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23 Novembre 1764

Le sucre.
Loin de l’amer métal, le sucre appelait sur quelques parts de langue trop peu utilisées des souvenirs lointains, d’un temps où il pouvait emplir la bouche autant que le ventre. Surprenamment, ce n’était pas un fragment de mémoire si prévisible que cela. Bien des fois, Léon avait repensé à ce qui avait été son sucre favori par le passé - des fruits rouges, principalement. Le souvenir précis de cette odeur précise appelait cependantune toute autre saveur. Un autre temps, mais un lieu identique ; car de tels endroits voyagent avec ceux qui lui appartiennent.
Les couleurs étaient vivaces. Des ocres et de l’or, de l’ambre et de l’écarlate. Du bleu, ciel et roi. Une brise fraîche, l’agitation et l’odeur de maints humains en un même endroit. Les regards, pétillants d’intérêt  et d’admiration respectueuse, posés sur les elfes. Enfin vint le coeur du sujet, le plat principal qui n’en était pas un. Le fondant d’un loukoum qui venait de lui-même s’enrouler contre les dents, la saveur de la rose qui venait chatouiller le nez jusqu’entre les yeux. Le sucre glace qui couvrait les lèvres comme un maquillage poudreux. Le centre de l’attention était sur un gâteau. Une préparation si différente des manières elfiques, avec du lait, des oeufs… Et du sucre. Non pas que le sucre fut absent des gâteaux elfiques. Mais il s’accordait différemment. Plus encore qu’une simple différence entre espèces, les gâteaux d’Althaïa se différenciaient même de leurs homologues Gloriens. Une nuance que le jeune Lemuriel n’aurait pu saisir. Ses sens connaissaient désormais le parfum spécifique des gâteaux au chocolat de Sélénia. Il pouvait affirmer avec bien plus d’appui l’unicité des gâteaux de la Romantique.

Léon avait un sourire un peu niais sur le visage, quand la porte s’ouvrit devant lui. Il ignorait qui était l’individu qui avait décidé de l’accueillir en l’aggressant de nostalgie… Et ne lui en voulait pas. Ses hypothèses rayaient néanmoins Autone de la liste. D’une part, parce qu’elle était censée ne pas être présente aujourd’hui (alors qu’il aurait été des plus divertissant d’avoir à prétendre ne pas être collègues), et d’autre part parce que, simple préjugé, Léon l’imaginait mal concocter quelque gâteau pour sa maisonnée. Petite folie d’Ilhan, alors ? Surprise en préparation pour le retour de sa bien-aimée ? Qu’il était romantique, qu’il était attentionné !
On fit rentrer le vampire. Ce dernier portait un petit baluchon. Dans le baluchon trônaient les diverses affaires dont il aurait besoin pour leurs péripéties de la soirée, bien sûr. Mais il y avait autre chose. Lorsque son ami se présenta, et après une étreinte chaleureuse, Léon enfonça son bras dans son baluchon pour en sortir un petit paquet très spécial. Un tissu bleu, parsemé d’étoiles, s’enroulait autour du cadeau, maintenu par des rubans dorés. Le présent vint se blottir entre les mains d’Ilhan et le torse de ce dernier.

“- Joyeux non-anniversaire !”




“- …Et je ne pense pas connaître, ou me souvenir, de la moitié des histoires qu’il doit y avoir là-dedans !”

