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Mi-décembre 1764

A la différence des vampires, les humains avaient cette fâcheuse tendance à rester chez eux dès les premières gouttes de pluie. Là où les Maudits des Déeeses sourcillaient à peine quand la glace tapissait leurs antres, les fragiles humains grelottaient sous un peu d’eau et craignaient pour leur santé. Un comportement attendrissant, mais fort peu pratique au demeurant pour l’innocente âme qui profitait de son quartier libre pour chercher la pitance qui apaiserait sa faim.
Sous une large capuche, imitation des manies de ses compatriotes officiels, Léon affichait une mine contrariée. Son regard passait sur tous les environs, à la recherche d’une idée, d’une opportunité, de quelque chose. Il n’allait tout de même pas revenir bredouille de sa chasse ! Certes, il avait également de quoi se satisfaire auprès de Claudius, mais… Il était plus ou moins persuadé d’avoir déjà fait quatre fois le tour des proies potentielles du palais, en avait même remis certaines à leur place après coup, ne pouvant encombrer ses quartiers davantage. Il lui fallait de la nouveauté, il lui fallait du défi, il lui fallait une nourriture qui satisferait également son esprit. Ses mains étaient fébriles, chaque nerf bien trop éveillé pour des nerfs de mort. Son esprit-lié jacassait à la mort du traitement qui lui était infligé.

Les demeures séléniennes apparaissaient comme sombres en contre-jour d’un ciel d’un gris épuisé au-dessus d’elles. Ruisselantes et détrempées, même leurs auvents semblaient vains. Les pavés offraient un miroir d’eau et de poussière sur lequel seuls les pas de Léon et la pluie venaient claquer. Le silence créé par l’étau d’eau était assourdissant. Chaque souffle de vie que les sens de Léon percevait se trouvait soit trop loin, soit inintéresant pour son oeuvre. Quel dépit.

Le brave Raudr en était là de ses réflexion, la tête basse, prêt à rebrousser chemin, avouer sa défaite, et se rabattre sur quelque petit-giber impérial, quand Néant, de sa grande miséricorde, l’honora.
Là, à l’embranchement de la rue, apparurent des silhouettes à nulles autres pareilles. Il n’était guère besoin d’habitude quand il était question de reconnaître ce personnage. Car au sein des arpenteurs des mers, les oreilles pointues et peaux de cendres sont perles rares… Pour peu que l’on puisse parler de perles. Quand bien même il y eut plusieurs elfes solaires pour toucher du gouvernail et de la voile, aucun autre n’exsudait la folie, la violence, et une chance insolente, comme Nathaniel Eärendil.

Léon cessa immédiatement ses déambulations, figé. Des mémoires qui lui avaient été rendues, il savait avoir collaboré avec le gredin, jadis - et en être sorti vivant. Il avait eu bien d’autres témoignages complémentaires sur lui, de puis, ne fusse-ce que par ses liens professionnels avec le Marché Noir - et ses liens moins professionnels. Si l’imagination concevait des images, elle ne savait néanmoins le faire avec l’impact de la mémoire.
Là, face au pirate, pourtant lointain, ladite mémoire s’éveillait enfin appâtant Léon de bribes de souvenirs. Les images étaient floues, les sons et odeurs n’étaient que traces, les émotions représentaient la majeure partie dudit souvenir. Les repaires où transitaient les futurs Protégés, avec toute la tension et le poids sur leurs épaules que cela impliquait. Quelques missions en duo, et même lorsqu’ils devaient se taire, les échos de leurs cachettes se faisaient moins pesants.

Bonne nouvelle sur bonne nouvelle, donc. Nathaniel se souvenait forcément de lui, et il allait naturellement être enclin à lui offrir de nouvelles façons d’assouvir la faim qui courait dans ses mains, c’était évident ! Ragaillardi, tout jouasse de nouveau, Léon s’élança vers le pirate, le dépassa, et essaya au mieux de se mettre devant lui, en agitant les bras, en le hélant :

“- Eh ! Nathaniel ! Eho !”

…Cela fut très peu efficace.
Léon soupira, se pinça l’arrête du nez, se re-mémorant la dernière fois que cela lui était arrivé. Il avait vraiment un souci avec cette notion de “se rendre visible”, n’est-ce pas ? Il regarda brièvement autour de lui. Certes, peut-être qu’il avait encore trouvé une ombre dans laquelle se planquer. Certes, il y avait peut-être même des éléments entre Nathaniel et lui qui pouvaient le masquer. Mais n’avait-il pas crié ?
La mémoire de Léon répondit à sa question : non, il n’avait pas crié. Il avait peut-être même murmuré. S’il avait vraiment utilisé sa voix. Foutues déformations professionnelles.
Une vague de lassitude traversa le brave espion, mais repartit tout aussi vite. Il n’allait pas se laisser abattre quand il avait enfin de quoi s’amuser ! Et si, au lieu de commencer par les salutations, il commençait directement par ce pour quoi il était venu ?
De nouveau il s’élança vers Nathaniel. Cette fois, il essayait d’être goutte d’eau parmi les gouttes d’eau. Ses doigts se glissèrent vers les poches du roi des pirates. Déjà, un grand sourire illuminait son visage. Un bon petit larcin entre amis, à l’ancienne, vaudrait bien mieux que tous les “bonjour Nath, c’est Lemuriel !”.

