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descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyUn graärh dans la ville [PV Vex]

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Le voyage jusqu’à Khokhattaan lui parut interminable. Assis comme il pouvait, lui qui débordait d’énergie, il passa l’essentiel du temps en bateau à assaillir l’équipage de question. Parmi lesquelles “Quand est-ce qu’on arrive” et “comment ça s’appelle, ça ?” dans une langue commune à couper au couteau. Le graärh ne tenait pas en place et la découverte de ce bâtiment, même s’il s’agissait d’un petit bateau, continuait de l’impressionner. Il manquait cruellement d’espace, l’horizon n’était composé que d’eau à perte de vue, quoique l’île se trouvait au loin mais en attendant, il y avait une restriction assez sévère de l’espace qu’il pouvait couvrir pendant toute une journée. Lui qui débordait d’énergie et d’envie de découvrir, il se retrouvait coincé sur un bateau. Il oscillait entre enthousiasme curieux à poser toutes les questions qui lui traversaient l’esprit, consignant les réponses et ses observations dans un carnet qu’il avait attribué à la connaissance navale. Il y nota notamment le fait que plusieurs types de bateau existaient et que celui-ci, un petit brick, était l’un des plus rapides et faisait partie de la petite variété.
La taille du bateau lui faisait se demander, exactement, de quelle taille étaient les plus gros d’entre eux. Avec des mots qui peinaient à faire sens pour le graärh, l’un des matelots tenta de lui décrire les frégates puis les navires de lignes, énormes et conséquents.

Le voyage se fit sous le signe de l’ennui et de l’impatience mais également sous celui de l’apprentissage et de la découverte. L’excitation était omniprésente, bien entendu, mais voir Khokhattaan approcher, à la fois si vite et si lentement, rendait le temps restant insupportable.

Son arrivée sur le port de la capitale humaine, de l’empire, fut pour le moins déconcertante. Débarquant avec ses maigres possession, son bâton et sa petite sacoche accrochée à l’épaule, le graärh observa les alentours, partagé entre l’effarement et la curiosité.
S’il y avait eu du monde durant l’attaque des chimères pour protéger le baôli, s’il avait cru côtoyer quantité de sans-poils au domaine, il n’était manifestement pas prêt pour la vague humaine qui se tenait sur le port, se déplaçant d’un bateau à un autre, entre les entrepôts et la ville elle-même, entre les entrepôts et les bateaux. Il y avait une marée qui n’avait, à première vue, aucun sens mais qui, tandis qu’il prenait le temps de l’observer attentivement, prenait une forme savante et pratique. Les matelots transportaient des biens d’un endroit à un autre, chargeant et déchargeant, tour à tour désemplissant puis remplissant les navires qui attendaient sagement à quais.

S’ébrouant, sa longue crinière garnie de tresses dont les perles s’entrechoquèrent dans un distrayant cliquetis, Rakesh se mit en route, tâchant de son mieux de s’extraire de la marée humaine qui s’afférait à quais. Sorti du port, il s’immobilisa à nouveau, cherchant à qui s’adresser. Il n’était pas un expert en bipède, loin de là, mais il savait à tout le moins repérer à qui il pouvait demander de l’aide et ces sans-fourrure qui se trouvaient à surveiller le bien-être des citoyens en faisaient certainement partie. Incapable de se retenir, conscient plus que jamais qu’il n’était pas chez lui et qu’il était à la merci du bon vouloir de parfaits étrangers, les oreilles de Rakesh s’orientèrent vers l’arrière tandis qu’il approchait des gardes en armure.
Le regard hostile, un rien dédaigneux, qu’il récupéra n’arrangea rien dans son propre comportement et le graärh se redressa de toutes sa taille, son expression se fermant brièvement malgré lui avant qu’il ne s’incline légèrement sans pour autant perdre de vue qu’ils étaient armés et qu’il n’avait pour toute défense qu’un bâton :

« Bien le bonjour, » gronda-t-il avec un fort accent, modifiant brièvement forçant ses oreilles à prendre une posture plus ouverte et sa queue à s’immobiliser plutôt que de battre l’air avec nervosité. « Pourriez-vous m’indiquer la tente de soin la plus proche, s’il vous plaît ? »

L’un d’eux donna un petit coup de coude avant de lui chuchoter quelque chose à l’oreille qui les fit rire tous les deux. Ils n’avaient peut-être pas croisé bien des graärhs par le passé car l’ouïe de l’Ashüddh capta sans peine leur blague de mauvais goût :

« En lieu et place de ronronnement, j’entends employer herbes et connaissances, mais si cela ne vous fait rien, je trouverais mon chemin par moi-même, » lâcha-t-il avec dédain.

Il ne voulait rien moins que de s’élancer dans les étendues primitives et libres, découvrir ce qui se cachait sous les cavernes et les grottes, explorer le moindre recoin et découvrir ce qui n’attendait qu’une bonne âme pour être trouvé. Au lieu de quoi, et parce qu’il souhaitait apporter son aide, il se retrouvait coincé dans une fourmilière de pierres et de bois à se voir moqué par quelques chauves-de-corps engoncés dans du métal.
Irrité, il battit l’air de sa queue et se détourna sans attendre. Il trouverait quelqu’un d’autre à interroger ou trouverait de lui-même. Sa fourrure se hérissa sous son irritation mais avant qu’il ne puisse faire quelques pas, il fut rattrapé par le plus âgé de la clique qui l’avait accueilli :

« Ne leur en voulez pas, » lâcha le sans-poil tout en se portant à sa hauteur. « L’attaque que nous venons d’essuyer n’a pas laissé que des traces sur les bâtiments et laissé des blessés. On est tous tendus et après tous les trucs improbables qu’on a vu, un graärh qui débarque pour demander à voir les blessés, c’est probablement la cerise sur le gâteau. »

Curieux, Rakesh abandonna son attitude revêche, inclinant la tête de côté, son regard attentif passant sur la dégaine du chauve. Effectivement, il avait ce que les bipèdes appellaient “des cernes” sous les yeux. Des traces noires très étranges, parfois jaunes, parfois un peu vertes, parfois un peu bleues ou violettes. C’était totalement absurde et pourtant ce n’était pas le premier spécimen à arborer ce type de marque. Interpellé, le graärh jeta un regard en arrière vers le petit groupe de gardes. Peut-être qu’ils avaient des marques similaires et “des traits tirés”, peu importe ce que cela voulait dire mais qui indiquaient de la fatigue voire de la tension.
A l’attention de celui qui l’avait rejoint, il hocha la tête, compréhensif :

« Je vois, » son regard retrouva la rue dans laquelle ils s’étaient engagés sans que le garde ne manifeste une quelconque protestation.  « Allez-vous me guider ? »

Le garde hocha la tête avec un petit sourire, sa démarche ferme bien que manquant d’énergie. A en juger par l’état de la capitale, Rakesh réalisait que les gardes n’étaient certainement pas les seuls à être “au bout du rouleau” - encore une expression qui le laissait perplexe. Les citoyens mettaient tous la main à la pâte, déblayant et tentant de reconstruire ce qui pouvait l’être, aidant certains mal en point à se déplacer, tentant de retrouver les leurs s’ils n’y étaient toujours pas parvenus. Il y avait comme une note de désespoir dans bien des voix, une triste symphonie de désolation. Jamais la même, toujours une variante, une nuance, mais il pouvait entendre la même affliction chez tout un chacun. Homme, femme comme enfant.
Les plaines et les grottes l'appelaient mais il ne regrettait pour autant pas d’être venu là, même si c’était difficile.

« Je connais une personne qui devrait pouvoir vous aider et vous accompagner. Faire des généralités et des moqueries déplacées, c’est pas son genre alors je me dis que vous devriez être entre de bonnes mains si vous êtes vraiment là pour nous aider. »

Faisant la moue, sa gueule se tordant brièvement d’une expression maussade, Rakesh jeta un regard en coin au sans-poil et répliqua d’une voix traînante :

« Franchement, à part ça, je vois pas ce qui m'amènerait ici. Peux pas dire que ce soit le meilleur endroit où traîner dernièrement. »

Le garde eut un petit rire et leva un regard un rien plus brillant vers le graärh, qui lui rendit son sourire, bien qu’avec des crocs bien plus longs mais l’expression était clairement enjouée :

« Je vois ce que vous voulez dire. »

Ils arrivèrent devant une structure manifestement temporaire et le garde lui indiqua de l’attendre à l’extérieur avant de s’engouffrer sous la tenture. Conscient d’être visible comme la truffe au milieu de la gueule, Rakesh tenta de se glisser un peu sur le côté mais malgré tout, il attirait le regard. D’autant qu’avec sa crinière, il pouvait difficilement passer inaperçu.
Il n’attendit que quelques minutes avant que le garde ne revint, accompagné d’une autre personne. Lui accordant un bref regard, le graärh se concentra notamment sur le fait que le garde lui souhaita une bonne journée avec l’intention de s’éloigner. Rakesh inclina la tête, une expression “souriante” sans pour autant montrer ses dents et ajouta :

« Merci pour votre accueil, hm... », il jeta un regard à la ronde, ses yeux bleu vif accrochant les décombres calcinés et ajouta avec une expression un rien absurde : « chaleureux ? »

Éclatant de rire, le garde s’éloigna sans attendre, le laissant avec la nouvelle venue que le graärh observa avec curiosité, son langage corporel aussi ouvert qu’il le pouvait, bien que méfiant de cette nouvelle venue. Une femelle, pour autant qu’il puisse dire. Il tenta un sourire et expliqua :

« J’ai cru comprendre que vous aviez beaucoup de blessés et je me suis dis que je pouvais venir vous donner un coup de main. Patte, » il écarquilla brièvement les yeux avant d’ajouter avec un haussement d’épaule : « Enfin, vous aider quoi. »

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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La liste des blessés était interminable. Voilà ce qu'était ma première constatation en ce début de matinée. La main droite sur mon bâton, l'autre sur mes reins douloureux, je prenais un instant pour observer le balai incessant des guérisseurs et de leurs aidants. Nous étions nombreux, mais toujours pas assez me semblait-il. Et si le nombre de blessés que nous soignions augmentait jour après jour, il en était de même pour le nombre de blessés qu'on nous apportait chaque jour.

Ils étaient sortis des décombres par les plus costauds. Par les plus courageux. Ceux-là affrontaient la mort et la désolation en face et sans filtre. Puis ils les apportaient ici. Si un lit de fortune était libre, sous une tente, on l'y plaçait. Et s'il n'y en avait pas, il était toujours possible de se débrouiller avec un tas de linge, dehors.

Je resserrais les pans de ma cape autour de moi. Immédiatement, je me sentais au chaud, comme dans un cocon protecteur. Une sensation salvatrice au milieu des blessés et des mourants. Et, avec ses mille feuilles aux couleurs de l'été, cette cape permettait aux autres soigneurs de me retrouver rapidement. Je n'étais pas la meilleure, loin de là, mais je n'étais pas humaine. Ma compréhension de la magie était plus poussée, souvent. Et j'étais une spirite du raton-laveur, ce que nul ignorait ici. À ce titre, j'étais capable de soigner bien des maux beaucoup plus facilement que mes compères. Un avantage que nous utilisions du mieux possible.

Sortant de la tente où je me trouvais depuis l'aube, je saisissais la gourde d'eau fraîche que j'avais délaissée depuis plusieurs heures. Mon bâton dans le creux de mon bras, je retirais le bouchon de l'outre et en portais le goulot à mes lèvres afin de boire quelques gorgées salvatrices. Le liquide frais s'écoula dans ma gorge et me redonna un coup de fouet, effaçant une partie de la fatigue que je sentais s'accumuler dans mon corps après de longues heures auprès des blessés.

Mais contrairement aux humains qui se trouvaient autour de moi, mon visage ne s'était pas creusé de cernes sombres. Je dormais peu, c'était vrai, mais j'étais une sainnûr. Je possédais encore la beauté des elfes et ce genre de fatigue apparente était beaucoup plus discrète chez moi.

Sur cette pensée, je retournais sous la tente. Je replaçais ma gourde à l'endroit exact ou je l'avais prise, puis je me rapprochais du lit le plus proche. Un enfant gisait là, endormi pour l'heure. Sa jambe était enfermée dans un plâtre blanchâtre de ma conception, ce qui permettait à ses os de se ressouder correctement. Bien sûr, utiliser la magie aurait été possible. Et plus rapide. Mais aussi plus fatiguant. J'avais très rapidement compris que sur-utiliser mes talents en magie de guérison était une mauvaise idée. Il était préférable de me préserver pour pouvoir utiliser des sorts de soin sur ceux qui on avait vraiment besoin. Sur ceux pour qui il s'agissait d'une question de vie ou de mort. Cela rendait les soins de certains humains beaucoup plus long, ou plus douloureux, mais c'était un mal pour un bien. À mes yeux, en tout cas.

Mais ma pensée n'alla pas plus loin. Je fus interrompu dans l'examen du jeune garçon par les cliquetis d'une armure, puis par l'arrivée d'un homme. Un soldat. Il ne m'avait pas encore adressé la parole, mais mon ouïe d'immaculé s'était chargée d'annoncer sa venue. Je me retournais donc vers lui au moment où il ouvrait la tenture, quelques mèches rousses barrant partiellement ma vision. Je les éloignais de mes yeux d'un geste de la main.

" Dame Vex'Hylia, bonjour. "

Je le reconnaissais et lui offrait un signe de tête en guise de salutations. Le geste lui intima également de déclarer l'objet de sa venue sans attendre.

" Je vous amène quelqu'un qui dit vouloir aider ici. "

J'inclinais la tête, curieuse, et m'approchais du garde. Comprenant sans que j'eu besoin de parler, l'humain souleva la tenture et me laissa galamment sortir devant lui. Un geste anodin qui était pourtant fort agréable.

" Voilà, c'est lui. Je vous souhaite une bonne journée ! "

Et le voilà qui s'en allait sans rien rajouter de plus. Je haussais un sourcil bien haut, l'observant s'éloigner d'une démarche fatiguée. Puis je reportais mon attention sur l'aide promise, levant le nez pour en apercevoir le visage. Ou le museau, tout du moins. Un Graärh, le premier que je rencontrais vraiment, me toisait de toute son imposante stature. Si j'étais grande parmi les humains, lui était un géant. Je me sentais soudainement impressionnée, mais balayais ce sentiment d'un revers de la main. La voix du félin était grave et profonde, marquée par un fort accent qui rendait ma compréhension de ses paroles plus difficile. Mais pas impossible, fort heureusement. Le mâle, à en juger par sa physionomie et le peu que j'en savais, voulait donc aider. Fort bien.

