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Soir du 10 novembre 1762

Elle constata les dommages de Cordont la veille, lorsque le bateau mit l’ancre et qu’elle descendit du navire. Les campements avaient été montés et puis Autone était venue en aide aux blessés qui avaient subis l’attaque de Cordont. Certaines personnes plongeaient encore dans les profondeurs pour récupérer des corps mais revenaient la plupart du temps avec des cadavres. Ceux qui n’avaient pas succombé à leurs blessures étaient forcément morts de faim puisque les secours avaient pris plusieurs jours à arriver.

Les cas qu’il restait ne relevaient plus de l’urgence. Les soins, néanmoins, étaient toujours nécessaires. Autone se dirigeait vers sa tente en début de soirée alors qu’elle s’arrêta. Dans la pénombre, elle ne l’avait pas reconnue tout de suite, puis les traits et la tignasse blonde révélèrent une ancienne amie. Elle figea, pâlit et s’amuït. Ses lèvres s’ouvrirent, voulant s’exprimer et plusieurs secondes passèrent avant que la voix vienne à ses lèvres hésitantes. « Luna … » souffla-t-elle, sa voix se brisa de culpabilité. Jamais avant aujourd’hui n’avait-elle remis en doute la légitimité de son départ. Et maintenant devant elle, elle se demandait : Avait-elle trahi les siens? Avait-elle trahi Matis?

Cette jeune femme qui semblait aimé de tous. Celle qui semblait mieux connaître tous ceux qu’Autone aimait. Saemon la traitait comme une fille et Matis l’avait vu comme une sœur, de son vivant. Devant Luna, Autone se sentait vulgaire. Là où elle était l’innocente, la sœur, Autone était l’amante. Celle qui séduisait pour parvenir à ses fins. Cette petite fille qui lui avait toujours semblé si pure la faisait sentir sale.

Et maintenant séparées de leurs allégeances, elle avait peur du regard de la jeune femme. De son jugement. Le nexus du cœur noir autour de son cou ne lui avait jamais semblé aussi lourd. Elle ne savait pas quoi lui dire et cela l’enrageait.

Autone sourit, son regard était triste et le silence fût pesant. Après plusieurs secondes, elle le brisa. « Je suis heureuse de te voir. C’est si étrange de voir comme tu as grandi à chacune de nos rencontres. »

Beaucoup moins depuis qu’elle avait atteint l’âge adulte, mais leurs rencontres étant distancées, la différence était bien marquante chaque fois.  « Comment vas-tu? » Demanda-t-elle, sentant la boule dans son ventre l’écraser de culpabilité de lui poser cette question alors que son existence s’opposait aux titres que Luna avait porté. Autone n’était néanmoins pas nonchalante. La douleur s’entendait dans sa voix.

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La voix qui avait résonné dans son dos, Luna l’avait reconnue. Elle n’avait pas besoin de voir Autone pour savoir qu’il s’agissait d’elle dans son dos. Ses pas, qui la dirigeaient vers sa tente après une longue journée, s’arrêtèrent aussitôt que son prénom fut prononcé. En effet, les rayons du soleil avaient disparu et pourtant il semblait y avoir encore beaucoup à faire. La journée avait été longue, à l’apparence interminable, tout comme les précédentes et les prochaines ne s’annonçaient pas mieux. Certes, le “gros” avait été fait concernant la catastrophe de Cordont, mais il y avait encore tant de blessés et de gens qui pousseraient leur dernier souffle dans les prochains jours. Bien qu’elle ne soit pas guérisseuse officiellement, la jeune femme avait passé la majorité de son temps à soigner les blessés et à venir en aide aux vrais guérisseurs, sans parler de l’aide pour sortir les gens ou cadavres du gouffre ou encore pour brûler les défunts. Il y avait tant à faire, c’était l’embarras du choix. Elle aurait pu continuer, mais ses forces l’abandonnant, on avait réussi à la convaincre d’aller chercher un peu de repos. Mais comment dormir lorsqu’on savait qu’on était à deux doigts d’une guerre imminente? Qu’arriverait-il après cette “paix” momentanée? Elle ne voulait pas y penser… Elle ne voulait pas qu’il y ait d’autres morts, plus encore qu’il n’y en avait déjà.

Elle hocha négativement de la tête.

