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descriptionLa sombre et le lumineux [PV - Asolraahn] EmptyLa sombre et le lumineux [PV - Asolraahn]

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27 Juillet 1764

Notre quête concernant le rôdeur était maintenant terminé depuis près d'un mois. Nous étions restées sur Delimar pour d'autres affaires, et honnêtement, ma terre natale me manquais au plus haut point... Le soleil était déjà haut dans le ciel, il était probablement midi, mais la faim ne venait pas jusqu'à moi. Je n'avais pas le mal du pays, enfin un peu, car cela me rappelait tout de même quelques souvenirs peu glorieux... Mais aussi parce qu'à l'époque, elle et moi étions unie par un même but...

Secouant légèrement la tête de droite à gauche, je laissais un soupir sortir de ma gueule. Pourquoi elle revenait toujours à la charge dans mon esprit ? C'était une question, dont je ne parvenais pas à trouver de réponse, alors je la laissais simplement couler... D'autan plus, que j'avais la chance de voyager avec le géant blanc, un félin des plus extraordinaire, et qui pouvais m'apprendre beaucoup. Durant notre affrontement contre les rôdeurs, nous étions plutôt bien en accord, comblant les lacunes de l'autre, un peu comme une danse en fait...

Pourquoi ne pas profiter de ce jour de répit pour sortir du quotidien, lui comme moi en avait bien besoin, et un peu d'exercice ne fait jamais de mal en réalité. J'étais parti à la recherche du Tribyoon, pour lui proposer de profiter de la petite chaleur, avec ce vent frais idéal pour faire un peu de sport.

Je ne mis pas très longtemps à le dénicher, et voyant qu'il était enfin seul, je m'autorisais à aller à sa rencontre. Il faisait toujours cet effet par sa grandeur, mais je savais qu'il était comme une peluche au fond. Il ne faut jamais se fier aux apparences...

Continuant d'avancer dans sa direction, en choisissant la discrétion, après tout, mon but était de m'entraîner non ? Me positionnant sur mes quatre membres, la queue basse, respirant faiblement. Je me cachais dans la végétation qui était dense pour cette période de l'année, prenant grand soin de ne pas marcher sur quelque chose pouvant trahir ma position. A contre vent, mes prunelles l'observaient, bandant les muscles de mon corps, j'attendis quelques secondes avant de lui bondir dessus, sans sortir les griffes.

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Tandis que les rayons du soleil baignaient la canopée et les milliers de branches qui choyaient la forêt de leur ombre, le géant opalin se tenait assis, les jambes croisées, dans une petite clairière. Il pouvait entendre les jacassements excités des geais et le pépiement distinct des moineaux plus bas. Au travers de ce paisible chaos, le tapotement irrégulier des graines et des feuilles de saule ballotés  dans le vent résonnait à ses oreilles. Asolraahn inspira longuement. Il se pencha pour ouvrir la besace ceinte à sa taille. Il farfouilla doucement à l’intérieur avant de récupérer avec satisfaction une large brosse en bois sombre, lustrée et parsemée d’enluminures dorées. Il poussa un long soupir de soulagement lorsque les brins épais de la brosse fendirent sa fourrure avec un son fin. Il poursuivit lentement son ouvrage, les yeux clos. Derrière lui, plus loin en dehors des fourrées, une route de terre permettait aux voyageurs de faire le voyage de Délimar jusqu’à un carrefour menant à toutes les cités libres. Justement, le félin entendit le galop sourd des sabots contre la terre. Les gens empruntaient cette route par centaines ; des marchands et des voyageurs itinérants en majorité.

Le géant opalin en faisait partie. Voilà bien une heure qu’il avait quitté les quartiers des visiteurs des la cité, avait passé sous le pôle commercial où s’étendaient échoppes de rues, ateliers d’artisan et bains publics, s’était diligemment faufilé derrière la caserne des glaçernois avant de s’échapper par les grandes portes principales. Attiré par la vue de l’océan depuis les hauteurs d’une demeure apprêtée pour lui par les Havremont, Asolraahn avait quitté la cité sans un regard en arrière. Ce n’est pas qu’il n’appréciait pas la belle Délimar. La jeune cité de Khokhattaan, bien différente de la cité des wigwams, s’étendait à perte de vue. Elle était composée d’habitations d’un seul étage en brique de glaise et de pierre. Nomade depuis des années et ayant détesté les murs sombres de Nevrast, Asolraahn n’arrivait pas à s’habituer aux villes de pierre. Pourtant, L’architecture élégante ainsi que ses rues pavées donnaient plutôt un sentiment d’admiration. Les édifices soulevaient des toits de tuiles pleines de couleurs. Désireux de se défendre contre leurs rivaux, les dirigeants de Délimar souhaitaient que la cité soit imperméable à la rudesse du temps, en perpétuelle développement et indestructible.

Mais les mois passés sur cette île lui faisaient parfois regretter le temps où il pouvait se lever de son wigwam, sortir et respirer l’air de la savane. Le seul lien qui le rattachait à Néthéril était ce grand lit de bleu au devant qu’il contemplait maintenant sans que ses yeux n’eussent la volonté de s’échapper. L’eau n’avait jamais eu beaucoup d’emprise sur lui. Il appréciait les glaciers de Nyn-Mereän, bien plus rarement les rivières glacées qui composaient une bonne partie des terres de Vat'Em'Medonis. Mais il avait une fascination constante pour l’océan et son air iodée. Familier aussi. Le géant opalin avait fait d’immenses trajets pour parvenir à atteindre son but. Ses voyages avaient façonné sa vie et fait de lui le Graärh qui se tenait dans ce carré de clairière. Loin de Délimar et du vacarme certes entraînant mais éreintant sur le long terme, Asolraahn n’aspirait désormais qu’à un peu de calme.

Il arriva alors un moment où un silence inquiétant recouvrit la forêt telle une couverture invisible. Asolraahn ne mit que quelques secondes pour comprendre que ce sentiment était lié aux oiseaux ; ils avaient cessé tout jacassement ; le bruit de leur vol s’en était allé au loin. Il eut à peine quelques autres secondes pour se rendre compte que ce silence n’avait rien d’accidentel. Il se releva en se retournant prestement. Une patte manqua de le cueillir au vol. Lui-même riposta d’un coup sec mais ne perçut que le vide. Il se releva lentement, toisant férocement la Graärh dans les yeux. Depuis qu’ils avaient gagné la côte de l’île des humains, elle était la seule congénère qu’il ait côtoyé ; une sœur de légion qui lui était chère, comme il en avait rarement eu par le passé ; une partenaire en qui il avait une totale confiance. Il donnerait sa vie pour la protéger.

En cet instant cependant, Nyana Valthana, Maaro-saaya, Celle qui frappe des ombres, était son ennemie jurée.

En observant ses griffes rétractées, il devina immédiatement ses intentions. Il réprima un ronronnement de joie. C’était vrai que depuis les évènements à Meerhagen, ils n’avaient jamais eu l’occasion de se délier les muscles. A part un peu de repos face au soleil et l’océan, rien ne rendait le géant opalin plus heureux qu’un duel ; de quoi retrouver forme et discipline.

Asolraahn garda ses yeux fixés sur les traits sombres de Nyana, tout en masquant derrière son dos le coup de patte qu’il préparait. Les deux guerriers se tournaient autour, se jaugeaient avec minutie. Ils étaient concentrés, sur le qui-vive, tel des danseurs patientant pour la première salve du tempo qui bien vite lancerait leur mélodie ; une mélodie guerrière. Son bâton resté posé comme un piédestal plus loin, Asolraahn songea qu’il n’était guère armé et que débuté par un affrontement à mains nues serait intéressant. Il faisait certes une tête de plus que la Graärh, mais cette dernière était taillée comme une aiguille ; elle était rapide et sûre d’elle, confiante dans ses talents.

Tout à coup, le géant opalin répondit à son invitation au combat sans dire un mot. Sa silhouette se mit en mouvement. Il s’élança en pivotant dans les airs, sa patte dans son dos décrivant une arabesque luisante d’or dans le soleil.

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Le félin blanc se rendit rapidement compte du calme qui l'entourait, il fut surpris dans un sens de me voir lui bondir dessus. L'instinct animal venait de prendre le dessus, parvenant à m'éviter, en prenant une posture défensive, il finit par sourire, en acceptant ma demande silencieuse. Jouant parfaitement le jeu, en entrant dans la ronde, laissant nos sens prendre le dessus. J'allais même jusqu'à oublier notre décor, l'endroit où nous nous trouvions. Nous sommes simplement deux, lui et moi, et rien d'autre.

Nous nous tournions autour, il ne manquait plus que le feu au centre pour en faire un rituel. Le poil légèrement hérissé, et au lieu des grognements habituel, il y avait de doux ronronnements. Connectant nos esprits, on se défiait mutuellement dans un combat au corps-à-corps. Les secondes s'écoulent, alors que nous jouons avec la réactivé de l'autre.

La tension montait légèrement, alors que d'un coup sec, le puissant mâle pris appui sur ses membres inférieurs pour bondir. Dessinant des arabesques sous le soleil, je devais presque fermer les yeux pour le regarder. Avant l'impact, je suis parvenue à l'esquiver en sautant sur le côté, tordant légèrement mon corps, pour me rapprocher de sa pelisse. Je ne devais pas me laisser distraire par mon Tribyoon, il est imposant, et l'on devrait trembler lorsqu'on l'aperçoit. Mon esprit devait passer outre tout ceci, et le placer au même niveau que moi. Nous sommes que de simple graärh, il n'y a plus de Shikaaree, plus de Tribyoon, que deux simples félins.

Profitant de son corps lourd et son manque de souplesse, je me frotte pratiquement contre lui, le longeant pour finir dans son dos, puis m'abaisse pour effectuer une rotation, cherchant à lui faire perdre l'équilibre grâce à ma patte arrière.

