesse ? Ou une piqûre de rappel quant à leur passé commun ? Peut-être, sans doute, les deux à la fois. Et Ilhan appréciait le possible sous-entendu à sa juste valeur. Cette entrevue allait s’annoncer haute en couleur. Pas forcément sous de mauvais auspices toutefois.

Le serviteur le fit entrer en l’annonçant puis s’empressa de fermer la porte derrière lui. Ilhan offrit alors son éternel sourire énigmatique quand son regard sombre croisa les yeux perçants du maitre des armées.

Ser Havremont, fit-il tout en inclinant légèrement le buste, une main sur le coeur.

Plus une marque de respect qu’une réelle salutation entre nobles. Une salutation plus proche de la mode althaïenne, que des bonnes mœurs de la Cour d’ailleurs. Quand bien même ses propres titres de noblesse ne lui avaient pas été retirés, il préférait ne pas se targuer d’un tel rang en ces lieux. Avec un tel homme, de toute façon, il subodorait que, plus que les titres, les actions importaient. Il serait plus sensible à un respect réel et sincère, non teinté de faux semblants, qu’à des courbettes issues de vieilles coutumes partant de plus en plus en désuétudes depuis la dissidence de l’Alliance. Depuis la chute, de plus en plus inéluctable, des Kohans.

Je suis honoré que vous ayez accepté si rapidement cette demande d’entrevue.

Il ne se permit pas de s’asseoir et attendit que l’homme le lui propose. À la place, il se permit de détailler la haute, très haute silhouette, et de noter les petites marques du temps qui l’avait frappée de leur sceau depuis leur dernière entrevue. Une entrevue qui remontait à loin. Lui aussi avait changé, lui aussi avait vieilli. Et avait immaculé aussi. Mais détails que cela. Et pourquoi fallait-il donc que même en ce pays, ils soient presque tous plus grands que lui ? Il ne se rappelait pas que Havremont soit si grand. Pour un peu, il pourrait rivaliser avec les glacernois…

J’ai été informé de votre visite en notre cité de l’Océanique. Et je n’ai pu que m’en réjouir. J’ai été envoyé ici en visite diplomatique à mon tour, pour conforter les liens qui semblent se renouer peu à peu entre nos deux cités.

Même si rien n’était encore fait ni acté. Tout restait encore à confirmer et à construire. Ces visites, qui sans doute pourraient se renouveler de façon plus fréquente par la suite, en étaient les prémisses. Il décida alors de rompre la glace qui pourrait les figer tous deux. Le passé ne devait pas être un frein pour avancer. Autant l’insinuer de suite, que les choses soient claires. Quitte à devoir l’aborder si l’homme en face le souhaitait et avait des comptes à lui demander.

Je suis heureux que chacun parvienne à s’affranchir des choix passés pour avancer sur la voie d’une paix à reconstruire.

Voire plus… d’un empire ?

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Le Havremont n’eut pas à attendre très longtemps, avant que l’on toque, et que l’on ouvre à nouveau la porte de son bureau. Il eut un petit sourire, pour lui même. Efficace et rapide, malgré une carrure qui ne payait pas de mine. Ilhan Avente n’était pas de ce genre de phénomène qui s’inventait une nouvelle identité tous les deux jours, quand bien même fut-il impliqué dans des affaires plus ou moins discutables en fonction du temps.

Il avait trahi Fabius, le même Fabius que Claudius avait choisi de suivre jusqu’à sa mort. Et cela il ne l’oubliait pas. Pour autant, ce n’était pas pour autant qu’il retourna son salut cordial au petit althaïen, et qui l’intima de prendre une chaise, en écoutant ses salutations.

“Je vous en prie, Conseiller Avente. C’est la moindre des choses que je puisse faire pour une vieille connaissance.”

Le Maître de Guerre eut un petit sourire ironique. Oh oui, une vieille connaissance, et le Havremont ne le disait pas de vive voix, mais il aurait carrément pu prendre l’appellation “fantôme du passé” pour le désigner. Pas dans le sens où ce pauvre Avente était vieux, car après tout Claudius devait bien avoir une dizaine d’années en plus, mais plutôt dans le sens où dans ce “Royaume”, où tout avait été contrôlé et muselé par les Kohans au pouvoir, Ilhan était peut-être encore un des seuls à avoir la parole libre, et à relater de l’opposition entre Fabius et Korentin. De cette époque que l’on cachait, dont on avait honte. Mais Claudius gardait ce même sourire : il savait que lui comme Ilhan, avaient été bien trop marqués pour oublier.

Marqués d’une bien différente façon certainement. Mais Claudius ne remit pas tout de suite ce sujet sur la table. Après tout, Ilhan Avente était là pour discuter de façon amicale, ça n’était pas la peine de tout de suite jeter un froid entre les deux personnes.

“J’ai été informé de votre visite en notre cité de l’Océanique. Et je n’ai pu que m’en réjouir. J’ai été envoyé ici en visite diplomatique à mon tour, pour conforter les liens qui semblent se renouer peu à peu entre nos deux cités.”

Claudius eut un nouveau sourire, moins teinté d’une certaine ironie cette fois, et hocha doucement la tête :

“Disons que désormais, en plus d’avoir de vieilles connaissances à Délimar, j’y ai gagné une Corneille protectrice à travers les flammes et les cris. Mais vous devez sans doute savoir à quoi je fais référence, Ilhan.”

Le Maître de Guerre haussa un sourcil et adressa un regard complice au conseiller délimarien en face de lui : avait-il compris, ou son étrange capacité à connaître tout ce qui se passait en ce monde avait-elle faiblit avec le temps ? C’était aussi un test de la part du Havremont : à quel point était-il dans la confidence ? Savait-il ce qu’il s’était passé, et les tenants et aboutissants de sa visite auprès de Naal du Néant ?

“Mais oui. Disons que j’ai choisi de prendre à bras le corps cette mouvance amorcée par notre Impératrice bien aimée. Et il est vrai que mes mots ont peut être été durs à votre égard, et à ceux de vos semblables.”

Mieux vaut tard que jamais, Claudius faisait son petit mea culpa sur la question épineuse qu’avait été la guerre civile dans l’Empire qui avait abouti à la création de l’Alliance des Cités Libres. Il est vrai qu’il avait peut être, une fois ou deux - très souvent - fait preuve de mauvaise foi envers les Délimariens. Cela étant dit, Claudius, contrairement à son homologue en face de lui, était beaucoup plus un homme d’actions que de paroles, et il était de ceux qui pensaient qu’une bataille forgeait les plus longues amitiés.

Il était donc bien naturel que le Havremont se rapproche assez vite de Naal, et “se serve de lui” pour pouvoir explorer des choses dont il n’avait pas conscience - ou qu’il se refusait de voir - auparavant. Après tout, ils avaient tué un dragon ensemble et sa malédiction qu’il avait écopé en témoignait, ça n’était pas quelque chose qui allait se reproduire tous les jours.

“Je suis heureux que chacun parvienne à s’affranchir des choix passés pour avancer sur la voie d’une paix à reconstruire.”

Claudius arqua un sourcil, et pris une coupe de ce dont les serviteurs avaient apporté à boire entre temps. Il fit une petite grimace. Diantre mais qu’était-ce que cette immondice ? Il eut un petit regard sur la bouteille, avant de comprendre : du vin sélénien aromatisé à la … Banane ? Hein ? Mais quel viticulteur pouvait sérieusement pensé que c’était une bonne idée de produire des choses pareilles ?

Claudius écarquilla les yeux, avant de cette fois-ci adopté une certaine grimace gênée. Il ne voulait pas qu’Ilhan pense que c’était parce qu’il avait prononcé le mot paix que le Havremont avait fait une tête pareille !

“Désolé. C’est que ce vin n’est disons pas vraiment ce que je servirais à un althaïen, habitué à un certain raffinement et qualité de vie depuis longtemps… Mais que voulez-vous. Les temps sont durs. Goûtez cependant ces quelques friandises, celle-ci sont très bonnes.”

Pour sûr, la qualité de vie avait baissé à Selenia, et il n’y avait pas besoin d’être aussi intelligent que son invité du jour pour le comprendre. La misère s’étalait de plus en plus dans les rues de la Majestueuse, et même au sein des quartiers nobles, elle devenait de plus en plus visible. Le manque de budget de la Couronne avait abouti à ce genre de situation où l’on servait du vin à la banane - probablement car c’était là tout ce qu’il restait -, mais aussi à bien d’autres amputations au budget.

“Mais revenons à nos moutons. Je suis aussi bienheureux de voir que vous vous portez bien, malgré ce que Fabius a pu faire pour nous rassembler, et surtout pour nous dissocier par le passé.”

Sentant que l’ambiance devenait morne et qu’un grand silence commençait doucement s’installer, Claudius passa rapidement à un sujet plus guilleret, n’étant pas vraiment un grand expert de la diplomatie et du tact :

“Alors racontez-moi tout, si ce n’est pour se remémorer des souvenirs sans doute peu agréables, pourquoi souhaitez vous voir le vieil homme que je suis, Ilhan ? Vous avez changé d’avis sur votre condition physique, et vous souhaitez vous engager dans l’armée de l’Empire ?”

Il eut un petit souffle du nez amusé, et un sourire vint doucement se mettre sur les lèvres du Havremont. Oh bien sûr, il était persuadé qu’Ilhan avait de nombreuses choses à lui dire, surtout s’il n’avait pas changé de ce point de vue, mais la plaisanterie facile était un des morceaux du caractère un peu bourru du Maître de Guerre, et il acceptait assez aisément de se faire un peu tacler en retour.

C’était simplement un incontournable de quand on faisait affaire avec lui.

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À l’invitation du maitre des armées, l’althaïen accepta le siège qu’on lui indiquait. Rabattant sa cape en un geste gracieux, il s’installa en silence, seul le bruissement d’étoffe venant le perturber, et croisa les jambes tout en gardant un port digne et droit, digne d’un noble. Ou d’un roi qu’il n’était pas. Son regard sombre ne quitta pas l’homme en face de lui, tandis que son visage restait un marbre lisse et son sourire une énigme, de politesse pétri.

Il ne manqua pas la douce ironie aux mots "vieille connaissance" et son sourire se teinta d’un léger amusement. Oh oui, ils en avaient vécu des choses tous deux. Ils en avaient vu aussi beaucoup. Beaucoup trop peut-être. Ils détenaient tous deux des savoirs sur des sujets des plus litigieux, de ces sujets qu’on aurait voulu enterrer, oublier, pour éviter qu’ils ne remontent un jour à la surface et viennent ternir à nouveau l’image d’un Royaume qui peinait à redorer son blason.

