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descriptionMon présent [Achroma] EmptyMon présent [Achroma]

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    L’automne naissant d'octobre portait, à Caladon, son aube brumeuse et son crépuscule saisissant, frais comme une parure annonciatrice de l'hiver à venir. Cela lui donnait envie de retrouver Delimar. Depuis combien de temps n'avait-il pas vu ses confrères ? Depuis le traité, en vérité. Il regrettait amèrement combien son poste le clouait dans la Cité Libre de Caladon sans pouvoir parcourir le monde librement et retrouver ceux qui lui étaient chers. Ainsi était-ce l'objet de sa discussion avec l'un de ses conseillers alors qu'il faisait le chemin du retour jusque chez lui, Ivanyr pour gardien. Il était sujet de se rendre dans la cité alliée après le congrès qui se tiendrait à Cordont. Par la mer, le voyage serait rapide et il n'irait donc pas physiquement au mariage d'Orfraie et de Luna. Il lui faudrait user du sort qu'il avait appris pour se matérialiser auprès des deux dragonnières, et fêter l'événement quelques heures avant de revenir dans son corps réel, resté à Delimar. Par moment, l'elfe jetait quelques regards en coin sur le vampire. D'ordinaire, il ne faisait guère attention à sa garde. Dans le cas de cet homme, tout était différent. Bien qu'il soit discret, il ne doutait pas que le principal intéressé ait senti ses prunelles d'émeraude bifurquer sur lui, quelques fois.

    Sur le pas de sa porte, le conseiller prit congés avec la promesse qu'ils organiseraient ce voyage qui semblait tant tenir à cœur au Bourgmestre. Ses fonctions étaient suffisamment prenantes pour qu'il s'octroie ce charmant plaisir et puis... officiellement, ce serait pour renforcer leurs liens avec l'Océanique. Il leva les yeux vers le maître-mage, jusqu'à capter son regard, l'agripper par le sien. Depuis combien de temps n'avaient-ils pas eu de discussion sérieuse ? Deux ou trois semaines, sûrement. Depuis leur rapprochement et leur éloignement sur la plage. Son éloignement, songea-t-il amèrement, car c'était Aldaron qui avait réclamé cette trêve, le temps de remettre ses idées en place. Il glissa sa main dans la sienne pour l’entraîner à l'intérieur de chez lui. Ils avaient continué à se côtoyer, à bavarder, de temps à autres. La proximité, qu'ils avaient eue, avait, en revanche, été remplacée par une réserve de circonstances. Cela ne les avait pas empêchés de se découvrir, un tant soit peu. Moins intimement, c'était certain. Finalement, c'était peut-être tout aussi important. L'elfe avait appris à avoir à nouveau Achroma régulièrement dans son champ de vision sans en être brutalement perturbé. Il l'avait accepté, dans son entourage, et ses souvenirs de l'Aîné étaient repoussés. Ils ne revenaient pas l'étouffer, ainsi pouvait-il plus aisément savourer la présence d'Ivanyr et d'Ivanyr seulement.

    Il fit signe à ses domestiques qu'il n'avait pas besoin d'eux et porta la main d'Ivanyr, qu'il tenait dans la sienne, à ses lèvres pour y déposer un baiser puis à sa joue, pour en sentir le contact glacial contre sa peau. « Tu me manques. » souffla-t-il. Il n'aurait probablement pas pu briser la glace plus brutalement, s'il l'avait voulu. L'aveu avait fusé, criant de sincérité. A qui la faute si ce n'était lui-même ? Il le savait bien, ça ne l'empêchait pas de ressentir ce tiraillement qui lui faisait découvrir à quel point il était incomplet. Il chercha son regard, du sien : « Restes-tu avec moi ce soir ? » proposa-t-il et sa voix trahissait une fermeté à la fois sérieuse et authentique : « Je voudrais qu'on discute de... Nous. » Y avait-il seulement un 'nous' ? « Enfin, si tu le veux, aussi. Je te remercie de m'avoir laissé le temps de digérer tout ce qui s'était passé, d'un seul coup et... » Il prit sa deuxième main, également, pour commencer à marcher à reculons et l’entraîner vers le salon, où un feu crépitait dans la cheminée, comme pour le pousser à accepter de rester, si son cœur hésitait encore. « Viens. »

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Ce qui était de plus en plus certain, c’était qu’il n’appréciait pas cette ville. Caladon était… elle ne lui convenait pas, pour de très nombreuses raisons, certaines logiques, d’autres tenant simplement de l’affect. La neige lui manquait beaucoup, de même que les sublimes montagnes de Nyn-Tiamat. Le chant du vent lui-même n’était pas le même et il charriait souvent des relents désagréables, typiques des grandes villes. Et qu’est-ce qu’elle était bruyante ! Il n’en avait pas plus l’habitude, la cacophonie était parfois presque indescriptible et souvent désagréable. Fort heureusement, la mer rattrapait un peu tout cela. Elle était belle, et en sortant de la ville, on pouvait descendre avec précaution des falaises pour s’en approcher et profiter d’embruns purs, et du grondement profond qui charriait des histoires venues d’horizons lointains. En fermant les yeux, il pouvait presque imaginer les entendre, laissant son esprit suivre les murmures comme des contes ou des souvenirs… Quand il ne s’occupait pas d’assurer la sécurité d’Aldaron et qu’il ne passait pas du temps avec Purnendu ou Autone, il s’installait sur un rocher et se laissait simplement porter. Il emplissait ses oreilles et son nez de l’empreinte de la mer, la gardait sur sa peau. Il l’aimait énormément, chaque jour un peu plus, un peu plus profondément. Sa vision et sa musique allégeaient son cœur d’un lourd poids. De plus, il avait aperçu à plusieurs reprises une forme jusque là presque inconnue de lui… une nouvelle vision, celle d’une femme de haute taille, en armure légère blanche et bleue, son flanc orné d’une épée longue et fine débordante de magie. Elle avait de longs cheveux souples, légèrement bouclés, et un sourire maternel qui l’amadouait. Seul son regard était triste, infiniment doux.

Il avait d’ailleurs la ferme intention de la revoir, ce soir-là, après avoir ramené l’elfe chez lui et s’être fait relever. L’esprit ailleurs, le vampire nota bien vaguement un coup d’œil ou deux de son ‘employeur’ mais il n’en fit pas grand cas, et resta complètement sourd à leur discussion, à lui et à son conseiller. Il faillit même ne pas remarquer qu’ils étaient arrivés à destination et cilla légèrement en se recentrant sur l’instant présent. Alors que le conseiller prenait congé, Ivanyr soupira, et posa son regard sur celui de l’elfe, neutre, dans l’attente d’une dernière demande ou de l’autorisation de partir. C’était que la femme l’intriguait vraiment ! Et puis l’autre n’était certainement pas à un jour près pour quoi que ce soit, il l’avait à lui toute la journée ! Mais l’autre ne disait rien. Bon… et bien il y allait alors ? A l’instant où il allait s’écarter et le saluer, l’autre lui attraper la main. Aurait-il eu des oreilles de chien qu’il les aurait couchés. Mais quoi encore ? Le sentant l’entraîner vers l’avant, il rechigna, méfiant, et ne consentit finalement à bouger qu’à contre-cœur. Il voulait discuter ? En général ils faisaient ça plutôt en journée, quand Aldaron prenait une pause. La dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés comme ça de nuit ne s’était franchement pas très bien passé et il n’était pas partant pour retenter l’expérience. Silencieux, il laissa pourtant la porte se refermer derrière lui en attendant de savoir ce dont il s’agissait. L’appréhension alliée à l’enfermement vinrent serrer sa gorge, et il esquissa brièvement le geste de retirer sa main de la sienne lorsqu’un domestique s’approcha de l’elfe pour demander s’il pouvait aider.

Fort heureusement, Aldaron le renvoya, lui et les autres. Un point pour l’elfe, il voulait bien le lui admettre. La suite le ramena à sa méfiance et il l’observa d’un œil tiède, peu enclin à se laisser amadouer sur cette pente-là. Aux remerciements, il esquissa un haussement d’épaule et y perdit sa seconde main. « Je ne… » Un regard vers la porte. Elle était proche, elle lui tendait les bras tel un messie illuminé… avec un soupire, il se retourna vers l’elfe et le suivit, s’installant dans le coin le plus éloigné des flammes. Il étudia l’âtre et la pièce un bref instant avant de revenir au maitre des lieux. « De quoi est-ce que tu veux parler ? » Il se retrouvait à mi-chemin entre l’incompréhension ennuyée et la curiosité. Lui n’avait rien de plus à dire, alors à moins que son vis-à-vis n’ait reçue une illumination, tout risquait de tourner court. Pour autant, il n’y était pas opposé, simplement interrogateur, et perplexe. « Je t’avouerais que je n’ai pas grand-chose à dire, de mon côté… Je ne sais pas trop ce que tu attends… de cette discussion ou de moi d’ailleurs » Et c’était parfaitement sincère, cela représentait complètement ce qu’il pensait, maintenant que la colère était passée. Lui avait une position claire et nette, alors il espérait quelque peu que Aldaron lui annonce la sienne. « Alors ? Dis-moi… » Il essayait d’être aussi calme et doux que possible, pour éviter de lui hurler dessus de nouveau. Jusque-là, le pauvre ne méritait pas ça.

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    L'elfe pinça sa langue entre ses dents tandis qu'Ivanyr regardait la porte avant de le suivre. Son cœur se serrait : l'autre voulait-il à ce point partir ? N'appréciait-il déjà plus sa présence ou bien était-ce simplement le fait d'être enfermé ? Il se sentit mal à l'aise à l'idée de le contraindre à supporter sa présence et il manqua de le relâcher pour le laisser partir. Cela noua sa gorge, et il ne sut pas même quoi répondre aux questions du vampire. Pourtant, il avait su, quelques minutes plus tôt, mais ce sentiment d'être en train de l'indisposer avait chassé toutes ses pensées pour focaliser son esprit sur le mal être qu'il traversait. Le silence qui revint, dès lors, entre eux, ne fit qu'enfoncer le clou sur son malaise tandis qu'il défaisait sa cape pour le poser sur le dossier d'un fauteuil. Plus il attendait, et plus il devenait difficile de le briser. Il chercha son regard, pour s'y accrocher et se lancer, mais trop peu, avant de détourner lui-même ses yeux, pour l'avoir capté. Ça non plus, il n'y arrivait pas. Sentir que l'autre avait probablement mieux à faire ailleurs lui étreignait le cœur de cette crainte viscérale de ne jamais pouvoir lui donner suffisamment pour le faire... Rester. Il n'avait pas envie de se lancer dans un océan d'eau froide et il se fustigeait de ne pas avoir été capable de le garder près de lui quand il l'avait fallu. Il avait dû le refroidir, et pas qu'un peu.

    « Tu me fais trembler... » souffla-t-il, jaugeant qu'il s'agissait sûrement de l'expression la plus appropriée : « D'une émotion que je ne connais pas et qui... » Rah s'il buttait à chaque mot, ça n'allait vraiment pas le faire ! Pourquoi fallait-il que ce soit si difficile ? « M'étreint avec une singularité que j'ai du mal à comprendre tant elle est impulsive et... Vive. Et je n'aime pas cela, ne pas comprendre parce que... Parce que la dernière fois que j'ai laissé mon instinct me guider, lorsque je lui ai laissé toute liberté, je serrais, dans ma main, des cheveux crasseux, pour claquer la tête de leur propriétaire contre la roche de Morneflamme. Le tuer. Parce que mon instinct me disait que c'était lui ou moi. Alors... » Enfin, il relevait ses prunelles émeraudes dans celle d'Ivanyr, y cherchant cette fois, une véritable ancre à laquelle s'agripper. « Quand mon instinct me dit de t'embrasser, j'ai encore du mal à faire la part des choses et de me laisser juste porter. J'ai peur de le faire pour des motivations malsaines. J'ai peur de me servir de toi pour combler le manque laissé par cet homme qui te ressemblait. J'ai peur de l'aimer, lui, à travers toi et je... Trouvais cela malhonnête. Je ne supportais pas cette idée. Celle de ne plus être maître de moi-même et d’œuvrer à ta destruction pour me satisfaire. »

    Sa voix se fit plus lointaine : « Tu ne mérites pas cela et c'est justement parce que je pensais cela que je me suis dit que ce n'était pas une peur égoïste. Qu'il y avait aussi, dans mon instinct, cette volonté de t'inclure dans ce tout que je défends corps et âme. De te préserver, te garder indemne loin de... » Il secoua la tête de gauche à droite pour chasser ses pensées. L'autre avait-il côtoyé la monstruosité humaine dans son éclat le plus pur ? L'avait-il seulement senti battre dans ses veines comme un sang morbide et cruel qui ravageait tout sur son passage ? Achroma aurait compris. Mais l'homme face à lui ne pourrait qu'imaginer et effleurer les contours de ce qui le hantait viscéralement. Il exécrait cette monstruosité. Chez les autres. Mais encore plus en lui-même. Les yeux baissés, il tâchait de se recentrer. « Tu m'as ouvert les yeux sur... La façon dont je me suis construit après Morneflamme. Cette manière que j'ai de m'enchaîner, me museler, garder le contrôle sur tout... Et pas seulement dans la manière stupide par laquelle j'ai coupé court à notre union, l'autre soir. Il n'y a rien que je fasse en ce monde par simple plaisir et je... Ne suis pas bien certain d'avoir quitté Morneflamme, en définitive. Je suis resté là-bas. Si je t'ai trop blessé pour que tu me reviennes, à nouveau, j'aurai au moins gagné le droit d'y voir plus clair. »

    Il avait passé ses longs cheveux blancs par-dessus l'une de ses épaules, tandis qu'il parlait, pour dégager sa nuque à un soupçon de fraîcheur. Il lissait ses pointes, plus pour s'occuper nerveusement les mains que pour un quelconque aspect utile. « J'ai fait à nouveau mon deuil d'Achroma, ces dernières semaines. J'avais besoin de l'éloigner pour... être certain que c'était toi qui me mettait dans cet état. Et c'est le cas. » Il inspira l'air pour apaiser l'angoisse qui rendait ses mains moites. « Tu me manques. » réitéra-t-il avant de relever son regard troublé : « Je n'arrive pas à me contenter de nos conversations distantes. T'avoir à mes côtés, professionnellement, ne comble pas le vide de ton absence. J'ai rêvé de toi. » Il eut un sourire en songeant que les rêves avaient fait partie de leur dernière discussion avant le fracas. « Plusieurs fois. Et je n'arrive pas à me dire qu'il me faille arrêter parce que j'ai peur. Je veux te rêver encore, mais pas seulement. Je veux te vivre. » Il dévia le regard, la peur revenant le ronger maintenant qu'il s'était ouvert. « Ivanyr... Est-ce que... Est-ce que je t'ai blessé de manière irréparable ? » Ou les morceaux pouvaient-il encore... Se recoller ?

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Et il attendait, patientant là bras croisés, avec une perplexité croissante, ne sachant pas trop ce qui perturbait autant l'elfe.Et ses premiers mots ne firent finalement rien pour l'apaiser. Le vampire fronça les sourcils, ne comprenant pas bien ce qu'on venait de lui dire. Trembler ? Il lui donnait froid ? La suite clarifia les choses, mais ne lui donna pas pour autant matière à se réjouir. Ivanyr resta silencieux tout du long de ses aveux, ne se prononçant pas, mais ne faisant également rien pour l'arrêter ou couper court à leur entrevue. En réalité, il se contentait simplement d'attendre que l'elfe s'épanche jusqu'au bout, y trouvant également son compte puisqu'il se donnait ainsi du temps pour essayer de comprendre et se forger une opinion entièrement définie de ce qu'il pouvait recueillir par ses confessions. Puis, à la dernière question, sa première réaction fut un long soupire qui lui vida entièrement les poumons. Ses prunelles couleur d'oasis se posèrent paisiblement dans les siennes, et il prit son temps avant de finalement répondre « Non ». Non, il n'était pas blessé de manière irréparable, pour reprendre les termes même d'Aldaron. L'idée était même un soupçon ridicule à ses yeux, maintenant, après coup et après plusieurs semaines, mais il pouvait essayer de comprendre pourquoi l'elfe le vivait ainsi. « Non. J'étais très en colère sur le moment et les jours suivants mais je ne le suis plus. C'est très désagréable et vexant, ce genre de choses, mais ça me surprendrait que qui que ce soit en soit mort » Est-ce qu'il devait prendre son discours comme une déclaration à son égard alors ? Possiblement, s'il ne cherchait pas plus loin que ce qu'il affirmait, et il lui devait bien cette confiance-là non ?

