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descriptionApprends-moi, maître ! EmptyApprends-moi, maître !

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-- Novembre

La saison des moussons était arrivée, pour le plus grand plaisir des Chantepluies, et autres amateurs des milliers de petits claquements de gouttes contre les roches, feuillages, et flaques éparses au sein de la savane. Certaines parcelles d'environnement étaient inondées, et les chemins empruntés à la belle saison n'étaient désormais plus envisageables. Au sein du Domaine, le Lac souterrain avait gagné du terrain.

Valmys appréciait la pluie. Elle rendait plus supportable le climat de la savane, lui rappelait l'ancien continent, les journées qu'il avait pu passer à avancer sous la pluie jusqu'à la prochaine auberge, ses premiers rhumes avant que son corps s'endurcisse. Une sortie sous les célestes torrents, volontaire, était encore meilleure. Il pouvait en profiter tout son soûl et, sa soif étanchée, profiter du doux plaisir de l'abri sec et chaud, tandis que, dehors, résonnerait la musique des larmes du ciel tombant en cascades.

Sortant du mont creusé qui abritait le Domaine des chanteurs, abrité par une cape de tissu elfique, Valmys se sentait... Bien. La sensation était bizarre, il en avait perdu l'habitude, et ne savait pas trop comment l'accueillir ni ce qu'il devait en faire. Le monde était incroyablement doux et généreux envers lui, ces derniers temps. Il n'osait abuser de cela, craignant que cela se retourne contre lui. Ses derniers voyages en mer avaient été sans encombres. Il avait désormais une famille. Sa peine l'avait rapproché de gens dont il avait découvert les lumineux aspects. Depuis le début de la mousson, son organisme ne lui avait pas fait défaut. Pas un seul coup de froid. Etait-ce dû aux veinules cuivrées qui couvraient sa peau comme les branchages noueux d'un arbre en hiver ? Suite à leur apparition, il avait pu constater bien des changements en lui. Il était plus beau, mais également plus fort, agile... Des caractéristiques qu'il avait enterrées jadis, en comprenant l'humanité qui l'habitait. Si cet hiver entier se passait sans que jamais il n'ait la moindre fièvre, il allait définitivement pouvoir mettre cela sur le compte de sa nouvelle particularité.

Ses pas étaient prudents, veillaient à ne pas s'enfoncer dans une flaque que les hautes herbes auraient cachées. L'humidité du sol faisait néanmoins claquer et jaillir de l'eau sous ses bottes. Même avec tout le soin apporté à leur confection, ces dernières eurent tôt fait de se retrouver trempées, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, agaçant sensiblement le petit Enwr. Son esprit était néanmoins trop occupé pour que ce soit là son principal souci.
Il allait retrouver un Graärh. Ce dernier avait voulu apprendre la langue commune auprès des bipèdes les plus proches, et l'avait trouvé, lui. Enchanté à cette idée, Valmys lui avait offert le service, en échange de l'apprentissage de la langue propre au peuple félin. S'il ne pouvait la parler, il espérait au moins en comprendre quelques bribes. Les peuples avaient besoin de se comprendre. Si les Maîtres n'avaient guère besoin du langage pour cela, lui en trouvait l'utilité.

Ils avaient pu partager leurs premières leçons, et Jangali était un bon élève. Valmys était ravi de voir que la langue commune pouvait s'apprendre et se parler aussi bien par un peuple qui n'avait pas nécessairement la mâchoire habituée à cela. Ils pouvaient échanger leurs premières phrases, comprendre quelques mots courants. L'apprenti baptistrel appréciait le difficile exercice du mentorat, le défi d'amener quelqu'un à la compréhension, et à la mémoire. Par chance, le Graärh en question maitrisait l'écrit, ce qui devait lui épargner bien des peines.
Le bipède de peu de poils songeait sur son chemin au cours qu'il allait donner, aux méthodes qu'il allait employer... Mais également au lieu auquel ils s'étaient donnés rendez-vous. Ils essayaient de s'arranger au mieux pour que ce soit aisé pour eux à retrouver, équidistant de leurs positions, tout en offrant un abri propice. Quelques fois, Valmys avait peiné à retrouver son élève. Il avait alors été ravi d'avoir sur lui quelque instrument pour lui signaler sa présence. Cela lui avait permis d'apprendre le lien particulier qu'entretenait ce Graärh avec la musique. Il lui qui n'était pas pour lui déplaire. Craignant pour la sécurité de son instrument fétiche, Valmys avait ce jour-là emprunté avec lui un petit flûtiau de cuivre.

Un indice particulier, et tout nouveau, lui permit cette fois de retrouver Jangali. Cette odeur... De la nourriture. De la viande, même. Il avait pu la sentir moult fois, notamment auprès des humains. Mais c'était... Beaucoup trop raffiné pour être la viande crue. Son élève lui avait évoqué son amour pour la cuisine, et Valmys avait cru ne pas l'avoir compris. De toute évidence, leur commune compréhension était meilleure que ce qu'il imaginait.
Suivait l'odeur, il parvint à retrouver le Graärh d'obsidienne, à l'abri convenu. Avec un soupir de soulagement, il s'installa sur le premier endroit sec qu'il trouva, retirant sa cape. Il portait des habits bruns, sommaires, partiellement trempés. La besace qu'il portait en bandoulière, il la déposa également près de lui.