Oui, une corneille protectrice. Si cette nouvelle amitié naissante avait surpris l’althaïen, quand on la lui avait relatée, il n’en était guère jaloux par ailleurs. Il connaissait suffisamment Naal pour savoir que son coeur était assez grand pour contenir tant de gens, et que l’attention qu’il accordait aux uns n’enlevait rien à celle qu’il offrait aux autres. Non, aucune jalousie. Étonnement, surprise, mais finalement la note finale avait été plutôt agréable, et rassurante même en un sens. Se lier avec le maitre des armées de Sélénia avait plus d’avantages que d’inconvénients. Comme la possibilité d’éviter toute guerre en cas de conflit, en permettant une ouverture de dialogue, plutôt qu’une sortie des armes. Il ne regrettait qu’une seule chose dans cette histoire : les circonstances d’un tel lien. La mort d’un dragon. Qui avait failli coûter la vie d’un jeune homme aussi. Ilhan se contenta donc d’acquiescer en silence d’un simple signe de tête. Oui, il savait. À la fois par Naal… et par ses fidèles araignées.

Il savait aussi pour la visite de Claudius en Delimar, ce qui s’y était en partie échangé. Des armes, des armures, dont une destinée au maitre des armées lui-même, d’une magnifique technicité toute almaréenne, des connaissances aussi. Il avait eu vent de petits duels, presque d'entrainements, auprès de certains glacernois… d’échanges de connaissances sur comment tuer des vampires. Le Tisseur en avait vite déduit que Havremont préparait une guerre, et pas des moindres, contre des vampires. Contre le clan Elusis, sans nul doute. Après tout, ce fier commandant avait fait une promesse, et si Ilhan pouvait certifier une chose, c’est qu’il était homme à tout faire pour les tenir. Le Gardien avait promis de tuer le nouveau Prince Noir, qui menaçait Sélénia, voire Calastin, et d’aller le chercher jusqu’à Nevrast s’il le fallait.

Un rapprochement entre Sélénia et Delimar s’était déjà instauré, mais s’était vite refroidi suite aux dernières nouvelles retentissantes qui avaient failli entacher la cité de l’honneur. Mais, si Kohan et Delimar semblaient avoir du mal à faire bon ménage, un autre rapprochement se profilait qui laissait entrevoir mille possibilités, dont un avenir possible en une Calastin unifiée. Si l’althaïen ne souhaitait plus investir trop d’espoir dans ce rêve des plus fous, il entrevoyait en Claudius et Naal le fil qui pourrait renouer des liens forts entre leurs deux cités, après tant de rancoeurs passées. Oui, un nouveau rapprochement se dessinait entre Delimar et le maitre des armées, et si, pour l’heure du moins, il n’incarnait pas Sélénia, c’était déjà un grand pas. Ce n’était pas pour rien que le Tisseur avait choisi ce nom de toute la liste qu’on lui avait présentée. Malgré tous les différends qui pouvaient les séparer, ils avaient au moins cela en commun : la volonté d’agir et d’avancer pour l’avenir.

Il avait appris aussi la malédiction qui affligeait Havremont. En était témoin le fait que le seul battement de coeur qu’il entendait en cet instant… était le sien propre. Au moins d’avoir eu cette information avant son entrée dans ce bureau lui avait évité le choc de croire avoir en face de lui un vampire.

Ilhan ne prononça toutefois nul mot, se contenta de ce seul signe de tête affirmatif. Il n’était pas du genre à s’épancher sur ce qu’il savait… ou ne savait pas. Il préférait garder cela secret, qu’on l’imagine dans l’ignorance ou au contraire dans la confidence. Cela avait souvent été un des meilleurs moyens d’en apprendre plus et de délier les langues ou de mettre l’autre en confiance. Même si, dans le cas présent, Claudius le connaissait trop bien pour ne pas comprendre l’étendue de ce qu’Ilhan devait savoir. Après tout, il était l’une des personnes les mieux placées pour avoir percé son identité de Tisseur, après Aldaron. L’althaïen se doutait bien que le maitre des armées le soupçonnait. Et il ne s’évertuerait pas à l’en dissuader. Ce serait peine perdue, en plus de confirmer tout soupçon qu’il pourrait avoir. Son identité secrète allait sans doute bientôt s’éventer de toute façon, il s’y était préparé.

Quand Claudius parla d’avoir pris les choses à bras le corps, le sourire d’Ilhan se renforça, une nuance ironique et taquine s’y dessinant. À bras le corps était un doux euphémisme. Il garda toutefois silence, jusqu’à ce que résonne un semblant d’excuses quant aux accusations, pour ne pas dire plus, au sujet de sa personne ou de ses choix quand il avait accepté l’offre de Delimar, ou au sujet de l’Alliance elle-même.

Nul besoin de s’excuser, fit-il, tout en chassant ces mots d’un simple geste de la main, comme balayant une mouche inopportune. Les circonstances s’y prêtaient sans doute.

Peu lui importait les mots passés. Dans sa carrière de politiciens, et de traitres comme disaient certains, il avait entendu et dû faire face à bien pire comme injures ou offenses.

S’il fut vexé cependant de la soudaine grimace que Claudius lui offrit ensuite ? Oui et non. Il ne s’était pas attendu à ce que cette visite soit des plus faciles. Mais de là à rejeter son offre de construction de paix de cette manière… Jusqu’à ce qu’il comprenne que la grimace ne venait nullement en offense à ses paroles, mais plutôt en dégoût à ce que Claudius venait d’avaler. Cette gorgée de vin. Pour tout avouer, Ilhan n’y avait toujours pas goûté. Il n’avait pas osé sortir encore son aiguillon du tisseur pour en tester le caractère inoffensif, et avait donc préféré laisser Claudius faire les testeurs pour lui. Grand bien lui en avait pris !

Je vous remercie de cette attention et d’épargner ainsi mon palais de cette infortune, susurra-t-il en réponse.

Difficile cette fois de décliner l’invitation à ces friandises. Et pas seulement parce qu’elles charmaient effectivement ces goûts en la matière et que ses sens lui murmuraient qu’elles semblaient bien savoureuses. Simplement, il serait peu diplomatique de refuser. Il fit alors glisser son aiguillon dans le creux de sa main d’un geste aussi discret que possible avant de s’emparer d’une friandise. Il la releva au niveau de ses yeux, comme pour mieux l’admirer, et parvint, avec certaines difficultés, à piquer son aiguillon dedans. Quand la petite épingle se teinta d’une couleur rassurante, il put alors la savourer sans l’ombre d’une crainte.

Elles sont effectivement des plus exquises, fit-il enfin quand il eut fini sa bouchée. Je suis touché que vous m’accordiez tant de faveurs.

Oui, très certainement, au vu de la situation actuelle de Sélénia, tout ceci était un luxe qu’on lui offrait, tel à un invité de marque. Un signe que Claudius souhaitait réellement nouer des liens, si ce n’est d’amitié, un tel mot pourrait s’avérer compliqué entre eux, du moins de relations cordiales et d’intérêts communs. Bon, pour tout avouer, il préférait les chèvres aux moutons. Mais il voulait bien lui concéder ce point-là. Qu’ils reviennent aux sujets d’intérêt de cette visite en effet.

Et se retint de grimacer au nom de Fabius. Il sentit son poil se hérisser et une longue coulée glacée glisser dans son dos, mais son visage garda son masque lisse et impénétrable. Même ses yeux sombres restèrent une ancre noire et profonde sans qu’un éclat d’or ne vienne le trahir. Il peinait encore à contrôler ce traitre signe, mais y travaillait ardemment. Même s’il sentait qu’il lui faudrait peu pour qu’ils apparaissent de nouveau en cet instant. Fabius. Les rassembler… quelle douce ironie. Heureusement il n’avait encore jamais croisé Claudius dans un lit…

Choqué soudain lui-même par cette pensée, il chassa l’image violente et brutale qui venait de flageller son esprit, et s’empressa de renforcer ses barrières mentales. Si son visage ne trahit aucune émotion, cette fois les éclats d’or pétillèrent légèrement. Et, quand bien même il ne les voyait pas lui-même, il les devinait aisément et s’en fustigeait déjà. Il fit alors ce qu’il savait le mieux, donner le change. Il prit une autre des friandises et la savoura en silence, permettant ainsi de décrocher son regard et de se forcer à reprendre calme et sérénité.

Heureusement Claudius sentit l’atmosphère se refroidir, et, quand bien même il n’était pas homme mondain, il sut faire montre de suffisamment de savoir-vivre pour changer le cours de la discussion qui devenait de plus en plus glissante. À la proposition de s’engager dans l’armée, cette fois l’althaïen ne retint pas un sourire amusé.

Et que je trahisse…

Encore, ajouta-t-il mentalement.

mon actuelle cité ?

Oui, il se taquinait lui-même sur le sujet. Et son sourire parlait clairement pour lui.

Voudriez-vous toutefois un petit duel ? J’ai appris quelques techniques de combat à mains nues des Graärh. Je pourrais peut-être…

Vous les apprendre…

Vous surprendre, susurra-t-il, son sourire se faisant plus torve et presque prédateur.

Oh, oui, en duel à mains nues, sans doute Claudius pourrait-il être surpris. Même si l’althaïen espérait grandement que le maitre des armées prenne tout ceci pour des plaisanteries dignes de la Cour et n’y réponde pas par l’affirmative. Il aurait l’air malin… à devoir ensuite tenter de masquer sa nouvelle "condition physique"…

Mais soyons réalistes, quelques techniques ne suffiront pas à me permettre une carrière dans l’armée.

Quoique… il aurait peut-être pu faire un bon stratège. Il avait appris, après tout, quelques techniques et manœuvres militaires, avec un certain général.

Comme je vous l’ai dit, je suis envoyé par Delimar en visite diplomatique, pour conforter, petit à petit, le rapprochement qui tente de s’amorcer entre nos deux cités.

Preuve de la volonté de l’Océanique de ne pas renoncer à ses efforts. Même si Naal y avait une grande part et qu’Ilhan n’avait pas manqué d’appuyer la détermination de continuer ces efforts lors du Conseil.

Pour sceller ce vœu, je pensais d’ailleurs vous proposer un modeste cadeau en gage de bonne volonté.

Il sortit alors de l’une de ses poches secrètes un petit sachet de tissu fermé, duquel il sortit un anneau. D’un geste noble empreint d’une certaine solennité, il tendit ledit anneau au maitre des armées. Un anneau d’or orné d'un lapis-lazuli taillé rondement et gravé d’une rune symbolisant l’union. On pouvait presque, en l’approchant de son oreille, entendre des murmures lointains en émaner.

Cet anneau me serait lié et nous permettrait, si vous le désirez, de rester en contact plus facilement. En gage de volonté de rapprochement. La Corneille veille sur vous à chaque zénith du soleil…

"Et avec cela, le Tisseur pourrait vous répondre", ajouta une petite voix intérieure. Son anneau commençait, lui aussi, à devenir assez célèbre. Si Havremont nourrissait des doutes quant à son identité de maitre de la Toile, possiblement l’anneau lui en donnerait la confirmation. Mais peu lui importait dès lors. D’autres choses plus importantes que son secret se jouaient.