Un faible sourire s'afficha sur mon museau, cela relevé plus du jeu que de l'entraînement, c'était un moment qui allait nous faire du bien, et qui nous offre la possibilité de mieux se connaître. Une petite brindille contre un tronc, chacun possède ses qualités, ainsi que ces défauts, mais ensemble nous nous complétons plus qu'on ne le pense...

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Le duel n’avait pas démarré rapidement. Du moins, pas le vrai duel. Ce qui s’était passé auparavant, l’embuscade, la riposte évasive, le calme suivi des habiles mouvements nés de l’instinct animal n’avaient été qu’une mise en bouche. Sous le frémissement des broussailles et le dorlotement du vent, les deux Graärh s’étaient affrontés avec jeu et plaisir, se murant dans le silence afin de ne pas briser l’instant passé. Le soleil brillait sur les griffes, et toute attaque soudaine aurait créé un réseau de poil luisant de lumière autour des combattants. Puis du jeu était ensuite venue l’analyse. Un autre combattant averti aurait vite compris que les deux adversaires s’habituaient à la nature du terrain qui les portait. Le sol sous leurs pattes était détrempé et traître, et pourtant ils semblaient être en parfaite équilibre.

Voilà toute la technique et la grâce que l’on exigeait de deux shikaaree accomplis au sein de la légion Vat’Aan’Ruda.

Mais bien vite, la musique du combat s’accéléra, pris de l’ampleur. A mesure que la partition s’égrenait d’assauts toujours plus impétueux, des cris de zèle s’échappaient de leur frénésie belliqueuse. Bien que restant dans le strict terme de l’échange martial, les deux félins n’en demeuraient pas moins des êtres sauvages au sang chaud ; des êtres à la personnalité endurcie par les épreuves que le temps et la vie avait enduite sur leur chair.

Pour autant, ce fut un moment agréable que le géant opalin avait besoin de passer. Les évènements de ces derniers mois avaient mis à mal son esprit et sa patience. La libération de la légion d’abord, qui ne s’était pas déroulé sans heurt, puis sa reconstruction, non sans anicroche non plus ; le conseil tribal avait toujours été réfractaire d’une union avec les peuples bipèdes, bien qu’on puisse y entrevoir la solution pour une paix durable. Et puis il y avait eu Meerhagen. Rien qu’à y repenser, Asolraahn dut réprimer la puissance du coup de griffes qui jaillissait de sa patte, manquant de transformer leur bal en violent accrochage. Les Rôdeurs. La traque. Le boucher qui avait tenté de l’éviscérer. Leur maître qui s’était enfui devant ses coussinets. Le géant opalin avait appris cette nuit-là que la paix durable qu’il souhaitait promouvoir auprès des siens ne serait pas de tout repos. Avec les ennemis de la légion s’ajouteraient peut-être un jour les ennemis de leurs futurs alliés. C’était une perspective pénible à envisager. Avant de partir pour Khokhattaan, il avait fait le serment aux membres du conseil que sa voie était la bonne ; qu’il saurait les mettre en sécurité. En dépit de leur confiance à son égard, il avait lu le doute dans leur expression impassible.

Désormais, le doute se frayait un chemin en lui.

Comme il aurait souhaité que son petit soit là à ses côtés. Shuu’ran aurait su le calmer. C’était un graahron bagarreur, muet comme une tombe et souvent ronchon lorsqu’il s’agissait de faire les corvées. Mais c’était son petit-fils. Son Aag baagh. Sa simple présence suffisait à adoucir ses yeux de glace et à lui arracher un sourire. Toutefois, il n’était pas ici. Il était chez eux à Vat’Aan’Ruda ; le seul lieu où un Graärh pouvait encore respirer l’air sec du désert peuplé des siens, niché dans un wigwam contant les histoires de ses ancêtres ; où les Esprits veillaient sur lui. Si le géant opalin ne pouvait goûter à la vie sans son jeune graahron, il n’était pas assez fou pour l’emmener sur cette île ; une terre qui, il y a encore quelques mois, fouettaient les siens à coups d’une arme que les sans-poils avaient sûrement nommés ironiquement pour eux : le chat à neuf queues. Un fouet de pirates qui avait la délicatesse d’être si cruel que les lanières pouvaient être enduites de poison pour infecter les blessures d’un Graärh adulte et le conduire à la mort.

Cette image le déconcentra une seconde et fit gonfler son poil. Il ne vit pas Nyana le frôler agilement par une feinte et se dévisser avant de lui porter un puissant coup de patte qui aurait brisé les reins d’un humain. Asolraahn chancela vers l’avant et faillit s’écrouler de tout son long. Avant que la shikaaree ne profite de l’avantage, il leva une patte en poussant un ronronnement :

-Paix ! Je ne suis qu’un vieux Tribyoon grassouillet qui a besoin de repos, fit-il sur le ton de la plaisanterie.

Il se releva et leva son regard haut dans les frondaisons. Il ne sut pas combien de temps ils s’étaient battus ; une heure sans doute vu la traversée du soleil. Il avait le poil humecté, mais pas aussi mouillé que s’il s’était trouvé dans une vraie bataille. Il observa la jeune guerrière et baissa la tête. Malgré son rang de Tribyoon, il lui devait des excuses car son attention était allée au-delà de leur duel, l’espace d’un instant, ce qui avait brisé leur danse et son rythme entraînant. Puis il grogna comme pour dire que ce duel avait été satisfaisant. D’ordinaire, il ne serait pas fait prendre par surprise de la sorte :

-Tu te débrouilles bien avec tes poings. Prend garde néanmoins. Dans un vrai combat, les sans-poils portent parfois des armures qui couvrent leurs coudes (il montra le sien et dessina de la patte la forme d’une coudière). Ici. Si elle est en cuir, ça ira, c’est le cas des pirates. Mais si tu fais face à un vampire ou à un glaçernois, tu t’en mordras les griffes pendant un long moment… si jamais tu survis.

Il secoua la tête, soudain d’humeur morose. Son attention, à l’évidence, était toujours ailleurs.

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Je ne pensais pas que ce coup allait être aussi facile d’une certaine façon. A la réaction, du félin blanc, je ne comprenais pas vraiment ce qui se passait. Il tomba au sol, et alors que je m’attendais à ce qu’il remonte sur ses pattes, et apporte un contre coup à ce que je venais de faire. Seulement, il effectua un ronronnement suivi d’une phrase pour m’être fin à notre exercice.

Un sourire peigna mes lèvres, mais j’étais moyennement contente devant ce qu’il venait de se passer. J’étais heureuse qu’il reconnaisse ma force, car je voulais gravir les échelons et prouver ma valeur sans cesse. Je suis prête à offrir mon sang pour notre légion et la mort ne m’effraie pas le moins du monde. Un jour, je devrais quitter cette terre, et je désire que ce soit sur le champ de bataille pour mon peuple.

Je me rapproche du félin en émettant un ronronnement, s’installant près de lui en l’observant, alors qu’il me donnait quelques conseils contre mes futurs ennemis. Il avait raison, je ne faisais pas assez attention à ce que porte ceux que je combats, et je dois sans cesse analyser pour mieux maîtriser celui qui sera en face de moi. Je ne devais pas faire appel à seulement ma force brute, mais je devais aussi aiguiser mes sens pour mieux agir.

« Je vous remercie Tribyoon, je serais prudente. J’espère participer à autant de combats que vous. Vous êtes une vraie légende pour nous, Tribyoon, tout notre peuple compte sur vous et je suis honorée que vous m’ayez demandé de vous accompagner ici. »

Je pouvais sentir qu’il avait la tête dans les nuages et je me demandais bien ce qui pouvait le plonger aussi loin dans son esprit. J’émis un léger miaulement pour attirer son attention en baissant mes oreilles sur mon crâne pour montrer mon inquiétude à son égard.

Asol est un graärh respecté et nous le percevons tous comme un félin invincible que rien ne peut atteindre. Une fois qu’on a idéalisé un être, il nous semble presque improbable qu’il puisse être aussi ordinaire que nous… Je le voyais pour la première fois de cette manière et je ne m’étais pas du tout préparé à une telle situation, j’étais légèrement perdue…

« Vous allez bien Tribyoon ? Vous avez besoin de parler ? »

J’espérais qu’il me fasse confiance, mais parfois, nous avons simplement besoin de rester seul. J’étais prête à le laisser tranquille s’il me le demandait, ou alors de devenir une oreille attentive.

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Il vit à son regard que la jeune Graärh ne s’attendait pas à l’emporter si facilement. L’inquiétude peignit ses traits. Elle le lui indiqua d’un petit miaulement qui fit trembler son coeur. Le Tribyoon prit une longue inspiration et se retourna en s’assurant une mine de convenances ; les coussinets frétillants et la gueule relevée dans un demi-sourire, strié d’arrêtes comme une chaîne de montagnes. Pas très guilleret, c’est sûr, mais ça avait au moins la décence de paraître plus reluisant que son expression mélancolique. C’était parfois cela qui caractérisait tant le géant opalin. Il se devait d’être impétueux et impitoyable dans une bataille, mais se trouvait de façon romantique dans le couvert des murs feuillus d’une île qui lui était étrangère, et dans laquelle il regrettait à la fois Paadshaïl et Néthéril ; deux domaines séparés par les eaux profondes de la mer. Avec ça, il ne manquait rien pour dire qu’Asolraahn n’était parfois que héros par circonstance.