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¤ Prit la main dans le sac ¤

Voilà donc à quoi ressemblait la nouvelle Sélénia, celle qui avait l’ironie de se surnommer l’imbrulée et prétendait être la nouvelle capitale d’un empire ridiculisé à maintes reprises. S’immobilisant au milieu de la rue, le sainur sombre levait son regard par-dessus les toits des édifices bordant l’allée qu’il empruntait pour poser ses yeux sur les murailles ceignant la ville et dont les chantiers étaient sur le point de se terminer. Il était à la fois heureux et dommageable que la cité impériale ne se soit pas nommée l’inviolable, sans quoi le gredin aurait pris un malin plaisir à la rebaptiser la déflorée. Il avait été aisé pour le plus grand criminel que l’archipel portait à ce jour de pénétrer la cité dont le propriétaire voyait en lui un ennemi mortel. Pour autant, cela ne signifiait pas qu’il était facile de franchir les portes de la nouvelle Sélénia, bien au contraire. Ce n’est que grâce aux ressources de la Confrérie que le roi de cette patrie de malfrat pouvait déambuler au nez et à la barbe de l’empereur dans les ruelles de sa nouvelle capitale. Tobold avait fait du bon travail en exécutant les ordres de son souverain qui consistaient à parcourir l’archipel en compagnie de sa noble monture bossue. S’il était dommage de voir que l’humain ne saisissait pas l’étendue de l’utilité que représentait cet animal, l’Earendil lui avait compris, dès la première rencontre avec cette créature dans la salle au trésor du défunt royaume elfique, tout le potentiel de celle-ci. Qu’importe qu’elle ne lui appartienne pas, son maitre était sous ses ordres et cela suffisait au forban. C’est donc en plein jour et dans un coin reculé de la ville que le sainur à la chevelure d’écume avait fait irruption de nulle part, en compagnie d’une poignée de garde du corps, d’un chamelier et d’un chameau.

Si le roi de la Confrérie avait ordonné à son espion de demeurer à l’endroit convenu en attendant son retour, Nathaniel n’avait pas l’intention de rester caché dans les ombres en attendant de finir sa petite affaire en plein territoire ennemi. L’Earendil souhaitait voir de ses propres yeux l’évolution de la capitale d’un de ses adversaires. Bien entendu, le gredin n’était pas ici pour faire du tourisme, pour lui, seules les affaires comptent et sa déambulation n’était rien d’autre bonus récolté pour le choix d’un itinéraire, certes exposé, vers un rendez-vous important.

Toryné Dallis était mort et la confrérie comptait bien récupérer ce qui lui avait été dérobé sous le nez en raison de l’incompétence de la défunte capitaine des catins. Dix propriétaires de bordel à travers la partie nord l’empire avaient été capturés par les forces infiltrées de la Confrérie. Ces individus étaient des personnalités influentes dans le milieu, mais également dans les villes ou quartiers au sein desquels eux et leurs établissements demeuraient. Malheureusement ceux-ci n’avaient pas été réceptifs aux charmes de la Confrérie. Une intégrité, qui certes louable, avait le don d’agacer les hautes instances de la nation pirate. Nathaniel n’est pas un homme à qui on peut dire non, certains semblaient l’avoir oublié. L’Earendil était donc autant présent à Sélénia pour affaire que pour dispenser une leçon. Sur son ordre les dix propriétaires avaient été rassemblés quelque part dans cette ville et lorsque leurs regards se poseraient sur le visage du plus terrible des forbans, ils comprendraient qu’il n’y a aucun endroit sur l’archipel, pas même chez ses plus puissants ennemis, où ils pourraient trouver refuge et se cacher de lui. L’un d’entre eux allait mourir aujourd’hui de sa main, un sacrifice nécessaire pour donner l’exemple aux autres.

Mais une fois sur place, le gredin devrait sans doute se changer et retirer le maquillage qu’il avait sur le visage. Ces vêtements étaient pour l’heure ceux d’un simple citoyen propre sur lui, ces cheveux étaient attachés à une longue queue de cheval permettant d’afficher son visage à la face du monde. Un visage qu’il n’était pour autant pas inquiet de révéler. Les nombreuses cicatrices qui ornaient d’habitude son faciès avaient été habilement recouvertes, tandis que des veinules cuivrées issues de sa nouvelle condition lui bariolaient la figure. Peu d’individus seraient en mesure de le reconnaitre. À vrai dire, seuls ceux l’ayant fréquenté lorsqu’il n’avait encore que très peu de cicatrices, ou ceux l’ayant fréquenté d’assez prêts pour mémoriser son regard, seraient en mesure de l’identifier. Autant dire qu’aucun garde ou citoyen de cette ville n’en était capable. Du moins le croyait-il.

Tandis qu’il marchait dans la rue, deux gardes du corps, déguisés en civil, marchaient plus en avant du gredin, tandis que deux autres marchaient plus en arrière du pirate. Il ne fallait pas attirer l’attention avec un attroupement suspect. Les Séléniens passaient dès lors à côté du roi de la confrérie ignorant qu’à tout moment une dague ou sort pouvait venir leur ôter la vie s’ils venaient à attenter à la personne de Nathaniel … et ça, c’est si l’Earendil ne s’occupait pas lui-même de l’individu assez culotté ou fou pour commettre un tel acte.

Et justement, une personne de cette trempe, il y en avait un. Le sainur sombre ne l’avait dans un premier temps pas remarqué. Ce dernier se déplaçait avec une discrétion étonnante, se mêlant avec talent aux passants afin de passer inaperçu, effaçant presque sa présence. Oui Nathaniel ne l’aurait pas remarqué si les talents de tire-laine de l’effronté étaient au niveau de sa discrétion. C’est presque instinctivement que la main du gredin vint saisir avec puissance le poignet du voleur quand la main de celui-ci vint se glisser dans une poche attachée au flanc droit de sa ceinture. La prise de l’Earendil était telle qu’il pouvait s’il le désirait briser le poignet de sa proie à l’aide de sa seule force.

« Il faut en avoir une sacrée paire pour oser vouloir me détrousser. Ça me plait. À quelle guilde es-tu affiliée ? »

Le sainur sombre tourna légèrement la tête pour venir poser son regard sur son interlocuteur et lui jeter un regard mêlant menace, prédation et amusement. Mais en lieu et place, c’est de la surprise qui apparut au fond de ceux-ci.

« Lemuriel ? »

Sans lâcher la main de ce dernier, Nathaniel fit de celle libre un geste discret adressé à ses gardes pour leur faire signe de ne pas intervenir. C’est alors que sur le visage de son ancien collègue apparut une expression douloureuse. Si le forban n’avait pas dans sa poche une clapette à souris, il avait en revanche un jeune oisillon de gypaète barbu qui devait avoir cru voir en le bout du doigt de l’elfe devenu vampire un bout de viande pour le déjeuner. Ce dernier pouvait s’estimer heureux, s’il avait visé une autre poche, peut-être aurait-ce été les crochets de Nhäggini qui l’aurait accueilli.