Mais les ombres pourraient venir elles aussi vous aider, si un jour vous en avez besoin, ajouta-t-il à la place.

Il déposa alors l’anneau sur le bureau du maitre des armées. Qu’il l’accepte ou non, l’anneau serait là. À l’homme en face de lui de faire son choix.

Il est vrai toutefois qu’une autre raison a poussé mes pas jusqu’à vous. J’ai à coeur un projet d’importance, qui nous concerne tous, et va au-delà de nos possibles contingences ou allégeances.

Il laissa ses mots planer quelques instants, tout en reprenant, l’air de rien, une friandise, puis reprit d’une voix grave aux accents chantants :

Quand j’ai abordé ce projet avec Sa Majesté la Reine Victoria, elle m’a renvoyé vers l’un de ses conseillers et m’a donné une liste. Votre nom, entre tous, a alors attiré mon attention et vous m’êtes apparu comme… le meilleur interlocuteur pour ce projet.

Cette fois, son ton se faisait sérieux. Taquinerie n’avait plus de mise ici et toute trace d’amusement avait quitté sa voix ou son sourire.

Si tant est que vous soyez intéressé de l’entendre.

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L’entrevue se déroulait de façon agréable, du moins de manière aussi agréable que Claudius l’aurait voulu. Avente ne se montra pas plus méfiant qu’à l’habitude à laquelle le Havremont avait été habitué. Il eut cependant une mimique particulière au moment où le Maître de Guerre l’avait invité à se servir en friandises. Il la passa dans sa main, et même si Claudius ne voyait pas ce que le conseiller délimarien faisait dans sa totalité, l’expérience du Havremont parla ensuite pour lui :

“N’ayez crainte Ilhan.”

Se contenta de dire Claudius dans un petit soupir. Cette remarque sortait de sa bouche non pas comme un reproche, mais plus comme un petit rappel pour le conseiller de Delimar. D’une part parce que le Maître de Guerre n’était pas du genre à se servir de ce genre de procédés pour éliminer un opposant (le Parangon Elusis à qu’il avait dit qu’il allait le poursuivre jusqu’aux confins de l’archipel s’il le fallait plutôt qu’organiser son assassinat discrètement en soi témoin) et d’autre part parce que malgré tout ce qui les avaient séparés, Claudius avait toujours une certaine forme de respect pour Avente.

Même si leurs caractères étaient bien différents, eux deux avaient dû traverser des crises terribles pour leur territoire, Althaïa pour l’un, Sélénia pour l’autre, et avaient eu leur lots d’événements terribles dans leurs vies respectives.

“Elles sont effectivement des plus exquises. Je suis touché que vous m’accordiez tant de faveurs.”

Claudius eut un petit sourire, comme si Ilhan venait de lire dans ses pensées. Il lui fit rapidement alors :

“C’est la moindre des choses que je puisse faire pour la seule connaissance althaïenne que j’ai, malgré les terribles événements que nous traversons. C’est là une petite chose pour le respect qui doit vous être naturellement dû.”

Bien sûr, Ilhan avait trahi Fabius et avait rejoint Delimar. Mais Le Havremont avait appris à relativiser. Au moins Avente ne voulait pas voir la tête de Claudius sur une pique, du moins c’est ce que le Maître de Guerre pensa jusqu’à ce qu’il eut le malheur d’évoquer le nom en F qu’il ne fallait surtout pas prononcer en présence d’Ilhan.

Là il eut véritablement l’impression qu’Avente cachait peut être son jeu, et qu’il n’était pas un homme à provoquer : mais cela, le Havremont le savait depuis qu’ils s’étaient côtoyés sur l’ancien continent. Ilhan ne payait peut être pas vraiment de mine, mais il apprenait vite et était capable de faire ou plutôt d’organiser bien des choses.

Toujours est-il que le changement de sujet fut aussi habile que bienvenue.

“Et que je trahisse… mon actuelle cité ?”

Claudius haussa un sourcil et eut un petit sourire en coin quand l’Avente interrompit sa phrase. Autant cette remarque aurait pu passer sans commentaire ou geste inhabituel auprès de n’importe quel citoyen ou nobliaux de la Cour, mais pas auprès du Havremont.

Lui, savait. Et Ilhan savait qu’il savait.

“Voudriez-vous toutefois un petit duel ? J’ai appris quelques techniques de combat à mains nues des Graärh. Je pourrais peut-être… Vous surprendre.”

Claudius eut un nouveau rictus, et un regard soudainement intéressé : ça alors, Avente qui n’était même pas capable de tenir une épée dans le bon sens dans le temps, se serait endurci ? Voilà quelque chose qui n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd, surtout que le Havremont était lui même très friand de ce genre d’entraînements et combats d’exhibition, bien que son grand âge ne commence à l’handicaper de faire cela autant qu’il le faisait dans sa jeunesse.

Il se frotta sa barbe, et répondit :

“Eh bien nous ne sommes présentement pas là pour ça, mais j’accepte volontiers si nous nous retrouvons dans l’arène de Delimar un jour. J’ai toujours rêvé de donner une bonne correction à un membre de l’Alliance !”

Claudius eut un rire plus prononcé cette fois. Il plaisantait, mais il prenait Ilhan tout à fait au sérieux sur ce point, car il ne trouva pas cela incohérent que le Conseiller se soit adonné à ce genre de pratiques. Après tout, il était entouré de glacernois du soir au matin ...

“Amicalement, bien sûr.”

Il ne voulait pas que sa plaisanterie se transforme en incident majeur, bien qu’il savait pour l’avoir côtoyé que l’Avente pouvait aussi être adepte de ce genre de joutes verbales qui faisait tout le sel des relations diplomatiques. Toujours est-il qu’entre deux plaisanterie, Claudius repris un air sérieux et écouta sagement cette fois, le conseiller.

“Comme je vous l’ai dit, je suis envoyé par Delimar en visite diplomatique, pour conforter, petit à petit, le rapprochement qui tente de s’amorcer entre nos deux cités. Pour sceller ce vœu, je pensais d’ailleurs vous proposer un modeste cadeau en gage de bonne volonté.”

Le Havremont hocha la tête quant à la raison de sa venue et pris un air intéressé quand il parla de “modeste cadeau” : Claudius savait mieux que personne tous les doubles sens que pouvait avoir le mot “cadeau”, surtout en ces temps troublés, mais il resta confiant. Encore une fois, si Ilhan avait pu faire partie de sa liste d’ennemis par le passé, ça n’était plus vraiment le cas aujourd’hui.

Il l’observa cependant faire, et vit l’althaïen sortir un petit sachet d’une de ses poches, contenant un bijou que le Havremont jugea de fort charmant au premier abord : il n’était pas un expert en la matière, mais il appréciait les pièces qui n’étaient pas trop ostentatoires. Claudius était de ceux qui pensaient que la noblesse se tenait plus dans les actes que dans les biens possédés.

Le Havremont s’en saisit quand Ilhan lui tendit, et l’observa plus en détail : il y décela une présence magique, causée par cette rune qui était gravée tout autour de l’ouvrage en or. Il resta un instant le regard fixe sur le lapis-lazuli, et là il entendit quelque chose d’étrange : l’anneau semblait … Parler ? Du moins il était sûr d’avoir entendu un murmure. Claudius cligna des yeux, puis plus rien. Comme si la présence c’était fait en une fraction de seconde.

Étrange … Est-ce qu’Ilhan essayait de l’ensorceler ? Claudius lui rendit son anneau, et l’interrogea du regard. Là, les explications ne tardèrent pas à arriver :

“Cet anneau me serait lié et nous permettrait, si vous le désirez, de rester en contact plus facilement. En gage de volonté de rapprochement. La Corneille veille sur vous à chaque zénith du soleil… Mais les ombres pourraient venir elles aussi vous aider, si un jour vous en avez besoin”

Claudius hocha la tête avançant quelque peu ses deux lèvres, entrevoyant déjà toutes les possibilités que lui laissait un tel bien. Là, ça n’était pas une volonté de rapprochement, mais bien un acte d’alliance, de collaboration, que le Maître de Guerre allait potentiellement scellé. Ilhan posa l’anneau sur le bureau, puis Claudius regarda l’objet et l’althaïen successivement. Il fit finalement :

“J’accepterai avec joie votre cadeau, Ilhan. Mais de vous à moi, j’aimerai que vous soyez bien sûr de ce que vous faites, avant de m’accorder une telle confiance. Cela me touche sincèrement, mais vous devez savoir mieux que personne tous les bruits qui courent et la réputation qui m’est taillé par mes très nombreux opposants.”

Ça n’était pas un engagement de loyauté que Claudius demandat d’Ilhan, mais en tant qu’ancien collègue, et nouveaux alliés, il se devait de le prévenir de cette chose :

“Même si je ferais le nécessaire pour respecter vos zones d’ombres, Ilhan, pragmatiquement, il n’est pas de bonne réputation d’être allié avec ma personne par ces temps. Et je ne puis garantir que le secret sera gardé éternellement.”

Achroma, Aldaron, le Clan Elusis d’une façon générale, Caladon, le Grand Dragon Verith, le Marché Noir, la Confrérie Pirate, et même certains nobliaux de Selenia (à commencer par l’Impératrice) … Ils étaient tous des personnalités ou des groupes très influents sur cet archipel, et tous avaient plus ou moins décidés de rendre la vie dure à Claudius, qui se trouvait bien seul au milieu d’un océan de requins qui n’attendaient qu’à ce qu’il fasse un faux pas pour l’exterminer.

Pour cette raison, bien qu’il considérait l’anneau avec beaucoup d’attention, le Havremont se refusa à le saisir pour l’instant : il était de bon ton qu’Ilhan à défaut de revenir sur son choix, lui explique ses motivations.Car il est vrai que si Claudius gagnait en réputation en Selenia, il n’était pas des personnalités les plus populaires dans les autres pays. Car il était loin de l’image de l’homme providentiel. Très loin de là.

Ilhan semblait toutefois une autre chose à lui dire, que le Havremont écouta avec d’autant plus d’attention maintenant que cet anneau était sur la table :

“Il est vrai toutefois qu’une autre raison a poussé mes pas jusqu’à vous. J’ai à coeur un projet d’importance, qui nous concerne tous, et va au-delà de nos possibles contingences ou allégeances. Quand j’ai abordé ce projet avec Sa Majesté la Reine Victoria, elle m’a renvoyé vers l’un de ses conseillers et m’a donné une liste. Votre nom, entre tous, a alors attiré mon attention et vous m’êtes apparu comme… le meilleur interlocuteur pour ce projet.”