« Tu peux arrêter de trembler, je pense ? » Il frissonnait vraiment, l'idiot. Dommage qu'il ne puisse lui apporter, physiquement en tout cas, qu'un froid supplémentaire avec sa condition de vampire. Son regard le quitta, dévia sur la pièce, repéra deux fauteuils et il s'approcha pour le faire s'installer dans l'un d'eux, prenant naturellement le second. Adossé pleinement, il croisa les jambes et s’octroya la liberté de l'observer un moment, se demandant toujours comment lui répondre plus avant après tout ce qu'il avait entendu. « C'est… ton cœur qui te pousse en avant, et ton cerveau qui te tire en arrière » Aldaron disait avoir peur d'aimer Achroma en le voyant, mais à aucun moment, dans ce qu'il avait entendu et apprit, il ne lui avait semblé, à lui, que ce qui reliaient ces deux êtres était de l'amour. Bien entendu, il ne pouvait pas certifier comme une vérité absolue qu'il aimait l'elfe lui-même ou que Aldaron l'aimait. Il ne se serait pas permit, et surtout il ne savait réellement, profondément, pas si c'était de cela qu'il s'agissait. C'était une hypothèse plausible, oui, et il n'en avait aucune autre à formuler, mais il gardait la porte ouverte, sans rejeter ce qu'on lui tendait. « Tu as raison, quand tu dis que tu n'as pas quitté Morneflamme. Du moins je le pense. Tu y as laissé une partie de toi et tu es relié à ce passé. Il te hante comme mes visions me hantent moi » Expirant, il eut un léger haussement d'épaule de dérision « C'est du moins mon avis. J'ai fini par arriver à une conclusion, à propos de ces visions. C'est toi qui me l'a suggéré lorsque nous avons discuté la première fois. Elles essayent de me faire passer un message. Et je pense qu'elles disparaîtront quand j'aurais compris ce message. Tu te trouves sans doute devant une problématique similaire. Il te faudrait dénouer ce qui te retient à ton passé »

Cela n’avait rien d’une science exacte, et lui n’était pas particulièrement doué pour jauger la psychologie d’un individu, l’autre devrait le prendre comme il le voulait bien. « Dans l’hypothèse où j’aurais raison, sache que je ne pense pas que te museler soit la bonne solution. En tout cas, pas comme tu le fais à l’heure actuelle. Te couper de tout simplement par peur, ça n’est pas sain » Réunissant les bras, il tâcha de trouver les mots adéquats pour enrober ses pensées, ce qui n’était si aisé, surtout dans un cas pareil. Surtout sans rien ressentir de semblable. « Ne pas trouver de plaisir, avoir peur de chaque impulsion… ce n’est pas vivre, tu dois bien en avoir conscience, non ? Tu survie, et encore est-ce beaucoup dire » Le vampire s’apprêtait à poursuivre, mais se ravisa, et retomba un moment dans le silence, perplexe. Il comprenait un peu, de façon intellectuelle, ce qu’il vivait, et il ne voulait pas le blesser, ce n’était pas du tout son objectif. Pourtant, il sentait le besoin de poser certaines choses, ne voulant pas se retrouver prit au collet par des non-dits. « Personnellement, je… je n’aime pas cette idée. J’ai l’impression que tu troques une prison pour une autre et que tu efface ta personnalité… Je ne dis pas que tout ce que tu dissimules est bon, mais ça reste toi… rejeter ce que tu es est nocif, il faut accepter… parce qu’en acceptant, tu peux ensuite changer » Tout comme l’elfe un peu plus tôt, il se mit à s’occuper les mains, à défaut de réussir à les reposer confortablement. « Qu’en dis-tu ? Je suis prêt à t’aider, si tu veux bien de moi à tes côtés… Je peux essayer de te sortir de ton passé… et toi, de mes visions. Ensemble, ce sera plus simple… »

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    La réponse mit du temps à lui venir mais elle vint et, sans qu'il ne parvienne à les contrôler, ses épaules descendirent d'un cran, par soulagement. Il s'était donc crispé, dans l'expectative, tant l'instant lui semblait fragile et important. Maintenant que le verdict était tombé, il se sentait un peu mieux, certain de ne pas lui avoir laissé une plaie délicate dans la psyché. Il eut un sourire en coin, bon joueur lorsqu'on lui demanda de cesser de trembler, renâclant brièvement pour faire retomber la tension qu'il s’imposait par... Quoi ? Ses sentiments ? Il semblait bien. Il s'installa dans l'assise de son fauteuil, sans le lâcher vraiment du regard, cherchant, dans leur surface bleutée cette présence qui le séduisait tant. Son nouveau silence ne le dérangea pas, il avait largement de quoi occuper sa pensée et lorsqu'il s'exprima, son attention était déjà toute naturellement tournée vers lui. Il buvait ses paroles et en détaillait la signification. Et plus que le sens des mots eux-mêmes, il découvrait, face à lui, un homme mu par des sentiments et doté d'une capacité de réflexion, d'une prise de recul qui forgeait des opinions, des idées, des hypothèses solides. Il ressentait cette force qu'il avait à repenser à ce qu'on lui avait dit, à ce qui s'était produit, pour en tirer les conclusions les plus justes possibles. Ou du moins les plus vraisemblables. Dans sa façon d'analyser ce qui l'entourait, il était loin d'être un sot sans éducation. Quelque part, cela faisait écho à son propre fonctionnement, celui par lequel il s'interrogeait pour comprendre le monde et se comprendre lui-même. C'était cette intelligence-là qui brillait dans le fond de ses prunelles, une intelligence situationnelle, capable d’appréhender ce qui l'entourait pour s'orienter vers ce qui était bon pour lui et pour son avenir.... Ainsi que celui de ceux qui l'entouraient. « Ton hypothèse me semble cohérente. » souffla-t-il pensivement.

    Ses mots le touchaient, sa volonté de l'accompagner dans les difficultés que l'elfe rencontrait, alors que lui-même combattait ses propres chimères, était bienvenue. Aldaron n'avait pensé qu'à subvenir aux besoins du vampire quitte à taire les siens les temps qu'il s'épanouisse. Ivanyr, lui, n'avait pas la sottise d'oublier d'être égoïste, sans pour autant le délaisser. Cela devenait un échange et le bourgmestre s'en trouvait intimement ému par le geste. Il aurait voulu lui sauter dessus pour l'embrasser, le remercier. C'était ce que son cœur lui réclamait mais son esprit le retenait d'agir si brusquement. Son regard émeraude se chargeait de remerciements, à défaut de baisers, et ses lèvres s'étiraient dans un sourire tendre et reconnaissant. Il avait cessé de triturer ses cheveux, absorbé par le sentiment qui l'envahissait et qui noyait ses pensées d'un bien-être qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps : le plaisir. Sa présence, ses mots, sa volonté lui dressaient les poils sur sa peau. Un frisson le parcourait et remontait le long de sa colonne vertébrale, jusque dans la nuque. « Oui, je te veux à mes côtés... » souffla-t-il alors que ses yeux s'étaient posés sur le dos de sa propre main, sur l'accoudoir, dont les poils clairs et fin s'étaient discrètement hérissés. « Et je serai aux tiens. » Il portait à nouveau ses prunelles sur lui, cette fois avec un intensité sentimentale et charismatique redoutables. Elles étaient vivantes, comme l'émeraude n'en avait pas été depuis quelques années déjà. Il entrevoyait cet avenir, il avait envie de croire qu'il parviendrait à s'extirper de ce marasme tout en emportant avec lui Ivanyr loin de ses cauchemars. Ce qu'il y avait dans les yeux de l'elfe, c'était de la foi. Une croyance fervente dont il avait cruellement manqué jusqu'alors et à laquelle il avait envie de donner sa chance. Pour une fois qu'il en avait une si belle occasion.

    Sa respiration se faisait plus longue et plus profonde. Plus chaude aussi de tout ce qui remuait en lui. « Merci. » Il s'appuya sur ses accoudoirs pour se lever, marcher vers la cheminée, les bras croisés, tentant vainement de retenir l'émotion qui croissait en lui, bouillonnant à petit feu. Lui faisant dos, il laissa ses yeux se perdre dans la contemplation des flammes qui dansaient dans l'âtre. Il déglutit et focalisait sa concentration. « Est-ce que... tu me vois toujours en vision ? » demanda-t-il : « M'as-tu vu depuis la dernière fois que nous... Enfin, que nous avons discuté ? Et est-ce que cette vision a changé ou bien... Disparu ? » Il doutait que le message ait été capté, concernant cette vision. Ils en étaient restés sur un inachevé. « Et est-ce que tu... As jeté un œil sur le livre que je t'ai remis ? » demanda-t-il, réalisant qu'il parlait plus vite pour combler un éventuel silence. Il lissait à nouveau ses cheveux : « J'avais... j'avais marqué une page, je ne sais pas si... Si c'est.. C'est... » Pourquoi pensait-il à cette histoire d'inséparables maintenant ? Il se retournait vers lui, les lèvres entrouvertes sur ce qu'il essayait de dire, comme pris entre deux feux. Ses prunelles le dévoraient du regard alors que le silence retombait. Il s'apaisait, accroché à ces yeux céladons. Ses lèvres se refermaient et ses épaules descendaient lentement, lui offrant une posture régalienne dont il se serait bien passé tant il n'était maître de rien du tout en l'instant. Il vint finalement vers lui, d'un pas hésitant, pour se faire une place assise, sur ses jambes. Il posa une main sur son torse, en appui pour s'approcher, et son visage s'arrêta à quelques centimètres du sien, comme pour lui confier son intention et lui laisser le droit de refuser. Il entrouvrait ses lèvres et cueillait les siennes, glacées, pour un baiser duquel il reculait, sans s'éloigner vraiment. Ses yeux luisaient d'un éclat plein d'affection alors que son souffle, profond et chaud, mourrait sur sa peau. De la foi. C'était toujours ce qu'il y avait dans son expression. Il avait envie de croire en eux. « C'est ça que mon cœur me dit de faire, Ivanyr. »

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L’acceptation de sa pensée fut accueillie d’un simple et sobre hochement de tête. Bien, si cela correspondait aussi au ressentit direct d’Aldaron, alors sans doute n’était-ce pas si idiot que cela. Il faudrait donc travailler à partir de cette base, pour imaginer un moyen de l’aider efficacement, et le vampire laissa son esprit commencer à chercher intuitivement des idées sans qu’il ne le garde en laisse. Conscient également que l’autre l’observait toujours, Ivanyr releva les yeux pour esquisser un léger sourire dans lequel la taquinerie était de retour. Il entendait le petit cœur qui frémissait, et le voyait se détendre, et déjà, il anticipait la suite sans trop de mal, absorbant la tendresse qu’il voyait se refléter dans ses prunelles comme la chaleur d’un soleil printanier et qui venait dénouer quelque chose en son propre corps, une tension qu’il n’avait pas appréhendé jusqu’à présent. Dire qu’il préférait le voir avec un regard tel que celui-ci était peu dire, son moral s’en remontait en flèche, et son irritabilité s’apaisait, comme un baume passé sur une désagréable piqûre. Ses mots achevèrent toute trace d’adversité et il sentit son cœur se pincer douloureusement, comme si, pendant un instant, il se remettait à battre. Ce n’était pas une promesse faite à la légère, ni une acceptation naïve, tous deux comprenaient la profondeur de ce qu’ils affirmaient au-delà des mots humbles qui portaient leurs idées. Le vampire cilla, goûtant l’émotion qui le baignait avec la prudence d’un homme découvrant l’été pour la première fois, se laissant porter, flotter, dans cet instant intemporel dans lequel il se sentait connecté à l’autre intimement, spirituellement et affectueusement.

Son regard rencontra le sien, et malgré toute sa détermination, toute sa volonté, Ivanyr se trouva soudainement à se noyer dans leur vert irréel. Mais sans doute n’aurait-il pas voulu résister de toute façon. La lueur qui dansait, là, face à lui, était époustouflante de vivacité et de chaleur, et il réprima un bref frisson à l’idée qu’il n’en découlait qu’un nom : la vie. En cet instant, il le sentait vraiment vivant et se traitait d’imbécile à l’idée de s’être fourvoyé aussi pleinement précédemment. Mais cela lui apportait également un profond sentiment de victoire, que de le voir ainsi, satisfait, pleinement, à la fois de le voir s’accrocher, et d’en être l’instigateur. La méfiance et la défiance n’étaient pas de mise, en l’instant, Aldaron n’était-il pas venu le voir de lui-même ? Sans qu’il l’y pousse, et pour parler de cela, pour lui laisser la porte ouverte ? « Hm… » Il haussa les épaules, aux remerciements, ne voyant pas l’utilité d’y répondre réellement. Malgré son triomphe, il ne jubilait pas et n’en tirait aucune gloire réelle, ce n’était pas un prix dans une foire ou une fête, pas un morceau de viande à gagner dans une curée… Le suivant du regard, tandis que l’elfe venait se tenir face à la cheminée, Ivanyr resta pourtant parfaitement silencieux, coi en l’observant, détaillant sa silhouette détourée par les flammes comme une apparition, sa chevelure ornée de lambeaux ignés. Fixement, il le mirait, tant et tant que l’image s’incrustait dans sa rétine, alors que la flamme lui brûlait les prunelles. Un simple soupir troubla le silence un bref instant, s’échappant de ses lèvres, alors même qu’il se passait de répondre à ses interrogations, trop absorbé dans le bien-être ambiant.

Pourtant, son approche le surpris, le fit finalement ciller, le troublant alors qu’il décroisait les jambes pour le laisser s’asseoir dessus. Leurs lèvres se touchèrent, apposant sa chaleur sur lui, et il releva le nez vers lui, un léger sourire aux lèvres. Admiratif, il étudia en silence ces yeux qui scintillaient, puis il éleva une main pour venir lui caresser légèrement la joue, lentement, du dos des doigts, avant de dévier vers sa gorge, puis sa nuque, qu’il vint masser un bref instant. « Est-ce que tu en as encore peur ? » La question lui frôlait les lèvres, et il fit mine de l’embrasser de nouveau avant de détourner légèrement la tête, venant lui ceindre le corps d’un bras, et vint enfouir le nez dans son cou, les mèches blanches lui tombant sur le visage. Son second bras vint à son tour l’entourer et il le pressa fermement contre lui en émettant un petit son de contentement. Restant à savourer le contact, il ne répondit que bien plus tard, à moitié somnolent : « Oui, j’ai lu le livre que tu m’as prêté et j’ai vu la page que tu avais marquée » Il vint reposer sa joue contre son épaule, jouant avec les mèches dans son dos, rechignant à le faire reculer et à perdre sa chaleur sur sa peau glacée. Elle était plus agréable que celle des flammes, beaucoup plus agréable. « Tu penses que nous serions des liés de l’Inséparable. Peut-être, cela expliquerait ce qui nous pousse l’un vers l’autre et pourquoi nous nous sentions mal » Ses doigts remontèrent le long de sa colonne, et il le serra de nouveau, relevant les yeux vers son visage pour l’observer en coin. « Je ne savais pas vraiment qu’un humain, un elfe ou un vampire pouvait avoir un esprit lié. Je pensais que les Graarh étaient les seuls, mais… ils décrivaient la cérémonie de lien dans l’ouvrage, il suffirait d’essayer n’est-ce pas ? Si vraiment c’est notre esprit, alors il répondra »

L’impression douillette émoussait son aspect farouche, et il contemplait pensivement l’hypothèse avant qu’il ne se souvienne qu’il n’avait pas répondu à l’une de ses questions. Ayant proposé d’avoir son aide à ce sujet, il se secoua donc pour rectifier : « Je t’ai vu, là, tout à l’heure… avant que tu n’approches. Etrange d’ailleurs, la vision en double. Il a disparu, que ce soit toi ou non, je ne sens plus sa présence ni son poids » Avec un sourire, il se redressa et lui mordilla le cou affectueusement « Je te préfères là où tu es présentement de toute façon, si c’était toi…et je peux te toucher au moins, et sentir ta chaleur… et tu n’as plus l’air aussi malheureux » Soupirant de nouveau, il frotta son nez contre la courbure de sa gorge en un geste affectueux. Lentement, une réalisation commença à lui venir, qui s’égrenait lentement, paisible mais inéluctable, et qui lui serra un instant la gorge. Cette fois, il se redressa totalement et vint lui chasser une mèche du front, l’observant avec gravité, caressant les orbes verts avec un plaisir non feint, mais teinté en l’instant de regrets. « Aldaron… ? » Soupirant, il déglutit, cherchant ses mots, pesant le besoin de lui dire ce qu’il savait et qui, sans lui peser, restait un bagage dont il se serait passé. « Peut-être que tu as raison… peut-être bien que j’ai une connexion avec Achroma. Je n’ai toujours pas l’impression d’avoir été lui, mais nous avons peut-être bien un lien, lui et moi » Lui faisant baisser un peu la tête, il appuyé son front contre le sien en un geste de connivence. « Il ne t’aimait pas Aldaron… Tu lui étais cher, mais il ne t’aimait pas. C’est pour ça qu’il ne pouvait pas rester avec toi. Parce que… le poids qu’il portait, sa douleur et sa fatigue, c’était trop. Je ne sais même pas s’il aurait suffi qu’il t’aime pour rester. Tu l’as dis, la dernière fois, il était très vieux… et son esprit était resté fondamentalement humain. Aucun humain n’est fait pour durer aussi longtemps »

Il déglutit de nouveau, sentant une tristesse poignante l’envahir. « Tu comprends, il… il t’aurait traîné vers le fond, de toute façon, s’il était resté » Le vampire lui prit le visage entre les mains, caressant ses pommettes de la pulpe des pouces. Gauchement, il tenta de sourire. « Mais… mais moi je ne suis pas comme ça… même si je devais hériter de son passé, je me sens capable de le supporter, je… je t’aime moi. Tu sais, son dernier souhait, lorsque tu l’as brûlé, c’était que tu sois heureux… peut-être, alors que… enfin que c’est pour ça qu’on est liés toi et moi ? Parce que je suis là pour exaucer ce souhait… »

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    La main sur sa joue lui fit pencher légèrement la tête sur le côté de celle-ci, comme pour en renforcer le touché glacé contre sa peau, dans un geste plein de tendresse et d'attachement. Ses yeux se fermaient à moitié, pour savourer plus encore le contact et ne s'ouvrirent pleinement que lorsqu'Ivanyr abandonna sa joue pour sa gorge puis sa nuque dégagée de ses cheveux, en douce négation. Il sentait la communion qui le liait à lui, à son regard, à son être comme l'ivresse d'un vin exquis. Il secoua la tête de gauche à droite. S'il avait peur ? Non, plus le moins du monde et l'étourdissement sentimental qui le saisissait avait tôt fait de dissiper ses doutes. Il y croyait et s'il y croyait, il n'avait pas peur. Un sourire naissant fit apparaître l'éclat ivoirin de ses dents et il se laissait porter dans l'étreinte solide, s'y lovant confortablement. Il s’agrippait à ses vêtements pour somnoler là, paisiblement. Il ne comptait ni les secondes, ni les minutes tant il avait l'intense impression d'être transporté hors du temps, hors de sa souffrance, loin des pertes d'être chers, loin de Morneflamme. Tout ce poids n'avait plus la moindre importance et cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi léger. Un peu comme jadis lorsqu'il était enfant, avant que la cangue des responsabilités ne lui tombe dessus avec la grossesse de sa promise. Ses ennuis avaient commencé là, en vérité. Lorsqu'il avait été sorti trop brusquement de l'enfance, de son innocence volage, et qu'il avait dû quitter son peuple à défaut de parvenir à combler leurs attentes. Il avait erré dans un monde d'humains éphémères, s'attachant à leur essence sans en oublier qu'il serait lui, toujours vivant lorsqu'ils mourraient. Il avait toujours trouvé que ses heures les plus heureuses étaient celles passées à Gloria, mais avec le recul qu'il avait maintenant, il se doutait bien qu'il ne s'était agi d'un bonheur factice pour camoufler, d'un lourd rideau, un spectacle moins reluisant : celui d'une solitude comme une plaie de plus en plus béante, année après année, siècle après siècle. Cela s'était formé si progressivement, dans le temps, qu'il n'avait pas senti le couteau s'enfoncer dans sa chair, jusqu'à ce que ses mouvements s'en trouvent de plus en plus entravés.

    Mais là... Avec cet éternel être qu'était Ivanyr, ne pouvait-il pas enfin fonder quelque chose ? S'y projeter pleinement ? Et si les choses fonctionnaient à merveille entre eux... Probablement finirait-il par lui demander de le mordre pour faire de lui, également, un immortel à ses côtés. Dans un siècle ou deux... Avant que ses forces ne déclinent avec l'âge. Avant de lui imposer sa perte. Le son de sa voix le fit sortir de ses pensées et il eut un sourire en coin en voyant à quel point il s'était déjà projeté loin avec lui. C'était à la fois effrayant et grisant. Il attendit d'entendre le fond de ses pensées sur le sujet, sans oublier de se délecter de chaque caresse, de chaque étreinte. Il laissait sa tête tomber mollement sur le côté, les paupières closes, dans un mouvement lent qui détendait, pas à pas, sa gorge. Il lui offrait en toute confiance, sans aucune autre pensée que le plaisir que sa proximité lui procurait. L'idée lui traversa l'esprit que de se faire passer pour plus malheureux qu'il n'était afin de lui réclamer plus encore d'étreintes et de caresses, joueur qu'il était. Mais lorsqu'Ivanyr se redressa et qu'Aldaron rouvrit les yeux, il croisa ce regard plein de gravité, son sourire se fana lentement. Il n'était pas spécialement triste ou refroidi, mais il sentait qu'il y avait quelque chose qui trottait dans la tête du vampire. La patience le fit attendre qu'il s'exprime, ne voulant pas le brusquer ou précipiter le flot de ses paroles. Il colla son front au sien et les premiers mots lui glacèrent le sang jusqu'à la moelle, par leur violence soudaine. Il le savait, qu'Achroma ne l'aimait pas. Il l'avait toujours su, mais le désespoir de Morneflamme avait accroché en lui des fantasmes pour l'aider à pallier le désir morbide de mettre fin à ses jours. Cela avait été une ancre, factice et merveilleuse, couverte d'une pénible désillusion lorsqu'il ne parvint pas à suffire à l'Aîné, pour rester à ses côtés. L'entendre si fermement, si affirmativement, l'ébranla lourdement, laissant entrer en lui le froid terrible de la douleur. Il s'était construit sur des ruines et Ivanyr venait raser tout ça sans la moindre délicatesse. Il se sentait s'effondrer, psychologiquement, et, le visage entre ses mains, il tentait de s'accrocher à ses yeux pour ne pas tomber.

