Mi-décembre 1764
A la différence des vampires, les humains avaient cette fâcheuse tendance à rester chez eux dès les premières gouttes de pluie. Là où les Maudits des Déeeses sourcillaient à peine quand la glace tapissait leurs antres, les fragiles humains grelottaient sous un peu d’eau et craignaient pour leur santé. Un comportement attendrissant, mais fort peu pratique au demeurant pour l’innocente âme qui profitait de son quartier libre pour chercher la pitance qui apaiserait sa faim.
Sous une large capuche, imitation des manies de ses compatriotes officiels, Léon affichait une mine contrariée. Son regard passait sur tous les environs, à la recherche d’une idée, d’une opportunité, de quelque chose. Il n’allait tout de même pas revenir bredouille de sa chasse ! Certes, il avait également de quoi se satisfaire auprès de Claudius, mais… Il était plus ou moins persuadé d’avoir déjà fait quatre fois le tour des proies potentielles du palais, en avait même remis certaines à leur place après coup, ne pouvant encombrer ses quartiers davantage. Il lui fallait de la nouveauté, il lui fallait du défi, il lui fallait une nourriture qui satisferait également son esprit. Ses mains étaient fébriles, chaque nerf bien trop éveillé pour des nerfs de mort. Son esprit-lié jacassait à la mort du traitement qui lui était infligé.
Les demeures séléniennes apparaissaient comme sombres en contre-jour d’un ciel d’un gris épuisé au-dessus d’elles. Ruisselantes et détrempées, même leurs auvents semblaient vains. Les pavés offraient un miroir d’eau et de poussière sur lequel seuls les pas de Léon et la pluie venaient claquer. Le silence créé par l’étau d’eau était assourdissant. Chaque souffle de vie que les sens de Léon percevait se trouvait soit trop loin, soit inintéresant pour son oeuvre. Quel dépit.
Le brave Raudr en était là de ses réflexion, la tête basse, prêt à rebrousser chemin, avouer sa défaite, et se rabattre sur quelque petit-giber impérial, quand Néant, de sa grande miséricorde, l’honora.
Là, à l’embranchement de la rue, apparurent des silhouettes à nulles autres pareilles. Il n’était guère besoin d’habitude quand il était question de reconnaître ce personnage. Car au sein des arpenteurs des mers, les oreilles pointues et peaux de cendres sont perles rares… Pour peu que l’on puisse parler de perles. Quand bien même il y eut plusieurs elfes solaires pour toucher du gouvernail et de la voile, aucun autre n’exsudait la folie, la violence, et une chance insolente, comme Nathaniel Eärendil.
Léon cessa immédiatement ses déambulations, figé. Des mémoires qui lui avaient été rendues, il savait avoir collaboré avec le gredin, jadis - et en être sorti vivant. Il avait eu bien d’autres témoignages complémentaires sur lui, de puis, ne fusse-ce que par ses liens professionnels avec le Marché Noir - et ses liens moins professionnels. Si l’imagination concevait des images, elle ne savait néanmoins le faire avec l’impact de la mémoire.
Là, face au pirate, pourtant lointain, ladite mémoire s’éveillait enfin appâtant Léon de bribes de souvenirs. Les images étaient floues, les sons et odeurs n’étaient que traces, les émotions représentaient la majeure partie dudit souvenir. Les repaires où transitaient les futurs Protégés, avec toute la tension et le poids sur leurs épaules que cela impliquait. Quelques missions en duo, et même lorsqu’ils devaient se taire, les échos de leurs cachettes se faisaient moins pesants.
Bonne nouvelle sur bonne nouvelle, donc. Nathaniel se souvenait forcément de lui, et il allait naturellement être enclin à lui offrir de nouvelles façons d’assouvir la faim qui courait dans ses mains, c’était évident ! Ragaillardi, tout jouasse de nouveau, Léon s’élança vers le pirate, le dépassa, et essaya au mieux de se mettre devant lui, en agitant les bras, en le hélant :
“- Eh ! Nathaniel ! Eho !”
…Cela fut très peu efficace.
Léon soupira, se pinça l’arrête du nez, se re-mémorant la dernière fois que cela lui était arrivé. Il avait vraiment un souci avec cette notion de “se rendre visible”, n’est-ce pas ? Il regarda brièvement autour de lui. Certes, peut-être qu’il avait encore trouvé une ombre dans laquelle se planquer. Certes, il y avait peut-être même des éléments entre Nathaniel et lui qui pouvaient le masquer. Mais n’avait-il pas crié ?
La mémoire de Léon répondit à sa question : non, il n’avait pas crié. Il avait peut-être même murmuré. S’il avait vraiment utilisé sa voix. Foutues déformations professionnelles.
Une vague de lassitude traversa le brave espion, mais repartit tout aussi vite. Il n’allait pas se laisser abattre quand il avait enfin de quoi s’amuser ! Et si, au lieu de commencer par les salutations, il commençait directement par ce pour quoi il était venu ?
De nouveau il s’élança vers Nathaniel. Cette fois, il essayait d’être goutte d’eau parmi les gouttes d’eau. Ses doigts se glissèrent vers les poches du roi des pirates. Déjà, un grand sourire illuminait son visage. Un bon petit larcin entre amis, à l’ancienne, vaudrait bien mieux que tous les “bonjour Nath, c’est Lemuriel !”.
