Entre marriage et anniversaire. [PV: Orfraie Ataliel et Harthea Thaidforodren]

Depuis quelques jours, Orfraie était sur un petit nuage. Rien ne semblait en mesure d’ôter ce sourire heureux de ses lèvres charnues. Ni le conseil elfique, ni ses prérogatives en tant que générale, rien. Il y avait eu des ragots, forcément, car elle s’était unie à une humaine, mais même cela ne parvenait pas à entamer sa bonne humeur.

Le soleil était à peine levé lorsqu’Orfraie ouvrit les yeux. Étendue au milieu de son grand lit, elle observa le plafond quelques instants avant de se tourner sur le ventre. Les draps étaient aussi doux que soyeux et glissèrent sur sa peau nue, révélant les courbes tentatrices de ses hanches. Le soleil continuait doucement sa course dans le ciel et la guerrière-aux-cheveux-de-feu contempla ce phénomène jusqu’à ce que son estomac lui rappelle qu’elle devait se nourrir.
Et quel plaisir de pouvoir avaler, jour après jour, un repas différent ! Quel plaisir de goûter à de nouvelles saveurs ! Petit à petit, Orfraie s’était faite à sa nouvelle condition de vivant, mais après tant d’années sous le même régime alimentaire, la princesse immaculée prenait un réel plaisir à chacun de ses repas, un plaisir de la vie comme elle aimait tant le souligner.

Ainsi, lorsque son estomac grogna une deuxième fois en se tordant, l’Ataliel quitta ses draps pour la fraîcheur matinale de sa chambre. Bien qu’elle eut retrouvé son statut de princesse, elle séjournait toujours dans l’aile des dragonniers au sein du palais royal. Loin de l’embêter ou la vexer, cela l’arrangeait, car elle y bénéficiait d’un calme absolu.
L’air frais de ses appartements la fit foisonner, aussi couvrit t-elle son corps nu d’un kimono léger puis, d’une main, tandis qu’elle observait son reflet dans un grand miroir sur pieds, elle coiffa rapidement sa longue chevelure lie-de-vin si caractéristique de sa personne.

Quelques minutes plus tard, alors qu’elle observait de nouveau ce ciel bleu depuis son balcon, l’on fit quelques brefs coups à sa porte. Aussitôt, ses sens se mirent en alerte et la princesse des ombres huma l’atmosphère. Elle reconnut aussitôt la délicieuse odeur de son déjeuner, mais aussi l’odeur corporelle du serviteur qui le lui apportait.

— Entrez !

Sans attendre d’avantage, le valet ouvrit la porte des appartements de la princesse et déposa sur l’unique table de la pièce de quoi combler l’appétit de la guerrière. Ceci fait, il se tourna vers l’occupante des lieux.

— Avez-vous besoin d’autre chose ?
— Non, c’est parfait. Merci, Erÿn.

Le jeune elfe s’inclina face à la dragonnière puis quitta les lieux d’un pas rapide. Orfraie, quant à elle, se mit à table avec plaisir et savoura longuement le jus de fruit frais qui lui avait été servi, avant de s’attaquer au gros du repas.

Lorsqu’elle eut terminé, repue et heureuse, elle se dirigea vers la salle d’eau de ses appartements afin d’y prendre un bain bien mérité. C’était pour elle le point de départ de sa journée. Elle se savonna donc rapidement, lava ses cheveux et sortit de l’eau devenu tiède. Elle s’enroula dans une grande serviette de bain tout en peignant ses longs cheveux humides.
L’absence de domestiques pour toutes ces tâches pouvait troubler certaines personnes, mais Orfraie appréciait le fait de pouvoir prendre soin d’elle toute seule.
D’un sort, elle sécha sa crinière de feu – elle les gardait sur le dos – puis s’habilla simplement, comme elle en avait l’habitude, avec une tunique de belle facture d’un vert de jade rappelant les écailles de son Lié-d’amour.

Ce fut à cet instant que l’on toqua à sa porte, quelques coups brefs qui n’étaient pas ceux d’un domestique devina Orfraie en se tournant vers l’entrée.

— Entrez ! Fit-elle avec en souriant, car elle savait qui se cachait derrière la porte. Déjà, elle ouvrit les bras afin de recevoir du mieux possible les câlins de ses filleuls.

Orfraie n’avait jamais beaucoup de visite et se réjouissait de la présence de ses filleuls ainsi que de son amie. Lorsque la porte s’ouvrit, la princesse était prête à recevoir les deux enfants qui sautèrent dans ses bras tandis que les deux battants cognaient contre le mur. C’est qu’ils avaient mis beaucoup d’entrain dans cette arrivée.
Seule Priscillia demeura aux côtés de sa mère adoptive, beaucoup plus réservée que l’était les deux enfants biologiques de la blonde. Cela n’avait rien d’étonnant et s’accentuerait avec le temps. La petite humaine qu’Orfraie avait rencontrée à Sandur avait bien grandi, mais aussi mûri.