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Peut-être avait-il fait une erreur en se jetant ainsi, tête la première, vers son ancien camarade de contrebande. Peut-être n’était-ce pas l’idée du siècle que de compter sur le pouvoir de l’amitié pour le sortir du pétrin. Peut-être même aurait-il dû interroger sa mémoire deux secondes de plus, dans une tentative pour poser les vraies questions, celles qui importaient, celles qui pouvaient faire la différence.
Des questions comme, par exemple : “est-ce que Nathaniel a les moyens de me briser en deux, comme un bout de bois sec, sur un malentendu ?”. Voilà qui était pertinent ! Désormais, avec le recul (et peut-être avec la poigne qui meurtrissait son petit poignet), Léon connaissait la réponse, revoyait les souvenirs qui auraient pu, auraient dû le mettre sur la piste. Nathaniel ne s’était jamais trop appuyé sur la magie, ou alors il l’avait bien caché. L’ancien Protégé croyait bien se rappeler, en revanche, que son camarade désormais pirate s’était toujours appuyé sur les capacités directes de son corps. S’il y avait quelque objet pour le moins massif à déplacer, il usait de ses bras. Si quelque obstacle se présentait à eux, il jouait de son agilité naturelle. Si quelque coeur se devait d’être conquis…

Bref ! Devant l’Unique et, pour une fois, devant la roue de la réincarnation également, Léon reconnaissait avoir fait une erreur. C’était dommage. Il avait bien aimé vivre, aurait bien aimé vivre un peu plus longtemps. Ce corps-ci n’était pas si mal, bien que le soin qu’il y apportât fut plus évident aux yeux d’Almara que de Glacern. Son âme elle-même n’était pas si horrible. Il n’avait pas tant à se plaindre ni de sa stupidité ni de ses humeurs. Il avait tout ce qu’il fallait pour expérimenter le monde, l’embrasser dans toute sa beauté, louer Néant pour son amour… Déjà, il avait emprunté ce chemin. Mais il était si tôt ! Il n’avait pas encore eu l’occasion de croiser ses semblables, Sélénia n’avait pas fini sa reconstruction, il n’avait pas encore eu l’occasion de se creuser sa place dans l’histoire. Il n’avait toujours pas revu sa soeur.

Alors il est vrai que, peut-être, l’espace d’un instant, l’observateur aguerri aurait pu voir dans le regard du larron quelque lueur non pas de peur, mais d’intense regret mêlé de nostalgie pour un temps qu’il ne connaîtrait jamais. Il avait beau être parfois fanfaron et souvent se donner l’air confiant, il n’en demeurait pas moins un être de chair, avec les doutes et craintes qui venaient intrinsèquement par cette faiblesse. Mais parce que même dans la mort les apparences importaient, ou parce qu’il ne devait son existence qu’à un stupide agglomérat d’optimisme, Léon effaça prestement cette lueur de ces yeux, pour mieux forcer un sourire sur ses traits tendus. Il pouvait survivre. Nathaniel était son ami, il allait se reprendre. Il était son ami, n’est-ce pas ? Par l’Unique, le gredin le considérait-il uniquement comme une vague connaissance du passé ? Lui vouait-il une haine jusqu’alors cachée par leurs communs objectifs ? Diantre. Mieux valait ne penser uniquement qu’à l’unique bonne réponse qui pouvait lui permettre de se sortir du pétrin.

Le doux son de son ancien nom aurait pu soulager ledit Lemuriel. Au lieu de cela, son sourire déjà forcé se tordit sous l’effet de la douleur. Il remua son poignet, du mieux qu’il le pouvait, ses doigts détendus dans un espoir stupide tant de retirer sa main que de faire comprendre qu’il ne souhaitait nullement de véritable trésor. Mais parce que cette communication-là était fort peu suffisante auprès des bipèdes, il chercha à argumenter, d’une voix joviale quoi qu’étrangement étranglée :

“- En personne ! Je vois que tu n’as toujours pas perdu les bonnes habitudes, ça fait plaisir à voir ! Cela doit t’être bien utile par ici, n’est-ce pas ?”

Un grand sourire qui dévoilait ses crocs, un discret clin d’oeil. Tout autre qu’eux pourrait imaginer qu’il faisait allusion à la criminalité en Sélénia. Tous deux savaient très bien que Nathaniel était aussi désiré ici que les espions auprès de la Couronne.

“- Ecoute ça me fait très plaisir de te revoir, en bonne santé, tout frais tout pimpant, mais est-ce que…”
Sa grimace s’accentua. “Est-ce que tu pourrais dire à ta poche de me lâcher, s’il-te-plait ? J’ai encore besoin de mes doigts ! Et bien sûr que non, je ne voulais pas vraiment te voler, mais comme tu peinais à me remarquer, j’ai employé les grands moyens !”

Et il l’avait, ce faisant, sous-estimé. Ou alors il avait sur-estimé le pouvoir de l’amitié et sa capacité à souffler à l’oreille des gens de ne pas forcément embrocher leurs assaillants sur une dague. Eh, peut-être avait-il échappé à pire, peut-être avait-il vraiment été sauvé par ledit pouvoir de l’amitié !

“- On pourrait aller… Prendre une bière ? Enfin, une bière pour toi, un verre de sang pour moi, et je te raconte tout ce qu’il s’est passé depuis la dernière fois qu’on s’est vus ?”

Il avait essayé de taire la douleur dans sa voix, pour mieux offrir sa bouille la plus charmante. Une tentative stupide : tous deux savaient qu’ici, le séducteur, c’était Nathaniel. Mais dans par stupidité, Léon espérait faire sourire son ancien collègue, et lui rappeler un fait certain : quiconque avait le malheur de les mettre tous deux dans une même puisse pouvait s’attendre à voir apparaître le dangereux fruit de l’amour entre l’espièglerie et l’illégalité. Tant que cela ne parvenait pas aux oreilles de Claudius - au vu de son allié, il y avait peu de chances que ce soit le cas -, Léon était partant pour apporter à ce monde un tout petit peu plus de chaos.
Si les Couronnes de Cendres avaient ce droit, au fond, pourquoi pas eux, qui l’avaient bien plus mérité !

