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¤ Le jour tant attendu ¤

30 septembre 1764

À l’horizon, une lueur orangée jaillissait de la terre, venant embraser le ciel qui vint se parer d’une multitude de couleurs. Les rayons du soleil percèrent bientôt l’obscurité de la nuit mourante, donnant naissance à l’aurore. Verith sentit les faisceaux de lumière glisser contre ses écailles carmin, venant percer sa cuirasse d’une douce chaleur. L’enfant de l’orage ouvrit alors unique œil, se réveillant en silence, se redressant pour mieux bailler tout en étendant ses ailes pour s’étirer. L’engourdissement du sommeil chassé, le dragon rouge posa son regard sur ses enfants et sa douce encore endormie. Quelque chose allait se produire aujourd’hui. Quelque chose d’important. Quelque chose de grave. Aussi bien dans le bon sens du terme que dans le mauvais sens. Une malédiction allait être levée aujourd’hui, mais au prix d’un marchandage avec le plus abject des êtres. Verith dodelina de la tête, venant chasser ces pensées de son esprit. Il avait déjà fait son choix, il était résolu. Il avait donné sa parole à Kälyna, lorsque tous deux furent maudits, de lever celle qui la frappait. L’honneur lui commandait de tenir sa promesse, même si le moyen employé devait le souiller. Adressant une caresse mentale à sa famille, le colérique prit son envol sans attendre. Il devait faire une halte à la légion afin de délivrer au conseil tribal quelques informations pour ne pas dire instructions. L’enfant de l’orage passerait la journée à surveiller l’ouest de la savane, plus précisément la frontière de celle-ci avec le canyon. La légion n’aurait donc pas à déployer d’effort dans cette direction pour surveiller la savane, qu’elle concentre plutôt les soldats en charge de cette mission au nord, à l’est et au sud. L’intention du dragon de l’ire était d’avoir le minimum, sinon personne, d’individu dans les parages. Non pas pour lui ou par volonté d’absence de témoin, mais bien par souci de sécurité envers ces derniers. Verith lui-même n’était pas certain de ce qui allait pouvoir se produire aujourd’hui. Ses affaires sont toujours dangereuses … et là Ther’Zhi était impliqué. Autant dire que le colérique n’était pas des plus serein. Atterrissant en bordure de la légion, Verith laissa le soin à Dwëmmer de pénétrer dans la ville pour aller délivrer son message. Cette dernière irait le donner à Asolraahn, qui, représentant le plus souvent, pour ne pas dire tout le temps, le dragon rouge au conseil, se chargerait de transmettre les propos de fils de l’orage.

Dwëmmer bondit donc de la patte du dragon rouge et fila à l’aide de ses pattes mécaniques au sein de la ville. Elle avait depuis longtemps déjà mémorisé la structure de cette dernière et savait donc exactement quels chemins emprunter pour se rendre au plus vite à sa destination : soit le wigwam du félin à la crinière blanche. Qui plus est, ayant pu avoir accès au plan de développement de la légion en qualité d’aide auprès des divers architectes, elle connaissait les zones de chantier et divers travaux à éviter et comment le contourner. Quand bien même l’aurore était là, la légion était déjà éveillée et commençait à s’agiter. Les chasseurs se préparaient à partir à la chasse, les paysans à partir pour leurs champs, les artisans à ouvrir leurs ateliers. Prestement, l’araignée mécanique arriva devant l’habitation du porteur de l’oriflamme et pénétra à l’intérieur sans la moindre gêne en claquant des pinces pour annoncer son arrivée.

« Zälamam Virödhï ! »

Bien entendu, le message de Verith n’est pas le seul que le vestige de la légion de l’or avait l’intention de délivrer au géant d’opale. La machinerie de Dwëmmer était sur le point d’entrer dans sa phase finale. Dwëmmer s’immobilisa toutefois bien vite en tombant sur le premier être de la maison.

« Tu es encore bien petit pour être Zälamam Virödhï. Même si ta structure tend à t’y faire ressembler d’ici quelques cycles. »

Le petit-fils de géant d’opale, le poil hérissé et son repas entre les mains, se dressait devant l’araignée mécanique bien bruyante qui venait de faire irruption sans prévenir au sein du wigwam.

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Le géant opalin n’avait jamais voulu venir sur Néthéril. Au loin, face à lui et la légion s’étendait le désert ; on pouvait l’appeler mer de dunes ou royaume du sable si cela sonnait plus chantant aux oreilles. Mais cela restait un désert. Quand il se tenait sur ce petit promontoire au-dessus de la légion, face à l’horizon vide, avec les vagues de graines dorées qui déferlaient en rouleaux figés, des creux de trente pieds pouvant monter à quarante si la tempête de sable forcissait, et qu’il se disait que sa carrure et son pelage avaient été façonné pour combattre la morsure glaciale de l’inlandsis de Nyn-Mereän, avec son air pénétrant les poumons, criblé de minuscules glaçons, il sentait comme un décalage…
Il n’aurait pas misé un seul gibier qu’il s’installerait un jour sur cette île avec son petit-fils Shuu’ran Rashi, ni qu’il deviendrait l’un des Tribyoon de la légion y habitant.

Aujourd’hui, il contemplait la mer de sable et son pelage acceptait avec un aplomb revêche la chaleur de son aube. Il était triste, non pas parce qu’il se trouvait sur cette île, mais parce qu’il allait devoir la quitter : Une missive de l’empereur de Sélénia lui était parvenue il y a peu. Elle avait traversé des marées cauteleuses avant de venir l’inviter à rejoindre Khokhattaan. Une rencontre diplomatique entre Sélénia et Caladon se préparait. Elle déciderait du sort de l’île, des alliances qui en résulteraient et étaient censées également aborder le problème des Couronnes de cendres, un ennemi insidieux et mortel dont Asolraahn n’avait appris l’existence que depuis le retour de Reynagane Shaa sur Néthéril. Par confiance envers lui et pour son statut d’allié, l’empereur l’avait fait quérir pour son savoir sur les Couronnes et pour qu’il participe aux négociations. Asolraahn, comme de juste, répondrait présent.
Mais le plaisir de quitter l’île du désert et sa chaleur était de moins en moins présent.

Les derniers jours pour lui avaient donc été des jours de repos. Il en avait profité pour se rendre aux bains et se soigner. Il y avait rencontré un nombre incalculable de spirites de l’Orque, du Ragondin et du Pingouin, tous désireux de profiter de l’eau et de ses bienfaits. Il y avait rencontré les cueilleurs du soir et les éleveurs du lendemain. Tandis que l’eau refermait les plaies de chair et d’âme, Asolraahn les avait écoutés discuter de leur vie, leurs problèmes et les tâches qui leur incombaient pour la journée. Il avait été au bas mot impressionné. Ces Garals simples étaient de ceux qui luttaient non pas contre une Couronne de Cendres ou une licorne, mais contre le désert. Cueillir dans cette Savane relevait du miracle et élever du bétail sans perdre un seul membre du troupeau était un exploit rare. Ils acceptaient ce combat et sa défaite évidente avec une force incroyable. Ils accomplissaient leur tâche avec un dévouement et un amour pour leur légion qui forçaient l’estime. Les shikaaree trouvaient ces Graärh mollassons. Asolraahn les trouvait magnifiques : ils s’adaptaient à chacun, prenaient le temps qu’il fallait pour ceux qui peinent.

Jamais il n’y avait eu de geignards dans la légion. Toujours ceux qui se plaignaient avaient une raison. Une légion qui s’effondrait, cela tenait à une famine ou à une chasse qui tourne mal. Une légion ne survivait pas par ses guerriers. Les guerriers n’étaient que l’araire cuirassée qui ouvrait le passage et le rendait sans danger. Ceux qui sauvaient la légion avaient été devant lui : c’était les cueilleurs, d’une énergie intarissable, qui se levaient tous les matins pour attraper de quoi faire un ragout. C’était les guérisseurs qui tiraient leurs petits de la maladie et ramenaient la paix et la tranquillité au sein des wigwams. Certains préparaient même des onguents qui soulageaient les blessures des chasseurs lors de leur expédition, là où le danger était le plus grand : sans eux la cité des wigwams du fait de sa taille immense se serait retrouvée avec une population moribonde et affaiblie. Encore aujourd’hui, Asolraahn arrivait à être étonné par les compétences de ses pairs. Les plus impressionnants était les éclaireurs. Ces Graärh savait lire les dunes avec finesse. A la forme et à l’amplitude, il devinait leur position dans le désert, pouvait ramener des centaines des leurs à bon port entre les marais et la Savane. Rien ne leur échappait. L’île n’avait aucun secret pour eux.

C’était ainsi que la légion existait. Par ses Graärh et leur volonté de vivre. Asolraahn les chérissait tous. Cette découverte des forces de la légion lui avait permis de prendre du recul sur son propre voyage. Lui qui auparavant était demeuré dans un coin de l’archipel avait puisé dans sa force et son esprit pour parvenir à atteindre le lieu de sa quête. Les épreuves et le temps avaient façonné sa détermination, l’avaient affiné. Aujourd’hui, il ne se battait plus pour un individu, mais pour tous. En dardant son regard sur les wigwams en contrebas, il sut qu’en tant que Tribyoon, il les défendrait jusqu’à sa mort.

Un bruit de couture suivi d’un cliquetis familier attira son attention. Le géant opalin se releva prestement et se rendit dans son wigwam. Il souleva la coiffe en peau de smilodon et pénétra à l’intérieur. Dwëmmer se tenait à l’entrée de la demeure, raide avec sa nonchalance de machine. Elle toisait Shuu’ran de son œil mécanique, et celui-ci lui répondit avec le même aplomb. Brave petit ! Il fallait du cran pour ne pas se démonter face à la silhouette insolite du serviteur draconique, même si le petit avait appris à accepter la présence de l’araignée au côté de son grand-père.

« Tu es encore bien petit pour être Zälamam Virödhï. Même si ta structure tend à t’y faire ressembler d’ici quelques cycles. »

Shuu’ran se tint silencieux. Le poil hérissé, il plongea sa cuillère en bois dans son écuelle et avala une portion de ragoût sans quitter Dwëmmer des yeux. Rien d’agressif dans son attitude toutefois. Asolraahn avait appris à discerner les différents niveaux de mutisme chez lui. Celui-là, le petit graahron le réservait à ce qu’il considérait avec une dévorante curiosité. Son regard ambré luisant d’intelligence observait la machine comme s’il pouvait d’une seule inspection farfouiller dans ses engrenages. Le géant opalin poussa un ronronnement de fierté. Le petit se retourna, posa son écuelle et se rendit vers son grand-père pour le serrer dans ses frêles bras. Asolraahn posa une patte sur son épaule et dit doucement :

-Je crois que Sa’sreen t’a proposé de t’exercer à l’arc aujourd’hui, non ? Alors finis ton repas et rends-toi au camp d’entraînement. Je te fais confiance pour ne pas traîner en route.

Sa remarque fut accueillie par un mélange de joie et d’inquiétude. D’ordinaire, son grand-père l’emmenait toujours avec lui au camp. Il tirait sur quelques cibles, réussissait avec aisance car il avait une vision extraordinaire, puis se rendait au cercle des combattants le plus proche. Là, il pouvait admirer le géant opalin combattre en duel et former les jeunes guerriers à l’art du duel. Aujourd’hui, il était heureux d’apprendre qu’il allait pouvoir se rendre dans la cité des wigwams, car cela signifiait beaucoup de liberté et de responsabilités. Mais dans le même temps, il se demandait pourquoi le géant opalin ne serait pas présent avec lui au camp d’entraînement. Asolraahn lui fit une tape sur l’épaule et le rassura d’un sourire franc :

-Allez, file !

Le cœur soudain plus léger, Shuu’ran réagit aussitôt et sortit du wigwam. Le géant opalin gloussa en voyant sa queue disparaître derrière les rabats de la tente. Il se tourna ensuite vers Dwëmmer. Le reflet des jours mouillés se révélait dans sa chair métallique et lisse. Il pencha la tête de côté, le scrutant avec un air de glace. Sa façon d’apparaître dans le wigwam n’augurait guère de bonnes nouvelles. Il lui sembla deviner de quoi il en retournait, mais préféra s’abstenir de le mentionner ici :

-Je te salue, fit-il au serviteur draconique.  Il y avait longtemps que tes huit pattes n’avaient pas poussé le voile de mon domaine. (Son sourire se mua en un rictus grave) Et comment se porte notre grand ami ? Est-ce Svargaadhipati qui t’envoie ?

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¤ Le jour tant attendu II ¤

De manière fort bruyante la petite araignée mécanique venait de faire irruption dans l’habitation d’Asolraahn, mais ce n’est point le propriétaire des lieux que la liée de Verith rencontra en premier. Le petit-fils du géant d’opale se tenait là, le poil tout hérissé face à l’apparition soudaine de la créature mécanique, tenant dans l’une de ses pattes une écuelle bien remplie et l’autre une cuillère de bois qu’il plongea dans la nourriture contenue dans le récipient avant de venir l’engouffrer entre ses crocs de lait. Le regard du jeune félin pétillait d’une lueur trahissant sa curiosité face à l’étrange créature qu’il avait déjà eu l’occasion de croiser à de multiples reprises par le passé. Nulle réponse ne vint du jeune Shuu’ran qui, plongé dans le mutisme, continuait d’observer Dwëmmer. Un ronronnement finit toutefois par résonner dans le dos de la liée de Verith qui tourna alors ses capteurs en direction du nouvel arrivant. Ah ! Voici celui qu’elle cherchait, le protégé de son lié. Avec douceur, l’adversaire des tyrans congédia son fils en lui rappelant l’une de ses obligations, celle d’aller s’entrainer à l’arc. L’araignée mécanique observa le jeune graärh finir son repas avant de se diriger vers la sortie du wigwam. Levant l’une de ses pattes elle l’agita pour saluer le départ du félidé qui ne tarda pas à disparaitre au travers du voile de tissu faisant office de porte. Puis, tournant son attention vers Asolraahn, la créature de métal se redressa légèrement sur ses pattes pour tenter de se faire plus grande.