Ils étaient désormais devant les fameux thermes Séléniens. Ces derniers avaient le bon goût d’organiser, de temps en temps des “nocturnes”, sans doute pour appeler à eux une part de la population aux journées bien trop occupées. Une bénédiction pour le brave Léon qui liait donc l’agréable à l’agréable, célébrant par ce moyen ses retrouvailles avec l’ami Ilhan. Tous deux étaient adeptes de communs plaisirs ; des festins pour l’âme, des délices pour les sens, du raffinement et de la subtilité, une richesse finement sculptée. Mais puisque de sucreries il n’était plus question d’abreuver Léon, ils s’étaient entendus à profiter des bains séléniens, dans l’espoir d’y retrouver quelques sensations qui ne s’étaient perdues avec Althaïa.
Si Sélénia était loin du style de la Romantique, elle n’était pas sans charmes non plus. Il était fascinant de constater comment, en moins d’une année, Claudius était parvenu non pas à imposer son esthétique, mais à l’ériger, donnant de la voix à ceux de son peuple qui partageaient sa vision. La construction devant nos gais lurons était à cette image : solide et efficace, refusant de tomber comme les autres avant elle. Elle portait également des sculptures et gravures qui, si grotesques qu’elles puissent paraître en comparaison avec les arts elfiques, témoignaient de la volonté d’esthétisme des humains, de leur sensibilité aux symboles, aux arts. Le pragmatique venait en fondation des vanités. Voilà qui était beau.

En tout cas, Léon trouvait quelque beauté à tout cela. Il avait eu tôt fait d’encourager Claudius dans ses ambitions culturelles, et ç’avait été un plaisir de voir qu’il n’était le seul à apprécier ceci. Pour l’heure, il devisait avec Ilhan du cadeau qu’il lui avait remis : deux ouvrages, l’un retranscrivant ce que l’on pouvait le mieux assimiler à des “contes” vampiriques ; des histoires qui se transmettaient aux jeunes vampires, de façon plutôt commune. Des anecdotes qu’ils apprenaient tous, à quelque moment de leur existence, qui leur enseignaient les rudiments de leurs valeurs, des histoires assez cocasses ou incroyables pour que les Maudits s’en sentent le besoin de les partager. L’autre ouvrage était un recueil de contes également, Althaïens cette fois, que Léon avait “récupéré” au sein de feue Endëaerumë. Léon devinait qu’Ilhan devait voir d’un mauvais oeil la proximité des pirates avec quoi que ce soit qui fut de son ancienne cité - lui qui s’y était tant attaché.
Parlant d’ancienne cité, Léon poussa un soupir de contentement, en poussant les portes des thermes :

“- Je suis bien heureux que tu aies quitté Délimar. Il est tout de même bien plus aisé de te voir sans avoir à craindre pour ma vie !” Il en parlait en ricanant à moitié, mais leurs échanges épistolaires avaient déjà maintes fois signifiés à Ilhan ses vrais sentiments sur le sujet. D’une part, son dépit de ne pouvoir se mêler aux autres adeptes de Néant, au moins pour les principales célébrations et fêtes. Les dates qui leur étaient importantes, Léon les passait souvent bien trop seul à son goût. Non pas que l’intimité avec l’Unique fut déplaisante, mais il savait combien la joie était, en elle-même, une offrande. Oh, bien sûr, Léon avait tout de même eu l’insigne honneur de pouvoir rencontrer un ami très cher qu’il avait en commun avec Ilhan. Si exceptionnel que ce fût, il ne pouvait néanmoins prétendre que cela remplaçait une communauté entière, avec le sentiment d'appartenance qui l’accompagnait.
Mais il n’y avait pas que cela. Il n’y avait pas que le Néant, à Délimar. Il y avait aussi Ilhan et, avec lui, des éléments exceptionnels, que Léon espérait ne pas avoir totalement manqués. En se rapprochant de l’accueil, une main dans son baluchon pour attraper l’argent qu’il allait prêter aux thermes, il demanda :

“- …Tu as gardé ta Caisse, d’ailleurs ?”

Voilà un sujet intéressant ! Un sujet qui parlait au peuple ! Ce que tout l’Archipel voulait savoir ! De source sûre, Léon savait qu’Ilhan avait jadis gardé sa Caisse dans son manoir, à Délimar. Qu’en était-il désormais ? Avait-il déménagé sa Caisse ? Si oui, la vraie question était donc : avait-il utilisé la Caisse pour déménager des choses, la remplissant, ou avait-elle été traitée comme une relique bien à part ? Quand il avait appris les aventures d’Ilhan dans sa Caisse, Léon avait jadis eu le sourire attendri d’un parent qui voit son enfant grandir bien trop vite. Hier encore, c’était le vampire qui aidait Ilhan à changer de camp, en douce, quand un certain Tyran cherchait à dominer le monde. Désormais, il savait se contrebander tout seul… Bon, avec un peu d’aide du Patron, mais c’était presque tout seul ! Ahlala… S’il avait été là, Léon l’aurait sans doute trahi, à grands coups d’applaudissements fiers.

