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descriptionLe Bleu est une Couleur chaude - Eléonnora Ostiz EmptyLe Bleu est une Couleur chaude - Eléonnora Ostiz

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Ma vie passait au rythme des battements de mon cœurs. Cent vingt battements par minute est-ce suffisant pour aller profiter de l’instant mais aussi faire approcher à plus grand pas l’instant de mon union avec Seö ? Depuis son retour au domaine, depuis qu’il a ramené mes parents, depuis qu’il m’a demandé ma main devant maman et papa, ma vie est entrée dans une dimension encore plus heureuse. Je n’ai jamais eu à me plaindre d’une vie difficile, triste, tragique, malgré quelques moments durs, c’était comme si un être extérieur veillait sur moi, me transformant en une héroïne de roman, un peu fleur bleue, un peu aventurière, mais toujours protéger par cette trame universelle qui protège les héros de roman.

L’officialisation de notre amour se fera ici, à Caladon. Seö m’avait présenté à son bourgmestre qu’il considérait comme un ami, et il voulait qu’il y soit l’officier. Pour moi, même si j’apprécie le domaine et que ma vie se fait en partie là-bas, cela n’avait pas d’importance. Tout ce que je voulais c’était l’avoir près de moi. Les nuits me semblent plus courtes maintenant qu’il est à mes côtés, mais elles sont de grandes félicités. Seö remplit les trous de ma vie, que son absence creuse toujours un peu plus.

Le voyage du Domaine jusqu’à Caladon fut un rêve merveilleux. Maman m’a aidée à m’occuper de Läpse, et je ne m’attendais pas à connaitre un tel soulagement de l’avoir à mes côtés pour commencer à élever cet elfe sauvé du désert. Bien sûr, les baptistrels sont tout à fait apte à l’éducation d’un enfant, mais rien ne vaut une mère, une vraie mère pour rassurer sa fille dans cette aventure. C’est avec une absence complète de crainte que je confiai Läpse à mes parents pendant que je passais un peu de temps avec mon amant. Nous avions beaucoup de choses à nous raconter, tant de chose à partager.

Le jour du mariage approche et un problème de taille s’est présentée à nous : je n’ai pas vraiment de robe à me mettre. Bien sûr, des robes, j’en ai, et des jolis. Cependant, rares sont celles encore en bon état, sans déchirure. Et parmi les plus belles, tout le monde m’a dit qu’elles n’étaient pas suffisamment élaborées pour un jour comme celui-ci. Je n’ai pas compris pourquoi la simplicité d’une robe droite, bleue et simple ne pouvait suffire mais je n’ai eu d’autre choix que d’accepter ce fait. Forte heureusement, Aldaron m’a suggéré de rendre visite à sa fille, qui saura m’aider et peut-être même me prêter quelque chose de plus en adéquation avec le caractère festif du moment. J’aurai voulu protester mais même maman m’a poussée vers cette inconnue.

C’est donc timide, et peu sûre de moi que je me tiens devant la porte d’Eléonnora. J’hésite, je ne sais pas comment m’y prendre. Je me dis que je pourrais justifier un retard pour cette rencontre pour m’occuper de Läpse, mais ça ne ferait que retarder l’inévitable et ce serait une bien piètre excuse. Maman s’occupe de lui avec brio, et papa est un grand-père comblé. Non, je dois le faire maintenant. Et surtout, je veux être parfaite pour ce jour merveilleux où je deviendrai l’épouse de Seö, où ne formerons plus deux individus se retrouvant pour des instants de bonheur volés, mais bien un couple uni malgré l’espace.

Je me sens subitement bien sotte. Je n’ai jamais vraiment fait attention à ma toilette vestimentaire, mais maintenant, dans le luxe de la demeure qui m’entoure, je me trouve bien simple, avec un robe bleu ciel, droite, le col en V, mettant mes courbes en avant ses artifices. Mes cheveux coiffés en natte, ma peau hâlée, tout semble transpirait une vie en pleine air, et hormis la robe que je ne porte plus en extérieur car peu pratique, tout semble montrer que je suis plus proche de la fille des bois que de la Baptistrel que je suis. Qu’importe, je me racle la gorge, afin d’éveiller mon Larynx, et toque à la porte.

Dernière édition par Aurore Lapsida le Lun 11 Juin 2018 - 6:13, édité 1 fois

descriptionLe Bleu est une Couleur chaude - Eléonnora Ostiz EmptyRe: Le Bleu est une Couleur chaude - Eléonnora Ostiz

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Il n'y avait plus un instant sans qu'Eleonnora ne pense à son travail. Elle en était la première surprise...mais en y réfléchissant il ne restait pas grand monde dans son entourage à se rappeler de la jeune fille insouciante qu'elle avait été. La disparition du patriarche avait forcé la jeune Ostiz à prendre son destin en main. Peut-être réalisait-elle tout juste, après des mois passés auprès du Bourgmestre de Caladon, qu'elle n'avait plus rien d'une enfant. Étrange de se dire que c'était la chose qu'elle revendiquait le plus au temps où elle ne pouvait se passer de son père. Elle avait beau dire ce qu'elle voulait, elle avait toujours été une fille à papa. Mais maintenant c'était différent, n'est ce pas?

Un bruit sourd se fit entendre à la porte de son bureau, l'extirpant de ses pensées. Elle leva les yeux de sa paperasse, questionnant du regard la servante qui s'était glissée dans l’entrebâillement de la porte. « Vous avez de la visite Madame. Une certaine Aurore Laspida. Dois-je l'éconduire? » Un pli se forma ente les sourcils bien dessinés de la conseillère. Elle déposa lentement sa plume avec hésitation. Puis dans un éclair de lucidité son regard s'illumina. « Madame?... » Mais oui! La fiancée! Elle avait totalement oublié! Elle se leva, laissant son travail à l'abandon.« Laissez donc. Je vais l’accueillir moi même...et préparez nous donc une petite collation. » Elle passa devant la domestique sans lui accorder un regard de plus. Entièrement absorbée par son activité elle avait oublié cette petite ligne raturée dans la marge de son agenda qui disait exactement 'robe fiancée'. Elle avait été quelque peu blessée dans son estime lorsqu'Aladaron lui avait proposé d'aider un jeune femme de sa connaissance à refaire sa garde robe. Elle avait haussé un sourcil, se demandant si on la prenait pour la potiche de service. Ce n'était surement pas le genre de son protecteur mais s'étant habituée à ce genre de comportement avec les hommes de son milieux, elle même s'était accoutumée à vite monter sur ses grands chevaux à la moindre allusion que l'on pourrait interpréter comme sexiste. Elle n'avait pourtant émit aucun commentaire, par respect pour l'elfe si cher à son cœur. Et aussi parce que, sans pouvoir l'avouer, elle adorait ça. Oh, surement qu'elle avait flattée à la suite, puisque le Bourgmestre en personne avait remarqué le soin méticuleux qu'elle prenait à revêtir les plus belles toilettes de la cours. Et à vrai dire, elle s'était extasiée ces derniers jours à rechercher les toilettes qui pourraient convenir à cette charmante inconnue. Enfin, présupposée charmante. Imaginer cette inconnue enveloppée de satin valsant aux bras d'un prince tout droit sorti de son imagination faisait resurgir en elle la fillette férue de lecture à l'eau de rose. C'en était grisant. Mais elle se ravisait souvent pour revenir à la réalité, histoire de ne pas être déçue par un laideron ou bien une rustre...elle ne s'étonnait plus des relation de son père de cœur. Qui savait ce qu'elle devrait apprêter? Il lui enverrait un Graahr que ça ne l'étonnerait pas.

Pourtant la déception ne vint pas. D'un regard d'acier, elle toisa la nouvelle venue qui se tenait sagement sur perron. Alors c'était elle la fameuse fiancée...Eleonnora était souvent sujette à une jalousie vivace envers celles et ceux qui possédaient d'avantage qu'elle et on pouvait sans aucun doute dire qu'il émanait de cette jeune fille quelque chose qui lui était inconnu. Une forme d'angélisme qu'elle n'avait que très rarement rencontré. La jeune aristocrate leva le menton d'un geste fier, son autorité impérieuse contrastant avec la modeste jeune fille qui lui faisait face. On devinait facilement, de par son accoutrement simple, son appartenance sociale; Ainsi, la requête d'Aladron faisait sens. Sous ses boucles blondes, les grands yeux d'un bleu magnifique semblaient attendre, avec un embarras certain, une réaction de sa part. En un battement de cil, un sourire éclatant vint finalement rompre l'expression insondable de la jeune Ostiz. Qui pourrait bien penser que créature pareille puisse être hostile? D'un geste amical elle l'invita à entrer dans le vestibule. « Rentrez, vous êtes mon invitée! » Tandis qu'une domestique s'approchait de la demoiselle pour la décharger de ses effets, la maîtresse de maison effectua une légère révérence. « Eleonnora Ostiz, fille de Crissolorio Ostiz et conseillère de notre belle citée Caladon,  enchantée. »  Elle ne lui avait pas épargné les longues présentations...après tout elle ne manquait pas une occasion d'impressioner avec son nom. C'était un de ses petits plaisirs. Si elle n'était déjà pas assez impressionnée par le luxe de la demeure. Eleonnora aimait montrer sa puissance jusque dans les apparences, c'était aussi ce qui lui valait sa prestance. Et, ici, dans le vestibule carrelé de motifs élaborés, surplombé d'un imposant luminaire dont les dorures illuminait la pièce à elles seules, la jeune blonde semblait être une apparition tout droit venue d'un autre monde.

Néanmoins la visite d'aujourd'hui n'avait rien de politique, n'aurait aucun enjeu, quel qu’il soit et la conseillère n'aurait donc aucun intérêt à intimider son invitée. Cela lui ferait le plus grand bien. Alors place à la frivolité! « Je serai heureuse de vous donner un peu de mon précieux temps! »  s'exclama t-elle d'un ton amusé. Elle l'invita à gravir les escaliers vers l'étage où l’attendait sa domestique, un plateau entre les mains.  « Oh...apportez nous ça dans ma chambre je vous prie! »  Elle eu un sourire pour sa convive. « Nous allons nous mettre au travail sans tarder. »  Elles traversèrent un vestibule, passant devant nombre de porte avant que la petite brune actionne la poignée d'une des dernière d'un air déterminé.

La pièce était grande et lumineuse. Le lit à baldaquin, imposant dans sa stature, semblait malgré tout être le seul meuble tellement il éclipsait la présence des autres. La femme de chambre déposa le plateau sur une petite table avant de sortir, prenant soin de fermer la porte dans son sillage. Malgré elle, la jeune aristocrate se trouva bien embarrassée de se retrouver dans cette pièce si intime en compagnie d'une inconnue. Jamais elle n'aurait laissé un homme y pénétrer d'ailleurs! Enfin peut-être un, oui...mais enfin! Ne laissant pas paraître son embarras en dépit de ses joues légèrement rosies, elle désigna un fauteuil à la demoiselle.
« Mais tant que nous y sommes, profitons de ce temps entre femmes...alors, dites moi, qui est l'heureux élu?»[/font"> Elle servit deux tasses de thé fumant, et prit place à ses côtés, la toisant à nouveau d'un regard perçant.  « Car le mariage est un engagement qu'une fille aussi..mignonne, ne devrait pas prendre à la légère... » Mais bon, elle avait vu tellement de filles de son age mariées à de vieux hommes décrépis et bedonnants...cela en devenait presque une norme. Elle ne serait pas la dernière à se marier pour de l'argent et du pouvoir.

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Je patiente devant la porte, ne sachant pas trop quoi faire. Est-ce qu’on m’a entendue ? Est-ce que je dois insister ? Il est peut-être trop tôt, peut-être se lève-t-on plus tard ici, ou on ne reçoit les gens que dans l’après-midi. Toutes ses questions tournent dans ma tête lorsque la porte s’ouvre.

Je suis surprise par la personne qui m’ouvre, car elle ne ressemble pas à l’image que je m’étais faite d’Eleonnora, que ce soit physiquement mais aussi dans sa tenue. Euh… Bonjour… Je suis Aurore Lapsida, je viens de la part par d’Aldaron, euh… je veux dire Monsieur… enfin Maître Leweïnra. Il m’a dit de m’entretenir avec vous pour une tenue… en prévision de mon marriage. Un instant je vous prie.

La porte se referme et je me retrouve de nouveau seule dans le couloir. Je ne suis vraiment pas à l’aise et je sers la sangle de ma sacoche. Je regarde autour de moi mais n’ose pas me déplacer pour observer les tapisseries de plus près. Chaque fois que quelqu’un passe, je sursaute et détourne les yeux. Pourquoi cet air coupable ? Je ne fais rien de mal et je suis même invitée ici. Mais je ne me sens pas du tout à ma place.

La porte s’ouvre de nouveau et je sursaute encore une fois. Ce n’est pas la même personne qui m’ouvre et cette fois-ci, je comprends qu’il ne s’agit pas d’une servante. Le visage hautain, le port altier et la mine fière, je détourne les yeux devant son expression quelque peu distante et je rougis violemment. J’ai dû la déranger et je devrais m’excuser pour la gêner, peut-être revenir plus tard. Oui, c’est ça, revenir plus tard, ou peut-être jamais. Plus petite que moi, il émane de la femme qui me fait face, une autorité qui m’inquiète un peu. Nos regards se plantent l’un dans l’autre dans une discussion silencieuse. Un instant bref mais qui s’étire à mesure que nous nous détaillons l’une et l’autre. Elle est belle, et ses cheveux sont bouclés autant que les miens sont raides. Elle est vraiment magnifique et son expression bien que froide ne fait qu’embellir sa beauté.