« Je te salue. Il y avait longtemps que tes huit pattes n’avaient pas poussé le voile de mon domaine.  Et comment se porte notre grand ami ? Est-ce Svargaadhipati qui t’envoie ? »

« Lié et moi fûmes très occupés à tenter de régler certains problèmes. J’ai même dû faire office de gardien des petits Nephilith et Ssaadjith pendant que lui passait du temps avec Keetech pour éviter de s’attirer ses foudres. Mes rouages s’en souviennent encore, si le petit doré est raisonnable, son jumeau était bien plus facile à surveiller lorsqu’il était aussi grand que moi. »

Le corps supérieur de l’araignée mécanique pivota tandis qu’elle vint diriger l’une de ses pinces vers l’une de ses pattes, semblant venir vérifier l’état de l’un de ses écrous.

« Verith se porte bien … enfin … aussi bien qu’il puisse se porter compte tenu de son état. Celui-ci ne s’est pas encore amélioré, mes calculs prévisionnels indiquent que celui-ci à soixante-dix pourcents de chance de s’améliorer, vingt pourcents de chance de s’aggraver et dix pourcents de chance de rester stable. Cette journée y sera pour beaucoup. »

Dwëmmer pivota à nouveau en direction du Géant d’opale, laissant tranquille sa patte après cette petite vérification.

« C’est bien mon lié qui m’envoie. J’ai un message de sa part. Il souhaite que tu te rendes au conseil, en tant que son représentant, pour faire passer un message. Aujourd’hui, il va se charger de surveiller l’ouest de la savane, la frontière avec le canyon pour être plus précis. La légion doit donc prendre en compte cette information pour organiser les troupes chargées de la surveillance de son territoire. Que le conseil concentre les efforts vers le nord, le sud et l’est. »

La liée de Verith ne doutait pas qu’Asolraahn, en mettant en corrélation ses précédents propos avec la demande du rouge, comprendrait que quelque chose allait se produire, et que ce dernier ne souhaitait voir personne dans les environs de l’Ouest de la savane et plus précisément de la frontière avec le canyon. Sans nul doute cherchait-il à assurer la sécurité des graärh en veillant à ce que ceux-ci se tiennent le plus éloigner possible.

L’araignée mécanique commença à tourner sur elle-même, ses capteurs cherchant l’endroit où le géant d’opale avait dissimulé l’artefact qu’elle lui avait redonné il y a plusieurs semaines après lui avoir donné une première fois avant de le récupérer de ses mains lorsqu’Asolraahn était revenu de Calastin. Dwëmmer s’orienta simplement en direction de celui-ci, une large jarre en argile lui faisant face à quelques mètres. Le félin avait dû le dissimuler ici. Pour autant, elle ne s’en approcha pas, restant à bonne distance. Elle avait un autre rôle à remplir. Pivotant à nouveau, elle se remit face à l’adversaire des tyrans.

« Mieux vaut que je ne traine pas trop, mon lié n’est pas connu pour sa patience. Verith compte sur toi pour transmettre son message. »

Tranquillement la petite créature de métal s’avança, se dirigeant vers la sortie du wigwam. Passant à côté du géant d’opale, elle lui donna une petite tape sur le mollet à l’aide de l’une de ses pinces, à défaut d’être assez grande pour lui en donner une dans le dos.

« Et je compte sur toi pour faire ce qu’il faut le moment venu. »

Les pattes de l’araignée mécanique accélérèrent et elle passa à toile faisant office de porte avant de se hâter de traverser les rues de la légion pour rejoindre la sortie de la ville devant à laquelle le colérique attendait. Arrivé devant celui-ci elle leva l’une de ses pinces, son bras mécanique se pliant pour venir placer l’extrémité au-dessus d’elle comme si elle avait une tête et exprimait un salut militaire.

« Message transmis mon lié ! Asolraahn doit être en route pour le conseil. »

« Parfait. Mettons-nous en route également. »

L’enfant de l’orage fit se mouvoir le fil d’or attaché au bout de sa queue pour venir l’enrouler autour de Dwëmmer et le soulever pour l’aider à lui grimper dessus. Déployant ensuite ses ailes, le rouge s’envola et prit la direction de l’Ouest. Là-bas l’attendait le paiement pour Ther’Zhi, sous la forme d’une immense gemme abritant l’essence d’une dévotion féline, qu’il avait dissimulé sous la terre, ainsi que le lieu de rendez-vous avec Sombréclat.

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Asolraahn examina Dwëmmer avec surprise. S’il s’était attendu à ce que l’araignée mécanique soit une alliée fidèle du grand dragon rouge, il n’aurait pas songé qu’elle puisse également faire office de nourrice pour sa couvée, bien moins encore qu’elle soit responsable de l’éducation des dragonnets depuis leur plus jeune âge. Il se demandait quelles capacités était-elle capable de mettre en œuvre pour les occuper, et aussi quel trésor d’ingéniosité avait-elle déployé pour les tenir tranquilles. A l’entendre geindre sur la turbulence du petit d’obsidienne, le géant opalin réprima un gloussement. Ses talents dans ce domaine avaient sans doute des limites. Et il n’y avait que peu de facilité lorsque l’on était en charge des deux enfants du Colérique.

Mais ce n’était pas non plus pour de tels épanchements que Dwëmmer était venue le rejoindre. Très vite, elle enchaîna sur l’état de son maître. Au fur et à mesure de ses explications, le sourire du géant opalin s’envola aussi prestement qu’une nuée d’oiseaux. Il s’approcha lentement de son bâton, effleura la ramure d’écailles d’une griffe. Il comprit de quoi il en retournait avant même que Dwëmmer ne lui parle des intentions de son maître ; de sa surveillance à l’Ouest et de l’excuse, car c’en était une, qu’il devrait apporter au conseil pour éviter toute intrusion dans cette région durant les prochaines heures.

C’était curieux. Depuis que Dwëmmer était venue le trouver avec cette curieuse amulette, Asolraahn avait attendu ce moment avec l’impatience d’un chat sauvage face à une proie blessée. Sa vie n’avait été marquée que par bien peu de dettes. Et même si Verith avait toujours considéré son aide comme un don, Asolraahn avait sans cesse espéré lui rendre un jour la pareille. Ce serment fait dans le murmure de son âme, cette obligation silencieuse contractée envers le dragon rouge, était devenue le devoir le plus pesant et le plus terrible à porter.

Car le dragon rouge avait offert ses griffes et sa grâce à une légion refoulée aux portes du marais, brisée et perdue. Il avait sauvé le géant opalin à plusieurs reprises, dans un pays de songes où les habitants n’étaient que des briques taillées à la mesure d’une seule ambition : celle d’un être millénaire et mauvais. Puis il était ensuite revenu pour mettre en échec les invasions pirates. Il était devenu alors la plus puissante entité des îles du Sud, le protecteur de la légion par devoir et par affection. Sous son regard, Vat’Aan’Ruda avait changé pour devenir une terre d’accueil, un royaume où les Graärh seraient unis sous une même bannière, et non pour l’ambition divergente des clans. Quels autres exploits le feu de ce dragon avait nourri ? Quels autres créations ses griffes avaient bâties avant cette légion nouvelle ? Quels sacrifices ? Et dans quel but ? C’était des questions auquel il ne serait jamais possible de répondre, en tout cas pas par des mortels. Ce n’était pas non plus à Asolraahn de les deviner et cela lui importait bien peu. Le dragon rouge était venu le jour où ils avaient eu le plus besoin d’aide et cela lui suffisait. Il avait fini par considérer l’Ire de la colère non plus comme une entité extérieure et lointaine, mais comme un guide. Aujourd’hui même comme un ami de la légion.
C’était désormais son aide qu’il requérait. Après ces longs mois d’attente, le géant opalin allait pouvoir tenir la promesse qu’il avait faite à son honneur.

Il saisit Tarama Tish, le bâton du dragon, et prit une grande inspiration :

-Je comprends, Dwëmmer. En ce jour, il est une saison de belle chasse qu’il ne faut se garder de vivre. Il faudra des shikaaree en nombre pour surveiller les plus jeunes chasseurs. Ce sera un moment de grande joie et de festivité. Cela aura lieu à l’Est, au plus profond de la Savane.

Il jeta un œil glacial à la jarre. Il n’était pas encore certain de ce que serait sa tâche. Il savait uniquement que de sa réussite dépendrait celle du dragon rouge dans son épreuve. L’appréhension nouait ses tripes comme une eau-de-vie brute. Qu’elle ait ressenti ou non son inquiétude, l’araignée mécanique s’approcha et de son bras décharné, lui donna une grande tape sur l’épaule :

-Je saurai faire ce qu’il faut le moment venu, jura-t-il.

Dwëmmer ne répondit pas. Elle quitta le wigwam à la vitesse de huit patte lancées au galop et soudain, les lieux lui parurent vides. Le géant opalin se dirigea vers la jarre et plongea sa patte à l’intérieur. Il saisit l’amulette. Malgré la chaleur insupportable au dehors et les dernières moussons, le bijou demeurait mystérieusement aussi froid qu’un glaçon. Il grogna et le drapa dans une étoffe flamboyante brodée de fils d’or. Puis le géant opalin quitta sa demeure.

* * *

Au cours des mois de sécheresse qui avait enveloppé la Savane de Stymphale, les Garal à l’extérieur de la cité des wigwams avaient d’eux-mêmes abandonné leur hutte pour retourner au sein de la légion. La raison avait été aussi bien le besoin d’un abri et de nourritures que le plaisir de se rattacher à nouveau à leur peuple. Ils étaient arrivés par nuée, jaillissant tels les braises qu’une sentinelle aguerrie savait encore faire rougir à l’aube, et qui renveloppaient le feu de chaleur. En cette journée, le rassemblement qui se tenait dans la légion était de ce fait réellement impressionnant. Il n’y avait pas un carré de sable qui n’était pas pris d’assaut par les passants, pas un wigwam ne demeurait silencieux ou morne.
C’était une saison pour la cérémonie des spirites de la terre. Ces festivités étaient si répandues que le brouhaha pouvait s’entendre à plusieurs lieues loin de la cité. Danses, chants et duels aux griffes accrochaient le regard, tandis que non loin du banquet, les graahrons s’entraînaient sur les cercles de sables. D’autres affinaient au couteau les derniers détails de leurs effigies des esprits, et d’autres encore polissaient avec soin les sculptures de pierre censés leur rendre honneur.

Ce fut durant la préparation de ce banquet qu’Asolraahn franchit la foule pour rejoindre la chambre du conseil. Partout, entre les wigwams, dans les tâches de fougères, derrière un râtelier ou sur les routes, il ressentait des présences : des centaines de regards venaient quérir la satisfaction de le fixer. Certains guerriers le reconnaissant lui présentèrent leur respect et il leur répondit par un salut en réponse. Mais il fut bref et demeura préoccupé.
Il se rendit auprès d’une troupe de shikaaree installée contre le rabat d’une caserne, prête à partir pour la chasse. A sa vue, tous voulurent se lever par respect mais le géant opalin, d’un signe, les arrêta :

-J’apporte la parole du dragon. Envoyez des messagers convoquer les Aaleeshaans de clan. Dites-leur de venir à la chambre du conseil.

-Tribyoon ?

-Pas de questions. Vous saurez tout le moment venu.

-C’est-à-dire que… (le Graärh fut hésitant) Certains membres du conseil ont quitté la cité depuis quelques heures… La chasse pour certains a déjà débuté.

Bien sûr, le géant opalin aurait dû s’en douter. Il ne se serait pas attendu à ce que Jh'eena Orën et ses chasseurs de smilodons attendent après le zénith pour préparer le fruit des festivités. La poussière de leur pas avait déjà dû s’éclipser dans les étendues de la Savane. Soudain, l’un des shikaaree, un Garal au corps velu et au poil doré se leva et plongea son regard noir dans celui d’Asolraahn :

-Je suis un pisteur hors pair, Tribyoon. Je délivrerai votre message au moment où vous le déciderez.

-Vraiment ? fit Asolraahn avec amusement. Les rejoindre risque de demander célérité et prudence, car les Chasseurs de Smilodons sont connus pour frapper plus vite que leur ombre. Penses-tu pouvoir rattraper les meilleurs chasseurs de l’île à temps ?

-Demandez-moi plutôt si vous voulez que j’attende avant de les trouver !

Son commentaire lui valut des railleries de la part de ses camarades, mais ces derniers se turent lorsque le géant opalin s’approcha du pisteur :

-En ce cas, dis-leur que Svargaadhipati compte surveiller la région à l’Ouest de la légion. Au-delà de la Savane et à la frontière du canyon, la présence des Garal ne sera pas nécessaire. La chasse pourra se faire sur la mer septentrionale et sur la côte au Nord-est.

-Tu lui offres un message empoisonné Tribyoon, fit remarquer un shikaaree derrière lui. L’Aaleeshaan des Smilodons n’aime pas qu’on lui dise quoi faire.

-Tu lui diras également, ajouta alors Asolraahn, que Verith krodh ka, Dragon libre, le Colérique, le Rubis Embrasé, a l’intention de faire un brin de chasse dans le coin. Avec sa couvée.

Le sourire des shikaaree disparut sous l’effet de la nouvelle. C’était certes un mensonge, mais cela fut efficace. Tous se souvenaient de l’état pitoyable dans lequel le turbulent dragonnet aux écailles d’obsidienne avait un jour rapporté une de ses proies : un pauvre smilodon carbonisé et probablement mort dans d’atroces souffrances. Tué sans aucun honneur, ni scrupules. Il n’y avait guère peu de Graärh qui souhaitaient particulièrement se trouver sur le territoire de chasse de ces deux dragons. Le pisteur déglutit mais acquiesça et se mit aussitôt en route :

-Je ne change pas mes ordres précédents, poursuivit ensuite Asolraahn. Faites venir les conseillers dès à présent. Il est nécessaire à tout le moins qu’ils entendent également ce que j’ai à dire…

* * *

La chambre du conseil fut close durant près d’une heure. Les festivités au dehors demeurèrent heureuses, sans se soucier du rabat de la grande tente qui s’était refermée sur les Aaleeshaans et le géant opalin. Quelques graahrons prompts à l’impudence tentaient de passer au travers des gardes et s’infiltrer sur la colline. Sans succès. Il n’y avait en vérité rien à entendre car le conseil n’était pas en ébullition comme à l’accoutumée. Seule une voix se détachait dans l’entrée, un solitaire murmure qui n’invoquait ni contestations ni répliques.
Les Aaleeshaans quittèrent ensuite la chambre. Elles descendirent de la colline tels des statues d’ivoire, flottant comme de fines brises contraires. Les légionnaires en bas de la colline jetèrent un regard sur leurs cheffes. Les tambours de la légion ternirent l’éclat de leur grondement. Ils attendaient l’ordre. Ils espéraient que les Esprits et le dragon libre verraient leurs exploits et louent leur détermination.
Ils attendaient l’appel de la chasse.

