Expansion agressive [PV Nathaniel]

De tout nouveaux locaux

Le bras droit du roi était bloqué dans un étrange appareil magique. Il avait passé celui-ci dans deux grands anneaux puis la magie était venue le maintenir en lévitation tout en l’immobilisant. Assis sur une chaise, le gredin prenait son mal en patience alors qu’un humain et un vampire s’activaient à côté de lui. Si pendant une semaine Nathaniel avait caressé l’espoir que le traitement de son alchimiste, à l’aide de son clystère, était intervenu suffisamment tôt pour extirper la maladie de son être, le pirate s’était finalement rendu compte qu’il n’en était rien. La peste de corail était revenue, des plaques commençant à faire leur apparition sur les doigts touchés par ce maudit immaculé lors de l’expédition dans la cité elfique. L’orque n’avait toutefois aucune l’intention de céder face à la maladie et avait fait venir les meilleurs artisans-glyphe de la confrérie pour travailler sur son cas. Il fallait trouver un remède à cette maudite peste, mais pour cela il faut du temps et du temps le roi n’en avait pas. Il suffisait donc d’en gagner. Tour à tour, avec la plus grande précaution, l’humain et le vampire venaient recouvrir la main et l’intégralité du bras du forban de bandes recouvertes de rune. L’objectif était simple, ralentir la propagation de l’infection. L’elfe à la chevelure d’écume venait alimenter les différentes runes à l’aide de la magie du bourdon pour placer son bras dans une pseudo stase. Lorsqu’ils eurent fini, l’on vint placer une étoffe de tissu recouvrant le tout pour dissimuler au mieux l’état du roi. Peu d’individus étaient au fait de cet évènement et l’Earendil tenait à ce que cela reste ainsi. Les requins de la confrérie étaient calmes et ils se devaient de le rester.

Son bras droit désormais immobilisé et inutilisable, l’on vint aider l’elfe sombre à s’habiller. Il avait encore fort à faire aujourd’hui. La confrérie devait prendre possession de Keet-Tiamat au plus vite. Si pour l’heure il était encore impossible d’investir la cité elfique, il fallait dans ce cas établir un pied-à-terre plus conséquent qu’un simple avant-poste. Nathaniel avait apporté son concours à l’édification d’un poste de contrôle en aval du fleuve il y a une semaine maintenant et depuis la fin des travaux là-bas c’est sur les rives du Tampocuile, à l’ombre de la cité elfique que le pirate à la chevelure d’écume apportait son soutien. L’édification d’une ville destinée à l’exploitation agricole nommée Blanche-Rive était devenue une priorité.

À l’aide de sa maitrise de l’esprit du narval et de l’ivoire qu’il était en mesure de produire, plusieurs bâtiments avaient déjà pu voir le jour. Le gredin ne tarda d’ailleurs pas à se présenter sur les différents chantiers. Il apportait à nouveau les matériaux nécessaires à la construction. Le gredin observait les plans puis créait une graine qui en germant adopterait une partie de la forme du bâtiment. Les ouvriers n’auraient alors qu’à emboiter celle-ci avec le reste de l’édifice puis à sceller le tout. C’était un peu comme la construction d’une maquette ou d’un puzzle géant. On assemblait différentes pièces préparées à l’avance plutôt que de travailler sur place les différents matériaux. Un assemblage qui faisait gagner beaucoup de temps. C’est à se demander pourquoi personne n’y avait pensé avant.

Après s’être acquitté de cette tâche, Nathaniel prit un peu de repos et alla observer les berges du fleuve de l’île désertique. Il observa les esclaves travailler sous les injonctions de leur maitre. Un sourire satisfait se dessina sur son visage. La Confrérie venait de prendre un nouveau tournant. Son accession au trône était le premier. La perte d’Athgalan, l’installation sur l’île du crépuscule des chimères et la construction d’Althaïa était la deuxième. La prise de Keet-Tiamat, la construction de Blanche-Rive et l’épuration de la future Elros serait le troisième acte de son règne. La Confrérie allait pouvoir fournir de nouvelles ressources, assurer davantage son indépendance et partir à l’assaut du marché de l’archipel autrement que par la piraterie.