" Comme vous pouvez le constater. " Répondis-je d'un ton neutre. Oui, il y avait beaucoup de blessés et cela ne pouvait se manquer. Je soupirais. Fermais les yeux. " Toute aide est la bienvenue. " Repris-je en essayant d'adopter un ton plus sympathique. Peine perdue, tout sonnait froid. Comme cet endroit. Tant pis.

" Je m'appelle Vex'Hylia. "

Mon regard s'arrêta sur ses cheveux. Ou sa crinière ? Quoi qu'il en soit, j'en trouvais la couleur absolument superbe. Et unique. Je n'avais jamais vu une telle coloration, mais cela me plaisait. Mais nous n'étions pas là pour nous faire des tresses, aussi détournais-je rapidement le regard avant de trop dévisager le Graärh. Ce n'était pas très poli.

" Et vous, avez-vous un nom ? "

Je n'y connaissais décidément rien en mœurs Graärh. J'espérais donc qu'il ne prendrait pas mal mon ton ou mes paroles. Je lui fis signe de me suivre, puis me glissais de nouveau sous la tente de laquelle le garde m'avait extirpé. Sous celle-ci se trouvait une vingtaine de lits de fortunes, tous occupés, séparés en deux rangées de dix. Une à droite, une à gauche.

" Je le déplore, mais nos blessés ne sont pas triés selon la gravité de leurs blessures. Trop long. " Expliquais-je en m'approchant du lit d'une jeune femme. À vue de nez, elle n'avait même pas vingt ans. " Attendez-vous à soigner des entorses puis à amputer une jambe la minute suivante. "

J'avais toujours ce ton froid. Ce ton distant. Mais maintenir cette distance et ne pas m'apitoyer étaient deux notions importantes pour effectuer les soins du mieux possible. Et pour ne pas devenir folle.

" Cette jeune demoiselle a était sortie des décombres cette nuit. Je contrôle sa fièvre, mais sa jambe… " Je soulevais doucement le tissu qui recouvrait le membre meurtrie. " La plaie est infectée. Je ne connais pas les techniques de votre peuple, mais si vous pouviez vous en occuper, ce serait apprécié. "

Las, je passais la main gauche sur mon visage puis dans mes cheveux, la droite demeurant posée sur mon bâton. Un outil autant qu'un soutien. La blessure de la jeune femme était purulente et une urgence plus importante avait nécessité mes soins, m'empêchant de la soigner dès son arrivée. Son état s'était donc empiré. C'était cela également, être soigneur. C'était, parfois, devoir choisir qui devait mourir et qui devait vivre.

" Vous pouvez ausculter toute la rangée de lit de gauche. J'étais en train de m'occuper de l'autre. "

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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La femelle qui l’accueillit était plus grande que celles que Rakesh avait eu l’occasion de rencontrer jusqu’à présent, il n’avait peut-être pas exactement rencontré bien des membres de la population femelle des sans-poils mais celle-ci, assurément, sortait de l’ordinaire. A commencer par ses cheveux roux mais pas seulement puisque les yeux clairs du graärh trouvèrent presque tout naturellement le chemin de ses oreilles pointues. Soudain curieux, le grand mâle croisa à nouveau le regard froid, distant, de la bipède et il s’interrogea un instant sur l’accueil qu’il recevrait s’il devait lui poser des questions sur ses origines, sa race, sur à peu près tout ce qu’elle pouvait bien être à même de partager avec lui. Si elle le voulait, bien entendu. L’heure, cependant, n’était peut-être pas à laisser sa curiosité prendre le devant de la scène. Il renifla l’air, curieux. Si elle n’avait pas le même air fatigué que ses congénères aux oreilles rondes, il était néanmoins clair pour lui qu’elle n’avait pas ménagé ses efforts dernièrement. Se retenant de claquer la langue d’un air désapprobateur, le graärh hocha la tête lorsqu’elle approuva sa proposition d’aide.
Elle se présenta et la gueule de Rakesh se froissa un instant tandis qu’il tentait de tordre ses lèvres et sa gueule pour former les mots complexes qu’elle avait employés pour se présenter. Il prit un air douloureux et répondit sans attendre à la question qu’elle lui retourna après s’être présentée :

« Si vous le permettez, je vous appellerais Vex, » proposa-t-il, déconfit. Se secouant pour récupérer une contenance, bien que son apparence et le decorum le laissait entièrement indifférent, il reprit poliment : « J’en ai bien un et j’en ai eu plusieurs par le passé mais ce jour et depuis quelques temps maintenant je m’appelle Rakesh Taradhish, » se présenta-t-il lentement, détachant les syllabes bien que la langue commune rendit son nom un rien plus rude. « Vous pouvez m’appeler Rakesh, si cela vous convient. Ou Tata… Ou Didi. »

Il haussa ses larges épaules pour marquer le peu de cas qu’il faisait à être appelé aussi familièrement. Il la suivit à l’intérieur de la tente et ce qu’il avait largement perçu à l’extérieur, les miasmes lourds et prégnants de la mort, du sang et de la souffrance, lorsque le battant de la tente s’ouvrit, les odeurs l’assaillirent violemment. Retroussant les babines et plissant la truffe dans une brève expression d’écoeurement, le graärh s’ébroua en tentant de repousser le besoin maladif de ressortir prendre une bonne goulée d’air frais. Il le savait, il finirait par s’y habituer, les odeurs deviendraient une frêle couverture désagréable mais dont il oublierait la présence après quelques minutes insupportables.
Des rangées de malades s’alignaient de part et d’autre de la tente, tantôt allongés sur des lits, tantôt sur des lits de fortunes confectionnés à partir de tissus parfois pas plus propres que le blessé qu’ils protégeaient. Il hocha la tête aux indications de la femelle, carrant malgré lui les épaules et laissant descendre le calme serein que le soin imposait. Il en avait vu des pires, des jambes à couper, il avait eu à le faire par le passé et il aurait certainement à le refaire prochainement, que ce soit dans les prochaines heures comme dans les prochains jours, semaines, mois ou années. Les désastres n’épargnaient personnes et si Rakesh appréciait de risquer sa pelisse dans des entreprises risquées, il savait aussi répondre présent lorsque d’autres subissaient les affres du malheur, qu’il soit volontaire ou non. Il repoussa les souvenirs et jeta un regard à la jambe découverte de la malheureuse qui n’avait pas eu la possibilité de se voir traitée rapidement.

Il approcha, rejoignant la guérisseuse tandis qu’il furetait dans la besace qui battait sa hanche, sa queue assurant son équilibre tandis que ses pattes arrières massives, protégées par Erm’ëss lui offraient une posture sûre. Il tendit un pot en terre cuite dont le couvercle avait été scellé par de la cire mais qu’une simple torsion n’aurait aucun mal à ouvrir.
Rakesh ouvrit la gueule sur un son doux avant de se raviser, se rappelant qu’il s’adressait une fois encore à un chauve-de-peau et qu’il devait employer leur langue. Ses oreilles, ouvertes, son attitude calme et posée accompagnés d’un regard bleu serein et positif. Joyeux n’était peut-être pas le mot adapté, difficile de faire preuve de joie et d’entrain, entouré d’une symphonie de gémissements, de plaintes et de râles de douleur, mais il parvenait à avoir l’air confiant et optimiste.

« Ce sont des asticots, » prévint-il, sachant que la procédure pouvait surprendre et écoeurer. Il avait lui-même une répulsion violente à l’idée de s’en servir et transporter le pot relevait de la compétition, aussi faisait-il de son mieux pour ne pas y penser la plupart du temps. Pourtant ces insectes - il réprima vainement un frémissement qui secoua sa fourrure - s’étaient révélés efficaces. « Ils ont été nettoyés, placez les sur la plaie aux endroits les plus infectés, ils vont nettoyer la plaie. Prenez garde à ce que la blessée ne puisse les faire partir. Ils resteront sur la zone, ils vont se nourrir des tissus endommagés et infectés. »

Laissant le pot à la femelle, il hésita un instant mais son regard passa sur les rangées de blessés et le nombre clairement insuffisant de soigneurs ou d’aidants. Son regard revint sur la femelle et il poursuivit, d’une voix plus faible :

« Si vous pouvez vous permettre de me préparer une tente de fortune avec de quoi prendre un bain, même bref, je devrais pouvoir vous apporter une aide supplémentaire. »

Il s’était préparé, il avait les éléments dont il avait besoin… il lui manquait juste les moyens d’effectuer le reste du rituel. Hochant la tête à l’attention de l’elfe, Vex, se rappela-t-il, il se redressa et entreprit de s’occuper de la rangée de gauche.
Le premier ne nécessitait pas une grande attention et Rakesh s’en occupa rapidement, remerciant les Esprits que l’homme soit assoupi et ne se soit pas réveillé. L’Esprit du Chat ne lui serait d’aucune utilité ici puisqu’il n’y avait nul maître des lieux à influencer. S’ébrouant, Rakesh passa au patient suivant et découvrit un petit garçon, entouré de sa mère et de sa grande sœur. Il hésita un instant avant de se présenter calmement. Désespérée, la mère hésita avant de le laisser approcher, l’ayant vu s’occuper calmement du patient présent avec des gestes efficaces et précis. Se penchant sur l’enfant, Rakesh lui tira gentiment la langue avant d’accompagner son expression d’un petit clin d'œil qui arracha un gloussement au garçonnet. Tout en parlant, son accent à couper au couteau mais sa voix douce et profonde, entrelacée d’un léger, imperceptible, ronronnement, le graärh se pencha et laissa les quelques tresses ornées de perles de bois glisser de sa crinière. Distrait par les couleurs, les sons et le jeu improvisé qu’elles offraient, l’enfant se laissa manipuler tandis que le graärh cherchait un onguent dans sa besace. Appliquant la mixture sur la poitrine chétive du garçon, le grand mâle sortit également deux petites bourses. De l’une, il extraya des plantes séchées qu’une cordelette maintenait ensembles qu’il tendit à la mère :

« Ca… faites infuser dans de l’eau chaude et faites lui boire. Quant à ça, » ajouta-t-il en sortant un petit bout de miel cristallisé, cette fois en regardant le garçon qui était occupé à machouiller une des perles en bois, « c’est pour toi. » Il tendit le “bonbon” au garçon mais avant qu’il ne puisse s’en emparer, il leva un doigt impérieux, ouvrant de grands yeux pour montrer l’importance de la remarque : « Il faut le garder en bouche et le laisser fondre. » Il chatouilla du dos du doigt le côté de la gorge du sans-peau en expliquant à son attention tout autant que celle de sa mère : Ca fera du bien à ta gorge. »

Fourrant le morceau de miel dans sa bouche en y mettant presque toute la main, le garçon gloussa et tandis que le graärh s’éloignait pour passer à la victime suivante, lui cria un “au revoir Tata !”. Il s’occuperait des blessés autant que possible, autant que ses propres réserves d’herbes, d’onguents et autres ustensiles lui permettraient. Avec un peu de chance, la femelle serait en mesure de lui offrir la tente dont il avait besoin, la purification nécessaire au rituel, et il pourrait accélérer un peu les choses pour ces pauvres hères qu’un malheur avait frappé au hasard, sans distinction.

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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Rrraakesh. Dans la gueule du Graärh, son nom sonnait ainsi. Rakesh. Un nom simple, facile à prononcer pour ma bouche de bipède sans poil. J'acquiesçai, puis prononçais à voix haute.

" Rakesh ira parfaitement. Je suis… Enchantée de vous rencontrer. "

Enchantée… Le mot paraissait étrange tant le lieu ne se prêtait pas à l'enchantement. Mais je l'étais vraiment, même si cela ne se voyait pas. Enchantée d'avoir un coup de main - ou de pattes, dans son cas - supplémentaire. Enchantée, quelque part, d'enfin rencontrer un Graärh. Et, consciente que mon accueil était glacial, je me forçais à adopter un ton plus léger, puis à sourire.

" Vex ira parfaitement. "

Vex, un diminutif que beaucoup de gens utilisaient déjà. Une personne de plus, même si je venais de la rencontrer, ne me dérangeais pas. J'étais même certaine, quelque part, que de nombreux gens ignoraient complètement mon prénom complet tant les mortels, sur le campement, s'adressaient toujours à moi par ce diminutif. Vex. Un nom qui claquait dans l'air, un prénom si facile à crier dans la panique. Cela arrivait souvent, plusieurs fois par jour.

Aligné près de ce lit, face à cette femme dont la plaie purulente ne laissait présager rien de bon, je tournais la tête vers Rakesh. Il fouillait dans sa besace et j'en profitais pour l'observer de profil. Sa silhouette puissante et tout en détente, ses cornes, ses oreilles. Cette crinière à la teinte singulière. Ce regard confiant et calme. Sa présence avait quelque chose d'apaisant.

Le mot "asticots" me tira de mes pensées et je toisais le félin pendant un instant. Puis je baissais les yeux sur le pot, fermé par son capuchon de cire. Un frisson me glaça la nuque, mais je me fis violence pour saisir le petit contenant et en ôter le couvercle. La vision des vers, grouillant les uns sur les autres, manqua de me faire lâcher le contenant. Mais je resserrais ma prise dessus pour éviter de faire cette bêtise, me faisait violence et tentant de cacher mon malaise.

" Excellente idée."

Ce n'était pas une méthode très ragoûtante, mais j'appliquais les consignes du Graärh à la lettre. La partie la plus compliquée fut de saisir une pincée d'asticots. Le simple contact avec les vers faisait remonter de longs et glaçants frissons tout le long de mon bras. Mais, après quelques instants d'un combat intérieur, j'effectuais la tâche le plus rapidement possible avant de refermer le pot en soufflant.

Un bain, ensuite. Je hochais la tête. C'était tout à fait possible. Je me rappelais avoir vu un autre soigneur baigner un blessé, quelques jours plus tôt. Mais à l'air libre, faute d'une tente libre.

" Je vais voir ce que je peux faire. "

Pas de promesse. Je posais le pot sur l'unique table présente, puis disparue à l'extérieur. J'inspirais de longues goulées d'air frais tout en m'éloignant de quelques mètres, cherchant cette bassine en bois que j'avais aperçue l'autre jour.

Bassine qui, au final, était un tonneau de vin coupé dans le sens de la hauteur. Malin.

Abandonnée et rempli d'une eau froide et souillé, je le renversais sur le côté à l'aide d'un pied. L'eau à la couleur suspecte fut rapidement absorbée par la terre fraîche. Quant au récipient, je préférais le faire léviter à côté de moi jusqu'à ma tente. La remplir d'eau ne fut pas si compliqué, nous n'en manquions pas vraiment grâce aux ravitaillements réguliers. La faire chauffer nécessita un petit tour de magie. Quant à la tente, là encore, un coup de bâton et le problème fut réglé.