Les conseillères levèrent subitement leurs lames en rugissant. Elles canalisèrent une telle puissance et une telle volonté que le silence s’aplatit de douleur. Elles s’élancèrent enfin aux portes de la cité, chargeant comme dans une mêlée foudroyante. Les légionnaires leur emboîtèrent le pas avec un enthousiasme débordant. Ils feulèrent à l’unisson et leur chant guttural accompagna celui des Aaleeshaans. La chasse avait commencé. Les festivités battaient leur plein.

Alors seulement, Asolraahn sortit de la grande tente. Il tenait son bâton à la patte et l’écrin conservant l’amulette dans une autre. Il avait délivré son message et s’était assuré que les conseillères restent loin de l’Ouest. Ce qui allait avoir lieu là-bas, cela resterait dans le secret désormais. Le géant opalin porta un regard sur les terrains d’entraînements et les casernes. Au loin, il vit les graahrons s’exercer à l’arc et au combat. Il imagina Shuu’ran devant le passage des shikaaree et son excitation à peine contenue. Il vit son peuple jouir des prémisses de la cérémonie de la terre.
Puis il descendit de la colline, en direction des portes de la cité.

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¤ La malédiction ¤


Dwëmmer fit son apparition aux portes de la ville-légion, mais cette fois-ci elle empruntait le sens de la sortie. La mission que lui avait confiée son lié était accomplie, elle avait fait parvenir le message du rouge à l’opalin et elle ne manqua pas d’informer le premier de ce fait. Toutefois, la propre mission de l’araignée mécanique avait également été accomplie, en revanche elle se gardait bien de le révéler à quiconque. Elle aurait tout le temps d’expliquer ses machinations à son lié et de lui présenter ses excuses pour avoir agi dans son dos. Du moins, à la condition qu’ils parviennent à s’occuper de legs du Tyran. L’artefact de la légion de l’or grimpa sur les écailles de celui qu’elle considérait comme son lié et s’y agrippa fermement alors que ce dernier prenait son envol en direction de l’ouest. Dwëmmer se retourna pour observer le nid des félins s’éloigner à l’horizon, mais sa vue vint vite être obstruée par l’apparition d’un Ther’Zhi qui lui adressa un sourire plein de malveillance.

Le reste du trajet se passa dans le calme. Enfin, aussi calme que puisse être un moment rassemblant l’incarnation du Tyran Blanc, le dragon de l’ire et l’araignée mécanique. Verith ne tarda pas à se poser au sol. Le canyon était face à lui et la savane dans son dos. L’artefact de la légion de l’or sauta au sol, venant diriger ses capteurs vers ce qu’ils étaient venus chercher et s’en rapprocha. Ther’Zhi, lui, disparut puis réapparut juste au-dessus de ce qui lui serait offert aujourd’hui. L’enfant de l’orage, pour sa part, leva une griffe et s’apprêta à l’abattre sur le sol, afin de le labourer et surtout révéler ce qu’il avait dissimulé sous terre. Le Tyran Blanc l’arrêta toutefois.

« Te voir creuser le sol comme un animal ou comme un gueux à qui on aurait jeté une piécette est réjouissant tant elle est humiliante. Mais je n’aurais jamais cru qu’un jour je serais lassé de la voir. Fais-moi le plaisir pour une fois d’agir différemment. »

Ther’Zhi claqua des doigts et Nirgenfeled, l’un des joyaux incrustés dans Lambard, l’une des couronnes draconique ceignant l’une des cornes du dragon, disparut pour réapparaitre dans la main de l’engeance. Ce dernier avait lui-même créé ce joyau, un cadeau de sa part. Un cadeau qui n’était bien sûr pas désintéressé puisqu’il avait permis au rouge d’obtenir ce qu’il allait lui offrir aujourd’hui. Dans son autre main, le legs du Tyran vint faire apparaitre un cœur humain. Celui-ci battait encore à rythme régulier. Il s’agissait de celui qu’il avait volé à Claudius de Havremont, après avoir profité d’un manque de vigilance de Verith provoqué par une montée de colère. Ther’Zhi pressa l’organe entre ses mains et une magie dérangeante s’en dégagea. Les éclats de la trame environnante vinrent converger vers le cœur, se liant autour de lui telles des chaines. Enfin, le Tyran Blanc approcha l’organe du joyau Nirgenfeled et le pressa contre. Ce dernier fut comme aspiré par celui-ci et disparut bientôt. Puis, claquant à nouveau des doigts, le bijou retrouva sa place originelle.

« Concentre-toi un peu. Avec ceci tu devrais être capable d’utiliser la magie sous sa forme la plus basse dont font usage les bipèdes que tu méprises tant. »

Un cadeau de la part de Ther’Zhi ? Un cadeau empoisonné bien sûr. Il ne s’agissait là que d’un moyen d’humilier le grand rouge.

« Et si je refuse. »

« Alors il se pourrait que je refuse de libérer mon ancienne prêtresse de sa malédiction. »

Verith maugréa puis vint se concentrer, laissant son esprit et sa magie affluer vers l’objet et toucher le cœur enfermé à l’intérieur. Il ne lui fallut guère longtemps pour deviner ce que venait de faire le Tyran, même s’il ignorait encore comment il y était parvenu. Le bourreau de Néant était venu lier un flux de magie à cet organe, privant son possesseur originel de son utilisation, mais permettant au nouveau propriétaire du cœur d’en faire usage. L’enfant de l’orage avait depuis longtemps appris à contrôler la magie après que son intérêt s’y soit tourné lorsque sa seule force brute n’a plus suffi à vaincre les obstacles qui se dressaient devant lui. Venant tendre une griffe face à lui, pointant l’endroit où était dissimulé ce qu’il était venu chercher, il se concentra. La terre bientôt se fissura à l’endroit pointer et quelque chose commença à en sortir, une pointe cristalline venant réverbérer les éclats du soleil.

Bientôt c’est une colonne de cristal qui s’arracha de la terre. En dépit de sa taille, celle-ci était particulièrement légère. L’enfant de l’orage était venue l’entourer de magie permettant à l’énergie de la trame de la déplacer, un sort basique de télékinésie. Il vint par la suite poser l’objet au sol. Le Tyran blanc observa la scène, satisfait, puis s’approcha de la colonne. Cette dernière était entièrement composée de cristal. Sa couleur était violine et des lumières semblaient danser à l’intérieur … à moins qu’il ne s’agisse de murmures incarnés. Ther’Zhi effleura celle-ci de l’un de ses doigts et l’atmosphère environnante s’emplit de prières adressées en langue graärh. Mais très vite, le silence revint.

« Tu as bien travaillé en bernant tous ces félins. »

« Je n’ai berné personne, Ther’Zhi. Tout ceci fut récolté bénévolement. »

« Mais pas en toute transparence. Tu ne leur as pas dit à quoi cela servirait. »

« Ils n’avaient pas à le savoir. Ils ne sont pas concernés par nos affaires. Moins ils en savent, plus ils sont éloignés de toi et mieux ils se porteront. »

« Et pourtant … »

« Cesse de m’envenimer l’esprit. Je peux aussi très bien changer d’avis et détruire ce cristal. »

Une tension s’installa l’espace d’un instant, les deux êtres se défiant. Dwëmmer intervient alors.

« Peut-être devrions-nous prévenir Sombréclat pour qu’elle nous rejoigne sans tarder. »

« Kälyna … voilà bien longtemps que je n’ai pas revu la prêtresse de mon culte. »

« Ton culte est mort, Ther’Zhi. »

Le Tyran haussa des épaules et afficha un rire malicieux en guise de réponse. Préférant ne pas continuer, Verith se concentra sous les encouragements télépathiques de sa liée mécanique qui l’enjoignait à poursuivre sans attendre. L’enfant de l’orage laissa vagabonder son esprit dans la trame, s’en allant par-delà l’île vers une lueur lointaine. Bientôt, sa psyché toucha une de ses rares écailles en possession de main bipède. Là, il appela Kälyna. Lui indiquant que l’heure était venue. Il était parvenu à trouver un moyen de la libérer de la malédiction qui l’accablait. Celle dont il souffrait lui aussi, mais dont la dissipation attendrait une prochaine fois. Le corps de l’immaculé redeviendrait bientôt pleinement tangible et cesserait de s’effacer de ce plan. Du moins si Ther’Zhi tenait parole.

Il fallut de très longues minutes avant que Sombréclat ne puisse de son côté se libérer de ses obligations et incanter le sort qui lui permettrait de se transporter depuis l’île de Caladon à l’île de Néthéril. Bientôt une fissure apparut dans la toile de la réalité. Cette dernière s’ouvrit, devenant plus grande jusqu’à se stabiliser pour venir former une sorte de porte. L’ancienne elfe en sortit alors avec sa grâce habituelle. Elle s’immobilisa pour souffler un instant. Aussi puissante magicienne qu’elle était, ce sort vidait considérablement ses réserves d’énergie. Sans trop attendre, elle vint porter une potion à ses lèvres. Un liquide bleuâtre et scintillant glissa de la fiole à sa bouche. Lentement, de l’énergie commença à lui revenir. Puis, après avoir jeté un regard méfiant à l’adresse du Tyran Blanc, elle se tourna vers Verith et Dwëmmer.

« Saluation Sombréclat. Cela faisait longtemps. »

« Bonjour Verith. Il est vrai. Mais vous étiez très occupé. Vous dites êtes parvenu à moyen de lever les malédictions qui nous accablent ? »

« Uniquement la tienne. Pour l’heure, je ne suis pas prioritaire. Tu m’as suivi dans ce combat et c’est de ma faute si l’esprit-dragon t’a maudit. »

« Verith je … »

Le colérique la coupa, ne lui laissant pas le temps de poursuivre ou même de répondre.

« J’ai fait une promesse. Ne me déshonneur pas en m’empêchant de la respecter. »

L’immaculé ne dissimula pas sa frustration, mais accepta avant de se tourner en direction de Ther’Zhi. Elle nota que celui-ci se tenait à côté d’une colonne de cristal.

« Ne me dites pas que le moyen est celui auquel je crois. »

« Je crains que si, Sombréclat. »

« Je ne peux pas … »

« Tu accepteras. Tu ne seras en rien souillé par le procédé auquel je choisis de recourir. Mon honneur seul en pâtira, mais, et j’ai du mal à le croire, il en pâtira moins que si je ne tenais pas ma promesse. »

« Comme c’est mièvre. Vous avez songé à vous lier tous les deux ? »

Verith et Kälyna jetèrent de concert un regard sombre à l’adresse du Tyran qui sourit de plus belle.

« Ne perdons pas plus de temps. Ther’Zhi. Es-tu en mesure de libérer Sombréclat de sa malédiction ? Le paiement de convient-il ? »

Le legs mit à l’épreuve la patience du rouge en faisant mine d’hésiter avant de finalement accepter.

« Rien ne m’est impossible. Mais je vais avoir besoin d’un petit peu de temps pour préparer cela. Aussi puissant que je sois, on ne lève pas une malédiction d’un claquement de doigts. Quoique … si, je le pourrais. Mais je tiens vraiment à profiter de cet instant. »

L’ancien dragon albinos fit apparaitre son épée et vient la planter dans le sol. En toute tranquillité il se mit à tracer de grands symboles au sol, ces derniers ressemblants à de complexes glyphes. Ce procédé lui prit un certain temps. Le trio composé de l’immaculé, de l’artefact graärh et du dragon observant avec une certaine impatience le petit manège du Tyran. Lorsqu’il eut fini, il demanda au colérique de placer la colonne de cristal au centre des symboles. Ce que ce dernier fit. Il demanda ensuite à Kälyna de se positionner à l’une des extrémités de l’assemblage, mais à l’intérieur. Ce que cette dernière fit. Puis il demanda au rouge à et Dwëmmer de se tenir à l’extérieur.

Dans ce qui se révéla être qu’une mise en scène de la part de l’Albinos, ce dernier commença son rituel. Venant se positionner à l’extrémité opposée de Sombréclat, Ther’Zhi se mit à irradier de magie. Braquant ses mains en direction de l’assemblage cristallin de la foi féline, celui-ci commença à se dissiper en une poussière étoile. Le ciel de la savane vit alors apparaitre dans son ciel un vaste phénomène ressemblant à une aurore boréale. Il ne s’agissait en réalité que d’espoir, prière, serment et croyance matérialisés en des filins de magie. Accompagnant ces lumières d’innombrables murmures s’abattirent sur la zone. L’atmosphère se fit plus lourde, comme si elle était saturée d’énergie. Après quelques minutes de canalisation, le Tyran Blanc attira tout à lui. La magie, les lumières et les murmures disparurent petit à petit, comme aspirer, convergeant vers un seul lieu, vers un seul être.

L’incarnation des prières graärh glissa jusque dans les paumes des mains du legs avant de venir pénétrer sa peau. Des veinules multicolores couvrirent la surface de ce dernier avant de disparaitre progressivement. Après quelques instants, un silence complet s’empara de la zone avant que Ther’Zhi ne le rompe en soupirant. Il frissonna et se secoua un peu.

« Ah, c’est vivifiant ! »

L’espace d’un instant Verith eut l’impression de sentir au travers de la connexion magique qu’il partageait malgré lui avec son ennemi que ce dernier venait de se renforcer. Avait-il fait le mauvais choix ?