Soudain, un sourire illumine son visage. Surprenant et brutal changement d’expression que je n’ai pas vu venir. De glaciale, elle est devenue chaleureuse et je la préfère amplement comme ça. Je lui renvoie un sourire timide et intimidé et la suit avec un petit merci, prononcé dans un souffle.

A peine suis-je entrée, qu’une femme vient me demander mes effets. Toujours timidement, je lui tends ma lourde sacoche en m’excusant. J’ai pris ce sac par habitude, parce qu’il me réconforte en ce terrain inconnu. Il y a toujours mes remèdes, mes deux livres de botaniques, et mon matériel de soin. Avec le temps je me suis habituée à son poids, mais je vois bien que cela surprend la servante, ce qui me force à m’excuser un peu plus et à regretter de lui avoir confier cela.

Alors qu’elle s’éloigne, je remarque enfin dans quoi je me tiens. Je reste immobile et bouche bée. Je ne m’attendais pas à ça. Je savais les lieux riches, mais… rien que l’entrée pourrait faire vivre plusieurs personnes pour un long moment. Le carrelage faisait danser de fantasques motifs éclairés par un luminaire aux dorures éclatante. Je tourne sur moi-même complètement absorbé par le spectacle de la richesse de ce lieu. C’est incroyablement beau et quand je regarde mon hôtesse de nouveau, je la trouve d’autant plus belle qu’elle semble être parfaitement à l’aise dans ce milieu contrairement à moi, dans ma robe simple, avec ma natte sans bijou autre que le collier qui me lie à Seö et le bracelet qu’Aramis m’a offert.

La Dame me fait une révérence et se présente. Je rougis devant tant de politesse. Je lui rends sa révérence avec autant d’élégance qu’elle. Cela fait partie des choses que j’ai apprises au Domaine, car cela fait pleinement partie des arts diplomatiques, essentiels à mon ordre. Mais même si je la fais correctement, c’est la première fois que je suis en situation réelle, et cela me confirme dans mon malaise.

Je me sens toujours un peu bête, non pas de demander de l’aide, mais de la déranger pour quelque chose d’aussi futile, qu’une robe. Eleonnora doit tellement avoir mieux à faire que cela. La façon dont elle se présente, bien que je connaisse sa filiation et son importance dans la cité, me prouve bien que mon interlocutrice a besoin de son temps bien plus que je n’ai besoin de son aide. Je lui réponds avec la même formulation sans vraiment m’en rendre compte et j’en rougis d’autant plus car venant de moi, c’est surtout ridicule. Euh… Aurore Lapsida fille de euh… Erik et Irène Lapsida et euh… Ewr du domaine baptistral ? J’hésite sur presque chaque mot tant cela me parait étrange, tout en la suivant.

Son précieux temps… Si c’est pour me mettre à l’aise c’est un échec, ça a même l’effet inverse. Je regrette tout. L’absence de Seö, de maman, de papa. Ma présence avec cette jeune femme, probablement de mon âge, qui détonne tellement. Puis une question me vient à l’esprit. Quel genre de robe pourrait-elle me proposer ? Elle est magnifique dans tout son faste mais est-ce que je pourrais en faire autant ?

Toujours troublée, je traverse un vestibule plus grand que ma chambre au domaine pour déboucher dans une chambre ? Je n’appelle pas cela une chambre, car hormis le lit à baldaquin, qui bien qu’imposant, ne suffisait pas à éclipser la présence des riches moulures du plafond, le lustre et les meubles finement construit et pouvant former un salon. Eleonnora me propose un siège et je m’assois du bout des fesses, n’osant pas trop m’appuyer dessus comme si mon poids allait le briser.

Elle s’assoit à mes côtés en me proposant une tasse de thé que je prends doucement. J’avais réussi à faire disparaitre mn trouble mais son attitude d’une élégance irréprochable me semble cavalière alors qu’elle me parle de mon mariage. J’inspire un grand coup et visualise Seö en mon esprit. L’effet est immédiat et un grand sourire nait sur mes lèvres. Je vous remercie pour votre compliment, madame. J’imagine qui vous ne devez pas manquer non plus d’attention venant de tout bord. Mais mon mariage n’est pris à la légère. Je ne le pense pas nécessaire non plus, car l’amour que je porte à mon amant et celui qu’il me porte sont sincères. Il s’agit de Seö Wënmimeril, un elfe, ou plutôt un ancien elfe. Il a subi la transformation qui frappe son peuple. Il n’en est ressorti que plus lumineux. Il est venu me voir au domaine, après avoir retrouvé mes parents et leur a demandé ma main directement. Je peux difficilement imaginer un moment plus heureux de ma vie. Enfin… c’est difficile à imaginer, car depuis que nous nous sommes retrouvés après l’exil, ma vie s’est encore embellie. Il occupe mes pensées, mes songes. Un peu moins depuis que nous avons recueilli u petit elfe, mais il reste ce qui mon cœur désire, je le sens… Je laisse un petit moment d’hésitation, me demandant si j’ai bien le droit de poser cette question. Et vous ? Y a-t-il quelqu’un qui fasse chavirer votre cœur ?

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De ses grands yeux émerveillés à sa gestuelle maladroite, tout en elle respirait la simplicité. C'en était presque attendrissant. Du coin de l’œil, la demoiselle observait avec amusement la jeune blonde se dépêtrer dans cet environnement qui, pour elle, était tout à fait banal. C'était comme si elle redécouvrait à travers ce regard tantôt étonné, tantôt impressionné sa demeure qui paraissait plus somptueuse que jamais. Pour autant, elle ne s'en serait pas flattée. Ce lieu n'avait rien à voir avec l'ancienne résidence du régent ou bien les majestueux palais de l'ancien monde. En effet, la précipitation et le manque de moyens avait fait que peu de privilégiés pouvaient bénéficier de ce de luxe. D'autant plus qu'il se résumait au stricte nécessaire, même si cela devait impérativement être impressionnant. Elle savait que les Baptistrels étaient des êtres qui condamnaient les excès au sein de leur ordre. Aussi, il n'était pas étonnant que la jeune fille ai l'air si peu à l'aise dans cet univers de tapisseries et de dorures. Quelque part cela satisfaisait l'ego d'Eleonnora de voir une grande fille comme elle aussi admirative devant tout ce qu'elle approchait. Elle avait de la curiosité pour cette fille qui semblait pure de toute influence. Était-ce là l'adage du domaine baptistral? Ou bien seulement car elle n'avait jamais connu que les champs et les landes sauvages? Elle donnait tout de même un peu de crédit à cette dernière pour son rang au sein de l'ordre qu'elle respectait beaucoup mais elle avouerait avoir une certaine répulsion pour les gens simples. Après tout beaucoup n'étaient pas assez évolués pour prendre conscience des responsabilités des grands de ce monde pour qui ils n'étaient plus que des statistiques. C'est ces obstacles qui les séparaient. Et qui faisaient de la baptistrel une bête curieuse aux yeux de l'aristocrate. Cela lui donnait presque envie de la taquiner...

Elle marqua une pause, arrêtant de faire tinter machinalement sa cuillère contre la porcelaine de sa tasse. Puis, mit sa main devant sa bouche pour étouffer un juron. « Seö...? Attendez...nous parlons bien du même elfe? Chevelure immaculée, guerrier d'un calme à tout épreuve et jolie musculature? » Elle exagérait à peine, mais elle était impatiente de voir la réaction de son invitée. Elle éclata d'un rire cristallin. «Je ne pourrais vous souhaiter d'être entre de meilleures mains! J'étais loin de me douter qu'il avait une fiancée aussi charmante. Mais qu'il se comporte en parfait gentleman semble tout à fait naturel... »  Elle posa un doigt pensif sur sa lèvre, se remémorant les détails de sa mésaventure. « Que de souvenirs...figurez vous que j'ai pu croiser votre fiancé lors d'une de ces escales à Caladon....qui fut des plus mouvementées. Il a d'ailleurs beau refuser ma gratitude, je lui doit tout de même beaucoup, si ce n'est la vie...C'est d'autant plus un plaisir de vous accueillir en mon humble demeure! Et voyez recevoir mes félicitations; Ce n'est pas souvent que l'on assiste à un mariage d'amour véritable par ici. Cela nous changeras des noces fallacieuses de ces bourgeois avares. » Elle pouvait parler.  

« Enfin, qui sait? Peut-être que ce sera un jour mon cas? » Elle enroula une mèche brune autour de son doigt d'un air pensif mais s'embarrassa vite des paroles qu'elle venait de prononcer. Si ce n'est par amour, elle ne vendrait jamais sa dignité pour un peu plus de pouvoir ou d'argent...quoique, c'était une question qu'elle n'avait pas considéré récemment. Si le prétendant lui proposait une couronne, il y aurait de quoi hésiter tout de même. « L'homme pour lequel mon coeur chavire n'est qu'un petit capitaine...vous allez peut-être trouver ça étrange mais je ne pourrais me résoudre à me marier avec lui. Cela irait à l'encontre de mes valeurs. » Pouvait-elle seulement comprendre? Face à ce cas de conscience, la jeune femme parlait surtout pour elle même. « Le capitaine Nordan...L'amour est tout de même quelque chose de bien imprévisible... » Elle eu tout de même un sourire à l'énonciation de ce nom maintenant familier et pourtant si doux à ses lèvres. Elle pensait plus à lui qu'elle ne pouvait l'évoquer en publique. Cependant, la présence de la petite Ewr lui indiquait que, pour une fois, il n'y avait aucune honte à sentir ses joues s'enflammer au souvenir de l'être aimé. Elle se sentait en sécurité. Nul besoin d'être sur la défensive, de chercher à être la meilleure, et de rester sur ses gardes. Elle pouvait être elle même. Elle poussa un soupir délicat. Ce n'était finalement pas si mal de se retrouver en compagnie d'une personne qui ignorait toutes ces conventions sociales. C'était peut-être aussi ce qui l'avait charmée chez Artane. Le fait de pouvoir s'évader quelques instants, loin de son rôle si contraignant, de l'étiquette.

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Parler de Seö me rend particulièrement heureuse. C’est peut-être naïf et innocent, mais c’est ainsi. Parler de l’être qui m’est le plus cher suffit déjà à faire mon bonheur. Son visage apparait dans mon esprit, son sourire, sa simplicité, tout ce qui fait qu’il est lui. Tout ce qui me plait et fait que nous sommes en harmonie. Certains diront que ses cicatrices le défigurent, les anciennes et plus encore les nouvelles. Je ne pourrais le dire, car j’aime tout en lui, de sa plus petite qualité, à sa plus grande différence. Il est étrange que je ne lui trouve aucun défaut. Peut-être parce que je n’ai jamais vraiment cherché, ou bien parce que ce que les autres considèrent comme un défaut, je le considère comme une qualité qui fait de lui ce qu’il est.

A l’expression d’Eléonnora, je comprends qu’elle le connait aussi. Je rougis fortement alors qu’elle décrit mon amant. Oui, c’est bien lui. Une description flatteuse qui ne me serait pas venue à l’esprit. Seö est beau, merveilleux, digne des canons antiques. Je m’empresse de lui répondre. Oui. Il est très beau, mais ce n’est ce qu’il y a de meilleurs en lui. Il est doux, attentionné, tendre. Il sait se défendre, mais ne se sert jamais de sa force pour attaquer. Et il est intelligent, fin. Je ne veux pas qu’elle pense que Seö n’est qu’une belle enveloppe. Il est tellement plus que cela.

Ma précipitation déclenche un éclat de rire d’Eleonnora. Je ne m’en vexe pas. Je me doute que je dois paraitre un peu sotte. Je sais que je ne suis pas dénuée d’intelligence, loin de là, et je suis d’une modestie piètre en disant même que j’ai une tête bien faite. Mais à côté d’Eleonnora, je ne suis rien d’autre qu’une fille de bucheron, une herboriste et une apprentie chanteuse, entrant dans les bals des rois. Mais qu’importe, puisque mon hôte ne semble pas s’en offusquer.

Je lui souris timidement. Je suis gênée par son compliment. Je ne sais pas ce que me trouve Seö, et je ne saurai décrire ce qui m’attire chez lui. Nous sommes faits l’un pour l’autre c’est tout. Nous nous attirons, dès notre première rencontre, bien que la première impression fut mauvaise, il ne fallut pas longtemps pour que nous entendions à merveille. Et ce sentiment quand je l’ai revu après l’exode. La détresse quand il fut blessé. Tout montre que c’est ainsi, nous nous aimons. M’aime-t-il comme je l’aime ? Je l’espère. Aimera-t-il de nouveau quelqu’un comme moi, lorsque ma courte existence sera passée. Je l’espère de tout cœur. L’éternité serait bien longue et morne s’il ne vit quand dans ses souvenirs. Pour son bonheur, je préfèrerai presqu’il en aime une autre plus que moi. Une immaculée comme lui. Afin que son bonheur dure toujours. Ça fera un peu mon malheur, mais il ne sera que passager, comme moi sur ce monde.