Il avait fallu quelques secondes pour que Luna se retourne et fasse face à Autone. Elle était… heureuse de la voir… ? Ce fut un sourire triste qui accueilla son ancienne amie.  Elle, conseillère des cités libres, et l’autre, princesse sélénienne. Étaient-elles ennemies désormais? Non, elle n’allait pas bien. C’était la vérité. Comment se sentait-elle? Mal. Comment pouvait-elle se sentir autrement? Certes, elle aurait pu répondre le standard et dire que tout allait bien, tout comme lorsqu’elle posait ce faux sourire sur ses lèvres. Mais si les gens n’avaient pas envie d’entendre la vraie réponse et reconnaître que ça pouvait ne pas aller, pourquoi posait-il la question? Par politesse sans doute…

Mais Autone, elle était son amie ou elle l’avait été, n’est-ce pas? Une partie d’elle voulait que ce soit encore le cas. Mais qu’en était-il réellement après tout ce temps?

- Que puis-je pour vous, très chère? Demanda-t-elle.

Le ton était plus que poli; il semblait faux dans la bouche de Luna, tout comme le nouveau sourire qu’elle arborait. L’azur analytique toisait la conseillère. En d’autres circonstances, dans un passé pas si lointain, la jeune femme se serait précipitée dans ses bras et aurait recherché tout le réconfort possible. C’est ce que son coeur aurait voulu en cet instant. Mais la politique voulait que ce ne soit pas aussi simple, surtout qu’elle ne savait plus ce que leur relation était devenue.

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Elle fronça les sourcils, sans colère et sans jugement, non seulement déçue, et un peu triste. Son visage pâlit sans que Luna ne puisse le voir dans l’obscurité. Autone baissa la tête, ses lèvres trouvèrent la force de se remuer pour prononcer un « Je vois. »

Elle releva la tête pour croiser le joli regard bleu de celle qu’elle aurait encore voulu appeler une amie. Autone sourit tristement, ce qu’elle désirait était désormais impossible. Elle se souvenait à présent de cette soirée dans le désert où elles avaient dansé pour l’anniversaire de Matis. Elle se souvenait des moments embarrassants au nid de l’oiseau, dont elle pouvait à présent rire. Autone tendit la main vers le visage distant de Luna, puis laissa retomber son bras.

« Je comprends ta froideur Luna. »


Elle, que Matis avait tant porté dans son cœur.

« Je ne suis pas ton ennemie…Tu as le droit de considérer que tu es le mien… Je sais qu’il est difficile de comprendre pourquoi je suis de ce côté. Mais si tu as encore confiance…en moi. Sache que tous les gestes que je pose, c’est dans l’espoir de voir une paix et…moins de violence.

Ce monde a besoin de moins de guerre et de plus de sagesse. Mon cœur, mes idéaux s’opposent à vivre sous le règne des Kohan mais tant que la liberté de Caladon lui est accordée, je ne serai pas une ennemie de cet empire. »


Elle soupira en baissant la tête à nouveau et tint entre ses doigts l’opale noire autour de son cou. « Quoi qu’il en soit, je ne te forcerai pas Luna. Si tu ne désires pas que je t’adresse la parole…Je partirai. Et je serai là si tu veux te défaire des maux qui t’assaillent… »

Son pied gauche fit un pas en arrière, encore hésitant. Elle voulait rester là, prendre la main de Luna, parler des moments quand la lumière emplissait leurs cœurs et quand l’amour était encore là. Avant que son veuvage ne naisse.

Elle voulait revoir les danses et les bières enfilées, sans pleurer, sans être certaine que tout cela n’arriverait plus jamais.

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Le coeur de Luna battait fort. L’azur toisait Autone de haut en bas. Cette dernière semblait bien se porter et elle en était soulagée. Malgré tout ce qu’on pouvait penser et oser présumer entre ses deux dames aux camps opposés, son bien-être était quelque chose d’important pour elle. En effet, le rossignol gardait toujours un petit coin important dans son coeur. Elle l’avait jadis considérée comme une grande soeur, avait pleuré sa fausse mort et s’était amusée à ses côtés. Elle s’était liée à son meilleur ami, Matis. Malgré toute la pression, impossible de la détester.

- Non. Prononça-t-elle. Sa voix était triste et désolée. Ne pars pas. Viens, suis-moi. Poursuivit-elle.