« Bien ! Occupons-nous de cette malédiction à présent. »

Le legs tourna ses paumes en direction du sol et à partir de lui les tracés de glyphes se mirent à s’illuminer, se nimbant de magie. Des mains surgirent bientôt des tracés les plus proches de Kälyna et vinrent s’agripper à elle … ou plutôt c’est ce qui semblait être. Les mains spectrales commencèrent à tirer l’immaculé, mais cette dernière ne bougea pas. Quelque chose en revanche sembla se détacher d’elle. Une silhouette argentée vint lentement glisser hors de son corps. Sans doute s’agissait-il là de la malédiction recouvrant son être. La magie de l’esprit-dragon voulut résister, mais elle était impuissante face à la magie du Tyran Blanc. Bientôt, la malédiction fut complètement extirpée se mit à flotter dans les airs, fermement saisies par des mains spectrales. Ther’Zhi écarta alors brusquement les bras, les mains spectrales devinrent griffes et réduisirent en charpie la malédiction qui s’effaça à jamais. Tout semblait terminer.

Verith observa Sombréclat qui commença à palper son corps, cherchant comme une différence. Puis elle se saisit d’un objet et le fit tomber sur son bras. Ce dernier vint rebondir contre le corps de l’ancienne elfe. Un sourire apparut alors sur les lèvres de Kälyna. La malédiction n’était plus là. Le rouge vint étendre son esprit et sa propre magie pour s’en assurer. Il avait bien sûr suivi avec attention la scène à l’aide de ses sens draconique, mais il tenait absolument à s’en assurer. Il s’agissait après tout là de l’œuvre de Ther’Zhi et il ne pouvait avoir confiance en lui.

« J’ai du mal à croire que tu aies tenu parole. »

Un petit rire s’échappa alors de l’albinos, emplit d’une malveillance redoublée.

« Allons, allons, je ne pouvais pas laisser ma prêtresse dans cet état. Particulièrement parce qu’il va être temps pour elle de reprendre du service. Verith, je te remercie. En m’offrant sur un plateau l’essence de la foi des graärh, tu m’as permis de me frayer un chemin jusqu’à leur conscience. Cette vénération sur Ambarhùna, ma Théocratie, il y a un but qu’elle ne m’a pas permis d’accomplir. Les Esprits-liés. Ces pitoyables marionnettes des dieux que ces félins imbéciles vénèrent tant. Je vais me servir des graärh pour les atteindre et les remodeler à mon image. »

Autant les traits du dragon rouge que de Sombréclat se froncèrent face aux révélations des plans de l’Albinos. Il n’y eut pas besoin qu’ils échangent un regard ou même une communication mentale. L’immaculé leva les bras, commençant à incanter le plus puissant sort qu’elle était en mesure de faire. Le rouge fit vrombir son poitrail d’un puissant rugissement alors qu’il levait l’une de ses pattes avec l’intention de l’abattre sur son ennemi, ses griffes venant se couvrir d’éclair d’énergie. Hors de question l’un comme l’autre qu’ils laissent ce félon parvenir à ses fins.

D’un geste de la main, Ther’Zhi mania la magie pour renvoyer à Kälyna le sort qu’elle lui adressait. D’un geste de son autre main, le legs immobilisa le dragon rouge qui vrombissait de rage. Dwëmmer, qui s’était depuis le début du manège de son grand adversaire contentée d’observer et efforcée à comprendre le fonctionnement d’une partie des pouvoirs de celui-ci, se décida à agir. Depuis un petit moment déjà elle avait remarqué une chose que nulle autre qu’elle n’avait remarqué tant l’intention tout le monde était  tournée ailleurs. L’araignée mécanique galopa de ses huit pattes jusqu’aux pieds du Tyran. Cette dernière tenait un objet entre les mains, elle le pointa en direction de son ennemi et une décharge d’énergie magique s’en échappa.

« ACTIVATION DU PROTOCOLE ! »

L’attaque était … ridicule, heurtant à peine Ther’Zhi qui afficha un air contrit non pas tant en raison de l’assaut, que de devoir souffrir de poser son regard sur cet artefact qu’il méprisait tant.

« Toi, tu n’es pas nécessaire à mes futurs projets. Écœurant être artificiel. »

L’albinos se tourna en direction de Dwëmmer et vint tendre sa main libre en sa direction, tandis que l’autre maintenait immobilisé le dragon rouge. La liée de métal semblait avoir obtenu ce qu’elle souhaitait : détourner définitivement l’attention de son ennemi.

descriptionRien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn] EmptyRe: Rien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn]

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Sans coup férir, le géant opalin sortit du campement de Vat’Aan’Ruda. Alors que la suite des conseillères traversait le porche légionnaire, Asolraahn s’en alla à l’opposé. En arrivant sur une éminence jonchée des timides graminées de l’automne, son œil accrocha l’épaisseur des troupes de shikaaree, le remous d’acier et de cuir qui soulevait un nuage de sable et assombrissait leur allure. Le tumulte grondait toujours dans la cité et le vacarme de la Grande Chasse s’en faisait sentir. Il espérait de tout cœur que les Aaleeshaans et ses guerriers feraient durer le plaisir car il avait de la route à faire.

Asolraahn se détourna de ce spectacle. Il lui fallait retrouver la trace de son vieil ami aux écailles rubis. Dénicher un tel géant aurait dû être la simplicité même. Mais c’était sans compter que ce géant avait des ailes et ne laissait guère de traces là où il volait. C’était sans compter les vastes étendues de la Savane, le paysage asséché se prolongeant jusqu’au canyon, à perte de vue. C’était sans compter la nécessité d’une complète discrétion et l’enjeu derrière cette quête qui avaient poussé le dragon et son araignée-liée dans les terres les plus profondes et dangereuses de l’île. Il fallait alors tendre l’oreille et pousser les mires loin des quelques simples collines et montagnes qui faisaient les premiers remparts de Néthéril.

Il partit sans se retourner et dévala la pente pour rejoindre un taillis sombre. A l’intérieur, de vieilles traces de pas trahissaient une chasse que Reynagane Shaa et lui avaient accompli. S’il avait fait quelque effort, un visiteur marle se serait dégotté une jolie frousse en trouvant de grosses marques de griffures sur le tronc des baobabs. Asolraahn n’y prêta aucune attention. Il franchit le breuil silencieux puis se dégagea un chemin sinueux entre de petites dunes de sables.
Là, il fit une pause. Devant lui, la silhouette décharnée du canyon Kaptia se dressait avec l’aplomb intrépide et auguste des montagnes. Son envergure donnait froid dans le pelage car elle avait gardé en son sein plus d’un Garal aventureux. Récemment, c’était des centaines de guerriers légionnaires qui hantaient cette énorme mâchoire. Il y aurait pu y en avoir plus si le Dragon rouge n’était alors pas intervenu pour les aider. Voilà qui offrait une bonne dose de rappel de ce qu’il avait à accomplir. Malheureusement, le géant opalin, quant à lui, n’avait rien d’un ancestral dracosire : il ne possédait ni la puissance de son feu, ni l’armure inébranlable de ses écailles. Son bâton s’avérait bien peu aiguisé pour être une griffe et ses moustaches un brin trop discrètes pour s’envoler courir la majesté. Il lui faudrait se contenter d’un rôle moins voyant pour cette affaire.

A travers le ciel plombé, une multitude d’ombre échouait dans la couronne des nuages. Asolraahn leva la truffe vers elles. Des glapissements de charognes criaient un hymne moqueur. Il n’y avait là-haut qu’une polyphonie criarde, pourtant la direction commune que prenaient les oiseaux de malheur indiquait un intérêt soudain pour un lieu désert et inhospitalier. Cette idée avait le mérite de se creuser. Haussant l’épaule droite, le félin rajusta la sangle de son bâton et reprit sa marche. Il descendit les dunes, à la poursuite des vautours. Les heures passèrent, et il lui sembla que son intuition n’avait mené à rien. Soudain, leur croassement rieur le conduisit non loin de l’entrée du canyon, une sobre rivière de sable qui coupait la Savane et sillonnait dans les profondeurs du mur de pierre, loin des regards. Mais Asolraahn n’eut pas besoin de la traverser. Quelque chose avait changé dans le fredon des charognards. Le vent de terre qui tournoyait dans les collines et le canyon n’apportait pas seulement un parfum de pommier, de tamaris et de laurier ; il s’y mêlait un faible bouquet brûlé. Son pelage s’agita sous la brassée. Non loin, une lueur éthérée dessinait des reflets céruléens sur la cime des hautes terres. Au-dessus de ce phénomène, les nuages sombres viraient dans un épicentre et prenaient des allures de tourbillons céleste. Les charognards perçaient ce lent ballet d’un vol égrené de cris d’aiguille. Asolraahn contempla le spectacle avec inquiétude. Il se demanda s’il arrivait trop tard, si la créature maudite du dragon rouge avait réussi à tirer son épingle du jeu.

Il décida d’accélérer la cadence. Il profita de son spirite du chat pour garder un pas silencieux et se tenir aussi discret qu’un chibi. Ce ne fut pas de première nécessité. Tout autour de lui, des filaments de lumière s’échappait des hautes terres, et un sifflement rageur, tel un blizzard de Paadshaïl, creusait ses tympans d’un requiem sauvage. La lueur gagna en intensité. Et en taille. Elle se transforma en une colonne de cristal solide, à la fois si délicate et grandiose qu’Asolraahn en demeura d’abord absorbé de contemplation. Il sut avant même de parvenir jusqu’en haut des terres qu’il avait trouvé ce qu’il était venu chercher. Le Colérique, sa liée mécanique se tenait près de la colonne de cristal. Mais un autre être y rôdait également. Les crocs du félin se serrèrent de colère.

Le Graärh sans âge vêtu de blanc était à leur côté. Le géant opalin vit que sa peau contrastait avec son vêtement, noir comme la suie. Sur ses atours blancs se brodait lancinement une lueur spectrale qui indiquait son appartenance à un monde d’éther.  Asolraahn savait que cette apparence n’était destinée qu’à lui, et que pour le dragon rouge ou n’importe quel autre être sur cet archipel, Ther’Zhi en avait une autre, tel un mimétique qui ne sachant trouver de forme convenable pour lui en prendrait une pour plaire aux autres. Mais c’était une manipulation pour attirer le regard et endormir le soupçon. Malgré les bonnes paroles et une apparence familière, son éclat sinistre, son faciès mélancolique et son regard malin et vif ne disaient rien qui vaille ; il laissait deviner toute la vilénie contenue dans son âme.

Eh bien… ça pour un danger, c’était ce que l’on pouvait appeler un danger. Car à l’allure hésitante du géant de rubis, il était évident que Ther’Zhi était ici à son avantage. Et comme si l’évènement qui avait lieu n’était pas assez extraordinaire, la langue fourchue d’un portail lumineux apparut entre les deux rivaux. Le tissu du monde se lesta de vide l’espace d’un instant et laissa franchir la silhouette d’une immaculée aux traits irisés. Si la surprise de trouver un tel être sur son île était grande, il parut évident qu’à son air absent, l’immaculée elle n’était pas étonnée de trouver le Colérique sur sa route. En avisant leur geste, Asolraahn comprit qu’ils étaient tous les trois en train d’échanger quelques mots. Le géant opalin était trop loin pour les entendre. Et bien que son premier instinct de survie lui dicte de reculer, Asolraahn se rapprocha. Il rasa les fourrés à l’opposé des hautes terres. Il serrait son bâton rabattu contre son corps, pour éviter de se trouver trahi par le reflet d’une écaille. Il arrivait à mi-chemin quand un imprévu le jeta plus bas que terre. Le ciel se travestit d’aurores boréales. Impossible ! De toute sa vie, Asolraahn n’en avait vu qu’à Paadshaïl, pas dans une Savane. Le murmure de ferventes prières atteignit ensuite ses oreilles. C’était des paroles en langue Graärh, des récitals adressés aux Esprits et à la bénédiction faite au peuple de la légion. Qu’est-ce que de tels murmures faisaient en un lieu aussi désolé ? Puis le vent ploya l’échine, l’air devint lourd et humide, électrisé par des barbilles de magie apeurées. La colonne de cristal vacilla de son piédestal, attiré par la main du Graärh spectral. Quelque chose était en train de se passer. Quelque chose qu’Asolraahn, il en avait la certitude, devait à tout prix arrêter. Mais il était trop loin et bien trop lent pour empêcher le rituel de s’accomplir.

Lorsqu’il fut suffisamment proche pour entendre la voix de Ther’Zhi, la créature maudite paraissait plus imposante et plus forte que jamais. Le félin, attentif grâce au spirite du chat, n’eut pas le temps de réfléchir. Il se couvrit derrière un rocher pour se tenir hors de sa vue. En se trouvant plus proche de Ther’Zhi qu’il ne l’avait jamais été, il sentit comme un fardeau grandir dans l’écrin qu’il portait à la ceinture. Il prit la sacoche et en sortit l’amulette. Une lueur violine et douce comme du sirop illumina timidement son pelage. L’amulette tremblait dans sa patte à mesure que le scintillement prenait de l’ampleur, manquant de le faire repérer. Il se solidifia tout à coup autour du bijou en un long bâton de pure énergie. Non pas un bâton.
Une flèche. La Blessure pâle :

« Allons, allons, je ne pouvais pas laisser ma prêtresse dans cet état. Particulièrement parce qu’il va être temps pour elle de reprendre du service. »

Le félin prit la Blessure Pâle dans sa patte et la ceignit dans son dos. Il se pencha à l’extrémité du rocher pour trouver le meilleur angle d’attaque. L’éclat d’une jambe mécanique et la rumeur d’un bruit clinquant lui indiqua la présence de Dwëmmer non loin de lui.

«…Verith, je te remercie. En m’offrant sur un plateau l’essence de la foi des Graärh, tu m’as permis de me frayer un chemin jusqu’à leur conscience. »

L’araignée tourna ses engrenages dans sa direction. Bien qu’il soit certain qu’elle attendait sa présence, le poil d’Asolraahn se figea. Si Dwëmmer l’avait vu, les autres en avaient-ils fait autant ? Mais non. Ther’Zhi, il fallait le dire, attirait sur lui toute l’attention, à commencer par la sienne.