Finissant sa pause, chassant les rêves de son esprit, Nathaniel se redressa pour se rendre à la dernière étape de sa journée. Arrivant face à l’un des premiers bâtiments de la future Blanche-Rive et l’un des plus grands, le gredin ordonna à ce qu’on lui ouvre la porte et rentra. Ce lieu devait être les prémices de ce que l’elfe sombre souhaitait être un collège d’alchimiste. Celui-ci déménagerait bien entendu une fois la cité elfique décontaminée afin de leur voir confier un espace plus adapté. Sur l’heure, il n’y avait que très peu d’individus pour profiter d’un aussi vaste bâtiment. Mais cela changerait bientôt, tout du moins le forban l’espérait.

On l’informait que Demens Torqueo, alchimiste de la confrérie, se trouvait dans le bâtiment. Il était assurément en train de travailler. Et si l’Earendil avait presque des remords à déranger un tel bourreau de travail, il se devait d’être mis au fait des dernières avancées de l’humain. S’arrêtant devant une grande porte en ivoire, comme pratiquement la totalité du bâtiment, en dépit de la peinture la recouvrant et qui pouvait laisser songer le contraire, Nathaniel se saisit de la poignée et usant de sa force vint ouvrir le laboratoire de Torqueo.

« Est-ce que les nouveaux locaux vous plaisent ? »

S’avançant d’un pas assuré et sans gêne vers le centre de la pièce, le regard de l’elfe sombre s’arrêtait sur les divers meubles de la pièce, constatant que le nouveau propriétaire avait déjà pris pleinement possession des lieux.

« Ils ne sont sans doute pas encore au niveau de ceux d’Althaïa, mais vous admettrez que le cadre dans lequel ils se trouvent fait tout son charme. »

Le sourire sur les lèvres du gredin s’évanouit peu à peu alors que son regard se posa sur l’alchimiste.

« Vous m’avez l’air fatigué. J’ai conscience de ne pas vous ménager. Mais c’est là le prix à payer quand on fait partie des meilleurs. J’aurais peut-être une activité à vous proposer pour vous faire prendre l’air. Rester enfermé toute la journée n’est pas ce qu’il a de plus saint. Mais avant tout, Demens, j’aimerais que vous me fassiez un rapport des dernières avancées des différents projets. Vous pourrez également me dire si vous avez besoin de quelques choses. »

Le Grand Alchimiste

Demens était comme à son habitude, égal à lui-même sans fioritures aucune. À la question concernant les locaux, l’alchimiste se contenta de lui répondre que ces derniers étaient fonctionnels. L’elfe contaminé put en conclure que ces derniers lui plaisaient, car ils lui permettaient de faire correctement son travail. Et puisque l’homme aux cristaux n’émettait aucune plaine, cela signifiait qu’il ne devait manquer de rien. Il n’était pas toujours aisé de lire au travers de cet individu, mais le forban commençait à comprendre les codes de celui-ci, sans pour autant chercher à déroger aux siens. Puis, sans chercher à rebondir sur les autres propos du souverain, l’alchimiste enchaina sur le rapport que lui demandait le pirate. L’Eärendil appréciait l’efficacité du Torqueo à toujours aller droit au but autant qu’il était démangé par le balai, au peut-être est-ce un cristal, que son interlocuteur semblait avoir dans le fondement. Un jour peut-être parviendrait-il à arracher à cet humain un peu d’entrain dans les moments où la tension était absente.

Le processus de décontamination de la cité avançait bien, l’elfe sombre avait lu les rapports et était au courant, mais il appréciait aussi de l’entendre de la bouche de celui qui est en grande partie aux commandes de celui-ci. Sur le papier, on ne peut lire au travers des gens. De plus, le gredin savait que l’alchimiste n’avait aucune raison de lui cacher quoi que ce soit, sur ce sujet-là en tout cas, qui était de loin le plus important de tous. Puis vint ensuite le rapport concernant le traitement des esclaves. Nathaniel malgré sa condition esquissa un sourire. Sa capitaine des esclaves et son grand alchimiste faisaient du bon travail. Les deux parvenaient à correctement coopérer pour atteindre cet objectif. Ce projet était presque aussi important que la décontamination d’Elros. La Confrérie venait de franchir une nouvelle étape, elle avait à présent de vastes terres à défendre et son nombre d’ennemis n’avait pas décroit, bien au contraire. Cette armée serait nécessaire pour faire face aux défis de demain. En attendant que celle-ci soit prête, Nathaniel devait faire de son mieux pour temporiser. Son prochain coup d’éclat n’aurait peut-être pas lieu de sitôt, à son plus grand déplaisir. Il allait falloir agir discrètement et en sous-main. Peut-être même négocier. L’elfe sombre soupira intérieurement rien qu’à cette idée. En dehors d’Aldaron, il ne considérait aucun des autres dirigeants comme étant à sa mesure.