"- Bonjour, Jangali. Comment allez-vous ?"

Chaque fois qu'il l'avait salué, au cours de leurs dernières leçon, il avait doucement accéléré la cadence, jusqu'à pouvoir le saluer aussi prestement que le faisaient les bipèdes entre eux. Avec un sourire qui se voulait jovial, aimable et encourageant, il demanda plus lentement:

"- Que cuisinez-vous ?"

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Bien qu'il fût né durant une humide journée de mousson, Jangali n'appréciait guère la pluie. Pour le chasseur qu'il était, c'était une alliée précieuse, permettant de traquer ses proies en suivant leurs pas imprimés dans la boue et étouffant le bruit des siens. Mais au quotidien, cette sensation d’être constamment mouillé... C'est pourquoi il grimaça quand il reçut les premières gouttes sur la truffe en quittant son campement de fortune. Adjacent à un énorme baobab scarifié par la foudre, celui-ci consistait en tout et pour tout une tente et un feu de camp. Vivre en nomade de temps en temps était un vrai plaisir pour le Gaärh. Profitant l'exploration d'une nouvelle zone de chasse, il s'était rapprocher du Domaine des sans-poils musiciens et depuis plusieurs jours maintenant, pendant quelques heures, il apprenait leur langue commune. Par chance, il était tombé rapidement sur un jeune barde qui avait bien voulu lui enseigner. Après des débuts quelques peu chaotiques, Valmys et lui parvenaient à présent à communiquer efficacement. Comme avec son père avant lui, Jangali avait mis de côté son orgueil et avait endossé le rôle d’élève. Il s’était plié à chaque exercice de dictions et de vocabulaires, le tout agrémenté de musique. Pour le remercier de son temps accordé, le Graarh lui apprenait sa langue écrite, souvent à travers son livre de cuisine. Sur ce point, le jeune homme était un vrai défi pour Janga. En effet le jeune Enwr répugnait à consommer de la viande, chose complètement insensée pour le carnivore qu’il était. Néanmoins, il avait accepté ce défi personnel avec entrain. Néthéril ne disposant pas de nombreux sorte de végétaux du à son climat aride, il devait redoubler d’inventivité et d’audace pour cuisiner des plats qui correspondaient mieux à son compagnon herbivore.

C’est pourquoi il était particulièrement satisfait de sa prise du jour. Il était tombé sur un stymphalis particulièrement grassouillet qui s’acharnait à déterrer un tubercule sauvage. La pauvre bête n’eut aucune chance et finissait à présent de cuire à feu doux sous d’un forme d’un apetissant ragout. A l’endroit même de sa chasse, il trouva également une petite plantation de manioc sauvage et de patates douces. Pressés en purée et agrémenté de champignons sauvages ne poussant que pendant cette période de l’année, il assaisonna de romarin et liant le tout avec de l’eau, forma des boulettes.
Tout juste ayant fini la cuisson de son plat, Valmys arriva à point nommé. En même temps qu’il s’installait, il le salua prestement, retenant son envie naturelle de le saluer à la manière des Gaarhs .

-Bonjour Maitre-Barde. Ça pourrait aller mieux sans cette satanée pluie mais te voir me rend le sourire.

Comme toujours sa voix évoquait le ronronnement d’un énorme félin, d’autant plus accentué par le roulement de ses R. Cependant, alors que son compagnon était tout sourire malgré ses vêtements mouillés, Jangali n’était lui qu’une énorme masse de poils ébouriffés par l’humidité. Seule sa queue reposant mollement sur le sol attestait du calme de la bête.
Se saisissant d’une cuillère, il remua le contenu de sa peau de smilodon tanné, faisant office de marmite primitive, tout en essayant de lui expliquer :

-Aujourd’hui j’ai fait un ragout de stymphale, avec des herbes et quelques légumes. J’ai pensé à toi aussi, alors j’ai fait ceci.

Il lui tendit les boulettes et désigna les tubercules non utilisés en même temps.

-Boulettes de Kasava (maniok) et de Petet Dos (patate douce) au Romeen (romarin). J’ai coupé les morceaux de viande en gros, tu pourras tremper uniquement la sauce si tu veux.

Parler cuisine lui redonnait toujours le sourire, un sourire garni de crocs mais qui se voulait passionné. Ce faisant, il lui servit dans un bol en terre cuite une bonne louchée de stymphale.

-Et toi Maitre-Valmys, comment vas-tu depuis notre dernière rencontre ? As-tu réussi à lire la recette du smilodon faisandé ?

Précédemment, il lui en avait confié la recette, une des plus communes aux Graarhs de Néthéril. Sa simplicité permettait une lecture pas trop compliqué pour un néophyte.