« Cette vénération sur Ambarhùna, ma Théocratie, il y a un but qu’elle ne m’a pas permis d’accomplir. »

Au-dessus d’eux, le tonnerre gronda. La foudre frappa le sol, le faisant trembler. Le vent soufflait, mais l’air était quasi irrespirable, comme s’il s’échappait des poumons. Une idée parut saisir les pattes de Dwëmmer, car l’araignée se mit aussitôt en mouvement. Elle se posta à l’opposé de son rocher, entre le dragon rouge et l’immaculée. Maline petite machine. Si son plan marchait, elle lui offrait l’angle dont il rêvait.

« Les Esprits-liés. Ces pitoyables marionnettes des dieux que ces félins imbéciles vénèrent tant. Je vais me servir des graärh pour les atteindre et les remodeler à mon image. »

A cet instant précis, l’immaculée passa à l’attaque et jeta un sortilège ; Une décharge foudroyante qui implosa dans la patte du Graärh éthéré. Celui-ci réagit avec une aisance désarmante. Tout en bloquant le sort, il le renvoya à sa propriétaire sans un regard dans sa direction. L’immaculée fut projetée dans un cri effroyable sur plusieurs pieds de haut et atterrit dans un bruit sourd. De son côté, le dragon rouge s’élança de tout son poids sur Ther’Zhi, ses griffes désirant se frayer un chemin dans ses chairs. Ce fut en vain. D’un geste, le Graärh neutralisa le Colérique, l’immobilisa et le souleva de terre.

« ACTIVATION DU PROTOCOLE ! »

Soudain, le géant opalin et l’araignée-mécanique passèrent à l’action. Un éclair de magie fila de Dwëmmer jusqu’à Ther’Zhi. Celui-ci bloqua l’assaut misérable et tourna des yeux pleins de haine dans sa direction. Il gronda et tendit la patte dans sa direction. L’araignée s’éleva dans les airs avec un horrible bruit de contorsion. Asolraahn dégaina flèche et bâton et chargea. Une rumeur métallique vibra dans ses oreilles. Puis des mots empreints de mépris :

«-Tu as fait un bien long chemin pour périr, petit chaton. »

Ther’Zhi l’avait repéré. C’était le moment ou jamais.
A cet instant précis, la mort fondit sur lui, absolument silencieuse. Asolraahn ne la vit, ni ne l’entendit. Sa chance fut de reconnaître l’ombre de la lame de jade sur le sable à quelques pieds de lui. Il sentit ensuite le vent siffler dans son oreille, alors que l’épée le prenait en traître. Il agit à l’instinct. Trop tard pour affronter le fer qui venait le décapiter. Il se jeta au sol et arrêta sa course. Il se releva et sortit son bâton. Stupéfait, il observa la lame de jade faire des moulinets dans l’air, portée par une main invisible. Tout à coup, la lame se porta au contact. Une feinte le força à reculer et donner davantage de terrain à son mystérieux ennemi. Dans le même temps, il prépara une riposte et envoya son bâton dans ce qui aurait pu être le buste de son adversaire. La hampe du bâton passa sous la lame de jade sans rencontrer de résistance. Puis cette dernière retourna au contact, le forçant à se défendre. La frustration s’empara du géant opalin. Il n’y avait pas d’adversaire à vaincre dans ce duel. La lame seule jouait avec lui. Et avec elle venait le rictus qu’Asolraahn devina sur les lippes du Graärh éthéré.

La lame de jade frappa alors de taille, cherchant à le sectionner en deux. Le géant opalin ploya le genou et bloqua l’arme. Il donna un furieux coup de rein et se releva en donnant de la force à ses bras. La lame de jade valdingua dans les airs, redescendit comme un javelot lancé sur plusieurs pieds, donna quelques coups à l’improviste et revint à l’assaut. Estoc et coup latéraux ne laissaient place à aucune esquive car il n’y avait pas d’agresseur. Toutefois, dès lors qu’Asolraahn renvoyait l’arme dans une autre direction que celle décidée par la magie, l’épée vacillait sans ménagement, fauchant d’abord le vide avant de retrouver sa cible.

Alors Asolraahn trompa la lame de jade. Au lieu de parer le coup à l’aide de son bâton, il saisit la lame à la garde et la repoussa d’une torsion du bras. Il profita du mouvement de bascule pour frapper la lame à revers, d’un coup de patte qui lui infligea une puissante douleur au poing. Mais l’épée perdit l’équilibre et se déroba. Au lieu d’attaquer ensuite le vide, Asolraahn battit en retraite et abandonna le combat pour reprendre sa charge sur Ther’Zhi. Il dégaina la flèche et s’élança sur le Graärh, visant le cœur.
Il n’atterrit jamais au sol. Ther’Zhi leva une patte dans sa direction et l’immobilisa en plein élan. Un étau invisible empoigna sa gorge. Asolraahn poussa un feulement étouffé. D’une patte, son ennemi tenait le dragon rouge en respect et de l’autre prenait sa vie avec une satisfaction évidente. Son esprit vacilla alors que la fin approchait. Son pelage fut parcouru d’un frisson. Un sortilège grandissait autour de lui, des serpents lumineux l’entouraient, prêt à l’achever. D’un dernier effort, Asolraahn raffermit sa prise sur la Blessure pâle. Soudain celle-ci s’étendit, devint aussi épaisse qu’un javelot, comme si elle avait deviné ses pensées. Tandis que le Graärh éthéré prenait sa victoire pour acquis, il leva le javelot haut dans le ciel et le jeta contre son bourreau.  

Le trait transperça le buste de Ther’Zhi de plein fouet. Ce dernier poussa un rugissement si terrible que la terre trembla comme le verre pilé vrille d’une secousse. Les nuages répondirent à sa détresse en gagnant de la vitesse, se défaisant en rondes chaotiques. Au même moment, toute la magie du Graärh éthéré s’effondra, offrant également un instant de répit aux autres. L’étau invisible qui écrasait Asolraahn disparut, le libérant de sa prison. Il s’effondra sur le sable rêche, étourdi par sa session de torture. Il frémissait encore, au bord du déséquilibre, quand il entendit le rugissement surnaturel se diriger dangereusement vers lui. Ther’Zhi, un javelot d’énergie de quatre pieds de long enfoncé dans le buste, leva son bras gauche perpendiculaire à lui. La lame de jade réapparut dans les airs et siffla avant de venir se ceindre à sa patte griffue. Son visage était frappé d’une rage bouillonnante. Il avait reconnu sans aucun problème la vieille Blessure qui lui avait été infligé il y a très longtemps de cela. Cette affreuse familiarité lui laissait une impression de dégoût bien trop désagréable pour que l’insulte demeure impunie. Il fondit sur le géant opalin comme une flèche tirée à bout portant, désirant plus que tout embrocher le coupable.

Il n’était plus temps de se battre ou se défendre. Contre la puissance qui s’acharnait sur lui, Asolraahn n’hésita que le temps d’un battement de coeur. Il joua sur le pouvoir de son dernier spirite, celui qui lui avait offert un cadeau dans le même rêve qui l’avait vu rencontrer ce monstre. Il en appela au pouvoir de la boucle d’Aasheervaad, l’esprit-lié de l’axolotl. Son pelage s’embrasa de mille couleurs, passant du turquoise à l’incarnadin avant de renouer vers l’or, et se cuirassa comme du diamant. La lame de jade ripa contre du roc et Ther’Zhi dut contempler, à la faveur d’un instant d’éternité, le corps figé du géant opalin. Mais pas question que ce chaton demeure en vie. Toute à sa fureur, oubliant quasiment tout le reste, la lame de jade frappa de nouveau, encore et encore, tâchant de briser ce roc en milles petits morceaux.



Boucle d’Aasheervaad :

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¤ Une histoire de coeur ¤

Verith bouillonnait intérieurement, la colère montant en lui à mesure que les secondes passaient. Ther’Zhi l’avait trompé une fois de plus. Non, il s’était laissé tromper par Ther’Zhi une fois de plus pour être exact. Le rouge s’était pourtant montré vigilant, sachant éperdument que le legs du Tyran Blanc n’était que tromperie. Et pourtant, en dépit de son attention renforcée, il avait laissé celui-ci le berner une fois encore. Le dragon de l’ire s’en voulait. Plus que de s’en vouloir de s’être laissé tromper, il s’en voulait d’avoir été assez arrogant au point de penser qu’en connaissant la nature de son adversaire, il était en mesure de le contrer. Ther’Zhi n’était pas au même niveau que lui. Et pourtant, en dépit de cette différence, le rouge pensait avoir suffisamment grandi en maturité pour parvenir à le contrer. L’enfant de l’orage vint étendre son esprit en direction de Kälyna après que cette dernière ait vu son sort être retourné contre elle. Elle était touchée, elle était blessée, mais au dernier moment elle était parvenue à détourner une partie de l’attaque pour ne pas se le prendre dans son intégralité. Il lui faudrait un peu de temps, mais elle serait en mesure de rejoindre le combat sous peu. Verith devait trouver une stratégie pour arrêter l’albinos. Il devait réfléchir et vite. Comment faire pour l’arrêter avant qu’il soit trop tard ?

Dwëmmer s’interposa alors, venant tenter de porter une attaque à son ennemi. Le succès ne fut pas bien grand, mais le rouge, en portant son attention vers elle, ressentit dans l’esprit artificiel de l’araignée mécanique que cette dernière préparait quelque chose. Quelque chose qu’elle ourdissait depuis un moment déjà. Une stratégie que le colérique n’avait su voir tant il s’était aveuglé en ne portant son regard que sur Ther’Zhi. Verith n’eut pas le temps d’en apprendre plus qu’un nouvel arrivant fit son apparition. L’albinos le repéra en premier, l’annonçant. Asolraahn surgit, courant en direction de ce premier, arme au poing.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? Part de là avant qu’il ne soit trop tard ! Tu ne peux le défier ! »

L’enfant de l’orage tenta alors de désolidariser une partie de son ombre pour l’envoyer en direction du félin. Il voulait le téléporter ailleurs. Si le dragon ne doutait pas que le Trand soit un valeureux guerrier, il ne savait que très peu de choses sur son opposant. Et quand bien même il en saurait plus, cela ne suffirait pas. Mais contrairement à Sombréclat, il partait avec un désavantage encore plus grand. Ther’Zhi repéra très vite le manège du colérique et immobilisa son ombre en plus de sa personne. Son poitrail vrombit de rage et le libre commença à se nimber de magie dans l’espoir de neutraliser ou parasiter la prise de l’albinos sur sa personne.

Le legs du Tyran Blanc s’amusait avec le félin. Enchantant sa lame maudite, il l’envoya à l’encontre de celui qui cherchait à le défier. Asolraahn engagea le combat contre Volarêa, l’épée de discorde. Sombréclat, elle, faisait mine d’être vaincue et commençait à guérir ses blessures afin de pouvoir agir dès qu’une ouverture se créerait. Dwëmmer, tout comme Verith, était sous l’emprise de la magie de Ther’Zhi et était pour le moment bloqué sur place par une force invisible. Le legs jouait avec le graärh et lorsqu’il en eut assez de s’amuser avec lui, il l’immobilisa comme les autres, concentrant toutefois sa prise au niveau de la gorge de ce dernier avec l’intention de l’asphyxier. Le rouge rugit de colère sous son impuissant en voyant son protégé se faire tuer lentement.

C’est alors qu’Asolraahn dévoila son arme secrète. Une flèche de magie se fit javelot et avec le peu de force encore en sa possession, il le jeta en direction de Ther’Zhi. L’albinos riait de la pitoyable tentative du félin, ne voyant là qu’une banale arme magique. Mais très vite il déchanta. À peine la blessure pâle fut-elle lancée par le félin, que cette dernière sembla de se transporter avec une quasi-immédiateté jusque dans le corps éthéré du Tyran. Un rugissement terrible secoua la terre et le ciel. Le sol de la scène de bataille se couvrit de fissure tandis que les nuages se rassemblaient. L’enfant de l’orage remarqua des tremblements émanant de l’image qui lui renvoyait Ther’Zhi. Il crut même voir du sang se mettre à couler de sa personne. Bien sûr, il ne s’agissait pas de sang à proprement parler, plus de la haute-magie sous une forme liquide. Que venait de faire Asolraahn ?! Où avait-il obtenu une arme à même de blesser celui qui se prétendait être devenu un dieu ?

C’est alors que l’œil artificiel de Verith se posa sur l’objet en question. Il reconnut là la même énergie qui émanait de l’œil astral. Il reconnut aussi la même énergie qui pouvait émaner de Sighild Arnbjorn. La Blessure Pâle. L’enfant de l’orage rit intérieurement devant la situation. Qui aurait cru qu’un jour le surnom qu’il avait donné à cette humaine aurait des répercussions plus tard. La propre rage de Ther’Zhi ne tarda pas arriver jusqu’au dragon de l’ire. Liés qu’ils étaient eux aussi, il comprit que l’albinos venait de saisir ce qui s’était produit.

« Je ferais payer à ton espèce le prix de ton insolence. »

Le javelot qui le transperçait se mit à fondre et prendre la forme d’une large cicatrice sur l’apparence de Ther’Zhi. L’épée du legs du Tyran refit son apparition, imprégnée d’une énergie plus forte que jamais. L’albinos l’empoigna et se transporta jusque devant le Trand pour commencer à le frapper de violents assauts. Le graärh se mit à son tour à irradier de lumières chatoyantes et lorsque la lame de la discorde le toucha, elle ricocha sur sa personne sans lui causer le moindre dégât. L’albinos répéta l’opération, avant de déterminer l’origine de l’invincibilité de son adversaire.

« Ton petit tour ne te sauvera pas ! »

Pendant l’échange de coups, le colérique pouvait sentir l’emprise sur sa personne se faire de plus en plus faible. Celle sur Dwëmmer se relâcha complètement et l’araignée mécanique fut à nouveau pleinement libre de ces mouvements.