En revanche, je commençais à sérieusement sentir le poids de la fatigue sur mes épaules. Mais, me servant de mon bâton comme appuis, je retournais sous la tente.

Rakesh s'était occupé d'un premier patient, encore endormis, et se tenait près d'une mère et ses deux enfants. Près de l'entrée, je l'observais sans un mot, sans un bruit. Malgré sa carrure, malgré sa voix grave, la petite famille semblait rassurée. Et le garçon se laissait faire, jouant avec les perles qui ornaient la crinière du grand félin. Ce spectacle si léger me fit sourire. Un sourire presque imperceptible, mais bien présent. Parmi toute la douleur, il y avait encore un peu de joie. Et, cela, était un baume au cœur.

Me raclant la gorge, j'approchais du grand guérisseur. Je levais sur lui un regard beaucoup plus doux que précédemment.

" J'ai préparé tout ce qu'il vous faut. Dans la petite tente, juste là, dehors. "

Je passais la pointe de ma langue sur mes lèvres rosées et légèrement craquelées.

" Avez-vous besoin d'aide pour ce que vous comptez faire ? "

Je ne pouvais réprimer une pointe de curiosité dans le ton emprunté.

" Ou pour la déplacer ? "

Parce qu'il comptait bien la baigner elle, non ?

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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Réprimant de justesse un son de détresse lorsque l’elfe entreprit d’ouvrir le pot, alors qu’il était encore juste à côté d’elle, Rakesh sentit néanmoins son poil se gonfler d’angoisse alors qu’il exécutait une retraite hâtive sous prétexte d’aller s’occuper des patients. Le graärh avait été assez rapide pour ne pas en voir beaucoup mais il en avait suffisamment vu pour apercevoir la masse grouillante que contenait le pot. Secoué de tremors de dégoût et de peur, le grand mâle se changea rapidement les idées au profit de s’occuper des gens. Fort heureusement - s’il pouvait le dire - il y avait beaucoup à faire. Il s’occupa de son mieux des quelques patients qui commençaient la rangée que Vex lui avait désignée. Il s’autorisa une brève seconde pour être reconnaissant de l’accord de l’elfe de l’appeler ainsi. Il ne s’imaginait pas prononcer le nom complet qu’elle lui avait donné, il était d’ailleurs tout à fait incapable de se rappeler de sa totalité à l’exception du fait qu’il s’agissait d’une horreur quoique jolie, prononcée par la femelle. Il l’aurait certainement écorché, malgré ses meilleurs efforts, et il ne tenait pas à commettre un tel impair alors qu’il venait à peine d’arriver et tentait de son mieux de faire bonne impression.
Rakesh avait rencontré sa part de sans-poils et certains d’entre eux se vexaient si facilement qu’il s’agissait presque d’un concours d’agilité pour ne pas froisser des égos démesurés. C’était plus difficile que d’essayer de ne marcher sur aucune queue lorsqu’un groupe de graärhs décidait de se rassembler étroitement.
Il se redressait lorsque Vex, à proximité, se racla la gorge pour attirer son attention. Il se tourna vers elle, ayant pour un instant besoin de baisser la truffe. Il y avait bien des graärhs plus petits que lui, mais la silhouette fine et délicate de l’elfe, et de certains chauves-de-peau continuait de la dérouter quelque peu. Il avait, pour un peu, l’impression de pouvoir l’attraper d’une main et de la plier en deux. Certainement que l’absence de fourrure était à blâmer. Quelle idée de ne pas en avoir.

Le regard ferme et dur qu’elle avait eu, auparavant, s’en trouvait étrangement plus doux et Rakesh s’interrogea, perplexe et incertain. S’il s’attendait à de la douceur et à une compréhension ouverte et facile avec les Baptistrels, il ne s’attendait toujours pas à la même chose de la part des autres, ceux qui vivaient en dehors du domaine. Il n’avait peut-être pas eu bien des rencontres de sans-poils, depuis qu’ils étaient arrivés, mais suffisamment pour savoir que ce qu’il avait trouvé au domaine baptistral était unique en son genre. Il ne comprenait donc pas ce changement imperceptible mais pourtant bien présent.
Sa confusion, cependant, s’évanouit presque d’un seul coup lorsqu’elle déclara que la tente était prête, juste à l’extérieur. Se redressant, son expression ouverte et enthousiaste. A ses questions, il commença d’abord par secouer la tête avant de la pencher sur le côté, perplexe à nouveau. Son regard passa de Vex à la femelle allongée dont la jambe semblait animée d’une vie propre. Secoué d’un soudain frisson d’horreur, Rakesh reporta son attention sur l’elfe avant de soudain comprendre la question qui lui était posée.
Posant une main sur sa gueule pour dissimuler sa soudaine hilarité bien qu’un son amusé ne lui échappa malgré lui, ses yeux pétillant d’amusement.

Il se racla la gorge, fit mine de se frotter les moustaches comme si quelque chose le dérangeait à cet endroit-là en particulier, comme pour justifier son geste - cependant il n’était pas bien doué et la motivation réelle était presque aussi claire qu’un rayon de soleil en pleine figure.

« Ce ne sera pas nécessaire, le bain est pour moi, » expliqua-t-il d’abord calmement, sa voix déraillant cependant dans les aiguës vers la fin.

Il reprit une contenance à peu près normale, son regard toujours brillant d’un amusement bon enfant avant de se diriger vers la tente qu’elle avait désignée. Sortir hors de celle-ci fut déjà un soulagement, bien que les miasmes contaminaient l’air extérieur, ils étaient bien moins importants et dérangeants qu’à l’intérieur, aussi prit-il une profonde inspiration pour se nettoyer les naseaux. Frémissant et s’ébrouant brièvement comme pour remettre en ordre sa fourrure, Rakesh considéra la tente qui lui avait été préparée. Celle-ci n’était pas constituée de tissu comme les autres mais semblait tout droit sortie du sol. Cillant, pris au dépourvu, il s’en approcha néanmoins, se préparant doucement mentalement pour ce qu’il avait l’intention de faire.
Au moins, le temps que la tente soit préparée, avait-il eu le temps de venir en aide à quelques personnes. Ce n’était pas du temps perdu mais bien occupé. S’agenouillant devant la tente, il posa sa besace au sol et entreprit de préparer l’encens nécessaires à base d’algues et de plantes médicinales sacrées. Sérieux et concentré, chaque geste dédié à l’Esprit-Lié du Raton-Laveur, une prière non pas formulée mais exécutée, Rakesh se redressa une fois satisfait par sa réalisation. Il s’apprêta à entrer sous la tente mais s’immobilisa et se tourna vers Vex :

« Qu’on ne me dérange pas, » demanda-t-il, humblement. Ce n’était pas un ordre mais bien une demande qu’il espérait voir exaucée. « Ce n’est pas quelque chose que je peux précipiter mais je ne perdrais pas mon temps non plus. »

Il inclina respectueusement la tête à l’attention de l’elfe femelle puis disparu dans l’entrée de la tente. Il en couvrit l’ouverture à l’aide de ses vêtements afin que, une fois l’encens allumé, ses volutes ne s’échappent pas trop rapidement. Seulement couvert de sa belle fourrure, le graärh alluma l’encens et le déplaça dans l’espace offert afin que la fumée en occupe autant d’espace que possible et, alors qu’il se déplaçait, pria le Raton-Laveur à proprement parler.
Il ne put s’empêcher de sourire, les yeux fermés, désormais immobile tandis qu’il offrait sa ferveur à l’Esprit-Lié, demandant sa bénédiction, espérant recevoir de sa part l’aide dont il avait besoin. Il n’y avait rien de plus satisfaisant, pour lui, que de prier. C’était comme un rapprochement avec ces Esprits qui offraient leur protection et leur aide à ceux qu’ils choisissaient.
Sans cesser d’adresser ses pensées à l’Esprit-Lié, il s’immergea dans l’eau chaude qui avait été délicieusement préparée. Il ne s’était pas attendu à ce que le liquide soit chauffé et remercia silencieusement quiconque avait préparé le bassin, même s’il devait avouer que l’espace restreint ne rendait pas le bain bien évident pour lui. Pas une seconde ne se douta-t-il qu’il puisse s’agir de Vex elle-même mais, concentré sur sa tâche, il n’en était que reconnaissant. Se purifiant et se toilettant consciencieusement, il sortit du bain et s’ébroua avec un ronronnement satisfait et pêcha dans sa besace le pot de pigment gris qu’il prenait toujours soin d’avoir avec lui, et dessina les signes requis sur sa fourrure. Certains se fondaient presque complètement dans la teinte déjà grise de sa pelisse mais d’autres ressortaient sur le noir et le blanc, le rassurant quant à leur bonne exécution. Une fois fait, il récupéra les anneaux de coquillage qu’il plaça sur ses cornes. Le rituel réalisé, il n’enfila qu’un pantalon de lin et Erm’ëss, fourrant le reste dans sa besace afin de ne pas déranger les signes qu’il avait peint sur sa fourrure et sortit de la tente.

Il rejoignit Vex et posa doucement une patte compatissante sur l’épaule de l’elfe femelle, notant sa posture épuisée :

« Reposez-vous, » proposa-t-il doucement. « Je prends le relais pour la journée. »

La laissant à choisir si elle souhaitait s’y conformer ou agir à sa guise, Rakesh s’éloigna d’un pas décidé vers la tente. Il n’userait pas de la magie, il n’était pas bien bon en la matière et peut-être s’y risquerait-il si la situation le nécessitait, mais pour l’heure, il avait un Esprit-Lié qui le soutenait et l’aiderait à apporter soins et guérisons à ceux qu’il pourrait aider.
Se glissant sous la tente et retenant un nouveau froncement de museau à l’odeur prenante qui régnait à l’intérieur, Rakesh se mit à l'œuvre. Feulant, ronronnant, lapant les plaies à l’occasion s’il recevait l’autorisation du ou de la blessé.e, de sa famille si la personne n’était pas en mesure de donner son accord, il agit dans la mesure de ses capacités, l’un après l’autre, faisant de son mieux. Il interrogeait, agissait avec ou sans l’aide du rituel selon la situation, jugeant et jaugeant du mieux de son possible, plaisantant et répondant aux questions qu’on lui posait avec bonne volonté. Changeant parfois de sujet si la question ne lui convenait guère. Si la plupart des blessés manifestaient de la surprise voire de la méfiance à se faire soigner par un graärh, il n’essuya qu’un seul refus, l’homme déterminé à n’être traité que par un autre sans-poil ou rien. Rakesh haussa les épaules avant de passer à la suivante sans lui accorder plus d’attention, c’était son choix et, ne le connaissant guère, le graärh s’y plia sans hésitation.

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Oh. Le bain… Pour lui ? Je fronçais les sourcils, incapable de m'en empêcher. Puis je haussais les épaules. C'était pour un rituel, avait-il dit. Graärh, évidemment. Mais, à le voir aussi amusé par ce que je venais de dire, je sentis mes joues rougir très légèrement. Et je remerciais les taches de rousseur qui constellaient ma peau et qui devaient, au moins en partie, cacher mon soudain inconfort.

Curieuse, je le suivais à l'extérieur, près de la tente improvisée. Ayant utilisé le flux de construction pour gagner du temps, celle-ci, d'ailleurs, ressemblait davantage à une toute petite hutte de terre qu'à une tente. Mais, le grand Graärh ne semblait pas troubler outre-mesure par ce fait. Et, en le voyant à côté de la petite construction, un sourire satisfait vint flotter sur mon visage. J'avais vu juste au niveau de la hauteur sous plafond.

Par pudeur, je restais à quelques pas de distances, observant le grand félin s'agenouiller et poser sa besace à même le sol. Ce rituel, sans surprise, devait être magique et j'étais particulièrement curieuse d'en voir le résultat. Et, je devais l'avouer, j'étais déçue de ne pas pouvoir y assister. Mais, l'idée de voir un Graärh, nu, dans un bain, rendait ma déception moins amère. Il serait toujours temps, un peu plus tard, de lui demander de me décrire ce fameux rituel. Et comment fonctionnait la magie Graärh par la même occasion, car j'en savais très, très peu.

Je hochais la tête à sa demande, lorsqu'il se tourna vers moi. Appuyée sur mon bâton, je le regardais pénétrer sous la "tente" et en combler l'ouverture avec ses vêtements. Et, poussée par ma curiosité, je restais tout près.

La première chose que je sentis fut les fragrances de l'encens. C'était agréable, mais c'était également une odeur que je découvrais totalement. Ma curiosité n'en fut qu'exacerbée. Toutefois, le reste du rituel ne m'apporta rien de plus. Pas d'odeur nouvelle. Ni de son nouveau. Face à ce constat, je retournais dans la tente que nous avions tout deux quitté quelques minutes auparavant, retournant m'occuper des blessés.

Un froissement de tissu m'indiqua, un peu plus tard, le retour du Graärh. Je me tournais vers lui et fus surprise de le retrouver si proche de moi. Et torse-nu. Nu de vêtements, mais couvert d'un pelage qui semblait doux et bien entretenu. Et où je devinais des peintures fraiches. Sa grosse patte, sur mon épaule, manqua de me faire ployer les genoux tant j'étais surprise par le geste. Je resserrai naturellement ma prise sur mon bâton pour ne pas fléchir.

Me reposer ? Le laisser prendre le relais ?

Je m'apprêtais à refuser, arguant que ces blessés et ces malades avaient besoin de moi également, mais un léger vertige m'en empêcha.

" D'accord. " Répondis-je finalement en me dirigeant vers la sortie, non sans un regard circulaire. " Merci… " Murmurais-je à son égard, accompagnant mes paroles d'un sourire fatigué.


*
**


Me reposer avait été la meilleure chose à faire. J'avais regagné ma tente, où un lit de fortune m'attendait. Et je m'étais écroulée dessus, ma cape me servant de couverture. Le sommeil n'avait pas tardé à me happer. Des songes réparateurs malgré la présence de cauchemars. Toujours le même. Celui où, dans les décombres de la cité en cendres, je retrouvais le corps sans vie de Siel. Ce fut la vision de son visage sanguinolent, à moitié écrasé par une pierre, qui me sortit de mon sommeil. Soudainement. Le souffle court, les mains tremblantes, je ramenais ma cape contre ma poitrine. L'air hagarde, je promenais mon regard alentours, mettant quelques secondes à comprendre où je me trouvais. Puis à me souvenir du Graärh.