« Du côté de mon projet de soldat alchimique, je suis en manque d’informations clés. J’aurais besoin d’aller au Domaine Baptistral afin de consulter leur bibliothèque et discuter avec eux. Les informations que j’obtiendrais seraient également applicables au perfectionnement de l’armée et pourraient même aider à accélérer le processus. »

« Je vois. Les tests Meerhagen ont été grandement encourageants concernant votre projet et les résultats concernant l’armée pointent timidement le bout de leur nez, mais tout ceci est en bonne voie. Je ne doute pas que les connaissances qu’entreposent les baptistrel peuvent être d’une grande aide, en revanche, je doute qu’ils soient très disposés à vous les céder aussi facilement compte tenu de l’utilisation que vous souhaitez en faire. Il vaudrait mieux en taire l’utilisation, cela vous facilitera les choses, mais aussi en parler le moins possible pour ne pas éveiller les soupçons. Ils demeurent des gardiens du savoir et ne devraient pas vous empêcher d’y accéder à condition de ne pas leur donner une raison valable. Je ne peux donc que vous encourager à vous y rendre si cela est nécessaire. »

Bien entendu, il était hors de question de l’alchimiste s’y rend sur-le-champ. Il y avait encore des choses à faire ici et le forban avait encore besoin de lui dans l’immédiat. L’alchimiste aurait tout le loisir de s’y rendre plus tard.

« Cependant, je me dois de vous mettre en garde. Si vous souhaitez vous rendre là-bas, la Confrérie ne pourra pas vous y amener. Depuis notre attaque de Néthéril, le dragon rouge a placé l’île sous sa protection et les navires ayant l’autorisation d’approcher de l’île sont rares. On pourrait vous débarquer à l’Ouest, dans les marais, mais le périple qui s’ensuivrait pour gagner la savane serait terriblement long et dangereux. Pour s’y rendre, je ne peux que vous conseiller de partir depuis Calastin et d’embarquer sur l’un des navires à destination du domaine. Ou de trouver un mage suffisamment puissant et conciliant pour vous téléporter directement sur place. »

Les actions de la Confrérie avaient sans doute fermé à jamais l’accès de ces derniers à l’île de Néthéril, mais ce que les pirates avaient gagné en retour était plus que suffisant.

« Je vous remercie pour ces rapports, Demens. Je suis content d’apprendre que les investissements de la Confrérie portent petit à petit leurs fruits. Continuez ainsi et faites-moi savoir si vous avez besoin de nouvelles ressources pour poursuivre. Avant de continuer, j’aimerais aborder avec vous le sujet du Collège des Alchimistes. Comme vous le savez, les locaux ici présents vont l’accueillir de manière temporaire. Une place de choix lui sera réservée une fois la ville décontaminée. Nous avons été en mesure de commencer le recrutement de certains alchimistes à travers l’archipel. De gré ou de force j’entends. En ce qui concerne les plus réfractaires, disons simplement que nous faisons en sorte de sauvegarde le maximum de leur connaissance afin d’éviter les pertes avant de nous débarrasser d’eux. J’aspire à ce que la Confrérie, au travers de ce collège, établisse un monopole au moins en matière de fabrication de potion et poison en tous genres. Les berges fertiles du Tampocuilë devraient permettre de faire pousser toutes les herbes nécessaires à cela. »

Le gredin marqua une courte pause avant de reprendre.