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C'était marrant, quand même...
Enfin, non, ce n'était pas marrant. Plutôt curieux. De toute évidence, les Graärh partageaient avec les félins que Valmys pouvait connaître un désamour sincère pour l'eau. C'était très compréhensible, quand on voyait l'état de son pelage. Ebourriffé, collant et dégoulinant d'humidité, il devait également l'avoir fait doubler de volume. Valmys était certain que par temps plus sec, le poil de Janga était tout doux. En ces cas, pourquoi son peuple avait-il élu Néthéril comme territoire ? N'avait-il pas eu le choix, ne sachant naviguer ? Ou restaient-ils, consciemment ou non, pour les mêmes raisons que les baptistrels ? Valmys poserait sans doute la question, un jour où il saurait la poser sans que cela puisse donner l'impression de dire "laissez-nous seuls sur votre île". Le peuple félin avait assez d'ennui avec les siens sans avoir besoin que les plus pacifiques des relations soient teintées de ces couleurs.

L'Enwr cessa de renifler la douce odeur des légumes bien cuits et bien accompagnés lorsque les petites boulettes lui furent tendues. Il s'en saisit, très délicatement, ne voulant pas les abîmer. Son regard traîna un peu sur les papattes face à lui. Qu'y pouvait-il ? Il n'était qu'un bipède, sensible à la vue de coussinets !
C'était bien délicat de la part de Janga d'avoir pensé à couper la viande en gros morceaux. N'ayant pas eu la chance jadis de pouvoir faire son difficile, Valmys ne se préoccupait pas du tout d'une sauce de légumes où avait pu passer la viande. En revanche, lorsque cette dernière était coupée en trop petits morceaux, cela devenait vraiment pénible pour lui. Il se souvenait de quelques repas où ses congénères omnivores avaient fini de manger, tandis que lui retirait encore les bouts de viande de son plat. Ce n'était pas qu'une question de goût, ou de principe. A n'en avoir jamais mangé, il craignait bien de tomber malade. Il peinait déjà lorsqu'il devait digérer quelque produit à base de lait !
Ainsi avec un sourire sincère, le petit immaculé remercia celui qui le nourrissait:

"- Merci ! Je dois avouer avoir un faible pour les petet dos... Je crois que nous n'en avions pas, sur notre ancien continent."

Il lui énuméra brièvement les aliments qu'ils avaient découvert ici, ceux que sa petite bouche de bipède pouvait prononcer en Graärh. Le reste passa en langue commune, avec une brève description, pour être sûr qu'ils parlent bien du même. Son amour pour le cacao revint prendre le dessus, il l'évoqua avec des étoiles dans les yeux. Concrètement, Valmys avait été culinairement comblé par ces nouvelles terres. De nouveaux fruits, de nouveaux tubercules... Il aimait beaucoup les tubercules. Et les patates douces avaient un petit goût sucré qui faisait danser ses papilles de joie. Par chance, le Domaine en cultivait. La dernière purée de patates douces qu'il avait mangée... Il en avait salivé encore plusieurs heures (jours ?) après. Jangali était un terrible prédateur: il était si facile d'attirer ses proies avec de la bonne nourriture !

Trempant une première boulette dans la sauce, Valmys laissa enfin Jangali s'exprimer à nouveau. La recette ? Oui, il l'avait bien potassée. Elle lui avait apprise de nouvelles tournures de phrases, notamment. D'une main, et d'un peu de magie, Valmys ouvrit son sac, puis un petit coffret, avec son matériel d'écriture... Et une version traduite de la recette. Mieux: chaque étape était illustrée. Là-dessus, il falalit reconnaître que vingt ans d'enseignement de dessin, d'observation et d'imagination, avaient fait leur oeuvre: chaque étape se reconnaissait plutôt bien. Il tendit le papier à Jangali, avec le coffret, pour pouvoir le tenir sans mouiller la feuille.

"- Je pense avoir réussi, mais je vous laisse en juger par vous-même. Cela doit avoir un goût assez prononcé, non ? Un peu comme le fromage, j'imagine." Il en avait déjà goûté. Et il se souvenait de fromage dont le goût n'était parti de sa bouche qu'après des journées à mâcher de la menthe. Aujourd'hui encore il se demandait qui était le premier bipède à s'être dit que traiter le lait ainsi donnerait quelque chose d'intéressant. Ce devait être un bipède un peu spécial. "Je trouve qu'il y a beaucoup de variété et d'imagination dans vos recettes. Accepteriez-vous que je les traduise pour mon peuple, ou préférez-vous qu'elles demeurent au sein du vôtre ?" La demande était un peu délicate Valmys avait adouci son ton autant que possible, pour bien montrer qu'il proposait innocemment, dans le cas où cela pouvait plaire à son élève et maître. Avec sa petite bouille d'être tout jeune, sans poil et sans griffes, pouvait-il vraiment paraître capable de forcer la main à qui que ce soit ?

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Le Gourmet examina avec attention la version traduite de sa recette. Indéniablement le jeune Valmys était aussi un maître en peinture. Il avait bien assimilé chaque étapes et chaque illustrations permettaient aux plus néophytes de réussir sans grande peine. Il allait sans dire qu'il était grandement impressionné par son talent. Il faut dire que ses mains étaient plus douées pour tuer et détruire que pour construire... Une question de sensibilité sans doute. Il était assez drôle de voir ces deux personnalités opposés réunies autour d'un bon repas. Comme quoi, il y a des choses universelles qui rapprochent les peuples de tout lieux.