Incapable de refermer les yeux, je me relevais rapidement. Et, avec satisfaction, je retrouvais toute la force de mes jambes, de mon corps. Et de ma magie. Chassant les derniers miasmes de mon cauchemar avec de l'eau glacé sur mon visage, je replaçais ma cape sur mes épaules et quittais la tente, mon bâton à la main, pour retrouver Rakesh.

À l'extérieur, l'agitation était moindre. La journée touchait à sa fin. J'avais dormi tout l'après-midi. Surprise, je sentis également une pointe de honte s'insinuer en moi. Un sentiment que je chassais en fermant les yeux. Me reposer, et laissé Rakesh agir, était une bonne chose. Il semblait clairement savoir ce qu'il faisait et cela m'avait permis de reconstituer mes forces. Je pouvais, désormais, aider bien mieux que je le faisais le matin même.

Mon ventre gronda soudainement, me tirant de mes pensées. J'y posais la main gauche. L'heure du repas était passée. Et je me doutais que personne n'était venir checher Rakesh pour lui proposer de se sustenter. Alors, doucement, je me dirigeais vers la tente ou je l'avais laissé, des heures plus tôt. En pénétrant sous le voile, je retrouvais le Graärh exactement comme je l'avais laissé. Le torse à l'air, les poils couverts de symboles tribaux par endroit. Il avait bien avancé, beaucoup plus vite que je l'aurais fait moi-même dans l'état de fatigue où je m'étais trouvé.

" Vous êtes d'une efficacité remarquable. " Prononçais-je doucement en m'approchant. " Je vous remercie. D'avoir pris le relais. J'avais vraiment besoin de repos. "

Je fis le tour des patients qu'il avait soigné. Chacun d'eux voulu me conter la façon dont le Graärh s'était occupé d'eux. Et, devant chaque technique utilisée, je ne pouvais dissimuler ma surprise. Des ronronnements, des feulements. Des coups de langue ! Seul l'un d'eux avait refusé d'être pris en charge par le grand félin. Et je m'occupais donc de lui et de sa légère blessure.

" Le soleil commence à décliner. Accepteriez-vous un repas ? "

Je m'étais de nouveau rapprocher de lui, levant les yeux vers son museau, détaillant une nouvelle fois son visage aux traits si différents. Et, reprenant avec une nouvelle question, je me sentais comme une petite fille. Cette enfant qui, voilà bien longtemps, s'était rendu au Domaine pour apprendre.

" Et, peut être, accepteriez-vous également de me parler de ce fameux rituel. Et des techniques de votre peuple ? "

À l'extérieur, au milieu du camp, se trouvait un grand feu. Et, autour de celui-ci, s'afféraient normalement des cuisiniers. Des repas étaient préparés pendant de longues heures. Pour les soignants, mais aussi pour les soignés.

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Accaparé par sa tâche, le graärh aurait pu être surpris par l’approche de l’elfe mais si l’Esprit-Lié du Raton-Laveur l’accompagnait, celui du Chat veillait également sur lui. Il tourna très légèrement la tête vers elle pour poser sur la femelle un regard calme, bien que teinté par la fatigue. Un petit sourire étira le coin de ses lèvres sombres tandis qu’il inclinait légèrement la tête en remerciement. Il y avait tant à faire et tant de gens à aider, accompagner, soigner et rassurer. Il voulait seulement apaiser leurs maux du mieux qu’il pouvait, autant qu’il pouvait, mais il y avait une limite à ses compétences et à ce qu’il pouvait faire dans un laps de temps donné. Son regard balayant les gens qu’il avait visités par le passé, il les couva du regard avec une forme de tendresse qu’il réservait d’ordinaire aux graärhons et, plus récemment, aux enfants sans-poils.
Il repasserait les voir, à un moment, pour s’enquérir de leur état, s’assurer que son action avait eu l’effet escompté et que, peut-être, ils allaient mieux.
La personne dont il s’occupait attira à nouveau son attention et il reporta son attention sur le bandage qu’il était en train de nouer étroitement autour d’une jambe cassée. Il était parvenu à réaliser une attelle de fortune à partir des éléments qu’il avait pu récupérer. L’os n’avait pas nécessité une remise en place complexe mais il avait néanmoins appelé à l’aide pour pouvoir immobiliser le patient le temps de replacer l’os correctement. Pour l’heure, le membre était parfaitement immobilisé et, autant que faire se pouvait avec les moyens du bords, l’os maintenu en place pour permettre une consolidation optimale. Si tout se passait bien, l’homme n’aurait aucune séquelle et ne boîterait pas, à moins qu’il ne suive pas les recommandations du graärh. D’une manière ou d’une autre, le soin initial était en cours et il avait lapé la plaie, avec l’approbation du patient, pour permettre la guérison plus rapide de la plaie ouverte.

Tout en poursuivant son oeuvre d’enrouler le membre blessé dans un tissu propre, il hocha doucement la tête à nouveau, approuvant la réponse de Vex :

« Vous êtes une excellente guérisseuse également, » répondit-il à voix basse, son timbre un brin plus grave et plus grondant que d’ordinaire, son accent peut-être un peu plus prononcé tandis qu’il mâchait les mots.

Instinctivement, il adapta son langage corporel pour indiquer ce qu’il ne disait pas. Sa reconnaissance devant la confiance qu’elle lui avait montré en le laissant seul s’occuper des patients qu’elle avait pourtant pris en charge, pour commencer. Certes, il y avait d’autres bipèdes sans poils pour le surveiller mais il était clair qu’elle était responsable des lieux. Autrement, le garde ne serait pas allé la chercher en priorité. Peut-être sa fatigue un peu, dans l’inclinaison légère de sa deuxième paire d’oreilles. Mais également le plaisir de la voir de retour, en meilleure forme. Les cercles sombres sous ses yeux étaient toujours présents mais son teint pâle - apparemment commun chez certains sans-poils, cela pouvait néanmoins indiquer de la maladie ou un mal-être et parfois signifier la mort - s’était quelque peu estompé. Une petite teinte rosée avait gagné ses joues et ses yeux avaient retrouvé un éclat plus vif.
La totalité pourrait bien passer à la trappe qu’il ne s’en rendrait pas compte. C’était son mode de fonctionnement naturel et, occupé qu’il était à faire attention à ses gestes, à son patient et à réfléchir à la suite des événements, il ne le réalisa pas. Vex n’était pas l’une des siennes et si Rakesh était heureux d’être enfin parti à la découverte du reste de Tiamaranta, découvrant des choses que les siens n’avaient jamais découvert, il lui arrivait certainement de manquer de compagnie graärh.
Ce qui aurait peut-être nécessité des mots graärhs et plus de gestes, cependant, il le garda pour lui. Il en avait rencontré des guérisseurs qui, face à une charge de travail trop importante, se tuaient à la tâche au point de finir par commettre des erreurs ou tomber eux-mêmes malades, trop désireux de venir en aide. Trop fiers pour admettre la fatigue, parfois. Il en avait vu… Et elle, lorsqu’il lui avait suggéré de prendre du repos, s'était incliné, avait reconnu sa trop grande fatigue pour poursuivre, et s’était reposée. Elle avait fait le bon choix qui permettrait à la guérisseuse d’offrir une attention fraîche et plus efficace à ceux dont elle prendrait la charge, à l’avenir.

Elle s’éloigna, passant d’un patient à un autre, adressant la parole à ceux d’entre eux en mesure de lui répondre. Rakesh la vit s’occuper du sans-poils qui avait refusé d’être traité et hocha la tête, satisfait. Pendant ce temps, il passa à la personne suivante. Les vieux graärhs n’étaient pas bien distincts des autres, en plus d’être particulièrement rares, mais la différence chez les sans-poils était… évidente. Rakesh ne mangeait pas souvent de fruits, préférant - à l’instar du reste de son peuple - consommer de la viande, mais il avait vu des fruits ressembler à des vieux humains. Ou des humains ressembler à des vieux fruits. La peau fripée, brunie de taches par endroit, leur peau flasque tombant et plissant d’une manière totalement… étrange. La femelle qu’il avait devant les yeux avait clairement dépassé un certain âge, ses yeux portaient l’aspect laiteux des personnes âgées qu’il avait pu rencontrer jusqu’à présent et elle semblait avoir du mal à le regarder fixement, inclinant parfois la tête pour le voir de côté ou différemment. C’était étrange et particulier, quelque peu perturbant pour le mâle, mais il s’occupa d’elle. Pour découvrir que son seul problème était d’avoir respiré un peu trop de fumée et de s’être foulé la cheville sur le chemin.
Le temps qu’il s’occupe d’elle, la vieille femelle lui raconta comment elle était tombée en prenant la fuite et qu’un groupe de jeunes hommes - selon elle tout à fait délicieux - s’étaient précipités pour lui venir en aide, paniqués à l’idée qu’elle se soit gravement blessée. Ils ne l’avaient pas écoutée lorsqu’elle leur avait dit que ce n’était pas grand chose et l’avaient amenée ici pour qu’on prenne soin d’elle.

Une fois satisfait des soins apportés à la vieille femelle, il se redressa, étirant sa longue carcasse poilue, il émit un long ronronnement grave à la proposition de l’elfe femelle qui l’avait à nouveau rejoint :

« Ce serait avec grand plaisir. »

La faim lui creusait effectivement le ventre, d’autant qu’il n’avait rien consommé depuis assez longtemps pour que la sensation de son estomac se tordant sur lui-même trahisse un appétit dévorant. Il s’ébroua et baissa sur Vex un regard curieux et attentif tandis qu’ils s’éloignaient tous deux. Rakesh la suivrait, elle savait certainement où trouver la nourriture. Pour l’heure, il avait de la viande séchée dans sa besace, de différentes variétés pour varier les plaisirs, mais rien de bien folichon. Il n’avait pas mangé de viande fraîche depuis une éternité.
A la demande qu’elle formula, cependant, son attitude se modifia quelque peu. Ses épaules se carrèrent imperceptiblement tandis que sa queue s’agitait d’un geste d’humeur plutôt éloquent. L’espace au-dessus de ses yeux se contracta, comme s’il avait eu des sourcils à froncer, et ses oreilles se déplacèrent légèrement dans une position pas tout à fait irrité mais pas tout à fait calme non plus.

« Il est des choses que je peux partager, » dit-il à voix basse, ne souhaitant pas déranger les malades qui se reposaient. « Les rituels, cependant, n’en font pas partie. »

Lorsqu'ils accédèrent enfin à l’extérieur, le rabat de tissu se refermant sur l’odeur nauséabonde qui régnait sous la tente, Rakesh prit une profonde inspiration. Il se détendit, très légèrement, mais la tension l’habitait toujours.
Il jeta un regard en coin à la femelle elfe… quoique son odeur… Les baptistrels elfiques qu’il avait rencontrés jusqu’à présent avaient une odeur particulière, nettement habitée par leur lieu de vie. Elle, clairement, avait une odeur différente, elle n’avait rien d’une baptistrelle après tout. Peut-être faisait-elle partie de ces elfes qui n’étaient plus tout à fait des elfes.
Prudent, il resta attentif bien qu’il ne soit pas convaincu qu’elle soit susceptible de l’attaquer pour lui arracher ses secrets d’une manière ou d’une autre. Pour autant, l’histoire tracée et écrite par les peuples de sans-poils depuis leur arrivée ne lui inspirait guère confiance. Les baptistrels faisaient majoritairement exception et elle n’en faisait pas partie. Son peuple était réduit en esclavage et utilisé, même si, pour autant qu’il sache, il n’avait encore croisé aucun esclave graärh depuis son arrivée mais cela ne voulait pas dire grand-chose. Ils étaient arrivés, ces sans-poils, et ils avaient pris sans aucune question, sans attendre, sans chercher à comprendre. Ils avaient vu une terre et s’étaient dit “pourquoi pas” et ceux qui vivaient là, loin de s’être vu accueillis et respectés, s'étaient vu attaqués, pillés, réduits en esclavage ou assassinés. Tant de graärhs étaient morts de la faute des sans-poils, par leur ignorance, par leur égoïsme.

Il ne dit mot, mais l’espace que son peuple pouvait occuper s’était vu drastiquement réduit par l’arrivée des sans-poils, partager ce qu’ils n’avaient pas encore réussi à leur voler lui semblait inutile. D’autant que la relation privilégiée que son peuple entretenait avec les Esprits-Liés était une chose qu’il estimait devoir protéger. D’autant qu’il doutait que les sans-poils puissent être en mesure d’atteindre ce niveau.

« Je serais ravi de répondre à vos questions, tant que celles-ci ne concernent pas nos rituels, » ajouta-t-il plus doucement. « En échange, pourriez-vous peut-être m’en dire plus à votre sujet ? »

Il jeta un regard autour de lui, quelque peu perdu. Rakesh tentait de son mieux de garder un oeil sur son environnement pour pouvoir se déplacer plus aisément si, d’aventure, il devait le faire seul et sans guide. Pour autant, les villes des sans-poils avaient, clairement, une apparence qui le déconcertait. Un labyrinthe aurait certainement plus de sens à ses yeux.

« Et sur ici ? » finit-il sur le ton de la question, perplexe, les oreilles très légèrement en arrière, le regard curieux et prudent, attentif.

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Après avoir fait le tour des patients, je m'approchais de l'ouverture de la tente. Je la soulevais d'une main, laissant entrer un filet d'air frais à l'intérieur. Dehors, le soleil déclinait tranquillement. L'horizon s'assombrissait, emportant avec lui une partie de l'après-midi. Ma proposition avait semblé ravir le Graärh. J'étais bien incapable de comprendre les subtilités du langage corporel de cette race féline, mais je pouvais comprendre la signification d'un ronronnement. En revanche, la réponse abrupte du Graärh me surprit et, instinctivement, je fronçais les sourcils, les traits durcis.

« Suivez-moi. »

Je laissais retomber la toile de la tente derrière moi, offrant mon visage à la légère brise. L'air frais était salvateur et, du coin de l'oeil, je me rendais compte que je n'étais pas la seule à le penser. Toutefois, je décelais chez Rakesh une certaine tension. Je haussais un sourcil, gardant toutefois le silence et inconsciente du réel malaise qui habitait le soigneur.

Je le guidais à travers le camps. Il n'y avait là que des Hommes. Et, dans cette marée humaine, j'étais moi-même une figure d'exception. Alors la présence du Graärh à mes côtés ne faisait qu'attirer l'attention sur le duo que nous formions. De nombreuses personnes s'arrêtaient de travailler pour nous lancer un regard. Des œillades curieuses ou, au contraire, beaucoup plus hostiles que je préférais ignorer.