Ils parlaient, ils parlaient, mais déjà ils avaient passé le vestibule. D’après les souvenirs de Léon, et si ces thermes-là étaient semblables à ceux de l’antique Althaïa, alors ils se devaient de se composer de six parties : les bains froids, tièdes, chaudes, le bain de vapeur chaude, le gymnase et… Et… Il ne s’en souvenait plus. Dans ces moments, où le souvenir s’effleurait tout juste du bout des doigts mais demeurait insaisissable, Léon ne pouvait s’empêcher de se demander, avec frustration, si l’oubli se liait à sa renaissance vampire, ou si sa mémoire avait toujours été aussi mauvaise. Cela faisait plusieurs années, désormais, que seul le sang le nourrissait. N’aurait-il pas dû se souvenir de tout ? De tous les poèmes, de tous les mots, toutes les couleurs et toutes les mélodies ? On lui avait tant vanté les capacités du beau peuple. Ne valaient-ils pas mieux que les humains ? Ne valait-il pas mieux que les humains ?
Non pas que cela lui aurait déplu. Il voyait tout à fait la louange à Néant qu’était une mémoire axée sur les sentiments. Savoir s’il était le coupable, ou s’il était la victime d’un mensonge, lui aurait permis, peut-être, un pied de nez au peuple dont il s’était, presque  volontairement, détourné.

Nos vaillants camarades se trouvaient désormais dans le péristyle d’un gymnase à ciel ouvert. Léon ne se priva pas un seul instant de la contemplation des corps qui s’exerçaient là. Mais comme ils venaient avec un but précis, il préféra se tourner vers Ilhan, un sourire en coin étirant ses lèvres.

”- La tradition veut que l’on s’exerce avant toute chose. Tenté ?”

Il y avait quelque amusement dans sa voix. La vérité était que la situation lui permettait d’apprécier un des traits de cette Immaculation qui plaisait tant à Ilhan. Ah, son ami aurait été bien mieux en vampire, mais la légende voulait qu’une mégère lui ait forcé la main. Soit. Dans tous les cas, Ilhan pouvait désormais se mesurer à lui sur le plan physique, partager certains aspects de l’existence sur un pied d’égalité. Peut-être même pouvait-il le battre à la course ? A la lutte, peut-être ? Léon n’avait jamais été très bon combattant. Il connaissait deux ou trois astuces pour retirer la vie d’un geste preste , mais cela impliquait des dagues, ou au moins des surins. Il avait cru comprendre qu’Ilhan, lui, s’entrainait à sa façon, à mains nues. Rien qui ne se comprenait pas : il avait vécu au milieu des Délimariens, avait sans doute eu tout intérêt à s’endurcir s’il ne voulait pas qu’un Délimarien passant à ses côtés ne le mette à terre comme le souffle du vent faisait tomber la feuille.
Un autre avantage, que l’Immaculation offrait à Ilhan, que le vampirisme aurait pu lui offrir aussi : enfin son corps avait cessé son vieillissement bien trop rapide. Il avait jadis suffit d’une lettre évoquant la presbytie pour éveiller l’inquiétude chez Léon. Il avait lu des humains conter combien il était commun pour eux de croire tout être aimé immortel, et les avait envié. Tout le malheur d’un être de magie qui appréciait les humains était le constant rappel de leurs âges qui, à toute allure, s’accumulaient, pour tout aussi vite se taire. Il avait eu peur de perdre son ami avant même d’avoir pu le connaitre. Désormais, ils disposaient tous deux d’un peu de sursis, dont Léon comptait bien profiter, tant que lui-même n’avait accompli son voeu de connaître, un jour peut-être, toute la beauté de l’éphémérité.