Seö ne cherche pas la gloire. Il ne cherche pas à être un héros. C’en est un, il agit en tant que tel, et ma plus grande crainte et qu’un jour il essaye de sauver trop de gens pour lui et qu’il n’y arrive pas. Mais ce qu’il fait qu’il est parfait. Me croirez-vous, si je vous dis que la première fois que je l’ai vu, je l’ai pris pour un brigand. Un assassin. Il m’a terrifiée et il lui a fallut un certain pour me convaincre qu’il n’était pas ce que je croyais. Et quelques instants plus tard, nous apprivoisions un renard ensemble, en même temps que nous nous apprivoisions tous deux. Oui, notre mariage sera d’amour. Même s’il n’y a pas de mal à s’allier pour d’autres raisons. L’amour peut naitre partout où on lui donne sa chance. Je ne peux que vous souhaiter de trouver celui qui résonne avec vous en harmonie. Toute chose en ce monde à un équivalent et un opposé.

Mes yeux s’agrandissent de stupeur quand j’apprends l’identité de l’homme dont est épris la jeune femme. Le capitaine Nordan ? Vous voulez parler d’Artane Nordan ? Il est devenu capitaine de vaisseau ? Mais, il a le mal de mer ? Enfin, même si ça allait mieux vers la fin, ce n’était pas non plus la grande forme. Mais qu’est-ce qu’il est allé faire dans cette galère ? Dans quel état est ce que je vais le croiser à nouveau ? Ne le prenez pas mal, mais à chaque fois que je croise Artane, il est soit blessé, soit malade soit sur le point d’être l’un ou l’autre. Je ne voudrais pas vous inquiéter ou dire quelque chose qu’il ne fallait pas. Artane est un homme bien, mais quand je l’ai connu, j’ai cru comprendre qu’il se mettait facilement dans les ennuis, volontairement ou non. Mais il s’en sort toujours. Et avec brio. Puis-je vous demander comment vous l’avez rencontré ? J’aime les histoires.

Mes yeux pétillent et j’ai presque oublié où j’étais alors que je regarde Eléonnora. Comment une jeune femme aussi occupée a-t-elle pu rencontrer un baroudeur comme Artane ?

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Le visage de son interlocutrice s'illuminait. Un battement de ses paupières, elle la regardait sans la voir, et ce fut la gloire et le printemps et le soleil et la mer tiède et sa transparence près du rivage et sa jeunesse irradiante, et le monde était né. Sous le regard curieux d'Eleonnora se manifestait un amour dont la pureté dépassait tout ce qu'elle avait pu voir auparavant. Éblouie, la demoiselle se détourna pour concentrer son attention sur sa tasse où le liquide fumant ondulait calmement. La mélancolie la gagna devant cet amour si épanoui qu'il pourrait rendre jaloux les inséparables.  Un tel étalement de ses sentiments n'était-il pas à la limite de l'indécence? Elle aimerait la blâmer juste par mauvaise foi, pour lui clouer le bec avec son amour dégoulinant. Elle considérait l'amour comme étant une faiblesse de l'âme parmi d'autres. Mais à l'évidence, le contraire lui était prouvé ici; La jeune blonde était la plus belle des créatures à ce moment précis. Elle remplissait la pièce de sa présence éclatante. Aimera t-elle un jour Artane comme cette jeune femme aime Seö? La jeune aristocrate se sentit soudainement ridicule. Ses pierres, ses parures et ses effets n'étaient plus qu'une couche de vernis recouvrant la souillure. Cet amour qui, chez elle, n'était que honte et lâcheté. Celui ci dont elle avait à peine le courage d'avouer à ses proches. Et pourtant...elle savait ce que cela faisait. Les frissons sous la peau, la gorge nouée, les lèvres suspendues au moment, et puis ses joues, et puis sa peau...Elle prit une bonne gorgée de thé, espérant y noyer ses pensées.

Elle faillit s'étouffer la seconde suivant. A vrai dire elle ne s'attendait pas à entendre ce nom de la bouche d'une étrangère. Pas plus qu'elle ne s'était attendue à recevoir la fiancée de l'elfe qui lui avait sauvé la vie...Le monde était étonnamment petit. Pendant un instant elle perdit sa superbe, les yeux écarquillés, bafouillant et les joues rosies par la surprise.  « Vous...vous connaissez...Enfin...Je... » Elle fronça les sourcil et secoua la tête. Pourquoi perdait-elle l'esprit lorsqu'il était question de lui. C'était d'un agaçant! Tentant de sauver les apparences, elle éclaircit sa voix en ajustant sa position sur son fauteuil de façon à se remettre droite et digne.  « C'est bien lui, en effet. Vous me voyez étonnée de rencontrer une de ses connaissances. Mais la description que vous tenez de lui est loin de me surprendre. Il est irrécupérable...J'espère qu'il ne vous a pas trop importunée. » Un sourire avait fendu l'expression sérieuse qu'elle avait composé avec tant de difficulté. Elle s’inquiétait plus des malheurs qu'elle pourrait lui causer que de ceux dans lesquels il se fourrait incessamment. Elle donnerait son or pour pouvoir partager les aventures farfelues qu'il lui contait à chaque retour au port. Qu'elle jalousait son équipage, cette Luna, ces monstres marins, ces guerriers de tout bords et même la guérisseuse qui se tenait devant elle avec son air innocent. Il ne lui en fallait pas beaucoup plus pour la faire grincer des dents. Après tout ce coeur était sa propriété. Elle n'aimait pas l'idée qu'il partage des moments privilégiés avec d'autres tandis qu'elle était loin. Pouvait-elle seulement l'empêcher? Puisqu'elle participait activement à son éloignement. On dit souvent que l'on mesure son amour à son attente. Et lorsqu'on comprend qu'on est aimé en retour et quand devant l'embarcadère on se met à accepter cette attente aux profondeurs insondables, que l'on accepte de perdre pied dans les eaux superficielles du port, alors ces flots mornes et immobiles deviennent un océan d'euphorie merveilleuse, un géron tendre et doux au sein duquel on attend, confiant, invincible, le retour de l'être aimé. Sans ces barrières qu'elle érigeait sans cesse, cette attente deviendrait la plus exquise et la plus bienheureuse des conditions. Elle participait aussi activement à la douleur que lui évoquait cet amour.

Ce n'était pas simplement de la pudeur, mais aussi de la honte qui teintaient ses joues d'une couleur virginale. Avait-elle déjà raconté ceci à qui que ce soit?  « Eh bien...Nous nous sommes rencontrés bien avant la traversée. Je n'étais qu'une enfant à cette époque et lui un véritable coureur de jupon. Comme toutes les demoiselles de cours, je ne rêvait que du grand frisson voyez vous, alors la découverte de la cours des miracles eu son petit effet. De plus j'avais quelques tendances rebelles...alors défier mon père en me présentant au bras d'un roturier semblait une perspective amusante à l'époque. J'étais d'ailleurs loin de me douter que le régent employait ce gredin en tant qu'informateur...il aurait pu y perdre la tête, littéralement. » Elle gloussa avec légèreté. Que dirait son père s'il la voyait aujourd'hui? Serait-il fier? Ou bien la blâmerait-il?  « Ce n'est pas pour ça qu'il a fuit. Il avait beau être un malfrat, lâche, coureur de jupon et menteur, il a toujours eu un bon cœur lorsque l'on avait besoin de lui. Puis il est parti sans un bruit, sans un mot, rien...j'ai peur de ne pas vouloir relire les lignes de mon journal intime évoquant ce départ soudain. Je vous assure que je lui ai fait payer son impudence à nos retrouvailles! Mais à vrai dire mes sentiments n'avaient pas changés, et c'est devenu pire avec le temps...» Elle avait gloussé triturant frénétiquement une de ses mèches brunes. Retracer ces souvenirs était aussi embarrassant que précieux. Si elle avait su qu'ils en arriveraient jusque là... Elle ne pouvait retenir cette expression de joie qui marquait son visage de manière incontrôlée. Pourtant elle savait que cela n'était pas suffisant et il suffisait de voir la situation de la fiancée qui lui rendait visite. « ...Pourtant je ne pourrais nous garantir un avenir aussi radieux que le votre. J'ai bien peur qu'il y ait beaucoup d'obstacles à notre union. L'aventure l'appelle tandis que mes responsabilités me clouent à terre. Enfin, cela rend chaque nouvelle retrouvaille plus palpitante que la dernière. » Elle souffla cette dernière phrase doucement, presque imperceptiblement. Elle avait détourné son regard pour qu'elle ne décèle pas la fausseté de ce sourire dorénavant amère. Ce n'était pas le moment de s’apitoyer sur son sort. A vrai dire ce n'était jamais le moment. Après de telles réflexion la seule chose qu'elle souhaitait c'était se retrouver dans ses bras. Et oublier. Elle était bien lâche. Elle fini sa tasse et la posa dans un léger tintement sur la table.

« Enfin, ce n'est pas de moi qu'il est question aujourd'hui. Puisque c'est vous qui devriez épater la galerie...et ce n'est pas gagné.» La jeune aristocrate désigna la tenue simplette d'un oeil amusé. Puis elle se pencha vers Aurore avec une expression déterminée en pressant sa main entre les siennes.  « Mais vous avez un potentiel magnifique, croyez moi!» Elle l'invita à se lever avec délicatesse. D'une danse de volants elle pivota sur elle même vers l'autre extrémité de la pièce. Entre une imposante coiffeuse et un miroir encadré de dorures sculptées se trouvaient une porte. Discrète parmi les meubles de bois lustrés il était difficile de la desceller le long du mur. La conseillère fit tourner la poignée cuivrée dans un léger grincement. Elle laissa alors son invitée entrer dans son antichambre secrète d'un hochement de tête. Elle posa un regard fier sur le beau paysage de fanfreluches, de rubans et de volants. Éclatant et envoûtant, on ne savait où donner de la tête dans le rideau de tissu qui semblait envelopper la pièce exiguë. « Bienvenue dans mon dressing. »

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Le monde est vraiment petit finalement. On finit toujours par retrouver quelqu’un qu’on connait ou rencontrer des gens avec qui nous avons des amis communs. Comme un immense village universel, preuve que tous les êtres vivants sont liés, plus ou moins fortement. Nous sommes tous des frères et des sœurs, une grande famille. Bien sûr comme dans toutes les familles, il y a des querelles, plus ou moins grave, mais nous finissons toujours par nous retrouver et de toute manière, nous sommes tous égaux devant le monde, car jamais nous ne pourrons égaler la puissance et la beauté de la nature. Tout ce que nous pouvons faire, c’est tendre vers l’harmonie absolue.

Mon sourire est immense et ne cesse de s’agrandir quand Eleonnora se met à parler de son propre amant, Artane. C’est une étrange coïncidence et un extraordinaire mélange que leur relation. J’ai bien souvenir d’Artane comme étant un homme bien, généreux et honnête, mais surtout un séducteur, même je n’ai pas eu l’impression qu’il ait tenté quoi que ce soit sur moi. Cela transpire de sa façon d’être, tout simplement. Pour un malandrin, il était toujours propre, bien habillé. Quoi que, je le juge sûrement un peu vite, car je ne l’ai pas vu dans de fois que cela, mais tout de même, il dégage de cet homme cet aura de coureur de jupon, comme jamais je n’en ai vu dans l’armée.

Finalement, nous ne sommes pas si différentes, elle et moi. Nous avons toutes les deux rêvées à noutre manière de vivre l’amour et notre éducation nous a menées à le rencontrer différemment. Je suis bien consciente que ma situation et bien plus simple pour moi que pour Eleonnora. Mes parents ne sont pas nobles, papa est bucheron, maman guérisseuse et moi je ne suis qu’une simple Ewr. Seö est un guerrier explorateur, rien de plus. Nous sommes des gens simples et la seule chose qui aurait pu être problématique est notre différence raciale. Ce qui ne fut pas le cas. Seö et moi vivons un parfait roman d’amour, simple et doux. Ma compagne du moment devait pour sa part, lutter contre des forces bien plus humaines : l’ambition, et les rangs. Artane n’était pas bien différent de moi dans la société, alors qu’Eleonnora dirigeait une cité, avec brio de ce que j’ai pu en voir. Comme elle me l’a dit un peu avant, l’amour ne devrait pas entrer en ligne de compte pour les gens comme elle, quand il s’agit de s’unir à quelqu’un, ce qui faisait de leur histoire un roman aussi beau que la mienne.

Pourtant, et malgré l’amour qu’elle porte à ce gentilhomme moustachu, elle ne semble pas convaincue qu’un avenir est possible. Je lui souris maternellement, comme je l’ai fait de nombreuse fois aux enfants qui m’ont accompagnée pendant l’exode. Ton avenir se fera avec lui et sera radieux si tu le désires et qui tu es en accord avec toi-même. Il n’y a pas tant de différence entre nous. Seö est un voyageur, un aventurier. Tout comme lui j’aime voyager, mais à un rythme paisible, prendre le temps de voir et comprendre. Mon amant, malgré le temps qu’il a devant lui, semble plus pressé. Nous nous voyons moins souvent que je ne le souhaiterai mais l’enfermer avec moi serait le tuer doucement. Ce serait perdre l’immaculé que j’aime. C’est difficile à vivre, mais le monde est ainsi fait et l’harmonie est à ce prix. Pour tout bonne chose, il y en a une mauvaise. Si vous vous aimez, il n’y a pas de raison pour que vous soyez vraiment séparé. Pour ce qui est des convenances… Laissons cela à ceux qui veulent y croire, non ?