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¤ Prit la main dans le sac II ¤

Si le sainur sombre n'avait jusqu'à présent pas décelé une présence ayant des intentions hostiles ou déviantes à son égard alors qu'il déambulait dans les rues de Sélénia, il sentit en revanche lorsqu'une main sournoise se glissa dans sa poche. Celui qui était alors parvenu à tromper ses sens fut repéré par ces derniers et la réaction du gredin ne tarda pas. Instinctivement, tant et si bien que ce geste trahissait allègrement une seconde nature, Nathaniel se saisit avec force du poignet de celui qui tentait de le larciner, tant pour le stopper dans sa manœuvre que pour l'empêcher de fuir maintenant qu'il venait de le prendre la main dans le sac.

On pourrait croire que le dragonnier prendrait ombrage d'un tel comportement, mais ce n'était pas totalement le cas. Certes il n'appréciait pas qu'on le vol ou qu'on tente de le faire, mais il pouvait en apprécier l'audace lorsque les compétences déployées pour y parvenir parvenaient presque à le tromper. Le ton du forban était bien sur impératif lorsqu'il s'adressa au voleur à voix basse pour ne pas alerter les passants autour de lui. Ce ton dévia toutefois à la surprise lorsque son regard se posa sur le visage du larcineur et qu'il le reconnut. Lemuriel. Il s'agissait d'un elfe qu'il avait connu il y a de cela quelques années, des années qui pourtant lui paraissaient des siècles au vu des évènements qui se sont déroulés. Cependant, Nathaniel nota rapidement que quelque chose clochait à mesure qu'il le scrutait un peu plus longuement. Quelque chose avait changé chez cette personne qu'il avait fréquentée durant les sombres années de la Théocratie et du Protectorat. Lorsque Lemuriel sourit, révélant ses crocs vampiriques, le gredin comprit ce qui avait changé chez lui.

« En personne ! Je vois que tu n’as toujours pas perdu les bonnes habitudes, ça fait plaisir à voir ! Cela doit t’être bien utile par ici, n’est-ce pas ? »

Malgré le ton jovial de cet ancien partenaire de contrebande, que le forban n'avait pas trahi contrairement à l'actuel empereur de ce pays, le sainur sombre décelait une douleur qui venait étrangler les cordes vocales de ce voleur à la chevelure d'ébène. Lorsque ce dernier finit par faire la grimace et avouer au détour d'une pirouette la source de ses maux, un sourire amusé éclaira les lèvres de l'Earendil qui réalisa à nouveau la situation.

« Ah oui, attends. »

Nathaniel libéra le poignet de Lemuriel, avant de glissa une main dans la poche de son manteau où se trouvait celle de Lemuriel, la caressant presque involontairement, pour venir se saisir de l'oisillon à l'intérieur et qu'il sortit. Le rapace en devenir pinçait dans son bec un des doigts du vampire et tirant dessus comme s'il s'agissait d'un vers.

« Je te présente Nardirren. Surtout, ne bouge pas. »

De son autre main, L'Earendil saisit une petite bourse à sa ceinture. Il l'ouvrit et sortit de cette dernière un petit morceau de viande. Rangeant la bourse, il sifflota et vint accoler le morceau de viande au bec de l'oisillon. Le petit gypaète barbu libéra alors Lemuriel de son emprise et avala goulument le morceau de viande. Puis, sans attendre, le sainur sombre reposa le rapace en devenir dans le fond de sa poche.

« C'est bien plus pratique qu'une tapette à souris. Même si j'espère qu'il fera bien plus à l'avenir. »

C'est alors que le vampire larcineur lui proposa un verre, afin de lui raconter ce qui lui était arrivé depuis le temps. Dans le même temps, l'un des gardes du corps du roi de la confrérie finit par se rapprocher des deux compères et de murmures à l'oreille du sainur sombre tout en jetant un regard mauvais à l'adresse de l'imprévu. Le pirate à la chevelure d'écume fit claquer sa langue contre son palais afin de réclamer le silence de son garde et reporta toute son attention sur Lemuriel.

« C'est avec plaisir que j'accepte de partager un verre avec toi. Cependant, je crains que cela ne doive attendre que je règle une petite affaire. »

L'Earendil passa son bras par-dessus l'épaule de celui qui ne lui avait jamais révélé son patronyme et l'invita, sans lui laisser le choix, à poursuivre sa route avec lui, se rendant en direction de sa destination.

« Détends-toi et fais comme si de rien n'était. Comme dans le temps où nous étions des contrebandiers. Nous sommes juste deux bons vieux amis qui ne se sont pas vus depuis très longtemps. Tu vas m'accompagner pour ma petite affaire. Comme ça je m'assurerais que le cru que tu boiras en ma compagnie soit le plus frais possible. »

Après plusieurs mètres en déambuler, le sainur et le vampire finirent par s'enfoncer dans quelques ruelles sombres et malodorantes.

« Tu es devenu encore plus discret que dans le temps où nous coopérions ensemble. Cela fait plaisir à voir. Mais tes mains sont toujours aussi peu habiles. Je pourrais peut-être les entrainer après mon affaire et notre verre. Ah, nous sommes arrivés. »

Un édifice semblable à une étroite maison à deux étages, collé à d'autres bâtiments du même style, se dressait face au forban et à son invité surpris. L'un des gardes les accompagnants, et qui avaient cessé de se fondre dans le décor depuis qu'ils avaient quitté les rues principales, se présenta à la porte et frappa avant de murmurer quelque chose. La porte du bâtiment s'ouvrit et le groupe s'y engouffra prestement avant que celle-ci ne se referme.