Cela ressemblait déjà plus à la Luna qu’elle était réellement. Les masques ne lui faisaient pas bien tout comme d’agir différemment que ce que son coeur lui dictait. Elle invita la conseillère la suivre jusqu’à son campement de fortune. Mentalement, elle appela également Alkhytis à venir la rejoindre et après une douce caresse, lui demanda de veiller à ce que personne ne les dérange… Ou en d’autres mots, que personne ne les épie. Elle désirait être seule à seule avec Autone.

- Je ne veux pas être ton ennemie, Autone. Je ne suis pas ton ennemie. Rectifia-t-elle.

Elle désigna du doigt une chaise qu’elle avait réparée magiquement pour que son invitée puisse s’asseoir si elle le désirait. La princesse des lumières resta debout et posa son regard sur elle. Elle était incertaine de ce qu’elles faisaient ici.  Était-ce le moment des confidences ou d’éclaircir les choses?

- Après tout ce qui s’est passé. Après Matis… Et maintenant que je porte ce nom que les cités libres détestent tant…

Kohan. Jamais elle n’avait tant redouté ce nom. Pour elle, il signifiait une famille… C’était l’un de ses plus beaux moments de sa vie que celui où son frère lui annonçait la nouvelle qu’elle était une Kohan.  Mais dernièrement, ce nom lui semblait lui apporter un énorme poids sur ses épaules. Ne serait-ce que par la façon dont les gens la regardaient. Luna n’avait jamais aimé la politique. Elle ne savait plus où se situer dans tout cela et se sentait prisonnière.

- Autone… Me détestes-tu…? Demanda-t-elle doucement et sincèrement.

C'était la question qui tue. N'était-elle pas partie, entre autre, parce qu'elle la détestait? Elle avait tous les droits de l’être en tout cas.

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Elle rougit un peu, son visage avait reculé un peu, elle semblait surprise. Elle? La suivre? Autone ne s’était simplement pas attendu à une réponse positive. Luna ne la détestait pas alors? Lui vint un instant l’idée brève que cela aurait pu être piège. Mais elle balaya cette hypothèse rapidement, non, pas sa Luna, l’enfant aux intentions innocentes qu’elle connaissait. Luna Kohan, celle qui aurait pu porter n’importe quel nom si elle l’avait demandé. L’enfant qui attendrissait tous et que tant avaient voulu adopter. C’était le nom des Kohan qu’elle avait choisi. Autone connaissait le cœur de la petite, elle savait que son allégeance restait toujours près des battements qui l’animaient. Elles étaient les mêmes, sur ce point. Mais le cœur de la veuve, lui, battait parfois de rage, de peur et de combat. Là où Luna était faite d’amour et de lumière.

Elle allait être suivie et observée, écoutée, c’était inévitable. Autone se résigna, elle ferait avec les rumeurs, s’il le fallait. Personne ne l’empêcherait de rencontrer une vielle amie. Ses pieds firent les pas qui la menaient au danger. Entêtée, elle eut un moment de silence et regarda la chaise quelques secondes avant de décider de s’asseoir. Autone retint son souffle, Luna l’imita, bien. Soulagée, elle releva la tête pour la regarder dans les yeux en l’écoutant. Les prunelles dorées piquèrent du nez. Matis…

Il l’avait fait lui-même. C’était son erreur et pas celle de Luna. C’était son erreur de protéger les Kohan. Le nom que portait Luna à présent. Le nom pour lequel tant mourraient inconsciemment. Elle entrouvrit les lèvres, son regard, dans le vide, s’assombrit. Autone joignit ses mains ensemble. Elle se sentait faible, elle se sentait vulnérable. Là où elle devait être forte, elle était vulnérable. Pourquoi? Elle qui avait gardé la tête haute tous ces mois durant. La veuve s’était isolée de son deuil, de tous ceux qui avaient aimés Matis…Tous sauf ses sœurs. Elle n’y pensait plus, elle n’y avait plus pensé. Pourquoi?

« Tu… »

Sa voix s’étouffa, ses lèvres tremblèrent et elle serra les dents pour cesser ce mouvement. « Tu n’as pas tué Matis. »

Ses yeux refusaient toujours de croiser les siens. Son regard reprenait les teintes de lassitude, de fatigue qu’ils avaient pris quand elle l’avait perdu. Celui qui s’était emparé d’elle à la place du sommeil.