— Bonjour à toi aussi, Priscillia, lui dit l’Ataliel en se relevant. Elle lui souriait et était repassé en langue commune. Et bonjour à toi, Harthea. Ne t’excuse pas, c’est toujours un plaisir de vous voir.

La commandante de la garde royale et la générale des Rôdeurs ne s’étaient pas vue depuis un long moment. Orfraie avait eu la bougeotte avec Firindal, mais Harthea n’avait pas donné signe de vie non plus. Connaissant cette dernière, la Liée de Feu avait quelques doutes sur ce qui l’avait maintenu occupé tout ce temps. Toutefois, elle préférait laisser la blonde lui en parler plutôt que de la lancer sur le sujet.

— Non, je n’ai rien de prévu. Elle eut un petit rire tout en passant à côté d’Harthea pour refermer les portes. Mon petit Firindal… l’as-tu bien regardé ? Plaisanta Orfraie en invitant la petite famille à s’asseoir dans le petit salon d’un geste. Le petit dragon qui grimpait sur mon épaule a bien grandi. Il n’est pas loin, en revanche, et vous salue.

La Liée de Feu envoya une caresse mentale au grand dragon de Jade. La présence de sa moitié lui manquait, mais ils étaient toujours connectés par l’esprit malgré tout. Pour autant, Orfraie aimait l’avoir près d’elle tout en sachant que cela n’était pas possible à chaque instant du jour et de la nuit.

— Que voulez-vous faire, alors ? s’enquit la guerrière. Voulez-vous boire ou manger quelque chose ? Rajouta-t-elle ensuite en désignant la table. Il y a bien assez pour tout le monde.

Les enfants se réunirent autour de la table bien garnie sous le regard des deux adultes. La petite Aerlinn se permit une pique en direction de sa mère. Selon ses dires, Harthea ne prenait pas bien soin d'elle. Cette révélation fit hausser un sourcil à Orfraie dont le regard se posa sur la blonde. Négligeait t-elle ses amis au point de ne pas voir ce qui sautait aux yeux ? Sans son armure de garde royal, Harthea semblait effectivement plus mince qu'avant. Ses traits étaient aussi tirés et son regard plus terne. Même sa crinière de cheveux avait besoin d'une coupe.

Toutefois, Orfraie ne se permit pas de remarques. Pas devant les enfants se dit t-elle tandis qu'elle posait une main délicate sur le bras d'Harthea, l'invitant par ce geste à s'asseoir à ses côtés autour de la table. La petite Priscilla leur servit spontanément à boire, tirant un sourire à la princesse. Harthea enchaîna sur la raison de sa venue, non sans lui souhaiter un bon anniversaire en avance. L'approche de ses six cent soixante-quatorze ans était le dernier souci d'Orfraie, mais il était toujours plaisant de voir une amie si précieuse penser à cet évènement qui se perdait au fil du temps.

— Si le conseil t’autorise à quitter ton poste pour mener cette expédition, ce sera avec plaisir que Firindal et moi-même t'accompagnerons. Cela fait un moment que je songe à m'y rendre avec mes Rôdeurs. La sécurité de ce territoire est notre devoir.

Le regard de la princesse se posa sur les enfants d'Harthea. Orfraie se souvenait parfaitement du retour de la première expédition au sein de la cité. La commandante de la garde, alors terriblement souffrante, avait fait grandement parler d'elle, notamment par le biais de ses enfants apeurés de perdre leur mère. Mais finalement, le mal d'Harthea s'était changé en une profonde transformation de tout son être, une transformation qui frappait d'autres Elfes au sein de la cité. Orfraie en avait été victime et, contre toute attente, son cœur gelé s'était remis à battre avec ferveur.

— Aucune magie connue n'est en mesure de ramener un mort à la vie mais cette eau y est parvenue. Mon coeur bat de nouveau grâce à elle. Il n'est pas étonnant qu'une telle source de pouvoir soit si bien gardée. Imagine ce qu'elle pourrait faire entre de mauvaises mains ! Je peux envoyer mes Rôdeurs aux abords du cratère pendant que tu convaincs le Conseil, cela nous laisserait le temps d'étudier les alentours et les gardiens. Quels arguments vas-tu leur proposer ? En as-tu déjà une idée ?