Mais il voyait bien dans le regard des siens et dans celui des bipèdes qu’il était devenu plus. Et ce n’était pas à cause de sa taille. Il avait un poids dans une balance qui les conduirait inévitablement vers un des deux chemins qui régissaient en général l’archipel : la paix ou la guerre. Le géant opalin ne voulait pas se retrouver responsable de la deuxième option. Et pourtant, tout portait à croire que leur destin était déjà scellé. En dépit des offrandes, des discours encourageants de l’empereur à ce sujet, des assemblées traitant de sujets éparses et bien moins loin de celui épineux d’un champ de bataille, Asolraahn avait vu qui composait la pièce de ces rassemblements : des délimariens, mais aussi des vampires, des Graärhs, des glaçernois, des membres de la famille Havremont. L’empereur cherchait des alliés et en avait trouvé. Il se préparait à la prochaine échauffourée qui viendrait de l’Est.

En entendant les mots de Nyana, le félin se tendit comme un ressort. Il n’aurait pas dû être attristé de cet engagement. Ce n’était d’ailleurs pas ça qui le déprimait. Le monde avait changé. Le fléau amené par les pirates avait instillé une volonté nouvelle à Vat’Aan’Ruda. Autrefois, les Garal étaient des fermiers et des chasseurs. Ils cultivaient les sols, louaient la terre et formaient une troupe attachée aux traditions et à la valeur des histoires. Aujourd’hui, les jeunes Garal voulaient tous devenir des shikaaree. Non pas des shikaaree. Ce mot même n’avait plus de sens. Dans leur langue, cela signifiait chasseur. Mais les Garal n’étaient plus des chasseurs. C’était une force armée, des guerriers prêts à se battre et à donner leur sang pour défendre leur terre. On n’arrêtait pas des smilodons en les nourrissant. Et tout comme les pirates trouveraient un moyen de prendre leur revanche, la légion Vat’Aan’Ruda devrait se tenir sur le qui-vive. Et elle aurait besoin d’alliés.

Ce n’était pas en vain que Nyana et Asolraahn étaient venus sur Khokattan. Mais quelque chose dans l’attitude de Nyana lui faisait craindre que les Garal ne sortiraient pas avant longtemps de leur méfiance envers les bipèdes. Il poussa un soupir en contemplant l’extrémité forestière et plus loin encore la cité portuaire s’étendant jusqu’à la mer. La promesse qu’Asolraahn avait tenu envers le Colérique ne serait pas de ces serments qui lui demanderait un tout petit effort de concentration :

-Tu auras ta part de combats, Nyana, affirma le géant opalin. Il y a peu de choses que je peux te garantir, mais ça, c’est une certitude. (Son poil gonfla d’amusement) Hélas. Moi j’aime bien ma vie et tu ferais bien de faire de même. C’est la seule que tu as. Un Graärh a besoin de beaucoup de choses pour étancher sa soif d’existence et je n’irai pas jusqu’à dire que le sang en constitue la principale source. Le combat en fait partie mais il ne faut pas être impatient de s’y rendre.

Cela n’avait que peu rassurée Nyana. La Graärh semblait véritablement inquiète de son état. Cela le toucha, mais lui indiqua également qu’il s’était bien mal exprimé. Alors Asolraahn se releva et tendit une patte qu’il posa sur l’épaule de la jeune Garal :

-Quand j’étais encore Nayaak sur Paadshaïl, j’ai perdu ma fille au cours d’un raid causé par les pirates. Ce soir-là j’ai tout perdu. J’ai abandonné mon nom, ma terre et ma légion pour partir à sa recherche. J’ai longtemps cru que c’était le devoir et l’honneur qui guidait mes pas. Et puis j’ai compris que c’était aussi autre chose : la haine. Une haine viscérale envers ceux qui m’avaient tout pris. J’ai décidé en réalité que j’allais me battre faire tout ce qui était en mon pouvoir pour que ce combat se termine par la mort de chacun de ces pouilleux des mers. Et tu sais quoi ? J’avais tord. Je me suis sacrément trompé ce soir-là. La haine et les combats sont sans fin. Il n’y a pas de limite à leur souffle destructeur. Il faut autre chose à un Graärh pour cheminer jusqu’au bout du voyage. Et il lui faut ne jamais se retrouver seul à l’emprunter.

Il plongea son regard dans le sien et parla d’une voix forte et empreinte de solennité

-Tout peuple a ses légendes et en retire des enseignements. Mais moi, je ne suis qu’un Graärh comme tant d’autres. Je n’ai qu’une qualité. Je sais très bien comment tuer. Je prie pourtant les esprits chaque jour pour que l’unique enseignement qu’on retiendra de moi ne soit pas celui de n’être qu’un héros lumineux venant balafrer la troupe noire des bouffeurs d’agrume. (Il eut un ricanement rauque) Même si je ne suis pas mécontent que cette leçon leur ait été inculquée. Toutefois, je prie aussi pour que parfois on voit en moi ce que j’ai vu dans cet empereur humain qui est venu sur notre île : un guerrier-né avec la volonté de protéger les clans, de les bâtir à même les grains de sable qui parsèment notre île pour en faire un grand peuple. C’est pour ça que j’ai voulu que tu m’accompagnes, Nyana Valthana. C’est à partir d’ici que nous créerons peut-être ce peuple. Et c’est aussi un honneur pour moi que tu sois présent à mes côtés.

Il ne pouvait pas dire le contraire. Leur mésaventure à Meerhagen avait prouvé à Asolraahn que bien nombreux étaient les dangers qui couvaient sur l’Archipel ; des menaces qui pouvaient venir aussi bien de l’île que du coeur des habitants qui en foulaient le sol. Sans la guerrière Maaro-saaya, le géant opalin n’était pas sûr que leur petite troupe aurait pu si bien défendre le village. Ils avaient alors prouvé à toutes les races de Tiamaranta que les Graärh avaient leur utilité et surtout, bien plus important encore, qu’ils pouvaient coopérer et qu’ensembles ils étaient plus forts. Il joua d’instinct avec une dague que les glaçernois leur avaient offert en cadeau de bienvenue :

-Ah ! fit-il soudain. J’ai besoin de plus de conseils que tu ne le crois. Par exemple les humains et leurs cités. Que penses-tu d’eux ? Tu leur fais confiance ?

Il se rappela aussi sa mélancolie qui l’avait touché naguère et lui avait fait perdre leur duel. Qu’à cela ne tienne ! Il réservait quelques surprises à Nyana et ne s’avouerait pas vaincu aussi facilement. Mais il fut tenté de partager cette mélancolie avec elle :

-Néthéril te manque-t-elle ? lui demanda-t-il alors. A moi oui. Je déteste cette chaleur, mais je m’y habitue peu à peu. Et j’aime sentir l’odeur de la légion en plein travail !

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Le félin blanc a toujours eu une grande sagesse, en tout cas, c'est ce que j'ai pu remarquer lorsque j'étais rentrée dans la légion. Je le respectais au plus profond de mon coeur et jamais je ne changerais cela pour rien au monde. Mon regard restait posé sur sa personne, alors que je le suivais en l'écoutant avec une grande attention. Jamais je ne pourrais oublier ses mots, cette tonalité, cette tristesse qu'il semble ressentir, comment pourrais-je oublier une telle chose ?

Mon coeur bat si vite, que j'en ai presque des frissons, je suis honorée par ce qu'il se passe et rien ne pourrais changer une telle chose. Lui qui a tant combattu, qui a tant vécu, je ne suis qu'une simple souris à côté de ce géant, et pas que physiquement, mais aussi mentalement. Sa sagesse est si grande que j'en ai la chair de poule et avec ses paroles, avec tout ce qu'il me dit, je ne peux que comprendre...

Nous qui sommes jeunes, avons soif de bataille pour honorer nos noms et notre famille, nous désirons le sang plus que tout au monde, pour protégé les nôtres. Mais avec le temps, cela semble nous affaiblir, en rêvant de paix et de sérénité.... Est-ce que je pourrais voir le monde de la même manière un jour ? J'ai longtemps erré parmi les hommes et revenir ici ne fait remonter que de vieux souvenir qui me déchire de douleur et de peine pour mes semblables...

« Tribyonn, en vous j'ai vu notre salue, notre survis dans ce monde en perpétuel évolution, je vous suivrez jusqu'à la mort. Personne d'autre ne sera aussi méritant que vous l'êtes. »

Ma tête s'inclina avec respect, je ne pouvais être que fière de mon dirigeant actuel, en attendant qu'une nouvelle dominante fasse son apparition parmi nous. Ce n'est qu'une question de temps, mais nous renaîtrons de nos cendres...

Mes oreilles se dressèrent de manière spontanée lorsqu'il me demanda conseil... Comment pouvez t-il avoir besoin de conseil d'une gräarh telle que moi ? Je ne suis qu'une simple guerrière avec des rêves comme beaucoup d'autres... Mais cela n'allait pas m'empêcher de lui répondre, comment refuser une telle chose ?

« Je serais honnête avec vous, Tribyonn... Mon coeur est voué à notre peuple, et contrairement à Reynagane, je ne suis pas aussi clémente qu'elle. J'ai vécu parmi les humains, certains sont digne de confiance, et d'autre non... C'est une chose commune à toutes les espèces malheureusement, comme pour la nôtre, nous ne faisons pas execption... Cependant, l'homme est cupide et j'ai peur qu'un jour ou l'autre nous en payions le prix fort... Nous ne pourrons jamais être certains de leur intention, la conquête de pouvoir peux rendre un humain différent, et si aujourd'hui nous sommes allieé à la famille Havremont, peut-être que demain ils seront victimes d'un coup d'état... Je ne peux cacher ma peur Tribyonn, mais quoi que vous choisirais, je sais que cela oeuvra pour notre bien. »

J'espérais que ma réponse allait lui convenir, je n'ai pas voulu entrer dans les détails, cela ne me semblait pas utile... Mais ma crainte était présente, celle que l'homme se retourne contre nous et que nous subissons une fois de plus la colère des visages pâles...