    Il s'apprêtait à lever une main pour la poser sur les lèvres du vampire, pour lui imposer, ou bien lui supplier, le silence, tant cela lui faisait mal. Il s'était mis à trembler lourdement, d'un seul coup, et tout aussi net, cela cessa, laissant sa main, à mi-chemin, prête à aller taire ces mots. Mais ceux qui venaient d'être prononcés le stabilisaient. L'aimer ? Il l'aimait ? Après l'avoir défait de ses ruines, il avait aussitôt remis des piliers solides pour éviter à sa structure psychique de s'écrouler. Il avait tranché un douloureux membre gangrené, qui pourrissait en lui puisqu'Aldaron en niait, jusqu'alors, l'existence. Et il l'avait remplacé pour combler le vide et le manque. Au terme, l'elfe posa finalement sa main sur ses lèvres, pour l'arrêter. Il lui fallut quelques secondes pour digérer et réduire la détresse palpable qui se lisait si ouvertement dans ses yeux. Il lui avait fait faire un saut dans le vide, avant de le rattraper et il en était tout chamboulé. « Non... » souffla-t-il, encore un peu perdu mais toutefois certain de cette négation qu'il affirmait : « Tu n'es là que pour exaucer le vœu de personne d'autre que toi. Ou nous. Mais certainement pas celui d'Achroma. Il y avait un lien, entre lui et moi, mais tu l'as dit toi-même, ça n'était pas de l'amour. C'était du désespoir. » Voilà, cela avait un nom. C'était celui-là et il l'avait toujours su sans parvenir à l'exprimer. Comme s'il l'avait occulté soigneusement, par instinct de survie. « S'il t'avait légué quoique ce soit, dans tes souvenirs... ou visions... Ça aurait été ça. Du désespoir. Rien d'autre. Et les Dieux... » Il secouait doucement la tête de gauche à droite. « Sont morts. Il n'y a aucune intervention céleste, aucun destin, aucun vœu exaucé pour de pieuses prières, aussi sincères soient-elles. Tout ça, c'est de la foutaise. Il n'y a rien au-dessus de nous pour... Décider de ça. De nous. Même les esprits... S’ils l’ont entendu, lui, moi, ou toi... De nous venir en aide... Même les esprits ne le peuvent pas. Les liés Inséparables... » Ses lèvres s'étiraient dans un sourire triste : « Ils ne peuvent tomber amoureux de quelqu'un d'autre que leur lié. Cela ne signifie pas qu’ils doivent tomber amoureux l'un de l'autre, ni qu'ils le seront forcément. Les Esprits n'ont pas le pouvoir de cela. » Sa main glissa de ses lèvres pour caresser délicatement sa joue. « C'est une malédiction, si elle est la nôtre et si nous l'acceptons. C'est une malédiction. » conclut-il, formel et là avait été tout l'objet de sa crainte. Ils pouvaient ne pas s'aimer et ne subir que la solitude éternelle.

    Ce totem était une horreur.... Ou un rêve éveillé : « Ce sont nos choix, nos vœux qui peuvent rendre cela absolument merveilleux et... Magique. Cela ne dépend de rien ni personne d'autre que nous. » Il reposa son front contre le sien et ferma les yeux pour déglutir : « D'accord ? » Il se calmait lentement, s'extirpait de sa torpeur. Il avait l'impression que son corps chauffait davantage pour compenser la froideur du vampire. Le contact de ses lèvres contre les siennes en relevait le contraste et rendait la fusion plus percutante, lorsqu'il l'embrassa de nouveau, mêlant tendresse et passion. « Et je... Je le savais, qu'Achroma ne m'aimait pas. Je crois que... J'avais juste besoin de croire le contraire pour... Tenir. Il aimait son fils vampirique, Eliowir. Qui l'a trahi. Beaucoup nous ont trahi lors du règne du Tyran Blanc. La femme aux cheveux rouges dont tu m'as parlé, qui... Implore le pardon d'Achroma, aussi. Vanaël. Il y avait bien plus que nous deux et je... Je ne voulais juste pas être seul... » Il déglutit et releva ses prunelles dans les siennes : « Mais je l'ai toujours été. Aussi loin que remonte ma mémoire. » Il avait donné aux autres. Même aujourd'hui, il cumulait les protégés, principalement humains, se nourrissant de l'affection éphémère qu'ils pouvaient lui offrir sans parvenir à s'en rassasier. Aussi merveilleuses que pouvaient être les personnes telles qu'Autone ou Eleonnora : elles n'étaient qu'une part si infime de sa vie, hélas, l'enfermant dans sa solitude.

    « J'aimerais construire quelque chose de solide... Pour une fois. » Il inspira pour pousser un soupir. Son cœur se calmait seulement de l'instant précédent. Son visage s'éclairait doucement d'un sourire encore timide : « Pour l'esprit-lié, je pensais... Je pensais que tu en avais déjà un autre ou bien... Que ta solitude malheureuse t’eût déjà conduit vers l'Inséparable de ton propre chef et que tu ne me le disais pas. J'ai... J'ai déjà un esprit-lié. Celui du saumon. » Cela semblait une évidence dans son discours : « Mais il arrive que certaines personnes en aient plusieurs. Comme les graärhs. Alors... Quand tu... Le sentiras, on pourra... Essayer ensemble ? » Il haussa les épaules : « J'ai... Je n'ai pas eu envie de tester dans mon coin. En fait... Je ne voulais pas... Ce n'est pas le genre d'esprit-lié qu'on appelle seul... A moins de vouloir souffrir d'un lien tronqué et j'ai.. J'ai eu amplement ma dose dans ce domaine. » L'affection sans retour : il connaissait. Et plus d'une fois.

descriptionMon présent [Achroma] EmptyRe: Mon présent [Achroma]

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Il se laissa bâillonner sans l’écarter, attendant, lui-même encore secoué de ses propres découvertes. Secoué, mais non répugné ni outré. Il observait les souvenirs qui lui étaient soudainement venu avec détachement, comme au travers d’un filtre gris qui atténuait couleurs et sentiments. Lorsqu’il avait affirmé qu’il aurait la force de porter le passé de cet être qui lui ressemblait, il ne l’avait pas fait naïvement, ou stupidement, sous une quelconque forme bravache de courage ou de folie. C’était vrai, preuve en était, il ne se laissait pas envahir par ce qui se dégageait, lointain, de ces fragments d’un passé étranger. Cela lui faisait du bien, de le découvrir, et plus encore de trouver un sens à ce qu’il vivait depuis plusieurs années. Ces créatures qui peuplaient son esprit avaient sans doute réellement un message à lui faire passer, et il devait être important… Revenant à l’instant présent, il se trouva sensiblement peiné de la façon dont l’elfe prenait les choses. Il ne niait pas le désespoir latent qu’il avait lui aussi sentit, mais il avait aussi eu en lui l’espoir final du vampire quand son âme était partie, il ne l’imaginait pas, c’était concret, réel… N’y avait-il pas un moyen pour le faire ressentir à Aldaron ? Pour qu’il n’en garde pas uniquement de mauvais souvenirs et un goût amer sur la langue ? Bien qu’il détestât l’idée qu’on le prenne pour Achroma, ça ne voulait pas dire qu’il voulait que son souvenir change pour l’elfe pour autant, il voulait juste… chasser ce qui n’était pas bon. Or c’était exactement ce qu’il avait l’impression de faire, ternir son souvenir. Mais en fin de compte, même si ça le gênait, Aldaron était plus important et surtout ? Il était vivant, lui.

Puis, à force de l’écouter, Ivanyr se mit à sourire, sous les doigts qui le réduisait au silence, et même après. A la fin, il émit un petit son d’amusement et vint l’embrasser longuement, le rapprochant encore davantage et l’englobant dans son étreinte en se serrant autours de lui, venant, une fois ses lèvres relâchées, à s’enfouir contre son cou pour étouffer un léger rire. Quand il fut capable de faire autre chose que de le serrer contre lui, aussi fort que le flot inconditionnel d’affection qui le noyait de sa chaleur, il soupira et ronronna son prénom avec une bonne humeur rarement égalée. « Aldarrrrroooon » Pouffant, il vint lui passer une main dans les cheveux, puis lui entoura le visage une nouvelle fois. « Tu penses trop ! » Décidément, il avait enterré son cœur profondément ! Son cerveau dirigeait tout et il était bien pessimiste. Après ce qu’il avait vécu, le pauvre, c’était normal. Mais ça ne voulait pas dire que c’était bien pour autant ! Il allait en avoir du travail ! « Moi j’estime que des inséparables s’aiment forcément. Et c’est ce que je ressens, au plus profond de moi. Ça ne me gêne pas d’avoir de l’aide, ni d’un autre être vivant, ni d’une entité supérieure tant que ce n’est pas hypocrite ou calculateur. Comme je sais que la vision des pensées d’Achroma que j’ai ne porte pas que du désespoir. Il y a tellement de choses dedans ! Espoir, soulagement, acceptation… » Cette dernière était la plus importante, la plus vitale, la plus impérieuse. L’acceptation. Si la vision qu’il avait eue d’Aldaron, avant de le rencontrer, avait un nom, ce serait celui-là. L’acceptation.

Il vint poser son front contre le sien et lui chatouilla le nez de son souffle avant de l’embrasser encore, gourmant et décomplexé. Son sourire le faisait rayonner. « J’aime l’idée d’avoir autre chose au-delà de ma compréhension et de ma vision, un mystère, une magie que je ne contrôle pas et que je ne peux expliquer… Je trouve que cela met du piment dans l’existence ! Et si les anciennes déesses sont mortes, on peut en créer de nouvelles non ? Peut-être qu’il y en a d’autres, ou qui sait ? C’est une aventure de plus » Avec tendresse, il l’attira contre son épaule, dans les plis de sa cape, et le garda tout contre lui, glissant par instants ses doigts froids contre sa peau chaude, sous les habits, avec des soupirs discrets de plaisir. Il était moins touffu que son chaton de compagnie, mais l’impression veloutée de la peau était agréable pour ses sens supérieurs. « Je ne pense pas que cet esprit, si c’est le nôtre, soit une malédiction, et je n’ai pas envie de le faire, d’ailleurs. Et… de ce que j’ai compris, un esprit ne choisit ses liés qu’en fonction de leur semblance, de leur affinité avec la symbolique qu’il porte. Alors je ne pense pas qu’il choisisse des individus qui ne sont pas réellement compatibles l’un avec l’autre » Ses lèvres frémirent et ses yeux s’emplirent d’amusement « Un peu comme une agence matrimoniale ? En plus efficace ! » Eclatant de rire, il prit quelques-unes de ses mèches pour les tressées distraitement. « Je n’ai pas un avis arrêté sur l’amour mais… beaucoup voit cela comme un feu de paille » Sa voix était douce, tranquille, paisible et légèrement pensive. « C’est un beau cadeau, un amour qui dure éternellement »

Sans doute trahissait-il ainsi sa volonté de ne pas l’abandonner dans la mort quoi qu’il puisse arriver. Avec le bout de la tresse, il lui chatouilla la joue pour défaire la gravité sous-jacente à ses propos. « Ce n’est que ma manière de voir les choses, ça ne t’oblige pas à y croire toi-même, mais je ne pense pas que cette prédestination enlève sa valeur à ce que l’on en fait ensuite » La preuve, si Aldaron écoutait ses peurs, ils n’iraient pas très loin ensemble. Ça aurait pu finir ainsi. « Ça ne fait que sublimer… » Joueur, il lui mordilla l’oreille du bout des dents, en faisant très attention. Voilà qui serait stupide, le transformer par les oreilles… Fronçant légèrement les sourcils, il pencha la tête pour la caler contre lui, menton au-dessus de sa tempe. « Tu sais, je n’étais pas même au courant que des esprits liés nous aidait nous, avant de rencontrer ta conseillère. Mais l’idée est intéressante. Donnons-nous un peu de temps, et nous verrons bien si l’envie de faire cette cérémonie vient ou non. Je n’ai pas envie de me limiter à cela simplement, peut-être suis-je conduit vers toi par un esprit, mais j’ai envie d’en profiter à ma façon » Il grimaça « Jusqu’à présent je n’étais pas malheureux de ma condition… C’est en arrivant ici que j’ai commencé à en souffrir » Un nouveau silence, durant lequel son esprit vagabonda vers des chemins inattendus de lui. Une légère tension, passagère, vint lui crisper les épaules, avant qu’il ne décide candidement de faire part de ses pensées. N’avait-il pas lui-même dit qu’il lui ferait confiance, qu’il prendrait le risque ? S’il ne le faisait pas, il ne lui montrerait pas non plus l’exemple et Aldaron resterait sur ses positions radicales. « C’est un peu bizarre non d’être en couple avec son propre fils, tu ne penses pas ? Je ne sais pas si je te verrais de la même manière si tu étais mon fils… »

Puis il haussa les épaules. « Peu importe sans doute. Nous n’en sommes pas là… » Avec un air impérieux surjoué volontairement, il l’attira dans un nouveau baiser, qu’il fit durer jusqu’à le sentir à court d’air.

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    L'elfe se pinça la lèvre entre les dents. Il pensait trop ? Probablement avait-il raison. Il n'aimait pas ce qui échappait à sa compréhension, il avait la désagréable sensation de marcher sur des œufs et d'en casser plus de la moitié. Ce soir était probablement la première fois depuis Morneflamme où il parvenait à se libérer... Et même lorsqu'il s'en croyait libre, une petite voix, dans sa tête, venait lui souffler qu'il ne l'était pas totalement. Sauter dans le vide sans les protections adéquates n'était pas ce qui le transcendait. Pire, cela l'effrayait. Il marmonna un 'désolé' en détournant le regard, troublé qu'il était. L’engouement d'Ivanyr lui faisait du bien à entendre, ainsi que son optimisme. A ses côtés, il devenait un croyant... Mais un croyant rigide qui n'acceptait de croire que ce dont il était certain. Son affection pour Ivanyr avait cette part de mystère qui lui convenait suffisamment. Espérer l'existence d'entités supérieures était une autre paire de manche. Peut-être parce qu'ils avaient été trahis par les desseins étranges des déesses. Ce contrat originel n'avait fait de l'humanité qu'un terrain de jeu, un vulgaire pari à l'issue duquel on pourrait vivre ou mourir. Ça ne l’enthousiasmait guère, alors, que pareille chose puisse les surplomber sans qu'il ne puisse être certain de leur bienveillance. Aussi se laissa-t-il chouchouter copieusement, comme pour oublier le fléau de l'incertain pour savourer ce qui leur était offert. Ici, dans ses bras, il aurait pu rester quelques siècles. Par ses caresses, ses baisers, ses jeux et ses attentions, il avait l'impression d'être, en l'instant, le centre de son monde et égoïstement, cela lui faisait un bien fou. Son corps s'engourdissait de fourmillements de délice et chaque parcelle de son être répondait à sa proximité, rendait ses gestes. Ils se combinaient en une osmose qui le détachait du temps, ce temps si capricieux après lequel il courrait comme un humain, s'y épuisant. Ce soir, les heures avaient un autre rythme, plus à son échelle, telle l’immensité de ses siècles d'existence. Même à court d'air, il continuait de lui rendre l'étreinte de ses lèvres, ivre à s'en soûler jusqu'à la mort. Ses poings agrippaient ses vêtements pour l'empêcher de reculer avant qu'il ne laisse tomber sa tête en arrière, dans une bouffée d'air salvatrice, laissant sa gorge au morcellement glacé. Un sourire béat ouvrait ses lèvres, relâchant un soupir de satisfaction. Comme un feu de paille, disait-il ? Il sentait les crépitements de sa peau devenue sensible à sa proximité, le souffle brûlant qui quittait ses poumons dans sa respiration haletante.

    Revenant coller ses lèvres près de l'oreille du vampire, il murmura son nom et sa voix trahissait, dans ses inflexions, l'affection tendre qu'il avait à son égard. Il vint recroiser son regard, quelques secondes, immobile. Il lui adressa une frappe légère, de son nez contre le sien, pour le chercher, le titiller : « Le lien entre un vampire et son créateur est singulier. Il est l'ancre et l'unique repère d'un nouveau-né, défait de sa mémoire. Beaucoup se tournent dès lors instinctivement vers le créateur et les couples qui en découlent sont... Courants. Même si, effectivement, il y a... Un côté assez malsain à cela. » L'enfant comme une possession, comme un morceau de viande qu'on avait acquis et dont on abusait de l'innocence. « Je comprends ton malaise... Il y a un moyen de contourner ceci : Elric ou Cybele pourront peut-être s'en charger ou... Tout autre vampire. Lorsque... » Il eut un sourire en coin et vint mordiller l'os de sa mâchoire avec ses terrifiants crocs d'elfe, jusqu'à remonter à son oreille : « Ce sera nécessaire. » Ils avaient encore quelques siècles devant eux pour y songer, il s'amusait toutefois de voir comme ils se suivaient, mentalement, dans le flot des pensées l'un de l'autre, comme connectés. N'avait-il pas eu cette réflexion quelques secondes plus tôt ? « Eliowir et Achroma étaient déjà très proches avant la transformation d'Eliowir... Cela n'a fait qu'être une continuité. C'était... Moins étrange que deux êtres qui n'avaient rien en commun avant cette morsure. » Son regard vint se planter dans le sien, avec douceur. « Je crois même... Qu'Achroma n'avait pas eu l'intention de le mordre. Cela s'est passé dans l'urgence. Eliowir était mourant... Il suffisait que le venin vampirique soit plus rapide que la mort pour le garder en ce monde. » Il savait que cela ne tomberait pas dans l'oreille d'un sourd. Aldaron vivait parfois dangereusement, et il n'était pas improbable qu'ils n'aient pas tant le choix de la paternité vampirique, dans l'urgence. « En vérité, ce n'est pas vraiment une question que tu dois laisser sans réponse trop longtemps. Ce n'est pas... Une fois m'avoir mordu, par défaut de meilleur choix pour me garder près de toi, qu'il te faudra réaliser que cette paternité te dérange trop pour... Rester un couple. Être éternel pour... Rien que nous n'ayons espéré et désiré ensemble... Ça n'est... » Il le détailla longuement, sans terminer sa phrase. Il était un homme beaucoup trop pessimiste. Il aurait aimé avoir de ses rêves et de son optimisme.