Claudius croisa les bras et s’enfonça dans son siège quant à l’annonce de ce nouveau sujet de conversation, et la demande d’Ilhan pour savoir s’il était intéressé. D’abord, il se demandait bien de quel genre de projet il pouvait s’agir pour que Ilhan aille spécifiquement consulter l’avis du Havremont.

Bien qu’il eût fait de nombreuses choses dans sa vie et était connu pour de nombreuses convictions, Claudius était surtout un militaire d’exception, et ne se vantait pas d’avoir un domaine d’expertise très grand au delà de ce seul fait.

Mais un projet militaire qui allait au delà des alliances et contigences, pour Ilhan ? Cela sonnait faux aux oreilles du Maître de Guerre. Ou tout du moins, ça ne devait pas être la seule partie de son plan. Le Havremont se frotta la barbe, avant de finalement faire :

“Ilhan, avec votre anneau et cette phrase d’introduction, vous aviez ma curiosité …”

Claudius eut un petit sourire, car il se doutait que son ancien collègue devait avoir devenir la suite de la phrase :

“Vous avez désormais mon attention.”

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Au "N’ayez crainte" du Maitre des armées, Ilhan se contenta de répondre d’un léger sourire. On ne se défaisait pas de ses bonnes habitudes. Certes entre temps, il avait connu une renaissance, tout oublié, pour ensuite tout se rappeler. Et ses souvenirs ne faisaient que lui confirmer combien cette habitude-là lui avait déjà sauvé maintes fois la vie. Certes, Havremont n’était pas un nom qu’on avait coutume à associer à ces sombres manigances et ces traitres assassinats, mais Havremont n’était pas seul en ce palais. Et s’il n’avait pas effectué sa traditionnelle précaution, cela aurait pu paraître aussi bien suspicieux aux yeux du maitre des armées, qui l’avait toujours connu accompagné de sa fidèle compagne Paranoïa. Même si son secret concernant son immaculation était à deux doigts de s’éventer, il aimerait bien trahir sa renaissance le plus tard possible. Cela pourrait s’avérer un atout non négligeable, qui sait. Ils se connaissaient suffisamment tous deux, Ilhan était alors persuadé que Claudius ne se vexerait pas de cette manie, si coutumière au Tisseur.

Oui, respect, c’était là un sentiment commun qui les liait, malgré tous les différends qui avaient pu les séparer. Claudius était un homme de valeur. Abrupte à sa manière, mais de valeur. Et en cela, Ilhan l’avait toujours estimé. Un homme droit et fier, fidèle à ses principes, un homme de parole sur qui l’on pouvait compter.

À la réponse de Claudius à son invitation de duel, et à cette invitation de se retrouver dans l’arène de Delimar, Ilhan émit un sourire à la fois moqueur et amusé. Dans une arène, avait-on droit à toutes ses armes ? Toutes ? Si oui, peut-être aurait-il une petite, maigre, infime chance d’éviter la correction… Il ne se défilerait pas pour autant, toutefois. Pari tenu. Il était homme à aimer les challenges. Même les plus fous.

Amicalement, bien entendu, répéta Ilhan d’un ton suave qui ne cachait en rien son amusement.

Mais le temps des choses sérieuses était venu. Le lien entre Sélénia et Delimar semblait clairement se renforcer. Pour le meilleur ou pour le pire. Une part de lui s’en réjouissait. Le peuple humain avait une infime chance de peut-être renouer pour ne faire qu’un. Une autre part le déplorait. Car Sélénia s’était dressé en ennemi avéré du clan de son père… et si elle gagnait en alliés, c’était d’autant plus de lances pointées contre sa famille vampirique, surtout concernant les Glacernois chasseurs de vampires avérés… Il dut se forcer toutefois à chasser cette sinistre pensée pour se focaliser sur l’instant présent et sa mission actuelle. Ou plutôt ses missions. Le temps était venu d’aborder celle qu’il s’était lui-même attitrée en suivant les conseils de Shyven.

Il laissa le maitre de guerre finir. Sa prévention, quant aux conséquences possibles de lui donner cet anneau, le touchait en un sens. Encore un signe que cet homme était droit. Et ce simple fait confortait sa décision. Oui, il y en aurait toujours pour lui reprocher ce cadeau, qu’ils prendraient comme une alliance avérée, quand l'anneau incarnait surtout le souhait de vouloir garder un lien avec cet homme d’importance et de valeur. Mais il n’avait de comptes à rendre à personne à ce sujet. Plusieurs en possédaient d'ailleurs un, dans chaque camp. Graärh, vampires, humains, elfes, immaculés, Baptistrels... Nombreux étaient ceux qu'il avait liés à son anneau pour pouvoir communiquer avec eux. Il serait alors singulier de le lui reprocher, quand il en avait été ainsi de tout temps le concernant.

Oui, il savait bien ce qu’il faisait en offrant cet anneau au Maitre de guerre. Il avait ouï dire les rumeurs, et plus encore. Les murs avaient des oreilles, disait-on, mais l’ouïe de ses araignées était plus fine encore… surtout quand elles étaient nombreuses à rôder dans l’ombre de Sélénia, que ce soit au palais ou dans les rues. Ilhan hocha donc la tête avec solennité. Il savait ce qu’il faisait, oui. Briselame lui avait fait ses rapports réguliers et lui avait fait part des tenants et aboutissants. Certes, Claudius avait tué un dragon, et en cela Ilhan ne pouvait adhérer à ce geste, quand bien même il aurait été exécuté par "nécessité". Tout comme il n’approuvait pas le geste de Naal complice de ce meurtre draconique. Mais pour autant, il ne l’avait pas reproché à Naal. Son almaréen était ainsi. Et malgré tout, il l’aimait toujours autant. Il en était de même pour Claudius. Pas qu’il l’aima de la même façon, qu’on ne s’y méprenne pas ! Mais malgré cet acte criminel, Claudius conservait encore tout son respect. Et l’homme représentait peut-être l’avenir de Sélénia.

Car de deux choses l’une : soit la Reine Victoria parvenait à reprendre les rênes du pouvoir et à redresser la situation rapidement, ce qui semblait très compromis, sa situation de reine, sa condition de femme et ses décisions politico-économiques étant toutes vivement critiquées, soit… soit quelqu’un d’autre prenait le pouvoir à sa place. Et de ce que les murmures de la Toile suggéraient, ce quelqu’un pourrait avoir de forte chance d’être le Havremont. Il avait après tout l’armée derrière lui. L’histoire avait déjà prouvé que les coups d’État réussis étaient ceux ayant l’appui de l’armée… Ne jamais laisser tant de pouvoir aux mains d’un seul Général. Voilà tout le potentiel danger que cela recelait…

Quand enfin Claudius se rencogna dans son siège et lui affirma lui accorder toute son attention, Ilhan sourit et enfin se permit de répondre. Tout d’abord, au sujet de l’anneau, son ton prenant des accents bas et graves, presque solennels.

Il est un fait avéré que si Delimar semble se rapprocher de Sélénia, ce n’est pas du seul fait des efforts de votre Reine.

Certes Victoria avait amorcé le mouvement en tentant de se rapprocher de Tryghild Svenn. Mais ce mouvement avait rapidement été freiné par toutes les impasses rencontrées… les tensions à Cyrène pour le devenir d’Ipsë Rosea, ou encore l’accueil des vampires sur Calastin par la reine Victoria, ce qui avait été vu d’un très mauvais œil par les Délimariens. Comme si son seul nom de Kohan ne suffisait pas à mettre des bâtons dans les roues de cette lourde charrette chargée de tous les méfaits passés… Non, le rapprochement semblait s’être scellé par cette soudaine et étrange complicité entre Naal et Claudius lors de ce crime draconique. Et si Ilhan en regrettait les circonstances, il ne pouvait pas se voiler la face non plus. Claudius était l’homme du rapprochement du côté sélénien, à bien des égards, bien plus que la Reine Victoria. D’autant plus maintenant que Delimar avait changé d’Intendante.

Vous incarnez la force de Sélénia.

Pas seulement l’armée, mais aussi son avenir, sous-entendait-il. Il préférait toutefois ne pas le dire à haute voix… les murs avaient des oreilles, disait-on. Et ses araignées n’étaient pas les seules à avoir l’ouïe fine.

Et cette force est un lien puissant avec Delimar.

Delimar, cité de la guerre…

Ça, et votre engagement indéfectible envers la race humaine.

Un autre point commun indéniable avec l’Océanique. Et cette fois avec la Toile aussi. Même si la Toile commençait, tout doucement, à douter de l’avenir de cette race. Il avait entendu plusieurs de ses araignées murmurer et se questionner au sujet des Sainnûr, surtout depuis la transformation de leur Tisseur. Et si la race humaine était dès lors perdue, au destin définitivement balayé par les erreurs Kohan ? Et si l’avenir n’était pas les humains, comme ils l’avaient toujours cru et espéré, mais les immaculés ? Tant et tant de questions agitaient sa Toile, oui… Mais pour l’heure, elle défendait encore la race humaine, autant que faire se pouvait. Et Claudius agissant pour l’humanité pouvait se trouver quelques alliés parmi la Toile. Il en avait une en tout cas qui semblait particulièrement attachée à lui, sans même que Claudius le sache, là, tout près de lui. Briselame, cette chère Briselame. Et si le Tisseur tissait la Toile de ses araignées, il ne les empêchait pas d'agir aussi en leur nom propre et selon leur conviction. C'était après tout les convictions qui avaient forgé la base de la Toile. Ainsi, c’était aussi à la requête de Briselame qu’Ilhan avait accepté d’offrir un tel lien par l’anneau à Claudius.

Outre cela, Ilhan avait appris que plus son anneau avait de liens, amis ou ennemis, proches ou éloignés, simples connaissances ou grands alliés, peu importait, plus il mettait de chance de son côté pour quelque projet que ce soit. Ses anneaux lui permettaient aussi, en un sens, de garder un œil sur des sujets d’importance au devenir crucial pour l’archipel, et ce, quel que soit leur camp.

Ce cadeau n’est qu’un pas supplémentaire vers la voie qui semble déjà se tracer. Il n’est pas un signe d’approbation ou autre quant à vos actes ou décisions.

Que ce point soit clair aussi. Il ne pouvait approuver certaines choses. Mais il n’était pas non plus en son droit de les réprouver. Tout comme Claudius n’avait pas approuvé certains de ses actes passés… ou à venir ?

Il est plutôt le gage du vœu d’avancer sur une voie de paix entre nos deux cités. Et plus encore, d’aller au-delà des considérations politiques de territoire.

Car oui, comme il l’avait déjà dit, il désirait trouver une autre voie que celles des éternelles guerres. Il souhaitait trouver une autre solution, craignant sinon qu'ils signent à terme leur perte à tous. Son projet de protection de la magie en était l’amorce, il l’espérait.