L'esprit d'Orfraie était en ébullition. Harthea venait de réveiller le désir d'aventure de son aînée et celui-ci s'entremêlait à son sens aiguë du devoir. Orfraie avait, à de nombreuses reprises, survolé le cratère en compagnie de Firindal. Sa curiosité naturelle l'avait, bien entendu, poussé à tenter une inspection en se servant de la Vue des esprits. Sans succès, hélas, car la végétation dense cachait bien ses secrets.
Avec ses Rôdeurs, elle ne s'était jamais aventurée jusque dans la jungle. Ils s'en étaient approchés, bien entendu, afin d'en surveiller les frontières. Mais personne n'en était jamais sortit et, ne voulant risquer la vie de ses hommes, Orfraie ne les y avait jamais envoyé. Cette expédition serait l'occasion de découvrir ce que la jungle cachait de s'y précieux, mais également assurer la sécurité du peuple elfique.

Le discours d'Harthea se basait avant tout sur la sécurité. C'était ainsi qu'elle comptait présenter sa proposition au conseil, en mettant en avant le danger que représentait l'ignorance des elfes vis-à-vis du cratère. Selon Orfraie, il s'agissait d'un bon angle d'attaque. La nature des Elfes poussait ces derniers à se protéger de l'extérieur, à contrôler leur environnement. Si la jeune elfe présentait correctement son projet, la générale était convaincue qu'elle parviendrait à convaincre les hautes instances.

— L'a t-il apprit de moi ? Cela je l'ignore. Mais tu as raison, mon neveu est un bon empereur. La protection de son peuple lui importe. C'est aussi le cas du Conseil, pour la majorité en tout cas. Si tu axes ton discours sur la protection et l'inconnu que représente le cratère, je pense que tu n'auras guère de difficultés à les convaincre, lui assura Orfraie. N'oublie pas que je siège à ce conseil en ma qualité de générale des rôdeurs. Je t'apporterais mon soutien pendant ta plaidoirie, sois en assurée.

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C'est un peu court, j'espère que ça ira. J'ignore où tu veux t'en aller. ^^

Orfraie sourit. C'était un sourire tendre qu'elle offrit à sa cadette. Elle m'était tant de coeur dans sa défense. L'Ataliel ne pouvait qu'en être touchée. Harthea était l'un de ses plus grands soutiens, à n'en pas douter. Toutefois, la conseillère et générale leva une main en signe de tempérance. Harthea était farouche, ses idées étaient bien ancrées en elle. C'était une femme forte, droite dans ses bottes. Une personne pourvue d'un grand honneur, mais aussi un tempérament de feu. Un peu comme Orfraie, en fait. Mais la princesse avait apprit à tempérer ses ardeurs, avec le temps.

« Je n'ai fait que mon devoir. » Répondit finalement Orfraie. « Ce qui, pour moi, était juste. » Poursuivit-elle. Son honneur, son sens de la justice ainsi que sa perception du bien et du mal avaient gouvernés sa vie, l'avaient conduites à cet instant. Les épreuves, les jalons, n'avaient fait que renforcer son esprit et sa volonté. « Et même en sachant ce par quoi je suis passée, je ne regrette rien. Je recommencerais, s'il le fallait. » Elle était sincère. Peut-être ferait-elle les choses un peu différemment. Avec le recul, elle savait avoir pris de mauvaises décisions au cours de sa longue vie. Mais, globalement, si on lui en donnait le choix, son cheminement serait le même. « Pour en revenir au conseil, tu as raison. Mais plutôt que de chercher à dominer ce territoire par la force pour le soumettre, j'aimerais que nous soyons en mesure de vivre en harmonie. Cela ressemble davantage à notre façon d'être. Nous ne sommes pas nombreux, la méthode la plus douce est préférable… pour le moment. Il nous faut chercher à comprendre cette nature. Du reste, les terres cultivables aux abords du fleuve suffisent amplement. Nous aurons le temps d'y songer, notre population ne va pas soudainement s'accroître malgré le pic de naissance. Et sois assurée que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour vous protéger. »

Orfraie sourit une nouvelle fois et se servit un verre de jus d'orange. Le liquide frais, fraîchement pressée, raviva ses papilles. Elle posa ensuite son regard sur les enfants. Ils écoutaient les deux adultes sans rien dire, essayant de comprendre, n'osant les interrompre. Puis, soudainement, la guerrière se tourna vers leur mère.

« Continuons cette conversation plus tard, si tu veux bien. Je pense que tes enfants préféreront un autre sujet. Qu'avez-vous envie de faire après ? » s'enquit t-elle en se tournant de nouveau vers eux.

HRP : Ce sera une conclu pour moi