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Une étreinte vampirique dont il ne redoutait plus la soif inique, un cadeau dans les bras… Voilà bien un accueil dont il ne s’attendait pas. Mais qu’il ne pouvait nier apprécier. Et aux mots chantants que son invité lui offrit, l’althaïen ne put que sourire d’amusement. Les althaïens étaient réputés pour festoyer un grand nombre d’événements, jamais toutefois ils n’étaient allés jusqu’à fêter des non-anniversaires. Voilà un concept qui était à étudier et qui ne serait pas pour lui déplaire. Une autre occasion, un autre prétexte, à savourer divers mets aux merveilleux attraits.

Le cadeau ne fut toutefois pas ouvert de suite. Il préférait attendre le moment fatidique, ce moment que tous deux avaient choisi, en cette soirée unique. Une soirée de retrouvailles, en un sens, mais aussi une soirée de nostalgie en pleine conscience. Même si bien vite il ne put résister, d’autant plus quand Léon les évoqua. Deux ouvrages, précieux recueils de savoir même si contes et légendes s’en mêlaient. Pour l’Althaïen, les contes recelaient toujours quelque savoir utile, quelques connaissances d’expériences passées, qu’il était toujours bon d’étudier d’un esprit ouvert. Puis les thermes s’étaient ouvertes à eux. Là, devant ses yeux, il pouvait admirer l’architecture sélénienne.



Ils barbotaient dès lors tous deux dans les eaux bienheureuses des thermes séléniennes. Certes, elles n’avaient pas le charme, ni le raffinement, de celles de son Althaïa d’antan, mais elles n’étaient pas dénuées de certains attraits. Dont cette délicieuse chaleur qui l’envoûtait. S’il avait été seul, et dans un lieu assuré d’une intimité sereine, sans doute se serait-il laissé aller à fermer les yeux pour mieux savourer la douceur de l’instant. Ses sens sainnuriens plus acérés s’en délectaient.

Après le petit exercice précédent auquel son ami l’avait invité, ses muscles le remerciaient de leur offrir ce petit moment de paix. Léon avait voulu " tester " le gymnase, mais Ilhan se doutait que son ami avait surtout eu envie d’apprécier par lui-même les changements survenus chez l’althaïen : cette nouvelle force sainnûrienne, même si bien maigre comparé à celle de ses pairs, ainsi que les fruits, bien maigres aussi, de ses entraînements à ce nouvel art de combat qu’il avait adapté de celui des Graärh. Un art de combat à mains nues, cherchant à neutraliser plutôt que de tuer, à se défendre, esquiver, pour frapper au bon moment au bon endroit. Nul besoin de dire que cet art-là nécessitait un degré de maîtrise pour réussir, qu’Ilhan était encore loin d’atteindre. Mais pour lui, petit diplomate auparavant incapable de se battre, voilà qui était un sacré changement.

Il préférait toutefois savourer les bienfaits des eaux chaudes aux vapeurs bienvenues, qui cachaient quelque peu de la vue les corps nus, même si, là encore, ces vapeurs manquaient du charme et des saveurs toute althaïennes. Il manquait là des senteurs de roses et de magnolia, pour qu’il se sente parfaitement au repos.

Car oui, il devait avouer que, malgré tout le contentement qu’il ressentait en cet instant, la joie de retrouver Léon, cet ami d’antan, il ne pouvait nier que nostalgie enserrait son coeur aussi. Nostalgie de la Romantique, que tout semblait vouloir lui rappeler, mais également de Delimar l’Océanique. Les thermes ici présentes évoquaient tant celles qu’il avait pu visiter en la cité des nordiques et des almaréens… S’il avait trouvé une certaine sérénité en Caladon, en grande partie due à la présence d’Autone, et de sa famille, de son fils et de sa fille notamment, il repensait souvent à la cité qu’il avait dû quitter. Même s’il avait eu tant de mal à s’y acclimater, il lui avait donné beaucoup, plus même. Et Naal lui manquait. Il n’avait donc répondu que d’un vague sourire quand Léon avait évoqué Delimar. Était-il heureux d’avoir quitté Delimar lui aussi ? En un sens peut-être, mais cette décision, même s’il sentait qu’elle serait venue un jour ou l’autre, au vu du gouffre qui le séparait parfois des délimariens, n’avait pas été prise de gaité de cœur et avait été contrainte plutôt que choisie, raison d’État oblige. Même s’il ne regrettait pas, être heureux d’une telle décision en de telles circonstances, serait un bien grand mot. Il ne répondit pas plus au sujet de la Caisse, s’étant contenté d’un petit ricanement qui en avait dit long. Oui, il l’avait gardé bien sûr. Un souvenir tel que celui-là ne se galvaudait pas. Mais il ne s’en était plus servi. Que les Huit l’en gardent à tout prix !