Le jeune humain lui proposa de traduire ses écrits. Si dans un premier temps Jangali fut piqué au vif par la mention de fromage -mais qu'était-ce donc ?-, il éclata de rire à cette perspective. Entre deux rapides bouchées de stymphale, il lui expliqua pourquoi sa question l'amusait tant.

-Que mes recettes restent chez les Graarhs ? Crois-moi qu'à part quelques autres liés-vache et autre excentriques, mes frères n'y verront aucun intérêts. Nous vivons simplement, profitons de ce que la nature nous apporte et rien de plus. Nous "mangeons" plus que nous "cuisinons" tu vois ?

Il saisit son livre de recettes (qui en soi ressemblait plus à un carnet de notes qu'autre choses), et le tendit à Valmys tout en continuant:

-Nous n'avons pas habitudes d'écrire sur notre culture. Je ne suis pas le plus sage des Graarhs, et je ne prétend pas être un bon exemple, mais si mon oeuvre permet à ton peuple d'apprécier le mien, je serai plus que content que tu le traduises. Surtout si tu ajoutes d'aussi jolis dessins.

Evidemment, la plupart des Graarhs réprouveraient ce genre d'initiatives. Les étrangers d'au-delà des mers n'étaient qu'au final des profiteurs qui amenaient des troubles dans la vie simple des félidés. Mais Jangali était persuadé, lui, que le changement n'était pas forcément une mauvaise chose et que certains individus méritait qu'on s'y intéresse. Et puis, si on lui reprochait cela, il pouvait toujours se défendre avec des arguments plus percutants, dans la plus pure tradition Graarh.

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Des us et coutumes Graärh Valmys ne savait, pour ainsi dire, rien. Il avait toujours vécu auprès de ses congénères sans-poils, et le peu qu'il avait partagé avec les grands félins avait été bien trop entravé par la barrière de la langue pour qu'ils puissent véritablement en tirer des informations sur leurs différences respectives. L'occasion était désormais plus propice. Tous deux semblaient partager le même intérêt pour l'autre peuple... Et les mêmes goûts en matière d'herbes aromatiques. Eh, c'était important ! Ces compromis qu'ils faisaient tous deux par la nourriture étaient le premier geste pacifique l'un envers l'autre, la première volonté de composer avec. Le palais de Valmys confortait ses idées: l'entente entre les espèces avait très bon goût. Une texture parfaite, un arôme finement complimenté et accompagné... Jangali devinait-il qu'avec de tels talents, certains humains auraient fait fortune ? D'un point de vue purement capitaliste, une telle nourriture devait valloir plusieurs mois de "salaire" pour le petit Enwr.

Alors le rire de son bienfaiteur le déstabilisa. Avait-il dit quelque chose d'amusant en Graärh qu'il n'avait saisi ? L'explication vint assez vite, tandis que le petit immaculé cachait sa gène en enfonçant ses terribles crocs/son nez dans une boulette -qui réconforta au moins ses sens. Oh... Ce n'était pas rien ce que Jangali lui disait là. Cela impliquait plein de choses qui pouvaient lui paraitre évidentes, mais qui ne l'étaient pas fatalement. Et plein de petits détails qu'il révélait plus ou moins malgré lui. Valmys avait reçu un minimum d'enseignement pour comprendre les fils de vérité qui se tissaient dans les mots, et venaient parfois en surface.
Finissant sa bouchée, il s'essuya rapidement les papattes sur son pantalon avant d'attraper très respectueusement le livre de recettes de Jangali. Il le feuilleta rapidement, tandis que son enseignant et élève parlait, avant de le ranger à l'abri dans son écritoire. C'était un bien précieux, il seriat considéré comme tel. A nouveau un peu plus confiant, il se saisit d'une autre boulette, laissée sur ses genoux.

"- Chez les humains et les elfes, la cuisine est bien plus considérée. Certains sont très respectés parce qu'ils cuisinent très bien." Il afficha un petit sourire, amusé. "Qui sait, peut-être que vous trouverez plus de reconnaissance au sein des humains que des Graärh !" Les humains aimaient beaucoup manger, et se trouveraient peut-être plus humble à approuver la cuisine d'un autre peuple que les elfes. "J'essayerai de vous montrer les copies, avant de les transmettre aux miens, afin que vous puissiez vérifier que je ne commets pas d'erreur, et que le résultat vous convient." C'était son oeuvre, après tout. Et une oeuvre qui ferait le lien entre son nom et de nouveaux peuples. Savoir ce qui s'y trouvait était le premier de ses droits.
"- Quel est votre rôle auprès des vôtres ? J'ai l'impression que vous êtes pour eux un excentrique, mais qu'en même temps vous avez la chance de savoir lire. Votre histoire doit être particulière au sein de votre Légion, non ?" Valmys posait toujours ses questions avec beaucoup de délicatesse dans la voix. Il essayait toujours de ne pas froisser le poil (humide) de Jangali, de ne pas trop s'introduire dans sa vie. Mais de plus en plus, il voulait savoir ce qu'il se passait, loin de ses yeux, entre les grands félins. Il voulait savoir ce qu'avaient vu les yeux d'un bleu glacé qui brillaient au milieu de la fourrure d'ombres du talentueux cuisinier. Parfois, n'avoir ni la magie de ses Maîtres ni le don d'empathie manquait cruellement au petit être. C'était un de ses moments-là.