Je me suis mise à la tutoyer sans vraiment m’en rendre compte. Si je l’avais remarqué, cela m’aurait certainement fait sourire, puisqu’avec Artane, malgré nos tentatives, nous continuons à nous vouvoyer. Mais je me sens étrangement proche d’Eleonnora, comme proche d’une sœur ou plus encore. Ce n’est pas comme être avec Aramis, qui joue plus le rôle de grande sœur, avec plus d’expérience, de sagesse, de connaissance. Non, avec Eleonnora, malgré nos différences, c’est comme être avec une semblable, un miroir de ce que j’aurais pu être si les conditions avaient été différentes, un écho de moi-même mais dans un autre monde, un autre univers, une autre dimension.

Malgré mon sourire et ma bienveillance, Eleonnora semble triste, ou déçu ; Je comprends que cela puisse être dur à vivre, même si je ne peux pas imaginer ce qu’elle ressent. Malgré l’amour que j’ai pour Seö et les distances qui nous séparent bien souvent, je suis heureuse rien que de savoir qu’il existe et qu’il reviendra, comme il me l’a promis. Pour certaines personnes, ce genre de promesses ne suffit pas. C’est normal.

Mon hôte semble se ressaisirent brusquement pour revenir sur le cœur du sujet. Son regard est suffisamment éloquent et aurait pu se priver de son commentaire. Sans en être vexée, je suis tout de même gênée. La robe bleue que je porte, pour simple qu’elle soit, est de loin ma préférée et surtout la plus belle de mes tenues. La voir être dénigrée de la sorte me blesse un peu, me rappelant mes origines campagnardes, et celles plus riches de mon hôte. Le gouffre qui s’était légèrement refermé alors que nous discutions de nos amants respectifs s’en légèrement rouvert.

Pas très longtemps. Eleonnora me saisit la main, son regard est franc, déterminé et le contact de ses paumes contre ma peau est tiède, doux et agréable. Ses mains sont comme une brises tièdes, du satin léger, comme décrit dans les livres. Les miennes en comparaison, son bien calleuses à fort de sculpter le bois, grimper aux arbres, préparer des remèdes et autres activités manuelles. Ce contact, physique comme visuel, me réchauffe à l’intérieur et je lui pardonne tout ce qu’elle a fait et dit, c’est-à-dire rien. C’est notre premier contact physique, comme si elle me tutoyait mais avec le corps.

Je rougis à sa remarque et la suis jusqu’à une porte que je n’avais pas remarqué jusque-là. Lorsqu’elle ouvre, je reste bouche bée devant le spectacle. Les murs sont tapissés de tissus, une myriade de couleurs, de nuances, de rubans et de froufrous. C’est beau, c’est riche. Je m’avance doucement et réalise alors que ce que je prenais pour des tapisseries sont en réalité des robes. Il y en a beaucoup, de différentes tailles, de différentes formes.

Je reste la bouche ouverte, ébahie par un telle étalement de richesse. Mon esprit, habituée à compter et à vivre dans des milieux pauvres fait rapidement le calcul. Avec la moitié d’un mur, on pourrait faire vivre une famille pour six mois. Non, on pourrait les installer pour qu’elle subvienne à ses propres moyens et vive prospère sur plusieurs générations et peut-être même s’agrandirent et s’enrichir. Cette petite salle, pourrait venir en aide à une douzaine de personnes et les faire sortir de la misère de manière définitive.

Je regarde de nouveau Eleonnora. Sait-elle cela ? Est-ce que je dois lui dire ? Est-ce une bonne chose ? Pour toute bonne chose, il y en a une mauvaise et inversement. Certaines personnes n’arrivent pas à se nourrir convenablement, mais mon hôte vit confortablement. Une mauvaise chose pour une bonne. Ai-je le droit de lui demander de perdre ce que l’univers lui a donné sous prétexte que d’autre n’en ont pas ? Si j’étais à sa place, c’est ce que je ferais, mais si j’étais à sa place, peut-être que je ne penserais pas comme je viens de le faire. Peut-être que je pourrais lui en parler plus tard.

Il y en a beaucoup trop. Je ne vais pas porter ça. Je veux dire, je n’ai jamais porté ça. C’est trop… riche.

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Pas tant de différences entre elles? Cette vulgaire roturière osait prodiguer de telles inepties? Et si le tutoiement pouvait passer, elle ne défrayait pas quand à ses propos...Cela provoqua un mouvement de recul chez l'aristocrate. Il n'y avait rien à comparer entre une fille du peuple et une gouvernante dont le sang destinait à la grandeur. Mais quel culot de prétendre savoir ce qu'elle pouvait ressentir, ce qu'étaient ses responsabilités et ce qu'elle devait faire! Avait-elle au moins mesure de la réalité? Ils étaient tous amoureux transits prêts à tout perdre pour suivre leur âme sœur à l'autre bout du monde mais qu'est ce que cette mascarade signifie quand on à rien à perdre? Comment pouvait-elle se figurer le malheur des autres quand elle était la personne la plus heureuse du monde?  Son sourire s'était crispé en une grimace de dégoût. « Ne perdez pas le sens des réalité. L'amour ne sera jamais le seul enjeu de nos vies. » Si Eleonnora s'était sentit offensée par ce rapprochement qui n'avait pas lieu d'être, elle se rendit vite compte de sa bêtise. C'était ce genre de réaction qui l'écartait un peu plus de son capitaine...Comme elle venait de creuser à nouveau le fossé entre elle et la fiancée.

Elle voyait d'ailleurs bien que cette dernière faisait des efforts pour se rapprocher d'elle. Que voulait-elle pour l'aider ainsi? Son argent? Sa réputation? Il était de mise de s'inquiéter de ce que les apparences pouvaient dissimuler. Elle eu un soupir. A quoi pouvait-elle bien penser? Cette contrariété l'avait complètement embrouillée, au point de faire ressortir une paranoïa latente à son environnement. Après tout, comment voulez vous croire qu'il puisse encore exister des êtres aussi doux dans ce monde de brute? Quelque part elle s'en voulait d'avoir réagit aussi violemment. N'était ce pas une façon bien triste d'exprimer son ressentiment pour le monde? Autant qu'elle jalousait son bonheur, au fond elle aurait aimé, dans une autre vie, être aussi libre qu'elle. Mais cela ne rimait à rien que de relâcher toute sa frustration sur une innocente. Elle se contenta juste d’enchaîner comme si de rien n'était. Elle fut néanmoins rassurée de voir la jeune blonde sourire et rougir malgré ce qu'elle venait de vociférer. Elle s'en serait voulu à coup sur si son sourire se serait fâné sur ses lèvres, terni par l'aigreur de son hôte.

Elle éclata de rire à la remarque de la fiancée.   « Trop riche? Cet adjectif ne m'avait jamais été servi comme un reproche! »
Ce n'était pas la réaction à laquelle elle s'était préparée. Les jeunes femmes qui défilaient dans son domaine, celle avec qui elle échangeait des ragots et piaffaient à propos de choses sans intérêt étaient en général tour à tour époustouflées, enchantée puis envieuses. Aurore en était d'autant plus fascinante. Et c'était sans écouter son instinct lui disait que toutes les femmes du peuple n'étaient pas aussi désintéressées.   « Allons, ne soyez, ne sois pas gênée!» Difficile de tutoyer une inconnue dans de telles circonstances. Mais elles n'étaient plus réellement des inconnues, n'est ce pas? De plus, la jeune femme souhaitait faire un effort elle aussi pour se faire pardonner de sa rude attitude.   « On dit que la beauté n'a pas de valeur, certes...mais les meilleurs artisans méritent un salaire à la hauteur de leur travail. Ne pensez pas que je sois une femme à dépenser futilement. J'aime pouvoir contempler les plus belles matières, qui, telles le diamant brut furent polies et taillées par des mains experte. Le pur fruit de notre génie humain maîtrisant la matière à sa guise. Mais je divague... puisque ces toilettes servent à sublimer celle qui les portent; Le modèle doit donc être à la hauteur de leur 'richesse', si je ne doit dire... »  Laissant en suspend sa dernière phrase elle laissa couler un regard le long de la silhouette svelte de la future mariée. Evidemment qu'elle était à la hauteur de ces robes. Elle les méritait bien plus que n'importe quelle bourgeoise qui ne comprenait en rien la beauté du monde. La beauté que connaissait cette amoureuse restait étonnement singulière à la conseillère. Celle ci s'approcha d'elle dans une ondulation de mousseline. L'instant d'après, ses iris plantés dans les siens, elle observait ces deux saphirs plus clairs que le ciel d'été. Eleonnora leva une main légère mais suspendit son geste.   « Le bleu est une couleur qui te sied parfaitement...» Il y avait là plus qu'une simple curiosité. Elle voulait percer le secret de l'éclat qui émanait d'une jeune fille aussi simple. . Car elle avait beau être entourée de dorures, de tissus précieux et de pierres plus éclatantes les unes que les autres à longueur de journée, rien n'égalait le charme de la nature qui se présentait aujourd'hui à elle de la manière la plus brut.

Elle s'écarta aussi vite qu'elle ne s'était approchée, priant pour ne pas avoir trop installé le malaise par son geste inconsidéré. « Le mariage en blanc ne sera surement pas une option à considérer. » Elle passa en revue une robe à jupe en cloche et la taille très ajustée, permise par un corset,  des robes coupées dans des tissus fins aux coloris clairs dont les motifs étaient imprimés au rouleau ou délicatement brodés...Elle avait là des exemplaires uniques cousues depuis l'ancien monde. Un héritage hors du commun. Pourtant, non, il lui fallait quelque chose de plus simple. Quelque chose qui, au delà des apparences, sache refléter et étendre le flamboiement de la fiancée . Alors ses doigts s'arrêtèrent sur une dont les jupes longues, accentuées par la traîne,  s'arrêtaient sous un corsage ajusté, aux coutures baleinées dans le dos, aux manches amples et légères laissant les épaules nues et faisant ainsi plonger le décolté. D'un air pensif elle tendit la robe a son invitée.   « Essayes donc ceci...» Elle attendit un instant avant de se rendre compte qu'elle n'était pas à sa place. Le rouge lui monta aux joues.   « Je...vais te laisser. Prend le temps qu'il te faut! Enfin...sais tu au moins lasser un corsage? » Cela lui était déjà arrivé d'entrevoir des corps féminins autres que le sien...enfin pas réellement. Mais il était là question de pudeur. Elles étaient entre filles, il n'y avait pas de honte à avoir...et pourtant elle se sentait terriblement embarrassée à l'idée de voir son amie se dévoiler devant ses yeux sous un jour que surement seul Seö avait du observer...ou pas? Oh mais à quoi pensait-elle?!

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Eléonnora change d’expression suite à mes paroles et sans vraiment savoir pourquoi, je les regrette. Je n’ai fait qu’être sincère et avais l’impression que nous partagions un moment unique, où nous pouvions nous parler à cœur ouvert. En refaisant mes paroles à l’envers, je me rends compte que je l’ai tutoyée. Est-ce cela qui la rends soudainement si rétive ? Non, ses paroles dénotent un reproche sur le fond de mes dires.

Perdre le sens des réalités. Est-ce seulement possible ? Je baisse la tête, un peu honteuse de ce que j’ai pu faire. Je suis navrée, je ne voulais pas vous offenser. Veuillez accepter mes excuses. Nous vivons finalement dans des mondes bien différents. Elle, celui de la ville et du pouvoir, moi celui de la nature et de la liberté. Oui, c’est cela. Je suis en réalité libre de faire ce que bon me semble, et elle non. C’est ça qu’elle voulait dire. L’amour ne sera jamais le seul enjeu de sa vie. Car elle n’a pas le choix, alors que moi, je peux décider quel but rechercher.

Dame, repris-je timidement. Il ne tient qu’à nous de choisir nos enjeux. Il faut juste être capable d’accepter les conséquences de nos actes. Mais dans le fond, je sais qu’il est plus aisé pour moi de dire de pareils choses, car je n’ai jamais eu à choisir entre ma vie et les ententes des autres, car les deux ont toujours cheminé en parfaite harmonie. Je n’envie pas votre vie, ne le prenez pas mal. Si ce n’était le lien particulier qui unissait Seö et Maître Aldaron, nous serions en train de nous marier au domaine, dans la simplicité et la tranquillité. C’eut été une grande perte car nous ne nous serions pas rencontrées. Et malgré nos différences, je suis sûre que nous pouvons un peu apprendre l’une de l’autre.

Peu après, nous sommes dans son dressing. Alors que je fais remarquer à mon hôte la richesse de sa garde-robe, celle-ci rit. Je rougis violement et agite les mains en un geste négatif. Ce n’est pas un reproche. Ne pensez pas ça. C’est juste que vous avez pu le voir, je suis une fille simple et que je n’ai pas l’habitude de l’opulence.