« Votre Majesté, ils sont tous là comme vous l'avez demandé. Nous avons suivi la procédure, ils ne sont au fait de rien. Des vêtements vous attendent dans la pièce d'à côté. Puis-je me permettre de demander qui est cette personne? Je ne la reconnais pas. »

L'homme, visiblement un roturier, à la voix peu assurée trahissant une légère inquiétude face au roi des pirates, jetait des regards en direction de Lemuriel.

« C'est une connaissance que j'ai invitée à assister au spectacle. Je vous demanderais de préparer deux verres et de sortir votre meilleur tonnelet de bière. Toute représentation nécessite des rafraichissements. »

Nathaniel, qui n'avait toujours pas lâché l'épaule de Lémuriel, l'invita à le suivre dans la pièce d'à côté qui avait été préparée pour le sainur sombre. Des vêtements lui appartenant étaient pendus là, ainsi que tout le nécessaire pour se faire une toilette. Refermant la porte derrière lui, l'Earendil libéra enfin le vampire de son emprise.

« En règle générale, mon public participe à mes représentations, tu seras une exception, Lemuriel. Il devrait y avoir des masques dans cette pièce. Je t'invite à les trouver et à t'en saisir d'un. J'ignore dans quelle combine tu trempes en ce moment, mais je peux t'assurer qu'il serait embêtant pour toi que l'on te reconnaisse. »

Tout en parlant, le sainur sombre vint faire voler ses vêtements de simple citoyen, se retrouvant très vites en braies. Puis, se penchant au-dessus d'une vasque remplie d'eau, il vint défaire sa coiffure, libérant sa chevelure d'écume, avant de nettoyer son visage. Lentement, l'Eärendil retira le maquillage qui dissimulait en partie les marques de naissances autour de ses yeux, ainsi que les très nombreuses cicatrices.

« Il n'y avait qu'une personne m'ayant côtoyé avec aussi peu de cicatrices sur le visage pour me reconnaitre. Malgré ta vampirisation, tu sembles avoir recouvré la mémoire, ou du moins en partie. »

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Sitôt que le rapace relâcha sa main, Léon la ramena prestement contre son torse, tel le précieux et unique outil de travail qu’elle représentait. Avec un regard où se mêlaient l’amour et l’inquiétude, il inspecta le doigt mordu. L’Unique soit loué - tout allait bien. Il ignorait si cela venait des propensions inhérentes aux vampires à se soigner, ou si l’oisillon avait causé plus de douleur que de réel mal, mais il n’allait ni questionner ni se plaindre. Ainsi, aussi étrange que cela pût paraître, la suite de la conversation se fit pour lui avec ses mains savamment cachées dans son dos.
Un sourire crispé répondit aux voeux de Nathaniel quant à la dangerosité de sa poche. Oui, très bonne idée, bien sûr ! Mais un véritable drame pour les honnêtes voleurs tels que Léon. Si chacun se mettait à protéger ses poches par de terribles prédateurs, qu’allait-il devenir ? Obligé d’attendre que les gens présentassent d’eux-mêmes leurs possessions les plus intéressantes ! A moins que Nathaniel n’évoquât plutôt une autre sorte de responsabilté pour Nardirren, ce qui lui aurait tout à fait convenu. Que l’oiseau de malheur aille donc manger les gens, et qu’il laisse les gentils kleptomanes mener leur vie !

Le garde dudit Nathaniel, sous couvert de camaraderie, se rapprocha. Léon releva immédiatement son regard de la poche de son ami. Simple réflexe ; il devinait que Nathaniel lui faisait assez confiance pour ne pas écouter les éventuels voeux de prudence de ses alliés. Pouvait-il en être autrement ? Léon n’avait-il pas une bouille des plus innocentes ? N’avait-il pas cet aura de petit être inoffensif ? Il l’avait eue jadis, en tout cas, quand Claudius s’était mis à lui faire outrageusement confiance. Mais n’avait-il pas eu raison ? Claudius était toujours en vie et Léon, dans un sens, le protégeait. Avait-il une double-aura ? Une aura louche ? Le brave Raudr ne pouvait déterminer cette information d’une simple question à une personne bien placée (qui donc l’aurait été, ses proches lui vouant une confiance d’un temps souvent lointain ?). Il devrait gruger auprès d’innocentes âmes par des actions bien déterminées… Un jour.

Léon se laissa entrainer, un bras autour de ses épaules, soudainement très conscient de leurs deux natures et de leur environnement. Un bref frisson traversa son échine. S’ils étaient reconnus ? Léon était le valet de Claudius. Il faisait de son mieux pour rester dans l’ombre y compris dans cet office, mais il n’était pas impossible qu’on le reconnaisse tout de même. Quid de Nathaniel ? Apparemment ce dernier s’était suffisamment bien grimé pour que seuls ceux qui le connurent jadis soient à même de le reconnaître. Un bon point. Pouvaient-ils avoir des ennemis qui apte à les identifier de concert, et mettre à mal les missions impériales de Léon ?
Cette question permit au Raudr d’écarter ses craintes. Dans ces conditions, il était peu probable que quoi que ce soit lui arrive. Au pire, il feindrait l’innocence, encore, prétendrait avoir vu un vieil ami sans savoir qu’il s’agissait là de la terreur des océans.

Le Lion était désormais bien proche de lui. Fouillant sa mémoire, Léon chercha à en extirper des souvenirs d’un temps où il n’était pas lui : Nathaniel avait-il toujours été aussi impressionnant ? Avait-il toujours émané de lui cette tangible sensation de puissance vouée au chaos et au drames assassins ? Difficile à dire, et maudite soit la capricieuse mémoire vampirique. Dans tous les cas, Léon se devait de reconnaître qu’il appréciait beaucoup la présence à ses côtés de l’Orque. Il y avait quelque chose d’entêtant et de fascinant en lui, en l’adrénaline qui venait à ses côtés. Eut-il eu le pied plus marin, Léon se serait peut-être aventuré à songer à le suivre, un jour.

“- Tu n’as pas vu mes mains dans toute leur nouvelle habilité. Mais je me ferais un plaisir de te prouver qu’elles n’ont guère besoin d’entrainement !”