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Ainsi les compétences culinaires étaient une marque de respect chez les humains ? Il garda précieusement l'information dans un coin de sa tête, cela pourrait lui servir plus tard. S'il voulait montrer que les Graarhs n'étaient pas des animaux qu'on met en cage, ses talents aux fourneaux ne seraient pas de trop. Même s'il préférait le montrer par la voie la moins pacifique bien sûr.

« Si tous les humains étaient gourmands comme Valmys, alors peut-être suis-je leur plus grand prédateur. » Cette pensée évidemment n’effaçait pas la haine qu’il ressentait pour les esclavagistes mais démontrait toutefois son intérêt pour les nouveaux venus. D’ailleurs cet intérêt, Valmys le partageait avec Janga et celui-ci était très fier de son peuple. Aussi, il lui pardonna facilement ses a priori.
-Comme tu auras pu le remarquer d’après nos recettes, nous nous nourrissons presque que de viande. Et comme beaucoup d’autres, je suis un chasseur. Peut-être même le meilleur d’après moi, ajouta-t-il avec une pointe de fausse modestie.
Devait-il préciser que c’était l’appel du sang qui lui permettait d’exceller dans ce domaine ? Que traquer une proie lui procurait une joie immense ? Au vu de la douceur qui émanait du barde, non, sans doute était-ce une mauvaise idée. Il garda donc cet aspect de sa personnalité, il ne faudrait pas qu’il fasse fuir son professeur après tout.

-Mais attention, s’il est vrai que je suis un, euh, excentrique, le fait que je sais lire n’est pas exceptionnel. Tous les batchas(enfants) Graarh apprennent à lire et écrire. Mon maata-pita (plus dans le sens géniteur que père), celui qui m’a donné la vie, était assez bon dans ce domaine d’ailleurs. Il laissa un temps au Baptistrel pour assimiler ses paroles, conscient que même s’il avait bien progressé, il lui restait quelques lacunes. J’ai cru comprendre la dernière fois que vous n’avez pas les même relations que nous avec nos pa… parents ?

Dernière édition par Jangali Pasu le Ven 6 Juil 2018 - 18:37, édité 1 fois

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Se faire prédater par un Graärh ? Oh, ça ne sonnait pas si mal. Si la vie de proie consistait à servir d'instructeur et à bien manger, Valmys voulait bien se faire prédater régulièrement. C'était mieux, en tout cas, que d'être prédaté par un elfe à la peau sombre et aux crocs d'Orque. Un petit sourire passa sur le visage aux joues arrondies de nourriture de l'immaculé. Il se retint de justesse de pouffer de rire quand il fut question, presque modestement, que Jangali soit le meilleur prédateur, d'après une autorité de jugement neutre, objective, et légitime. Hâtivement, il termina sa bouchée, pour pouvoir baragouiner quelque chose comme "vous avez vu plus de Graärh chasser que moi, j'imagine !". Quand les barrières du langage commençaient à tomber, les boutades devenaient également plus simples.

Les boulettes avaient désormais totalement disparu. Quelle tristesse. Valmys essuya rapidement ses mains sans poils, aux longs doigts fins, avant de chercher à un peu mieux s'installer. Il faisait chaud, mais s'il ne se rapprochait pas un peu du feu, ses habits ne sècheraient jamais, avec la moiteur ambiante. Bon... Sécher était peut-être une utopie. Mais si pour l'heure, Valmys avait été protégé des maladies par ses veinules, il n'avait pas spécialement envie de jouer sa chance.

"- Je ne sais pas... Je connais assez mal les relations des Graärh avec leurs parents. Et je ne connais pas les miens." Il en parlait presque avec amusement, comme si c'était au final assez ironique qu'il puisse lui parler de quelque chose qu'il aurait dû connaître, mais dont il avait été privé. "Il me semble que chez les humains et les elfes, la relation avec les parents est telle que les petits restent souvent avec leurs parents jusqu'à ce qu'ils n'aient plus besoin d'eux, ou se marient. Habituellement, les parents se chargent de la majeure partie de l'éducation de leurs enfants. Il me semble également que les enfants doivent le respect à leurs parents. Parfois les liens de la famille comprennent également de l'affection. Chez les vampires, il arrive que l'on considère comme parent soit celui qui mord un nouveau vampire. Parfois il se charge également de l'aider dans sa difficile jeunesse."

Valmys prenait son temps, en expliquant, utilisant des "mots" Graärh dès qu'il en avait l'occasion. Il était encore assez vague, mais ignorait s'il y avait besoin de rentrer dans le vif du sujet, pour le moment. Il n'hésitait pas à répéter, plus lentement, si Jangali donnait l'impression d'être perdu. De même, il pouvait s'arrêter, et donner une brève paraphrase ou description d'un mot. Au pire, il avait toujours de quoi dessiner... Mais préférait garder cela en cas d'ultime recours. Il faisait trop humide pour sortir du papier et y appuyer son poignet trempé sans raison. Il essora un peu ses crins d'immaculé. La pluie était un bruit de fond fort plaisant à leur conversation.