Tu m’as réservé là une belle soirée, mon ami. J’espère que notre petit échange… musclé, si tant est que l’on puisse user ce qualificatif me concernant, t’a plu ? Ce nouveau mode de combat que j’ai adopté te plaît-il ?

Il lui offrit un petit sourire énigmatique entre taquinerie et sincère amitié. Certes, s’il avait réussi à surprendre une fois Léon, ce dernier l’avait mis à terre plus de fois que lui. Mais tout de même…

Tu me parlais de Delimar tout à l’heure, répondit-il enfin.

Oui, bien des heures après la question. Comme cela lui arrivait parfois. Les personnes le connaissaient bien savaient que s’il ne répondait pas à une question ou s’il l’évitait, c’était qu’il y répondrait en son temps. Ou qu’il n’y répondrait jamais.

Si je suis heureux de pouvoir te voir et voir bien des miens…

Dont son père.

Sans plus aucune contrainte liée à l’Océanique, je ne peux dire que mon départ s’est fait de gaité de cœur ni en toute sérénité. Je ne regrette pas, c’était un choix et ce choix devait se faire. Trop de tiraillements se faisaient sentir, trop de conflits d’intérêts se seraient mêlés de la partie. Même si je sais faire la part des choses, je reste…

Humain, allait-il dire. À cette pensée, un doux sourire se dessina, tout en mélancolie.

Sainnûr, chuchota-t-il à la place, en un murmure à peine audible.

Même si pour un vampire, cela dut s’entendre sans peine. Là, nus tous deux dans l’eau, il ne pouvait nier son appartenance à cette nouvelle race, avec ses veinules cuivrées se dessinant sur ses épaules et courant dans son dos. Tout comme il ne pouvait nier son amour pour les Huit avec ses tatouages : sept tatouages, un pour chaque Déesse, s’étirant en un ballet finement dessiné le long de sa colonne, tandis que les tatouages de Néant, dont Naal l’avait honoré, venaient serpenter avec une certaine discrétion le long de son bras gauche jusqu’à son épaule, pour venir enlacer le premier tatouage des Sept. Sa main gauche toujours noircie, non encore guérie… une chose dont il serait peut-être temps de se préoccuper aussi…

Et oui, j’ai gardé ma Caisse, ajouta-t-il en un sourire taquin, pour revenir à une ambiance plus encline aux réjouissances. Pourquoi donc m’as-tu posé cette question ? Aimerais-tu tant la tester ?

Son œil voleta alors vers un petit paquet posé non loin qu’il avait apporté avec lui jusqu’ici. Car oui, lui aussi avait apporté un cadeau qu’il n’avait pas encore donné à son ami, et qu’il avait savamment déposé sur le bord des thermes dans lesquels ils se prélassaient. Un petit paquet dans une précieuse soie tissée d’or. Oui, d’or. Titiller la pie de son ami, lui ? Non, jamais voyons. C’est pourtant d’un air faussement innocent, ses orbes noirs miroitant clairement d’un amusement taquin, qu’il observait le vampire face à lui.