    L'elfe dévorait les prunelles d'un bleu céladon sans s'en cacher le moins du monde. L'extrémité de ses doigts effleuraient la peau de son visage, comme pour délimiter et graver dans sa mémoire, à nouveau, les traits d'Achroma qui avaient commencé à s'effacer. « Je n'ai pas envie de te perdre... » fit-il bas, en baissant les yeux. Il pensait trop, sûrement. Mais cette ébullition psychologique provenait de cette même peur de le perdre, comme il avait perdu Achroma. Il poussa un soupir en voyant qu'il en revenait toujours au même point et alla enfouir son nez dans son cou, étreignant ses vêtements pour être tout contre lui. Il déposait quelques baisers sur sa gorge, échauffant la peau glaciale à son contact. Au son de pas, il sursauta et releva les yeux sur l'humaine qui venait déposer sur la table basse une assiette de légumes avant de s'éclipser, gênée qu'elle était de voir son bourgmestre assis sur les genoux et dans l'étreinte d'un vampire. Lorsqu’elle eut quitté la pièce, Aldaron se redressa pour tendre le bras et attraper la dite-assiette. C'est qu'il avait faim lui. Il n'était pas encore un vampire. Revenant presque immédiatement se flanquer contre Ivanyr, il plantait sa fourchette dans un légume : « Elle est... Très tolérante vis-à-vis des vampires mais... Enfin... Une union entre un elfe et un vampire, ça entre dans les mœurs mais... A son rythme. » expliqua-t-il pour justifier l'air gêné de l'humaine. Elle n'avait d'ailleurs qu'été gênée et n'avait manifesté aucun dégoût comme bien des êtres le feraient en ce monde. Lorsqu'il eut fini de mâcher et d'avaler son bouquet de brocolis, il ajouta : « Elle a été très patiente avec moi quand... Je suis revenu de Morneflamme et que je me suis montré assez exigeant sur la nourriture. Je ne voulais pas que la texture ou le goût me rappelle ce que j'avais mangé là-bas. » Il fit une brève grimace avant de grignoter une rondelle de carotte.

    Le silence retomba, rompu, par moment par le tintement de sa fourchette sur l'assiette. Régulièrement, il relevait ses prunelles d'émeraude sur Ivanyr et finit par poser son ustensil un instant. Il finit par souffler, tout bas : « Est-ce qu'Eliowir fait partie de tes visions ? Un... Vampire ancestral, de longs cheveux clairs et… » Il passa un doigt à l'horizontale, en un trait allant d'une pommette à l'autre d'Ivanyr, en passant par la colline de son nez : « Une balafre sur le visage. » Il vint poser un baiser sur l'arrête de son nez, après son passage. Il ne savait pas trop s'il avait envie qu'Ivanyr se souvienne de lui. Par pure jalousie. Il ne voulait pas qu'il ressente des sentiments à son égard, ceux qu'avait pu avoir Achroma. Il vint alors aussitôt prendre ses lèvres pour le faire taire et manqua de renverser le reste de son assiette par inadvertance.

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Il le sentait à court d’air, presque suffoquant dans leur échange, et constater son entêtement à poursuivre lui fit froncer les sourcils, sans qu’il ne recule pour autant, continuant de dévorer la chair tendre et pulpeuse d’une voracité tout juste effleurée. Le vampire savait déjà à quoi pouvait conduire le manque d’air pour un être vivant, mais il ne voulait pas aller contre sa volonté à pousser plus avant. Viendrait un temps où leurs deux esprits entreraient sans aucun doute en collision, où ils s’affronteraient sur le plan intellectuel, mais ce temps n’était pas venu, et il n’avait pour le moment aucune envie de repousser cet élan de folie douce. S’il ne l’acceptait pas lorsqu’il venait naturellement, jamais l’elfe ne se laisserait aller pleinement. Peu importait la suite, tant qu’il s’agissait d’une conséquence d’un choix volontaire. Et lorsqu’enfin Aldaron recula, il ne le lâcha pas, le retenant contre lui, venant couvrir sa gorge de caresses et de mordillements joueurs et pressant son visage contre la courbe tendre. S’il l’avait voulu, il aurait pu y plonger les crocs et se repaître de son fluide vital… mais pour l’instant, il avait faim d’autre chose, qui ne nécessitait pas de lui perforer une veine pour être repu. La peau douce chauffait plus encore, à présent, l’attirant délicieusement, lui apportant un bien-être physique incroyable tant il était inattendu. Cette tiédeur douce agissait comme la caresse d’un vélin soyeux sur sa peau sensible, le faisant soupirer de confort. Le sentir se redresser lui fit échapper un grognement vague de mauvaise volonté, et Ivanyr mit quelques secondes à accepter de faire de même, fort heureusement radoucit par les lèvres qui vinrent se sceller aux siennes….

… ou pas. Mais ! Il faillit se tourner et s’assommer sur lui, et se retint au dernier moment pour le laisser faire, curieux. L’entendre l’appeler ainsi lui remua les entrailles d’un quelque chose d’indéfinissable, et s’il ne répondit pas, il le serra un peu plus fort et vint s’appuyer contre lui. Fronçant le nez, il lui décocha un regard taquin et referma immédiatement les yeux pour l’écouter, et se laisser bercer par ses battements de cœur. « Je sais comment se passe la vampirisation… mais quand même. Ce n’est pas parce que c’est établi que j’ai envie de m’y plier ou de l’accepter. Je pense que ça fausse la relation… et de toute façon, je n’ai pas le souvenir d’avoir déjà transformé quelqu’un. Donc, ton idée de demander à ma famille est sans doute la meilleure. Ils ont l’habitude et font ça très bien, ils sont aussi responsables… si je devais te confier à un autre vampire, ils seraient mes premiers choix » Qu’ils voient tous deux les choses de la même façon était excessivement positif, car le sujet était délicat et lourd de conséquences. Sans doute jouait-il de beaucoup d’optimisme, mais cela lui semblait de bon augure qu’ils parviennent si aisément à se mettre d’accord sur une question personnelle majeure. La suite le ramena à un état contemplatif, mais un fin sourire naquis sur ses lèvres et il lui talocha le nez d’un doigt. « Tu penses trop, Aldaron » Cela faisait deux fois qu’il le lui disait non ? Mais soudainement, dans ses mots, il sentait de nouveau ce pessimisme qui le traînait vers le bas, vers le passé… vers sa prison.

La remontrance douce n’avait rien de critique ou d’agressif, mais elle était d’une fermeté calme, presque affectueuse, et il poursuivit plus avant. « On risque tous de mourir à toute heure de chaque jour. Certes, c’est une question importante, mais néanmoins je ne presserais pas trop ma réflexion. Et si je dois faire un choix dans l’urgence, et que je n’y suis pas préparé, je l’assumerais pleinement… que cela soit pour te garder éternellement avec moi, ou pour te rejoindre de l’autre côté » Il lui prit la main, y déposa un baiser léger « Moi non plus je n’ai pas envie de te perdre » Il avait parlé avec franchise, mais surtout sans une once de peur à l’idée de la mort, faisant écho à un sentiment profondément ancré en lui : l’acceptation. Ivanyr n’avait pas peur de la mort. Cela ne signifiait pas qu’il l’accueillerait quoi qu’il se passe, sans se battre, mais elle n’était pas effrayante à ses yeux. Elle était, tout simplement. A la fin, en fin de compte, elle devait bien arriver, même pour les immortels. Rien n’était réellement éternel. Rien à part la mort peut-être ? Pensif, il vint l’enfouir contre lui, et se sentit sourire aux caresses de ses lèvres contre sa gorge glaciale. Après un instant, il ouvrit la bouche dans l’intention de parler, et fut interrompu par des bruits de pas. Il releva les yeux de l’elfe, observa un instant l’humaine, sans manifester ni gêne ni intérêt, et la laissa repartir sans un mot. « C’est compréhensible » fit-il d’un ton docte. « Je pense que l’identité et le genre sont plus perturbant que la différence raciale »

Il hocha la tête au reste de l’explication, et vint lui glisser une mèche derrière l’oreille. Pensif, il le laissa manger, contemplant les questions qui lui venait avec une certaine forme d’agacement. Fallait-il vraiment qu’il se perdre en contemplation oisives ? La question subite le tira de ce marasme et il arqua un sourcil. Immédiatement, une alerte intérieure le prévint qu’il y avait là matière à discord. Il le sentait instinctivement. Jaugeant rapidement le pour et le contre, il parvint à un juste milieu et ouvrait déjà la bouche lorsque l’elfe l’embrassa. Sursautant en le sentant s’élancer vers l’avant, il l’attrapa et le retint avec son assiette. Profitant de l’échange pleinement, il finit néanmoins par venir lui prendre le visage entre les mains et à reculer légèrement. « Jaloux ? » C’était presque une évidence, à le regarder faire. Amusé, il lui caressa la joue tout en continuant. « Je l’ai vu une fois, au tout début. Mais ça fait très longtemps. En fait, je soupçonne Saeros de prendre le pas sur tous les autres. La raison m’échappe, mais j’en suis presque certain, il empêche certaines autres visions… Enfin, en tout état de cause, c’est ma psyché qui le fait puisqu’ils sont tous issus de moi. Mais c’est plus simple d’en parler comme des êtres à part » Penchant la tête, il se reposa contre son épaule « Alors ne perturbe pas ta digestion pour ça. C’est toi que je suis venu voir non ? En fait avant que tu m’en parles, je ne me souvenais même pas de lui » Ce vampire ne lui était pas apparu comme important, contrairement à d’autres… et en dehors de Saeros, Aldaron et celle que l’elfe avait appelé Vanaël, il n’y avait qu’une ou deux figures prédominantes. Pour diluer la situation et éloigner Eliowir de l’esprit de l’elfe, il continua donc, malgré un léger malaise personnel.

« Saeros est celui que je vois le plus. Avant, c’était un dragon que je voyais énormément, mais plus tellement maintenant… chaque fois que je la vois, elle me rend malade. Littéralement. Chaque fois qu’elle apparaît… une souffrance impossible à décrire m’envahit d’un seul coup et me laisse faible et vulnérable. Il y a également la femme dont je t’ai parlé et… depuis mon arrivée à Caladon, j’en ai vu un autre. Je vais la retrouver presque tous les soirs près des falaises. Elle est… singulière » Peut-être qu’il la connaissait ? « Une femme de haute taille, humaine je pense, avec de longs cheveux blonds blancs et des yeux d’eau. Je pense qu’elle est d’ascendance Lyssienne. Elle porte une armure légère et une épée débordante de magie. J’ai l’impression que je la connais, mais je ne parviens pas du tout à la situer… Tu n’aurais pas une idée ? »

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    S’il était jaloux ? Son nez se plissa en réalisant que c’était l’explication la plus logique à son comportement. Il n’avait jamais été jaloux, de toute son existence. Probablement parce qu’il n’avait jamais aimé aussi sincèrement non plus. Ce sentiment nouveau le rongeait à l’idée qu’Ivanyr puisse éprouver des attachements aussi forts pour quelqu’un d’autre. D’ordinaire, il ne s’inquiétait guère que ses partenaires aient d’autres relations, puisqu’il en avait lui-même beaucoup d’autres. Avec le vampire, c’était différent. Et il n’aimait pas vraiment ça. Il n’aimait pas devoir imposer à son amant les chaînes de la fidélité pour sa propre satisfaction. Si Ivanyr lui restait fidèle, il préférait que ce soit par désir propre, un choix fait de son propre chef plutôt que par complaisance et apaisement de l’autre. Aussi n’entra-t-il pas d’avantage dans cette discussion, n’y voyant pas l’intérêt pour l’heure. S’il venait à en souffrir à l’avenir, probablement lui en toucherait-il quelques mots et encore… Eu égard de la manière qu’ils avaient de se suivre psychologiquement et de trouver des terrains d’entente, il y avait fort à parier qu’Ivanyr s’en rende compte par lui-même et en détermine sa conduite à tenir. Il était assez réfléchi pour cela, Aldaron s’en remettait à sa confiance. Et puis… Eliowir était mort. Pouvait-il vraiment être jaloux d’une personne qui n’était plus de ce monde ? Le pincement, dans son cœur, lui fit comprendre qu’il ne voulait pas qu’Ivanyr souffre de la même mélancolie qui l’avait étreint, à la perte d’Achroma.

    Il le laissa poursuivre jusqu’au bout et l’une de ses mains vint caresser ses cheveux blond platine distraitement. Il cherchait, dans sa mémoire, une femme telle qu’Ivanyr lui exposait, mais force était de constater que des blondes aux yeux bleus, il y en avait tout un paquet. En revanche, des armes légendaires, il y en avait beaucoup moins. « Oui et non. Les éléments que tu me donnes sont très légers pour que je la reconnaisse. Ou du moins ne sont-ils pas assez caractéristiques pour la faire sortir du lot. En revanche, l’épée… Ce serait un bon moyen de la retrouver. Les armes légendaires ne courent pas les rues. Je suppose que c’est cela qui te donne l’impression que l’arme déborde de magie. Les glyphes seuls n’ont pas vraiment ce pouvoir-là. » Le menton sur l’épaule d’Ivanyr, l’elfe sembla dubitatif. Il posa son regard émeraude sur sa main droite, installée sur l’extrémité de l’épaule. Une alliance singulière, débordante de magie tout autant, ornait l’un de ses doigts. « Seö m’a expliqué que ce genre d’objet avaient une sorte de fragment de conscience, en eux, qui les rattache profondément à leur porteur ou à autre chose comme une idéologie ou... » Il haussa les épaules avant de réaliser que, par ce mouvement naturel, il venait de déloger Ivanyr de sa place. « Je ne sais pas. Mais tu dois pouvoir retrouver l’arme dans des livres qui content son histoire. J’en ai quelques uns dans mon bureau, si tu veux commencer par là. Ou bien… Tu peux aussi me la montrer, cette femme. Je la connais peut-être. On peut… Aller près des falaises, si elle ne se montre que là bas. De la part d’une Lyssienne, ça ne serait pas étonnant. » Ses lèvres effleurèrent lentement sa joue, le long de sa mâchoire, avant de déposer un baiser sur ses lèvres, instinctivement. Il recula sa tête et la pencha sur le côté pour l’observer un instant.

    Il baissa les yeux sur sa fourchette et reprit son repas, là où il l’avait arrêté : « Saeros n’était pas un vampire très apprécié. Beaucoup le craignaient mais… Je ne saurais pas vraiment te dire si c’est une bonne ou une mauvaise chose qu’il prenne une part aussi importante de ton esprit. Saeros était un être opportuniste, qui n’avait à cœur que la grandeur du peuple vampirique. Si pour cela il devait se lier à d’autres peuples, il le faisait… Et si du jour au lendemain, une trahison pouvait le libérer de ses entraves, il le faisait aussi. Il nous a abandonné en pleine bataille contre l’Empire de Fabius Kohan et s’il a permis ainsi la survie de ses vampires, il a offert en pâture énormément de vies humaines et elfiques pour ce faire. C’est d’ailleurs à ce moment-là qu’Achroma, avec les Anciens, a décidé de ne plus le suivre, malgré leurs communs idéaux pour la race vampirique. La fin ne justifiait plus les moyens. » Il eut un sourire en coin : « C’est aussi à ce moment-là que j’ai rencontré Achroma : je lui ai atterri dessus. Littéralement. » Il haussa les épaules et reprit son repas. « C’est… Probablement pour cela que ta vision de Saeros t’agace. Vous n’étiez pas d’accord, vous ne l’êtes pas plus aujourd’hui. Pour autant ne pas être d’accord avec quelqu’un ne signifie pas que ta relation avec cette personne est néfaste. Elle te pousse simplement à… Te forger des idéologies. A réfléchir, écouter l’autre et affirmer ton opinion. Saeros était un prince vampirique et comme tous les princes vampiriques, il devait quotidiennement garder sa place. Je ne pense pas qu’Achroma ait voulu de sa couronne, mais il est possible que Saeros l’ait cru et ai longuement agi pour garder Achroma sous son contrôle. Le garder près de lui mais le maîtriser. Toujours utile un mage d’exception. » N’en avait-il pas pris un lui-même pour garde du corps ? « Pour autant… Si Saeros était perçu comme quelqu’un de cruel, il n’était pas que cela. Je crois qu’il aimait quelqu’un. Une humaine du nom d’Ambre qu’il protégeait. Je pense qu’elle avait une bonne influence sur lui. Comme Purnendu, c’était une herboriste et guérisseuse. » Étrange comme Ivanyr avait développer un lien, également, avec un guérisseur. « Si Saeros t’embête un peu trop, tu pourras toujours le taquiner un peu avec cela. » railla-t-il.

    Il reposa son assiette, vide aux trois quarts sur la table basse avant de revenir se blottir contre lui. « De ce fait, je ne sais pas exactement pourquoi il bloque tes autres visions mais j’ai des hypothèses et… L’une n’exclue pas les autres en vérité. Saeros peut vouloir que tu résolves progressivement les messages, que tes visions ont pour toi, et te bloque l’accès à d’autres soit pour que tu ne te perdes pas et n’aille pas trop vite, soit parce que cela l’arrange que tu comprennes ces messages, en particulier, et pas les autres. Comme je te l’ai dit, il était opportuniste. Les visons qui te restent peuvent être celles qu’il te laisse… Ou bien celles qui lui échappent et qui te reviennent en fonction des expériences que tu fais en ce monde. » Sa main caressait pensivement son ventre, à travers ses vêtements et ses yeux se fermaient doucement. « Saeros n’avait aucun intérêt à détruire Achroma, il lui était plus utile en vie. Il peut reproduire le même schéma avec toi alors… On peut penser qu’il se montre, dans une certaine mesure, protecteur à ton égard, tout en cherchant un juste milieu entre… Ta survie et son contrôle. » Les paupières closes, tête contre lui, il se laissait porter par le silence, laissant à Ivanyr le temps de réfléchir à ce qu’il lui disait. Il grattait, de ses ongles, le tissu qui couvrait l’abdomen froid du vampire. « Ivanyr ? La dragonne qui te fait du mal… Elle est immense et sombre ou elle est blanche ? » Il hésitait entre deux, évidement : Silarae et Skade. Un lien tronqué et un retour à la vie : les deux faisaient mal. Mais le premier bien plus.

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Il écouta sans quitter son air pensif, déjà au fait, de façon globale, de la façon dont fonctionnait les armes légendaires, bien que le sujet fût intéressant à creuser davantage. Intérieurement, cela lui évoquait une épée sombre, déclenchant orages et bourrasques de vent lorsqu’elle était maniée. Comme pour presque tout, il avait vaguement l’impression de connaître, sans mettre de mots ou une histoire là-dessus. « Oui, pourquoi pas. Je t’emmènerai mais… pas ce soir » Il était tard, et ils avaient eut bien assez d’émotions pour une seule journée. D’autant plus que leur dernière expérience aqueuse ne s’était pas forcément très bien passée non plus, tempérant son envie d’y retourner. De toute façon, ils avaient le temps, rien ne les contraignait à l’urgence et à l’immédiat, et il voulait profiter de ce luxe à sa juste valeur. Se précipiter ne ferait aucun bien à ce qu’ils tentaient de faire, de construire. « Et j’étudierais tes ouvrages avec plaisir, lorsque j’en aurais le temps… S’il y a des descriptions détaillées, je parviendrais peut-être à repérer celle dont il s’agit et remonter la liste de ses élus » Il esquissa une parole de plus, voulant lui demander qui était ‘Seo’, curieux de savoir qui pouvait offrir un cours sur les armes légendaires. Et aussi qui possédait un prénom aussi ridicule. Il avait mis plusieurs secondes à comprendre qu’il s’agissait d’un dénominatif et non pas d’une exclamation déplacée. Le ou La pauvre devait avoir des parents imaginatifs, ou très taquins. Mais de toute façon Aldaron reprenait, lui faisant délayer son interrogation au profit de davantage d’informations bienvenues. De nouveau silencieux, il manqua lui demander de ne pas trop s’imaginer qu’il avait été Achroma, voyant de façon évidente dans son discourt que c’était le raccourci que l’elfe prenait. Mais en même temps, il n’avait pas envie d’y revenir pour le moment. Ils auraient le temps de remettre les choses en ordre.