« Je sais qu’ils ne sont pas encore très nombreux, mais j’ignore si vous avez déjà eu l’occasion de croiser la route de certains de vos confrères. Bien entendu, je n’ignore pas que cela puisse vous déranger. Aussi, j’ai demandé de veiller à ce que tout soit clarifié à ces derniers. Demens Torqueo, vous êtes nommé Grand Alchimiste de la Confrérie. Cela peut paraitre sans doute futile pour un homme comme vous, mais les grades et les titres ont une importance. Au sein du collège, vos mots auront force de loi, tant qu’ils ne contredisent pas les miens. Cela vous sera utile afin d’être dérangé au minimum, de les utiliser si besoin, mais aussi de s’occuper de ceux qui seraient les moins fonctionnels. N’oubliez pas ce que j’ai pu vous dire par le passé, l’investissement de votre temps sera récompensé en centuple. Une fois que le collège pleinement mit en place, vous ne serez plus dérangé par les basses commandes de la Confrérie et vous pourrez vous concentrer sur vos projets ainsi que ceux les plus importants.»

Agriculture

Nathaniel monologua, profitant du fait d'avoir l'attention de son alchimiste, avant de terminer de sorte à attendre une réponse de la part de son interlocuteur. C'est non sans une plaisante surprise qu'il entendit Demens remettre en cause ses mises en garde pour rejoindre l'île de Néthéril et les baptistrel en préférant une approche plus directe, mais aussi plus dangereuse. Plutôt que de s'embêter à prendre des gants et faire des détours en emprunter un chemin plus légal, l'alchimiste mettait en avant une voie plus digne d'un contrebandier. Le gredin plissa des yeux en esquissant un petit sourire. Il est vrai que pour le roi des pirates, réaliser cette opération était possible. Un acte éclair, suffisamment rapide pour espérer passer inaperçu. Seuls lui et le Maelstrom étaient en mesure de réaliser ce fait. Bien sûr pour cela il faudrait que le gredin se dégage du temps en décalant quelques impératifs, chose parfaitement possible.

« Vous savez comment me parler Demens. Nous pouvons effectivement organiser une opération éclair à l'aide de mon navire. J'aurais préféré faire profil bas, évité d'attirer l'attention, profité de la fragilité de Néthéril et de les laisser croire à leur soi-disant sécurité, pour mener sur Keet-Tiamat nos opérations sans craindre de subir des interférences. Mais il m'est difficile de résister à l'idée d'aller chier sur le paillasson d'un voisin que je n'apprécie guère. Soit, faisons ainsi. Je devrais être en mesure de dégager du temps pour vous déposer au large des côtes de Néthéril. »

Nathaniel élaborait déjà dans son esprit les ébauches de cette opération dont la rapidité serait le mot d'ordre, car elle serait ici synonyme de furtivité. Avoir assez de célérité pour passer inaperçu face à la surveillance draconique et permettre de faire passer quelqu'un entre les mailles du filet.

« La confrérie a encore beaucoup à apprendre en matière d'agriculture. Nous avons la main-d'oeuvre au travers des esclaves, mais il nous manque le savoir-faire. Et cela, j'en fais mon affaire. Tout l'archipel sera bientôt informé que la Confrérie a pris possession de Keet-Tiamat et de ses berges fertiles. Comme pour les alchimistes, il suffira d'aller débaucher des paysans. Cela devrait être encore plus simple, particulièrement sur Calastin et plus précisément au sein de l'empire. Calastin a une terre pauvre pour un agriculteur, les paysans prendront bien plus de plaisir à travailler ici et ils feront bien plus de profit. Qui plus est, ils auront la certitude de ne pas manquer de nourriture. »

L'elfe sombre avait déjà mis au point un plan de recrutement en ce qui concerne les agriculteurs. Tout comme les alchimistes, de gré ou de force Keet-Tiamat verrait débarquer sur ses côtes des paysans.

« Je vous remercie pour ses différents rapports. J'aimerais maintenant revenir à la véritable raison de ma présence en ces lieux. Ma proposition d'activité. J'ai l'intention de me rendre en amont du Tampocuilë et de franchir la frontière du cratère de Keet-Ishorot. Ce lieu demeure vierge en quasi-intégralité. Je suis sûr que nous pouvons y faire d'excitantes découvertes et j'espère même en ramener des richesses. Mais c'est aussi un lieu fort dangereux. La présence d'un alchimiste compétent ne serait pas de trop. Et puis, cela vous ferait prendre l'air. Qu'en pensez-vous? Nous ne serons pas partis fort longtemps. Une semaine, deux dans le pire des cas. Le Maelstrom nous permettra d'éviter un temps de voyage interminable, quoique plaisant. »