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Léon avait d’abord répondu avec un sourire tout aussi énigmatique à la question d’Ilhan quant à leur petit combat. Il avait en haute estime l’intellect d’Ilhan, n’aurait jamais osé prétendre pouvoir lire clairement dans ses pensées. L’inverse, en revanche… Auprès d’Ilhan, le vampire n’avait aucune raison de mentir, camoufler ou omettre. Il offrait à l’Althaïen la lecture de son esprit sur un plateau d’argent. Quelques calculs, pas même subtils, un bon agencement d’informations, et Ilhan savait quelles pensées dansaient derrière le regard carmin du Raudr. Cela ne devait pas même lui demander d’efforts.
Aussi Léon trouvait-il plaisant d’avoir, dans son existence, et en ce moment précis, quelqu’un à qui il pouvait offrir cette proximité. Tous deux tenaient leurs métiers respectifs assez éloignés de la conversation pour se le permettre. De même, Léon refusait de croire qu’Ilhan se serait investi dans des années d’amitié si ç’avait été uniquement pour y gagner quelque information - il aurait trouvé un autre moyen, plus rapide. Cela lui permettait de faire confiance, plus ou moins aveuglément. Il pouvait connaître le luxe de n’avoir pas à tout dire, tout expliciter, comme il devait le faire parfois avec ceux qui ne le connaissaient qu’en surface.

“- J’ignorais que cette façon de combattre existait. On la dirait faite pour toi.”

Certes, il n’y avait aucun mérite à combattre d’une façon inconnue à l’espion. Parmi tous les sujets qui ne l’intéressaient absolument pas, celui-ci se trouvait à une place de choix, bien ancrée depuis… Pfiou ! Allez, si Léon était gentil, peut-être pouvait-il s’inventer une enfance où, à un moment, pendant une semaine, il s’était vaguement décidé à lire sur le sujet. C’était tout. Pas plus.
Pourtant il y avait à apprendre dans les gestes d’Ilhan. Dans sa façon de regarder son adversaire, choisir les gestes qu’il allait faire. La première information, terrible révélation, confirmait qu’Ilhan n’avait pas l’envie de se battre. Pas tant que cela, pas avec son corps. Il n’avait pas soif de violence ou de sang, ne paraissait pas, en tout cas, avoir de pulsion à libérer ou contenir en ce sens. Peut-être n’était-ce qu’une impression, auquel cas ç’aurait été une impression qui avait le mérite d’être constante malgré la transformation d’Ilhan.
Le second point… Peut-être n’était-ce qu’une impression également. Ilhan avait paru comme davantage lié à son propre corps. Comme si au lieu de le combattre, apprendre à le maîtriser, il avait au contraire obtenu un corps fait sur mesure, une simple matérialisation de son esprit. Léon avait beau être suspicieux envers l’immaculation et aduler l’humanité, il n’était pas de ceux qui avaient besoin de voir les autres embrasser ses idées pour être comblé. Si Ilhan se sentait mieux ainsi, c’était là quelque chose qu’il pouvait comprendre. Quel être arrogant aurait été se glisser entre un être et son vaisseau de chair ?

Voilà qu’Ilhan évoquait de nouveau Délimar, allumant immédiatement une petite lueur dans le regard de son interlocuteur. Inconsciemment, Léon guettait les moindres anecdotes qui s’échapperaient des lèvres de son ami, ces petits fragments de mémoire qui lui permettaient de voyager par procuration. Il n’eut rien de cela, rien qu’il ne voulut récupérer pour lui en tout cas. Les peines d’Ilhan étaient très bien dans leur nouvelle tombe. Soit, il s’approprierait des mémoires autrement.
Le mot “Sainnûr”, tout juste murmuré, ne passa pas inaperçu aux oreilles affûtées de l’ancien elfe. Un miracle, au vu du bruit ambiant. Par l’Unique, comment l’eau pouvait-elle être aussi bruyante ? Comment la pierre pouvait si bien répercuter ce vacarme ? L’idéal aurait été de se baigner dans des nuages, afin de profiter autant d’un bain que de la présence d’Ilhan. Avaient-ils de ces bains beaucoup trop chaud, dans les environs ? Une enquête à mener.
Mais ce n’était pas la question ! La question était sur la peau d’Ilhan. Ou dans sa peau. Sans gêne, Léon laissa son regard dessiner les courbes de ses multiples tatouages. Il était loin d’être pertinent sur le sujet, mais… Il était à peu près certain que ce n’étaient pas là des tatouages habituels pour un Sainnûr. Il était même probable qu’une partie soient de ces marques de Néant. Quid des autres, en ce cas ? Tous ne ressemblaient pas aux marques que Léon arborait. Les questions lui brûlèrent les lèvres, mais se bousculèrent : pourquoi, comment ? Mais le temps qu’il parvienne à trouver une formulation autre que “pourment”, Ilhan revenait à un sujet des plus intéressants.