"- Fut un temps où, en raison du faible nombre de petits elfes, la famille était presque sacrée chez eux, et les naissances étaient souvent l'objet de fêtes. J'ignore si cela va changer ou non. Notre arrivée ici a... Légèrement changé cela, on dirait. Les elfes semblent plus.. Productif." Le sens de ce mot était presque évident dans ce contexte. Il lui offrit une brève description, avant de continuer: "Mais on dirait que ce n'est pas le seul changement que nous avons connu ici !" Il pouffa de rire, en indiquant les veinules cuivrées sur sa peau. "J'ignore d'où cela vient. J'ai parfois l'impression que votre terre ne répond pas aux mêmes règles que la nôtre." Légère digression. Pour amener le sujet, vaguement. Peut-être que Jangali pourrait un jour lui dévoiler ce que son peuple peinait à découvrir sur cet archipel, qui participait à n'y être pour l'heure que des statues posés au milieu d'une plaine, et non les brins d'herbe qui la composaient. Un jour ils auraient tous deux le niveau de langage pour évoquer la Trame, les esprits-liés, les flux de magie. Il revint au sujet d'origine: "De ce que je crois connaître des elfes et humains, l'éducation a toujours comme base commune les règles de vie en groupe. Parfois les parents aident leurs petits à apprendre leur métier. C'est plutôt vrai chez..." Tiens, comment expliquer cela ? "...Chez ceux qui sont en bas, par rapport à la société, surtout chez les humains." Les Graärh avaient-ils également la "chance" de connaître ces inégalités ? Ou étaient-ils mieux qu'eux ? Le regard de Valmys se perdit un peu vers le haut de leur abri, à la recherche de souvenir qui n'existaient pas chez lui. "La transmission du savoir se fait parfois par les parents, parfois par des instructeurs." Enfant, il avait surtout eu l'instructeur. Le reste des images qui hantaient sa mémoire et son imagination en évoquant cela était des bribes d'instants où il avait surpris des adultes envers leurs petits, ou des fragments de romans qu'il avait imaginé. Maintenant, il avait Aldaron. Une histoire un peu particulière, des apprentissages qui l'étaient tout autant. Un nouveau sourire en coin, léger et rêveur, passa sur ses traits.

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Jangali n'était pas le plus fin des psychologues, et encore moins avec une autre espèce que lui, mais à mesure que Valmys s'ouvrait à lui, il pouvait percevoir l’embarras de celui-ci. Il semblait  effectivement que leurs conception de la famille était effectivement bien différente de celle des Graarh, au point que grandir sans, influait beaucoup sur la vie future. Cependant, il se contenta d'écouter, sa queue battant l'air mollement. Il ne put s’empêcher de sourire quand son maître-élève s'essayait à gazouiller quelques mots graarh, avec plus ou moins de succès. Tacitement, tout deux ne se tenaient pas rigueur de leur petites trébuches linguistiques.

Il tiqua juste quand il évoqua ses veinules. -Ah ? Les rayures c'est pas naturel chez vous ? Bien que ses propres rayures avaient une certaine signification chez les Graarh, son pelage naturel était uniformément noir. Mais bon nombre des siens en possédaient des vraies. Et apparemment c'était d'origine magique. Jangali n'avait aucune informations sur ce phénomène, aussi il se contenta d'hausser les épaules. De toute façon les rainures sied mieux à tout le monde !

Ayant terminé leur repas entre temps, le Graarh se saisit de sa flûte, attirant immédiatement l'attention du jeune barde. La pluie battante lui donna une idée.

-Au vu de la météo, que dirais-tu que je te joue un chant traditionnel de la fête de la Pluie ?

Question plus rhétorique qu'interrogative, il commença à souffler dans son instrument d'os, émettant un son clair et assez organique. Si d'ordinaire les sons Graarh évoquaient des félins courant au vent, les chants des pluies étaient plus calmes, évoquant d'avantage le flux et le reflux des vagues sur une plage. Le contraste entre Jangali et la musique était saisissante, presque surréaliste. Cette soudaine sérénité émise par l'imposant prédateur était somme toute déroutante les premières fois.

