17 novembre 1764

Longtemps je me suis demandée se que pourrait bien devenir ma vie en dehors de murs clos. En dehors d’une vie ou l’angoisse était maître de mes actes. Je me souviens d’un temps où mon inconscient s’obligeait à imaginer toujours le pire. Comme si, plus aucune lueur, même la plus petite des bougies, ne pouvait amener un peu de chaleur dans cet avenir qui me faisait si peur. À ne pas savoir où l’on va, on se dit qu’il ne peut exister que plus nuisible encore. Quel brin de folie faut-il à une personne pour se relever devant pareille faille ?

J’aimerai, je sais que cela peut paraître fou, mais j’aimerai de temps en temps, revenir sur des pas du passé. Même des moments que je hais au plus profond de moi, simplement pour ressentir de nouveau la force nécessaire obtenue pour les surmonter. Je suis comme cette encre qui coule et s’imprègne des fils du papier. Il y a cette petite chose qui donne à l’oiseau chanteur, une douce mélancolie.


Les grattements d’une plume sur le papier narguait le silence au milieu de la nuit. L’encre noire dessinait des courbes aux mille et une danses tandis que les ombres d’une lumière se mouvaient dans l’air de la petite tente.

Car l’essence même d’un espoir et de comprendre qu’il faut parfois chuter au plus bas pour accéder au sommet. C’est un …

-Soupir-

Reynagane Shäa, Purohit Rakshak, Celle qui parle aux Étoiles. La Gardienne du Baôli se retrouvait dans cette même tente qu’à son retour dans la Légion il y a plusieurs mois de cela. De son nouveau statut, la graärh avait été formelle. Elle resterait loger dans ce petit coin qui était devenue le sien en ces terres. Quoiqu’en dise Jh’eena et son caractère farouche.

Un sourire en coin apparaît sur ses babines en se remémorant ses récentes retrouvailles. Reynagane s’adossa au siège en posant sa plume dans son encrier. Malgré l’hiver venant sur Caladon, la brise sur Néthéril était chaude même au plus sombre de la nuit. Portant une griffe à son collier autour de son cou, la graärh ne trouverait pas le sommeil. Pas depuis qu’elle l’avait entraperçut. Pas depuis qu’elle avait osé se souvenir. Oser se rappeler qu’il y avait eu un avant aux cales des bateaux et aux dénigrements des siens. Elle s’était dit qu’en poursuivant son écriture, le sommeil viendrait et l’engloutirait avec ses tourments, mais hélas, les voix du passé la rongeait de plus en plus.

Sans tenir compte des mises en gardes d’Archaon, la graärh se décida à se lever enfin. Elle savait pertinemment que se qu’elle était en train de faire était une erreur mais ses pattes agissaient dorénavant toutes seules. Emballant quelques tranches de stymphalis séchés tout allant chercher de quoi pouvoir boire ainsi que ses papiers et son carnet de voyage, Reynagane se saisit en dernier de sa boussole. L’aiguille ne mit pas longtemps à s’arrêter vers l’est et les savanes aux alentours de la Légion. Resserrant un peu plus son emprise sur celle-ci, Reynagane boucla ses sacoches et se saisit d’un bâton offert par un Géant Blanc. La graärh jeta un dernier regard dans sa petit tente et claqua des doigts pour éteindre la bille lumineuse de cette Trame dont elle enrichissait chaque jour son maniement. Le noir l’enveloppa. Mais que pour un bref instant.

Reynagane quitta sa tente et les douces lumières des ruelles vides l’entourèrent. D’un pas mesuré, elle se dirigea presque inconsciemment jusqu’à la demeure de Nyana. Restant planté dans la rue pendant plusieurs longues minutes, Reynagane porta sa capuche sur sa tête et s’éloigna de la maisonnée. Les grandes portes de la cité lui apparurent peu de temps après. S’éclipsant sous des regards de Shikaree un peu endormis, la féline quitta le sentier principal après quelques minutes. Il lui faudrait au moins trois bonnes heures de marche avant d’arriver là ou tout avait commencé. Là ou elle avait vécu avant son enlèvement. Avant même la grande guerre. À l’aube, peut-être, elle aurait plongé dans les abysses de sa tribu de naissance. Un passé déchiré ou seul le mot chaos pourrait résonner.

Partie I