Bien inconsciente des tourments de Rakesh et des questions qu'il se posait, je continuais à l'entraîner plus au centre du camp. Devant nous, une tente beaucoup plus grande que les autres trônait au milieu d'un vaste espace vert. De cette tente, s'élevait le fumet des cuisines et, tout autour, de nombreux bipèdes se restauraient. Ils dévoraient des plats simplistes mais réconfortants, qui leur donnaient la force nécessaire de poursuivre leur travail. Beaucoup avaient choisi de s'asseoir à même l'herbe, mais il y avait également quelques endroits ou s'asseoir. L'atmosphère de cette partie du camp était à l'opposé de ce que l'on pouvait ressentir en déambulant entre les tentes de soins. C'était comme si cette bande d'herbe formait une barrière contre la mort elle-même. C'était sans doute un peu vrai et cela offrait aux soigneurs un endroit ou reposer leur corps, mais aussi leur esprit.

« Je comprend. » Répondis-je doucement, parfaitement honnête. Que Rakesh ne souhaitait pas partager les secrets de son peuple était, pour moi, tout à fait ordinaire. J'étais parfaitement consciente de ce que les humains et les vampires avaient fait aux Graärh en arrivant dans cet archipel. Et je ne pouvais que désapprouver. J'étais bien heureuse que les Elfes n'aient pas participé au commerce d'esclave. « Bien sûr. Prenons d'abord de quoi manger, d'accord ? »

Optant pour un ton plus doux, j'entrainais Rakesh près d'un grand feu. Devant ce foyer, un homme brassait un chaudron que je qualifiais d'immense. Et face à l'imposante stature de Rakesh, le cuisinier eu un mouvement de recul.

« Ne vous inquiétez pas, il est avec moi. » Dis-je à l'homme inquiet, levant les deux mains devant moi en signe de paix. « Je vous présente Rakesh. Il m'aide à soigner les blessés. Pourrions-nous avoir deux rations, s'il vous plaît ? »

La première gamelle en métal fut pour moi. Et après un moment d'hésitation, un second bol fut rempli à ras bord pour Rakesh, le cuisiner jugeant que la stature du Graärh nécessitait au moins une double ration.

« Merci. »

J'entraînais le Graärh vers un carré d'herbe vide et, sans plus de cérémonies, m'y asseyais en tailleur. Je posais mon bol devant moi afin d'avoir les mains libres pour détacher la broche qui retenait ma cape, laissant celle-ci choir dans l'herbe. Les épaules à l'air libre, je soupirais d'aise en sentant la légère brise me chatouiller la nuque. Ma peau constellait de taches de rousseur, mais aussi marquée par les veinules typiques des Sainnûr, ne supportait pas particulièrement bien le soleil. Mais une courte exposition ne pouvait que me faire du bien.

« Ce camp est construit autour de cette tente, là-bas. On y cuisine les repas pour les soigneurs et les blessés. Ce n'est pas la meilleure cuisine qui soit, mais les mets préparés ici ont tout ce qu'il faut pour rassasier et donner de l'énergie. » Commençais-je en touillant l'épais ragoût qu'on nous avait servi. « J'ignore ce que vous voudriez savoir sur moi exactement… Il n'y a pas tant à raconter. » Poursuivis-je tranquillement. Je pris le temps de souffler sur ma cuillère en bois avant de prendre une bouchée de mon repas. « J'ai appris à soigner les blessures quand j'étais jeune, avec mes parents. Ma mère m'a enseigné l'alchimie et l'herboristerie. Et quand elle n'a plus été en mesure de répondre à mes questions, j'ai rejoint le Domaine Baptistral. J'ai été une apprentie pendant de longues, très longues années. Et vous, avez-vous toujours eu une vocation de soigneur ? »

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Avec une curiosité qui n’était pas sans avoir conscience de certaines implications, Rakesh observa le visage plat de l’elfe se plisser, se chiffonner comme une feuille. Elle ne s’énerva pourtant pas, ne lâcha pas la moindre remarque sur le fait qu’elle l’avait accueilli sans une question et exigeait, en conséquence, des réponses à ses interrogations. Il était peut-être un petit peu trop négatif, à bien des égards, mais cela donnait aussi lieu à d’agréables surprises qui avaient au moins le don de lui redonner une once d’espoir quant à l’avenir.
Guidé par la sans-poils, Rakesh resta à ses côtés afin de ne pas se perdre sans pour autant oublier qu’il avait l’opportunité rare de pouvoir détailler le mode de vie des humains. Il avait découvert celui des baptistrels mais on lui avait indiqué qu’il était bien particulier, très différent de celui du reste des sans-poils. Force était de constater qu’ils avaient raison. Il y avait tant d’âmes qui se bousculaient de part et d’autres des rues encombrées, des voix qui hélaient, criaient, appelaient, se chamaillaient à tout bout de champs. Si la plupart, pour ne pas dire tous, des graärhs avait un entraînement martial dès leur plus jeune âge afin de pouvoir se défendre, défendre les leurs et chasser ou pêcher. Ici, cependant, il remarqua qu’une bonne partie de la population n’avait que peu voire aucune connaissance en la matière. Seuls ceux qui étaient reconnus comme des “gardes” - ce qu’ils pouvaient bien garder restait nébuleux aux yeux du mâle - portaient l’arme. D’autres, parmi la foule, en disposaient mais ils n’étaient pas bien nombreux.

Rakesh n’était définitivement pas du genre violent et n’appréciait, pour ainsi dire, absolument pas ce type d’événement. Il se surprit néanmoins à se demander comment se déroulerait un affrontement entre lui et l’un des gardes ou l’un de ces gens qu’il croisait dans la rue. Lors des affrontements dont il avait pu être témoin par le passé, il avait remarqué combien leurs techniques étaient différentes. Pour commencer, lorsqu’ils en venaient aux mains, ils fermaient leurs doigts jusqu’à former un poing là où un graärh avait tous les moyens du monde de continuer à déchirer et lacérer en gardant les doigts bien ouverts.
Il y avait tant de choses à découvrir sur les sans-poils, tant de différences à intégrer. Il y avait notamment celle, qu’il finit enfin par noter, de nombre. Les oreilles rondes étaient beaucoup plus nombreuses que les oreilles pointues. Pour autant qu’il puisse dire, Vex était la seule et unique à disposer de tels attributs. La réflexion lui fit remuer les siennes. Il était l’un des rares de son espèce également, ce qui attirait nombre de regards dans leur direction. Deux spécimens inhabituels déambulant côte à côte au milieu d’une ville. Ils auraient tout aussi bien pu être une île au milieu d’un océan.

L’acceptation de la femelle à sa demande lui fit hocher la tête avec reconnaissance, appréciant de ne pas avoir à se battre et à débattre sur le sujet, le calme retrouvant sa place.
Ils se dirigèrent vers une zone qui semblait indéniablement être dédiée au repas et au milieu de laquelle un grand feu au-dessus duquel ce qui ne pouvait être que qualifié de chaudron était installé. Il remuait régulièrement un épais contenu fumant dont l’odeur alléchante réveilla l’estomac vide du graärh. Lequel, à son arrivée, fit reculer d’un pas le bonhomme qui tenait la grosse louche en bois. Tentant d’apparaître le moins menaçant possible, Rakesh esquissa un petit sourire qui dévoila ses canines prononcées et agita sa grosse main griffue tandis que Vex prenait les devants pour le présenter et assurer de ses bonnes intentions :

« Tout comme elle a dit, » gronda-t-il à voix basse.

Le bol qui lui fut remis, conséquent, comportait nettement plus de ressources que celui de Vex ce qui lui fit incliner la tête de côté, considérant le cuisinier avec intérêt et appréciation :

« Merci, » dit-il d’une voix râpeuse en inclinant la tête avec respect.

Il s’éloigna en tenant son bol entre ses deux grosses pattes, suivant religieusement Vex au milieu de cette peuplade étrangère qui le regardait avec des yeux ronds. Il n’était pas petit pour un graärh mais il avait nettement rencontré plus grand. Le mâle se demanda avec un petit sourire en coin comment ils réagiraient s’ils devaient se retrouver face au colosse opalin qu’était Asolraahn.
Il lui fallut un instant pour s’installer en face d’elle, l’elfe s’étant assise en tailleur sans plus de cérémonie sur un carré d’herbe libre suffisamment à l’écart des autres tout en demeurant suffisamment proche. Cela ne lui semblait guère surprenant, il avait l’habitude de manger à même le sol - c’était plus une norme qu’autre chose pour lui - mais être entouré de la sorte par autant de sans-poils dans un environnement ouvert dont il ne connaissait rien. D’autant qu’il était aussi évident qu’un jeune nocturnyène au milieu d’un groupe d’adultes. Il s’assit en tailleur également, réchauffant ses paumes au contact du bol débordant de gruau.

C’est lorsqu’elle prit la parole et qu’il leva les yeux vers elle pour l’écouter tout en mangeant son repas avec appétit qu’il les remarqua. Les veines cuivrées qui couraient sur sa peau, brillantes et surprenantes. Il suivit du regard ses indications, avec un bref instant de retard, l’écoutant diligemment et avec curiosité, retenant les informations qu’elle lui donnait avec la ferme intention de les consigner plus tard dans son carnet. Les pupilles du graärh se contractèrent lorsqu’elle mentionna le domaine baptistral mais il garda le silence, respectueux et patient comme un graärh savait le faire, surtout lorsqu’il se trouvait face à quelque chose qu’il convoitait. En l’occurrence, il y avait beaucoup à apprendre et si Rakesh en avait déjà appris une partie auprès des baptistrels, il était évident qu’il y avait encore beaucoup à découvrir.

A la question qu’elle lui adressa, Rakesh retint un rire qui manqua de lui gonfler les joues et prit le temps de consciencieusement avaler la bouchée qu’il était en train de mâcher avant de répondre avec un grand sourire :

« Oh que non, » lâcha-t-il avec un ricanement. Il remua le contenu de son bol qu’il avait déjà nettement entamé. « J’avais le nez vers l’extérieur, vers les chemins et l’extérieur. Je voulais voyager, découvrir ce qu’il y avait au-delà. »

Il était jeune et c’était à peu près tout ce qui l’intéressait. Les histoires que son père avait pu raconter, les monts et les merveilles dont il avait dépeint les couleurs avec un tel enthousiasme. Il était tout naturel pour lui de vouloir partir et les voir de ses propres yeux, fureter pour déterrer l’inconnu. Sa mère et bien des autres n’avaient pas été ravis de cet élan et c’était peut-être leurs tentatives de le contenir qui n’avaient fait qu’empirer les choses.
Seul Madhu l’avait soutenu, douce Madhu, gentille Madhu. Elle lui manquait avec son rire discret et sa patience à toutes épreuves.

« Arpana est pleine de connaissance, » dit-il avec respect en dardant ses orbes bleus sur Vex. « Les miens chassent et combattent, mais je n’ai guère d’intérêt pour la violence et la mise à mort. Arpana est notre guérisseuse, j’ai décidé d’apprendre à ses côtés. J’ai découvert beaucoup et qu’un bon soin épargne une vie, change un destin. »

Il mentionna le mot “vie” avec un poids particulier, comme s’il ne parlait pas uniquement de sauver une vie, de garder la personne dans le monde des vivants. Mais de la préserver telle qu’elle était avant la blessure, d’éviter une perte au blessé, de lui permettre de se lever et de reprendre ses activités comme si rien - ou presque - ne s’était passé. Nombreux étaient les graärhs qui, après une chasse qui aurait mal tourné, se trouvaient estropiés ou trop malades pour reprendre la chasse et ne savaient comment retrouver le chemin de l’honneur. Ce même honneur qu’ils avaient pourchassés avec détermination en devenant Shikaaree.

« J’aime soigner et prendre soin, » révéla-t-il doucement avant de reprendre avec une intensité dans la voix et un éclat dans le regard : « mais j’aime plus encore voyager. Vadrouiller. J’ai rencontré les baptistrels, » finit-il, comme pour partager l’expérience, dire que lui aussi avait passé du temps à leurs côtés, bien que cela ne pouvait définitivement pas se compter en années. Moins encore en longues années.

Son regard balaya les têtes blondes, brunes et rousses aux teintes variées qui les entouraient et plissa le nez.

« Vous n’êtes pas comme eux, » en pointant sa propre oreille, comme pour indiquer celles, pointues, de la femelle. « Pourquoi vous êtes ici ? » Il pointa son propre cou, montrant cette fois les veinules qui parcouraient celui de Vex bien que le sien soit uniquement couvert de fourrures et de symboles dessinés. « Racontez-moi, s’il vous plaît. »

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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La conversation était lancée. Des sujets restaient tabous, bien sûr, mais il y avait de nombreuses choses dont nous pouvions discuter paisiblement. Nous avions des points communs, assez pour alimenter une conversation sans qu'il n'y ait de blancs gênants. Quoi que, le silence ne me déplaisait pas non plus.

Ma question ne demeura pas sans réponse. Après avoir parlé, c'était à mon tour d'écouter. Je relevais les yeux vers le museau de Rakesh, tandis que j'avalais tranquillement mon repas. Mes gestes trahissaient aisément mes origines nobles, malgré la consistance pâteuse et l'apparence peu sophistiquée de ce dîner. J'avais appris à me tenir et, même assise dans l'herbe, je tenais à y faire attention.

Les premiers mots du Graärh, parés de son accent si particulier, me firent aussitôt songer à ma fille. Elle aussi avait le nez tourné vers l'extérieur. Elle l'avait toujours eu. Et, si elle avait été présente, j'étais persuadée qu'elle serait suspendue aux babines de Rakesh, les yeux pétillants de joie, mais aussi d'envie, à l'idée d'en apprendre plus sur cet archipel. Je gardais toutefois pour moi cette réflexion, souhaitant laisser le Graärh poursuivre son récit. Je notais toutefois dans un coin de mon esprit de lui présenter Kyla, à l'occasion.

Arpana me parut aussitôt très intéressante. J'étais si curieuse d'en apprendre plus sur les techniques des Graärh ! Y avait-il une possibilité, qu'un jour, cela soit possible ? Rakesh m'avait bien fait comprendre que le savoir de son peuple ne se partageait pas avec les sans-poils. Pas aussi facilement, en tout cas. Mais j'étais patiente. Attendre un jour, un mois, un an, dix… Ce n'était qu'un battement de cil dans ma vie éternelle.

À la mention des baptistrels, mon regard se para d'étoiles. Ainsi, il les connaissait. Nous avions là un point commun bien particulier. Je devinais sans mal ce qu'il avait eu l'occasion d'apprendre en leur compagnie, même en étant resté peu de temps dans leur domaine.