Mais Eléonnora ne semble pas le prendre mal, au contraire. Quant à ne pas être gênée, je ne sais pas. Mon hôte est difficile à appréhender, mais elle n’est pas moins gentille, douce et attentionnée. Quand je vois toutes ses belles robes et tenues puis que je ramène mon attention sur elle, je me dis que quelque soit les parures qu’elle puisse porter, Eléonnora restera le plus beau joyau qui puisse être. Que ce soit dans la plus belle des robes, ou dans la plus simple des tenues, sa beauté et son aura brilleront toujours du plus bel éclat. Que les meilleurs artisans travaillent pour elle ne me surprend pas, car il faut un bon modèle pour faire du beau travail, et elle vaut tous les efforts du monde.

Je souris en rougissant, lui rendant un regard incertain à son auscultation. Elle s’était de nouveau rapprochée. Etrangement, la proximité avec elle me faisait une drôle sensation, probablement parce qu’il y a encore quelques minutes, elle semblait avoir voulu fuir mon contact. Ou bien est-ce cette chaleur contenue qu’Eléonnora dégage avec tant de force qui m’interpelle. Malgré la distance, je sens presque la chaleur de son corps frôlait ma peau. Le bleu est ma couleur favorite, elle est la couleur du ciel et de la mer, deux choses complètement opposées et qui pourtant se confondent à l’horizon. Ça a toujours été ma couleur.

Après avoir cherché un moment, pendant lequel je n’ai fait que la suivre du regard, silencieuse est discrète, Elélonnora me tend une robe. Je retiens un soupir de soulagement car elle reste assez simple par rapport à d’autres tenues. Mes yeux s’émerveillent encore une fois alors que je la contemple du bout des doigts. Elle est magnifique. L’impatience me gagne immédiatement et de quelques mouvements agiles, me robe tombe à mes pieds et je me retrouve en sous-vêtement, une culotte large et des bandes pour serrer ma poitrine pour qu’elle me gêne le moins possible, une habitude que j’ai prise et point perdu de la guerre. Je ne remarque pas qu’Eléonnora me tutoie ni même sa gêne, mais j’entends sa question. Je regarde le corsage, puis l’ensemble de la robe. Il est vrai que je sais mettre des corsages, mais, je ne saurai probablement pas mettre une telle robe seule. Je n’ai pas l’habitude de pareille tenue. Pourriez-vous m’aider. Mes yeux quittent la robe pour aller vers la jeune femme et je vois enfin son trouble. Levant un sourcil dubitatif, je me rends compte que je suis en petite tenue devant elle, et que ce n’est pas une chose à faire dans les cours. Mon naturel campagnard avait pris le dessus sur la bienséance et rougissant violemment je plaque la robe sur moi pour dissimuler ma quasi nudité.

Je suis désolée. C’est outrageusement cavalier de ma part. Je… Je ne sais pas où me mettre. Euh… Comment… J’essaye de reculer mais mes pieds se prennent dans ma robe au sol. Je perds l'équilibre et pour ne pas tomber en arrière, je lâche la robe et mets mon poids en avant. Mais mes pieds s'entortillent dans tous les tissus qui s'accumulent. Je trébuche et finis par tomber. J'essaye de m'accrocher à ce que je peux. Et ce que je peux n'est rien d'autre que... Eléonnora. Je m'accroche à elle en laissant échapper un petit crie et je sens qu'elle n'arrête pas ma chute.

Nous tombons toutes les deux, au sol, elle sous moi et moi dessus. Mon visage se trouve à quelques centimètres du siens, mes cheveux tombant en cascade tel un rideau nous isolant du monde en un instant de stupeur qui semble s'étirer à l'envie. J'essaye de bafouiller des excuses mais je reste bouche bée de stupeur, incapable d'articuler quoi que ce soit ou de bouger. Je reste là, allongée sur l'hôtesse et l'intendant de Caladon.

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A vrai dire, Eleonnora se trouvait étrangement confuse en la présence de la jeune blonde. Elle ne pouvait qu'avouer ce certain dédain qu'elle éprouvait envers les classes inférieures. Pourtant, il semblait que certains personnages avaient le don de complètement retourner ses pensées, la détourner de ce qu'on pourrait appeler préjugés mais de ce qu'elle appelait réalité. Sa réalité bouleversée, elle tentait désespérément de savoir ce qui pouvait bien clocher. Mais pour tout dire, elle avait déjà abandonné face au sentiment incompréhensible qui la liait à Artane. C'était une raison supplémentaire pour trouver cette fois ci, comment elle avait pouvait être autant charmée par cette simple villageoise. Mais encore une fois la réponse lui filait entre les doigts.  Car à chaque reproche qu'elle aurait pu lui être porté, sa pureté d'âme le contrebalançait. Des ailes lui auraient poussées dans le dos que ça n'aurait pas étonné la conseillère. Quelque part elle aurait aimé être l'elfe qui lui servait de fiancé pour protéger ce regard innocent du reste du monde.

Cette innocence eu raison de son hôte, qui, n'ayant pas eu l'occasion de quitter la pièce, se retrouva figée sur place. Elle avait manqué de placer sa main devant son visage en un réflexe de pudeur. La vue de la peau nue de son amie la dérouta un instant. Son épiderme légèrement tanné par le soleil n'avait portant rien du granit érosé par l'eau et le vent. Bien au contraire, son teint préservait une vigueur et une énergie qui témoignait de sa jeunesse flamboyante. Elle ouvrit la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, scrutant la silhouette qui lui faisait face dans un trouble certain. Puisque son regard s'était arrêté un instant sur cette poitrine bandée, qui alors paraissait bien plus petite sous ses vêtements. Eleonnora ne pu s'empêcher de faire glisser son regard vers son propre torse. Elle n'avait pas besoin de ça pour asseoir son charisme légendaire, elle ,'était pas ce genre de femme, et elle pouvait s'en féliciter...n'est ce pas? Elle sembla reprendre ses esprit alors que son regard croisa à nouveau celui de son invitée. Elle s’éclaircit  la gorge. « En..en voilà des manières! » balbutia t-elle avec un ton qui se voulait autoritaire. Mais comme Aurore ne semblait pas s'alarmer de la situation, elle se sentit vite ridicule de cette gêne qui venait enflammer ses joues. Les gens de la campagne étaient-ils tous si habitués à faire les choses aussi cruement?

Étrangement, la villageoise se rendit compte du geste déplacé qu'elle venait de commettre devant les yeux de la maîtresse de maison. Eleonnora fut bien soulagée qu'elle le reconnaisse. Elle allait pouvoir quitter la pièce et se rafraîchir de cette soudaine chaleur qui l'avait embrasée. Son regard obligé s'accrochant au sol avec toute la force de sa détermination, elle ignora les bafouillements vains d'Aurore qui était alors emprise au malaise. «  Ne vous en faites pas je... » Elle eu à peine le temps de relever son regard pour voir sa jeune invitée fondre sur elle.

Dans un flottement de tissus, elle se retrouva à terre. Une légère grimasse parcouru sa figure, sentant alors l'arrière de sa tête l'indisposer du au choc. Cependant impossible de se relever. Impossible même de ne bouger ne serait-ce qu'un membre. La demoiselle s'était arrêtée dans un état de stase, contemplant le visage tout aussi interloqué qui la surplombait. Sur son visage elle sentait ce souffle chaud qui s'échappait depuis ses lèvres entrouvertes. Elle pouvait scruter jusqu'au moindre détail de son visage angélique; Ses longs cils faisant ombrage sur ses grands yeux écarquillés, plongés dans ceux de son hôte, ses pommettes rougies, son nez effleurant presque le sien, sa bouche à quelques centimètres de son visage, ses bras nus, ses épaules dénudées...Elle n'osait son regard du sien. Même battre des paupières pouvait briser cet instant. Les secondes passèrent, semblant être des minutes, voir des heures et les deux jeunes filles se dévisageaient dans un dialogue silencieux. Eleonnora émergea enfin comme on refaisait surface. Elle bâtit des cils un instant d'un air dérouté, comme si elle venait de se réveiller d'un étrange rêve puis détourna le regard tandis que ses joues se teintaient à son tour d'un bel écarlate. « Quelle empotée... » Elle avait soufflé ces mot d'une voix si faible que seule la jeune blonde, alors à quelques centimètres d'elle, aurait pu l'entendre.  Elle posa simplement ses mains sur les épaules d'Aurore et se redressa. Que tirer de ce moment? A part un trouble immense. Cela lui paraissait presque insolite de devoir reprendre le cours des événements après ceci. Comme si elles étaient à nouveau retournées dans la réalité.

Elle aida son amie à se relever dans un silence embarrassant. Après tout elle n'attendais pas vraiment d'excuses, elle les aurait balayées d'un revers de la main. la preuve qu'elle avait du mal à se réveiller de ce songe. Aussi, pour briser la gêne qui s'était installée la jeune aristocrate éleva la voix « Je crois que..» Elle se racla la gorge, sa voix s'étant enrouée. « Je crois que je n'ai pas le choix. Je vais devoir t'aider à mettre cette robe. » Un sourire, plus faible qu'elle ne l'aurait voulu, accompagna ses paroles. Elle désigna d'un geste timide le tas de tissu informe que piétinait encore Aurore. « Il faudrait que tu l'enfiles et je te nouerais le corsage...mais je t'en prie habille toi! » D'un air exaspéré elle roula des yeux; Les mêmes qui avaient de nouveau parcouru la svelte silhouette. Elle lui faisait tourner la tête, elle en perdait toute sa superbe. Elle se pencha pour ramasser le corsage qui avait été posé sur le même cintre que la robe mais à l'évidence, il faudrait le poser après. En y repensant cette petite villageoise n'avait sans aucun doute jamais porté ce genre d’accessoire. Un sourire malin fendit le visage de la conseillère. « D'ailleurs, prépare toi à souffrir...»  Elle fit claquer le lacet entre ses mains.

descriptionLe Bleu est une Couleur chaude - Eléonnora Ostiz EmptyRe: Le Bleu est une Couleur chaude - Eléonnora Ostiz

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L’atterrissage a été brutal, mais pas autant qu’il n’aurait dû l’être. Peut-être est-ce la robe d’Eleonnora qui a amorti notre chute, peut-être le sol, ou alors je ne sais pas. Mais le résultat est le même. Nous sommes allongées toutes les deux au sol, moi dessus, elle dessous, comme dans une étreinte accidentelle. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’un accident.

La grimace que pousse mon hôte à cause de la chute me fait culpabiliser. Pour moi, ce ne fut pas violent, mais pour elle, ce fut le sol d’un côté et moi de l’autre. Je voudrais me redresser précipitamment, l’aider à se relever, voir si elle n’est pas blessée, si tout va bien, m’excuser mille fois, m’enfuir loin et ne plus revoir cette dame distinguée que je ne peux que gêner avec ma maladresse de paysanne. Mais pourtant, je ne bouge pas.

Je reste figée dans un temps, dans un temps infiniment long, et infiniment court. La stupeur brouille tous les perceptions du moment, et le temps régulier laisse place à celui personnel, contraint non plus par le monde, mais par l’intensité de ce que l’on vit. Et étrangement, cet instant est incroyablement intense.

Je sens le monde comme jamais auparavant, les moindres détails des robes, la lumière naturelle et l’éclairage des lustres, la poussière qui descend lentement vers le sol, les odeurs des vieux parfums, toujours aussi entêtant, celles de la soie, du satin, de la dentelle, de la cire et du métal. Le bruit léger du vent à l’extérieur, le chant doux d’oiseaux volant librement. Pourtant, tout cela passe en second plan. Le monde extérieur, aussi immense et oppressant soit-il, n’arrive pas à pénétrer la bulle qui s’est créé par cette chute. Cette perception intime du monde est effacée par quelque chose d’encore plus grand, plus fort.

Non, rien ne perce, rien ne perturbe ce moment figé dans le temps, où même respirer semble sacrilège. Mon regard azur se plonge dans l’ambre foncé de celui d’Eleonnora. Nous ne sommes séparés que par quelques centimètres. Rien au vu du monde, un océan en cet instant. Je peux sentir son souffle léger sur mes lèvres et le mien lui répondant simplement, comme on échangerait des moi. Mes narines ne sont envahies que par son odeur, pas celui de son parfum, mais celui qui fait d’elle une femme, qui fait d’elle un être à part, pleine de beauté, de douceur et de force. Elle me rappelle la mer, elle me rappelle la terre. Si calme, si paisible, cachant pourtant une force pouvant soulever les hommes. J’oublie le reste de mon corps qui repose sur mon hôte. Mon ventre contre le sien, les deux séparés que par son corset. Ma poitrine, pressante contre la sienne. Mes jambes emmêlées dans ses jupons et ses jambes. La douceur de sa peau contre mes mains, la nécessité de la libérer, de la lâcher, mais l’absence de volonté.

Puis deux mots. Soufflés, à peine murmurés. M’étaient-ils destinés ? Ils auraient pu, ils auraient dû détruire cet instant et pourtant, je ne m’arrache pas à la contemplation. Un contact sur mes épaules dénudées, marquées par la vie en grand air, me provoque un frisson. Ce sont les mains d’Eleonnora. Doucement, comme on sort d’une léthargie, la jeune femme se redresse et moi, je glisse sur le côté, encore surprise et sous le choc de ce qu’il vient de se passer. Je ne comprends pas ce qu’il vient de se passer. Dans mon ventre, une sensation de chaleur s’évanouit doucement. Je suis toute secouée si bien qu’il me faut un instant pour voir qu’Eleonnora s’est remise debout et me tend la main.