Il avança davantage l’anneau vers Claudius du bout des doigts de sa main valide, gardant l’autre main, toujours gantée, précieusement sur ses genoux. Signe qui, si ses mots ne le suffisaient pas, signifiait qu’il confirmait ce cadeau. Puis se rencogna d’un port noble et droit dans son propre siège. Il prit une gorgée de boisson, laissant s’égrener quelques graines de temps exprès, comme pour titiller la curiosité de son interlocuteur jusqu’au bout de sa patience, avant de reposer son verre, en un geste lent et calme, et de reprendre avec un petit sourire.

Comme je vous l’évoquais, je nourris un projet qui n’a ni terre ni race, qui est de toute terre et de toute race. Un projet qui nous concerne tous.

Il ancra son regard sombre et perçant dans les yeux clairs de Claudius. Farouche détermination y brûlait alors.

La magie se meurt. La magie est en danger. Pendant plusieurs années, nous en avons eu des signes évocateurs.

Tous les sinistres événements en Ambarhùna. Le désert d’Esfelia en avait porté les stigmates pendant longtemps, jusqu’à leur départ de ce continent… peut-être les portait-il encore, ou pire, maintenant que les Chimères avaient dû le ravager aussi.

Mais, enfants puériles et joueurs que nous sommes parfois, nous avons préféré les ignorer et nous aveugler. Magie nous a sauvés à maintes reprises, encore et encore, car au fond nous sommes ses enfants et elle nous protège. Pourtant nous continuons d’user, d’abuser ?, de magie, à tout va, sans pour autant prendre la peine d’observer et d’écouter les signes d’alerte de cette magie. Elle pleure, elle se meurt, et qui la protège, elle ?

Même si Claudius n’était pas mage lui-même, ce sujet ne pouvait que l’intéresser, et le concernait lui aussi de près. Il usait de glyphes comme beaucoup, comme lui-même aussi. Même si actuellement seuls ses glyphes les plus primordiaux étaient activés. Et Sélénia était réputée pour être une cité aimant la magie, usant beaucoup de magie. Elle s’était d’ailleurs construire par magie. Les Séléniens avaient cette habitude de faire appel à la magie pour construire leur cité, quelle qu’elle soit. Seule Delimar avait construit et pavé ses rues à la seule force de ses bras.

Des dragons se meurent.

Un peu ironique de dire cela à celui qui en avait tué un. Mais c’était un fait, une réalité indéniablement liée au souci de la magie. Il leva aussitôt une main, enjoignant le maitre des armées de le laisser finir.

Nul reproche. J’énonce simplement un fait.

D'ailleurs bien d'autres avant Naal et Claudius en avaient tué aussi... Il n'y avait pas qu'eux à blamer pour tuer ces créatures. Leurs guerres avaient aussi été la cause de ces morts draconiques.

Les dragons ont longtemps été le portail permettant de nourrir la trame de magie, pour nous permettre ainsi d’en user. Mais les dragons sont de moins en moins nombreux. Certes aujourd’hui nous avons également le Baoli comme source potentielle. Mais cette source peut être bien fragile aussi. Peut-être est-il venu le temps…

Il marqua une courte pause.

D’écouter les signes d’alerte ? D’écouter le chant implorant de ne pas abuser de ce cadeau des Dieux, et d’en faire un usage… plus raisonnable et plus raisonné ? La magie nous a protégés jusqu’à aujourd’hui, elle a toujours été là pour nous sauver. Mais si nous n’y prenons pas garde, elle pourrait bien disparaître, comme par le passé.

Avant les années 1750, tous ces siècles de magie mourante, disparue, à l’agonie. Avaient-ils envie de revenir à ces âges sombres ? Il en doutait.

Peut-être devrions-nous songer à des mesures pour la protéger, elle aussi. Pour éviter qu’elle ne disparaisse, et pour qu'elle puisse continuer à nous protéger le jour où nous pourrions en avoir le plus cruellement besoin…

Il se tut quelques instants, sondant le maitre des armées dans les yeux. Nombres d’ennemis les guettaient encore. Il n’était pas dit que les Chimères ne reviendraient pas. Il préférait ne pas énumérer tous les autres qui étaient bien plus tangibles… ils étaient au final trop nombreux. Mais de la magie, ils en auraient sûrement besoin un jour encore...

Vous comprenez alors que ce sujet nous concerne tous, quelle que soit notre race, ou quel que soit notre clan, camp, territoire ou cité. Cela va au-delà de toutes frontières.  

Il n’en dit pas plus alors et attendit les réactions de Claudius. Il préférait voir d’abord s’il était intéressé. Quand bien même il n’était pas mage lui-même, il connaissait suffisamment son royaume et sa cité pour en comprendre tous les enjeux.

[HRP : avec toutes mes excuses pour ce looong délais d'attente. J'espère que la réponse te conviendra et si souci n'hésite pas, comme toujours catkiss]

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Claudius écouta avec plaisir les compliments du conseiller, qui semblait finalement le tenir en haute estime, malgré tout.

Pas que le Havremont soit particulièrement surpris, mais au regard des choix que Claudius avait dû faire dans sa vie, il comprenait aisément qu’il soit jugé comme le vilian petit canard, l’homme à abattre. Avoir suivi Fabius lors de l’invasion almaréenne, avoir combattu farouchement l’Alliance et ce qu’elle représentait depuis le jour de leur arrivée sur Tiamaranta … Mais aussi évidemment ces derniers faits d’armes : comploter contre les puissants vampires Elusis au réseau si fort et étendu, tuer des dragons, et faire souffler un vent de révolte sur les dirigeants de son propre empire qu’il avait pourtant juré de protéger quoi qu’il en coûte.

Non, sincèrement, Claudius comprenait qu’on puisse lui en vouloir. Mais de toute sa vie, le Havremont avait toujours entrepris ce qui lui semblait juste et bon non seulement pour lui, mais aussi pour sa Nation et les races qui la peuplaient.

Alors il appréciait d’autant plus quand quelqu’un était capable de s'élever de ces “on dit” quant à sa personne, bien qu’évidemment on refusa de trop s’associer à lui pour l’heure parce que le nom d’Havremont inspirait le mal. Ou plutôt un mouvement qui avait juré depuis quelque temps de ne plus être spectateur d’une catastrophe à venir, et de reprendre en main ce pays, dussent-ils soulever des montagnes pour y arriver. Mais en vérité, il était content et appréciait sincèrement cette approbation et cette confiance. Parce que ce petit geste, aussi anodin soit-il, était le signe qu’enfin, tout ce qu’il avait entrepris contre vents et marées commençait à prendre forme.

Il ne manqua pas d’ailleurs de le faire savoir à Ilhan, avant de se saisir de l’anneau. Là était encore un autre avancement pour l’entente entre leurs deux nations. Le Maître de Guerre fut cependant plus attentif encore aux premiers mots quant à ce “projet d’importance” qu’Ilhan avait évoqué plus tôt.

Bien que Claudius présumait que cela ne soit pas vraiment que cela soit le genre de l’Avente, il était suffisamment coutumier aux pots de vin que l’on faisait aux nobles en échange de telle ou telle faveur pour garder la tête sur les épaules. Il tâcha donc de garder son sérieux quant le délimarien exposa ses envies.

“La magie se meurt. La magie est en danger. Pendant plusieurs années, nous en avons eu des signes évocateurs. Mais, enfants puériles et joueurs que nous sommes parfois, nous avons préféré les ignorer et nous aveugler. Magie nous a sauvés à maintes reprises, encore et encore, car au fond nous sommes ses enfants et elle nous protège. Pourtant nous continuons d’user, d’abuser ?, de magie, à tout va, sans pour autant prendre la peine d’observer et d’écouter les signes d’alerte de cette magie. Elle pleure, elle se meurt, et qui la protège, elle ?”

Claudius inclina la tête en croisant les bras quant à cette rapide exposition. De toutes les problématiques qui existaient en ce monde, il n’attendait pas à ce qu’on vienne le chercher sur le terrain de la magie. Certes l’armée sélénienne était évidemment très réputée pour ses sections de mages de batailles, et ceux-ci avaient déjà accompli de nombreux exploits. Depuis le réveil de cette force surnaturelle, les Havremont avaient même eu la surprise de constater que chez eux, des puissants mages s’étaient révélés.

Mais alors, Claudius n’en connaissait pas plus que les préceptes de bases, et ce qui lui servait pragmatiquement au combat quand il devait revêtir son armure. Le Havremont avait certes entre autre fait sa réputation sur le fait que son style de combat était un savant mélange entre techniques martiales classiques aidé par une armure magique qui l’aidait à accomplir des prouesses habituellement impossibles par un humain normalement constitué … Mais de là à dire qu’il était un mage expérimenté, et qu’il était potentiellement au courant de tout ce qu’Ilhan venait de citer, pas vraiment.

Cependant si on l’avait choisi comme interlocuteur privilégié, il devait bien y avoir une raison. Alors le Havremont resta attentif, bien qu’il ne fut pas Archimage de Sélénia. Évidemment vint la question des dragons, à laquelle Claudius haussa les deux sourcils. Et bien qu’il eut envie de sermonner Ilhan pendant plusieurs minutes sur ce qu’il avait poussé à faire ce choix, et qu’il en payait actuellement les conséquences amères en repensant à son non-coeur vide de toutes choses si ce n’est la douleur qu’il habitait, il se contenta de murmurer dans sa barbe :

“Et vous, qui feriez-vous survivre entre votre grand-mère vénérable et un millier d’innocents qui n’ont rien demandé à personne ?”

Claudius se plia de douleur à ces mots, et posa sa main sur sa poitrine, sentant la douleur le titiller là où cela faisait mal, comme à chaque fois qu’il devait se justifier d’avoir commis de tels exactions depuis sa malencontreuse rencontre avec Verith, qui était tout droit sorti des mythes et légendes pour le punir. Un instant plus tard et il fut de nouveau disposé à écouter l’Avente.

Ilhan était donc venu lui plaider un usage raisonnable de la magie. Bien que Claudius ne fut pas pratiquant de cet art lui même, il avait quand même appris quelques rudiments tout comme bon sélénien qui se respectait, et savait produire deux ou trois sortilèges basiques si on le lui demandait. Il savait donc également les conséquences que cela pouvait avoir d’en abuser, et surtout il l’avait constaté de visu : les chimères, et les catastrophes qui avaient lieu en Ambarhùna. Ils les avaient vu de ces yeux, et les avaient combattu.

C’était donc une intention noble. Et comme Ilhan le soulignait :

“Vous comprenez alors que ce sujet nous concerne tous, quelle que soit notre race, ou quel que soit notre clan, camp, territoire ou cité. Cela va au-delà de toutes frontières.”

Mais le Havremont se frotta la barbe, sceptique. Il échangea alors avec l’Avente :

“Je suis loin d’être un véritable expert en la matière, alors les propos que j’évoquerais ici n’engageront que moi. Je comprends votre intention Ilhan, et je respecte ce projet qu’est le vôtre. C’est sans doute un noble combat nécessaire.”
Claudius inspira, en regardant d’un air grave Ilhan, comme s’il savait ce qu’il allait dire :

“Mais j’ai quelques doutes sur sa mise en œuvre.”