« Qu’as-tu fait Dwëmmer ?! »

« Lié ! En dépit de nos esprits brillants respectifs, l’exposé de mon plan prendrait du temps que nous n’avons pas. Il me faut agir tant que cette anomalie est affaiblie ! »

Sans attendre de réponse de la part du rouge, l’artefact antique se carapata en direction des deux combattants. De l’autre côté, cessant de s’évertuer à frapper un adversaire qu’il ne pouvait atteindre, Ther’Zhi fit un pas en arrière.

« Ton cœur rejoindra ma collection, ainsi que ceux de toute ta misérable race. »

Et en parlant de cœur, un issu de la collection du bien nommé voleur de cœur fit son apparition face à lui. Le legs l’empoigna et le broya dans sa main. Celui-ci se transforma en une magie impie dont il vint nimber sa lame en la passant dessus. Volarêa, l’épée de discorde se mit à vibrer, la terre, les cieux et la trame firent de même alors que l’albinos l’a pris à deux mains, semblant commander l’espace d’un instant au monde lui-même. Abatant son arme face à lui, l’espace tout entier se fractura, lacérant la savane sur plusieurs lieux, ne laissant face à Ther’Zhi qu’un vaste sillon dénué de vie et imprégné de corruption.

Le sol se mit à trembler à nouveau, mais cette fois-ci ce n’était pas en raison d’un quelconque phénomène magique. Verith venait de regagner le sol. La magie de l’œil éthéré avait pu atteindre le legs du Tyran, alors il devait en être de même pour sa magie. Usant du pouvoir de son œil artificiel, l’enfant de l’orage était venu puiser dans la renommée que lui confère son titre de dragon libre. L’emprise déjà affaiblie de son adversaire vola définitivement en éclat. Voyant son chien en liberté, Ther’Zhi s’empressa de le remettre en laisse, mais sa magie vola une fois encore en éclat.

« Si tu ne te soumets pas à nouveau à ma magie, j’emploierai une méthode différente. »

Le Tyran Blanc tourna sa lame en direction du dragon rouge. C’est alors que son image se mit à se troubler. Dwëmmer était devant lui les pinces écartées, un petit vortex d’énergie venait de faire son apparition face à son cœur cristallin à découvert. Ther’Zhi sembla un temps absorbé par ce dernier avant que l’emprise sur sa personne ne s’affaiblisse, ne laissant présager qu’il ne s’agissait que d’une question de temps avant qu’il s’en libère définitivement. Le Tyran Blanc éclata de rire.

« Qu’essayes-tu de faire ? Tu veux m’enfermer ? Comme c’est pitoyable. Les divins ont essayé avant toi. S’ils y sont parvenus, c’est pour un temps seulement. Mais toi, tu es faible. Si tu crois que votre petit tour de passe-passe m’a suffisamment affaibli, tu te trompes lourdement. »

L’avatar impie leva à nouveau son épée, avec l’intention de percer le vortex et le cœur cristallin de l’araignée mécanique. Mais la pointe de sa lame vint rencontrer une barrière de magie, tandis qu’autour de celle-ci, une racine avait surgi du sol pour l’enserrer. Kälyna et Asolraahn étaient non loin derrière. L’immaculée, lié à l’esprit-lié de la sauterelle, avait usé du don de son protecteur pour rejoindre in extremis le graärh et l’éloigner de l’assaut oblitérateur de l’albinos.

« Regardez-vous. Votre lutte fait peine à voir. Vos misérables gesticulations n’empêcheront rien. »

Ther’Zhi porta sa seconde main au pommeau de son épée et appuya avec force pour passer outre la résistance qui lui était opposée. C’est alors que de petites failles dans le tissu de l’espace entourant l’albinos apparurent. Des chaines en surgirent, venant s’enrouler autour de chacun des membres du legs impie.

Un peu plus loin derrière Dwëmmer, du sang coulait au sol, un sang aussi chaud que de la lave en fusion, un sang imprégné d’une magie puissante. Brûlant la terre et la maudissant. Le son d’un battement de tambour envahit bientôt les environs. Le dragon de l’ire chancela légèrement, mais parvint à se maintenir debout. Sur son poitrail, une large cicatrice magique de laquelle émanaient des perles de sang venait d’apparaitre. Entre ses griffes, dont sa patte était levée à mi-hauteur, battait un cœur à une cadence hors normes. De l’œil gauche de Verith émanait d’imposants filins d’éther. La magie impie, la même que celle qui avait envahi l’atmosphère lorsque Ther’Zhi avait renforcé sa lame, fit son apparition. La voix essoufflée et torturée du colérique résonna.

« Il m’aura fallu du temps pour comprendre … lier ton essence à la mienne pour devenir ce que tu es aujourd’hui n’a pas pour conséquence une influence unilatérale … tu me le dissimulais jusqu’ici. Merci pour la démonstration de tout à l’heure … les efforts de Dwëmmer et Asolraahn ne doivent pas rester vains … il nous faut t’arrêter … et cela quel qu’en soit le prix. Verith le dragon libre, devient en ce jour Verith le geôlier … »

Une gerbe de sang échappa de la gueule du colérique. Le cœur dans le creux de ses coussinets draconique vint se dissoudre en magie et une impulsion éthérique émana de l’œil astral. Verith s’était nommé le geôlier aux portes de la ville de Sélénia, lorsqu’il était venu récupérer la dépouiller de Cynoe, menaçant de libérer sur ce nid de bipèdes une terrible malédiction si ceux-ci osaient s’opposer à lui. Aujourd’hui, il était temps d’enfermer cette malédiction afin qu’elle cesse d’errer en liberté.

L’épée de la discorde fut repoussée sous les efforts conjoints de l’adversaire des tyrans et de Sombréclat. Les chaines restreignant Ther’Zhi vinrent bientôt l’entourer, devenant son sarcophage. Dwëmmer, de son côté, sentit la résistance de son adversaire se flétrir et tenta le tout pour le tout. Dans un rugissement de rage qui ébranla Néthéril tout entière, le prétendu dieu impie fut absorbé par l’artefact antique de la civilisation graärh. L’araignée mécanique tomba au sol, inanimé.

Verith, lui, chancela à nouveau. La terre vibra sous son instabilité, avant de trembler une dernière fois lorsqu’il s’effondra à son tour, sur le flanc et inconscient.

« VERITH ! »

L’immaculée se redressa malgré sa magie quasiment épuisée et son endurance au plus bas. Courant près du corps du rouge, elle fut obligée de s’arrêter quand elle manqua de se bruler les pieds face à la mare de sang qui était en train de se former aux pieds à la cicatrice de magie qui parcourait le poitrail du dragon.

Le calme commençait à revenir sur une savane malmenée. Le ciel, lui, demeurait encore couvert, plongeant les environs dans une semi-obscurité rappelant un ciel de mousson. Progressivement, un silence de mort s’abattait …

L’ouïe la plus fine pourrait néanmoins entendre un faible battement à proximité. À moins que cela ne soit le regard le plus perçant à même de distinguer une faible lueur dorée émanant des broussailles alentour.


Ther'Zhi, Leg du Tyran :


L’éther, essence astral :

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Dans le froid crû, sa respiration s’envole par panaches, non sans ourler de givre ses épaisses moustaches. L’éclat de son âme brille dans un néant de vagues et de remous qui ne cessent de voguer sous la dérobade du temps ; ce temps, si infime dans l’instant, qui se prend lui-même à hésiter sur le chemin à suivre. Le bouclier dans le dos, le casque suspendu au ceinturon, des Graärh bavardent tranquillement, les poings croisés sur le talon de leurs armes. L’une s’appuie sur une pertuisane hérissée de piquant sur le manche, l’autre est un guerrier massif qui tient une mailloche de carrier. Son allure, déjà trapue au naturel, se trouve plus mafflue encore par l’armure et les fourrures. Ainsi cuirassés, les deux Trands pèsent là, compacts comme des massiaux. Il laisse passer sans mot dire cette âme qui grelotte dans le blizzard.
Asolraahn comprend alors qu’il est loin du canyon Kaptia, loin de Néthéril, de Ther’Zhi, du grand dragon rouge et de son acolyte mécanique. Il est en vérité si loin que lui-même ne saurait définir sa position. Un calme lugubre fige le campement. Le géant opalin accompagne cette immobilité, se contentant d’observer ce nouvel environnement qu’il craint et accepte en même temps. Il se demande si la boucle d’Aashervaad a réellement fonctionné, si Ther’Zhi n’a pas réussi à percer cette défense, ne l’a pas embroché sur sa sinistre lame et mit fin à ses jours.

C’est alors qu’une voix mécanique déclame dans le vent :

« L’araignée étend sa toile pour saisir l’insaisissable. Sur l’île lunaire, le Smilodon des neiges se rendra. Au milieu des géants il cherchera l’Épervier. Dans une prison dorée, il enfermera la Blessure Pâle. L’ignorance du seigneur des cieux, il préservera. »

Le son éconduit d’un applaudissement tonne dans ses oreilles. Le néant se creuse à un endroit et forme une lueur, comme un foyer près de la femelle Graärh et du mâle. Surgit alors un long corps blafard qui ondoie entre les armes des félins, s’enroule délicatement autour d’Asolraahn avant de se dresser sur près de dix pieds de haut. Les écailles râpent contre ses pièces d’armures. L’immense salamandre darde sa langue râpeuse et un regard céruléen sur lui. Ses yeux hameçonnent l’attention, joyaux sombres et abyssaux tel les profondeurs d’un abîme.
Il sourit aussi. Et alors Asolraahn le reconnait.

L’esprit-lié de l’axolotl :

-La dernière fois, tu avais pris ma tête et mon pelage, commente Asolraahn. Je ne te plais plus ?

-Je reconnais sans mal le Graärh que j’ai laissé sur son île, déclare chaleureusement l’axolotl dans un sursaut d’écailles. Mais si je n’ai pas la forme que tu attendais, c’est parce que tu me reconnais d’une autre façon.

-D’une autre façon ?

-Je ne suis qu’un produit de ta mémoire : le fruit d’une bénédiction dont tu es le principal acteur.

-Notre dernière rencontre remonte pourtant à si loin… Ma mémoire n’est plus ce qu’elle est.

-Je pense plutôt que la mémoire est comme les lingots de la forge, ductile comme un métal, apte à prendre toute consistance. Elle ne se fige ni ne durcit, elle demeure plastique ; elle qui se dilate, fond et se contracte selon les besoins de l’esprit. Notre dernière rencontre remonte à loin et pourtant, malgré mon apparence, je suis là.

-Est-ce que cela a encore de l’importance ? (Le géant opalin s’installe sur le lit noir du néant) J’ai comme l’impression que mes efforts ont été vains. J’ai essayé d’aider le Protecteur de mon peuple à chasser sa malédiction, mais je crois par mes actes l’avoir condamné.

-Le dragon rouge, plus que tout autre, connaît sa voie. (La salamandre ondule dans toutes les directions, sa voix faisant écho) Il reviendra, guidé par la grâce, autrefois perdu. Son mal devait être résolu. Si tu n’étais pas intervenu, cette même malédiction l’aurait pris et il n’aurait su la vaincre. Il faut parfois frapper plus fort que les ombres qui nous retiennent pour gratter la surface de la liberté ; même si celle-ci paraît plus loin que jamais.

-Ce que tu dis n’a aucun sens pour moi.

-Tu comprendras bien assez tôt. Le dragon rouge a pris sa décision. Irrévocablement. Et j’augure que celle-ci s’est faite grâce à toi. Je prie pour que son calvaire finisse un jour.

-Tout n’est donc pas terminé ?

-Non. Ta lutte se poursuit. Mon lien envers toi te protège toujours de l’ennemi.

-Alors qu’est-ce que je fais là ?

-Tu attends certes de moi quelque chose. Peut-être pour trouver des réponses devrais-tu me poser la question.

-Qu’est-ce que j’attends de toi ? fait gravement le géant opalin.

L’axolotl sourit, ses crocs luisent dans les ténèbres comme des diamants.

-De la détermination, de l’aide. Et surtout. Un brin d’espoir. Mais je ne peux t’offrir ce que tu as déjà. Je peux t’offrir uniquement ma bénédiction et celles de ceux qui t’ont forgé jadis.

-Qui donc ?

Le sourire de la salamandre s’élargit. Son long museau écailleux pointe en direction des deux Graärh affablés dans leur campement. Le géant opalin se retourne. Il a du mal à reconnaître les deux guerriers. Mais peu à peu, la lumière, comme un serpent dans un nid, illumine de vieux souvenirs enfouis dans son âme. S’il a les mêmes épaules massives du guerrier, il tient de la femelle ses yeux de glace. Alors des larmes perlent sur son pelage. Les deux Trands se lèvent de leur campement et le toisent de leur dur regard :

-Ton sort n’est pas scellé, déclament-ils tous deux, levant leurs armes avec fierté. Relève-toi. Les Esprits te guident. Fais face à leur jugement.

* * *

La carapace lumineuse du géant opalin disparut, le libérant de sa protection. Il s’effondra sur le sable, toussotant une salive mêlée de sang. Il craignit d’être tombé dans un autre artifice de son esprit qui lui jouait des tours. Mais la Savane chantait le frémissement guttural de son existence. Le vent sifflait sur les arêtes de pierre et lui revenait comme un clairon désincarné. Il était impossible au félin de douter de sa présence dans au pied du canyon. Il n’eut pas le temps de se reposer. Déjà une scène de cauchemar se déroulait devant lui.