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Valmys avait secoué négativement la tête quand il fut question de ses veinules. "Non... Pourtant je suis sûr que cela apporterait un peu de variété à l'apparence de nos espèces." C'était injuste, pour qui y songeait un peu: les chevaux avaient droit à la pléthore de robes, avec leurs petits ajouts distinctifs: balzanes, listes, raies et zébrures... Les Graärhs avaient plus ou moins la même chance, avec leurs pelages colorés. Et eux, les bipèdes, ils avaient de banales peaux globalement uniformes ! Ceux qui portaient la tache de vin ou les marques blanches voyaient rarement le trait se propoager dans leur descendance. Une tristesse en matière de diversité. Pourtant, cela aurait peut-être fait du bien aux bipèdes de s'attendre à autre chose que des pâles peaux. Les regards posés sur le seul teint métis de Valmys étaient souvent plus appuyés que les autres, quand bien même les humains savaient au sein de leur espèces des nuances bien plus sombres. Valmys expliqua donc à son camarade velu les moult nuances, toujours uniformes, des peaux elfiques, et celles outrageusement classiques des humains: du beige très clair au marron très sombre... Quelle tristesse. Il conta aussi, vaguement, la possibilité pour les siens de porter les tatouages, pour diverses raisons. Mais la plupart du temps, les siens essayaient physiquement de se distinguer par des éléments qu'ils pouvaient à loisir retirer, habits et bijoux.

Jangali n'avait pas l'air d'avoir plus d'informations sur les secrets de ses terres. Normal, pour quelqu'un qui ne pouvait faire la comparaison avec l'ancien continent. Tant pis, si les nouveaux venus voulaient découvrir quoi que ce soit, ils allaient devoir chercher par eux-mêmes. L'image d'un temple déversant de l'eau revint à la mémoire de l'Enwr. Il savait qu'il devrait y retourner, un jour. Ils ne pouvaient laisser tant de question en suspens, seules et abandonnées, quand ils savaient leur existence. Son esprit frsutré le ramena vers Jangali, pour obtenir plutôt des réponses à des interrogations qui n'étaient pas encore posées.

Les oreilles du petit immaculé parurent se dresser un peu sur sa tête. Sans doute une mimique inconsciente liée à son actuelle compagnie. Chant ? Musique ? Ca lui parlait ! Valmys agita ses mains encore mouillées, et sans doute sales, pour ré-ouvrir son sac et reprendre son matériel d'écriture, usant de télékynésie pour ne rien abîmer. Non pas que le matériel coûtat un bras, c'était pire que cela: le matériel était, sur Néthéril, difficilement trouvable. C'était un bien précieux. Toujours par télékinésie, Valmys traça les six lignes d'un début de partition, prêt à prendre des notes.

"- Avec plaisir. Me parlerez-vous également de cette fête de la Pluie ?"

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Rainy song :


Au fur et à mesure que Jangali soufflait une mélopée ancestrale, il observait son vis-à-vis se concentrer pour dessiner d'étranges symboles. La disposition et la la régularité lui faisait beaucoup penser à du langage écrit, dont le sens échappait totalement au Graärh. Néanmoins son attention était plus focalisée sur son instrument, tachant de ne pas faire de fausses notes, tant pour ses oreilles sensibles que pour faire honneur à ces musiques traditionnelles. Sa queue se balançant tel un métronome, il était accompagné par le clapotis régulier des gouttes dégoulinant des feuilles de leur abri. Le Graärh et le presque-elfe, perdus au milieu de la savane inondée, tout cela faisaient un tableau très pittoresque.

Au bout d'un moment, le félin s’arrêta, non pas qu'il arrivait à bout de la chanson -ces chants duraient des heures de célébrations-, mais pour laisser à Valmys le temps d'apprécier l'extrait. Puis il lui parla plus en détails de leur tradition.

-Nous ne célébrons que les grands événements qui rythment notre vie. Manaasoon, la fête de la Pluie. Naveekaran, la fête du Renouveau. Soorajii, la fête du Soleil. Laukvik, la fête de la Terre. Nous y célébrons les Esprits, nos ancêtres, nos protecteurs. Il disait tout cela avec un ton très solennelle, comme à chaque fois qu'il parlait de leur traditions. Chaque Graärh doit les respecter. Ne pas les respecter, c'est attirer le déshonneur et le malheur sur soi. Les Esprits nous on élevés au dessus des autres animaux, Valmys, et pour cela nous devons les remercier et ne jamais oublier que c'est une chance et un privilège.

Ayant fini leur repas depuis longtemps, il rangea discrètement tout le matériel de cuisine pour faire un peu plus d'espace, histoire de se mettre à l'aise pour discuter.

-Et toi, célèbres-tu quelque chose ? Ou les Chaaran,pardon, les Baptistrels, ont d'autre habitudes ?

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Valmys observa ce qu'il venait d'écrire avec circonspection. Il n'était pas exactement sûr d'avoir bien retranscrit la musique... Au moins en avait-il un échantillon. En le retravaillant, peut-être pourrait-il donner le véritable morceau qu'il avait entendu. Une certaine intuition lui murmurait que, si la transmission du savoir se faisait sans doute à l'oral chez les Graärh, Jangali n'aurait pour autant pas fatalement la patience de lui répéter plusieurs fois le chant, jusqu'à ce que lui-même le connaisse. L'idée lui vint de proposer à son élève et maître de l'emmener jusqu'à sa Légion. Il oublia vite cela: un inconnu n'aurait sans doute pas les faveurs du peuple réduit en esclavage, et l'échange de savoirs était sans doute, pour le moment, compliqué à mettre en place de façon trop précise.