Ceci dit, ils s’étaient arrêtés devant un bâtiment que Léon ne connaissait pas - et ce n’était pas faute de connaître des coins et recoins de Sélénia. Ce devait, dès lors, être le genre de milieux qui lui restait inconnu. Ce qui laissait la gastronomie, les sectes à base de soleil et les réseaux pédophiles. Léon espéra vivement que Nathaniel lui ait caché son amour pour la fine cuisine.

Puis il fut question de représentation. Une petite étincelle s’illumina dans le regard du mort-vivant. Théâtre ? Arts ? Voilà des vices qui étaient bien fabuleux ! Comment avait-on osé les lui cacher ? Et… Pourquoi les lui avoir cachés ? Son instinct de survie, paniqué mais tenu muet depuis plusieurs minutes, lui rappela qu’apparemment le public n’était pas averti dudit spectacle. Par ailleurs, il en était exclu, comme si cela était une sorte de protection. S’il était ravi d’un tel privilège, il ne suffisait pas à le rassurer pour autant. Il savait s’aventurer vers de l’inconnu au goût potentiellement âcre et métallique.
Mystérieux, douteux, périlleux… Donc captivait. Il se devait de voir cela de ses propres yeux. Peut-être regretterait-il amèrement et promettrait-il de ne jamais croiser la route du gredin. Peut-être se découvrirait-il quelque obscur penchant tenu muet face auquel il cèderait. Il n’y avait qu’un moyen de le savoir.

Léon se tourna vers les masques qui lui étaient proposés. Il s’en saisit de quelques-uns, les admira avec un petit sourire en coin. Il y avait une esthétique derrière ces petits objets qu’il appréciait beaucoup. Peut-être pouvait-il se mettre davantage à en porter ? Pour les missions un peu plus tendues, cela aurait un certain style. Ouais ! Il allait faire cela. La maison ne le savait pas encore, mais désormais, elle avait un masque en moins : celui que Léon coinçait sur son visage. Un demi-masque blanc, vaguement doré sur les bordures, dont les yeux en amande s’ornaient d’une larme dorée.

“- Allons, Nathaniel, tu sais que je ne trempe jamais dans des combines étranges. Que des missions très officielles, tout à fait dans le cadre de la loi !”

Sa voix était des plus amusées. Ç’aurait pu n’être, par ailleurs, qu’une simple plaisanterie, si cela n’avait pas été une information glissée en douce. Une information qui prenait plus ou moins de sens par la suite quand, adossé au premier mur venu, Léon expliqua :

”- J’ai eu le bon goût de retrouver un ami commun, après ma vampirisation. Il a eu le bon goût de m’entretenir sur les éléments qui comptaient pour moi jadis. Pour quelqu’un sans mémoire… Cela donne un minimum de compas, si tu vois ce que je veux dire !”

Un compas de navigation. Aldaron lui avait donné quelques éléments pour se construire, l’avait laissé décider de ce qu’il voulait faire de cette nouvelle existence. Léon avait été un nouveau-né des plus faciles à convaincre à sa cause. Il aurait rongé n’importe quel os qui lui donnait un semblant de consistance tout en lui permettant d’assouvir certains besoins qui frétillaient dans le bout de ses doigts.
Léon restait persuadé que Nathaniel ferait aisément le lien. Un ami commun capable de parler de Nathaniel, capable de l’aiguiller…. Et les missions officielles… Il avait précisément donné à son ancien camarade et actuel allié de quoi comprendre la nature exacte de son rôle en ces terres. Mais toute autre oreille inattentive pouvait ne pas saisir la nature de son propos.
Son regard traina sur le corps de Nathaniel. Les veinules qui serpentaient là, le relief élégant de muscles elfiques. Les immanquables cicatrices sur son visage - assez bien soignées pour ne pas être disgrâcieuses. Une grimace déconfite passa sur ses traits quand il se rappela que Nathaniel allait se rhabiller. Naal avait raison : les vêtements étaient parfois de véritables affronts. Il reprit néanmoins son habituel entrain en demandant :

”- Allez, tu ne veux pas me faire le cadeau d’au moins m’éclaircir sur la nature de ton public ? Que je sois au fait de mes propres rafraîchissements ! Ne t’en fais pas, je te laisse me surprendre sur tout le reste de ton art. Mais si jamais il te vient l’envie de me faire participer - à tes côtés, j’entends -, fais-moi un discret signe. Si je pense avoir bien saisi ton oeuvre, je ferai de mon mieux pour t’y accompagner. Sinon, tu n’auras pas à t’inquiéter, je resterai ton humble spectateur.”

Un sourire subtilement carnassier passa sur ses lèvres. Ils étaient alliés… Jusqu’où pouvaient-ils l’être ?

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¤ Violence ¤

Nathaniel ne put retenir un sourire lorsque Lémuriel lui annonça qu'il lui restait encore une partie de l'habilité de ses mains qui lui était dissimulée et que le vampire se ferait un plaisir de prouver au Sainnûr sombre qu'il ne manquait pas d'entrainement. Le gredin avait bien hâte qu'il lui montre cela, mais le travail passait avant le plaisir et un moment de détente ne serait pas pour lui déplaire, surtout que l'Eärendil serait dans tous ses états après la petite représentation qu'il comptait donner. Le roi incognito de la confrérie mena ses hommes et son ancien ami jusqu'au lieu de rendez-vous. Une fois à l'intérieur, Nathaniel donna quelques ordres puis partit se préparer en emportant Lémuriel avec lui, tout en lui intimant la consigne de se saisir d'un masque. Le forban forbe, après s'être dévêtu, endossa les vêtements qu'il portait traditionnellement et qu'il avait fait apporter au cœur de la capitale impériale par d'autres voies. Désormais, quiconque le croiserait n'aurait aucun doute sur sa véritable nature. D'une oreille, le pirate à la chevelure d'écume écoutait ce que le vampire avait à lui dire et son esprit n'eut guère de difficulté à deviner l'identité de l'ami commun qui était venu en aide au discret cleptomane. Ainsi Lémuriel travaillait pour Aldaron, l'Eärendil se demandait bien sûr quelle mission l'Elusis avait pu l'envoyer. Sans doute restait-il encore quelques richesses à Sélénia qui n'avaient pas été dépouillées par le maitre du marché noir. Le roi de la confrérie aurait presque pu être amer d'apprendre que l'on concurrençait l'une de ses activités.