Avec une légère hésitation, je dépose ma main dans la sienne, et me relève avec son aide. La robe qu’elle m’avait présentée est au sol, la mienne un peu plus loin. Un silence embarrassant s’installe. Je devrai dire quelque chose, m’excuser, mais je ne sais pas pourquoi, je m’y refuse. Ce moment était trop… Il est encore assez… Je ne sais pas, mais rien ne me semble justifier une quelconque excuse, peut-être plus tard. Mais à l’instant, je me sens encore étrange.

Je me ressaisis en entendant le raclement de gorge d’Eleonnora. Je lui rends son sourire, un peu gênée. Oui, il va falloir qu’elle m’aide à enfiler ma robe. Alors que je me penche pour la lisser un peu, je me rends compte de la complexité de l’ensemble. Il est beau et parait simple en comparaison du reste des tenues exposées mais nous sommes loin de la simplicité de ma robe. Je m’éclaircis à mon tour la gorge.

Je crois que je vais devoir aussi te demander de l’aide pour enfiler cette robe. Il faut me dire si je ne fais pas correctement. Sur ces paroles et après son injonction à m’habille pour diminuer la jeune de mon hôte, je pose la robe au sol et commence à la remontée. Jusqu’à ce qu’elle soit plus ou moins en place. Puis me tourne de nouveau vers Eleonnora qui s’était détourner un instant pour prendre quelque chose sur un cintre. Est-ce bien ainsi ? Lui demandai-je.

Un sourire malin se dessine sur son doux visage alors qu’elle fouette sa main avec un lacet. Je me raidis. Qu’entend-elle par je vais souffrir. Elle ne va tout de même pas me frapper avec ce lacet. Ce serait inattendu de sa part. Puis je comprends qu’elle plaisante et qu’il s’agit du lacet de corsage. Je lui souris avec un air taquin. Je suis prête à le faire, de plus, je ne crains pas grand-chose. Je t’imagine experte dans ce domaine. Je me confie à tes mains expertes.

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Sa voix ne se brouillait plus, se mains ne tremblaient plus, son visage avait retrouvé ce teint d'ivoire et son regard était à nouveau vif. Toutefois son esprit ne voulait se séparer de ce trouble qui l'avait alors emprise. Elle portait un regard nouveau sur cette paysanne...Comme si un instant avait pu changer le monde. Sa destinée aurait-elle toujours la même si elle n'avait pas retrouvé Artane ou si elle n'avait pas fais confiance à Aldaron? Peut-être que cette nouvelle rencontre bouleverserait à nouveau son histoire? Elle avait horreur des superstitions, mais elle eu une pensée pour ce destin qui, dans les méandres du temps et de l'espace, pouvait possiblement, peut-être bien, rejoindre les âmes. Dans ce flou métaphysique dans lequel elle plongeait, ses repère semblaient avoir prit congés. Et quelque part elle ne put que comparer ce sentiment incompréhensible à ce qu'elle pu ressentir en présence de son forban favori. Ce quelque chose qui faisait qu'elle accordait de l'importance à des vies qui n'en avait surement pas avant qu'elle ne lui fassent face, qui avait le don de rendre merveilleux ce qui était commun et insignifiant.

Son air tendu se désintégra alors qu'elle se tournait vers son invitée. S'empêchant fortement de garder bonne figure elle avait laissé la jeune femme présenter une tenue enfilée comme un vieux linge. Même si cela aurait été son genre de critiquer ouvertement cette étourderie, elle s'empêcha d’émettre quelconque commentaire puisque la jeune blonde semblait déjà aussi tendue que les lacets qu'elle tenait fermement entre ses longs doigts. Ce fut d'une expression maligne que l'aristocrate fit un pas vers cette dernière. « Fais moi confiance...»

Elle réajusta d'abord avec soin l'étoffe le long de ses épaules au grain si vif. Il lui semblait que dorénavant le moindre geste devenait significatif et qu'un simple frôlement de sa peau pourrait la faire rougir. Elle s’attela à son travail avec professionnalisme pour ne pas laisser paraître, derrière son masque de concentration, la confusion qui s'emparait à nouveau d'elle. « Veux tu bien lever les bras, je te prie. » Elle glissa ses mains le long de ses hanches d'un geste expert pour placer le corset sous son buste. D'une caresse aussi légère que la brise elle retourna la jeune fille pour pouvoir lacer cette ultime pièce de la tenue. La pire dirait-on...mais on s'y faisait avec le temps. Bien évidemment, elle n'avait prit la peine de le mentionner. Elle n'aurait pas voulu que la future mariée ne s'enfuit avant de n'avoir au moins eu un aperçu de ce supplice dont elle s'était alors affranchie. C'était tout de même paradoxal de penser que les femmes avec les moyens de vivre dans l’opulence trouvaient tout de même un moyen de souffrir de leur situation. Après tout l'ennui était leur seule motivation à épier le moindre défaut de leur voisine. Ainsi pour ne pas perdre la face, il fallait sembler parfaite. L'apparence était bien plus qu'un apparat, c'est ainsi que l'on contrôlait l'esprit de son interlocuteur.

Brusquement, sans prévenir son amie, la demoiselle serra le lacet d'un coup sec. Elle avait alors sentit l’entièreté le corps d'Aurore se tendre sous la brutalité de son mouvement. Elle n’éprouvait pour sur pas de plaisir particulier à la faire souffrir ainsi, bien au contraire! Mais il fallait souffrir pour être belle disait-on. Aussi, elle le prenait à la lettre, et quelque part, elle se prenait au jeu. Ne valait-il mieux pas faire ceci en une fois? Elle attendit qu'elle reprenne son souffle car, malheureusement, un coup ne fut pas assez pour étriquer la taille de la victime. Alors, un pied contre le mur, la demoiselle poussa celle ci contre la paroi sans plus de délicatesse. « C'est bientôt fini, inspire bien fort. » Et tout en prenant appui fermement, elle arracha un nouveau râle de surprise à son souffre-douleur avant de hâtivement nouer le tout. Elle relâcha lentement son emprise, inquiète de la réaction que pourrait avoir cette novice en ce qui concernait les atours de la bourgeoisie. « Comment te sens tu? » Encore, elle ne lui avait fait essayer le plus étroits des corsets mais elle avait déjà vu à de maintes reprises ces dames s'évanouir lorsque l'air des salles de bals devenaient trop étouffant...Ce n'était pas qu'elle s'inquiétait mais tout de même...elle avait de la compassion pour celle qui devaient à leur tour passer cette épreuve que la féminité voulait légale.

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Fais-moi confiance… Oui, je lui fais confiance. Je lui ferai confiance jusqu’à la fin des temps et peut-être même après. Je n’ai aucune raison de douter d’elle ni elle de me vouloir du mal.

Cette certitude vient non seulement de ma naïveté naturelle, celle qui me force à croire que tout le monde est bon, et cherche à créer un monde meilleur, mais c’est aussi plus profond. Cela vient de notre rencontre. Je sens que cette jeune femme est plus que ce qu’elle ne veut montrer et ce depuis le début. Et cette impression fut renforcée par ma maladresse.

On peut apprendre beaucoup de choses sur les gens en plongeant son regard dans le leur, mais peu de personnes ose le faire car on peut en apprendre beaucoup sur soi-même en même temps. Mon corps se souvient du contact de ma peau contre la sienne, de son souffle contre ma joue. Il imagine la douce odeur de sa chevelure cascadant sur ses épaules, le goût sucré de son parfum lorsque mes yeux ont caressé les siens.

Debout dans la pièce, j’essaye de repousser un peu se trouble car il amène une interrogation : si je n’avais pas rencontré Seö, je n’aurai pas pu rencontrer Eleonnora. Est-ce que ma vie aurait-été terne ? Question absurde car j’étais heureuse avant de la rencontrer, au summum même du bonheur. Je vais me marier et m’occupe d’un enfant comme du mien. Mais cet instant avec Eleonnora y a ajouté une couleur en plus. Un bleu a l’image de la robe qu’elle veut me voir porter pour mon mariage. Un bleu qui n’est plus froid, mais qui est devenu une couleur chaude, chaude comme ses mains qui passe sur mon corps alors qu’elle réajuste ma tenue.

Ses gestes sont délicats, précis, doux et brusque à la fois. Les gestes d’expertes, les gestes de celle qui connait ça depuis toujours. Suis-je aussi sûre lorsque je bande une plaie, fait un remède, distribue un médicament ou recoud une blessure ? Je pense que oui. Mais peut-être pas aussi ferme. Sauf sur les malades récalcitrants, sauf que je ne suis pas récalcitrante.

Je la sens dans mon dos, une sensation bien loin de la distance que nous avons poliment entretenue au début de leur rencontre, mais bien différente que celle que nous avons connue, l’une contre l’autre. Ce n’était pas embarrassant, pas polie, pas discret ni exagéré. Je souris doucement en me retournant sous les ordres de ses mains expertes. Rien de grave ne peut m’arriver avec elle.

Elle a placé le corset et j’ai obéi sagement, et jusqu’à présent ça s’est très bien passé. A aucun moment j’aurai pu me douter de ce qui allait arriver.

Depuis longtemps, j’ai pris l’habitude de moment, qui, pour ne pas être gênée pendant la cueillette, l’escalade et la chasse pour ma part, se bandait la poitrine fortement pour la tenir et la rendre moins encombrante. Si c’était très désagréable au début et que ça l’est resté longtemps, je m’y suis fait sans pour autant que ça me gène moins. C’est juste plus pratique avec les bandes que sans. Quand Eleonnora m’a parlé d’un corset, j’ai tout de suite pensé que ça devrait se faire sans trop de difficulté. J’en avais déjà porté en quelques occasions, rien de bien mondain ni extraordinaire, mais je n’étais plus vierge en la matière. J’aurai dû plus me méfier.

Le coup sec de mon hôte me surprend et me coupe nette la respiration. Mes poumons se vident et quand ils essayent de se remplir, c’est à peine s’ils parviennent à le faire de moitié. Ma respiration se fait plus courte et rapide pour compenser. C’est difficile mais suffisant. C’est terrible mais je peux le supporter pour quelques temps, si j’arrive à m’y habituer.

Je me force à sourire en commençant à me retourner mais la prise d’Eleonnora ne se relâche pas et je reste face au mur. Elle ne va tout de même pas serrer plus fort. Il n’y a plus rien à serrer, la prochaine étape serait de mon comprimer les organes comme si j’avais une entaille qui les poussait à sortir. J’ essaye de parler mais aucun son ne sort, rien de l’air, qui est un peu trop précieux en cette instant.

C’est bientôt fini qu’elle me dit. Inspire fort. Je voudrai juste inspirer pour l’instant. Juste un peu. Et lui dire d’arrêter. Mais non, je me contente de chercher de l’air désespérément. Un son sort de ma bouche alors que la jeune femme redonne un coup supplémentaire, supprimant ce qu’il me restait d’espace pour respirer. Un cri de surprise qui me surprend autant que lui-même puisque je me sentais bien incapable de produire le moindre son.

Je sens Eleonnora s’agiter derrière moi, tripotant quelque chose avec le corsage. Mon esprit comprend qu’elle est en train de lacet le vêtement. J’aimerai lui dire d’arrêter tout de suite, mais j’essaye surtout de respirer.

Comment te sens-tu ? Mal, très mal. Comment fait-elle pour porter ça couramment. J’aimerai bien lui répondre ça mais tout ce que j’arrive à faire c’est me tourner vers elle, la respiration sifflante. Ma main gauche essaye d’attraper le lacet dans mon dos mais mes doigts sont gours et le corset gêne jusqu’au mouvement de mes épaules, c’est incroyable. Mon autre main attrape ou essaye d’attraper une épaule d’Eleonnora pendant que je la regarde paniquée, la respiration difficile et saccadée.

Le sol n’a plus de consistance sous les pieds, ou est-ce mes jambes qui m’abandonne ? Je ne saurai pas le dire, ni le savoir puisqu’avant que je rencontre le sol, je perds connaissance. Si j’avais gardé les yeux ouverts, je me serai vu m’écroulé encore une fois, sur Eleonnora, cette fois moins violement. Je glisse juste à ses pieds sous la pression du corset que mon corps ne supporte pas encore.

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Elle était tombée comme une poupée de chiffon, sans un bruit, entre les bras affolés de l'aristocrate. On entendit alors la maîtresse de maison s'époumoner, brisant le silence de la vaste demeure. Les femmes de chambres et valets avaient accourt en panique, pour pouvoir s'arrêter devant le même tableau. Il leur fallut plus de temps pour rassurer leur maîtresse que pour déplacer la pauvre jeune fille qui s'était évanouie. Cependant, ne voulant pas s'attirer les foudres du caractère intempestif de leur employeuse, ils s'étaient retirés, se gardant bien de commenter la bénignité de l'affaire. Après tout ils en avaient déjà vu tellement des femmes prête à se réduire les organes pour obtenir une véritable taille de guêpe. Ils se contentèrent de penser que la demoiselle avait été surprise par la réaction soudaine de son invitée.