Le Havremont se leva de son bureau, et invita Ilhan à venir avec lui à sa fenêtre, qui donnait sur une large vue éloignée de tout ce qui se passait à la Majestueuse :

“Contemplez par vous-même. Plus qu’une puissance extérieure, la magie pour nous est un symbole. Une fierté nationale. Nos bataillons de mages pourraient balayer une armée de vampires assoiffés de sang en un claquement de doigt. Les savoirs autour de celle-ci font partie des seules qui sont partagées de générations en générations, et ce peu importe la classe sociale. Là où Caladon a fait de sa fierté son argent qui coule à flots, et où Délimar se targue d’avoir un mode de vie sans utilisation aucune de la Trame …”

Claudius se concentra un instant et posa sa main sur la fenêtre. Là, il y eut une petite étincelle dorée très brève qui passa entre les doigts du Havremont, avant de se volatiliser aussi rapidement qu’elle fût venu, mais il était sûr qu’Ilhan aussi l’avait aperçu :

“La magie fait partie de notre société, et ce depuis toujours. Ce que vous venez de voir, bien que je ne sois pas mage, n’en est qu’une manifestation supplémentaire. Là n’est pas le sujet, mais ces … Signes se font de plus en plus fréquents ces derniers jours, sans que je ne sois capable de vraiment les expliquer ou les interpréter. Si ces choses là existent pour moi, alors ils doivent fatalement se reproduire ailleurs. Dans cette misère auquel notre peuple est confronté depuis des mois, la magie est probablement la seule chose qui nous reste.”

Le Havremont fit un petit clin d’oeil à Ilhan avant de ponctuer son intervention :

“J’espère donc que vous avez de solides arguments pour me convaincre que ce beau projet ne mettra pas en péril mon peuple, et qu’il serait potentiellement bien reçu par celui-ci.”

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Si Ilhan eut envie de sourire à la réplique de Claudius au sujet des dragons, et du choix cornëllyen à faire, son sourire se figea avant même de se former et une légère inquiétude vrilla son sombre regard quand Claudius se plia de douleur. Il avait entendu parler de ce qu’il s’était passé lors de cette bataille, oui, il savait le, les, choix qui avait dû être faits, et encore une fois il ne les jugeait pas. Il réprouvait le fait de tuer un dragon en soi, mais il savait aussi que s’il avait été dans la même situation et avait dû défendre des milliers de vies contre une, peut-être aurait-il agi comme Claudius et Naal. Et cette soudaine douleur qui semblait vriller le maitre des armées…

L’althaïen ne manqua pas son geste, cette main portée à son coeur. Un coeur qui, dès son entrée, l’avait frappé par… son silence. Il savait pourtant que Claudius n’était pas un vampire. La trame qui l’entourait et émanait de lui était bien faible, bien loin de celle qui émanait d’une créature magique telle que les vampires. Et pourtant… Pourtant Claudius n’avait plus de coeur battant. Plus de coeur tout court ? Il n’aurait su dire. Il n’avait osé poser la question. Il s’était un moment demandé si cela était en relation avec la visite draconique que Claudius avait reçue il y a peu et dont ses araignées lui avaient fait part… Il était bien difficile de manquer la présence du Dragon de l’Ire où qu’il aille. Ses araignées n’avaient guère pu en apprendre plus toutefois, le contenu de cette entrevue entre le maitre de guerre et le dragon semblait placé sous le sceau du secret. Mais cette absence de coeur battant, cette douleur et cette visite avaient-elles toutes un lien ? Les coïncidences étaient troublantes.

Mais à peine se posait-il toutes ces questions, que déjà Claudius reprenait contenance et la douleur semblait s’en être aller. "Semblait", seulement, sentit-il à travers Tela. La douleur continuait apparemment de sourdre doucement, de façon lancinante, dans le corps du guerrier… Ilhan tut toutefois les interrogations qui le titillaient, et qui seraient sans doute malvenues, et fit mine de n’avoir rien vu. Bien entendu, aucun des deux n’était dupe, mais en reprenant le fil de son "exposé" comme si de rien n’était, il permettait au maitre des armées de ne pas perdre la face, du moins de conserver toute sa dignité.

Quand il en eut fini, il ne manqua pas l’air sceptique de son vis-à-vis. Comme il s’y était attendu venant de tout Sélénien, de cette patrie si habituée à la magie depuis ces dix dernières années. Comme ils avaient tous si vite oubliés leur vie sans magie, tous. Lui compris.

Non, en effet, Claudius n’était certainement pas un expert en la matière. Mais parce qu’il n’était pas un mage imbu de son pouvoir ou un mage si amoureux de son art qu’il ne parviendrait pas à s’en détacher, Claudius saurait regarder les choses en toute objectivité. Et en bon stratège, en bon Sélénien également qu’il était, il saurait voir toutes les facettes du problème que son projet soulèverait. Certes, il faudrait ensuite convaincre les plus hauts mages de Sélénia. Mais Claudius avait une bonne sphère d’influence, et s’il était convaincu, il pourrait convaincre les mages de bataille, qui eux-mêmes ensuite convaincraient les autres… Même si cela serait loin d’être aussi simple, bien entendu, il y aurait toujours des dissidents aux changements. Mais Claudius pouvait être un levier majeur…

Ilhan répondit à l’invitation et se leva pour venir se poster aux côtés de l’homme. Il avait l’impression de se tenir à côté d’un glacernois. Pour autant, loin de se sentir écrasé, Ilhan se sentait presque en sécurité à l’ombre de cette haute et imposante silhouette et ressentit alors ce que les hommes, soldats et guerriers, de Claudius devaient sans doute ressentir à ses côtés.

Il écouta attentivement les propos offerts et hocha la tête en guise d’assentiment. Oui, il savait tout cela. Ou presque. Ceci n’était vrai que depuis une dizaine d’années, depuis le retour de la magie… On avait bien souvent tendance à oublier, une fois encore, la vie d’avant, et ce qui avait fait la fierté, les symboles de la nation humaine d’avant. La magie n’avait pas toujours été l’apanage de la nation humaine, loin de là. Elle était devenue celle de Sélénia à l’arrivée sur l’archipel… mais cela était tout récent et n’était donc pas un héritage séculaire… contrairement à l’héritage de Delimar par exemple, qui tenait cela des siècles de vie sans magie des Glacernois ou des almaréens…

Soudain une pulsante lumière dorée vrilla sur la vitre, entre les doigts de Claudius, posés contre elle. Il sentit, vit, la trame se tordre, pulser, sur l’instant, pour reprendre ensuite ses vibrations calmes et limpides habituelles, qui flottaient en ces lieux. Oui, il sentait, savait, ce que Claudius disait. Et il comprenait sans peine toutes les questions que ce projet soulèverait. Mais les Séléniens allaient devoir, un jour ou l’autre, s’y confronter. C’était inéluctable. A eux de choisir alors s’ils voulaient s’y confronter avec lui, s’ils le voulaient, en coopération et concertation, et ainsi peut-être dans une moindre violence et une relative paix, ou s’ils préféraient continuer comme si de rien n’était et se retrouver confrontés au pied du mur… faisant face à d’autres bien plus virulents alors, dans la violence et la souffrance…

Je comprends tout cela. J’aurais été inquiet d’ailleurs que vous ne souleviez pas ce point-là. Si je vous ai choisi, vous entre tous, vous qui n’êtes peut-être pas un maitre mage comme vous le dites, c’est parce que justement vous saurez voir les choses de façon objective, sans passion ni déraison, et ce dans l’intérêt de tous. De votre peuple, mais aussi de Calastin et même de l’archipel.

Il posa à son tour sa main sur la vitre pour en sentir les reliquats de magie.

Dans ce projet, il n’est pas question qu’on interdise toute magie, loin de là. Là n'est pas la question. Mais plutôt que nous apprenions, tous, ensemble, à mieux la respecter et à en faire un usage raisonné et raisonnable, plus équilibré. Mon projet se baserait sur l’éducation en ce sens, de tout mage doté d’un potentiel magique, mais également d’une éducation minimale de tout individu, pour que chacun comprenne les préceptes de base de notre monde et de la magie qui l’entoure.

Qu’on n’entende plus des questionnements sur la mort des Déesses, comme ses araignées le lui avaient rapporté, par exemple…

Bien entendu, en attendant qu’éducation fasse son office, peut-être les factions devront-elles instauré quelques lois de bon usage, pour que le peuple apprenne en même temps que leurs enfants. Quant à la façon de choisir ces lois, plusieurs possibilités s’offriraient : que chaque dirigeant instaure celles qui lui semblent possibles et acceptables pour sa faction, des lois alors indépendantes… certains dirigeants ont déjà choisi cette voie d’ailleurs…

Ce qui pouvait devenir une question de prestige alors : qui des factions saurait entendre la raison ou non… La faction réfractaire à cette question pourrait-elle être considérée alors comme arriérée et en perdition ?

Ou qu’on choisisse de trouver des lois universelles. Cette dernière aurait eu ma préférence, mais elle semble bien utopique. Il faudrait pour cela organiser un congrès pour que toutes les factions décident ensemble, ce qui serait difficile au vu des circonstances… ou que chaque dirigeant se concerte à distance, par échange et envoi de porte-paroles ou autres, pour décider de ces lois plus universelles, ce qui serait tout aussi délicat, même si l’on fait appel à des porte-paroles et intermédiaires aussi neutres que possibles…

Il s’arrêta un court instant, alors qu’il venait d’exposer les deux pans de son projet. Gardant le troisième pour lui-même. La création d’une possible institution magique n’en était qu’à une ébauche encore…

Tout ce que vise ce projet est un usage respectueux et équilibré de la magie. Pas une disparition de cet art dans nos vies quotidiennes. Au contraire, ce projet vise à éviter qu’elle ne disparaisse !

Il se tourna alors vers le maitre de guerre.

Avons-nous véritablement besoin de faire voleter une plume jusqu’à nous au lieu d’aller la chercher ? Avons-nous véritablement besoin de faire voler tasses et théière pour servir du thé ?

Il fut un temps où il avait été de ceux faisant voleter sa plume à lui, prétextant alors pouvoir rester concentré sur ce qu’il voulait écrire… Faux prétextes que cela avait été. A Delimar, où cet usage était proscrit, il avait compris. Se lever et aller chercher sa plume lui-même ne l’avait empêché en rien à continuer le flot de sa pensée, et il avait évité d’user de magie de façon inutile et futile… Quant au service à thé… Si Claudius connaissait bien sa reine, il devait comprendre à quoi faisait allusion Ilhan. Ce n’était pas pour rien que la reine de Sélénia avait refusé de l’écouter sur ce sujet… outre l’intimité entre eux qui devenait un sujet délicat.