Etait-il réellement en désaccord avec Saeros ? Il n’en avait pas l’impression, finalement. Au final, il rejoignait énormément de points de vue de l’autre vampire… sauf quand cela le concernait lui, immédiatement. Là, oui, ils étaient en pleine discorde. Il écouta les hypothèses de l’elfe avait un intérêt grandissant, se rendant compte qu’il avait beau vivre régulièrement avec l’ancestral, il ne connaissait presque rien de lui. La suite néanmoins le mit, étrangement, mal à l’aise. « Blanche, enfin elle pourrait l’être. Elle est grise dans mes visions mais comme tu as pu le voir les couleurs sont déformées… sans doute à cause de mon esprit. Mais je vois également une dragonne sombre. Elle vient en général lorsque je vais très mal et elle s’enroule autours de moi, pour m’engloutir dans sa chaleur, comme une mère… Tu sais, finalement je n’ai pas très envie d’en parler ce soir, je n’ai pas envie de gâcher notre moment  » Il eut un léger sourire et vint nouer ses doigts aux siens. « Nous aurons tout le temps du monde d’en parler plus tard… d’accord ?  » L’idée même de ne pas avoir à aller plus avant sur ce chemin ce soir lui apportait un immense soulagement. Pour autant, il ne rejetait pas entièrement les questionnements. « Je ne pense pas que Saeros me veuille du mal, s’il avait voulu ça, il m’aurait laissé, tout simplement, plutôt que de me parler. Sans lui, je ne me serais pas accroché Aldaron, il m’a sauvé l’existence, il m’a rendu beaucoup de ma santé. Je me dispute souvent avec lui parce que je n’aime pas sa façon de faire, mais ça ne veut pas dire qu’elle n’est pas efficace…  » Un léger haussement d’épaule vint ponctuer la fin d’une phrase retenue. En vérité, la description de sa relation avec Saeros était difficile à définir avec clarté. Tantôt il voyait en lui un ami, tantôt il le percevait comme un tortionnaire. Finalement, c’était peut-être un peu des deux.

« Pour l’instant, c’est la femme qui m’intéresse le plus. Sans doute parce qu’elle ne me fait aucun mal. Et puis, je ne sais pas… rencontrer la détentrice d’une épée légendaire pourrait être intéressant  » C’était peu dire. Il avait atrocement hâte d’en apprendre plus sur elle. Elle avait tant occupé ses pensées, pendant ces dernières semaines, qu’il ne tenait plus en place à l’idée de trouver un début de piste sérieuse. Finalement, en le voyant comme un jeu, cela dédramatisait l’impact que ces visions avaient sur lui. « En parlant de cela… qui est Seo exactement ?  » Maintenant que son saumon d’elfe avait cessé de parler, il allait pouvoir la placer sa fichue question ! Aha ! Venant entortiller ses mèches sur ses doigts, il ajouta : «[color=#4084E1] Et une fois que tu m’auras répondu, je pense que tu devrais envisager soit de m’inviter à passer la nuit avec toi soit à me laisser partir, il commence à se faire tard et tu es épuisé… » Un sourire crochu lui vint tandis qu’il lui chatouillait la gorge avec ses mèches « Je m’en voudrais de te forcer à plus de ‘fatigue’ encore, hm ?  » Lui ne dormirait pas vraiment de toute façon, mais il pourrait le veiller ou essayer une transe pour mettre de force son esprit au repos, pour ne pas le perturber.

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    Blanche évidement, la dragonne. Il s'agissait de Silarae. Au fond de lui, cela ne faisait plus le moindre doute. Il craignait en revanche que sa douleur de Lien brisé ne finisse par l'emporter. La blanche n'était plus de ce monde, mais lui, oui. Ainsi la dragonne de l'orage avait épargné sa psyché, au moins le temps qu'il se reconstruise sans Silarae. Et ensuite... ? Il n'eut guère besoin qu'Ivanyr le lui réclame pour que l'elfe décide de ne pas aller plus loin dans la discussion, pour le moment. Il ne fit qu'acquiescer d'un signe de tête et la réflexion qui trottait dans le fond de ses prunelles n'était que le reflet de son acceptation sincère de ne pas revenir sur le sujet avant un long moment. Il ne lui disait pas oui par complaisance, il était intimement convaincu que laisser cela de côté aussi longtemps que possible était la meilleure option. Aldaron avait eu ses réponses, c'était tout ce qu'il avait espéré. Il était en revanche plus septique au sujet de Saeros, craignant que l'ancestral n'ait entortillé l'esprit d'Ivanyr autour de son petit doigt pour que ce dernier prenne le Prince Noir pour un salvateur. Pour autant... Était-ce une mauvaise chose ? Achroma avait fait le même chemin, par le passé, avant de s'émanciper. Aldaron était persuadé qu'il avait toutes les cartes en main pour profiter des aspects bénéfices de la présence de Saeros le temps qu'il lui faudrait et sortir de son cocon lorsqu'il serait prêt. Ayant toujours les conseils des Anciens en tête, il s’apaisa à l'idée que les choses devaient venir d'elles-même, sans qu'il n'intervienne trop profondément pour accélérer le processus. Il lui avait donné suffisamment d'indices, ce soir, pour que le vampire rumine ces pensées et bâtisse sa réflexion en la matière pour les années et siècles à venir.

    L'elfe passa une main dans les cheveux platines d'Ivanyr, trouvant satisfaction au contact de leur douceur, jusqu'à leurs pointes. Puis sa main retomba doucement contre le ventre du millénaire, la question sur Seö lui arracha un sourire en coin et, alors qu'il ouvrait les lèvres pour répondre, Ivanyr l'interrompit. Son attention lui faisait du bien. Cela en faisait au moins un pour veiller sur ses fonctions vitales, à défaut que l'elfe s'en occupe de lui-même. Les battements de son cœur, sa respiration, son sommeil... Il avait l'impression que le vampire épiait tout cela, discrètement pour le rappeler à l'ordre lorsqu'il dérogeait à la règle. Il n'avait pas envie de dormir, de lui dire au revoir et de ne le retrouver qu'au petit matin. Aussi repoussait-il le moment fatidique de la fin de soirée quitte à tirer trop sur les limites de sa santé. Morneflamme lui avait appris cela, par le passé. La prison lui avait montré la voie pour mirer au delà de ce qui était possible, et franchir le pas de la porte de l'irréalisme et l'impensable. Peut-être qu'Ivanyr ne s'en rendait pas compte mais, à sa manière, il le sortait de sa prison, de sa déraison, de sa folie. « Reste. » souffla-t-il, de manière quasi redondante à présent, alors qu'il venait cueillir ses lèvres dans un baiser. La nuit allait être ennuyeuse, pour le vampire, que de le regarder dormir. Ainsi l'elfe n'avait guère voulu le contraindre pour sa propre satisfaction, mais puisqu'Ivanyr le lui proposait, il le prenait pour acceptation. « Seö est un ami qui travaillait avec moi pour la Caste. Le Marché Noir, que je dirigeais avec mon frère et ma sœur, finançait les actions de reconstruction après le règne du Tyran Blanc. Seö est un elfe avec qui je partage un certain nombre de valeur telles que la tolérance entre les races ou... Sa capacité à donner de soi pour le bien commun. Lui comme moi avons du nous salir les mains dans le sang et les larmes pour protéger ce qui nous étaient chers. Nos chemins de vie se superposent sur bien des points, aussi est-il l'ami qui me soit le plus fidèle en ce monde. J'ai confiance en lui... Et il a confiance en moi. Il m'a demandé d'être le témoin de son mariage avec Aurore. » Il eut un sourire en coin, à ce souvenir.

    Ses mains remontaient le long de son torse pour défaire l'attache de la cape de brumes : il n'en aurait pas besoin s'il restait pour cette nuit. Il lui retirait l’apparat d'extérieur pour le confort de quelques heures au sein de sa demeure. Il passait ses bras autour du cou d'Ivanyr pour venir paresseusement se coller contre lui. « Il doit être de la même taille que moi, mais avec une carrure semblable à la tienne. Des cheveux blancs, courts le plus souvent, des yeux marrons. » Aldaron était très physionomiste, aussi continua-t-il sa fine description, la prolongeant presque intempestivement, comme pour... Repousser le moment où il devrait aller se coucher ? Il était un très beau parleur, il était capable de s'exprimer encore des heures jusqu'à ce que la nuit s'achève. Un sourire s'étira sur ses lèvres à mesure qu'il lui sembla qu'Ivanyr discernait le mécanisme de son petit jeu. Il poursuivit ses palabres longuement jusqu'à saisir l'instant fatidique où Ivanyr viendrait l'interrompre. Là, il vint reprendre ses lèvres pour un long baiser joueur. La chaleur remontait du creux de ses reins jusqu'à engourdir ses épaules qui se crispaient et se relâchaient. « Je n'ai pas envie de dormir. » avoua-t-il, en explication de son petit manège. Il avait envie de rester avec lui, d'avoir ses caresses et ses étreintes, n'en manquer aucune à être emporté par les limbes du sommeil. Même s'il venait à la raison, il doutait de parvenir à s'endormir à présent que tout son être était en ébullition. Dans son cou, il poussa un soupir, désespéré par lui-même. Il ne le faisait pas même exprès, à s'accrocher ainsi à ce qui pouvait enfin lui faire du bien. Après avoir passé des années à Morneflamme, puis des années en deuil des ses proches, pouvait-on vraiment le blâmer d'aimer ce que la vie lui offrait enfin de bon ?

    Il se releva de lui, prenant ses mains dans les siennes pour l’entraîner à l'étage dans le relâcher du regard. Ses prunelles d'émeraude étaient intenses, vivantes... En fait, tout le contraire de celles d'un être qui devait aller se coucher. Comme le reste de la maison, la pièce où il dormait était dépourvue d'ornements superflus. Si sa richesse était visible par la qualité des bois et tissus, rien n'était ostentatoire ni tape à l’œil. Le tout était même étrangement réduit à l'utilitaire. Loin de la cheminée du salon, un frisson lui parcourut l'échine sans être désagréable. Il aimait, au contraire, la tiédeur de la pièce autant que le froid des lèvres vampiriques ou de ses doigts sur sa peau. S'écartant de lui, il défit ses bottes puis sa tunique avant de se glisser dans les draps et de se blottir dans les bras d'Ivanyr qu'il réclamait. Chaque geste semblait lui coûter tant il n'en avait pas envie et même étendu sur son lit, ses yeux étaient grands ouverts. Pourtant, il y mettait du cœur, il essayait de s'endormir. Mais non, ça ne venait absolument pas. Son cœur battait encore si fort et la fatigue n'arrivait pas à vaincre l'effervescence en lui. Cela devint désagréable, à force, et la colère qu'il éprouvait contre lui-même vint en rajouter une couche. Il souffla un rire par le nez, comme pour essayer dédramatiser sa situation, mais plus ça allait et plus il se sentait mal à l'aise à l'idée de dormir. Comme à Morneflamme, des choses terribles pouvaient arriver pendant son sommeil. Et si Ivanyr disparaissait ? Et s'il partait ? S'il l'abandonnait ? « Mon amour. » murmura-t-il en venant l'étreindre plus fortement, fermant les yeux. Il s’agrippait à lui. S'il le tenait assez fort, à son réveil, il serait là, non ? A mesure que son étreinte se raidissait, le sommeil venait l'emporter... Mais toujours de manière superficielle. Comme dans la prison, il était à l'affût de la moindre perturbation autour de lui. Le moindre geste, le moindre mouvement. La moindre perte. Car maintenant, il avait à nouveau quelque chose d'extrêmement cher à perdre, c'était la contrepartie à son bonheur.

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Décidément, ça allait devenir sa marque de fabrique ce 'reste' soufflé comme s'il s'agissait du plus beau cadeau au monde que l'on puisse lui faire. C'était mignon à constater, et en même temps, cela lui donnait une folle envie de le taquiner jusqu'à la mort avec ça. Ce ne serait sans doute pas très charitable de sa part, mais il ne pouvait nier qu'il était très difficile de résister. Fort heureusement, la présence d'une pair de lèvres douces et rebondies l'empêcha de mettre sa conspiration à exécution, au moins dans l'immédiat… L'embrassant avec plaisir, il pouffa de rire contre sa bouche et lui passa une main dans les cheveux avant de lui caresser la joue du revers d'un doigt. Lorsqu'il recula, Ivanyr avait les yeux pétillants et un air rogue mais curieux, attendant réellement d'obtenir les réponses à ses questions… TOUTES ses questions, par le menu s'il le fallait. Ce n'était pas parce qu'il se laissait amadouer avec des sucreries qu'il oubliait l'avoir interroger quelques instants auparavant. « La Caste… ? » Il fronça les sourcils et pencha la tête sur le côté, très légèrement. Qu'est-ce que c'était que cela, la Caste ? Il avait l'impression qu'Aldaron l'avait déjà mentionné auparavant, mais pour le coup, il était incapable de se souvenir de l'occasion exacte, ni de ce qui en retournait. Pourtant il cherchait, mais rien ne venait si ce n'était une désagréable impression de déjà-vu. « Aurore ? » Décidément, cela faisait beaucoup de sujets à aborder et si peu de temps. N'était-ce pas lui qui lui avait dit qu'il devait absolument se reposer ? Voilà qu'il le relançait et offrait de l'eau à son moulin pour l'empêcher d'aller prendre quelques heures d'un sommeil fort bien mérité. Mais c'était qu'il avait bien du mal à juguler sa curiosité insatiable.

Se forçant au silence, il le laissa terminer à son rythme sans plus l'interrompre pour rajouter davantage de questions à sa liste déjà très longue. Et bien lui faisait car il était évident qu'Aldaron n'avait aucune intention de se montrer raisonnable. Amusé et agacé autant par le manque de sérieux de l'elfe que sa propre faiblesse, il le laissa encore grappiller un moment avant de finalement esquisser le geste de l'interrompre et de le forcer à reprendre au moins le lendemain. Le baiser le fit gronder légèrement, autant d'appréciation que de réprobation et il eut un rire sec, ressemblant à un aboiement, à l'aveu qu'on lui fit. « Sans blague ? » Comme s'il n'avait pas déjà comprit avant qu'il ne le lui dise. L'autre parlait bien, mais il n'était pas du tout crédule. Si l'elfe avait été en meilleur état, sans doute aurait-il dit oui et aurait-il cédé à son caprice, le gardant éveillé tout au long de la nuit et jusque dans les doigts roses de l'aurore… mais justement, il n'était pas en très bon état et son devoir de Bourgmestre requérait qu'il agisse avec toutes ses capacités cognitives. Il ne pouvait donc pas le laisser s'ensuquer dans le sommeil et la fatigue. « Aller, soit sage... » Oh ? Il obéissait ? Non ça ne lui ressemblait pas ça, il y avait anguille sous roche. Ou saumon, dans ce cas précis. Lui abandonnant ses mains sans rechigner cette fois, il haussa un sourcils moqueur et critique et se laissa conduire à pas lent, ne se pressant pas du tout. Ce n'était pas parce qu'il se faisait la voix de la raison que le lâcher en pâture au sommeil lui faisait plaisir. Lui aussi aurait préféré pouvoir profiter de lui sans penser aux conséquences.

Alors qu'il montait les escaliers, le vampire se laissait charmer par ces yeux de forêt intense, les siens se faisant pâles et spectraux dans la demie luminosité. A peine détacha-t-il son regard de lui, alors qu'ils demeuraient dans la chambre du maître des lieux, Ivanyr l'observant se dévêtir sans se dissimuler, n'éprouvant aucune gêne à le mirer. N'était-il pas sien après tout ? En maître expéditif, le vampire avait déjà adopté l'idée, et désormais s'y attacher. Impossible de nier que l'elfe avait du charme, pourtant ce n'était pas cela qui le poussait vers lui… c'était quelque chose de plus profond, de plus chaud et de plus poignant. « Hmmmrrrrr » Sans le vouloir, il imita, de son mieux, le ronronnement de son Graarh de compagnie lorsqu'il vint un instant se glisser dans l'étreinte d'Aldaron, enfouissant le nez dans les mèches contre sa nuque. « Attend, j'arrive  » Se détachant à regret, il retira également les ornements qui le drapait avant de le rejoindre sous les couches de tissu, venant l'enlacer et le rapprocher de lui, pour profiter de sa présence et de sa chaleur à même sa peau nue. Il sentait le cœur battre la chamade, lui tirant un léger sourire alors qu'il venait lui caresser le dos et les flancs. L'appel fit trembler son propre esprit, et il hésita un instant à y répondre, craignant stupidement que cela ne lui soit pas dédié. Mais pourquoi ne lui serait-il pas dédié après tout ? Après tout ce qu'ils venaient d'échanger, pourquoi fallait-il encore qu'il doute en un moment pareil ? «Je suis là...  » sa réponse était presque timide, et le sentir s'agripper à lui lui fit beaucoup de bien, apaisant un instant ce moment d'angoisse irréaliste. Immobile, il le sentit s'apaiser légèrement, et pourtant, même après de très longues minutes, il ne montrait pas les signes d'un sommeil profond.

D'une main, il vint rabattre totalement les draps sur eux, et vint déposer un baiser léger sur ses lèvres, ne voulant pas paraître envahissant. Il y avait quelque chose qu'il pouvait faire, s'il se souvenait bien. Une idée lui était venue, pour encore une fois prendre les devants et débuter un processus long de régénération pour tous deux. Venant lui embrasser la tempe, il murmura dans son oreille. « Je vais imprimer ma présence auprès de toi… comme cela tu n'auras plus peur de me voir partir Aldaron  » Il voulait le lui faire sentir, viscéralement, exactement comme lui le ressentait malgré ses instants de doute. Et lorsqu'il estimerait avoir usé de tout ce qu'il pouvait pour lui faire sentir qu'il était bien là et qu'il y resterait, il userait de ce simple sort que lui avait apprit Cybele pour le faire enfin dormir du sommeil du juste. Immobile, il regarda la magie prendre effet sous ses yeux, expédiant l'elfe dans le repos auquel il avait le droit, souriant doucement. Avec douceur, il lui replaça une mèche collante et lui embrassa la tempe avant de s'installer en le prenant de nouveau dans ses bras pour le garder auprès de lui. Silencieux, Ivanyr se laissa couler en transe pour une poignée d'heures, mais fut incapable de la maintenir davantage. Il faisait encore sombre lorsqu'il revint à lui, et prit plusieurs ouvrages pour s'occuper sans déloger Aldaron de sa place contre lui. Et lorsque la lueur extérieure commença réellement à briller, il vint l'éveiller aussi délicatement que possible, affichant un air à la fois tendre, amusé, et goguenard, l'elfe au creux des bras, un des livres en équilibre dans sa main. « Bonjour, la belle au bois...  » Se penchant au-dessus de lui, il rayonna de tout ses crocs « Je n'arrivais pas à dormir et comme je trouvais extrêmement malsain de passer le reste de ma nuit à t'admirer d'un regard fixe je me suis trouvé de la lecture… enfin je t'ai quand même admiré… un peu… une heure ou deux...  »

N'était-ce pas légitime de sa part ? « J'ai demandé à ta servante de te préparer une collation, mais que j'irais te la chercher lorsque tu voudrais…..  » Déposant l'ouvrage, il coula contre lui pour être à sa hauteur et haussa un sourcil, moqueur. « Alors ? Tu vois, je suis encore là  » Lui prenant le visage en coupe, d'une main, il posa son nez contre le sien, le regardant dans les yeux. « Comment te sens-tu ?  » Il avait tellement de choses dont il voulait lui parler… mais en voyant sa petite tête froissée, il était évident que l'elfe allait avoir besoin d'émerger avant qu'il ne l'inonde de questions et d'idées. Le pauvre n'avait pas l'air d'être du matin. Ou bien c'était l'effet de la fatigue et du sortilège ? Allez savoir….