« Néthéril est mon lieu de naissance, peut importe ou je me trouve, mon coeur restera là-bas, avec sa chaleur et ses paysages... La ville n'est pas pour nous, nous avons besoin de vivre librement, dans un espace lié à la nature. Ils me manquent tous, vous savez, nous sommes un clan et chaque individu compte... Nous sommes une grande famille... »

Ma tête se posa naturellement contre le bras du mâle blanc, alors que mon regard était porté sur l'horizon, affichant un doux sourire. Des images de notre terre défilèrent dans mon esprit, et je ne pouvais qu'imaginer ce qui s'y passait.

descriptionLa sombre et le lumineux [PV - Asolraahn] EmptyRe: La sombre et le lumineux [PV - Asolraahn]

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Ils observaient tout deux l’horizon, dans le fumet humide du bois des frênes et des oliviers. Asolraahn ronronna. Il était heureux que Nyana Valthana soit présente à ses côtés. Sa force lui permettait de garder les coussinets hauts dans les pires moments. Le monde des séléniens était trop obscur par rapport au sien pour qu’il ait été capable de s’y rendre seul. Bien sûr, c’est ce qu’il aurait fait en d’autres circonstances. Il se rendait compte maintenant que cela aurait été un tord. Le simple fait d’entendre la Graärh parler de Néthéril et de leur légion le réconfortait.

« Ils étaient une grande famille ». Il y avait peut-être en ces mots ce qui manquait à Asolraahn pour comprendre pourquoi il avait été attiré sur l’île de Néthéril après tant de dévotions envers sa quête. Et ce qui l’avait poussé à se battre pour la légion qui s’y trouvait. Les Garal n’étaient pas uniquement un peuple, mais une constellation de frères et de sœurs qui avait su se retrouver et s’unir lorsque le besoin s’était fait sentir. C’était la parole déliée de Nyana qui la décrivait ; la parole d’une Graärh épongée de toutes les traditions, car elle n’avait pas vécu comme ses semblables dans des légions, mais au contraire loin d’elles ; l’assurance d’un regard innocent sur ce peuple singulier. Comme le géant opalin, elle les avait découverts après de longues années à errer dans un marais de ténèbres et de doute, sans être certaine de trouver une place quelque part pour elle.

Ils avaient eu tous les deux de la chance de trouver la légion Vat’Aan’Ruda dans le désert. Il paraissait donc évident qu’ils aient tant de difficulté à s’en éloigner. Mais leur but se justifiait : ils étaient partis non pas pour l’abandonner, mais pour la défendre à l’aide d’alliés puissants. Les Havremonts en étaient le pilier le plus conséquent. Leur pouvoir s’étendait sur quasiment toute Khokattan et il y avait une grandeur d’âme dans leur dirigeant ; à la manière du conseil tribal, il avait eu la volonté de réunir ses propres clans sous une seule bannière pour contrecarrer les manigances de ses ennemis.

Toutefois, Asolraahn fut sensible aux allégations de Nyana. La volonté d’un homme disparaissait avec son propriétaire. Si le Havremont tombait, les alliances s’effondreraient avec lui. Les séléniens n’accordaient pas de grande importance aux traditions et ils avaient fait des intrigues et trahisons une sanguine marotte. Ils ne pouvaient être à l’abri que le successeur de l’empereur ne voit pas d’un bon œil l’arrivée des Garal dans son cercle personnel. Ou pire encore qu’il y trouve bon compte au contraire et qu’il cherche à les utiliser pour son propre compte. Là-dessus, Asolraahn était d’accord. Les humains étaient des êtres volages ; les uns ne construisaient pas aveuglément ce que d’autres mettaient en œuvre pendant des années. Et au lieu de suivre les plans de leur civilisation, chacun préférait se tourner vers ses propres ambitions, parfois au détriment de leurs congénères. Un tel caractère avait des qualités comme des défauts. Mais plus important que tout, il s’agissait d’un caractère imprévisible :

-En ce cas, répondit le géant opalin, c’est à nous de peser les bénéfices et risques de cette alliance. Mon cœur me dit d’avancer et de faire confiance à l’empereur tant que sa vision du monde reste telle qu’il nous l’a décrite à Néthéril. Vois comme notre aide leur a été utile à Meerhagen. C’est un gage que ce voyage en valait la peine. Il serait malintentionné de notre part de penser qu’ils sont imparfaits et que nous sommes sans défaut. Le meilleur moyen de mener à bien notre tâche, c’est d’abord de croire à son accomplissement.

Il y avait un brin de naïveté là-dedans, il fallait l’admettre. Mais un brin seulement. Quand on avait du mal à cacher sa méfiance, on ne devait pas s’étonner d’en trouver dans la tête d’autrui. Le géant opalin voyait d’ailleurs leur devoir sur cette île avec un regard nouveau. Leur relation avec les Havremont ne serait pas suffisante pour que cette alliance fonctionne. C’était les séléniens au complet qu’il fallait convaincre, afin d’être sûr que le temps ne ternirait pas leurs accords. Il fallait faire en sorte qu’unir tous les peuples ne soit plus la vision d’un homme seul et qu’elle prenne l’ampleur du peuple qui la bâtirait. Cela uniquement cimenterait la certitude que la situation des Garal auprès des cités de Khokattan ne serait pas précaire. Cela prendrait forme à force de temps et de travail. Ils avaient déjà commencé à inspirer le respect en étant venus à l’aide des glaçernois. C’était une première étape. La prochaine serait d’amener les humains sur Néthéril et de leur montrer l’importance de Vat’Aan’Ruda au sein de leur coalition. D’autres Graärh viendraient étoffer cette manœuvre de leur appui. Il y en avait une d’ailleurs qui avait fait parler d’elle et que Nyana connaissait bien :

-Ne sois pas trop dur envers Reynagane. Sa décision de demeurer loin des nôtres n’était peut-être pas celle que j’aurais le plus approuvé, mais c’était la sienne.

Il couva alors un regard sincère sur Nyana. Il savait combien la petite guérisseuse avait été chère à ses yeux. Bien qu’ayant toujours été Ashuud, Reynagane avait fait son possible pour les aider lors des négociations avec l’empereur et avait apporté son soutien à certains membres de la légion. Sa perte était douloureuse et son départ, la preuve que tous les Graärh ne trouvaient pas toujours leur compte dans la légion. C’était une leçon difficile à accepter. Encore aujourd’hui, Asolraahn n’était pas tout à fait sûr des motivations de la Graärh déchue. Peut-être en vérité se sentait-elle à nouveau enchaînée chez eux, passant d’un maître à un autre, plus bienveillant certes mais l’obligeant à se fixer à une terre ? Peut-être que son esprit suivait une autre voie, plus aventureuse, et ne souhaitait pas être immobile dans une cité ? Le géant opalin avait connu des aventuriers de cette trempe. Purnendu Chitisak et Jangali Pasu avaient été de ces Graärh qui ne pouvaient rester éternellement au même endroit. Il les avait connu et avait respecté ce désir :

-Je comprends ta colère, ajouta-t-il. Tu désirais rester avec elle et vivre dans la légion. Tu voulais la voir à tes côtés et lorsqu’elle est partie tu as dû faire un choix : la suivre à nouveau ou te séparer d’elle à tout jamais. Nos plans ne sont souvent pas dépendants de notre volonté. J’aurais aimé qu’il en soit autrement, mais c’est ainsi.

Cependant, il ne pouvait condamner Reynagane. Lui-même avait pris une telle décision autrefois et bien que les conséquences aient été parfois malheureuses, cela avait été pour le mieux :

-Sache néanmoins que tout éloignée de nous qu’elle soit, ton amie jouera un rôle dans notre cause. Tandis que nous étions à Meerhagen, elle-même était ailleurs à aider d’autres gens. Sa présence chez les humains influence déjà leur vision des Graärh, car cette fois, elle vit à leur côté en tant qu’être libre. D’elle dépendra peut-être le succès de notre œuvre.

descriptionLa sombre et le lumineux [PV - Asolraahn] EmptyRe: La sombre et le lumineux [PV - Asolraahn]

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Le grand félin était si doux et si clément... Comment ne pas le suivre ? J'écoutais chacune de ses paroles et comprenais de mieux en mieux sa vision des choses. Moi qui suis fixe dans mes traditions, dans notre devoir, il parvient à arrondir les angles de mon esprit pour me rendre plus souple. J'avais peur, et lui aussi, mais sans étincelle, nous ne pourrions faire de feu... Il faut savoir prendre des risques pour survivre, et ce risque, j'étais prête à le prendre dorénavant. La flamme jaillira un jour, j'en suis certaine.

Il était de notre devoir d'aider l'Homme à se comprendre, car en réalité, ce qui pousse l'humain à agir de la sorte, c'est la peur de l'inconnu... J'en avais eu l'expérience en vivant enchaîné, en sachant que mon maître avait le pouvoir de la vie et de la mort sur ma personne... Mais malgré tout, j'ai toujours résisté et me suis sans cesse rebellée pour préserver cette flamme qui me réchauffait le cœur. Il ne faut jamais la laisser s'éteindre, jamais... Sans elle, tout être finirait perdu et la remonter est bien trop difficile seul.

« Nous le ferons tous ensemble Tribyoon. Je serais à vos côtés et un jour, notre rêve se réalisera. Si ce n'est pas avec nous, ce sera avec nos successeurs, et ils préserveront ce lien. Nous ne pouvons plus rester à l'écart, alors, faisons en sorte que notre peuple vit sereinement auprès des humains. »

Mon regard, c'était posé sur le grand félin, et un sourire naquit entre mes babines. J'étais heureuse et toute peur venait de disparaître. Nous devons faire avancer les choses, et si par malheur, nous ne sommes plus de ce monde pour voir le résultat, nous aurons au moins fait avancer les choses pour que la prochaine génération puisse vivre sans la peur d'être attaqué par les sans-poils.