Est-ce que demander à vos citoyens d’aller chercher leur plume ou leurs outils, plutôt que les faire voler à eux, conduirait véritablement à la discorde et à l’émeute ? Est-ce que cela leur enlèverait le merveilleux et le baume au coeur que leur apporte la magie, alors qu’ils pourraient toujours l’utiliser par ailleurs, mais pour un usage plus important, plus primordial, et donc plus valorisant encore ? Est-ce que cela enlèverait du prestige à Sélénia et la dépouillerait de sa prestance magique, de ses symboles et de ses atouts ? Des symboles et atouts qui ne sont pas d’un héritage séculaire d’ailleurs, qui ne sont que récents, qui ne sont institués véritablement que depuis l’arrivée en cet archipel.

Historiquement d’ailleurs l’apanage magique était à Althaïa, depuis tout temps proche des elfes, puis ensuite à Aldaria, mais essentiellement depuis le retour de la magie sur le vieux continent. Gloria se targuait plutôt alors d’un apanage militaire et de la force et de la discipline de son armée, d’une noblesse d’armes, quand Aldaria visait une noblesse de plume… Or Sélénia avait encore un fort héritage glorien…

Sélénia a bien d’autres symboles et atouts, d’autres héritages bien plus séculaires, qu’il ne faut pas oublier et qu’il pourrait être bon de mettre en avant tout autant que la magie.

Il n’en dit pas plus long à Claudius sur cet héritage, il se doutait que le maitre d’armée comprenait. L’armée, la force militaire, la coalition des forces humaines séléniennes en un seul tout…

Est-il d’ailleurs dans l’intérêt de Sélénia de se baser sur ce seul symbole de magie ? Que deviendrait donc Sélénia si un jour la magie venait à disparaître de nouveau ?

Comme cela pourrait être le cas, s’ils continuaient ainsi… Il était pour en exposer les dangers potentiels, ce qui pourrait arriver, quand il se ravisa… et préféra le montrer. Il savait que cet usage ne serait pas forcément des plus raisonnables, sauf si on en considérait la force de démonstration qui en découlerait… Se décidant alors, après une profonde inspiration, il appela à Tela et à sa Toile de l’illusion.

Ce que je vais vous montrer n’est que pure invention. Des possibilités, des… des avenirs fictifs. N’ayez aucune crainte, rien de ce que vous allez voir n’est vrai. Je souhaite juste… vous montrer…

Et se disant, la salle se transforma peu à peu, sous la force de son mental et de sa volonté.


Ils restaient tous deux près de la fenêtre, mais apparut soudain un Claudius plus âgé à son bureau. Un soldat entra, après avoir frappé et y avoir été invité, et fit son rapport d’un geste du vieux Claudius. Les rides tiraillaient son visage buriné.

Le baôli s’est scellé. Nos hauts mages nous disent qu’ils ne sentent plus la trame à travers le puits. Il semble… définitivement perdu.

Claudius chassa le soldaton, qui sortit après un salut. La salle s’altéra quelque peu, comme si le temps avançait en semaines voire en mois, puis se figea de nouveau. Toujours Claudius assis à son bureau. Plus ridé encore, les traits plus tirés également d’inquiétude.

La magie se meurt, lui disait un conseiller mage devant lui. Nous ne parvenons plus à faire appel à nos sorts les plus puissants. Les mages les plus exceptionnels parviennent tout juste à promulguer quelques sorts de guérison, ou une pâle lumière. Nombre de constructions de bâtisses ne peuvent plus avancer faute de main-d’oeuvre ou de savoir-faire. Nous commençons aussi à ressentir de nouveau des signes de pénurie en ravitaillement. Les émeutes n’ont pas encore éclaté, mais les tensions montent…

La scène s’estompa, les mois défilèrent de nouveau. On voyait la silhouette de Claudius toujours plus voutée, toujours plus ridée, répondre à des rapports de plus en plus inquiétants. Une guerre allait se déchainer sur Sélénia. Mais la magie n’était plus. Leurs mages ne seraient plus d’aucun soutien. Ils ne pourraient compter que sur leur seule force purement militaire. Et il leur faudrait trouver des guérisseurs connaissant les anciennes méthodes de soins… seule une poignée de guérisseurs âgés connaissaient encore ces méthodes. On s’était tant habitué à la magie, on s’était tant reposé sur elle…



Ilhan mit fin à la démonstration de cet avenir calamitique qu’il inventait. Mais qui était fort plausible au demeurant. Il alla s’asseoir de nouveau dans le fauteuil qu’il avait quitté et but une petite lampée de vin pour se désaltérer après cet effort de magie, confinant au sort exceptionnel.

Dites-moi que tout cela n’arrivera jamais, que tout cela est impossible. Dites-moi que je me trompe et que jamais la magie ne pourra mourir comme elle est presque morte sur l’ancien continent à la disparition des dragons. Dites-moi qu’il est impossible que nous revenions aux années précédant 1750...

Mais on ne pouvait le lui affirmer. Personne ne pouvait lui dire que ce scénario était impossible. Bien au contraire. Pas quand déjà d’autres le prévoyaient…

Il avait un dernier argument également, qu’il préférait toutefois ne pas arguer tout de suite. Qu'il ne sortirait qu'en tout dernier recours. Il sentait que de toute façon Claudius en avait goûté les prémices avec Verith, dragon de l’ire, même si pour d’autres raisons.

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Claudius eut un petit sourire, quand il entendit répondre Ilhan à ses questions. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Avente n’avait rien perdu de sa malice. Ni de son art oratoire. Le Maître de Guerre écouta patiemment les arguments de son congénère de l’Alliance, qui lui dévoila un peu plus, un projet qui à n’en pas douter promettait monts et merveilles : des lois sur la magie, des mesures d’éducations, un usage raisonné pour vivre dans un monde plus équilibré …

Claudius s’étonna à trouver intérieurement divers slogans que le conseiller délimarien devait répéter à de nombreuses personnes, lui qui chuchotaient aux oreilles des plus grands.

Le Maître de Guerre quant à lui, était dubitatif sur la question. Pour sûr que la magie était une part importante de la société Sélénienne aujourd’hui, et impérativement nécessaire à son bon développement, cela il en était persuadé. Mais lui même n’étant pas plus mage que cela, il est vrai qu’il vivait parfaitement sans, dans sa vie de tous les jours.

Néanmoins il avait d’autres exemples dans sa famille qui auraient eu grand mal à survivre sans cet art là : Avara pour commencer, dont il avait suivi l’éducation au plus près, mais aussi nombre d’autres de ses connaissances.

Au fil de la conversation, Claudius hocha passivement la tête, se faisant un avis sur cette question épineuse. Certes, Ilhan avait sans doute raison, mais il soulevait là un chantier épineux, à moins d’en faire des lois universelles, comme il le suggérait. Mais bien évidemment, cela ne marcherait jamais.

Il n’y avait qu’à voir présentement : les vampires et les hommes étaient sur le point d’à nouveau se livrer une guerre sanglante, dont Claudius était d’ailleurs le principal instigateur. Il laissa l’althaïen cependant développer pour l’heure. Dans le principe, il était évident que ces mesures allaient dans le bon sens, si on écoutait ses bonnes paroles, et il eut été stupide de les rejeter.

Cependant ces informations au sujet de la magie n’étaient pas là tombés dans l’oreille d’un sourd, et se fut quand Ilhan lui montra sa vision le mettant en scène au milieu d’une Sélénia désemparée qu’il eut une idée.

Il ne chercha pas à contredire l’Avente, et hocha encore une fois passivement la tête. Néanmoins, il se passa la main dans sa barbe fournie, et regarda le dehors un instant le dehors. Il lâcha ensuite à Ilhan :

“Si je comprends bien, la magie serait donc une ressource limitée, et si nous ne la respectons pas, elle pourrait bien se retourner contre nous, n’est-ce pas ?”

Il eut un petit sourire malicieux, avant de se pencher vers Ilhan :

“Votre idée m’en donne une autre, Conseiller Avente.”
Il retourna à son bureau, et pris un morceau de parchemin avant de noter quelque chose avec une plume laissée là :

“Nous sommes d’accord que les vampires sont des êtres de magie, n’est-ce pas ? Achroma Seithvelj et toute sa bande de suceurs de sang, ils vivent au crochet de celle-ci, n’est-ce pas ? Qu’adviendrait-il si la vision que vous m’avez montré, s’appliquait à eux, plutôt qu’à nous ? Nous sommes capables de survivre sans magie, Delimar l’a bien montré. Mais eux ... ”

Claudius ne perdit pas son regard malicieux, et laissa cette question en suspens pour l’heure. En tous les cas, une idée d’une telle envergure méritait d’être creusée. Le pauvre Avente ne s’attendait peut-être pas à cela, mais le Havremont avait repris du comportement de Fabius Kohan en son temps. Opportuniste, et cherchant toujours un moyen de nuire à ses adversaires. Bien que cela avait mal tourné pour lui, Le Havremont rangea tout de même le parchemin dans un de ses tiroirs. L’idée n’était pas tombée dans l’oreille d’un sourd.

Claudius tâcha ensuite de revenir au propos initial d’Ilhan :

“Vous n’avez rien perdu de votre malice, et de votre talent d’orateur, Ilhan. Mais soyez rassuré. J’ai entendu votre appel. Je ferais ce qui est en mon possible pour faire porter votre voix au Conseil …” et plus loin, quand mon heure viendra, se retint-il de rajouter. “C’est un projet raisonnable, et si vous êtes capables de survivre à Délimar en étant presque totalement coupé de la Trame, alors nous pouvons sûrement fournir le même effort ici.”

Le Havremont inspira avant de reprendre :

“De toute façon je commençais sérieusement à réfléchir à un programme d’éducation global pour ce pays …”

Claudius eut un nouveau soupir, et un petit rire jaune repensant à ce moment où son peuple s’était retourné contre lui lors de l’émeute provoquée par Cynoë. Il reprit un air plus sérieux ensuite :

“Sachez cependant que ma limite s’arrêtera si la question d’un Conseil plus global se pose. Je veux bien consentir à des réformes dans notre pays … Mais transiger avec Achroma, le Roi des Pirates, et avec tout le respect que j’ai pour vous, les autres dirigeants de l’Alliance des Cités Libres, pour l’heure, c’est non. Vous me connaissez.”

Ça n’était pas que Claudius n’aimait pas les étrangers. Mais il était de ceux qui pensaient que l’Empire devait imposer, et que les autres devaient respecter docilement les décisions prises. Et pour l’heure, l’Empire Sélénien n’était absolument pas dans une position de force.

"Peut-être que cela changera. Seul le temps nous le dira.”