« Nous étions différents, Luna. Il se battait, sans hésiter. Moi je choisissais mes combats. J’attendais le moment le plus stratégique pour frapper. Même si cela me tuait un peu. Il obéissait quand on lui ordonnait et on se querellait sur les ordres qu’il ne questionnait pas. Mais mon cœur lui appa… »


Sa voix se brisa dans un sanglot, elle cacha son visage dans ses mains. Ses cheveux se renversaient devant son visage. « Alors je le suivais. Je l’ai suivi. Jusqu’au bout du monde et jusqu’aux endroits les plus horribles de ce monde. Je suis désolé Luna, je n’ai jamais compris pourquoi il était prêt à mourir …Pour les Kohan. » Elle reprit son souffle et releva la tête, tentant de garder sa dignité, en essuyant ses larmes.  « Quand c’était Korentin je comprenais, c’était la chose à faire. Et le tyran devait être abattu. Mais ensuite…

Je n’y croyais plus. Et je crois en Caladon. Si cette ville désire son indépendance alors pourquoi fallait-il la combattre?
Ne te méprends pas…Je sais que Nolan pourrait y laisser sa vie s’il ne faisait rien. Malheureusement, je ne veux pas revivre…Je ne veux pas revoir mes proches mourir pour un autre. Dans un combat auquel je ne crois pas.
Je ne te hais pas Luna.
Mais je crois que toutes les vies ont une valeur égale…Kohan ou non. Je ne peux pas vivre à Selenia, je ne veux pas. Mais je ne te hais pas. »

Autone croisa les prunelles bleues. Elle sourit tristement.  « J’en serais incapable. Pas toi. Tu resteras toujours la petite Luna à mes yeux. Je m’inquiète…tout au plus. C’est dangereux de porter ce nom. Mais je n’irai pas contre ton désir. Je sais que tu suis ton cœur. Et je ne suis pas ici pour te faire changer de côté. »

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- Je ne veux pas prendre de côté… Je préfèrerais ne pas avoir à le faire.

Ce sont les premiers mots que Luna laissa échapper après un long silence douloureux. Son coeur lui faisait mal de tristesse. Elle n’aimait pas cette situation. Elle n’aimait pas la guerre. Elle n’aimait pas penser que Matis ne serait plus jamais là pour lui ébouriffer ses cheveux. C’était son plus grand ami et la jeune femme avait l’impression de l’avoir abandonné à son triste sort. Ce n’était pas elle qui lui avait ordonné d’aller au combat, mais elle n’avait rien faire pour tenter d’arrêter la guerre. Qu’aurait-elle pu faire? Aujourd’hui, elle se sentait aussi impuissante qu’à l’époque. Combien de personnes étaient mortes jadis et combien le seraient prochainement?

- Ce n’est pas pour le pouvoir que j’ai accepté ce nom. La couronne ne m’intéresse pas. Elle ne m’a jamais intéressée. Et tu me connais assez bien pour savoir que je dis la vérité. Mais… Elle fit une pause. Faire partie d’une famille. Vraiment… C’est un sentiment extraordinaire. Tu ne sais pas à quel point j’aime Nolan. Et il ne faut pas croire qu’il est le méchant, Autone. C’est la personne que je connaisse qui a le plus grand coeur… Ajouta-t-elle à son intention. Malheureusement, il n’y avait plus Dawan pour lui faire compétition. Il fait des erreurs, tout comme j’en ai fais. Mais il n’a jamais voulu la guerre, il ne la veut pas. Je ne la veux pas non plus…

Où allait-elle avec tout cela? La princesse des lumières ne le savait plus. Elle avait simplement laissé son coeur parler.

- Pourquoi c’est si compliqué? Lâcha-t-elle finalement.

Luna n’avait jamais aimé la politique bien qu’elle s’y était finalement mêlée. Elle considérait d’ailleurs les gens d’égal même si officiellement elle était une princesse. Jamais il ne lui était passé par la tête de laisser Autone s’asseoir et rester debout pour lui être supérieure, par exemple.

- Je suis peinée qu’on se soit séparée… Car je te considérais… Je te considère comme une soeur, si tu me le permets toujours. N’avons-nous pas passé de bons moments ensemble? Dit-elle doucement en souriant. Et des difficiles… Murmura-t-elle.