Lorsqu'Eleonnora pensait à cet instant elle en revenait encore et toujours à l'image de cette jeune fille couchée sur son divan; Il lui semblait qu'elle était une enfant qu'on avait déposé dans une corbeille de poix puis lâchée dans la rivière pour qu'elle vienne s'échouer sur la berge de son lit.  Elle ne lui rappelait personne de sa vie d'autrefois. Ce n'était ni une courtisane ni une gueuse.
Après ce qui venait de se passer, elle était persuadée qu'elle était destinée à la protéger; Et ce sentiment était manifestement excessif: Elle venait tout juste de la rencontrer! Elle suspendit une main qui allait atteindre son doux visage blond. Ferait-elle ceci pour une sœur ? Une amie frémirait-elle au contact de ses pupilles sur sa peau?  Avec une grimace de dégoût incontrôlée elle retira son geste. Elle ne comprenait pas encore ça. Certains disaient, de leurs voix raisonnables, que des goûts et des couleurs il ne fallait pas disputer, car on ne savait jamais ce qu’on pourrait aimer un jour.
Eleonnora n'en était pas si persuadée et laissait le doute aux spirituel, à ceux qui avaient le temps de penser. Elle n'était pas une femme qui faisait commerce du plaisir charnel. Alors, ces frissons qui parcouraient son échine à la recherche d'elle ne savait quel sentiment perverti par une attirance que contredisait la bonne morale et la nature elle même, devaient être prohibés.

Toutefois il semblait que la petite paysanne retrouvait peu à peu ses esprits. « Ce n'est pas comme ça que tu pourras faire un mariage à Caladon! Je te préviens....» Aurore ouvrait à peine les yeux qu'elle se mettait à la sermonner...qu'est ce qui n'allait pas chez elle? Elle se mordit la lèvre et se releva sans un mot de plus, la moue grognonne. Elle laissa un peu de temps à la victime pour se réveiller et en profitait pour se rafraîchir sa tête qui bouillonnait. Elle s'était habituée à voir Artane risquer sa vie, même si cela lui pinçait le coeur, c'était aussi cette liberté qu'elle aimait chez lui. Mais Aurore, elle, était fragile; Aurore était précieuse. Et alors qu'elle tenait la situation, celle ci avait glissé entre ses doigts. Qu'est ce qu'elle détestait ça! Cela réveillait une sensation de remord que peu de fois elle avait ressentit...qu'est ce qui lui pressait la poitrine? cette envie de revenir en arrière? Etait-ce...de sa faute? Elle s'en voulait. Elle inspira profondément. Elle expira Elle s'approcha à nouveau de son amie, la surplombant de toute sa hauteur, ce qui ne lui était pas donné tout à l'heure. « Je suis confuse et désolée...pour ce que je t'ai fait subir. »  Si la jeune blonde la connaissait mieux, elle aurait su que cette simple phrase valait de l'or. Ce n'était pas une personne à excuses, certainement pas. Mais si ces mots semblaient lui arracher la bouche, ils n'en étaient pas moins sincères.

Elle se résigna tout de même à éparpiller se jupons autour d'elle pour s'agenouiller à la hauteur du divan. Elle tenta de prendre un ton plus doux, pensant être désormais assez sereine pour s'exprimer ainsi. « J'ai du mal à être indulgente...parce qu'il faut être forte quand on est une femme dans ce monde. Mais ce n'était pas mon intention de te blesser. »  Un sourire maladroit traversa son visage. « Tu m'excusera? »

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Je prends une dernière goulée d’air avant de perdre conscience. Il n’y a rien que l’obscurité pendant un moment, pendant une éternité. Puis une touche de lumière. Une petite étoile bleue qui s’évanouit aussi vite qu’elle est apparue. Puis une jaune, et une orange. Une nouvelle bleue, plus grande et une myriade multicolore danse dans les ténèbres de mon inconscience. Une idée s’entremêle aux éclats merveilleux. Tout semble maintenant danser dans un rythme qui me semble à la fois naturel et inconnu.

Je me sens plus légère, plus libre et je comprends alors que je respire beaucoup mieux. Mon esprit se mets à démystifier ce que mes paupières closes observent. Ce n’est rien de plus que mon cerveau retrouvant de l’oxygène. Mais un très léger sourire se met à flotter sur mon visage car je me rends compte qu’il n’a jamais été aussi doux de respirer un air frais que maintenant. Cette sensation ne vaudra pas l’odeur d’amour qui emplit une pièce lorsque Seö se trouve contre moi, ni même cet étrange sentiment, ce serrement dans l’abdomen lorsque, après ma chute, mon visage était si près de celui d’Eleonnora que je pouvais sentir son souffle enjôler mon cœur. Eleonnora !

Mon esprit se met à nager dans les brumes vaporeuses qui l’entoure, cherchant la surface pour retrouver celle par qui tout cela fut instiguée. La fille au cheveux brun et soyeux, à la peau si tendre et tiède, dont le regard noisette transperce l’âme avec la sévérité de ceux qui craignent d’aimer. Quelle plus belle carapace que celle qu’on ne franchit que pour s’abriter avec les êtres chers et qu’Eleonnora porte comme un appel à couvrir tout le monde.

J’entrouvre les yeux, et la voix qui à l’instant m’était chère, laissa tomber ses mots. Ce n'est pas comme ça que tu pourras faire un mariage à Caladon! Je te préviens....Cela m’arrache un sourire faible. Je sens bien que toutes mes forces ne sont pas revenues. Quelle belle carapace tu portes, gardienne de ces lieux. Comme elle est épaisse et prouve de la vie que tu as menée.

A travers le flou de ma vision, je la divine à peine. Je distingue une clarté de sa robe finement brodée, mais aussi l’obscurité de ses cheveux soigneusement coiffées et maintenant quelque peu défaits.

Finalement, elle reprend la parole en même temps que son apparence se clarifie à mes yeux. Sa carapace ne nous sépare plus car je la sens maintenant derrière moi. Je peux sentir son cœur, malgré la distance, battre à mesure qu’elle s’ouvre et s’excuse. J’aimerai l’arrêter mais je n’arrive pas encore à parler. Mes yeux ne fait que la regarder, son air contrit, l’effort qu’elle avait mis dans ses excuses sincères.

Je regarde mon hôte s’agenouiller auprès du canapé. Sa belle robe va en être tout abîmée, presque autant que son air semble désolé. Le ton de la jeune femme est aussi doux à mes oreilles que le satin de ses robes sous les doigts. Mon sourire s’agrandit. Encore à s’excuser, je sens bien que c’est à la fois sincère et difficile à avouer pour elle. Je la regarde avec un regard plein de compassion, celui d’une mère qui regarde sa fille se désolait d’un accident dont elle n’est pas coupable. La voix d’Eleonnora chante doucement dans mon oreille quand elle pose son ultime question.

Ma main vient lentement caresser sa joue sans que mon regard ne quitte le sien. D’abord une douce caresse du bout des doigts avant de déposer ma paume rugueuse sur la tendresse tiède de sa joue. Dame, il n’y a rien à excuser.

Sans forcer, tendrement, je tire alors son visage si contrit et si beau vers moi, pendant que mon visage aux regards brillants d’amour se rapproche du sien. Lentement mais inexorablement nos yeux se rapprochent sans se quitter, comme si du monde, le but unique fut concentré en ce moment. Je ferme les yeux et sens son odeur, savoure son contact. Comme c’est étrange de sentir ce genre de chose pour une personne que l’on vient à peine de rencontrer, mais n’est ce pas un de ces effets qui fait l’union des vivants. Seö et moi ne pouvons pas mieux expliquer notre lien que je ne peux comprendre cet instant avec Eleonnora.

Comme lors de ma première chute, le temps hésite et vacille. Court ou long, intense ou faible. Rien ne peut décrire ce qui nous arrive. Je sens sa peau contre la mienne, l’odeur de ses cheveux. Ma joue frôle dans un moment de grâce la sienne et mon cou vient se loger sur son épaule et le sien fait de même. Ma main quitte sa joue pour presser la jeune femme un peu plus contre moi, comme pour la consoler ou la rassurer.

A moitié couchée, je serre la bourgmestresse de Caladon, qui est à moitié assise, dans une étreinte merveilleuse et éternelle. Nous restons un temps intense où le temps régulier n’a plus d’emprise et où seul reste le temps vivant. Finalement, je libère la jeune femme de mes bras et repose mon regard dans le sien. Tout va bien. Je vais. Ce n’est pas ta faute. Cela m’arrive parfois, des moments de faiblesses, des vertiges. Le corset n’a fait qu’en provoquer un, un peu trop fort. Si tu ne vois pas d’inconvénient, j’aimerai éviter de réessayer l’expérience tout de suite.

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Eleonnora s'était exposée au jugement de ces grands yeux comme on s'étend sur un l’autel, attendant la sentence finale. Sa honte, d'avoir faillit à son rôle d'hôte, à sa réputation de grande dame et surtout d'avoir laissé sa protégée s’étouffer, tomber dans l'oubli, n'avait de limite que son affolement qui en avait fait trembler les murs de la masure. Elle s'attendait à des insultes, des blâmes ou mêmes quelques petits reproches. Mais non, il semblait que, même dans la maladie, il était impossible à un ange de proférer de tels propos. La demoiselle, resta muette, l'air abattu, ne trouvant plus rien à dire, pour lui montrer qu’elle s'en voulait. Il n'y aurait eu qu'un geste, qu'un mot, le pardon n'aurait été que le prémisse d'une longue discussion. Mais rien de tout cela. Oublions ce que nous pensons être vrai. Car ici la seule réalité était celle de son corps, celle de sa peau. Le temps s'arrêtait lentement. La demoiselle promenait lentement le regard sur son visage rose, qui s’abandonnait comme endormi ; les paupières avaient une délicatesse de soie vivante ; la bouche faisait un pli adorable, humide d’un sourire ; le front était une pureté, noyée d’une ligne dorée à la racine des cheveux. Et, aurait-elle voulu donner tout son être dans le mot qu’elle sentait sur ses lèvres, sans pouvoir le prononcer. Alors, se penchant encore, elle parut chercher à quelle place exquise de ce visage elle poserait les mots qui lui échappaient. Puis, elle ne dit rien, il n’eut qu’un petit souffle. Leurs lèvres se rencontrèrent.

Tout le délire brutal de la complète possession ne vaut cette frémissante approche des bouches, ce premier contact humide et frais, puis cette attache immobile, éperdue et longue, si longue ! de l’une à l’autre. Le violent plaisir qui l'animait n'avait d'égal que la douceur de l'instant qui les liait. Et tout cela prendrait fin tout aussi violemment, dans l'excès des sensations qu'elle ressentait. Elles s’arrêtèrent sans frémir. Eleonnora avait ouvert les yeux très-grands. Son esprit était vide. Tout le sens de ce qu'elle faisait s'était éclipsé au profit de son intuition seule. Sans rougir, elle ferma les yeux et oublia qu'elle devait penser. Quelque chose de puissant, de souverain l'envahissait ; Elle s'y abandonna comme elle enfouissait son visage dans le cou de la jeune blonde.
Quelque part elle avait l'impression de voir les rôles s'inverser. Rarement s'était-elle sentie aussi vulnérable et pourtant, elle se sentait bien. Aurore était sa berge. Celle où venaient s'écraser ses problèmes, ce foutu stress, son obsession du contrôle, sa peur de la solitude et du désespoir. Combien de fois avait-elle eu ces pensées entre les bras de son capitaine; Mais où était Artane dans ces moments ci? En mer? Il fallait bien que quelqu'un vienne recueillir le poids que son amante portait...

La future bourgmestre fut presque au regret de devoir se détacher de la chaleur qu'elle avait finalement accepté.
Un seul hochement de tête, presque timide. Comment transformer un lion en chaton, dirait-on. La conseillère s'en voulu dès l'instant où elle se releva. Elle redevint Eleonnora Ostiz, conseillère de Caladon. Et elle venait de tromper ses principes, son amant, son ami. Et pourtant elle gardait jalousement ce moment encore encré dans sa peau comme si elle le revivait incessamment. Elle ne dit rien. Il y avait des choses que l'on exposait à la réalité si elle était énoncées. Peut-être était-ce cette incertitude qui la charmait. Laissant en suspend toute interprétation, pour ne garder que l'inexplicable sensibilité de cet instant. Car dans la brume tout devenait si merveilleux. Ou bien était-ce par simple lâcheté de ne pas vouloir mettre le doigt sur ce qui lui faisait peur. Pour une fois fois elle préférait se taire plutôt que de s'indigner, se fermant à tout autre débat sur le sujet.

Elle se releva alors lentement, sentant cette douceur qui l'avait imprégnée la suivre comme un spectre.  «Non, c'était une erreur de ma part de t'imposer le corset...tu n'en a pas besoin. Cette robe se suffit à elle même lorsque tu la portes. Toutes les dames de la cours envieraient ton galbe, alors nul besoin d'artifices. Ton naturel est peut-être ce qu'il y a de meilleur chez toi alors rendons lui hommage. » Elle sourit avec légèreté. Elle n'avait pas plus résisté, elle s'était laissée apprivoiser. L'erreur est humaine disait-on mais persévérer dedans se disait maléfique. « Mais n'est-il pas plus prudent que tu retournes à tes appartement après un tel choc? Ne me blâme pas pour m'inquiéter pour ta santé, après tout, en tant qu'hôte...et amie, je me sens responsable de ta personne. Je pense qu'il vaudrait mieux que tu te repose.»  Elle tendit son bras à la jeune blonde, qu'elle puisse s'appuyer dessus pour se relever. « Je te ferai raccompagner par mes soins, ne t'inquiète pas pour ça.»