« Guérisseur est une noble vocation. Honorable. »

Nous affrontons la mort, nous aussi. Parfois de façon bien plus cruelle que les soldats, que ces guerriers à la recherche des plus grands honneurs. Et, nous aussi, nous nous battons pour la vie. Il n'y avait qu'à jeter un regard circulaire autour de nous pour nous en rendre compte.

La tournure de la conversation me prit ensuite de court. Je suivais son regard, observant les humains aller et venir. Puis son oreille. Instinctivement, ma propre main droite se portait à la mienne, dont la pointe dépassait de ma chevelure et trahissait mes origines. Pourquoi étais-je ici ? Je me posais parfois la question, lorsque le doute m'envahissait, lorsque je pensais trop fort à mon amour disparu. Pourquoi n'étais-je pas resté là-bas ? Si seulement…

L'appétit soudain coupé, je posais mon bol à mes pieds. Les coudes sur les genoux, je relevais mon regard volcanique vers le Graärh. Lui raconter… lui raconter quoi, au juste ?  Comment ai-je atterri ici ? Ne sachant pas par où commencer, je passais nerveusement la main dans mes cheveux, ramenant la masse rousse sur le côté gauche de mon visage. Les veinules qui parcouraient mon cou n'en étaient que plus visibles, ainsi que les tâches de rousseurs qui constallaient ma peau.

« Non, en effet, je ne suis pas comme eux. Je suis… Enfin, j'étais une Elfe. » commençais-je, décidant que commencer par le commencement était un bon début. « Là d'où je viens, nous étions trois races. Les Humains, » d'un geste de la main, je désignais le camp et ses occupants principaux. « Les Elfes, » cette fois-ci, je posais la main droite sur mon cœur. « Et les vampires. »

À l'évocation de ces derniers, je ne pouvais réfréner ma colère envers eux. Mon regard s'assombrit, mon ton devint dur. Je m'efforçais de ne pas les mettre tous dans le même panier, mais c'était là un vœu difficile à tenir.

« Il y avait aussi des Dragons. Mais ils étaient tous morts ou avaient quitté nos terres lorsque je suis née. C'était il y a quatre-cents ans. »

L'informer de mon âge me semblait être une bonne chose pour l'aider à comprendre ce récit et à en saisir la temporalité.

« Ma famille vivait dans une forêt. Une immense forêt comme il n'y en a pas dans cet archipel, avec des arbres si hauts que je peinais à en deviner les cimes. Notre maison était dans les arbres. Elle faisait partie des arbres, en fait. Les Elfes savaient ne faire qu'un avec la nature, prendre uniquement ce dont ils avaient besoin et donner en échange. »

C'était un souvenir merveilleux que j'essayais de garder intact.

« Venir en aide aux autres était aussi la vocation de mes parents. » J'esquissais un sourire triste en songeant à eux. « Et quand ils n'ont plus été en mesure de satisfaire ma curiosité, et comme j'étais adulte, je suis allé trouver les Baptistrels. Leur domaine était voisin. J'y suis resté… Presque trois-cents ans. »

Je pris le temps d'inspirer longuement face à cette durée colossale que Rakesh devait peiner à imaginer. Je me remémorais ces années de vie et de paix.

« Je me suis mariée. Je suis aussi devenue mère. » révélais-je d'une petite voix, mes pensées se tournant vers ma famille. « Les choses ont changé lorsque les Dragons sont revenus sur nos terres. C'était il y a une dizaine d'années. La guerre a suivi très rapidement. Une guerre qui avait pris fin des siècles plus tôt, mais dont la rancœur persista au fil des ans… Les vampires se sont attaqués aux humains, puis aux elfes. Ce que j'avais appris a été mis à l'épreuve à ce moment-là. Il y avait tant de blessés… Ce qui se passe ici, » Je désignais le camp, encore une fois. « N'est rien en comparaison de ce qui s'est passé là-bas. »

Je fis une courte pause, mon ton devenu monocorde pour conter ce récit tragique dont je me détachais pour ne plus en souffrir. Mon regard n'osait pas croiser celui de Rakesh, préférant se perdre dans l'herbe qui nous séparait.

« Lorsqu'un nouvel adversaire, venu de terres lointaines, a accosté nos rivages, les choses sont devenues pires. C'était un ennemi qui ne craignait pas la magie et qui massacrait quiconque l'utilisait. Les elfes, mais aussi les vampires, ne peuvent vivre sans magie, » précisais-je, lui faisant ainsi comprendre qu'il n'y avait pas eu d'échappatoire pour nous, si ce n'est la mort. «  J'avais toujours usé de ma magie pour soigner. Mais j'ai fait le choix de la transformer en arme. Je suis devenue ce qu'on appelle ici un mage de guerre. Je peux soigner, mais je peux aussi tuer. »

La flamme qui dansait au creux de ma paume en était la preuve. Elle pouvait cautériser une plaie ou, au contraire, dévorer la chair et réduire en cendres le corps d'un opposant. Je refermais le poing pour la faire disparaître.

« La suite n'est qu'une longue succession de conflits entrecoupée d'une mince période de paix. Mais un jour, notre adversaire a été plus fort que tous les autres et nous avons dû quitter nos terres. C'est comme cela que les sans-poils sont arrivés chez vous, après un très long exil en mer. Le navire sur lequel je me trouvais a été séparé de la flotte pendant une tempête. Nous avons échoué près d'un îlot sur lequel nous nous sommes établis. Nous étions peu, mais nous étions en paix. C'est grâce, ou à cause de l'explosion du Baoli que nous sommes parvenus jusqu'ici. Nous ne nous attendions pas à trouver cet archipel, votre archipel, peuplé par nos semblables. »

Je ne m'étalais pas sur ce que j'avais pensé en arrivant. Le ton emprunté suffisait à lui seul. J'avais été outré par l'esclavage des Graärh ou même par la façon dont les sans-poils s'étaient accaparés les terres.

« Finalement, je foule les terres de cet archipel depuis peu de temps. Je n'en connais pas grand chose. Je suis toujours restée ici, en fait. Lorsque nous avons accosté, les humains mourraient de faim. Il m'a semblé normal de rester pour aider qui je pouvais avec mes soins. Et puis un jour, je suis devenue autre chose. Je n'étais plus vraiment une elfe. C'est comme ça qu'elles sont apparues. »  Je caressais les veinules qui parcouraient mes épaules du bout des doigts. « Sainnûr dans la langue de mon peuple. Immaculés en langue commune. Une nouvelle race qui regroupe d'anciens elfes et d'anciens vampires… Ces veinules sont une caractéristique commune. »

Le premier vampire était un elfe, cela me semblait donc logique. Sans doute pas à Rakesh, mais c'était une autre histoire à conter.

« Peu après notre arrivée, il y a eu la Bataille des Cendres. Celle qui a détruit cette cité. Depuis, je suis ici, à soigner les blessés. »

Je taisais volontairement la disparition de mon époux, ne souhaitant pas en parler pour le moment. C'était un sujet très douloureux qui me mettait à fleur de peau à chaque fois. Et je ne préférais pas fondre en larmes au milieu de tous ces gens, ni devant ma récente rencontre. Agrippant mon bol désormais bien tiède, je passais une main au-dessus pour en réchauffer le contenu, l'air ailleurs.

« Voilà, vous connaissez l'histoire. J'imagine que vous étiez déjà au fait d'une partie de celle-ci grâce aux baptistrels. » m'avançais-je, feignant l'indifférence, en prenant une bouchée réchauffée de mon repas, la gorge nouée d'avoir remué ainsi le passé.

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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Le mot “honorable” dans la bouche de la femelle lui arracha une expression amère. Il souffla par le nez, bien malgré lui. Il avait nettement apprécié le fait qu’elle l’ait écouté sans dire un mot, attentive et respectueuse, mais cette mention lui avait ramené les pattes sur terre.
Repoussant le sujet sur le côté, il poursuivit, changeant le sujet et s’intéressant plutôt à la face-plate avec laquelle il discutait. Elle n’était pas comme tous ces bipèdes qui les entouraient. Ses oreilles, pour commencer, n’étaient pas les mêmes et il y avait cette odeur qui était également différente même si elle se faisait plus discrète. Lui-même sentait différemment même si son odeur restait indéniablement celle d’un graärh, il ne portait plus autant celle de sa tribu et des siens. Il y avait un restant de son temps chez les baptistrels mais aussi celle, plus prenante et plus récente, qu’il avait gagné en montant sur le bateau. Bien entendu, ces odeurs étaient diffuses mais lui-même pouvait les sentir, les percevoir, savoir à quel point son identité avait plus ou moins changé mais toutes ces odeurs étaient récentes et ne s’étaient pas encore mêlées à son odeur naturelle. Elle… les oreilles rondes s’accrochaient à son odeur comme si cela faisait un long moment qu’elle se trouvait avec eux.
Sa remarque, d’ailleurs, sembla lui rappeler cet état de fait car elle porta ses longs doigts fins jusqu’au bout effilé de son oreille. Peu de temps après, le rideau flamboyant de ses cheveux couvrit le côté de son visage, mettant en valeur les tâches qui constellaient sa peau et les veines colorées.

Il écouta attentivement, hochant la tête à la mention des trois peuples. Il en avait appris autant avec les baptistrels et les sans-fourrure qu’il avait rencontrés jusque-là. La mention qu’elle était une elfe, au passé, lui fit incliner la tête sur le côté, les oreilles pleinement orientées vers elle de curiosité. Elle ne sentait pas la mort ni le froid et n’appartenait clairement pas à la dernière race dont elle prononça le nom avec colère, ses yeux prenant la teinte de la colère.
Rakesh cilla clairement, sa queue frottant le sol dans un geste surpris à la mention de son âge. Quatre cent ans. Bien entendu, le grand mâle en avait entendu parler par le passé, de ces êtres capables de vivre longtemps. Cela incluait bien entendu lesdits vampires mentionnés auparavant qui ne vieillissaient plus. Pour autant, c’était la première fois qu’il rencontrait un être d’un tel âge… pour autant qu’il sache. Soudain, il s’interrogea sur certains des baptistrels qu’il avait rencontrés au domaine. Jamais il n’aurait deviné son âge si elle ne lui avait pas dit, peut-être en allait-il de même pour certains d’entre eux.
Quatre cent ans dont trois cent passés aux côtés des baptistrels. Il en avait tant appris à leur côté, il peinait à imaginer tout ce qu’elle avait pu engranger comme connaissance pendant toutes ces années. Il inclina soudain la tête sur le côté, la considérant avec une intensité curieuse, engrangeant ses mots comme un fermier ses grains.

Son regard bleu se posa sur la flamme qui naquit au creux de sa paume et Rakesh se demanda dans quelle mesure un conflit aussi important pouvait pousser quelqu’un à prendre un tel revirement. Une personne dont la vocation initiale était de soigner se trouvant soudain à infliger ce qu’elle tentait avec tant de ferveur d’apaiser et de soigner. Il essaya de s’imaginer infligeant plaie et douleur, frappant et lacérant de ses griffes, abattant son arme dans le but de faire naître la douleur, d’asséner la mort. La pensée seule lui hérissa le poil et lui fit réprimer une grimace de dégoût et il posa à son tour son repas bien que celui-ci soit nettement plus entamé que celui de Vex.
Il baissa les yeux sur l’herbe qui se trouvait entre eux, pensif et songeur. La question qu’elle lui posa lui fit lentement hocher la tête. Il resta silencieux un moment avant de relever les yeux vers elle et de demander, détachant ses mots pour les articuler correctement et leur apporter le poids que sa question pouvait porter :

« Tous ces maux qui ont accablé vos terres, toutes ces invasions, ces guerres et ces ennemis. Ce dernier qui vous a poussé à quitter votre chez vous, votre maison… il ne vous vient parfois pas à l’esprit que c’est ce que vous êtes pour nous ? »

Il n’y avait aucune agressivité ni la moindre accusation dans sa voix, juste une question, une constatation d’un point de vue bien particulier. Il poursuivit, sa voix douce en contraste avec ses propos :

« Vous êtes les vampires qui s’attaquent à nos humains et nos elfes. Vous êtes l’adversaire venu de terres lointaines qui a accosté sur nos rivages. Ce n’est pas la magie que les sans-poils anéantissent, c’est notre liberté et notre mode de vie. »

Sa gueule se fit amère et triste tandis qu’il faisait un geste vers le campement où les blessés s’amoncellaient, gémissant de douleur, attendant qu’on s’occupe d’eux, leurs plaintes seulement atténuées par le ciel des tentes qui les protégeaient du soleil et des intempéries. Il reprit, un sourire âpre tordant ses lèvres tandis qu’il reprenait mot pour mot ce qu’elle avait dit. A aucun moment Rakesh n’avait eu l’intention de s’aventurer sur ce terrain, moins encore de piquer une femelle qui s’était montrée aussi ouverte et gentille avec lui qu’elle l’avait été.

« Ce qui se passe ici n’est rien en comparaison de ce qui se passe là, » acheva-t-il en posant une patte massive sur sa poitrine, à l’emplacement du cœur.

Il ne parlait bien entendu pas seulement de lui-même. Il parlait de ces graärhons arrachés à leur famille, aux tribus éprouvées, assassinées, réduites à peau de chagrin qui devaient se mêler à une autre plus grande dans l’espoir de se protéger. Le mode de vie des graärhs était menacé puisqu’ils ne pouvaient désormais plus exister de la façon dont ils avaient existé jusqu’à présent car une tribu seule était une tribu vulnérable.
Il n’approuvait probablement pas chaque règle qui régissait le fonctionnement des graärhs mais il les défendrait malgré tout.

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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Raconter cette histoire m'avait vidé de mon énergie. Vider émotionnellement, en vérité, car je sentais toujours le fourmillement agréable de la magie sous la fine peau de mes mains. Doucement, je pris mon bol. Et, tout aussi lentement, j'entrepris de terminer mon repas avec lenteur. La gorge encore nouée, je ne voulais pas m'étrangler. Face à moi, Rakesh était songeur. Du moins, me semblait-il ? Nous fûmes silencieux un moment, l'un comme l'autre perdu dans nos pensées. Il fut le premier à briser le silence, me faisant lentement relever les yeux vers lui.

" …Il ne vous vient parfois pas à l’esprit que c’est ce que vous êtes pour nous ? "

Je clignais des yeux, ma cuillère à mi-chemin entre mon bol et ma bouche. Puis j'expirais lentement en la reposant. Pendant un instant, je fus incapable de le regarder dans les yeux.