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    Sentir le drap se rabattre sur eux le sortit de son fragile et vain sommeil. Ses yeux ouverts ne captaient que l'obscurité, le rendant aveugle, loin des faibles éclairages de la ville, au travers des persiennes. Le baiser fut une surprise savoureuse, les mots une promesse apaisante et les gestes une communion qu'il n'avait jusqu'alors jamais effleurée. Jamais rêvée. Jamais même soupçonnée. Cela avait-il seulement vraiment existé ? Tout lui semblait surréaliste et pourtant, il avait été habitué, à Morneflamme, à dépasser l'entendement et la raison, pour côtoyer la monstruosité humaine. Il avait vu l'horreur au-delà de l'imagination. Ce soir, il avait l'autre extrême, exaltante par sa tendresse authentique et ce quelque chose de profondément généreux et noble. Les deux opposés du continuum fusionnaient, grondant en lui comme le tonnerre, déchargeant la tension accumulée toutes ces années, tous ces siècles, pour montrer la voie à sa psyché prisonnière. Un paisible rideau de pluie venait sonner le glas de l’accalmie après l'orage, coulant le long de sa joue pour mourir à la commissure souriante de ses lèvres alors qu'il s'endormait. Il avait touché le bonheur.

    Les rayons de l'aurore rosée caressaient sa peau pour le tirer hors des limbes du sommeil. De ses doigts glacés, ils faisaient frissonner sa peau, dressant les poils sur son passage ainsi que dans son dos, remontant jusque la nuque. Il n'avait pas le souvenir que l'aurore ait jamais eu un tel effet sur lui et lorsque ses paupières s'ouvrirent sur le visage adoré, il comprit la méprise autant que la satisfaction glorieuse de le savoir à ses côtés. Encore vaseux, un sourire étira doucement ses lèvres sans qu'il ne percute, pour l'heure chacun des mots qu'on lui alignait de bon matin : pire que son Conseil ! Il cligna doucement des yeux avant que la dernière question ne lui monte au cerveau et qu'il en comprenne le sens : « Imprimé. » répondit-il, sans perdre de sa répartie. Avec son totem saumon, il s'en sortait toujours, même lorsqu'il n'avait que deux neurones d'actifs. Restait à savoir s'il parlait de leur activité nocturne ou de la marque des draps froissés qui rayait l'une de ses joues. Sans perdre le nord, il glissa son nez le long du sien pour rapprocher son visage et venir saisir ses lèvres des siennes. Son geste était lent et gauche mais pas moins sincère. Il passa ses bras autour de lui pour l'enserrer dans une étreinte remplie de tendresse et de sommeil.

    « Mhhh. » Les yeux clos, il ne bougea pas pendant cinq bonnes minutes. Puis, il commença à montrer les premiers signes d'éveil par des caresses le long de sa peau froide, des baisers dans le creux de son cou... Et les premières réflexions qui fleurissaient à retardement. « Tu... M'as regardé dormir... ? » Pendant une ou deux heures. C'était flippant, mais après mûre réflexion, s'il avait été vampire et Ivanyr un elfe... Il aurait probablement fait la même chose. Il ouvrit les yeux pour saisir son regard et leva une main pour parcourir le contour de son visage : « J'ai l'impression d'être drogué. » souffla-t-il. Il n'avait plus les pieds sur terre, sans savoir si c'était du au sort ou aux émotions qui le secouaient, et il allait falloir qu'il y revienne. Un rêveur ne ferait pas un bon dirigeant. Sans être terre à terre, diriger une cité, c'était être au point d'équilibre entre pragmatisme et pensées visionnaires. Il se redressa pour s'asseoir et balaya d'une main, ses cheveux vers l'arrière pour qu'ils retombent en cascade dans son dos à la peau brûlée. Il passa ses mains sur son visage pour effacer les lambeaux de la nuit et son regard retomba sur l'homme étendu à ses côtés. Ses yeux le dévoraient sans y toucher avant de lire la couverture du livre. Il fronça les sourcils : « Tu sais lire l'elfique ou tu m'as regardé dormir pendant cinq heures plutôt que deux ? » Les prunelles, qui retombèrent sur lui, avaient cet éclat d'éveil et d'amusement. Il se laissa retomber mollement sur le flanc, dans le lit, orienté vers lui.

    Au risque de lui refaire le coup du 'ça va trop vite', il se sentait vraiment perturbé par la rapidité fusionnelle qui existaient entre eux, un peu comme s'ils s'étaient attendus des siècles durant pour pouvoir se trouver, enfin. Cette affaire de prédestination totémique était troublante, surtout pour quelqu'un comme lui, qui était une véritable girouette. Il ne se fixait d'ordinaire sur rien, changeait ses affects tous les deux jours, mais pour une fois... Pour une fois, il voyait vraiment quelque chose d'éternel. Quelque chose qui le pousserait vers une stabilité à plus lointaine échelle. « Mon piou-piou. » souffla-t-il avec un sourire, comme une conclusion à ses réflexions. Il ne voyait plus d'autres explications que l'esprit-lié de ces oiseaux pour l'aider à comprendre et rationaliser son comportement. L'autre explication était la folie. Il y avait bien les dernières questions d'Ivanyr qui lui restaient en tête, mais il n'avait pas envie d'y répondre, là, pour leur première matinée à deux. Il se contenta de prendre sa main dans la sienne pour embrasser ses doigts : « Je crois que parler des préparatifs pour le Congrès de la Magie et des Sciences va être beaucoup moins passionnant que de rester à tes côtés. Une chance que je ne reçoive que des scientifiques de Sélénia et non leur Roi. » Nolan ne se serait jamais déplacé jusqu'ici. Il n'était même pas prévu qu'il pointe le bout de son nez à Cordont pour un événement qui symboliserait la collaboration entre l'Empire et l'Alliance. C'était navrant et preuve, encore, de toute l'hypocrisie des Kohan. La moue qui froissa son nez en disait long pour lui. « Je vais en avoir pour la journée, tu ne serras pas obligé de veiller, tu viendras me chercher en fin de journée. » Il se frotta l'arrête du nez.

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Bien, son elfe n'était pas du matin semblait-il, du moins était-ce qu'il déduisait de son air et de l'impression vitreuse de ses yeux qui, fort heureusement, allait en s'améliorant un peu.En même temps, il avait des raisons de faire le vaseux… entre la discussion tardive et le reste, plus tardif encore, même une bonne nuit de sommeil ne pouvait empêcher la nature de prélever son tribut auprès d'Aldaron. Apaisant enfin le flot de ses paroles, il se figea un moment, l'admirant simplement et se fendit d'un rictus narquois à la répartie qu'il parvint enfin à lui expédier. « Ah ? » fit-il avec une innocence feinte qu'il ne cherchait pas à rendre crédible. « Tu es certain que tu n'es pas plutôt deuprimé ? » La question, absurde en elle-même, était posée sur le ton d'une curiosité enfantine, alors qu'il laissait courir ses doigts sur les coures racés de son compagnon de lit. Le baiser l'empêcha d'aller plus loin dans son idiotie matinale et il émit une tentative de ronronnement contenté contre ses lèvres en répondant avec un plaisir non dissimulé, se moquant complètement de la maladresse de son compagnon, compensant sans une pensée à ce sujet et venant l'enlacer pour le rapprocher de lui et le nicher dans le cœur de son étreinte, abandonnant tout le reste pour profiter de la sensation de son corps chaud qu'il redécouvrait à chaque instant comme s'il s'agissait du premier. Il massait la chair offerte pour en tester toute la fermeté, se gorgeait de sa chaleur, s'émerveillait de la douceur de sa peau. Même marquée, elle restait délicieuse, et ces souvenirs d'un passé douloureux n'engendraient aucune répugnance en lui. Ses lèvres ne les avait que plus vénérés la nuit précédente, voulant chasser de chaque parcelle de son être l'impression de cette prison qui l'enfermait toujours, voulant lui donner d'autres souvenirs à accrocher à ces témoignages physiques, plus agréables, plus positifs. Il n'avait pas la prétention de parvenir à le guérir tout seul, mais il voulait lui donner tout ce dont il était capable, et ce sans jamais se forcer, en parfait accord avec lui-même. Il n'y avait rien en lui qui puisse lui répugner.

Installé là, avec lui, il attendit que l'autre émerge davantage, contenant sa propre impatience, son enthousiasme et son énergie, qui risquaient davantage de l'épuiser plus avant que de l'inspirer. « Hm ? » Lui-même dû faire un effort pour se remémorer de quoi il s'agissait. Puis, quant il eut enfin l'illumination, ricana brièvement. « Oui… En fait au début je n'osais pas bouger, je ne voulais pas te réveiller, il ne me restait pas grand-chose à faire à part te regarder. Et tu es quand même plus intéressant que le mobilier » Joignant son regard au sien, il prit une expression amusée et sensiblement désabusée devant son propre comportement, mais il n'y avait rien de contrit en lui pour autant et il avait beaucoup aimé pouvoir l'étudier sous toutes les coutures sans que lui ne s'en sente gêné ou ne l'ennui en bougeant et en parlant. Non qu'il n'apprécia pas ce qui sortait de sa bouche, mais pour réellement graver chaque centimètre de lui dans sa mémoire, il préférait ne pas être interrompu. Sa capacité de concentration n'était pas omnipotente, hélas. Il avait ses limites comme tout le monde. « Drogué ? Juré, ce n'est pas moi cette fois » Ou peut-être que si… ce sortilège, il ne l'avait jamais utilisé avant ça, il n'avait donc aucune idée de ses potentiels effets secondaires. Peut-être que cela pouvait ressembler au contre-coup d'une drogue, effectivement. Il allait devoir vérifier cela très vite. Le laissant aller, il s'étira longuement, félin, et s'installa sur le dos, mains derrières la tête, lui observant la courbe du dos avec un plaisir évident. Même s'il n'aimait pas l'attitude générale des elfes, il ne niait pas que leur conception physionomique relevait de l'art. En le sentant se tourner de nouveau vers lu, il haussa les sourcils, interrogateur. La soudaine remarque lui rendit de sa gravité, et Ivanyr fronça les sourcils alors que son regard déviait sur l'ouvrage abandonné. « … Et bien apparemment, je sais lire l'elfique. Je n'avais même pas remarqué que ce n'était pas du commun » Pour le coup, il était sincère ! Il avait réellement lu, et aisément d'ailleurs. La magie, il adorait ça, c'était plus que passionnant… fascinant.

« … Piou-piou ? » Incrédule, il cilla, et lui fit les gros yeux, se demandant s'il avait bien entendu le surnom ridicule dont il venait d'écoper sommairement. Puis un sourire carnassier lui dévoila les crocs. « Hey, c'est toi qui a fait piou-piou cette nuit ! » Pour autant, il ne chercha pas à le dissuader, trouvant là une forme de candeur et de fraîcheur bienvenue de la part de son nouveau compagnon de chambrée. Enlaçant ses doigts aux siens avec plaisir et se tournant vers lui, sur un flanc, il l'écouta et se fendit d'une légère grimace. « Il ne vient pas ? Ce n'est pas normal non ? Si c'est un congrès si important que tu t'en occupes toi-même, il devrait aussi mettre la main à la pâte, ce serait de bonne guerre... » Il y avait un problème avec… Sélénia, c'était cela ? Qui était l'imbécile qui avait appelé un royaume Sélénia d'ailleurs ? Il avait trop regardé la lune ou bien le roi ne pouvait pas sortir au soleil ? Il y avait une maladie ou une malédiction, qui provoquait cela, même chez les humains. Ou alors c'était le royaume vampirique dont on lui parlait ? Non… il avait manqué quelque chose, là tout de suite. « Je ne vais pas t'infliger ça dès le réveil mais… j'aimerais bien que tu m'explique un peu tout ça, quand tu auras le temps. Il y a quelque chose de parfaitement illogique dans ce que tu viens de me dire et j'ai l'impression de manquer d'informations pour juger de la situation. C'est déplaisant. Et avant que tu me le demande, non, je ne m'y suis pas intéressé jusqu'ici... » En fait, il s'y intéressait parce que cela semblait, d'une façon ou d'une autre, tenir à cœur pour l'elfe. Se redressant dans le lit, il écarta sa propre chevelure de ses épaules et se massa la nuque d'une main, se donnant un peu de temps pour défroisser ses muscles. Grondant un peu, il fit quelques mouvements, puis quitta les draps et récupéra son pantalon. « [color=#4084E1]Je reviens » Quittant la pièce un moment, il alla jusqu'aux cuisines pour prendre le plateau de petit déjeuner que les serviteurs d'Aldaron avaient prévu et le lui ramena, avec une grande carafe de verre remplie d'eau. « Ils sont aux petits soins pour toi... »

S'installant aux pieds du lit, il se mit en tailleur, un peu raide, et récupéra l'un de ses livres, avant de froncer les sourcils en se rendant compte que lui aussi avait un peu faim. Et qu'il n'avait pas sa gourde… « Aldaron ? » Le mirant avec prudence, il glissa d'un ton qui se voulait tranquille. « Accepterais-tu de… m'aider ? Disons… que j'ai la dent creuse moi aussi... » Il ajouta un peu plus rapidement, pour le rassurer «  Je n'ai pas besoin de beaucoup, ne t'en fait pas, je me contrôle parfaitement…. »

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    'Deuprimé ?' L'elfe arqua un sourcil, perplexe, avant que son cerveau embrumé n'en capte la signification tordue. On avait pas idée de lui faire un nœud au cerveau de si bon matin. L'envie lui vint de lui répondre que pour être deux-primé, il aurait fallu qu'il lui rajoute une seconde couche d'encre, mais il oublia, dans l'étreinte. Car tout disparaissait dans ce genre de moment, rien d'autre qu'eux n'avait d'importance, et il n'était pas assez éveillé pour se forcer à retenir la plaisanterie. Il se laissait simplement aller, ses propos coulaient sur lui comme de l'amusement et même la tête, qu'il tira au surnom enfantin qu'il lui donnait, ne sut le faire revenir en arrière. Ça pour avoir roucoulé, il avait roucoulé. Mais il n'avait certainement pas été le seul, aussi afficha-t-il une mine ferme et décidée : Ivanyr serait son piou-piou dorénavant. Du moins, en privé. Il n'irait pas lui donner ce sobriquet devant témoins. L'elfe avait acquiescé d'un signe de tête à la demande d'Ivanyr de lui parler de Sélénia. S'étirant dans les draps, il resta un instant à regarder le vampire dénouer ses muscles, s'offrant le droit légitime à la contemplation. Il était le sien, n'est-ce pas ? Il fallait dire que son piou-piou était bel homme, tirant sa carrure tout droit des montagnes oubliées de Glacern. Plusieurs fois, croiser des Elusis depuis la mort d'Achroma, lui avait fait froid dans le dos, remuant des sentiments mitigés. Mais maintenant... Maintenant, cela irait beaucoup mieux. A son départ, l'elfe se décida à se lever, s'approchant d'une vasque de terre cuite peinte et sculptée pour tremper un linge et laver sa peau. Malgré lui, il ne pouvait que faire le rapprochement entre Achroma et Ivanyr, entre autres, dans cette capacité à lire l'elfique. Il avait beau faire des efforts pour scinder ces deux êtres, ce n'était pas toujours aisé. Là où les différences passaient crème, les similitudes le tournaient immédiatement vers l'Aîné et ça l'agaçait passablement, comme si le spectre d'Achroma continuait de le suivre, quoiqu'il fasse. Sa symbiose avec Ivanyr le conduisait à repousser le dragonnier au loin, lui refusant sa proximité, et cela le blessait d'autant plus qu'il en venait à le vilipender, à le dénigrer, à noircir son image et à le calomnier de tous ses maux pour parvenir à le défaire d'Ivanyr. Et c'était malsain. Car petit à petit, ce qui lui restait d'Achroma n'était plus qu'une bile amère, faite de déceptions... Mais le vampire n'avait pas été que cela pour lui. Il avait été sa foi, sa conviction et sa force à sortir de Morneflamme, à se battre pour Ambarhùna sans faillir. Son approche n'était pas la bonne, il le savait. Mais il n'en avait pas d'autres pour l'heure.

    Il porta ses yeux verts sur la silhouette qui revenait, avec un plateau. Son sourire s'élargit alors qu'il chassait ses pensées. Il essora le linge et le posa sur le bord de la vasque, pour aller enfiler un pantalon clair et venir se rasseoir sur le lit. « Je ne suis pas un roi. Ma place n'a pas été acquise par le sang qui coule dans mes veines. J'ai été élu Bourgmestre, par la population de Caladon. Beaucoup de personnes ici tiennent leur réussite de l'aide que leur a apporté, à un moment ou un autre, le Marché Noir. Certaines personnes m'appellent toujours Triade. C'était le nom que je portais, avec mon frère et ma sœur de cœur. Nous dirigions le Marché Noir tous les trois. » Mais s'il avait repris son nom de naissance, c'était bien parce que cette alliance n'existait plus. « Alors... Oui, ils sont au petits soins. Pour ça et... » Il eut un sourire en coin : « Pour l'or que je leur verse, évidement. » Il se remplit un long verre d'eau qu'il vida pour s'hydrater après sa nuit délicieuse. Il prit le couteau et l'orange et commença à éplucher la peau en faisant une première incision pour faciliter le travail de ses doigts. La demande de sang l'arrêta un instant dans son action, quelques secondes, avant qu'il ne la reprenne naturellement. Ses prunelles revenaient vers lui. « Bien sûr. » Il eut un sourire en coin, amusé par les précautions que prenait Ivanyr à son égard avant d'expliquer pourquoi cela l'amusait. « Ma sœur était une humaine. Mon frère était un vampire. » Et lui un elfe. Tout trois comme un brillant équilibre. « Nous étions liés bien avant que les nations aient besoin de s'unir pour faire face à l’adversité. Et nous avons toujours été soudés, non pas parce que nous en avions besoin... » Comme cela avait été le cas des peuples d'Ambarhùna : « Mais parce que nous aimions vivre ensemble. J'ai déjà nourri mon frère et... Purnendu m'a dit que tu savais très bien te contrôler. Je n'aurai pas espéré les choses autrement de la part d'un... » Sa mine se renfrogna avant qu'il n'achève sa phrase : « Millénaire. » Ça l'agaçait. Pourquoi fallait-il qu'Achroma revienne toujours sur la table ?