Luna se releva brusquement.

- Pourquoi les gens doivent-ils nous voir comme ennemies? Pourquoi j’essaie de me modeler à leur moule? Pourquoi ai-je due être si froide avec toi? Dit-elle finalement. Elle avait les larmes aux yeux. Elle s’avança vers Autone et se glissa dans ses bras, si elle le lui permettait. Pardonne-moi.

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Si grande, Luna et toute petite. Comprenait-elle qu’on voudrait la tuer rien que pour son nom? Qu’elle veuille de cette couronne ou non, c’était le côté qu’elle avait pris. Autone s’était rangée du côté des Caladonien, en prenant ce poste, en désertant Selenia. Elle l’assumait. C’était sa position et elle ne s’en excuserait pas. Si Luna venait à prendre une position ouvertement hostile envers Caladon, Autone la perdrait pour toujours.

Elle n’avait jamais respecté un roi. Voilà pourquoi elle était partie. Elle n’avait jamais su, avant cela, qu’il existait une autre manière de diriger une nation. Autone entre ouvrit les lèvres, elle avait bien des choses à répondre, mais la petite n’avait pas besoin de l’entendre, elle avait peur, c’est la détresse qui hantait son regard. Ce n’était pas des réponses dont Luna avait besoin, c’était de réconfort.

Une boule se serra dans le ventre de la veuve. Elle ne se sentait pas en droit de répondre à ce besoin-là. Pourtant quand la petite se glissait dans ses bras, elle voyait sa fille qui un jour, pleurerait-elle aussi dans ses bras, toute grande. Des chagrins bien plus difficile à soigner que ceux d’un enfant qui n’a pas encore l’âge de raison. Un soupir s’échappa des lèvres de la veuve, elle posa ses mains dans le dos de Luna et l’étreint doucement. Autone passa une main sur la tignasse claire, puis attrapa quelques mèches entre ses doigts, qu’elle caressait d’un pouce. Difficile de la voir comme une sœur, lorsqu’il était si instinctif d’être maternelle avec elle.

Elle qui n’avait jamais eu de famille. Autone n’aurait laissé personne l’adopter, mais elle avait toujours ressenti ce deuil, quelque part dans un coin négligé de son cœur. Elle se souvenait de peu de choses, mais quelque part dans sa tête résonnait encore la voix de sa mère. Elle leur en voulait encore tellement. Avoir une famille, laisser d’autres personnes prendre soin de son cœur, c’était trop risquer. On lui avait fait déjà bien trop mal.
Autone resta silencieuse, tenant dans ses bras la jeune femme qui était pourtant bien plus grande qu’elle. Au bout d’un moment, elle posa ses mains sur les joues de la princesse, l’emmenant à se redresser et à rompre l’étreinte. Elle regarda ses yeux et ses joues rougies par les larmes, ses doigts passèrent sur ses joues pour essuyer ses pleurs. Autone crispa les sourcils en réfléchissant à ce qu’elle devrait dire. N’était-ce pas son métier, de savoir comment dire les choses les plus difficiles?

« J’aimerais tellement pouvoir te protéger de cette réalité Luna. Te dire que tu n’as pas à choisir de camp, que tu peux suivre ton cœur et ne pas t’inquiéter… Mais c’est faux. Je ne peux pas protéger ton innocence et ton cœur, l’un ou l’autre sera blessé. »


L’imbrisée lâcha les joues de la blanche et vint replacer ses cheveux avant de poser les mains sur ses épaules. « Tu vas devoir être forte, Luna. Ces larmes, que tu me montres, tu devras les garder pour ceux en qui tu as réellement confiance. » La petite veuve lâcha un nouveau soupir avant de relâcher Luna.  « Je n’ai rien contre Nolan. Selenia n’est pas mon ennemie, mais elle n’est pas ma nation.