Pendant un instant seulement.

" Si. " lui répondis-je en croisant son regard bleuté.

Je n'étais pas dupe. Je n'étais pas adepte de la politique de l'autruche. Quand nous étions arrivés dans l'archipel, une part de moi avait été heureuse en sachant que les Elfes s'étaient installés sur une terre non peuplée par les Graärh. Comme si… comme si cela avait effacé la honte que je ressentais en voyant ce qu'ils avaient fait de ce peuple autochtone.

Mais je comprenais parfaitement la blessure qu'il ressentait. J'avais la même, exactement au même endroit. Il avait vu les siens être enlevé, mis en esclavage. Tués. Tout comme j'avais moi-même vu les miens mourir, autrefois.

Je posais un regard nouveau sur Rakesh. Il venait de me rappeler ce que nous étions : des envahisseurs. Des esclavagistes. Des monstres, me hurlait mon cerveau à cet instant. Et partager un repas n'allait pas changer cela. Est-ce que quelqu'un de plus important que moi s'était, un jour, excusé auprès des Graärh ? Un air triste se peignit sur mon visage. Je repensais à nos dirigeants. À ces dragonniers prêts à défendre la veuve et l'orphelin. Tous des héros qui n'avaient, que je sache, pas levé le petit doigt pour les Graärh. Je me sentais soudainement bien sotte.

" Je crois que… Nous avons trop tendance à l'oublier, " je relevais le nez vers Rakesh. " Que vous étiez là. Que nous sommes chez-vous. Que nous sommes ce que nous avons combattu voilà quelques années à peine. Cela ne ramènera pas ceux que vous avez perdu… Mais… Pour ce que cela vaut, je suis sincèrement désolé. "

Et, avec le recul, l'îlot sur lequel nous avions échoué me semblait bien douillet. Sans doute, n'aurais-je jamais dû le quitter. J'aurais tant aimé que les vampires, les humains, et même les elfes s'y prennent autrement. Qu'ils prennent en considération les Graärh et trouvent un terrain d'entente. Nous aurions sans doute pu, ne serait-ce qu'en restant uniquement sur les îles inoccupées de Calastin et Keet-Tiamat. Bien que fûmes très nombreux, elles étaient immenses.

" Je ne me voile pas la face : nous ne partirons sans doute jamais. Ou pas dans un avenir à court et moyen terme. " Il n'y avait qu'à voir la nouvelle cité que l'Empereur construisait. " J'ose espérer, simplement, que nous serons capables de cohabiter. Mieux que nous le faisons pour l'heure..."

Je ne demandais que cela.

" Je pense que c'est possible… Et cela passe par l'éducation. Éduquer nos peuples au sujet du vôtre. Et l'inverse. J'aimerais beaucoup apprendre... Vous découvrir. L'ignorance conduit souvent à la peur, et la peur nous fait faire de terribles choses... "

Ou la connerie. Mais ça… À part arracher les mauvaises graines…

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Rakesh ne savait trop quelle réaction il attendait, s’il en attendait une. La discussion s’y prêtait bien trop, les mots prononcés et l’histoire racontée lui en rappelait une autre mais si les faces-plates avaient connues des victoires - aussi amères soient-elles - pour l’heure, les graärhs ne pouvaient en dire autant. Il observa la réaction de l’elfe, de la Sainnûr, l’immobilisation de la cuillère à mi-chemin de ses lèvres et son incapacité à le regarder dans les yeux. Son attitude parlait pour elle, prononçait des mots auxquels elle ne donnerait pas voix. Les graärhs lisaient les corps dans un langage à part entière que les mots et les sons ne faisaient que confirmer ou renforcer un dialogue. Il avait cru remarquer que les sans-poils n’y prêtaient que peu attention, voire pas du tout. A l’exception des signes évidents.
Lorsque Vex parvint enfin à croiser son regard, sa réponse tomba, honnête et directe. Il hocha lentement la tête et revint à son plat. Rakesh n’avait pas besoin d’excuses étalées qui ne changeraient pas grand-chose. Il hocha la tête à ses excuses, les acceptant sans pour autant leur offrir une réponse. Il appréciait la sincérité et le sentiment mais il était clair que ce n’étaient pas ces quelques sons qui allaient arranger toute la situation, même s' ils ajoutaient une pierre à un édifice qui commençait à se construire depuis quelques temps. Il suffisait de voir les choses évoluer dans certaines de ces cités de pierres que les bipèdes érigeaient ici et là.

Il connaissait une partie de la réponse à sa question mais il la posa malgré tout, espérant offrir une once de lumière sur ces yeux assombris par le regret et des années d’horreurs :

« Qu’est-il advenu de vos envahisseurs ? Ont-ils fini par vivre à vos côtés, respectés jusque dans leurs us et coutumes, ou les avez-vous exterminés jusqu’au dernier et réduit leur mémoire à néant ? »

Peut-être, réalisa-t-il un peu tard, que sa question pouvait également être interprétée comme une menace ou une promesse mais il espérait qu’elle verrait dans son comportement, dans sa posture calme et ouverte, qu’il n’en était rien. D’un autre côté, il avait rencontré bien des graärhs en mesure d’énoncer une promesse fatale sur le ton de la conversation sans que son langage corporel n’indique autre chose qu’une calme assurance.
Il se frotta la cuisse, brossant sa fourrure de ses griffes, ses yeux bleus posés sur sa patte massive, pensif. Il secoua doucement la tête :

« Pensez-vous vraiment que votre peuple a peur du nôtre ? »

Le grand mâle avait certes croisé quelques sans-poil qui avaient réagi avec ce qui pouvait s’apparenter à de la peur en le voyant mais il avait aussi croisé du dégoût. Ou du mépris. De l’indifférence. La peur ne venait que lorsqu’ils remarquaient combien il était grand, combien ses épaules étaient larges et ses griffes longues. Ils n’avaient pas peur de lui comme ils avaient peur de leur garde, ils avaient peur de lui comme ils avaient peur du chien famélique qui montre les crocs, affamé et désespéré. Comme un animal.
Il ne voulait pas mettre en doute les paroles de la sainnûr mais il n’était pas certain de ce qu’elle avançait. Vex les connaissait certainement mieux que lui et, après tout, les baptistrels l’avaient accueilli sans une question et avec une ouverture à laquelle il ne s’était pas attendu, aussi peut-être était-il pessimiste.

Rakesh reposa son bol vide à côté de lui et croisa les mains dans son giron, assis en tailleur.

descriptionUn graärh dans la ville [PV Vex] EmptyRe: Un graärh dans la ville [PV Vex]

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Je détestais le mensonge. Je le haïssais. Il était donc hors de question que je ne donne pas le fond de ma pensée à Rakesh, même si cela pouvait m'apporter des problèmes. Si ma réponse ne lui plaisait pas, par exemple. Mais le félin sembla l'accepter, hochant simplement la tête, l'air grave. Mes excuses, quant à elles, ne valaient sans doute rien. Mais le sentiment de honte que je ressentais en songeant à tout cela étreignait trop fortement mon cœur pour que je ne les prononce pas. Je voulais qu'il sache que, me concernant, je n'approuvais pas tout ce qui s'était passé. Et tout ce qui continuait à avoir lieu.

« Qu’est-il advenu de vos envahisseurs ? Ont-ils fini par vivre à vos côtés, respectés jusque dans leurs us et coutumes, ou les avez-vous exterminés jusqu’au dernier et réduit leur mémoire à néant ? »

La question me laissa un goût amer en bouche. Pendant très longtemps, j'avais souhaité leur mort. Leur anéantissement, pour ce qu'ils nous avaient fait. Un sentiment que les Graaärh devaient sans doute nourrir envers nous, à présent. Soudainement, la honte ressurgit en moi. Je n'étais personne pour changer cela, mais je me sentais coupable de faire partie de ce peuple qui faisait vivre aux autochtones ce que nous avions nous-même si mal vécu quelques années auparavant. Si Rakesh craignait que je prenne ses paroles pour une menace, c'était loin d'être le cas.

« Par la force des choses, les Almaréens se sont intégrés. Il y en a ici, » Je désignais le camp de la main, mais faisait surtout référence à l'empire. « Mais la majorité d'entre eux sont à Délimar. C'est une cité humaine qui se trouve beaucoup plus au sud de l'île. Les Délimariens et les Almaréens partagent beaucoup de points communs. Ce sont deux peuples martiaux. Et ils n'aiment pas du tout la magie. » Expliquai-je brièvement, prenant de nombreux raccourcis.

Si mon peuple avait été aussi puissant qu'auparavant, songeais-je, j'étais certaine que les Elfes se seraient bien entendu avec les Graärh. Nous avions des points communs. Il y avait des sujets qui étaient rassembleurs.

« Pensez-vous vraiment que votre peuple a peur du nôtre ? »

La référence à ce que j'avais dit un peu plus tôt me laissant songeuse. Je regardais autour de nous, captant de nombreux regards curieux.

« Peur… Peut-être pas exactement. Pas dans ce sens là. » Je m'humectais les lèvres. « Mais la différence effraie. Et vous êtes, à première vue du moins, très différent de nous. »

Mais il n'y avait pas que cela.

« Mais ce n'est qu'une partie de la vérité, je pense… » Je relevais le regard vers les orbes bleus du Graärh. « Il est évident que certains sans-poils vous considèrent… Inférieurs... car vous n'avez pas le même mode de vie... ou les mêmes coutumes. » Je soupirais. « Il y a des gens qui jugent que si ta maison n'est pas de pierre et que tu vis simplement de la terre, tu vaux moins qu'eux. Le monde d'où je viens était déjà affligé par ce genre de pensée… Et vous en êtes victime à votre tour. » Après une courte hésitation, je poursuivais, parfaitement honnête. « Enfin, votre apparence est… comment dire… Bestiale ? » Ma voix se fit petite, j'avais la sensation de marcher sur des œufs. Je ne voulais pas blesser ma nouvelle rencontre. « Vous partagez de nombreux points communs avec des animaux sauvages. Certains sans-poil ne voient pas plus loin que ça. Enfin... d'autres sont simplents cruels. Ou idots... » terminais-je en soupirant, très mal à l'aise.

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Ah, effectivement, les noms des dits peuples lui étaient familiers. Il hocha la tête, intégrant l’information et la rangeant dans un coin de son esprit pour le consigner plus tard dans son carnet. Il ne savait cependant trop qu’en penser. Un peuple envahisseur, presque réduit à néant et qui se serait “intégré”. Si bien intégré, par ailleurs, qu’il vivait essentiellement dans une ville leur étant propre avec un autre peuple qui partageait ses points de vue. Pouvait-on alors réellement dire qu’ils s’étaient intégrés ? Il inclina la tête, curieux et pensif. Si un graärh venait à vouloir intégrer une tribu, il se mêlait à celle-ci s’il était accepté. Il apprenait ses us et coutumes si elle en avait de particuliers, parfois c’était lui qui partageait certaines de ses particularités et la tribu acceptait - ou non - de les ajouter à son identité.
Il se demanda dans quelle mesure les sans-poils avaient réellement accepté leur vieil ennemi comme l’un des leurs et si, un jour, les vieilles rancœurs finiraient par s’envenimer et déclencher de nouvelles hostilités.

Sa seconde question lui offrit une réponse qui le laissa un moment silencieux tandis qu’elle s’exprimait, expliquant. La sainnûr faisait de son mieux pour ne pas l’offenser, marchant sur des œufs de karapt, effrayée que l’un d’entre eux ne lui éclate à la figure et ne signe son arrêt de mort. Prudente à l’excès, elle surveillait ses réactions, son visage plat se tordant d’embarras et de gêne tandis que son langage corporel exprimait le reste de ce qu’elle n’avait pas énoncé à voix haute.
Rakesh resta silencieux, la considérant avec de grands yeux. Sa gueule légèrement entrouverte laissait apparaître ses lèvres noires et le début de ses crocs épais. Son immobilité s’éternisa avant que, d’un seul coup, il n’explose dans un grand éclat de rire. Rejetant la tête en arrière, sa crinière se déployant tandis que les tresses ornées de perles s’entrechoquaient dans un cliquetis discret, le grand mâle rit à gorge déployée. Il s’en tapa la cuisse d’hilarité, se penchant en avant, la tête baissée, son rire se muant en un ricanement rauque qu’il ne cherchait même pas à réprimer.

La foule de tronches-plates le considéraient avec effarement, un animal étrange au comportement anormal offert à la vue des spectateurs du grand cirque de la vie. Et Rakesh n’en avait strictement rien à faire.
Lorsqu’il releva les yeux vers Vex, ses yeux bleus brillaient d’hilarité, des larmes de rires brillant dans ses iris luisants. Il souriait à grandes dents :

« C’est le ponpon, » lâcha-t-il dans un gloussement grondant. « Parce que vous ne vous trouvez pas bizarre avec vos faces plates, vos touffes de poils éparses, » fit-il remarquer en tirant sur une de ses propres mèches en jetant un regard à la crinière rousse de l’elfe, « et vos dents de cheval ? »

Il montra ses propres crocs comme pour pointer la différence ridicule entre leurs dents inutiles et les siennes. Rakesh lâcha un souffle amusé, secouant la tête comme s’il n’en revenait pas qu’on lui oppose un tel argument. Ces singes dépenaillés venaient sur leurs terres et osaient expliquer leurs réactions en parlant de l’apparence des graärhs comme s’ils étaient les créatures étranges et anormales, comme si les félins étaient ceux qui avaient pris le mauvais chemin.
Les coudes sur les genoux, penché vers Vex, Rakesh reprit plus tranquillement mais un sourire jouait sur ses lèvres noires, l’amusement dansant dans ses yeux :

« Chez les graärhs de Paadshail, il existe une punition terrible. Voyez-vous, » dit-il, son sourire s’accentuant légèrement sans que la pointe de ses crocs ne soit visible pour autant : « si un graärh en tuait un autre, s’il tuait un graärhon, entre autres crimes, il verrait sa fourrure tondue. »

Il se redressa, son regard passant sur le corps dénué de fourrure de l’elfe avant de passer sur le lot d’humains qui l’entourait. Il secoua la tête à nouveau, le cliquetis de ses perles faisant tressaillir ses oreilles. Les graärhs n’avaient probablement pas bien réagi à l’arrivée des envahisseurs, une juste réaction s’il devait en juger par celles des faces-plates quand eux-mêmes s’étaient vu envahis par d’autres.
Pour autant, ils ne se cachaient pas derrière une justification fumeuse liée à l’apparence des autres. Rakesh plissa le nez, ses babines se retroussant - toujours sans dévoiler la pointe de ses crocs. Lorsqu’il reprit, sa voix était un brin amère, son regard toujours posé sur la foule d’humains :

« Les animaux malades perdent leur fourrure, les assassins se font tondre mais je doute que l’un des nôtres ait fait l'amalgame. Vous venez sur nos terres, vous nous massacrez, pillez notre histoire, volez nos petits, nous réduisez en esclaves et vous nous traitez d’animaux comme s’il s’agissait d’une insulte. »

Il haussa les épaules, inspirant doucement et s’ébrouant légèrement comme pour se départir de son amertume et sourit à nouveau, l’air à nouveau positif et enjoué :

« Je suppose qu’il ne tient qu’à nous de changer les choses. Certains ont déjà oeuvré dans ce sens, autant les accompagner. » Rapidement, comme si le changement de sujet avait toujours été sur le bout de ses lèvres sombres, il reprit : « Lorsque vous avez parlé des elfes, vous parliez au passé de la capacité des elfes à ne faire qu’un avec la nature, en sont-ils incapables aujourd’hui ? Que s’est-il passé ? » Sans lui laisser le temps de répondre, il poursuivit, la curiosité l’animant à nouveau d’une énergie lumineuse : « Les Baptistrels ont une collection incroyable de livres et de connaissances mais… ils ne sont pas là depuis longtemps. Comment était leur domaine, sur vos terres ? Avaient-ils plus ? »

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La sensation d'être sur un terrain glissant n'avait jamais été aussi présente. Aussi intense. Marcher sur des œufs n'était même plus adéquat et je faisais attention à chacun des mots qui allaient franchir la barrière de mes lèvres. La dernière chose que je souhaitais étais de créer un incident qui attirerait l'attention sur nous. Davantage qu'en ce moment, du moins.