Tantôt son amie s'était relevée, elle n'osait la regarder en face, gardant tout de même cet air suffisant d'aristocrate. Elle faisait de son mieux pour cacher toute trace d'émotion néanmoins sa fuite était évidente aux regards avisés. «Je viendrais te rendre visite en compagnie d'un tailleur, qu'il puisse ajuster la tenue à ton gabarit. Nous n'avons certainement pas la même taille et elle me semblait assez étriquée chez toi, disons le. Oh et il faudra que j'apporte la joaillerie nécessaire à l'accompagnement d'une telle toilette!» Elles avaient franchit la porte de la chambre, bras de dessus, bras dessous y laissant cette étrange atmosphère. Plus elles avançaient, plus elle s'abandonnaient à l'oubli, plus son parfum s'atténuait, plus tout autour d'elles devenait réel. Eleonnora aurait voulu rester là bas.

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Je ne remarque pas le trouble d’Eleonnora suite à notre étreinte. Tout ce que je garde, c’est l’odeur de son parfum, la caresse de ses cheveux contre ma joue et le souffle de sa bouche dans mon cou. Comme elles sont curieuses ces sensations. L’impression d’être entière seulement au contact de l’autre. Je n’arrive pas à décrire cela autrement. Pas une seule fois je ne pense à Seo, ni n’imagine que ce que je ressens puisse le trahir.

Avec l’elfe qui va devenir mon mari, je me sens exister, je sens que le monde devient réel et que le rêve est possible. Je vois le monde s’éclairer et je sais que tout est possible. Mais alors quel est ce besoin absolu de toucher, caresser, serrer la belle femme devant moi. Sa présence me trouble sans que je ne le sache vraiment, comme une mère avec sa fille. Non, ce n’est pas ça, c’est bien différent qu’un sentiment maternel, et encore plus éloigné d’un amour filial. Peut-être est-ce notre opposition ? Elle riche dirigeante, moi simple guérisseuse. Moi blonde, elle brune. Moi vivant libre, elle prisonnière des règles de l’étiquette. Nous sommes comme deux sœurs jumelles, liées indéfectiblement par notre opposition.

Eleonnora n’a toujours pas fini de se relever, comme si le temps passe au ralentit à mesure que mon esprit essaye de comprendre mes sentiments. Deux sœurs… Non, c’est bien plus que cela. Ce n’est pas ce que ressentirai deux sœurs. Du moins, je ne le pense pas. Ça va plus loin et à la fois non. Il n’y a pas cette complicité des années, bien qu’elle pourrait venir, mais il y a cette chaleur que l’on a à tenir son enfant contre soi, ce besoin de le garder contre nous comme un amant, et cette envie de partager quelque chose comme à une sœur. Il y a quelque chose, dans son regard, un peu confus, un peu surpris comme un miroir. Je ne comprends pas, je n’ose y croire, il y a quelque chose qu’hier encore n’existait pas.

Et la voir à mes petits soins me touchent énormément et je devine un grand bouleversement dans ses habitudes. De même, je rougis violement à ses compliments. Je n’ai pas spécialement envie qu’on m’envie justement. Je n’ai aucun mérite pour ce que la nature m’a offerte et que maman et papa m’ont transmis.

Je ne sais pas si c’est plus prudent, mais je pense que cela serait plus raisonnable. Tu dois avoir d’autre occupation que de faire mettre des robes à une paysanne. Ce que je ne dis pas, c’est que je n’ai pas envie de la quitter. J’ai un besoin de rester près d’elle, de l’écouter parler, de la regarder. Mais je ne peux pas céder à des envies égoïstes, d’autres personnes ont besoin d’elle. Une idée stupide me traverse l’esprit. Je rougis encore plus en me disant que je pourrais peut-être juste la regarder travailler. Mais quelle idée saugrenue.

Je me lève doucement, d’abord assise, puis debout et c’est à cet instant que je remarque à quel point je suis fatiguée. Tu as certainement raison, Eleonnora, je me sens particulièrement fatiguée. Je pensais que le voyage en bateau aller me reposer, puis le retour à un bon lit aussi, mais je dois t’avouer qu’en ce moment je me fatigue bien plus vite qu’avant. Et si tu me raccompagne, je ne vois aucun inconvénient.

Nous nous dirigeons donc vers la porte avant que je ne m’arrête brutalement et pouffe de rire. Peut-être que je devrai d’abord te rendre la robe et reprendre la mienne. En petite foulée malhabile, je me précipite vers son dressing, retire la robe et remet ma robe, bien plus simple. Je ne sais pas très bien comment ranger une robe comme celle-là.

Une fois le problème de la robe réglé, nous sortons toutes les deux. Bras dessus, bras dessous. La porte se referme et semble capturer le délice de notre intimité. Nos peaux se touchent mais ce contact ne fait plus frémir mon cœur, mais réjouit mon esprit de joie. Nous marchons comme des complices de longues dates, comme si nous étions amis, confidentes. Eleonnora semble avoir mis une certaine distance entre nous, mais seulement de façade.

Avec plaisir. Je serai ravie de te revoir. J’ajoute avec un sourire malicieux. Tu es ici chez toi, alors vient me voir quand bon te semble. J’ai pris le ton de l’hôtesse un peu guindée mas chaleureuse qui invite poliment son invité à se sentir chez lui, chez elle. Je te remercie encore pour ton temps. Ce fut un moment délicieux. J’aimerai si tu as le temps, bien que j’en doute, qu’on passe plus de temps ensemble. Que ce soit pour un thé ou une balade à cheval. Je ne connais pas encore la région et je pense qu’il peut y avoir des espèces végétales intéressantes. Et puis, ma jument a bien voulu m’accompagner, ce serait dommage de la priver d’une course.

Je m’arrête brusquement, prise d’un léger vertige. Je porte une main à ma gorge. J’ai l’estomac au bord des lèvres mais ça semble passer. Après un court instant, je me force à sourire chaleureusement à Eleonnora pour la rassurer. Ce n’est rien. J’ai dû attraper… Je me plie en deux en tournant le dos à Eleonnora pendant que mon estomac se vide sans crier gare. Heureusement que le sol est en pierre, les dégâts sont limités. J’ai même réussi à sauver ma robe.

Tout va bien. J’ai dû attraper un coup de froid qui ne veut pas partir. Rassure-toi, ce n’est pas contagieux. Il est juste tenace, une espèce de grippe de Nethéril, j’imagine. Rien de bien grave.

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Il arrivait à la jeune femme d'admirer la modestie de certains personnages. Ses pères et mentors, les grands hommes de l'histoire, dont les responsabilités n'avaient jamais dépassé le seuil de leurs lèvres. Ils faisaient leur devoir semblaient-ils dire sans une once d'arrogance. On disait que moins on en avait, plus on en étalait. Surement l'effet contraire se produisait-il. Toutefois, la modestie n'avait rien à voir avec la dépréciation et si elle n'était pas encore dans la brume de ce souvenir encore palpable, elle aurait levé un sourcil dédaigneux. Les paysans qui s'aplatissaient devant leurs maitres avaient-ils pour but de se faire plaindre, d'attirer quelques grâces ou attentions? Ou était ce simplement un manque d'ambition qui les rapetissaient naturellement? Dans tout les cas, c'était bien ce qui l’agaçait le plus chez les petites gens. Mais chez aurore...Chez aurore, elle aurait presque envie de la contredire rien que pour la rassurer, l'enlever de cette pensée idiote, ce conditionnement qu'on lui imposait. Que elle et les siens lui imposaient.
Il n'y avait eu que peu de personnes qui lui avaient donné envie de renier ses privilèges et franchir les barrières sociales. A vrai dire il n'y en avait eu qu'une. Et en dépit du bien être que ce sentiment pouvait lui procurer que d'être au côté d'une telle personne, la demoiselle sentait bien qu'il faudrait minimiser les risques. Hors de question qu'elle se trouve avec un autre poids sur le dos. Elle n'avait pas que ça à penser.

Perdue dans une lutte intérieure inutile elle répondait évasivement aux propositions de sa nouvelle amie. « Oui, ce serait possible...j'ai beaucoup de travail puisque que notre Bourgmestre semble ne pas tenir en place...» Et elle avait une campagne à préparer, alors passer ses après midi à batifoler dans les champs, en compagnie d'une villageoise qui plus est...ce n'est pas cela qui lui ferait gagner les voies des riches entrepreneurs Caladonniens. Pourtant elle étaient sur que les gens adoreraient cette jeune blonde si elle leur était présentée. Elle ferait une magnifique égérie en y pensant. Fille du peuple, délicate et naturelle à la fois, elle n'aurait même pas besoin d'ouvrir la bouche, tout ce qu'on attendait d'une femme. « Mais à l'évidence cela fait bien longtemps que je ne suis pas sortie de ses murailles...Un bol d'air frai me ferait surement le plus grand bien. Une partie de chasse peut-être? Cela fait une éternité que je n'ai pas touché à une arme...à vrai dire je préfère laisser cette tâche à d'autres je t'avoue... » Elle laissa ses mots en suspends, remarquant le teint soudain blême de sa compagne. « Qu'est ce qui ne va pas?! C'est la chasse, c'est ça?» Elle remarqua bien que derrière les grimaces qui devaient faire office de sourire, sa jeune amie se portait bien mal. Cela lui rappela un événement bien trop récent et elle commença à s'affoler. « Non, non, je le vois bien, ça ne va...» Ses derniers mots furent couvert par le son horripilent des entrailles se vidant sur son sol. La conseillère eu un geste de dégoût, s'écartant de la scène instinctivement. Une femme de chambre, fit irruption avant même que la demoiselle ai le temps réagir. Derrière elle, d'autre de ses camarades dont qui s'amusaient particulièrement des péripéties de leur maitresse de maison. Cette dernière, y fit à peine attention et réclama d'un geste hâtif un mouchoir, un torchon, peu importe, qu'elles soient rapides, c'est pour ça qu'elle les payait. Puis elle se précipita vers son amie, attrapant la main qu'elle s'apprêtait à porter à son visage pour essuyer le disgracieux reste de son estomac. Tout en essuyant les joues pâlichonnes de la blonde, elle lui adressa quelques remontrances.

« Par les doux esprits! Je n'appelle pas ça "rien de bien grave"!» Elle lança un geste écœuré vers le sol poisseux. « J'ai bien fait de mettre terme à notre entretien...pourquoi ne m'avoir rien dit? Je me serait montrée plus prudente! Ne puis-je donc pas compter sur toi?» Elle la grondait comme l'aurait fait une vieille tante, une mère. Elle soupira devant le teint blême de la jeune femme. Elle avait passé le stade de l'affolement, lorsqu'elle s'était évanouie une première fois, elle ne voulait plus revivre ça. Puis c'était sans compter qu'un sentiment désagréable de culpabilité montaient en elle...pourtant elle ne pouvait pas savoir qu'elle était déjà si faible. « Plus de papoteries maintenant, je te raccompagne personnellement. Je ne veux pas qu'il ne t'arrive malheur sur le chemin. » Elle tapa des mains pour attirer l'attention de ses servantes distraites par les événements. Elle s se précipitèrent pour apporter les affaires de mademoiselle, apprêter madame et prévenir le cocher.

Eleonnora la guida avec douceur, comme si elle était une petite chose fragile entre ses doigts. Elle l'aida à gravir les marches de la calèche et grimpa derrière elle en prenant soin de fermer la porte. Bien entendu le cocher arriva quelques minutes en retard ce qui lui valu des ordres secs et de nombreux sous entendus quand à son futur salaire. Toutefois ce bon à rien avait bien de la chance, son employeuse avait la tête à autre chose. Elle guettait chaque soubresaut, chaque maux que semblait exprimer la fiancée sous les vibrations du transport. Elle s'empara de ses mains essayant de lui donner un peu de courage. Néanmoins les sourcils froncés de cet air concerné ne devaient pas encourager grand monde malgré les efforts qu'elle faisait pour se détendre. Elle ne purent souffler que lorsque les chevaux s'arrêtèrent à un carrefour non loin de l'adresse donnée plus tôt. Elle jeta un regard inquiet à son amie. « As tu quelqu'un chez toi? Je peux te faire parvenir une de mes servante si tu le souhaites...» Elle jeta un coup d'oeil furtif à travers la fenêtre. « Ou veux tu que je te raccompagne? Je n'ai aucune connaissance en ce qui concerne les soins...mais je ne veux pas que tu reste seule dans cet état... » A vrai dire cela ne l'arrangeait pas des masses. Elle avait un rendez vous important en début de soirée et une tonne de paperasse s’amassait encore sur son pupitre. Mais elle était bien élevée, de toute évidence. Et peut-être, était il possible,je dis bien peut-être, qu'elle s’inquiétait pour sa jeune amie.

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