    Il reprit le couteau à la lame aiguisée et posa le fer sur le haut du verre : « Là ? » demanda-t-il avant de diriger la pointe vers le creux de son propre cou : « Ou là ? » demanda-t-il avec ce sourire qui lui revenait, malgré tout. Bien sûr, il savait qu'Achroma ne buvait pas à la gorge des autres, mais ce n'était pas le désir d'Achroma qu'il voulait assouvir. C'était celui d'Ivanyr. Certains vampires n'éprouvaient aucune satisfaction à boire à la gorge de leur proie, comme des prédateurs bien élevés. D'autres avaient besoin d'entendre le cœur battre et la chaleur du corps d'où s'extrayait le fluide vital. Aldaron, lui, se moquait bien de la façon dont les vampires s'y prenaient, s'ils y trouvaient leur compte et si leur donneur était consentant. Et l'elfe l'était. Qu'il s'entaille la main pour laisser couler le sang dans un verre, ou qu'il mortaise son cou et laisse Ivanyr venir embrasser sa peau pour se repaître, l’indifférait ou presque. Le souvenir de ses caresses et baisers lui donnait encore des frissons. Il lui laissa le temps de répondre et termina, avant, d'éplucher son orange. Ainsi il n'aurait plus besoin de son couteau. Qu'il y ait la moindre goutte de sang dessus et que ce sang vienne malheureusement à sa bouche, et c'était la crise de terreur assurée. Si la vue du sang ne l'indisposait plus, l'avoir sur sa langue était encore une horreur sans nom. Il reprit la parole pour chasser de sa pensée Morneflamme. Ivanyr voulait qu'il lui parle de Sélénia, non ? Et bien voilà, c'était parfait : « Caladon me tient à cœur. Elle a été le siège choisi par la Triade pour incarner le point de passage entre le Protectorat et la Théocrathie contre laquelle nous luttions. Lorsque je me suis installé à Calastin, je ne voulais pas abandonner ce souvenir. J'y avais placé mes espoirs de reconstruction, comme une ancre. Caladon et... Le Marché Noir sont ce qui me reste de Cercëe et Corinne. Ma force, mon empire, en quelques sortes, tu vois ? »

    Et quelle force. L'or était une arme remarquable et bien sot serait celui qui voudrait jouer contre lui à cela. « J'avais toujours placé le Marché Noir au service d'une cause et en défaveur d'une autre. A sa création, c'était pour soutenir la rébellion de Korentin Kohan. C'était son moyen de survie, c'était ses vivres, ses armes. J'avais beaucoup de contacts à Gloria, j'y avais vécu plus de 400 ans, alors j'ai monté mon réseau avec la Triade et... Ça n'a pas été un mal. Nous étions ainsi entraînés, meilleurs de jour en jour et notre maillage se faisait plus vaste et plus précis à la fois. Quant le Tyran Blanc a pris le pouvoir, nous étions bien heureux d'avoir donné au Marché Noir une renommée et une force telle qu'elle nous a permis d'être complètement invisibles aux yeux de la Théocratie. Et aujourd'hui... Le Marché Noir agit toujours et draine l'économie de l'Empire au profit de l'Alliance. Mais cette fois, j'ai levé la barre encore plus haut. Le Marché Noir est toujours invisible de sa... Victime. Il l'est également aux yeux de ses bénéficiaires. Caladon ne sait pas ce dont elle profite. Ce que je lui offre. Mais tant qu'elle prospère... Cela me sied. Cela rend le Marché Noir encore plus difficile à infiltrer. » Il n'attendait aucun remerciement... Il saurait simplement leur pointer du doigt si, un jour, on venait à lui cracher au visage. Car ce pouvait être le cas... « Aussi loin que remonte l'histoire des humains, les Kohan ont toujours dirigé. Toujours été roi, telle une éternelle et stable dynastie. Si elle a effectivement duré, elle a aussi été morcelée de guerres intestines et de conflits puérils qui ont mis le continent sans dessus dessous. Se battre pour un roi... Beaucoup l'ont fait et ceux qui ont été désillusionnés sont nombreux. Pour Caladon, le retour sur investissement n'était pas à la hauteur des espoirs. Nous nécessitions d'avoir les mains libres et c'est ce désir d'émancipation qui nous a fait valoir notre insurrection contre Selenia, capitale de l'Empire Kohan. Le Royaume des Hommes. »

    Il poussa un soupir et reposa son orange épluchée dans le plateau. Il prenait son couteau : « Pour Delimar l'appel aux armes a été plus viscéral. Nolan Kohan, actuel roi de Hommes, est le fils de Korentin Korentin. Le Roi que le Marché Noir avait soutenu. Le Roi que la ville de Glacern avait favorisé. Un Roi qui ne leur a offert que déception après déception, gifle au visage après gifle au visage. Korentin, Fabius, Esmelda, et leur aîné avant eux... Tous des Kohans. Glacern, loyale, avait ployé le genoux devant eux et n'a récolté que des cendres. Elle a été chassée de ses montagnes neigeuses quand leur territoire a été accordé aux elfes par les Kohan et lorsque les Chimères sont venues aux portes des Nordiques, ils se sont battus encore, comme des piliers pour préserver l'humanité. C'est dans cette bataille que j'ai perdu Cyrène mais aussi mon frère Cercëe. C'est aussi dans cette bataille qu'est née mon alliance avec la Cité de Delimar. » Il eut un sourire en coin, avant de plaisanter sur une note moins tragique : « Je suis l'un des rares êtres vivant de magie qui puisse me targuer d'être en estime dans le cœur des familles princières de Delimar. Cela a beaucoup aidé à notre but commun, en dépit de nos divergences. Et cela a beaucoup aidé également, lorsqu'il a été temps de signer l'Armistice entre l'Alliance et l'Empire. Aujourd'hui, nous avons notre indépendance. C'est tout ce que Caladon désirait. Délimar... Je pense que Délimar attend la moindre occasion pour mettre le feu aux poudres. » Il planta ses yeux verts, francs de détermination, dans ceux du vampire : « C'est pourquoi je vais détruire Sélénia, avant qu'on en vienne au fer et au sang. L'or est une arme. Mon arme et ils n'ont personne en face qui n'égale mon envergure, l'envergure du Marché Noir. » Rien de cela n'existait. Il y aurait bien eu la Guilde Marchande qui puisse se montrer de taille en se développant... Mais il se trouvait qu'elle était également de son côté. « Maintenant tu sais pourquoi on m'envoie des assassins. Si j'incarne pour beaucoup cette image de paix, je suis, dans les faits, le seul dirigeant qui soit en guerre. Et j'en joue évidement. Voilà pourquoi j'organise ce congrès. Et l'absence de Nolan Kohan ne fait que prouver son désintérêt pour la cause du Sud. Son mépris ou sa puérilité, que sais-je ? » Il haussa les épaules. « Quand le nom des Kohan serait enterré, cela n'aura plus la moindre importance. » Il releva doucement la lame de son couteau et s'entailla sans broncher à la demande d'Ivanyr.


Dernière édition par Aldaron Leweïnra le Sam 9 Juin 2018 - 18:01, édité 1 fois

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« Sans doute » fit-il avec détachement « Mais des employés qui font mal leur travail, ça existe » L'affirmation se portait sans guère de jugement, un simple constat d'une réalité qui lui semblait couler de source. Il retint le reste, n'ayant pas très envie de commencer à controverser dès le matin avec lui, préférant garder cela pour d'autres occasions. Mais les faits étaient là. La population, surtout humaine, avait tendance à avoir la mémoire courte, et à oublier d'où venaient les bienfaits du moment où la sécurité semblait acquise. Du peu qu'il en comprenait, ce n'était pas encore le cas, mais ça viendrait forcément à un moment ou un autre, et à partir de cet instant ? Il ne faisait aucun doutes que leur reconnaissance irait en s'étiolant et cela lui déplaisait déjà. Il n'avait pas envie de voir Aldaron subir ça. Il n'avait pas envie de voir la lueur de fierté dans ses superbes prunelles se faner et disparaître comme l'automne dans les feuilles des arbres. L'idée éveillait une colère dangereuse en lui, tant elle était violente et irraisonnée, grondant déjà rien qu'à la perspective avant la moindre réalisation. Fort heureusement, ils avaient bien d'autres sujets à partager, qui l'empêchait de rester coincer sur cela. Et elle lui changeait les idées. Oui, il avait faim, et goûter son sang l'intéressait, d'autant qu'il n'avait aucune idée d'une autre façon de se sustenter ici. Jusqu'à présent, il continuait d'utiliser Purnendu pour se fournir, puisque son ami n'y voyait pas d'inconvénients. L'elfe pourrait être une bonne alternative pour éviter d'avoir à chasser, s'il acceptait évidemment. Mais cela le gênait moins de le lui demander à lui. Ils étaient déjà intimes, après tout, c'était une étape de plus. La facilité avec laquelle l'autre acceptait était confondante. Ivanyr ne s'était nullement attendu à ce que l'autre se montre d'aussi bonne volonté à un tel égard… mais ça lui allait parfaitement ! Pour autant, les explications, et le compliment, lui firent hausser les épaules. « Je pense que c'est plus une question d'éducation et de volonté que d'âge, même si je remercie mon ami du bon mot. Je ne meure pas de faim, et je ne sens pas mon 'repas' menacé, donc je ne vois pas de raison de jouer les animaux, pour d'autres ? Et bien… chacun sa façon de voir les choses, je suppose » Il avait vu les autres vampires, beaucoup succombaient à la faim… peut-être ne voulait-il pas non plus ployer face à la dépendance. Ça nuirait à son teint.

La question suivante le laissa perplexe, réellement. Jusqu'à présent, Purnendu avait été sa principal source de nourriture, par choix autant que par possibilité et à cause de sa fourrure, il lui servait le sang dans une outre, pour éviter au vampire d'avoir des poils coincés entre les crocs et collés à la langue. C'était une logique pragmatique, rien d'autre. Mais là, on lui demandait de quoi il avait envie et en vérité ? Il n'en savait pas grand-chose. Muet, il penchait légèrement la tête de côté, observant ce choix avec un sérieux qui n'était peut-être pas de circonstance, mais qui lui paraissait, à lui, adéquat, en la plus parfaite des subjectivités. Finalement, il estima que le contact de l'elfe serait plus agréable que de boire simplement dans un verre, geste qui lui paraissait gauche et grossier. « Ta gorge » souffla-t-il avec douceur, espérant qu'il n'y verrait pas d'inconvénient. Qu'il puisse honorer le don à sa juste valeur, qu'il puisse sentir la réaction de son partenaire et faire attention à lui, qu'il puisse lui rendre l'acte aussi plaisant que possible, et qu'il puisse l'emplir d'une autre symbolique qu'un banal don de nourriture… S'il comprenait la répugnance des humains pour le régime alimentaire des vampires, il imaginait, peut-être stupidement, que lors d'un partage consentant, il pouvait y avoir en cela beaucoup plus que cela, qu'il pouvait en faire un art agréable, un plaisir comme un autre. Il suffisait, en soi, d'avoir le bon coup de… main ? Langue ? Bonne question. Néanmoins, avant qu'il n'aille plus loin, on répondit aux interrogations qu'il entretenait au sujet de ce fameux royaume Sélénien. Se faisant aussi muet qu'attentif, il écouta avec beaucoup d'intérêt ce qu'Aldaron lui révélait. Il y avait là beaucoup d'informations, mais surtout beaucoup de raisons de s'interroger davantage… Et lorsque l'autre eut terminé, Ivanyr resta un long moment silencieux, défait de toute expressivité mais l'observant attentivement. Puis il soupira profondément et se redressa sur son assise, à la seule force des muscles. Posant le menton sur ses mains jointes, il s'offrit quelques instants de plus à réfléchir et digérer ce que l'on venait de lui expliquer avant de formuler la moindre réponse. Il ne voulait tout simplement pas donner une réponse trop empressée, par pur respect pour la gravité de ce qu'il ressentait en lui.

Néanmoins, avant qu'il ne puisse émettre un son, Aldaron revint à une précédente demande, et il s'approcha tandis qu'il entaillait sa chair, soufflant un remerciement dans le creux de son oreille avant de sceller ses lèvres à la plaie, laissant le fluide chaud et riche, âcre, lui couler sur la langue et dans la gorge. Lentement, il caressa les bords de la plaie nette, suça avec précaution, pour un essai prudent. Puis avec un soupire, il se rapprocha davantage et enlaça l'elfe, le nichant contre son corps puissant, le ployant pour épouser sa forme de la sienne. Ses mains aux longs doigts virent lui masser les hanches et lui caresser le dos tandis qu'il ponctionnait une part de sa force vitale, sans jamais planter les crocs, tâchant, comme il l'avait souhaité, de rendre l'expérience la plus agréable possible pour celui qui lui offrait si aisément son sang. Cela dura un moment, qui perdurait simplement parce qu'il prenait son temps, qu'il ne cherchait ni à se presser ni à le vider, certainement encore moins à le violenter. Puis lorsqu'il détacha enfin ses lèvres de sa peau, il vint effacer le léger reliquat carmin et soupira doucement en venant se reposer contre lui, joue contre son épaule, retombant dans le silence alors qu'il jouait avec une de ses mèches. « Je t'aiderais » fit-il avec tranquillité, venant chercher son regard du sien et l'y apposant avec fermeté. « Je suis encore en convalescence, Cybele me répète sans cesse qu'elle me sait capable de bien plus que je ne fais pour le moment et je le ressens également, profondément, en moi, mais… je t'aiderais. Dès à présent et toujours, à la mesure de mes moyens quels qu'ils soient, tu pourras compter sur moi. Uses de moi comme de ton arme, et ne ressent pas de regrets car c'est moi qui te l'offre. Si ce que tu demandes m'est impossible je te le dirais, sinon je te donnerai ce que tu voudras. C'est vrai, l'argent, l'or, est puissant, mais il y a des choses qu'il ne peut pas faire… celles-là, c'est moi qui les ferait» Il tendit la main, vint lui effleurer la joue, résolut. Sans doute était-ce un peu pompeux de le présenter comme cela, mais il sentait que cela lui était nécessaire, alors il allait simplement avec le flot. Tant pis si cela paraissait excessif à certains ! Il n'allait pas réellement se lister en politique et aller haranguer des foules, mais ce qu'il proposait, ça oui, il savait en être capable.

Se redressant, il vint se mettre près de lui, puisqu'il ne pouvait pas réellement être face à lui.  Cyrène aussi s'est battue pour une cause qu'elle pensait juste, j'en suis certain. Je ne me souviens pas vraiment d'elle mais si elle était ma mère, si elle ressemblait au reste de ma famille, si Cymorill est vraiment son portrait, alors je ne doute pas qu'elle est morte satisfaite de sa vie... » Non, la mort n'était vraiment pas une ennemie, lorsqu'on vivait pleinement et en accord avec soit-même. Mais évidemment, tout le monde n'en était pas capable. Cela dépendait entièrement. « Quand à Sélénia... » Il soupira «[color=#4084E1] Les Kohans n'ont pas toujours existé, il y a bien eut un temps où ils n'étaient pas rois. Comme pour tous les autres. Les dynasties sont comme les hommes, elles viennent par cycle. Si ces individus ne méritent plus leur couronne et ne tiennent vraiment que par de vieilles lois du sang, alors peut-être leur temps est-il effectivement venu… mais lorsque tu auras véritablement siphonné leurs trésoreries, que feras-tu ? » Ses traits régaliens se froissèrent par une pensivité sensiblement critique, mais non agressive. Il voulait comprendre les tenants et les aboutissants. « Est-ce que tu te mêlera de leur remplacement ? Est-ce que tu les laisseras faire ? Tu veux éviter de verser du sang, mais de ce que je sais des humains… et de façon générale, de tous les peuples, nous sommes promptes à régler les choses par le sang. Empêcheras-tu une guerre civile si elle se déclare ? Laisseras-tu un tyran pire encore monté au-devant de la scène ? Imposeras-tu un gouvernement ? » Vouloir éviter un massacre était très louable, mais en même temps, à un moment où un autre, il y aurait une fausse note dans la partition, simplement parce que de nombreux individus étaient trop bêtes pour apprendre de leurs erreurs. « Et… si tu arrives à siphonner leurs caisses, que leur royauté tombe, empêcheras-tu Délimar de laver leur honneur perdu dans le sang ? Qui te dis qu'ils n'attaqueront pas tout de même, simplement pour 'purifier' Sélénia ? Si ce sont des Glacernois, ça ne me semble pas étrange, comme comportement... »

Il eut un étrange sourire et pencha de nouveau la tête sur le côté avec un petit air joueur cette fois « Connais-tu l'histoire de la fondation de Glacern d'ailleurs ? Ou peux-être ne l'as-tu jamais entendu ? Elle est éclairante sur les relations entre le Nord et les Kohans… et fatidique, de ce que j'en perçois à présent » Oh oui, c'était éclairant, comme conte….

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    L'elfe bascula sa chevelure blanche, sommairement ébouriffée par la nuit, par dessus son épaule, d'un geste de la main. Il les ramena devant, de telle manière à libérer sa gorge qu'il entailla, dans une expiration de son souffle chaud. Ne pas le voir faire comme Achroma : voilà ce qui rassurait son cœur inquiet. Cela apaisait l'impact des similitudes au profit les différences. Les lèvres froides sur sa peau encore chaude du sommeil lui fit relâcher un peu abruptement le couteau dans le plateau de son petit déjeuner, sans engendrer de catastrophe, heureusement. Ses paupières se fermaient en sentant la poigne, dans son ventre, qui lui saisissait les entrailles. L'emprise sur ses hanches et les caresses dans son dos soulevaient les poils de son corps dans un frisson souverain. Un sourire germait sur ses lèvres jusqu'à l'éclat de l'ivoire, franc, tandis que son être obtempérait pour épouser les courbes et creux d'Ivanyr. Ses bras se refermaient sur lui, la respiration calme, savourant ce qu'il lui offrait en échange. Il n'avait imaginé vivre cela ainsi, avec autant de douceur et de bienveillance, comme un cocon protecteur où il se sentait bien. Il avait grandi parmi les elfes puis les hommes. Les histoires terrifiantes de prédateurs nocturnes avaient accompagné son imagination fertile et si Cercëe avait largement contribué à rendre ces fables fallacieuses, il ne lui avait pas offert ce genre d'instant. Là, la brutalité bestiale faisait place à de la sensualité et de l'affection. S'il racontait ça à un Glacernois, il ne le croirait jamais. Et il n'avait pas envie de partager cet instant. C'était leur moment, leur intimité, leur magie. Etait-il envoûté par le charme vampirique ? Sûrement un peu, ces créatures de la nuit avaient successivement attisé sa peur, puis sa curiosité, et enfin son désir. Quant à savoir s'il était à l'apogée de sa découverte ou s'il n'était qu'une malheureuse proie manipulée par les sentiments, il s'en moquait incommensurablement. Il se sentait vivre et c'était tout ce qui lui importait, égoïstement.