Mais, s'il y avait bien une chose à laquelle je ne m'attendais pas, c'était la soudaine hilarité du Graärh, au point de s'en taper la cuisse. Je baissais la tête en sentant mes joues devenir rouge. Je n'aimais pas attirer ainsi l'attention sur moi.

« Et nos dents de... de cheval ? »

J'ouvrais les yeux grands, mes lèvres formant un "o" étonné. Puis riais à mon tour, l'hilarité de mon compagnon étant finalement communicative. Effectivement, c'était le pompon. Une main contre le bas de mon visage, je riais, quoi que plus discrètement que Rakesh, et des larmes se formèrent au coin de mes yeux, brouillant soudainement ma vue. Il me fallut plusieurs longues secondes pour retrouver mon calme, chassant les larmes du bout des doigts.

« Vous avez raison, invoquer une telle raison n'est qu'une vaste fumisterie. »

La conversation dévia soudainement, s'éloignant des œufs sur lesquels nous marchions depuis de longues minutes. Je me rendis compte à quel point j'étais tendue. Mes muscles me faisaient mal et je posais les mains dans l'herbe, juste derrière moi, pour étirer mon pauvre dos.

« Les elfes... Sans doute le savez-vous déjà, mais les elfes se sont installés sur l'île qu'ils ont nommé Keet-Tiamat. Quel est son nom dans votre langue, d'ailleurs ? » Demandais-je soudainement. « Ils ont battit une grande cité, bien différente de ce que j'ai connue dans ma jeunesse. Des bâtiments qui se sont élevés du sable. De toute beauté, sans doute, mais pas aussi harmonieux qu'autrefois. Pas aussi... Comment dire... » Je baissais les yeux, cherchant le bon terme, la bonne explication. « J'imagine que construire près d'un désert est très différent de construire dans les arbres. Je n'ai pas vue la cité de mes propres yeux, mais la description qu'on m'a faite me rappelle davantage les cités humaines, qui s'étendent sans vraiment prendre en considération ce qui se trouve autour. Et depuis quelque temps... il sévit là-bas une maladie. La peste de corail. Les Elfes sont voués à disparaître, je le crains... » terminais-je, le regard lointain. Je ne réalisais pas encore que mon peuple, mon ancien peuple, était en train de disparaître peu à peu.

« Les Baptistrels ? Eh bien... » Je caressais mon menton, songeuse. « Oui, il y avait plus. Forcément. Des siècles de savoirs et d'Histoire. Ils ont emporté l'essentiel dans notre fuite, comme tout le monde, mais une partie a forcément été perdu à jamais... Quant aux biens matériels, je n'ai pas vu le domaine de Néthéril de mes propres yeux, je ne saurais pas dire s'il est plus grand ou plus petit. Mais il est forcément différent. Celui que j'ai connu était dans les arbres, dans la forêt Elfique. En vérité, j'ai connu deux Domaines au cours de ma vie. Celui de la forêt et un second, construit dans la montagne. Les Baptistrels savent composer avec ce qui les entoure pour construire et, en quelque sorte, ne pas perturber l'équilibre de ce qui les entoure. Je me demande souvent si, un jour, il sera possible de reprendre la mer pour retourner là-bas. Pour fouiller les ruines, retrouver des savoirs oubliés, perdus... »

Je relevais les yeux vers Rakesh et demandais soudainement :

« Dites-moi... Vous qui avez côtoyé les Baptistrels et leur savoir, seriez-vous d'accord pour m'apprendre votre langue ? Ce qu'il m'est possible de reproduire, du moins. »

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Il y avait quelque chose d’étrangement fascinant dans la façon dont la peau claire de la sainnûr se teintait de rouge. L’embarras chez les graärhs ne se manifestait indéniablement pas de la même façon et Rakesh avait remarqué que cette réaction arrivait dans diverses situations. La gêne… Mais également la colère, encore que celle-ci avait parfois la capacité de les rendre plus pâles. Il retint un grognement d’agacement. S’il y avait bien une chose qu’il pouvait reprocher aux sans-poils, c’était ce manque cruel de clarté. Pâlir de peur ou de rage, rougir d’embarras ou de colère, trembler d’excitation, de peur ou de colère ou parce qu’ils avaient froid. Il n’y avait jamais rien de clair et il fallait toujours avoir recours à l’interprétation. Ils pouvaient également être rouges ou pâles de fièvre, car malades. C’était pire qu’une charade et il n’y avait même pas le bénéfice de pouvoir en rire à la fin, bien au contraire.
AH ! Et, tandis qu’elle le rejoignait dans le rire, le son doux étouffé par la main qu’elle plaçait devant ses lèvres comme par gêne de rire à son tour, elle pleurait également. Encore qu’il s’agissait peut-être de quelque chose commun avec les graärhs mais Rakesh n’était pas impartial. Pleurer de peur, de rage, de rire… D’accord, peut-être qu’il exagérait car il avait lui-même pleuré de rire par le passé. Mais quand même, c’était une goutte de plus dans un océan de confusion.

Au point qu’elle lui concéda, le mâle haussa les épaules d’un air de dire “je vous l’avais bien dit” et sourit même si une once de tension continuait de lui chatouiller les nerfs. Il n’avait rien contre Vex mais parfois il se demandait aussi pourquoi il leur venait en aide quand ils étaient à l'origine des problèmes de son peuple. Il n’était peut-être pas d’accord avec plusieurs des décisions prises par les graärhs, à commencer par leur façon de voir la différence et leur perception de l’honneur. Au hasard, quand l’un d’entre eux voulait partir à la découverte des environs et retrouver l’histoire de leur peuple.
Il repoussa le sujet sous le tapis d’herbe et posa ses questions avec curiosité, préférant abandonner l’horreur au profit de la lumière que conférait la connaissance. A la question sur le nom de l’île, Rakesh pencha la tête sur le côté, pensif. Il les avait souvent entendu référer aux différentes îles de l’archipel par des noms différents de ceux employés par les graärhs. Souvent, après quelques instants de réflexion, il finissait par repérer laquelle était quoi et celle-ci ne fit pas exception. Il eut un bref moment de “ah !”, semblable à un éclair soudain de génie et hocha la tête, offrant le nom demandé sans rechigner :

« Upajaoo. »

Etait-ce que le nom que l’île portait ? Porte ? L’arrivée des sans-poils signait-elle la fin de ces noms, seulement employés par les graärhs qui, à l’heure actuelle, subissait un triste sort aux mains des envahisseurs. Mais après tout, quel droit avaient les graärhs de nommer les îles et de décider qu’il s’agissait de leur vrai nom,  à l’instar des faces-plates.
Elle poursuivit rapidement, décrivant les lieux et exprimant son propre avis. Sa conclusion sur l’avenir incertain des elfes fit souffler Rakesh d’exaspération. Seul peuple avec lequel les graärhs s’entendaient à peu près, ils étaient aussi ceux qui disparaissaient les premiers. Si seulement la peste pouvait également emporter les pirates…
Le sujet, cependant, dévia vers les baptistrels et si, cette fois-ci, le graärh n’oublia pas l’irritation lié à ce qui atteignait les elfes, il se lança volontiers vers les baptistrels, bien plus intéressants. Bien moins menaçants. Il tenta d’imaginer ce qu’elle mentionnait, des siècles de savoir et d’Histoire… A quoi pouvait bien ressembler un tel lieu. Les singes-nus consignaient leur savoir dans des bouquins, dans des livres qu’ils conservaient et que, parfois, ils restauraient ou recopiaient. Une ville entière de ces livres ? Le graärh fut soudain reconnaissant d’être assis car il se serait certainement mis à trépigner d’impatience à l’idée de pouvoir retrouver ces livres, de traverser peu importait l’océan qu’ils avaient traversés pour venir jusqu’ici dans l’espoir de galoper jusqu’aux portes de ce lieu de rêve.
La mention de fouille de ruines, retrouver des savoirs oubliés, lui fit perdre toute retenue et il se trémoussa sur l’herbe, la queue soudain agitée et les oreilles orientées vers l’arrière d’excitation, ses pupilles légèrement dilatées.

« Vous croyez qu’une telle entreprise est possible ? Accepteraient-ils un graärh dans leur équipage ? » Il émit un souffle, à mi-chemin entre le soupir et le feulement, sa truffe remuée d’irritation tandis que ses oreilles prenaient une orientation un rien plus agacée. « Il faudrait déjà que je trouve quelque chose ici, » marmonna-t-il, un rien boudeur.

La question de Vex lui fit dresser les oreilles d’intérêt et il se redressa à son tour, la considérant attentivement. On ne lui avait encore jamais demandé une telle chose, à l’exception des baptistrels qui semblaient de toutes façons bien intéressés par à peu près tout. C’était plutôt l’inverse qu’on lui avait proposé, indiquant qu’il serait ô combien handicapant pour un graärh de ne pas connaître la langue commune s’il souhaitait désormais naviguer entre les îles de l’archipel. Il était apparemment important que l’espèce native apprenne le langage des envahisseurs pour s’adapter à eux plutôt que l’inverse.
Toute cette situation était absurde et lui donnait envie de rugir en s’arrachant les poils de frustration.

Il finit par se pencher en avant, les coudes sur ses genoux, son regard fixé dans celui de la femelle :

« Le langage corporel est primordial dans la communication avec les graärhs. Vous pourrez apprendre nos mots et avec un peu d’effort et d’application à transmettre ce qu’ils ne peuvent communiquer. » Son sourire se fit plus doux et il se redressa légèrement avec un hochement de tête. « Je suis prêt à vous apprendre ma langue, j’en serais même ravie. »

Il y avait quelque chose de fondamentalement excitant à l’idée d’être le professeur là où il avait si souvent eu le rôle d’apprenti et d’élève.

« En échange, puis-je compter sur vous pour répondre à mes questions lorsque j’en ai ? »

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Parler des Baptistrels me convenait parfaitement. C'était un sujet sur lequel je me sentais à l'aise, pour avoir fait partie de leur rang pendant des siècles. Et il y avait tant à dire. Tant à découvrir. Certaines personnes avaient un gouffre à la place de l'estomac. Lui en avait un dans sa tête. Du moins, il me semblait. Nous avions là un point commun supplémentaire, notre amour pour l'apprentissage et la découverte.

« Upajaoo... » prononçais-je en tentant d'imiter son accent guttural, sans trop de succès toutefois. « Et les autres îles, quels sont leur nom ? » demandais-je, toujours autant curieuse d'en apprendre plus sur l'archipel. « Tiamaranta est le nom donné par les sans-poils à l'archipel. Mais vous, comment le nommez-vous ? »

Et j'avais beaucoup, beaucoup de questions semblables. Des petites choses, futiles parfois, qui représentaient pourtant une certaine somme de connaissance. De quoi briller en société ou noircir des pages entières de livres.

Puis le sujet dévia. Je parlais de l'ancien continent. Du domaine là-bas. Et à la fin de mon récit, je voyais les pupilles de Rakesh se dilater. En l'observant davantage, je remarquais également la position différente de ses oreilles et le léger tressaillement de ses muscles. Était-ce là une sorte... d'impatience ? Ou d'excitation ? Les Graärh étaient définitivement remarquables et intrigants. Un jour, il me plairait de visiter l'une de leur tribu, pour voir comment ils vivent.

« Je ne sais pas. » répondis-je en toute honnêteté, une moue un rien désolé sur le visage. « Nous avons vaincu les Chimères ici... Mais impossible de savoir ce qu'il peut rester là-bas. Une arrière-garde ? Ou ont-elles toutes disparues ? » questionnais-je à voix haute, sans attendre de réponse. « Le traumatisme est encore très frais, je ne connais pas de navigateur assez fou pour se risquer dans l'immensité de l'océan et prendre le risque de croiser des Chimères arrivé là-bas. Mais si quelqu'un le voulait... oui, nous pourrions sans doute aller voir, discrètement. Et savoir. »

Quant à avoir un Graärh dans l'équipe...

« Si une telle expédition avait un jour lieu, je ne verrais pas pourquoi vous ne pourriez pas y aller... » Je haussais un sourcil. « Trouver quelque chose ici ? »

Le sujet changea de nouveau. Il semblait attiser l'intérêt du Graärh. De toute sa stature, il se pencha vers moi, les coudes sur les genoux.

« Ce sera déjà un excellent début, je crois. » répondis-je doucement. C'était la moindre des choses que d'être capable de comprendre et parler la langue des autochtones. Même si cela allait être incomplet par mon incapacité à pratiquer leur langage corporel. C'était... Mieux que rien.

« Bien sûr ! Il y a encore beaucoup de travail à accomplir ici, aujourd'hui. Mais nous pourrions nous retrouver en dehors de la ville... Dans un cadre plus calme et sympathique. » L'idée de craindre d'être seule avec un Graärh ne m'effleurait même pas l'esprit. « Donnons-nous rendez-vous, ce sera plus simple. »

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