Je sais que tu aimais beaucoup Korentin. Mais Nolan paie pour les erreurs de son père et de ses ancêtres. Les gens sont en colère, à présent, de ce monde et des hommes qui l’ont dirigés jusqu’à présent. »


Elle reprit les mots d’Aldaron : « Ils ne veulent pas qu’un seul homme les dirige. »

« Tu as choisi un camp en prenant ce nom. Tu as choisi la famille Kohan et je ne t’en veux pas. Mais le monde a les yeux tournés vers toi à présent. »

Autone baissa la tête, la dernière chose qu’elle voulait que Luna devienne était une politicienne. Un visage et un cœur de marbre, pourtant, c’était la meilleure manière de se protéger.  « Je suis désolé Luna, je ne connais pas d’autre manière de survivre que de tout cacher sous la surface. Je ne veux pas que tu vives comme ça…À tout dissimuler en public puis à exploser une fois seule…comme moi. Mais s’il t’arrivait quelque chose. »
Le rossignol posa la main sur la joue de la pie, elle se pinça les lèvres.  « Fais attention, d’accord? »

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Les bras d’Autone étaient accueillants et chaleureux. Luna s’y sentait s’y bien. Recroquevillée contre elle, elle n’avait plus envie de s’en détacher. Elle serrait sa tendre amie, soeur et confidente fortement et se permettait de s’abandonner à ses émotions. Les larmes coulaient doucement contre ses joues. Elle se sentait si petite et si insignifiante dans ce monde. Pourtant, elle ressentait un lourd poids sur ses épaules et beaucoup de stress. Pourquoi tout devait-il être si compliqué? Il serait plus simple d’abandonner, de tout laisser derrière et de voguer parmi Tiamaranta, n’est-ce pas? Probablement… Mais c’était une option impossible pour la princesse des lumières, elle ne se le pardonnerait jamais et il lui resterait un goût amer dans la bouche. Elle ne pouvait abandonner ses proches, Nolan surtout.

La blonde écouta sagemenent la conseillère parler. Elle acquiesça d’un signe de tête et essuya ses larmes d’un revers de sa main. Être un forte. Oui, ce n’était pas le moment de flancher. Elle serait forte jusqu’au bout. Elle fut grandement soulagée d’entendre de sa bouche que Sélénia n’était pas son ennemie et qu’elle n’avait rien contre Nolan.

- Promis. Je ferai attention. Mais toi aussi, d’accord? Je ne voudrais pas te perdre ou qu’il t’arrive quelque chose. Je me fous de quel camp tu fais partie ou peu importe, je tiens à la personne que tu es, à toi Autone. Cependant, je ne peux pas interagir avec toi en public comme je le fais maintenant… Tu es conseillère des Cités Libres, je suis princesse sélénienne. On est ennemie aux yeux de tous, je le crains. Elle fit une pause comme si une idée lui avait traversé l’esprit. Quoique… est-ce vraiment nécessaire d’agir différemment? S’enquit-elle finalement.

Elle était encore accroupie, mais elle avait relevé la tête vers Autone. Luna n’était pas très douée avec les masques et les apparences. Cependant, elle ne voulait pas créer de conflits inutiles. Par exemple, câliner Autone en public en ferait jaser plus d’un. Mais la jeune femme était un peu habituée d’être le mouton noir ; déjà par sa relation avec Orfraie.

- Je rêve d’un monde où tout le monde pourrait s’entendre. Murmura-t-elle doucement. Où il n’y aurait pas de guerre et où il ferait bon de vivre…

C’était utopique comme pensée. Tout comme jadis Korentin lui avait fait part de ses rêves de paix et de monde meilleur. Mais cela n’arriverait probablement jamais parce que personne n’avait la même définition du bonheur et des moyens pour s’y prendre. Il fallait choisir ses batailles.

- Je resterai au côté de mon frère jusqu’au bout. C’est une bonne personne. C’est un peu difficile de changer les choses avec l’héritage qu’il a eu et les gens qui l’entourent. Mais je peux te garantir qu’il ne veut pas la guerre. Il va parler avec Aldaron. Je ne sais pas s’il y a moyen qu’une entente se fasse pour éviter la guerre?

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Autone soupira et caressa la joue et les cheveux de Luna une dernière fois avant de la relâcher. La veuve posa ses lèvres sur la tête de la petite lune, puis se détacha de son amie.  « Je ne peux pas te donner d’informations sur Caladon, mais jamais il n’a été discuté de stratégie de guerre. »

Elle faisait confiance à Luna, c’est pour sa sécurité qu’elle omettait certaines choses. C’était ceux qui écoutaient aux portes dont Autone se méfiait. Cordont aiguisait les oreilles et les esprits espions.

