Novembre, après la catastrophe de Cordont
Lorsqu’il avait appris la nouvelle, son cœur avait sauté du haut d’une falaise, s’était fait pousser des ailes, avait tourbillonné trois fois dans les airs avant de bien vouloir redescendre gentiment. Pendant un bref instant, il avait pensé que c’était lui qui faisait une attaque cette fois, que son cœur, ce vile palpitant, s’était subitement remit à battre pour s’arrêter l’instant d’après. La douleur violente lui avait tourné la tête, puis avait déversée dans ses veines une colère sourde et une angoisse corrosive. On avait beau lui dire qu’Aldaron était en vie, cela ne lui retirait nullement son inquiétude, et instinctivement, il su devoir partir immédiatement, peu importe si les autres étaient prêts. Tout au fond, peut-être y avait-il également un peu de vexation à n’avoir pas été contacté et demandé directement. En particulier après tout ce qu’ils avaient pu échanger. Défait temporairement de son rôle de protecteur, le vampire avait passé presque tout son temps à s’entraîner et à chercher dans les tréfonds de son esprit où se trouvait le blocage l’empêchant de rejoindre les sommets qui, un jour, avaient été les siens. Et s’il y passait tant de temps, s’il se coupait des autres, c’était uniquement pour pouvoir veiller Aldaron plus efficacement, lui être plus utile… et bien sûr, parce qu’il aimait la magie par-dessus presque tout le reste. Il voulait le garder sauf… quoi qu’il arrive. L’idée même qu’il puisse être blessé le révulsait viscéralement, griffes d’horreur lui labourant les entrailles. Il le faisait pour lui. Alors… pourquoi est-ce qu’il n’avait pas su cela autrement ? Pourquoi est-ce qu’il n’avait pas été là tout simplement ?! La fureur froide qui lui palpitait le long de la colonne vertébrale comme une liane corruptrice le poussait en avant, obscurcissant les coins de sa vision, emplissant sa bouche de fiel.
Il devait partir, rapidement. Le retrouver. C’était son unique but pour le moment et tout le reste pâlissait en comparaison. Son esprit galopait d’idée en idée. Par terre, le voyage serait trop long, mieux valait trouver un navire pouvant appareiller promptement, un bâtiment léger, pas un de ces énormes monstres militaires trop gourmands en logistique de bord. Ses pas finirent par le faire déboucher dans le port, son regard porteur de la fièvre indigo bondissant d’une coque à l’autre, à la recherche d’un navire pouvant convenir. Puis, subitement, il en trouva un, et s’approcha du maître de quai pour demander le nom de son capitaine. Pas un instant il n’eut de doutes sur le besoin en monnaie sonnante et trébuchante. Plusieurs conseillers voulaient également se déplacer, dont sa petite humaine. Il n’aurait pas grand mal à l’attraper et à la fourrer à bord avec lui. Et si ce n’était pas elle, s’en serait un autre. Ces culs douillets ne seraient que trop ravis qu’on ait apprêté un carrosse pour eux, et lui s’en moquait royalement. Néanmoins, le nom du capitaine en question trouva un écho à ses souvenirs : Artane Nordan. N’était-ce pas le clown qu’Aldaron avait accepté comme gendre quelques semaines plus tôt ? Si, il lui semblait bien avoir entendu de loin la conversation houleuse au sujet de la main de la petite protégée du Bourgmestre. Aldaron ne l’appréciait pas trop. Mais il n’avait pas envie de lui faire la peau non plus, donc lui s’en fichait bien. Ils réglaient leurs problèmes entre eux et lui voulait bien considérer l’humain comme une personne de qualité, au moins temporairement, s’il parvenait à régler son souci. Avec cela à l’esprit, Ivanyr essaya donc de savoir si le capitaine était à bord, uniquement pour s’entendre dire que ce n’était pas le cas.
Il était néanmoins forcément en ville, alors soit il tentait de le trouver, soit il attendait sur place, au risque de perdre encore du temps et de rester plus longtemps loin de son saumon d’elfe. Autrement dit, c’était inacceptable. Dans la précipitation, il manqua oublier qu’il avait déjà entendu le cœur de l’autre, ce jour-là pendant qu’il montait la garde, invisible dans un coin, à l’extérieur du bâtiment, pendant qu’eux tous discutaient et se décochaient des courtoisies à l’intérieur. Il pouvait donc le retrouver. La magie le lui permettait, et ce serait une bonne occasion de se défouler. Utilisant le chemin du cœur, il retrouva le marin, sans grande surprise, sur le retour après avoir quitté sa douce. Plutôt que de le rejoindre, il s’arrêta à mi-chemin, le guettant depuis une ruelle, vérifiant qu’il se dirigeait toujours vers lui de temps en temps. L’autre avait le pas certainement plus vif que lui. Lorsque la mélodie de sa vie commença à être naturellement audible, Ivanyr se fit plus attentif, et enfin, lorsqu’Artane passa devant la ruelle où il se tapissait, il le ramena vers lui d’une poigne magique, laissant la pénombre de l’enclave engloutir sa victime et la recevant juste devant lui, lui plantant les prunelles dans les siennes. Un bref instant, il l’observa de pieds en cape, puis se fendit d’un sourire crochu et rompit le silence d’une voix sucrée « Bonjour Capitaine. Je suis véritablement ravi de vous voir sachez-le. Vous êtes l’homme de la situation. Vous n’aviez en tête aucune destination prochaine pour votre bâtiment n’est-ce pas ? » Avec une œillade étincelante, il ajouta : « Je pense que ça vous fera même gagner des points auprès de votre cher beau-papa… » Et si vraiment l’humain pouvait l’aider, et consentait à le souffrir pendant ce voyage, il ne serait pas rosse et ferait réellement en sorte de glisser quelques bons mots à l’oreille pointue d’Aldaron Triade.