Dans la Savane faussement plane, le paysage avait changé et ranimait l’angoisse dans le cœur. Le bas du canyon s’étranglait entre les obliques des rivières de sable, mais au-delà des contreforts, les dunes cédaient la place à une ribambelle de baobabs déchiquetés, d’aiguillons de pierre révélés par d’immenses mottes de terre retournées, et de fougères carbonisées. La végétation avait été ensevelie sous des collines de terres et d’éboulis qui crevaient l’étendue çà et là, comme des buttes témoins, des reliefs déchiquetés. Pis encore, de part et d’autre du canyon Kaptia, les culées de ses remparts avaient été éventrées à une hauteur prodigieuse, avec une force dévastatrice. Tout cela ne ressemblait guère à ce que l’on pouvait attendre de pluies orageuses. Il s’agissait là d’une véritable désolation. Il avait fallu une violence magique pour oblitérer à ce point la terre. Une rumeur dans ses pensées se mit à courir, bientôt reprise par son esprit :

« Tout n’est pas terminé. »

Une main se tendit vers lui. Une main. Pas une patte. Le géant opalin leva les yeux. L’immaculée se tenait près de lui, l’air déterminée. Il comprit alors qu’il se trouvait à deux pas de la désolation qui avait eu lieu, et que dans ses souvenirs, il avait usé du pouvoir de la boucle d’Aasheervaad au beau milieu de son axe. On venait de lui sauver la vie d’un sinistre maléfice. Il ne prit pas le temps de plus réfléchir. L’immaculée l’avait sauvé et cela lui suffisait pour la considérer comme une alliée. Il saisit l’aide qu’on lui tendait et se releva.
Devant eux, le paysage désolé laissait place à un duel silencieux. Dragon et spectres manipulaient la trame et l’éther pour la domination de leur propre liberté. A ce jeu-là, Asolraahn n’était que d’un fragile soutien. Il chercha Dwëmmer du regard, tachant de tirer l’araignée de cette effusion de magie. Il pensa la trouver à s’éloigner elle aussi de la scène macabre. Il ne fut que plus terrible de la retrouver en plein dans le collimateur du tyran. Ses pinces s’ouvraient devant un orbe de cristal qui brillait de milles couleurs. D’abord attiré par la lueur, le Graärh spectral trembla d’agacement avant d’éclater de rire. Manifestement, ce que lui présentait Dwëmmer ne l’impressionnait pas outre mesure. Ce ne fut pas le cas de l’immaculée dont les yeux s’écarquillèrent :

-Il va frapper ! Protégez le coeur, vite !

Ther’Zhi leva soudain son épée, traça un grand arc-de-cercle au-dessus de lui, dans l’intention de l’abattre sur l’orbe de cristal. L’immaculée leva la main et déjoua l’assaut d’une barrière magique autour de l’orbe. Le félin se jeta sur son bâton dans le même temps. Il l’empoigna et avec un grand cri le planta dans le sol. Des racines lacérantes serpentèrent dans le sable, faisant vibrer le sol. Elles surgirent au-dessus de la patte du spectre et se saisirent de la lame, l’immobilisant net. Le Graärh spectral leur jeta alors un regard incandescent.

« Regardez-vous. Votre lutte fait peine à voir. Vos misérables gesticulations n’empêcheront rien. »

-Je crois que ça ne lui a pas plus, commenta Asolraahn.

-Ça signifie que ça fonctionne.

Des chaînes surgirent subitement tout autour de Ther’Zhi. Le sol trembla à nouveau, comme si la terre voulait les avaler.

-Verith a un plan pour le neutraliser. Nous devons faire traîner les choses, jusqu’à ce qu’il ait fini.

-Je vois ça, fit sombrement le félin. Mais c’est plutôt elle qui va nous occuper.

Il montra d’une griffe la lame de Ther’Zhi. Celle-ci, relâchée par la main de son maître, avait décidé de faire son propre jeu en déchiquetant les racines qui l’emprisonnaient. Se dévissant d’un coup, elle fut prise d’une folie furieuse et fila droit sur l’immaculée. Tenant encore le sort protégeant l’araignée mécanique, cette dernière n’eut pas le temps de contrer l’arme. Ce fut sans compter le géant opalin qui vint s’interposer lui et son bâton. D’un revers, il repoussa l’épée et contrattaqua d’une salve de coups ravageurs. Il espéra mettre cette fois l’épée enchantée au ras du sol. Mais cette dernière n’accusait ni faiblesse, ni fatigue. D’une feinte, elle jaillit sur le côté et tenta de le transpercer sous l’aine. Le temps d’un battement de cœur, le géant opalin ne vit plus que de l’acier irisée d’un éclat hirsute. Mais une poigne ferme l’attrapa par le pelage et le tira quelques mètres plus loin en une fraction de seconde.
L’immaculée venait de les téléporter. Elle répéta l’opération une seconde fois, puis une troisième, la lame persistant dans sa charge meurtrière :

-Elle n’aura aucun répit, rugit-il pour se faire entendre dans le tumulte. Pas tant que nous serons debout. Il faut l’immobiliser à nouveau, mais cette fois sans lui laisser d’échappatoire. La base de son mouvement lui vient du pommeau. C’est de là que l’enchantement manipule l’arme.

-Alors c’est là que nous devons l’entraver.

La lame siffla dans l’air. Elle décrivit un nouveau moulinet, puis la pointe se tourna dans leur direction. L’acier chanta alors qu’elle plongeait sur eux.

-Maintenant !

Le géant opalin para la lame de justesse. L’immaculée lança un sort sur l’épée, puis reforma une barrière magique. Le rempart d’énergie enveloppa le fer enchanté, cette fois non pas comme une protection, mais tel un fourreau. Le félin tendit alors son bâton et toucha l’arme de sa hampe. De nouvelles racines l’assaillirent pour paralyser ses mouvements primitifs. Elle tenta de se libérer à nouveau. Toutefois, privé de son tranchant, l’épée demeura inerte sur les racines, incapables de s’échapper.
Son maître subissait les mêmes tourments. Les chaînes magiques bloquant Ther’Zhi devinrent plus lumineuses que les rais solaires. Face à lui, le dragon rouge semblait également pris dans cet étau tempétueux. Il frappait le sol de ses griffes, le regard intrépide, mu par une profonde résignation. L’immaculée recula. Asolraahn fit de même, mais il ne pouvait quitter des yeux le phénomène extraordinaire qui avait lieu.
Quelque chose allait se passer. La fin de tout. Ou peut-être le début d’autre chose.
Le Graärh spectral poussa soudain un rugissement à renverser l’île. Le géant opalin faillit perdre l’équilibre, se rattrapa in extremis à l’aide de son bâton. Un gigantesque éclat de lumière transperça le firmament. L’écho de milles voix gronda un dernier requiem de destruction.

Puis ce fut le silence. Un silence chargé de cette vague impression qu’il y avait toujours une cacophonie lointaine, au-delà de ce que l’oreille peut entendre.

Le géant opalin et l’immaculée revinrent sur les lieux de l’affrontement. Tout n’était plus que chaos et décombres fumants. Le sable voletait en fumerolles dans l’air, comme s’il n’était plus qu’une cendre vaporeuse. Plus loin, la lame de Ther’Zhi tremblait toujours d’une excitation vivace, enchaînée aux racines. En marchant d’un pas lourd, le géant opalin tomba sur Dwëmmer. Celle-ci, hélas, ne semblait plus être qu’un simple outil mécanique. Asolraahn la prit lentement dans ses pattes et la porta jusqu’à l’immaculée. Il y eut alors un cri :

-VERITH !

Asolraahn vit la forme du dragon gisant dans le sable. Un frémissement parcourut l’ensemble de son poil. Il trébucha par deux fois contre un roc calciné, mais il les rejoignit plus vite que si des ailes l’avaient porté. Il déposa là la stature métallique de l’araignée et s’effondra à côté de l’immaculée, incapable de toucher le sang du roi du ciel. Il était épuisé, mais la douleur de ce qu’il vit lui fit pousser un feulement de lamentation. Le dragon rouge était dans un triste état. Une plaie béante laissait échapper un sang rouge et fumant. L’immaculée à son côté contemplait ce macabre tableau avec une expression de pure détresse. Elle n’osait déclamer tout haut ce que le fond de sa pensée lui faisait admettre. Elle ne pouvait accepter le fait que ce soit la fin.
Le poing d’Asolraahn se serra. Le silence avait cela de cruel qu’il laissait place à un vide terrible. Il ne fut qu’à peine altéré par le léger clapotement d’une fine bruine.
La dernière mousson avant l’automne.

Il y eut alors un bruit sourd et régulier. Un battement de cœur au milieu de la terre. Une litanie sans cesse répétée et ô combien étrange à entendre ici, là où l’on pensait que seule la mort pouvait parler. Asolraahn ouvrit de grands yeux. Un rai de lumière doré baignait les derniers survivants de la Savane ; elle léchait les contours stagnants de cette sérénité séculaire qui les enveloppait, comme ce qui avait eu lieu précédemment n’avait été qu’un cauchemar dissous dans la nuit lointaine.

Le géant opalin se releva. Il prit son bâton et d’un grand geste frappa le sol de la hampe :

-Réveille-toi, Svargaadhipati. Ne pars pas là où nous ne pouvons te suivre.

Mais ses suppliques demeurèrent désespérément sans réponse. Peu à peu, comme une marée refluant doucement vers le lointain, l’esprit du dragon rouge leur échappait. Au-dessus d’eux, la chape tournoyante des nuages révéla un tonnerre grondant, témoin de leur colère. Mais Asolraahn ne s’apitoya pas sur le sort de son Protecteur. Il se dirigea avec l’assiduité d’un renard jusque dans les maigres fourrés qui conservaient encore leur fringance. Il traversa le sang draconique et gronda de douleur alors que son pelage tremblait sous la fournaise chaude du liquide. Il avança malgré tout. Il sortit du bassin sanguinolent en s’écroulant sur les fougères. Son pelage se para alors de reflets dorés. Le géant opalin leva ses moustaches et écarta les broussailles devant lui. Un cœur baignant dans une aura séraphique articulait le faible appel de son incarnation battante. L’immaculée, qui jusque-là essayait à grande peine de refermer l’affreuse blessure du dragon, se retourna avec une incrédulité croissante :

-Par les Déesses, qu’avez-vous trouvé… ?

Le géant opalin se releva en grinçant de douleur dans ses fourrures carbonisées. Il récupéra d’une patte griffue le cœur toujours vivace. Il se retourna et le présenta à l’immaculée.

-Qu’est-ce… Qu’est-ce que c’est ? Est-ce ceci la solution de Svargaadhipati ? Est-ce le réceptacle emprisonnant Ther’Zhi ?

-Je ne puis satisfaire votre curiosité. Je ne le sais pas moi-même. Autant que je sache, le cœur de Néant a été perdu des siècles durant. Aucun mortel ne l’a vu ou ne saurait le reconnaître.

Son propre intérêt piquée au vif, l’immaculée retrouva son assurance. Elle jeta un regard lourd d’interrogation et d’excitation au félin. Lui aussi la regardait. Il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Il devinait parfaitement ce qu’elle songeait, ce qu’elle supposait. Car il le supposait aussi :

-Avez-vous encore suffisamment de force pour me barrer de quelque enchantement protecteur ?

-Je le peux, en effet.

-Très bien. Parce que je m’apprête à faire quelque chose de vraiment stupide.

-Aucune entreprise vouée à ce dessein ne saurait relever de la stupidité, cher ami. Allez-y, je suis avec vous.

L’immaculée fit un geste et le géant opalin se retrouva entouré de filaments d’énergies protectrices. Alors il se jeta dans le marais de sang, le palpitant doré toujours avec lui, et brava les flots brûlants. L’odeur, plus que toute autre sensation, fut la chose la plus atroce qu’il garda de cet instant effroyable. Lorsqu’il arriva devant la plaie béante du dragon, Il ne put réprimer une toux grasse. Puis, le regard plissé mais enhardi par la résolution, il brandit le cœur doré et le plongea dans la blessure mortelle.




Tarama Tish, perche simiesque :

descriptionRien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn] EmptyRe: Rien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn]

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¤ Une histoire de coeur II¤

Son poitrail était en feu, semblable à la cheminée d’un volcan de laquelle s’échapperaient des torrents de lave. Le sang du dragon s’échappait de la blessure impie qu’il s’était lui-même infligée. La douleur parcourait l’intégralité de son être, vrillant son esprit. La souffrance, le colérique l’avait déjà ressenti à de très nombreuses reprises. Du temps où il se battait sur le continent sauvage, où il se battait sur Ambarhùna et où il se battait sur l’archipel Tiamaranta. Il l’avait connu sous toutes ses formes, qu’elle soit physique ou morale. Ces souffrances avaient connu de nombreuses origines, physique, magique, spirituelle, deuil, malédiction. Pour autant, il en expérimentait une nouvelle aujourd’hui, bien différent de celles qu’il avait pu connaitre par le passé. Si à bien des égards cette blessure au poitrail était en mesure de lui rappeler celle qu’il avait ressentie, du temps où la malédiction de Vie parasitait encore son être, après avoir brisé le corps d’un Almaréens d’un simple coup de queue, il y avait cette fois-ci quelque chose en plus. Oh non il ne faisait pas mention à la sensation d’avoir des morceaux d’armure lourde enfoncés dans le torse, mais plutôt à une sensation de manque et de déracinement. À l’image de la terre qui souffre lorsqu’on lui arrache la souche d’un arbre. Son cœur n’était plus là, il se l’était retiré à l’aide de la magie impie du Voleur de Cœur. Il s’était infligé cela pour l’utiliser afin de défaire son adversaire. Un sacrifice que le colérique payait au prix fort. Lui qui avait pourtant vaincu l’esprit-dragon, se retrouvait dans un état plus piteux encore que lors de la conclusion de cet affrontement.

L’enfant de l’orage s’était effondré, incapable de tenir debout. Son corps ne lui répondait plus, paralysé par une atroce douleur. Son esprit, lui, sombrait lentement dans l’obscurité. Dwëmmer ne lui répondait plus, mais il ne ressentait plus la présence de Ther’Zhi non plus. Ils avaient réussi ? Il l’espérait. De manière lointaine, la voix paniquée de Kälyna lui parvenait, suivit de celle d’Asolraahn qui tentait de le ramener. Le colérique voulut se faire violence, mais un éclair digne de la plus puissante dragonne d’orage le traversa en partant de sa blessure. L’air commençait à lui manquer. Tout devenait de plus en plus sombre autour de lui. Son feu intérieur, sa tristesse, sa colère, sa haine lentement s’éteignaient. Il tenta de s’enrouler autour, comme pour la préserver, mais celle-ci lui filait entre les griffes aussi assurément que de l’eau entre les doigts d’un bipède.