    Il demeura longuement au creux de ses bras, après un soupir bienheureux, à achever la fin de son éveil, en douceur. C'était si bon qu'il aurait volontiers passé la journée là, s'il n'avait pas eu d'autres responsabilités. La première phrase d'Ivanyr le tira de sa somnolence consciente et douillette avant qu'il ne desserre son étreinte et rencontre son regard. Les prunelles d'un bleu céladon berçaient les propos que le vampire tenait à son égard et qui l'étreignaient savoureusement jusqu'au cœur, touché profondément par la promesse. Il avait entrouvert les lèvres avec la volonté de lui répondre qu'il ne le conduirait jamais à la mort pour lui, mais le reste de ses mots enterra l'idée. Mourir pour une cause qui lui semblait juste, c'était ce à quoi il aspirait lui-même et si Ivanyr le choisissait pour incarner cette cause, de quel droit pourrait-il l'en empêcher ? Si cela lui faisait peur, il savait aussi que ce serait inévitable. Il y avait des éternels, mais rien d'immortel. Probablement le rejoindrait-il, maintenant qu'il avait trouvé ce qui faisait battre son cœur. Si on le lui arrachait, il ne ferait pas long feu. Il en resta coi, incapable de répondre. Il le laissa étaler le flot de ses questions sérieuses. Et après c'était lui qui pensait trop, hein ? Outre la plaisanterie, il trouvait légitime de l'entendre l'interroger de la sorte. S'il se battait sincèrement pour sa cause, il ne pouvait avancer de façon aveugle. Aldaron ne serait pas toujours présent pour lui faire part de ses demandes. Ainsi Ivanyr devait saisir par lui-même les tenants et aboutissants de tout cela, pour, à défaut de décider, agir avec la plus grande réactivité. Il y eut un instant de silence, pendant lequel Aldaron resta à fixer les orbes d'un bleu magnifique qu'étaient les yeux d'Ivanyr. « Lorsque je dis que je vais détruire Selenia... » entama-t-il avec une froideur pleine de franchise : « C'est que je vais détruire Sélénia. » A ces mots, on entrevoyait la fermeté cruelle et pourtant légitime qui ronronnait dans le fond de son ferme propos.

    « Parmi les hommes, il y a ceux qui survivent et ceux qui meurent. Cela ne signifie pas que les premiers sont forts et les seconds sont faibles. Cela signifie simplement certains continuent à écrire leur histoire et d'autres ferment leur livre, l'un et l'autre en accord avec leurs convictions. » Il tâchait de respecter cela, tout comme il respectait la décision d'Ivanyr d'être son bras armé, ou de ne pas être Achroma. Il s'agissait de leurs choix. « Les caisses de Sélénia ne se videront pas du jour au lendemain. Cela se fera progressivement. Petit à petit, le peuple se tournera vers un responsable pour les cris de famine que pousseront leurs ventres. Ceux qui sont le moins attachés à la royauté partiront les premiers. Caladon accueillera les émancipés qui se plient à ses lois. Ceux qui resteront à la banqueroute seront ceux dont les convictions ne pourront pas changer. Ceux dont la croyance envers les Kohans, même avec une totale ingérence économique de l'enfant-roi, ne peut faiblir... De quel droit pourrais-je leur imposer quoique ce soit ? Qu'ils finissent par tuer leur propre roi, qu'ils soient dominés par un tyran ou que Délimar décide d'aller purifier Sélénia à ce moment-là n'aura pas la moindre importance à mes yeux. Ils sont libres de leur destin et je suis un homme de respect. La seule chose que je puisse faire, c'est empêcher ceux qui peuvent ouvrir les yeux de mourir pour une dynastie au terme de son existence. Du fer et du sang, il finira par y en avoir. » Il n'était pas un utopiste et encore moins un homme insensible aux tensions entre les deux peuples, malgré l'Armistice. « Je muselle Délimar pour son propre bien. Mais le jour où le cuir lâchera, il lâchera. Et je ne me risquerai pas à me faire mordre la main si on refuse de m'entendre. Il n'y aura rien que je puisse faire de plus pour les retenir mais... Tout le temps où j'aurai réussi à les retenir - j'espère le plus longtemps possible - ce sera des vies sacrifiées en moins, tant du côté des Séléniens qui peuvent ouvrir les yeux... Que du côté de Délimar » Moins il y aurait d'hommes en face.... Et moins il y aurait de morts chez les nordiques, mathématiquement. « Sauf à ce qu'on me le demande ou que cela prenne une mauvaise tournure pour Caladon, je n'interviendrai pas pour la reconstruction de Sélénia. Défaite des Kohans, elle sera une Cité Libre et il lui appartiendra de choisir par elle-même son gouvernement, comme nous l'avons fait avant eux. » Enfin, s'il y avait encore quoique ce soit qui vive à ce moment-là.

    Il prit un quartier de son orange et en dévora les vitamines dont il avait besoin, trouvant même du plaisir à la saveur acide et sucrée qui coulait sur sa langue. Il haussa finalement les épaules : « Caladon... C'est un peu comme mon enfant. Je la protège, la cadre jusqu'à son émancipation. Je l'entretiens à mes frais et s'il lui prend l'envie de me cracher au visage, elle apprendra la vie sans les faveurs 'des sous à papa'. Je prendrai les choses comme elles viennent pour Caladon, Délimar et Sélénia. Je ne me fais pas de bile pour tout cela et je ne peux pas me permettre de voir vraiment au long terme, sur une île peuplée d'humains. C'est assez incompatible. » Engloutissant un nouveau quartier d'orange, il demanda : « Comment s'est fondée Glacern ? » Il résista à l'envie de l’appeler Conteur, ravalant promptement son agacement à cette idée. A défaut, il vint se caler contre lui. Une histoire, un petit déjeuner et une étreinte, il se sentait comme un enfant.

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Ivanyr n'était pas impressionné, mais il n'avait pas cherché à l'être, en vérité, il n'avait pas cherché à être inspiré ou enthousiasmé par les idées et les volontés d'Aldaron. Ce n'était pas ce à quoi il aspirait. Ce qu'il souhaitait, ce qu'il voulait, c'était comprendre, se faire une réelle vision de ce pourquoi il se battrait, ce que l'elfe désirait. Pour être efficace d'une part, et d'une autre pour choisir en toute connaissance de cause. Il ne cherchait pas la justesse, encore moins la justice, mais simplement la clarté de sa pensée, et jusqu'où il désirait aller. Ça ne signifiait nullement qu'il était forcément d'accord avec ce qu'il entendait, ça ne voulait pas même dire qu'il adhérait aux stratégies et points de vues que l'autre lui présentait… en la plus parfaite honnêteté, cela l'indifférait, sur un plan purement personnel. Mais il l'aimait, et si tout cela le satisfaisait ? Alors il voulait bien se salir les mains. A Aldaron, il devait la lueur tremblotante venue éclairée les tréfonds de son esprit perturbé et froid, la douceur et la chaleur qu'il sentait nichées au creux de son corps, comme une petite flamme de vie qu'il réanimait. Aux autres ? Il ne devait rien, tout simplement. Ce n'était pas plus compliqué que cela, et il n'était pas de ceux qui se rendraient malades pour le reste du monde, à cela il était déterminé. « Hm…. » Pensif, il pencha la tête sur le côté, pondérant les choses. Les royaumes étaient aussi peu éternels que ceux qui les construisaient, ils allaient et venaient et en voir un disparaître n'était pas source d'inquiétude. Et pourtant, il avait envie d'interroger Aldaron davantage. L'elfe avait-il pleinement conscience de ce qu'il désirait exécuter, désirait faire ? Détruire toute une nation simplement en raison des manquements de sa royauté avec tout ce que cela signifiait ? La perte sociale et culturelle ? Le désistement de familles, de valeurs et les dégâts humains et matériels ? Observant avec attention le contenu des prunelles vertes, il décida qu'il devait effectivement en avoir conscience. L'autre n'était pas réellement un utopiste, il avait conscience que cette belle vision qu'il lui dépeignait ne verrait probablement pas vraiment le jour. Entre la théorie et la pratique, il y avait une abîme de possibilités et de chaos qui s'appelait l'humanité. Mais enfin, c'était ainsi qu'on les aimait. Parfois comme des êtres capables de grandes choses, parfois comme des rongeurs incapables de distinguer le poison du fruit bien mûre. Cela aussi l'indifférait, en fin de compte.

« Et si le petit prince réussi à se jouer de toi ? » Il doutait que cela arrive, la différence de rouerie était trop grande, mais qui pouvait bien savoir après tout ? En un sens, cela serait très drôle si Aldaron se faisait moucher par un gosse humain… oui… vraiment très drôle. Il serait tout aussi drôle de le voir obligé d'intervenir dans la reconstruction, si elle avait vraiment lieu. Tant de possibilités, autant de moyens et d'occasions de voir les plans de l'elfe tourner court, tourner mal, de voir sa tête lorsqu'il serait obligé de s'adapter. Vouloir contrôler et manipuler son monde, c'était comme vouloir empêcher la roue de la vie de tourner, on se prenait le revers peu importe ce qu'on essayait, à un moment ou un autre. Si le revers n'était pas mortel, il en rirait, s'il était dangereux, il le protégerait. N'était-ce pas ce qu'il avait décidé ? « Il y a une différence entre ne pas s'en faire et aller au-devant de tes plans sans préparation. Quant à voir au long terme… si, tu le peux. Les humains eux-mêmes, dans leur disparité, mourront les uns après les autres, mais l'humanité continuera encore pour quelques siècles… plus que tu n'en as à vivre, donc, si l'on s'en tient à la physiologie » Avec un léger sourire en coin, il lui caressa la joue « Tout n'est pas blanc ou noir, tu le sais parfaitement, je ne t'apprend rien en l'affirmant. Il y a de même une différence entre tendre le bâton pour se faire battre, et penser judicieusement. Si je devais ne parler que de durée de vie, je retournerais à Nyn-Tiamat pour vivre seul dans la neige, jusqu'à me congeler sur place » Mais il n'en avait pas envie, et escomptait bien transformer son compagnon plus tard, afin de ne pas le perdre. Ce n'était qu'un grossier exemple de l'absurdité d'une pensée raciste au possible, d'autant plus que ça lui allait mal au teint. Et pourtant, lui-même n'était pas particulièrement flatteur pour l'humanité. « Ceci étant dit, je comprend ton problème, jauger du juste équilibre ne doit pas être simple… je n'aimerais sincèrement pas être à ta place. Ça me fatiguerait profondément » Sans même parler des problèmes de paternité. Alors là, il refusait d'émettre la moindre hypothèse tant c'était peu amusant et beaucoup trop frustrant. Si Aldaron voulait s'en encombrer grand bien lui fasse, parce que ça, c'était une croix qu'il ne pourrait pas lui prendre.

« J'ai hâte de te voir gérer la crise d'adolescence… tu m'excuseras si je me moque un peu de toi n'est-ce pas ? » Il ne pourrait pas y manquer, c'était évident. Les yeux pétillants, il poursuivit sans laisser à l'autre le temps de répondre. « Enfin donc, ce conte... » L'enlaçant étroitement, il soupira puis entama tranquillement : « Le Seigneur Svenn de l'époque, l'un des premiers, était un homme extrêmement admiré dans l'empire, un général, un chef de guerre, un dirigeant et un guerrier impressionnant. La gloire entourant son nom éclipsait presque celle de l'empereur de l'époque, et pourtant il lui était plus loyal qu'un chien de garde. Cet homme, parangon de vertus, de valeurs et d'honneur, n'avait qu'une seule faiblesse en sa carapace. Un seul défaut, mais terrible. Il était épris d'une femme. Il était épris de l'impératrice. Inaccessible, inviolable, immaculée impératrice adorée par tous. Et il était dit qu'elle lui vouait également de tendres sentiments, de ceux qui n'auraient dû être tournés que vers son époux. Le seigneur loup était, de plus, son bouclier lige, juré à sa protection personnelle. Mais lorsqu'il la vit un beau jour, avec son premier né, il fut incapable de se contenir davantage et tomba à genoux devant elle. Prostré là, il lui avoua toute l'étendue de la terrible passion qui transformait ses veines en volcan. Il était prêt à provoquer l'empereur Kohan en duel pour elle. Mais elle le supplia de revenir à la raison, et devant l'étendue de sa propre folie, il décida de s'exiler. Il partit le plus loin possible d'elle, pour ne jamais la revoir, espérant l'oublier, et s'installa dans les montagnes, seul. Le froid qui y régnait semblait la seule issue à l'ardeur qu'il nourrissant sans mesure. Néanmoins, il était si adoré que tous ses hommes, ses commandants et les nobles liés à sa maison princière décidèrent de braver les étendues immenses pour le retrouver et pour lier leur destin au sien une fois de plus. Ils étaient si loyaux envers lui que l'exile n'était pas une peur ni une honte à leurs yeux, tant qu'ils le faisaient pour lui. Touché, il accepta humblement leur serment éternel et c'est avec eux qu'il décida de devenir la sentinelle silencieuse, loin des yeux du peuple, mais toujours présente, comme il demeura jusqu'à sa mort loin de l'impératrice mais ne tuant qu'en son doux nom » Tout en parlant, il lui caressait doucement la peau, presque sans s'en rendre compte. « Et lorsqu'il mourut, son ultime souhait fut que sa fidèle lame soit offerte à la dame qu'il avait aimé de tout son être. L'un de ses fils se désigna pour la porter jusqu'à Gloria, et la déposa aux pieds de l'impératrice »

Soupirant doucement, il prit une pause éphémère avant de conclure : « Elle refusa de l'accepter, préférant que la lignée Svenn puisse continuer de porter une arme aussi glorieuse, comme une preuve tangible de leur honneur, de leur serment et de la bénédiction qu'elle leur offrait, reconnaissant en eux les plus braves soldats de l'empire. Le fils du seigneur Svenn put reprendre l'épée et retourna avec elle à Glacern. L'impératrice, quant à elle, rendit un dernier hommage à son preux chevalier, en nommant la garde impériale après son souvenir. Les lames noires, en rappel à Audhumla la pourfendeuse de vampires » Son sourire se transforma en grimace ironique et il acheva, la voix sensiblement railleuse : « Bien évidemment, on trouve des nuances à ce conte… certains disent par exemple que le Seigneur Svenn avoua bien plus tôt son amour et ne fut pas déçu de la réponse. Ceux-là prétendent que le premier fils de l'empereur n'était pas le sien, et qu'il avait le sang du loup dans les veines… mais personne aujourd'hui ne pourrait le vérifier, évidemment »

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    L'elfe l'observait, parce que ce qu'il y avait sous son silence avait plus d'importance que les paroles elles-même. Les yeux d'Ivanyr brillaient d'une intelligence qui l'avait très vite séduit et même maintenant, lorsqu'il s'exprimait, le regard attentif d'Aldaron trouvait bien des trésors. Pendant la tête ou à droite, par moment, il manquait de laisser un sourire naître pleinement au beau milieu d'une conversation sérieuse. Cela aurait paru déplacé... Et pour autant, il ne parvenait pas à étouffer le frémissement de ses lèvres, la courbure en coin qui menaçait de rendre son expression mutine, ou encore la lumière dans son regard, brillante et ensorcelée. La question au sujet du petit prince lui laissa un regard pétillant qui trahissait combien cela lui passerait à des kilomètres au dessus de la tête si Nolan se jouait de lui. Contrairement à une majorité de politiciens, il n'avait pas un ego démesuré. Il accepterait de reconnaître ses tords si l’héritier des Kohan lui prouvait par A plus B que c'était le cas... Et parvenir à défaire Aldaron Triade était une épreuve comme une autre pour conclure sur cette fin. Nolan était, pour l'elfe, un jeu, une lubie. Être le centre de son attention n'était pas de tout repos et l'empereur l'apprendrait à ses dépens s'il ne faisait rien pour arrêter la Triade. Le conflit avec Selenia était sa partie d'échecs et il n'était pas le genre d'homme à envoyer valser le damier si la manche virait au vinaigre. Il était bon joueur, et peut-être même jouerait-il à nouveau. Dangereux ? Probablement. Mais il avait besoin de cela pour se sentir vivre et son esprit-lié du Saumon n'y était pas pour rien. Il le poussait à mener son affaire, et parvenu au sommet du Marché Noir, que pouvait-il encore faire ? Comment pouvait-il monter encore plus haut ? Il était comme un chef d'entreprise qui devait doser des actions entre le risque et le bénéfice.

    Silencieux, il s'installa confortablement dans ses bras, dégustant son orange, quelques biscuits légers et son thé, savoureux bouquet de nuances amères et sucrées. Il n'avait guère entendu pareille histoire, surtout si bien romancée mais en son for intérieur, il s'agaçait de l'entendre être le Conteur. Pourquoi ne parvenait-il pas à passer outre, tout simplement ? Pourquoi ne parvenait-il pas à gérer cela avec une indifférence providentielle ? Pourquoi fallait-il que cela lui prenne autant aux tripes et que toutes ses tentatives de l'ignorer ne faisaient que renforcer son amertume ? « Si, cela doit pouvoir se vérifier. » souffla-t-il songeur. Il devait bien avoir dans le Chant-Nom de l'empereur une note, une toute petite note dans son histoire pour le confirmer ou l'infirmer. Il haussa toutefois les épaules sans émettre l'idée, jouant avec quelques mèches d'un blond platine qui traînaient sous ses doigts, avant d'achever sa tasse de thé. « Tu essaies de me dire que Delimar et Selenia sont en pleine dispute conjugale ? » railla-t-il, amusé, reposant la tasse de porcelaine dans le plateau, dans un geste délicat et précautionneux. Si la dispute rimait avec rupture, derrière le 'conjugale', il y avait aussi cette possibilité que ces deux entités se réconcilient et en reviennent à leur amour d'antan, fidèle et puissant. Un revirement qu'il n'avait pas imaginé jusqu'alors, mais qui pouvait être aussi troublant qu'intéressant. Tout à lui, ses mains remontèrent en caresses sur le torse d'Ivanyr, jusqu'à son buste et il engagea son maigre poids pour le faire choir en arrière, l'allongeant dans leurs draps froissés. « Est-ce que tu savais que ce corps... » Son regard, passionné, s'orienta un bref instant, sur la peau froide qu'il avait sous les doigts. Son ton devenait joueur et chaud alors qu'il venait au dessus de lui, s'appuyant sur ses bras pour ne pas venir l’écraser, une main venant se placer de chaque côté de la tête du vampire. Ses longs cheveux blancs tombaient en cascade, d'un côté, et chatouillait le torse et le cou d'Ivanyr. Ses prunelles émeraude s'accrochaient à l'océan céladon alors qu'il continuait : « Ton corps... Est celui d'un glacernois ? » Probablement s'était-il fait la remarque en voyant que les Caladonniens lui faisaient baisser la tête. Mais de là en aboutir à la certitude ?

    L'intensité de son regard semblait trahir le fond de ses pensées et le rapprochement qu'il faisait entre le conte et la relation qu'ils avaient, tous les deux. Un glacernois, prince de surcroît, même s'il ne lui avait pas encore dit, épris et servant un simili-roi Triade, avec une fidélité fervente et passionnée. Il plia ses bras pour venir l'embrasser longuement, lui rendant toute l'affection qu'il ressentait et qu'il pouvait lui offrir. Et il en avait beaucoup, accumulée pendant des siècles de solitude, par son incapacité à se fixer. Sa présence et sa proximité apaisaient ses doutes et nourrissait le feu qui le consumait comme un brasier contre lequel il ne cherchait pas à lutter. « Je t'aime. » fit son souffle chaud sur les lèvres humide du vampire. Il croisa son regard, quelques secondes perdues, éternelles, avant qu'il ne se redresse et n'aille s'habiller. C'est qu'il avait une journée de travail qui l'attendait et il finissait suffisamment tard le soir pour se permettre d'arriver en retard le matin, aussi délicieuse soit l'étreinte qui bouleversait son cœur...

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