Le Havremont eut un nouveau sourire en coin, avant qu’un autre événement ne vienne perturber cette entrevue : un petit éclair bleu se fit voir dans la pièce, et là où il y avait des papiers posés en vrac avant, un petit Scarabée immatériel d’une couleur sensiblement égale à celle de l’éclair avait pris place. Claudius eut un regard interloqué, et reposa immédiatement le petit bâton qu’il gardait sous son bureau “au cas-où”, qu’il avait saisi mécaniquement, en constatant le phénomène.

Le Maître de Guerre cligna des yeux, et regarda le scarabée faire. Il avait l’avant de son corps penché sur les papiers éparpillés, comme s’il semblait les lire, avant de regarder Claudius, et d’agiter une petite patte en guise de salutations.

“Qu’est-ce que … Je ne suis pas fou, vous le voyez aussi Ilhan, n’est-ce pas ?”

Le Havremont n’attendit pas la réponse du Conseiller, et lui fit :

“Se pourrait-il que ce soit un esprit-lié ? La dernière fois que j’ai vu une manifestation de la sorte, c’était il y a bien longtemps … Quand mon Cerf protecteur m’a choisi. Mais alors pourquoi le Scarabée … ?”

Claudius laissa partir sa question dans le vent, oubliant momentanément qu’Ilhan était dans la même pièce que lui. Il poussa un doigt vers le scarabée, presque comme s’il pouvait le toucher …

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Si la magie pouvait se retourner contre eux ? Oui. Et non. Il n’y avait nul besoin d’attendre que la magie se retourne contre ses enfants pour obtenir une catastrophe, ils étaient assez grands pour la déclencher eux-mêmes. Et sans doute l'avaient-ils déjà déclenchée, sans même s’en rendre compte. Il n’y avait nul besoin d’attendre la magie pour subir les répercussions de leur abus irraisonné d’enfants volages et capricieux. D’autres se retourneraient contre eux bien avant : les sbires de Vaea, le dragon de l’ire… Ils étaient certes pour l’heure encore peu nombreux, mais quand tous ensemble ils se ligueraient contre les mages ingrats et imbus de leur pouvoir qui préféraient rester aveuglés dans leur folie, alors oui, cela ferait mal. Tout ce que l’althaïen essayait était justement de donner une seconde chance avant d’en arriver là. Que tous ouvrent les yeux tant qu’il était encore temps. Si tant est qu’il fut encore temps. Avant que Vaea ou Verith ne sortent les crocs plus âprement et ravagent tout dans leur colère.

Ilhan ne répondit toutefois pas à cette question, qu’il devinait plus rhétorique qu’autre chose. Il n’était pas bien sûr que le maitre de guerres réalise encore pleinement tous les enjeux. Il semblait en comprendre certains, mais n’avait pas, pas encore, une vision globale de la situation. Il prenait même cela comme une autre arme de guerre à utiliser.

User de cet atout contre les vampires ? User et abuser de la magie en vue de l’affaiblir pour mieux anéantir et atteindre ses ennemis de la nuit ? Ilhan retint un lourd soupir, et cacha ses pensées tout au fond de lui. Mais dépit en fut du lot. Il trouvait cette réaction tellement... il en perdait ses mots... tellement… indigne de son vis-à-vis ? quand il venait de lui exposer tous les autres dangers, bien plus importants encore, que ce que pouvaient bien représenter les vampires. Sans compter l'incohérence de cette fausse bonne idée... Sélénia capable de survivre sans magie ? Elle qui se targuait d’être la cité de la magie justement ? Elle qui, comme il le lui avait montré juste avant, était une cité faite de magie, vivant par et pour la magie ? Oui, Delimar pouvait survivre, oh oui, eux sans souci. Mais Sélénia ? Qu'on lui permette d'en douter. Surtout quand Claudius lui avait souligné lui-même ce point quelques minutes auparavant...

Mais après tout, n'était-ce pas là une réaction tellement humaine ? Tellement... digne de ces éphémères qui ne voyaient que les intérêts à court terme et semblaient tant peinés à regarder vers un avenir plus lointain, pour offrir à leurs enfants un réel lendemain... Tel avait toujours réagi les hommes : cupidité et avidité avaient souvent guidé leurs pas. Non pas seulement une cupidité et une avidité des gains, mais surtout de pouvoir, de puissance et de suprématie. Ils n'entendaient alors que ce qu'ils voulaient entendre, et surtout que ce qui pouvait les arranger, quitte à détruire le monde autour d'eux, quitte à détruire leurs anciens alliés... Les Hommes avaient toujours été ainsi, songea-t-il, dépité. Déjà antan, de son temps humain, il en avait eu une âpre conscience, lui qui avait souvent semblé pour ses paires un utopique aux idées un peu trop folles. Trop avancées. Voyant trop loin, pour ce qui semblait trop incertain... Il avait toujours été "trop", pour ses paires. Pourquoi avait-il cru, fou de lui, qu'il aurait pu en être autrement, et que sa Toile et lui pourrait parvenir à construire pour la race humaine un avenir digne de ce nom ?

Plus le temps s'écoulait et plus le Tisseur réalisait son aveuglement passé dans sa douce utopie. Non, le monde des Hommes était révolu. Et ce, de par leurs propres choix, leur propre cécité, leur propre entêtement dans l'inclairvoyance... La race des Hommes était perdue, en pleine déchéance. Il était inutile de se battre plus encore pour cette cause désespérée. La race Sainnûr serait de leur monde l'essence renaissante, le nouvel essor d'espérance. La cause pour laquelle tisserait dès lors la Toile, et pour laquelle alors elle oeuvrerait.

Tout à ses pensées, ses lèvres restèrent closes. Et pour toute réponse, Ilhan arqua un sourcil et offrit un rictus des plus ironiques. Il se leva de sa chaise et d’un geste lent, savamment calculé, posa sa main sur la vitre, comme Claudius l’avait fait précédemment. Faisant vibrer cette magie dont tout l’édifice était imprégné. Eût-il pu faire vibrer toute la magie de la cité qu’il l’aurait fait. Mais il n’en aurait certainement pas besoin, Claudius n’était pas idiot au point de ne pas comprendre son silencieux message. Puis, détachant sa main de la vitre, Ilhan se retourna vers lui, arquant de nouveau un sourcil d’un air de dire "Vraiment ?". Toujours sans un mot. Il n’en avait nul besoin. Les propos de Claudius sonnaient en telle contradiction avec les fondations même de Sélénia et surtout avec ses propres paroles précédentes.

Mais il n’insista pas outre mesure. Le maitre de guerre lui concédait au moins le point éducation. Et au final, dans un premier temps, c’était toujours ça de gagné. C’était un pas en avant. L’éducation menait ensuite chacun à réfléchir de ses propres moyens, ou tout du moins leur donnait les outils en ce sens.

Quand il refusa catégoriquement l’idée d’un possible conseil, Ilhan se contenta d’un hochement de tête. Il s’était parfaitement douté de cette réponse. Il se devait de le proposer, et ils leur revenaient ensuite à eux, dirigeants, d’accepter ou de refuser. Mais au moins la proposition aura-t-elle été émise. Il savait depuis le début que cette proposition ne verrait jamais le jour. Pas en ces temps troublés, pas en ces temps où la guerre grondait déjà de ses sombres tambours.

Oui, seul le temps le leur dira, acquiesça-t-il de nouveau en silence. Nulle réponse ne lui fut possible toutefois, car un événement, qui aurait pu être étrange, si cela n’était pas le… dixième ? presque, ou pas loin… dont il était le témoin. Un Esprit-Lié venait les visiter. Un Esprit-Lié venait se joindre à Claudius, plus précisément.

“Qu’est-ce que … Je ne suis pas fou, vous le voyez aussi Ilhan, n’est-ce pas ?”

Non, vous n’êtes pas fou, répondit enfin l’althaïen de ses accents chantants, un sourire amusé fleurissant sur ses lèvres. Pourquoi ? Parce qu’il vous a choisi. Nul besoin d’en savoir plus. Vous êtes son élu. Et mon ornithorynque vous bénit, ajouta-t-il tout en s’approchant du maitre de guerre et en lui apposant sa main non gantée sur son bras.

Il lui aurait bien pris l’épaule… mais le maitre de guerre rivalisait avec un glacernois et l’exercice aurait presque confiné à l’acrobatie.

Votre lien sera protégé, autant que faire ce peu, avec votre nouvel allié. J’espère que vous en ferez bon usage, Ser de Havremont.

Sa voix se teintait de notes presque solennelles. Quand bien même ils n’étaient pas, et ne seraient sans doute jamais totalement, dans le même camp, un lien avec un Esprit-Lié restait sacré à ses yeux, et tout lien dont il était témoin méritait une telle bénédiction.

Mais l’heure tournait...

Je ne voudrais pas abuser de votre temps, qui s’égrène comme poussières au vent, et vais devoir vous quitter. J’espère toutefois que vous réfléchirez réellement à mes propos…

Puis, sans lâcher le bras de l’homme, resserrant même légèrement sa prise sur lui, sans pour autant y aller trop fort, mais marquant assez son empreinte pour lui faire comprendre, que, peut-être… il n’était plus tout à fait le même qu’il semblait être, il darda un regard noir, soudain constellé d’étoiles d’or, sur le maitre de guerre. L’homme avait beau le dépasser de sa gigantesque stature, l’althaïen n’en perdit pas pour autant sa contenance ni son assurance tranquille, inébranlable, comme animé par la force de sa conviction qu’aucune force de la nature, quelle qu’elle soit, ne pourrait lui arracher, dût-elle le broyer.

J’espère également que vous n’oublierez pas que les vampires ne sont pas les seules races magiques en ce monde, et encore moins les seuls êtres à avoir besoin de magie.

Sélénia, la première, si dépendante de la magie pour l’heure. Mais également certains de leurs alliés…

Il serait regrettable que pour atteindre ceux que vous considérez comme ennemis, vous vous aliéniez également des alliés, de longue date, en les condamnant eux aussi…

Elfes, qui vivaient pour certains à Sélénia même… mais également Sainnûrs. Sélénia ne comptait pas que des humains, même s’ils étaient majoritaires.

Et ce disant, il relâcha sa prise avec un sourire sous-entendu. Puis, il offrit au maitre de guerre une légère inclinaison du buste, en un salut tout althaïen :

Que le soleil guide vos pas, ajouta-t-il en un souffle, portant sa main sur le coeur, puis la faisant voleter, paume vers le ciel, vers le sélénien.

Ce salut althaïen, empreint de cette noblesse elfique qu’il chérissait tant, tel un rappel à l’homme en face de lui, de toutes ces années, ces décennies, ces siècles même, d’alliance entre les hommes et les elfes, une alliance qui avait conduit à la culture althaïenne dans toute sa splendeur.

Et sans même attendre de réponse, sans se départir de son sourire et de sa force tranquille, le petit homme quitta la pièce et ferma la porte derrière lui. Laissant le maitre de guerre seul, avec lui-même.

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