Mon cœur se mit à battre plus fort lorsqu'il parla de ma sœur de cœur. Je lui en voulais, je ne pouvais pas le cacher, nous avions toujours été ensemble depuis notre amitié sur la terre des humains. Si les choses avaient été différentes, probablement qu'on ne s'apprécierait pas autant, mais quelque chose a fait que notre amitié soit si forte, qu'on se considère comme deux sœurs... Un sentiment si fort me semblait impossible, car mon lien avec la famille n'était pas aussi étroit qu'avec Rey...

Comment pouvais-je lui pardonner d'être parti ? Malgré tout, Asol tenta de me faire changer à ce sujet. Ce n'était pas facile pour elle, je me rappelle encore de ses larmes quand elle a enfin essayé de me tenir tête... Je lui avais laissé le choix, celui de rester près de moi et celui de partir au risque de briser notre lien... Elle n'avait pas hésité, choisissant les humains, et je m'étais resté dans cette idée, eux plutôt que notre espèce... Peut-être que le grand blanc à raison, qu'elle œuvre pour notre peuple avec tristesse d'être loin de nous, mais je ne pouvais m'empêcher d'y voir de la trahison à son départ... Elle était tout pour moi et je ne voulais pas quitter ma terre une fois de plus et être reniée...

Mon visage finit par s'engouffrer dans le poil blanc du mâle, un faible ronronnement pour cacher ma peine grandissante. Je voyais en lui un certain réconfort, peut-être, était-ce l'aura qu'il dégageait, ou alors son poil qui le fait ressembler à une chose que l'on aimerait enlacer... Je ne sais pas trop, peut-être, était-ce autre chose, mais j'avais besoin à cet instant de ce contact qui me manquait tant...

Rey est ma petite sœur, et je ne pouvais pas affirmer que lorsque je la reverrais, nous serions de nouveau aussi proches... Ma carapace ne se brise jamais aussi facilement, et parfois la distance et ce qui nous protège le plus de ceux qu'on aime... Car elle ne reviendra jamais réellement... Cette histoire n'est plus qu'un tas de cendre que je devais oublier...

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Asolraahn fut heureux de voir un sourire naître sur les coussinets de son amie et l’encouragea en retroussant ses propres babines, révélant ses crocs d’ivoire meurtriers. Cette figure menaçante fut de courte durée, lorsque sa langue râpeuse et rose se déroula pour lécher le front de la guerrière. Il espérait de tout cœur que Nyana ait raison et que la décision de se joindre aux séléniens irait dans le sens de leur peuple et de sa sécurité. De tous, les Graärh étaient les plus isolés, avec ce paradoxe qu’ils étaient les moins individualistes et qu’ils apportaient plus que beaucoup d’autres. Leur avenir se jouait sur l’espoir de se voir offrir une place forte dans le nouveau monde de l’archipel. Pour cela, il fallait cesser d’appréhender et d’esquiver. Il fallait sortir radicalement de cette dévalorisation de leur légion, de cette conduite de confort et d’échec ; que les graahron grandissant aujourd’hui puissent voir leur demain avec moins de secrets et d'incertitudes ; qu’ils arrêtent de fuir et qu’ils affrontent, qu’ils aient la bravoure de risquer…

-Puisses-tu dire vrai, Nyana Valthana, fit-il dans un souffle. Puisses-tu dire vrai.

Ce rêve devait avoir lieu pour leur survie. Il fut rasséréné de savoir qu’il n’était pas le seul à le penser, que même une Graärh ayant souffert les pires outrages entre les mains de ces nouveaux venu soit capable d’apprendre et de pardonner.

Mais la peine qu’il sentit ensuite en elle, à l’évocation de sa sœur de cœur, fut si grande qu’il eut un mouvement de recul ; pas de crainte ou de dégoût bien au contraire, simplement une acceptation des limites à l’aide qu’il pouvait lui apporter. Nyana était une Graärh courageuse et forte. Ce qui la touchait aujourd’hui était une épreuve qu’aucune parole ni aucun sentiment ne pouvait apaiser. Asolraahn comprenait cela. Perdre sa fille avait été la plus douloureuse et la plus amère des leçons qu’il ait dû apprendre, et il n’aurait pas souhaitait qu’on vienne lui dire que le monde était dur, que tout le monde à sa mesure souffrait ou que les blessures guérissent. Toute terrible qu’était sa souffrance, Nyana devrait apprendre à la combattre seule.

Silencieux et attentif, Asolraahn la tint contre elle, la réconfortant en gonflant le poil opalin qui saillait de son corps, sentant son souffle chaud le caresser jusque dans ses chairs. Son ronronnement s'intensifia alors qu'il laissait une de ses grandes pattes lui caresser le dos par d'amples mouvements. Elle avait besoin de lui et il avait besoin d’elle. Ni plus ni moins que ce contact leur permit de conserver une certaine qualité de paix dans leur âme.

Ainsi demeurèrent-ils, non loin de la route, pourtant éloigné des indiscrets et du tumulte vertigineux des chaussées urbaines et des cités humaines. La canopée prodiguait une pénombre d'une fraîcheur exquise. Perruches et perroquets carillonnaient sur les branches lointaines. Le silence les accompagnait mais il n’était plus aussi pesant qu’autrefois ; il conservait ce sentiment naturel d’inconfort propice à ceux qui sont loin de leur foyer et qui se trouvent en un lieu inconnu ; il était néanmoins soutenu par leur compréhension mutuelle. Les Graärh n’avaient pas toujours besoin de paroles pour se sentir heureux. Même un simple ronronnement pouvait dégrafer leur sourire.

Et ainsi demeurèrent-ils, non loin de la route.

Peut-être quelques voyageurs passèrent dans les environs, suivirent le sentier marbrés de quelques traces de pattes griffues. La plupart ne les virent même pas, et les autres ne suspectèrent rien et ne s’approchèrent pas des bois. Pourtant, cela ne sembla pas calmer la peine de la guerrière. Asolraahn s’en attrista.

Les gens qui tenaient le plus à cœur étaient parfois ceux qui étaient les plus cruels. Ils sont heureux de nous voir. Mais ils ne savent pas à quel point chaque moment avec eux, jusqu’au départ, laisse des traces, des empreintes longues, des éraflures et des rêves. Reynagane Shaa à n’en pas douter se nourrissaient de rencontres, presque tous les jours, par dizaines de dizaines. Le parfum de cette découverte était doux comme une friandise et pouvait lui faire oublier ceux qui étaient de son sang. Elle pouvait vivre au présent, ouvrir les volets de ses paupières, laisser passer. Pour des Graärh reclus dans leur légion, c’était différent. Ils vivaient en louvoyant l’habitude, les rencontres à chaque fois répétées, et la lassitude se gagnait comme un vin qui jamais plus ne se remplissait.

Il n’était pas si étonnant que Nyana désire ardemment voir leur légion se rapprocher des humains. Car de cette opportunité, se révélait l’espoir de retrouver celle qu’elle avait perdu et d’effacer la séparation qui la hantait depuis des mois. Le géant opalin craignit qu’elle n’aille au devant de certaines déceptions, hélas. Il se demandait quelle apparence et quelle moralité seraient celles de la Reynagane qu’ils retrouveraient plus tard, si elle serait toujours la même que lorsqu’elle était partie. Il en doutait. La vie à Khokattan les avait déjà changé en quelques jours, les avait rendus nonchalant. Quels effets auraient-ils sur une Graärh vouée à elle-même ?

Mais il ne pouvait plus rien pour elle désormais. En revanche, il pouvait aider Nyana à passer le cap, lui faire oublier peu à peu ses affres et sa peine ; l’aider à trouver dans la légion ce qu’elle avait perdu avec sa sœur. Il ne pouvait pas la laisser broyer du noir et continuer à tolérer cette truffe tirée à l’excès par la fatigue et l’immobilité, l’esprit assujetti à la torpeur. D’autant plus qu’il était en partie responsable de son état, car c’était lui qui le premier avait fléchi vers la mélancolie de leur île, vers son petit-fils Shuu’ran qui lui manquait. Il devait lui remonter le moral et réveiller à nouveau son énergie.

Il savait que Nyana était une Graärh vivant à l’instinct : une guerrière-née taillée pour le combat. Alors il tenta de lui faire oublier sa peine. De la seule façon qu’un ancien Nayaak rôdé au duel savait y faire.

Soudain, la patte qui caressait le pelage de la guerrière se durcit. Il poussa de toutes forces contre son dos et la força à se relever tandis qu’il faisait de même. Il claqua des crocs, plus pour éveiller la menace que pour attaquer. Lorsque Nyana se retourna, il tira vivement de ses pattes deux fins scramasaxe et en lança un en direction de la Graärh :

-Fini de lambiner maintenant, dit brutalement Asolraahn. Tu voulais t’exercer et t’endurcir, petite. Alors dansons.

L’entraînement reprit.

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Le félin blanc savait ce qu'il fallait dire pour me rassurer, les gestes nécessaires pour m'apaiser... Sa langue râpeuse avait glissé sur mon front, c'était agréable, mais aussi surprenant. Nous nous étions rapprochés, et je le voyais bien plus que mon supérieur désormais. Il n'était pas que mon Tribyoon, mais un ami que j'admirais.


C'était doux et délicat, comme si je flottais sur un nuage. Les paupières fermées, je pouvais presque imaginer ce que c'était que de voler dans les airs. La douce brise de la ville, bien plus fraîche que celle que l'on peut ressentir sur Néthéril effleurait mon pelage, faisant vibrer mes moustaches. C'était ce qui me manquait à cet instant, et dans cette sensation de douceur, de plénitude, j'étais presque en mesure de sentir l'odeur de ma sœur de cœur, d'entendre sa voix, son rire qui par le passé me réchauffait le cœur...


Ma tête se posa un peu plus contre le corps large du mâle des neiges, ma fourrure pris du volume à son tour, laissant naître un doux ronronnement de bien-être. Comment pouvait-on rêver de parcourir le monde alors, que tout ce dont nous avons besoin se trouve dans la légion... Jamais je n'aurais la réponse à cette question, je le savais, et malgré tout, je ne pouvais jamais m'empêcher de me la poser et de pensée à elle...