« - Allez, tu ne veux pas me faire le cadeau d’au moins m’éclaircir sur la nature de ton public ? Que je sois au fait de mes propres rafraîchissements ! Ne t’en fais pas, je te laisse me surprendre sur tout le reste de ton art. Mais si jamais il te vient l’envie de me faire participer - à tes côtés, j’entends -, fais-moi un discret signe. Si je pense avoir bien saisi ton œuvre, je ferai de mon mieux pour t’y accompagner. Sinon, tu n’auras pas à t’inquiéter, je resterai ton humble spectateur. »

« Un indice? Très bien, je peux t'en donner un, mais tu vas très vite deviner alors. »

Le Sainnûr sombre s'approcha d'une deuxième caisse et se saisissant d'un pied-de-biche il vint l'ouvrir. Faisant tomber le couvercle et des morceaux de tissu noble, Nathaniel sortit du conteneur une arme de laquelle se dégageait une aura singulière et que le forban manipulait presque avec autant de douceur que l'on caresserait le corps d'une femme. Catherina, la masse à laquelle il avait donné le nom de sa mère kidnappeuse et adoptive trônait à présent entre ses mains. L'Eärendil fit quelques petits mouvements de moulinet avec cette dernière avant de venir la ranger à sa ceinture en jetant un petit regard en direction du vampire.

« Tu souhaitais faire la preuve de toute l'habilité de tes mains? Alors il se peut que j'ai besoin d'un assistant sur la fin. »

Le gredin se saisit d'un morceau de tissu qu'il y avait dans la caisse et le jeta en direction de Lémuriel.

« Tu pourras astiquer mon gourdin. »

La phrase était volontaire tendancieuse, mais il n'y avait pas d'interprétation possible. Par gourdin l'Eärendil faisait mention de Catherina et non d'autre chose. Se dirigeant ensuite vers le seul vêtement de civil qu'il avait pendu et non jeté au sol, le roi de la Confrérie sorti le fameux volatile ayant il y a peu pincé à l'aide de son bec le doigt du vampire. Le Sainnûr sombre le rangea dans l'une des poches de son manteau. Pendant cette manœuvre, un serpent sorti du vêtement en civil, venant se glisser sur l'un des bras de Nathaniel. La tête triangulaire du reptile se tourna en direction de l'individu inconnu avant de venir rejoindre une autre des poches du manteau du roi des forbans.

« Allez, Lémuriel, je ne dois pas faire attendre davantage mon public. Ils doivent trembler d'impatience en ce moment. »

Faisant signe au cleptomane de le suivre, Nathaniel quitta la pièce par la porte qu'il avait prise avant de suivre un long couloir. Au bout de celui-ci, l'un de ses hommes l'attendait. Le gredin à la chevelure d'écume s'arrêta devant puis se retourna face à Lémuriel.

« Quand nous serons à l'intérieur, gardes une chose à l'esprit : tu n'es pas mon public. Alors, essaye de ne pas trop t'inquiéter. »

L'ancien elfe se retourna et prit une profonde inspiration avant de poser sa main sur la poignée de la porte. En expirant, Nathaniel ouvrit lentement l'accès à la pièce suivante tout en libérant la puissance de ses esprits-liés de l'orque et du lion. Du forban une profonde aura de terreur se mit à se dégager, laquelle devint encore plus agressive à l'égard des hommes. De l'autre côté de la porte, six hommes noblement vêtus étaient à genoux avec les mains dans le dos. Tous portaient un sac sur la tête, sac qu'on leur retira quelques secondes avant l'entrée du roi de la confrérie. Tous exigeaient de savoir où ils étaient alors que des malfrats se tenaient aux coins et murs de la pièce. Certains, plus craintifs, commençaient déjà à formuler des offres qu'ils avaient déjà pu formuler lors de leurs enlèvements, tandis que d'autres, plus audacieux, invoquaient l'existence de relations haut placées. Ce n'est que lorsque la porte s'ouvrit dans un lent grincement et que l'atmosphère se mit à devenir plus lourde et dangereuse que le silence vint s'abattre dans la pièce. Bientôt seul le pas lourd du gredin se fit entendre alors que le visage des otages semblait se décomposer à mesure que se révélait l'Eärendil.

« C'est ... C'est impossible. Jamais nous n'avons pris de navire. »

« Moi ils ne m'ont baladé que quelques heures avant de m'enfermer ici depuis plusieurs jours. »

« Ce ne peut être qu'une illusion. »

L'Eärendil se mit à siffloter un air sinistre tout en avançant jusqu'à son public. Les malfrats aux quatre coins de la pièce firent de même, formant un chœur avec le souverain des mers. Le gredin alla rejoindre les otages avant de passer devant eux, puis derrière, serpentant entre chacun tel un serpent venimeux, pour finalement se planter devant ceux qu'il avait fait enlever. À nouveau, le silence vint s'abattre. Tout semblait chorégraphier, Nathaniel fit un geste de la main et les hommes les plus proches des fenêtres ouvrir les rideaux de la pièce, offrant la vue sur des fenêtres qui donnaient sur l'extérieur. On pouvait y voir une rue où de nombreux passants vagabondaient. L'Eärendil n'était pas inquiet d'être vu, les fenêtres avaient été enchantées, elles projetaient une fausse image de ce qui pouvait se trouver à l'intérieur.