Il avait ponctué sa question par un regard sur son Cadeau. Instinctivement, Léon fit de même. Il put presque entendre distinctement la pie s’exciter dans son crâne. C’était fort impoli de réclamer son cadeau de force et, il le savait, Ilhan ne le lui avait donné pour une raison bien précise. C’était à lui de se l’approprier. Un défi qui rendait le contenu du cadeau un peu dérisoire, en soi, car rien ne valait le goût exquis du larcin bien mené. Léon détourna le regard, par habitude professionnelle autant que par politesse. S’accoudant un peu mieux au rebord du bassin, il reprit, fort enjoué :

“- Et comment ! Cette caisse est une légende ! La première d’une longue série, parait-il… Est-ce vrai qu’elle était aménagée ? Elle doit être sacrément grande ! Qu’en as-tu fait, désormais ? Une cabane à chèvres ?”

Un large sourire étirait ses lèvres et pliait le coin de ses yeux, alors qu’il trouvait son idée géniale. Quel autre usage pouvait-on avoir d’une caisse, de toute façon ?
La vérité était qu’il n’écouta la réponse d’Ilhan que d’une oreille, son esprit de délinquant très occupé à profiter du laps de temps qui lui était offert pour calculer à vive allure les opportunités qu’il pouvait avoir pour récupérer ce qui lui était dû. Il déplora de nouveau l’absence de ces bains chauds et embrumés qui lui auraient apportés une allonge des plus appréciables. Ilhan était tout à fait conscient du danger, et le guettait à moitié. Une tentative de diversion aurait été grossière et vite démasquée. Dans ce genre de cas, le Guide du Petit Voleur préconisait de prendre son mal en patience et, au choix, guetter les opportunités ou créer les opportunités.
Mais là… Des opportunités, vraiment, il n’en voyait pas. Il considéra même l’idée d’y aller à l’audace, selon l’ancestral principe du “plus c’est gros plus ça passe”. Ilhan arrivait dangereusement vers la fin de sa réponse sans qu’aucune solution viable fut trouvée. Léon mordit l’intérieur de sa lèvre, fort déconfit. Soit. Il répondit à son ami par un mouvement de tête et un “hum-hum !” qui témoignaient de son écoute (ce qui n’était pas totalement faux, même si cela ne comptait que pour une oreille) ainsi que de son opinion sur le sujet. Se rapprochant un peu, Léon demanda donc, sur le ton de la confidence :

“- Dis voir, ce sont bien des tatouages que tu as là ? Pas des veinules, n’est-ce pas ? On ne dirait pas la marque de l’Unique. Que t’est-il donc arrivé ?”

Il aurait pu également le questionner sur sa main, laquelle était en bien piètre état. Mais le but n’était pas d’enfermer Ilhan dans un mutisme pudique teinté de mauvais souvenirs - ce que Léon craignait. Les tatouages avaient au moins l’air plus joviaux, à la façon dont il les arborait. Le larron avait bon espoir de voir son ami s’enflammer à leur sujet et, sur un malentendu, détourner son regard le temps d’en présenter un, ou deux, ou même celui dans son dos. A ce moment-là, très précisément, il lui faudrait être preste. Et si la manoeuvre était aussi grossière qu’évidente, c’était par plaisir du jeu plus que par volonté sérieuse de parvenir à ses fins. N’étaient-ils pas venus pour se détendre ?

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