Elle me rend plus faible lorsque la tristesse m’envahit, mais aussi plus forte, lorsque la colère me prend. Je pensais avoir trouvé un équilibre avec ma petite Rey, mais ce n'était qu'une simple illusion...


Je me réveille brutalement, alors que mon corps est poussé à la renverse. Par réflexe, je protège ma vue, avant de me relever. Au début, mon esprit était tourmenté par de multiples interrogations, je n'avais pas senti le danger venir, et je ne savais pas ce qui se passait. Tout prit un sens lorsque mon Tribyoon prit la parole, sa voix grave traversa le silence pour se loger au creux de mes oreilles. Il était plus dur, pour me pousser dans mes retranchements, et comme tout félin, cela fonctionna parfaitement...


Il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour me cerner et un sourire en coin se dessina sur mon visage. Montrant peu à peu mes crocs en retroussant mes babines, je devais oublier la peine, et me concentrer sur la douleur que je ressentais, sur cette colère qui m'envahit à chaque fois et que je ne parviens pas à canaliser.


Mon corps esquiva les projectiles, l'entraînement avait repris et bien rapidement, j'avais oublié les nombreux sentiments négatifs qui m'avaient envahi. Me jetant face à lui, c'était risqué certes, mais un jour, je rencontrerais bien plus gros que lui, comme les monstres que nous avons combattus, et ce jour-ci, il faudra bien frapper la tête la première...


Mes pattes s'agrippèrent autour de son coup, je profite de ma petite taille et de l'énergie cinétique dégagé pour glisser derrière lui. Ce n'est pas toujours digne de frapper dans le dos de quelqu'un, mais parfois, cela s'avère être bien utile... Ma queue s’entoure autour de sa patte arrière, le bloquant du mieux que je pouvais, avec l'espoir de le faire tomber.

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Il n’attendit pas qu’elle ait comprit ou non son commandement. Il avait lancé l’affrontement sans prévenir. Dans une bataille, nul avertissement ne sonnait la fin prochaine. Nyana Maaro-saaya devait faire preuve de réactivité et aussi d’un peu de piquant. Il ne fut pas déçu. Il s’était attendu à s’amuser avec un petit duel de lames. Mais le scramasaxe qu’il jeta en direction de la Graärh ne fut pas réceptionné comme il l’avait escompté. Elle l’esquiva comme une attaque soudaine et la lame passa à un poil de son dos courbé. 
 
Nyana se mit ensuite en position d’attaque, aussi prestement qu’un smilodon en chasse. Asolraahn ne daigna pas lui refuser un feulement amusé. Elle voulait poursuivre à l’aide de ses poings, contre un géant tel que lui. Elle ne manquait pas de cran, ni d’entrain. Le géant opalin suivit lentement le même geste qu’elle et se prépara à l’affrontement, sa patte avant droite la tenant en respect, l’autre prête à défendre un assaut comme pour riposter.
 
La guerrière chargea droit sur lui. L’œil aiguisé d’Asolraahn s’attifa de l’examen sommaire qu’un maître userait pour dénicher les erreurs commises par son élève. Il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas entraîné des troupes pour le champ de bataille et à vrai dire cela n’était pas le but de leur petit jeu ici. Mais en voyant la Graärh fondre sur lui, le géant opalin se rappela de la poussière du sable, des cercles de combats, des centaines de Garal que Sa’Hila Bhediyon-ke-saathi, l’ancienne Kamda Aaleeshaan de la légion, lui avait demandé de préparer pour la guerre contre les pirates. En quelques secondes, les rouages de cette vaste machinerie militaire s’éveillèrent dans un creux cuirassé de son esprit. A cette époque-là, il pouvait révéler les moindres défauts dans la garde d’un shikaaree, trouver chaque bévue qui causant la mort. 
 
Et Nyana avait commis là une terrible erreur. Après sa piètre démonstration due à ses momentanées introspections psychologiques, elle crut peut-être qu’il restait encore un peu secoué par leur conversation ou que ses souvenirs de Néthéril rejailliraient au plus fort du combat. C’était on ne peut plus faux, et à cette occasion, le géant opalin se permit de le lui prouver. 
 
Il s’élança dans sa direction avec la même ferveur, le poids et la force en plus. Il la projeta d’une patte dans les airs et la Graärh fit une pirouette pour se rabattre sur son cou. Au moment où il faillit l’attraper en étau entre ses bras, elle glissa dans son dos pour lui infliger un nouveau coup de grâce. Si elle n’avait pas leur force, elle avait une solide témérité de rhinocéros laineux. Elle crut même pouvoir piéger sa patte en l’enroulant autour de sa queue. C’était osé car c’était une technique dont elle s’était déjà servie durant leur précédent combat. 
 
Mais le géant opalin ne l’empêcha pas de le faire. Au contraire, il attendit qu’elle ait effectué son petit larcin pour retourner sa stratégie contre elle. Au lieu d’essayer de se retourner pour l’attraper de son autre patte, le géant opalin mit tout le poids de sa carcasse en arrière et les fit tomber tout deux sur la terre ferme. Le sol émit une plainte mat de tapis révolté et les branches des arbres tremblèrent de la secousse. Le géant opalin roula sur le côté et profita du piège de la guerrière sur sa patte pour l’attirer à lui. 
 
Dans le même mouvement, il voulut la ceinturer de sa patte droite mais se ravisa finalement avec un court feulement. Son bras étant toujours bloqué dans la queue de Nyana, elle avait un point d’attache audacieux pour le tenir en respect et il préférait s’en libérer d’abord. Ses griffes et crocs surgirent, plus menaçants qu’autre chose, claquant en direction de sa patte pour montrer le danger que la guerrière encourrait en conservant sa prise. Il ne sut si cela venait de lui ou s’il s’agissait d’une autre action calculée de la part de Nyana, mais sa patte fut libérée. Il chercha à pousser l’avantage en rattrapant lui-même la queue pour reprendre la rixe, mais la Graärh était rapide. Elle disparut de son champ de vision et il s’esquiva du sien pour faire bonne mesure.
 
Ils furent de nouveaux sur leurs pattes. Et chargèrent encore. La bande de bleu dans le ciel se versa dans un entonnoir d’ombre à l’horizon, le transforma en un vin rougeoyant de braise, et le jour périclita. Deux rixes ne tardèrent pas à échauffer leurs muscles. Trois autres entamèrent leur endurance et la fluidité de leur coup. Elles leur donnèrent l’occasion d’apprendre les mouvements et les techniques de l’autre, jusqu’à ce que chaque combat ne soit plus qu’un enchaînement d’échec à mettre l’adversaire en danger. Au bout d’un moment, il devint évident que chaque affrontement ne serait plus qu’une série d’anticipation. C’était une bonne chose, car cela voulait dire qu’ils avaient appris et qu’ils pouvaient désormais entamer les hostilités. Le géant opalin la salua alors avec un respect renouvelé, récupéra tranquillement les scramasaxes jetés au sol. D’une légère pression, il joua de la dague pour en attraper une par la lame et tendit le pommeau à Nyana : 
 
-Maintenant je veux voir ce que tu vaux avec une arme, fit-il. D’ordinaire, le sang n’a pas sa place dans un cercle de la légion, mais nous ne saurons tolérer de méprise. Nous ne saurons tolérer ni méprise, ni incertitude. Nous devons être forts pour ceux que nous aimons. Ce sera à la première goutte tombée.
 
Lorsque la guerrière attrapa l’arme, le géant opalin ne lui donna pas le temps de la soupeser ou de vérifier son équilibre. Il avança et se fendit sur le côté pour enchaîner par un coup à revers, en prenant de l’élan pour porter toute sa force sur le coup envoyé.

Dernière édition par Asolraahn le Mar 10 Aoû 2021 - 16:58, édité 1 fois

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Une tactique fonctionne souvent une première fois, mais jamais deux… J’aurais dû m’en douter, mais j’avais tout de même tenté cette approche, parfois, cela peut fonctionnement, c’est en essayant que l’on peut vraiment savoir. Seulement, je n’avais pas vu venir sa contre-attaque, en se courbant le dos, m’écrasant avec une telle violence, qu’un pauvre miaulement naquit entre mes dents. Je pouvais le certifier dorénavant, ce n’est pas un colosse en mousse, il pèse son poids et ne plaisante pas avec…

Je me relève difficilement, en réalité, je n’ai pas eu le temps, que sa mâchoire, c’est approché de manière trop dangereuse de ma patte et durant un instant, e dois admettre que j’ai eu peur… Le manque d’expérience m'a rendu vulnérable, et durant ce temps, j’ai cru voir mon jumeau en rire et la colère me pris de nouveau…

J’ai lâché prise, mais je n’ai pas voulu abandonner le combat ! Au grand jamais, aucun félin ne doit quitter le champ de bataille, son honneur ainsi que sa famille et en jeu… Reculant avant qu’il ne puisse me toucher, disparaissant de son champ de vision, en usant de ma fine carrure pour me déplacer rapidement. Je me suis remise à une distance de sécurité avant de foncer de nouveau vers cet être rempli de muscle et d’un pelage trop doux !

Si l’arrière ne pouvait plus fonctionner, je devais m’adapter et lui faire face, sans aucune peur, sans aucune hésitation, je devais l’affronter au corps-à-corps, en profitant de ma vitesse, pour frapper puis reculer sans arrêt. Ma faible expérience du champ de bataille ne limitait pas vraiment mon imagination, même si certain de mes coups finissait en échec, c’est en allant de l’avant qu’on progresse et je ne voulais pas décevoir mon Tribyoon.