« Votre douce amie vous a mis au courant des récents évènements de Cordont ou bien suis-je tenus de vous en faire le récit ? » Maintenant qu’il l’avait entre ses griffes, il voulait bien jouer les bons d’esprits et ravaler un peu son angoisse pour arriver à ses fins. Tout, encore une fois, pour le rejoindre. Mais c’était couru d’avance, il allait lui en faire baver lorsqu’il l’aurait enfin retrouvé.
Il devait partir, rapidement. Le retrouver. C’était son unique but pour le moment et tout le reste pâlissait en comparaison. Son esprit galopait d’idée en idée. Par terre, le voyage serait trop long, mieux valait trouver un navire pouvant appareiller promptement, un bâtiment léger, pas un de ces énormes monstres militaires trop gourmands en logistique de bord. Ses pas finirent par le faire déboucher dans le port, son regard porteur de la fièvre indigo bondissant d’une coque à l’autre, à la recherche d’un navire pouvant convenir. Puis, subitement, il en trouva un, et s’approcha du maître de quai pour demander le nom de son capitaine. Pas un instant il n’eut de doutes sur le besoin en monnaie sonnante et trébuchante. Plusieurs conseillers voulaient également se déplacer, dont sa petite humaine. Il n’aurait pas grand mal à l’attraper et à la fourrer à bord avec lui. Et si ce n’était pas elle, s’en serait un autre. Ces culs douillets ne seraient que trop ravis qu’on ait apprêté un carrosse pour eux, et lui s’en moquait royalement. Néanmoins, le nom du capitaine en question trouva un écho à ses souvenirs : Artane Nordan. N’était-ce pas le clown qu’Aldaron avait accepté comme gendre quelques semaines plus tôt ? Si, il lui semblait bien avoir entendu de loin la conversation houleuse au sujet de la main de la petite protégée du Bourgmestre. Aldaron ne l’appréciait pas trop. Mais il n’avait pas envie de lui faire la peau non plus, donc lui s’en fichait bien. Ils réglaient leurs problèmes entre eux et lui voulait bien considérer l’humain comme une personne de qualité, au moins temporairement, s’il parvenait à régler son souci. Avec cela à l’esprit, Ivanyr essaya donc de savoir si le capitaine était à bord, uniquement pour s’entendre dire que ce n’était pas le cas.
Il était néanmoins forcément en ville, alors soit il tentait de le trouver, soit il attendait sur place, au risque de perdre encore du temps et de rester plus longtemps loin de son saumon d’elfe. Autrement dit, c’était inacceptable. Dans la précipitation, il manqua oublier qu’il avait déjà entendu le cœur de l’autre, ce jour-là pendant qu’il montait la garde, invisible dans un coin, à l’extérieur du bâtiment, pendant qu’eux tous discutaient et se décochaient des courtoisies à l’intérieur. Il pouvait donc le retrouver. La magie le lui permettait, et ce serait une bonne occasion de se défouler. Utilisant le chemin du cœur, il retrouva le marin, sans grande surprise, sur le retour après avoir quitté sa douce. Plutôt que de le rejoindre, il s’arrêta à mi-chemin, le guettant depuis une ruelle, vérifiant qu’il se dirigeait toujours vers lui de temps en temps. L’autre avait le pas certainement plus vif que lui. Lorsque la mélodie de sa vie commença à être naturellement audible, Ivanyr se fit plus attentif, et enfin, lorsqu’Artane passa devant la ruelle où il se tapissait, il le ramena vers lui d’une poigne magique, laissant la pénombre de l’enclave engloutir sa victime et la recevant juste devant lui, lui plantant les prunelles dans les siennes. Un bref instant, il l’observa de pieds en cape, puis se fendit d’un sourire crochu et rompit le silence d’une voix sucrée « Bonjour Capitaine. Je suis véritablement ravi de vous voir sachez-le. Vous êtes l’homme de la situation. Vous n’aviez en tête aucune destination prochaine pour votre bâtiment n’est-ce pas ? » Avec une œillade étincelante, il ajouta : « Je pense que ça vous fera même gagner des points auprès de votre cher beau-papa… » Et si vraiment l’humain pouvait l’aider, et consentait à le souffrir pendant ce voyage, il ne serait pas rosse et ferait réellement en sorte de glisser quelques bons mots à l’oreille pointue d’Aldaron Triade.
« Votre douce amie vous a mis au courant des récents évènements de Cordont ou bien suis-je tenus de vous en faire le récit ? » Maintenant qu’il l’avait entre ses griffes, il voulait bien jouer les bons d’esprits et ravaler un peu son angoisse pour arriver à ses fins. Tout, encore une fois, pour le rejoindre. Mais c’était couru d’avance, il allait lui en faire baver lorsqu’il l’aurait enfin retrouvé.