Était-ce là fin ? Allait-il finir comme cela ? S’en plaindrait-il ? Non. Le rouge sait que de certains combats on ne peut sortir indemne. Pourtant, il se mit à éprouver des regrets. Keetech, Nynsith, Nephilith, Ssaadjith … il ne voulait pas les abandonner. Ils avaient encore besoin de lui. Il devait les protéger des dangers de ce monde. Ils ne devaient pas se salir les pattes. Aucune de leurs écailles ne devait souffrir des affres de ce lieu. Et les graärh, il n’allait pas pouvoir tenir la promesse qu’il leur avait faite s’il partait maintenant.

Plus que d’avoir peur de mourir, Verith craignait que son honneur ne soit bafoué par cette dernière, car il ne pouvait plus tenir sa parole. Celle de protéger ceux qu’il avait juré de protéger. Intérieurement, le dragon de l’ire se mit à rugir. Dans et contre cette obscurité qui à chaque instant se faisait plus épaisse. Sa flamme vacillait, mais il se dressait du mieux qu’il pouvait, rugissant son refus de la situation. Son feu sembla se ragaillardir, mais l’enfant de l’orage ne faisait que retarder l’inévitable.

Bientôt, la plage de l’entre-monde se mit à lui apparaitre. Ce lieu par lequel transitaient les âmes avant de rejoindre le royaume des morts. Il l’avait déjà franchi de son vivant il y a quelques années. Allait-il à nouveau franchir le pas maintenant qu’il était mort ? L’image de son frère Cymbor sembla lui apparaitre au loin, ainsi que celle d’Edwyn. De rage, le colérique manqua de faire un pas en leur direction pour chasser celui qui était honni d’entre tous de la proximité avec ce frère qu’il n’avait jamais pu connaitre de son vivant. Mais il se retint, lorsque derrière eux apparut l’image de Skade, sa mère. Son visage austère ressemblait à un avertissement, celui de ne pas céder une fois encore à ce qui le caractérisait.

C’est alors qu’une nouvelle chaleur s’empara de son poitrail. Commencèrent alors à déverser en lui des sentiments et souvenirs qui ne semblaient pas lui appartenir. Sa flamme qui n’était pratiquement plus que braise s’éleva à nouveau d’une nouvelle couleur. Au feu rougeoyant se mêlait un feu doré. Les deux s’enlaçant et dansant ensemble. Une nouvelle silhouette apparut alors au loin, mais il ne la reconnut pas. Qu’était-elle ? Qui était-elle ? L’enfant de l’orage voulut rugir à nouveau, mais c’est un râle non draconique qui s’échappa de lui. Surpris par cette tonalité, Verith tenta de s’observer dans cette obscurité qui de plus en plus faiblissait face à la luminosité grandissante que dégageait sa flamme. Levant ces griffes, il lui sembla que celles-ci rétrécissaient, de même que ses écailles qui disparaissaient. Son cou se fit plus petit, de même que son museau se faisait moins long, le poids de ses cornes pesa de moins en moins sur sa tête. Il perdit l’équilibre en sentant son appendice caudal disparaitre.

Verith voulut rugir à nouveau, mais c’est un râle grave et dépourvu d’une quelconque mélodie draconique qui s’échappa de sa bouche. Sa vision devint moins nette alors qu’une masse étrange tomba devant son regard. Il tenta de la chasser à l’aide de ses griffes, mais nulle lame d’ébène n’apparut devant ses yeux, tout juste un membre à la peau hâlée. Verith tenta de reculer, mais ses membres ne lui répondirent pas comme à l’accoutumer. Il tenta de battre des ailes, mais ces dernières ne lui répondirent pas, il ne les sentait plus dans son dos. Essayant de se relever, le dragon tomba une nouvelle fois au sol face à ce corps qui ne répondait plus comme à l’accoutumé. Il tomba à genoux et évita de se cogner la tête en se rattrapant à l’aide de ses membres antérieurs. Deux bras et deux mains à la peau au teint hâlé lui faisant face. Nulle écaille, nul rouge, pas même ses magnifiques griffes couleur ébène. Juste de hideux membres … bipède ? Quel était ce cauchemar !?

L’enfant de l’orage se mit à se débattre. Agitant les membres postérieurs il nota une nouvelle fois l’absence de ce qui normalement devait être présent. En lieu et place, il n’y avait qu’une paire de jambes. Lentement une nouvelle panique s’empara du dragon et il nota une nouvelle absence. Sa blessure, sa douleur, il ne la ressentait plus. Baissant son regard en direction de son torse, il constata une nouvelle fois l’absence de ce qui devait normalement s’y trouver. Mais en plus de cela, il n’y avait nulle blessure, simplement de larges cicatrices pulsantes d’une lumière dorée, bariolant un torse tout ce qu’il y a de plus bipède au teint de peau hâlé.

Le colérique hurla une nouvelle fois, s’enfonçant un peu plus dans ce qui était à ses yeux un cauchemar.

***

Sur le plan physique, l’enfant de l’orage ne donnait toujours aucune nouvelle. Le félin à la crinière d’opale avait enfoncé dans la terrible blessure du dragon rouge, un cœur d’or. Les meurtrissures du colérique s’étaient alors refermées d’elle-même, manquant au passage de happer le bras de ce pauvre Asolraahn. Un puissant tambour s’était alors mis à résonner, un battement de cœur violent faisant trembler l’atmosphère alentour. Le sang au sol s’était alors mis à s’évaporer, une importante colonne de fumée ardente venant entourer le corps du dragon rouge. Puis, une lumière était venue percer la fumée, la faisant se dissiper. L’ombre que projetait l’être de Verith à travers la fumée sembla rapetisser, encore et encore, jusqu’à devenir toute petite.

Les tambours se firent moins fort et la vapeur se dissipa. Au milieu des ruines et d’une terre calcinée, il n’y avait plus aucune trace du dragon rouge. En revanche, au milieu du cratère fumant laissé par sa chute reposait un corps, un corps bipède au teint hâlé et à l’épaisse chevelure noir fumé et rouge coquelicot dont le torse était balafré par des larges cicatrices pulsantes d’une lumière dorée.

Gisait au sol un être inconscient, pris dans un cauchemar qui deviendrait malheureusement réalité à son futur réveil.


Rien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn] Verith13

Coeur de Néant :


Dwëmmer la liée victorieuse :

descriptionRien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn] EmptyRe: Rien ne sera jamais plus comme avant [PV Asolraahn]

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Quel imbécile il avait fait ! Quel profond imbécile, quelle naïveté sans commune mesure. Agenouillé devant la dépouille du dragon rouge, le géant opalin se laissait aller à un recueillement contemplatif, teinté de remords. Songer qu’un cœur pouvait sauver une vie, que l’enfoncer dans un poitrail barbouillé de sang pouvait ramener le puissant Colérique d’entre les morts.
Voilà qui démontrait une stupidité à toute épreuve.

Et sa témérité cette fois ne saurait lui offrir une excuse valable. Certes, lorsqu’il avait commis son acte ignoble et peu commun, il avait pu observer un miracle se produire : il avait vu de ses propres yeux des blessures plus larges que son bras se refermer en une fraction de seconde. Il avait cru alors qu’ils leur suffiraient d’attendre, l’immaculée et lui, jusqu’à ce que le processus se soit estompé. Lorsque le corps gigantesque du reptile avait eu terminé son processus de régénération, Asolraahn avait attendu encore, en proie à une excitation frénétique.
Et puis le silence et l’inactivité du dragon avait achevé leurs derniers espoirs. Dès lors, l’enfant de l’orage avait cessé d’exister.
Plus rien. Tout était fini.

Mais le félin n’avait pas le courage de se relever. Il n’avait pas le courage de céder à sa peine, de retourner à la cité des wigwams et d’annoncer à son peuple que leur Protecteur était tombé. Car avec sa fin, c’était de biens sombres présages qui menaçaient l’avenir de la légion.
Une patte… non une main, fine et douce se posa sur son épaule. L’immaculée avait franchi le seuil de son chagrin et attendait avec lui. Le noir brillant de sa chevelure, les passements et les brocards de sa longue cape miroitaient dans le soleil, mais quelque chose dans toute sa personne demeurait obscur ; on aurait presque pu croire qu’elle avait entraîné dans son sillage la pénombre sur les fougères noircies, comme un navire s’enroulant dans une écharpe de brume. Il sembla à Asolraahn que son propre deuil quoique tout aussi évident était plus mesuré et qu’elle souhaitait le dissimuler au plus profond de son être. Malgré tout, elle décida de patienter à ses côtés, ne lui offrant que sa présence sans paroles à lui infliger, car rien qui ne soit dit n’aurait pu être d’un quelconque secours. Bien qu’ils ne se soient jamais croisés que lors de ce terrible évènement, la lutte contre Ther’Zhi avait révélé leur commune détermination à vaincre les ennemis du Colérique et à l’aider dans sa funeste tâche. Cela lui suffisait pour lui apporter son soutien. Le géant opalin ne lui en fut que plus reconnaissant pour cette marque d’attention.

Mais alors que le temps passait, que la lumière du jour cédait la place au crépuscule et que le soleil virait de bord vers l’Ouest, le gong pulsé d’un cœur refit surface. Le sang soudain se fit fumée, gagna les airs en une vapeur viciée. Le paysage se teinta de miroitements moribonds et sordides.

-Reculez ! Nous ne devons pas rester ici.

Le géant opalin l’écouta sans protester. Le bassin s’évaporant sous leurs yeux, ils allongèrent un pas hâtif et s’échappèrent du marécage sanguinolent. Derrière eux, le nuage rouge vira au mauve ténébreux avant de s’embraser en une colonne de feu sanguin. Mille et un vent coupaient le paysage dans un chœur spectaculaire. Le tambour grondant du cœur prit alors une tournure alarmante. Le géant opalin feula en ceignant son bâton à son bras. Il se sentait ankylosé et sale, l’esprit encore brumeux de mauvaises pensées, mais il attendit avec la rage au pelage. Il craignait qu’un maléfice ne soit venue profaner la dépouille du dragon.
Soudain, les vents cessèrent et une lumière perça dans la fumée. Incapable de discerner les choses devant elle, l’immaculée prit la patte du géant opalin. Ce dernier comprit le message. Il avait une meilleure vue qu’elle et la conduisit dans la brumaille sanguine. Au début, ses yeux se plissèrent, d’abord pris d’un affreux doute. Arrivés au beau milieu du nuage, la panique enfla en lui. Mais lorsqu’ils tombèrent devant l’araignée mécanique inanimée, ce qu’il avait suspecté devint une évidence : Le corps échoué de Verith avait disparu. Envolé.

Ils poursuivirent leur route au milieu d’un cratère où le sol meuble avait été retourné par la violence de maintes explosions. Les ombres effilochées de la brume persistante commencèrent à empêcher Asolraahn d’avoir la pleine conscience de son environnement. Il soupçonnait cette terre d’avoir été maudite par la puissance sinistre de ce qui s’était passé ici. Ils continuèrent malgré tout, réprimant l’envie de rebrousser chemin. Ils furent récompensés par cette perspicacité.
Car au beau milieu du cratère, là où une ombre draconienne devenait peu à peu une forme plus arrondie et maigrelette, reposait un bipède au teint hâlé. A cette vue, l’immaculée écarquilla les yeux et se rendit près de lui. Elle posa doucement la main dans son cou :

-Est-ce qu’il respire ?

-Oui. Il est en vie.

Le félin hésita l’espace d’un instant.

-Et est-ce que vous croyez… ?

-Je pense que oui. Il s’agit bien de lui.

-C’est impossible !

-Vous l’affirmez avec une telle assurance ! Après tout ce que vous avez vécu ici, Graärh, y aurait-il encore des phénomènes qui vous paraissent aussi impossibles que celui-ci ? Oh… pauvre Verith. Je ne dirais pas que je ne suis pas heureuse de le trouver vivant, mais il va sans dire que pour lui, cette vie ainsi que cette forme seront un véritable calvaire.

Le félin s’agenouilla auprès du dragon… de l’homme qui gisait devant lui. Le roi des cieux, pris dans le carcan d’une chair qui ne lui appartenait guère ; d’une forme qu’il avait maudit pendant des années tant et si bien que son réveil dès demain risquait d’être des plus douloureux :

-N’y a-t-il pas un moyen de le ramener à sa forme originelle ? Se souviendra-t-il de nous lorsqu’il émergera ?

-Je n’en sais pas plus que vous à ce stade. Je crains que ce ne soit hors de ma compétence. Mais peut-être que le temps… Peut-être que lui-même trouvera une solution à sa transformation.

-Il la trouvera. Je l’aiderai du mieux que je le pourrai.

L’immaculée posa sur Asolraahn un regard intrigué :

-Vous parlez noblement. Mais je ne vous conseille pas de lui faire cette promesse lorsqu’il sera éveillé. Vous risquez de l’emmener au-devant de grandes déceptions.

-Je le dois pourtant.

-Pourquoi donc ?

Le géant opalin haussa les épaules avec un sourire où crocs et babines pointaient largement, témoin de son plus grand soulagement. Svargaadhipati était encore de ce monde. Dans cette forme ou dans une autre, il était là un signe que les Esprits étaient toujours à ses côtés. A la question de l’immaculée toutefois, il haussa les épaules avant de répondre simplement :

-Mon peuple et moi lui sommes redevables. Mais chaque chose en son temps. Pour l’heure, je vais le ramener à Vat’Aan’Ruda, là où il sera en sécurité.

Asolraahn prit délicatement le bipède entre ses pattes et le souleva avec une facilité désarmante. La sensation de porter sur ses épaules l’ancien dragon rouge, un géant fait de rubis et d’écailles, le troubla. Aujourd’hui, il n’était pas plus lourd qu’un sac de pomme de terre.

-Ne devrions-nous pas le réveiller dès à présent ? s’enquit l’immaculée.

Le félin à la crinière d’opale jeta un regard sur le corps qu’il tenait dans ses bras. Il parla et cette fois, il n’y eut guère d’hésitation :

-Laissons-le. Nous avons le temps. Il y aura bien des choses à discuter et bon nombres d’épreuves l’attendent. Mais pour lors, laissons-le. Laissons-le se reposer dans les eaux les plus profondes de son sommeil ou dans les cieux les plus hauts.

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