Le temps avait grandi, et avec lui, la clarté diminua peu à peu, laissant place à un couché de soleil avec des ton rosé, mais pas aussi magnifique que dans notre pays d’origine. Doucement, la pénombre arrivera bien assez tôt, et malgré ma respiration saccadée, mon regard se releva pour se plonger dans celui du félin lumineux. La lumière allait se coucher, pour laisser place à l’obscurité. La voix du mâle s’éleva dans les airs, il y avait une telle assurance, que je ne pouvais m’empêcher d’être émerveillée à son contact. Que ce soit dans la douceur ou la brutalité de la vie, il avait cette aura qui tournait autour de lui, et pour tout ce qu’il représente, j’étais prête à me sacrifier pour cet être…

Prenant la dague entre mes pattes, je n’ai pas eu le temps de hocher la tête, ni même de prononcer des mots, qu’il m’attaqua sans se poser de question. Le premier sang qui tombera… Je ne savais pas si je réussirais à fendre sa chair en première, mais j’allais tout faire pour que cette victoire me revienne. Je ne devais plus le voir comme un allié, mais comme un ennemi. Jamais l’on ne désire faire du mal à un être que l’on apprécie, on est toute une grande famille et cela peux nous affecter plus qu’on ne pourrait le croire… Une coupure, ce n’est rien de bien méchant, mais c’est le geste qui me choque le plus personnellement…

Je devais tout oublier et profiter de mes avantages physiques pour reporter cette manche. Je ne devais pas me laisser distraire, ni même laisser mes émotions prendre le dessus. Je voulais faire durer l’exercice dans le temps, assez pour que la pénombre soit mon alliée et que je profite de cet avantage pour surgir des endroits qu’il ne soupçonnerait même pas. Restant sur la défensive durant un certain temps, je finis par passer à l’attaque, usant de ce qui m’entourait pour prendre de la hauteur et sauter vers le visage du félin. Cela sera probablement ma seule attaque valable, car avec son expérience légendaire, son contre-coup pouvait m’être fatal et me faire perdre notre duel, mais je voulais le tenter, ou du moins, si cela ne réussit, tenter une esquive miracle…

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Un bon guerrier était comme un artiste : il aimait l’élégance, le tour de patte façonné par de longues journées de pratique et d’entraînement, le geste marié à l’intention dans une parfaite union. En bref, le travail fignolé, expurgé de toute faute. Hélas, le combat ne rompait pas toujours à de telles règles. Il fallait parfois du chaos pour créer l’ordre. C’était sans doute la stratégie que prit Nyana lorsqu’elle décida de reculer face à son assaut. D’une pirouette de la patte, son sacramasace ripa sur celui du géant opalin. Ce dernier se fendit brutalement en avant, l’arme pointée vers l’épaule de Nyana. Cette fois, la guerrière faillit être surprise. Elle ne se déroba que d’un poil et le métal tinta contre l’arbre derrière elle.

Néanmoins, le geste brusque lui permit de la déséquilibrer. Privée de la souplesse nécessaire pour se livrer à un jeu de feintes et d’esquives, Asolraahn en profita pour pousser l’avantage. Il n’était pas des plus habiles avec une fine lame et il devait prendre du confort là où il en trouvait. Il attaqua à nouveau non sans difficulté avec le manche de son arme. Chaque choc les ébranlait tout deux avec la force délétère d’une tempête. En parant un nouvel assaut, le géant opalin bloqua le bras de la Graärh dans l’étau de sa poigne tout en repoussant son sacramasaxe vers l’arrière. Il escomptait ainsi porter une légère entaille à son bras et conclure le duel.

Ce ne fut pas le cas. A la place, la Graärh imprima une violente torsion à son bras et s’esquiva dans un mouvement spectaculaire. Elle parvint à s’éloigner suffisamment pour prendre du champ. Elle se mit alors en position défensive, faisant tournoyer sa lame plus large qu’un couperet en moulinets hargneux, trop fugaces pour être repéré. Asolraahn recula devant cette tornade de fer ; il tenta de frapper trois fois par estocades, mais les lames se heurtèrent à grand fracas, dans une gerbe d’étincelles, et il ne parvint pas à percer la garde de la guerrière.

La lune clignotait sur les branches véloces, dispensait une clarté de plus en plus troublante. La lumière vacillante éclairait les Graärh en centaines de petits faisceaux, déformant les grimaces de concentration ou d’effort en rictus spectrales, projetant leurs ombres félines sur le terreau fertile des fougères. Parfois, un sacramasaxe saisissait à pleine dents le panache de lumière et semblait nimbée d’une énergie liquide. Les cris et les impacts retentissaient avec une force surnaturelle, répercutés dans les combes ténébreuses de la forêt.

Au plus loin de l’action, même les voyageurs entendirent le tintamarre. Ils étaient souvent accompagnés de force armée ; parfois c’était des mercenaires qui passaient par là. Mais en entendant les feulements sauvages et le gémissement effroyable de l’acier grinçant, tous éprouvèrent une sensation de terreur froide. Ils filèrent en fuite désordonnée ou poursuivirent leur chemin avec plus d’entrain en passant sur la route qui menait jusqu’au port. La plupart ne dirent rien de ce qu’ils avaient entendu ce soir-là ; ils ne soufflèrent pas même un mot sur l’impression terrifiante que deux chats sauvages se disputaient un territoire d’hêtraies et de sapinières. Les plus bavards osèrent prétendre que les couronnes des cendres étaient de retour et préparaient le massacre de la cité. Mais leurs murmures ne trouvèrent pas oreille où élire domicile et l’on ne pensa bien plus tard qu’à un règlement de compte entre deux mystérieux spadassins.

Au cœur de l’action, la musique du combat s’était à nouveau ralentie. Abrutis et rendu balourds par des heures d’efforts et d’entraînements, les deux duellistes avaient eu leur comptant de charges pataudes, d’engagements perturbés et de frappes brouillonnes ; le combat ne pouvait durer éternellement. Asolraahn eut alors l’intuition étrange que Nyana l’égarait, que quelque chose lui échappait, qu’il y avait un leurre…
Ses doutes se confirmèrent lorsqu’au terme d’une ultime frappe, la guerrière se jeta avec agilité sur la branche d’un arbre avant de grimper un mètre plus haut à l’aide de ses pattes. Elle se repliait sur son agressivité nouvelle ; comme lui, elle avait finalement décider de changer de style de combat. Elle attendait quelque chose de sa part ; une faiblesse sans doute, une erreur de jugement, une attaque mal calibrée ; ou peut-être quelque chose qui aurait lieu indirectement de son fait. Pour le géant opalin, cela sonnait incroyablement dangereux. Ce combat-là ne ressemblait pas à son expérience de la guerre, mais plutôt à celle de ses chasses. Nyana attendait tranquillement là où il ne pouvait pas l’atteindre ; elle le traquait comme une bête féroce, attendait le bon moment pour lui infliger un coup sévère censé le vaincre.

Il tourna la tête de tout côté, cherchant la silhouette de la guerrière. Mais la pénombre n’était chargée que de la lumière blafarde et timide de la lune et le sous-bois dense était extrêmement pernicieux. Bien que sa vue soit perçante, le géant opalin ne pouvait guère discerner de Graärh au pelage sombre dans ce branchage véhément. Une haleine glaciale s’exhalait par bouffée du vent qui descendait sur lui. Le guerrier se pencha au travers de l’arbre sur lequel Nyana avait grimpé. Il entendit alors un frissonnement dans les hauteurs. Des feuilles tombèrent et une secousse rendit folle les ramures entripaillées. Par les Esprits ! Elle sautait d’arbres en arbres pour tromper sa vigilance. Elle voulait l’attaquer par surprise.

Inutile de la traquer dans ses conditions. La guerrière ne fuirait pas la rencontre. Elle attendait simplement qu’il se déplace, qu’il perde patience et fasse fi de la prudence. Asolraahn ne lui offrit pas ce luxe. Fauché par la fatigue, le géant opalin n’avait pas la force de courir entre les arbres pour aller grimper non sans mal dans des hêtres peu coopératifs. A la place, il baissa son sacramasaxe et le plaqua contre sa poitrine de manière à lui masquer l’emplacement de la lame. Il attendit l’assaut irrévocable. Tout lui parut soudain très silencieux. Il comprit à cet instant que leur combat avait fuir les animaux et que les oiseaux avaient cessé de chanter. Le bruissement des frondaisons nappait ce calme irraisonné d’une logique glaçante. Le bruit d’un cours d’eau se précipitant dans le fond d’un vallon trouva le chemin de son ouïe. S’efforçant de se concentrer, le félin demeura stoïque et ne fit pas attention à ces sons parasites. Il attendait le chuintement d’une lame, une branche ployant sous un appui sourd ou même un discret feulement.

On lui apporta tout à coup les trois, juste derrière lui. Asolraahn se détendit tel un ressort, se retourna pour apercevoir l’expression triomphante de la guerrière et l’éclat du sacramasaxe. Le géant opalin découvrit soudain sa propre lame et les deux Graärhs se percutèrent. Ils chutèrent tout deux au sol, roulèrent sur six pieds. Aucun d’eux ne se releva tout de suite. Sang versé ou non, il sembla que le combat était terminé. Puis Asolraahn se releva en poussant un grognement las. Il releva la tête et constata que Nyana faisait de même, avec un peu plus d’énergie. Il eut un sourire victorieux en remarquant une petite coupure sanguinolente sur le poignet de la Graärh :

-Finalement, déclara-t-il amusé, voilà au moins un combat que j’aurai réussi aujourd’hui.

Il grogna à nouveau en sentant une douleur sur sa poitrine. Il baissa la tête pour trouver son poil rougi de sang, une fine estafilade partant de sa clavicule gauche et descendant jusque sur le haut de la poitrine.

Tout compte fait peut-être pas, songea-t-il.