A la différence des vampires, les humains avaient cette fâcheuse tendance à rester chez eux dès les premières gouttes de pluie. Là où les Maudits des Déeeses sourcillaient à peine quand la glace tapissait leurs antres, les fragiles humains grelottaient sous un peu d’eau et craignaient pour leur santé. Un comportement attendrissant, mais fort peu pratique au demeurant pour l’innocente âme qui profitait de son quartier libre pour chercher la pitance qui apaiserait sa faim.
Sous une large capuche, imitation des manies de ses compatriotes officiels, Léon affichait une mine contrariée. Son regard passait sur tous les environs, à la recherche d’une idée, d’une opportunité, de quelque chose. Il n’allait tout de même pas revenir bredouille de sa chasse ! Certes, il avait également de quoi se satisfaire auprès de Claudius, mais… Il était plus ou moins persuadé d’avoir déjà fait quatre fois le tour des proies potentielles du palais, en avait même remis certaines à leur place après coup, ne pouvant encombrer ses quartiers davantage. Il lui fallait de la nouveauté, il lui fallait du défi, il lui fallait une nourriture qui satisferait également son esprit. Ses mains étaient fébriles, chaque nerf bien trop éveillé pour des nerfs de mort. Son esprit-lié jacassait à la mort du traitement qui lui était infligé.
Les demeures séléniennes apparaissaient comme sombres en contre-jour d’un ciel d’un gris épuisé au-dessus d’elles. Ruisselantes et détrempées, même leurs auvents semblaient vains. Les pavés offraient un miroir d’eau et de poussière sur lequel seuls les pas de Léon et la pluie venaient claquer. Le silence créé par l’étau d’eau était assourdissant. Chaque souffle de vie que les sens de Léon percevait se trouvait soit trop loin, soit inintéresant pour son oeuvre. Quel dépit.
Le brave Raudr en était là de ses réflexion, la tête basse, prêt à rebrousser chemin, avouer sa défaite, et se rabattre sur quelque petit-giber impérial, quand Néant, de sa grande miséricorde, l’honora.
Là, à l’embranchement de la rue, apparurent des silhouettes à nulles autres pareilles. Il n’était guère besoin d’habitude quand il était question de reconnaître ce personnage. Car au sein des arpenteurs des mers, les oreilles pointues et peaux de cendres sont perles rares… Pour peu que l’on puisse parler de perles. Quand bien même il y eut plusieurs elfes solaires pour toucher du gouvernail et de la voile, aucun autre n’exsudait la folie, la violence, et une chance insolente, comme Nathaniel Eärendil.
Léon cessa immédiatement ses déambulations, figé. Des mémoires qui lui avaient été rendues, il savait avoir collaboré avec le gredin, jadis - et en être sorti vivant. Il avait eu bien d’autres témoignages complémentaires sur lui, de puis, ne fusse-ce que par ses liens professionnels avec le Marché Noir - et ses liens moins professionnels. Si l’imagination concevait des images, elle ne savait néanmoins le faire avec l’impact de la mémoire.
Là, face au pirate, pourtant lointain, ladite mémoire s’éveillait enfin appâtant Léon de bribes de souvenirs. Les images étaient floues, les sons et odeurs n’étaient que traces, les émotions représentaient la majeure partie dudit souvenir. Les repaires où transitaient les futurs Protégés, avec toute la tension et le poids sur leurs épaules que cela impliquait. Quelques missions en duo, et même lorsqu’ils devaient se taire, les échos de leurs cachettes se faisaient moins pesants.
Bonne nouvelle sur bonne nouvelle, donc. Nathaniel se souvenait forcément de lui, et il allait naturellement être enclin à lui offrir de nouvelles façons d’assouvir la faim qui courait dans ses mains, c’était évident ! Ragaillardi, tout jouasse de nouveau, Léon s’élança vers le pirate, le dépassa, et essaya au mieux de se mettre devant lui, en agitant les bras, en le hélant :
“- Eh ! Nathaniel ! Eho !”
…Cela fut très peu efficace.
Léon soupira, se pinça l’arrête du nez, se re-mémorant la dernière fois que cela lui était arrivé. Il avait vraiment un souci avec cette notion de “se rendre visible”, n’est-ce pas ? Il regarda brièvement autour de lui. Certes, peut-être qu’il avait encore trouvé une ombre dans laquelle se planquer. Certes, il y avait peut-être même des éléments entre Nathaniel et lui qui pouvaient le masquer. Mais n’avait-il pas crié ?
La mémoire de Léon répondit à sa question : non, il n’avait pas crié. Il avait peut-être même murmuré. S’il avait vraiment utilisé sa voix. Foutues déformations professionnelles.
Une vague de lassitude traversa le brave espion, mais repartit tout aussi vite. Il n’allait pas se laisser abattre quand il avait enfin de quoi s’amuser ! Et si, au lieu de commencer par les salutations, il commençait directement par ce pour quoi il était venu ?
De nouveau il s’élança vers Nathaniel. Cette fois, il essayait d’être goutte d’eau parmi les gouttes d’eau. Ses doigts se glissèrent vers les poches du roi des pirates. Déjà, un grand sourire illuminait son visage. Un bon petit larcin entre amis, à l’ancienne, vaudrait bien mieux que tous les “bonjour Nath, c’est Lemuriel !”.