« Ce n’est pas nécessaire de se cacher. Nous sommes ennemies aux yeux de certains et en paix selon d’autre. De la même manière, certains Seleniens croiront qu’en tant que conseillère de Caladon, un Delimarien serait mon rival. Non, tant que l’armistice est en place, aussi mince soit le fil qui la tient, je ne vais pas me cacher pour te parler.

Ce qu’il faut éviter, c’est de montrer que nous sommes aussi proches. Tu peux affirmer que je suis ton amie, mais tu ne peux pas clamer que je suis ta sœur de cœur. »  


Elle attrapa sa main, souriant chaleureusement pour la rassurer. « Aussi vrai que ce soit. »  Elle détestait devoir lui donner une leçon de politique. Lui apprendre à mentir, à falsifier. « J’ai…quelque chose à te demander Luna. Un service. Je te promets qu’il n’y a rien de dangereux et que mes intentions sont innocentes. »  Autone se redressa un peu, relevant son torse pour passer sa main sous son corset, au niveau du ventre. Elle en extirpa un papier parchemin, plié et scellé sous le symbole d’un aigle.

« J’ai aussi un rêve, qui pourrait se réaliser avec ton aide. » Moins utopique, même si idéaliste. Elle tenait toujours le papier précieusement entre ses mains. « Tu es mon seul pont. J’ai besoin de toi pour délivrer cette lettre à Nolan en main propres. Mais là n’est pas le moment. Les gens sont trop paranoïaques. Promets moi d’attendre d’être rentré à Selenia pour la lui donner, quoi qu’il arrive. Dis-lui que s’il est réticent, je suis prête à venir le rencontrer. »  

Elle tendit la lettre à la petite Lune, comme une offre, ne la forçant pas à prendre cette tâche. C’était son choix, elle pouvait la refuser.  « Je te promet que ça n’a rien à voir avec l’armistice, ou la guerre ou quoi que ce soit concernant le conflit humain. C’est différent et selon moi…C’est plus important. Et je t'expliquerai tout. Quand je viendrai visiter. »  

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Un doux sourire se posa sur les lèvres de Luna lorsqu’elle se détacha également d’Autone. L’idée que son amie et sœur de cœur puisse lui jouer dans le dos, la trahir et la manipuler n’avait jamais effleuré son esprit. On pouvait dire qu’elle était naïve, mais elle préférait croire en ce que son cœur lui disait. La paranoïa et la machination n’avaient pas de place dans son esprit. Madame Falkire n’était pas son ennemi, elle était sa famille. Même si le tout était compliqué et que les circonstances faisaient qu’elles étaient séparées. Elle avait espoir que l’avenir serait meilleur.

- D’accord, je comprends. Répondit-elle.

La jeune femme laissa la conseillère attraper sa main. Elle lui offrit un sourire et des azurs emplis de curiosité.

- Dis-moi tout. Tu peux tout me dire. Dit-elle doucement.

Peu importe ce qu’elle aurait à dire, la dragonnière ne la jugerait pas. Mais elle était impatiente de connaître ce qu’elle avait à lui demander en fait. De quoi s’agissait-il? Elle enchaîna son imagination pour qu’elle ne parte pas en vrille. Les possibilités étaient infinies, mais encore une fois, elle ne croyait pas qu’il s’agissait de quelque chose qui la nuirait. Elle croyait sa promesse. Son regard fixa l’enveloppe qu’elle lui tendait et elle écouta ce qui se cachait dans le bout de papier.

- Tu peux compter sur moi, Autone. Ajouta-t-elle en prenant délicatement l’enveloppe dans ses mains.

Il contenait le rêve de son amie… Ce n’était pas rien. Ça restait plutôt vague, mais elle n’avait pas besoin d’en savoir plus. Les explications viendraient plus tard lors d’une future rencontre. C’était la promesse de se revoir.

- Je remettrai cette lettre à mon frère lorsque nous serons retour, je te le promets. Et personne ne la verra, pas même moi.

Une façon de dire qu’elle ne comptait pas la lire. Elle s’avança vers Autone et l’étreignit dans ses bras. Ce serait le dernier câlin avant une longue période de temps.

- Sache que j’attendrai avec impatience ta visite. À bientôt, Autone.

La discussion prit fin sur la promesse de se revoir à nouveau. Luna avait la nette impression que la conseillère saurait trouver les moyens de prendre contact avec elle si c’était ce qu’elle désirait.

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