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La suite des enchaînements se déroula rapidement le félin blanc était bien plus fort que ce que j’ai pu entendre sur lui. J’ai même eu l’impression, qu’il s’était retenu depuis tout ce temps, et que je découvre enfin de quoi il était capable, mais il est aussi probable, qu’il ne soit pas à son maximum. Après tout, notre état d’esprit est au combat, mais nous savons que nous ne sommes pas ennemis, et de ce fait, nous retenons sans nous rendre compte, nos coups. C’est une chose que l’on ne peut contrôler, c’est instinctif, cela se passe dans notre subconscient après tout…

L’acier s’entre choc dans tout les coins, les passants nous évitent, et change même de chemin, le crépuscule se transforme doucement en nuit, et je ne m’en rends même pas compte… La fraîcheur s’installe, et notre chaleur corporelle est si grande, que l’on ne fait même pas la différence. Je me bats avec ardeur, mettant toute mon âme dans chaque attaque, parvenant parfois à mes fins, mais il me déséquilibre souvent, me positionnant dans une posture fatal pour moi.

Je me concentre et tente plusieurs feintes, mais sans trop de succès, il sait comment je me bats, et finalement, j’opte pour une approche différente… Grimpant dans un arbre, je me réduis au silence, fixant ma cible, tout en me déplaçant d’arbre en arbre. Je reste la plus silencieuse, attendant comme s’il n’est qu’une simple proie. Au corps-à-corps, cela peut durer encore toute la nuit, et la fatigue était présente sur mon visage, et mon corps criait de douleur et demandait du repos. Je devais mettre fin à notre entraînement, et il le comprit aussi. Cessant de me chercher, il reste au milieu, baissant la tête, guettant le moindre son, la moindre chose qui pourrait dévoiler ma présence. Puis lorsque le silence fut aussi mortel qu’une lame. Je me jette sur lui, son visage se tourna vers moi, parant mon coup, et je sentis une douleur s’installer sur mon bras, échappement un feulement de douleur que je voulais retenir. Puis finalement, nos deux corps roulèrent ensemble sur plusieurs mètres avant de s’arrêter.

Le grand blanc se redresse, souriant et respirant fortement, je me dégage de lui, puis m’assoi à ses côtés, baissant le regard sur la plaie que j’avais reçu, léchant cette dernière, comme un animal, après tout, c’est une partie de ce que je suis et l’instinct me demande à lécher mon propre sang pour laver la plaie. Je finis par regarder le Tribyonn, et remarque des taches rouges sur sa poitrine, et mon sang ne fit qu’un tour dans mon cerveau. Je l’ai blessé…. Une part de moi est heureuse pour cette réussite, ce n’est pas tous les jours qu’on parvient à toucher notre dirigeant, mais en même temps, je suis attristé et espère qu’il n’en souffre pas trop… Peut-être que c’est un coup de chance, où alors, la preuve que je m’améliore, je ne saurais pas dire, mais c’est une sorte de fierté…

« Vous allez bien Tribyonn ? »

J’approche mon visage de sa blessure en reniflant, nous n’avions rien prévu pour nous soigner en cas de blessure, on devait sans doute rentrer, mais la nuit était si belle, que je n’avais plus envie de bouger… Cela venait aussi du fait que mes pattes refusaient de me porter…

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Au début, Asolraahn sentit que cette douleur l’agaçait. La blessure qu’il venait de recevoir à la poitrine n’était certes pas bien grave. Il en avait encaissé une bonne autre flopée durant les derniers jours, la grande majorité bien plus grave que celle-ci. Les affrontements, ça le connaissait. Les entraînements à la dure aussi. Il avait été Nayak d’une légion bien avant d’être le Tribyoon d’une autre, et ce n’était pas ce changement dans ses fonctions qui aurait su altérer ses capacités martiales. Dans des circonstances normales, il n’aurait pas même relevé la souffrance et aurait juste léché la plaie pour la cautériser et adoucir son aspect. Cependant, passé la surprise de contempler son sang couler sur sa poitrine, le sentiment qui enfla chez lui, ce fut un accès d’agacement irraisonné, sauvage, étranger à ce duel.

Car il avait été si sûr de sa victoire, si certain de ses réflexes, que la plus grande blessure qu’il subissait aujourd’hui était celle qui touchait non pas à son corps, mais à sa fierté.

En jetant le gant amicalement à sa congénère, il avait cru être capable de venir à bout de la jeune Graärh aussi facilement que tout autre combat. Celle-ci était loin d’être une adversaire de seconde catégorie et cela aurait été une erreur de la considérer en tant que tel. Mais en son ancienne qualité de maître d’armes, il avait pensé qu’il serait bénéfique de transmettre à Nyana certaines de ses techniques, de donner l’exemple lorsqu’il s’agissait de dégainer le fer. Après tout il avait de l’expérience, et le nombre de ses victoires ne se comptait pas sur les griffes de la patte. Les postures de combat, même si pas toujours adoptées au quotidien, revenaient toujours d’instinct.
Cela avait du moins été le cas auparavant…

Ce soir-là, cette blessure à la poitrine était la preuve de deux choses : Il avait tout d’abord bien plus sous-estimé son adversaire qu’il ne voulait s’en convaincre. Puis il avait grandement surestimé ses propres capacités d’adaptation. Car si ses dernières mésaventures avaient gardé ses sens en alertes, son bras manquait clairement de fermeté. Et c’était manifestement pire lorsqu’il n’avait pas son bâton pour l’épauler. Muni d’un simple sacramasaxe, ce qu’il gagnait en rapidité était largement gâché par une certaine maladresse. Garde haute, estocade au torse, au cou, au visage, garde basse et moulinet de feinte. Ses assauts n’avaient rien perdu de leur précision, mais la puissance et la rapidité leur avaient fait grand défaut. C’était sans compter comment un simple combat de quelques minutes le laissait en nage et essoufflé. La dépense physique lui avait désséché la gorge et à plus d’une reprise, il lui avait fallu reprendre son souffle.

Malgré le coup pris à son orgueil, il restait que ce simple échauffement avait ouvert en lui les prémisses d’un long chemin empli d’humilité. Il comprit bien vite que ce qu’il avait cru faire gagner à Nyana en pratique, il avait besoin de le réapprendre aussi lui-même. Il réalisa alors combien tout ceci lui avait été bénéfique.

La promesse d’une longue série de futurs exercices en tête, il leva la patte bien haute face à la jeune Graärh en tâchant de retrouver son souffle. Puis il lui adressa un franc éclat de rire:

-Dût ma modestie en souffrir, je pense que je m’en sortirai ! N’aie crainte, il ne s’agit que d’une estafilade. N’aie pas honte non plus de la tienne. Tu t’es bien battue. Et une cicatrice pour un Graärh, c’est la médaille du courage !

Il récupéra le sacramasaxe et le tendit par la garde à Nyana. Au-dessus d’eux, la grisaille terne qui précède le crépuscule venait d’apporter la nuit. Déjà les étoiles se faisaient un chemin sur le rempart éthéré du ciel nocturne. La clairière où ils se tenaient retentit soudain du pas cadencé de soldats, de cliquetis d’acier et des ordres brefs des officiers. La présence de l’armée sur les routes jeta une crainte vague aux alentours. Les quelques animaux qui se juchaient encore sur les branches de quelque arbre disparurent dans les fourrés. Le géant opalin hocha la tête :

-Mmh, ça m’étonnerait qu’ils viennent pour nous. Mais on a peut-être effrayé quelques passants avec nos passes d’armes. Enfin, il est temps pour nous de rejoindre le Palais Curial. Je gage que Son Excellence veut nous voir avant notre départ de Khokhattaan. Hâtons-nous !

Il récupéra son bâton et sans un regard vers les restes de sa fierté, il prit le chemin du sentier. Au dernier moment, son bâton posé sur son épaule, il s’arrêta cependant et se tourna vers la jeune Graärh :

-Ce fut une leçon intéressante, admit-il. Riche et pleine d’enseignements. Je nous souhaite d’avoir le temps de réitérer ce petit duel.

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Ce n’était qu’un simple sentiment « d’infériorité ». Moi-même, je ne m’attendais pas à un tel exploit, et ses paroles me rassure énormément. Je suis fière de le servir, lui et mon peuple, je porterais cette cicatrice comme un trophée. Il a raison, et j’espère que nous recommencerons notre échange. Je souris, ronronne. Je suis heureuse, et cela m’a fait du bien, je dois l’admettre. Être loin de sa terre natale n’est pas toujours aussi simple, surtout, lorsque nous l’avons quitté longtemps de force. Mais je me sens plus sereine avec cet entraînement, je sais qu’il est là et que nous veillons l’un sur l’autre. C’est dans notre nature.





Je me relève, prenant une dernière bouffée d’air frais, la chaleur de Néthéril me manque, ainsi que ses odeurs aussi douce et sucrée soit-elle. J’observe le ciel parsemé d’étoiles, je contemple tout simplement. Je profite de l’instant, laissant quelques ronronnements naître au fond de ma gorge. Je suis plus sereine, et je sais que tout se passera bien, enfin, je l’espère, avec les humains, nous devons nous attendre à tout…





Je finis par suivre mon Tribyoon, les humains sont des êtres étranges, ils mentent sans arrêt, mais le félin blanc, a décidé de leur faire confiance. Nous devons évoluer, et l’histoire suivra par la même occasion. Seul le temps nous dira ce qu’il advient de cette alliance, si l’on peut la nommer ainsi. Mais pour cela, nous devons montrer que nous sommes présents, pour les aider, et nous investir dans cette relation qui devra durer dans le temps, et je soutiendrais mon Tribyonn dans chacun de ses choix ! Il pourra compter sur mon aide. C’est tout ce qu’il a besoin, mon peuple, c’est ma vie, ma famille, ils sont tout ce que j’ai de plus précieux au monde, et si pour les protéger, le sang doit être coulé, et bien qu’il en soit ainsi…

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