« Messieurs! La Confrérie vous a, à tous, fait une offre que vous avez jugé bon de refuser. Vous êtes tous des propriétaires de plusieurs maisons closes et vos commerces sont florissants. Les actions du Cygne Dalis ont écarté l'influence de la Confrérie sur le proxénétisme dans cette partie de l'Empire et l'autorité de l'Empereur protège ses habitants. Et pourtant me voici, Nathaniel Eärendil, Roi de la Confrérie, attristé de devoir venir au sein de Sélénia l'Imbrulée. »

« Attendez j'accepte ... »

L'un des otages tenta de prendre la parole, mais se retrouva soudainement bloqué lorsqu'un sifflement se fit entendre. D'une des poches du manteau du forban dépassa la tête triangulaire d'un serpent qui se mit à glisser sur le corps de son maitre avant de rejoindre le sol, semblant grossir à mesure qu'il sortait du conteneur en tissu. Nhäggini rejoint le sol se mit à serpenter jusqu'à l'individu ayant parlé, venant faire siffler sa langue à son oreille. Tous les otages semblaient soudainement encore plus crisper que d'habitude. Leurs traits étaient tirés et leur corps parfaitement immobile. L'influence de l'esprit-lié du Serval était à l'œuvre, immobilisant leurs muscles suffisamment pour les empêcher de bouger et de parler. Nathaniel se pencha face au propriétaire de maisons closes qui venait de parler et lui tapota la joue.

« Ne t'a-t-on jamais appris à ne pas couper la parole ? »

Collant un doigt contre la joue de sa victime, une aiguille en ivoire de narval commença à en sortir, grandissant, s'étendant. L'aiguille vint percer la peau de l'homme, traversant sa joue, ressortant dans sa cavité buccale, pour transperçant à nouveau l'autre joue. Un mince filet de sang se mit à couler au sol sans que l'homme se puisse exprimer sa douleur ou même bouger. La blessure n'était pas grave, mais elle servirait de leçon. Le Sainnûr sombre se releva ensuite avant de poursuivre.

« L'offre de la Confrérie était pourtant généreuse. Vous aviez là l'occasion de rejoindre une grande famille, d'avoir sa protection. La contrepartie était pourtant ridicule. Puisque la première semblait ne pas vous satisfaire, je suis venu vous en faire une autre. »

L’Eärendil glissa lentement et presque sensuellement sa main sur le manche de Catherina qu'il saisit et présenta devant lui. L'atmosphère de la salle était lourde, empoisonnée par l'influence que les esprits-liés de Nathaniel déployaient en cette pièce. Cette influence ne devait de ne pas s'étendre à l'extérieur que par la maitrise du gredin qui la contenait. Le Sainnûr sombre présenta sa masse devant chacun des prisonniers, caressant presque leurs visages avec l'extrémité de cette dernière.

« Vous allez être placé sous la tutelle de la Confrérie. Tout ce qui vous appartient, appartient désormais à la Confrérie. Vos richesses, vos gens, vos commerces, vos vies ainsi que celle de ceux que vous aimez me reviennent. Vous allez travailler pour moi, vous exécuterez mes ordres. Vous ferez preuve de docilité. »

Après être arrivé au bout de la ligne, Nathaniel parti dans l'autre sens, continuant de les menacer avec Catherina.

« Nulle distance ne saurait vous tenir assez loin de moi. Nul obstacle ne saurait m'empêcher de vous atteindre. Nulle puissance ne se saurait vous protéger de moi. Vous vivrez le reste de vos vies misérables à ma merci, comme en cet instant. Mais il ne tiendra qu'à vous et à votre loyauté envers ma personne, de décider si cette dernière sera longue et agréable ou longue et douloureuse. Malheureusement, l'un de vous ne profitera pas de cette offre. »

L'Eärendil s'arrêta au milieu des prisonniers puis reprit son chemin en arrêtant sa masse devant le visage de chacun d'entre eux après chaque mot.

« Une poule sur un mur
Qui picore des pains durs
Picoti, Picota,
Lève la queue
Et puis s'en va. »


Le forban s'arrêta devant un des hommes et commença à lever sa masse avant de reprendre.

« Am, stram, gram,
Pic et pic et colégram,
Bour et bour et ratatam,
Am, stram, gram ; pic ! Cœur ! Dam. »


Une nouvelle fois le gredin finit par s'arrêter devant un des prisonniers et leva encore sa masse, mais poursuivit une ultime fois.

« Mais comme le roi
Ne le veut pas,
Ça sera toi ! »


Cette fois-ci, le gredin ne se figea pas devant le malheureux prisonnier face auquel il s'arrêta à la fin de sa comptine et donna un violent coup de masse sur le coin de la tête de celui-ci. La tête de l'humain se cogna contre le sol. Celui-ci se mit à trembler tout en relevant difficilement la tête. Sous le coup une partie de son crâne s'était enfoncé » et l'un des yeux était pratiquement sorti de son orbite.

« Ah! Regardez sa gueule à celui-là. Gardez-la bien en mémoire. »

Nathaniel mit un nouveau coup, puis encore un autre, puis encore un autre, ne s'arrêtant que lorsqu'il ne resta plus que de la bouillie du crâne de sa victime. Nhäggini avait libéré de son emprise les prisonniers, ces derniers tremblaient et sanglotant, tandis que certains s'étaient urinés dessus sous la pression. Haletant, le Sainnûr sombre finit par s'arrêter et se tourna vers Lémuriel, le sourire aux lèvres, tout en pointant du bout de sa masse la bouille de chair et de cervelle.

« Regardez-moi ce gros tas de merde. T'es-tu déjà demandé à quoi ça ressemblait un crâne brisé et écrabouillé? »

Le forban ricana puis gueula qu'on lui apporte les chopes et qu'il avait demandé. L'un des malfrats accourut en sa direction et l'Eärendil vint en saisir une. Venant se pencher sur le cadavre, il leva le bras de ce dernier, lui trancha le poignet et fit couler le sang dans la chope. Une fois plein, le gredin à la chevelure d'écume se redressa.

« Qu'on me débarrasse d'eux et qu'on nettoie tout ce bordel. »

Nathaniel s'approcha de Lémuriel et lui tendit la chope pleine de sang. Il lui présenta également l'extrémité de Catherina recouverte elle aussi de sang et de morceaux de cervelle.

« Tu as toujours le tissu que je t'ai donné? »

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