L'apprenti baptistrel opina sobrement du chef quand, très solennel, Jangali lui expliqua l'importance du lien avec les Esprits. Cela lui évoquait bien quelque chosse; une sensation paisible dans un coin de son esprit. Ce n'était pas certain. Mais s'ils avaient ces entités en commun, leurs peuples avaient une raison de plus de s'entendre.
Rangeant ses propres ustensiles, en imitation de Jangali, le petit immaculé lui évoqua les fêtes des peuples bipèdes qu'il connaissait le mieux, celles des baptistrels lui paraissant bien trop spécifiques pour être d'un apport quelconque à son élève. Les fêtes liées à leurs déités -qu'il présenta, sans détails-, à leurs affrontements, les cérémonies liées à la vie et la mort. Doucement, il fit dériver le sujet sur un moment de leurs vies qui n'était pas fêté par la communauté, mais qui aurait pu l'être: le rituel avec les esprits-liés. Il évoqua ce qu'ils savaient de leurs natures, de ce qu'apportait le rituel, et du lien qui se renforçait à chaque génération. Après avoir avoué son lien avec l'esprit-lié de l'Hermine, Valmys demanda à Jangali, innocemment, s'il pensait possible que ces esprits soient leurs Esprits.

Peu après, une éclaircie s'annonçait. Enfin, "éclaircie"... Le ciel était toujours sombre, et lourd. La pluie ne tombait plus par vagues entières. Seules en restaient les conséquences, ils étaient privé du meilleur. Se levant, sortant de l'abri pour dégourdir ses jambes et s'étirer, le bipède de peu de poils proposa:

"- Marchons-nous un peu ?"

Et comme bouger sans but était parfois mal considéré auprès des siens, il proposa:

"- Peut-être pourrions-nous chercher quelques plantes dans les environs ? Vous pour la cuisine, moi pour les remèdes et herbiers..."

Osant quelques pas en-dehors de l'abri, Valmys s'estima vite heureux d'avoir des bottes sur lui. La terre était détrempée, le sol instable, glissant. Le grand jeu allait être de trouver de la terre solide entre les zones inondées, au milieu des hautes herbes. Mais ce jeu-là... Jangali devait en avoir l'habitude, c'était sûr ! Avec un doux sourire, Valmys se tourna vers son ami Graärh, comme attendant qu'il passe devant.

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Les rites et les cérémonies des Esprits des Sans-Poils laissa Jangali un moment songeur. Les procédés et la bénédiction à travers les générations, il y avait trop de correspondances pour qu'il ne s'agisse pas des même Esprits. En y réfléchissant bien, cela ne l'étonna pas plus que cela. Etant tous des créatures douées de conscience, les Esprits devaient les guider eux aussi. Et si les Ambharuniens étaient bénis par les Esprits, alors ce devait être le cas d’autres espèces intelligentes quelque part ailleurs. Jangali fit vite fait part de ses réflexions au jeune immaculé. En soi, cela n’avait rien d’inquiétant, juste … intéressant ?

Le ventre plein et tout frais d’une énergie nouvelle, le barde l’enjoint à faire cueillette. Le graarh, n’étant pas du genre à tenir en place accepta volontier et ouvrit la marche. Laissant de légères traces de pas dans le sol humide, il prit très au sérieux son rôle de guide botanique. Entendre l’imposant chasseur parler de plantes avec autant de passion pouvait paraître quelque peu déroutant aux premiers abords.

-Netheril n’est pas aussi chaud et hostile qu’Upajaoo, euh, comment vous l’appellez déjà ? Keet-tiamat ? Oui voilà, pas aussi chaud et hostile que Keet-Tiamat, les plantes aromatiques et médicinales poussent plus facilement. Je suis sûr que même avec ton nez tu pourras les sentir. Bon, pas pendant la Mousson, mais en temps normal oui. Pendant les pluies, l’eau est particulièrement abondante et les Esprits nous régalent de pleins de champignons différents !

Pour appuyer son propos, il dégagea une roche d’un monticule rocailleux, dévoilant une petite cache ou de nombreux champignons de diverses formes et couleurs proliféraient.

-Une fois séchés et réduits en poudre, ils font de bons médicaments. Une fois cuits, il sont très savoureux !

D’un oeil expert, il ramassa les comestibles et laissa les toxiques, étrangement les plus colorés. D’une senteur, il sépara les plus intéressants culinairement et médicalement. Puis enfin il les tendit à Valmys.

-Bon nombres de poison peuvent guérir à petite dose, mais ce n’est pas ma spécialité, alors je préfère te donner ceux que je connais.

Du coin de l’oeil il repéra un bosquet qu’il reconnaissait bien. Même à travers l’air chargé d’humidité son odorat lui indiquait la présence d’importantes herbes aromatiques. Menhadee, Ajamod… Il s’y dirigea à grands pas, filant droit dessus.

-Avec un steack de gazelle, un peu d’oignons…., murmura-t-il dans ses moustache. La prochaine fois je te ferai…. Valmys ?

Les oreilles pointant dans toutes les directions, il observa les environs avec une pointe d'inquiétude. Comment diable avait-il pu l’égarer ? Un instant il imagina le naïf barde et un smilodon… avant d’apercevoir un bout de botte. Ni une ni deux il y fonça droit dessus avant de voir, incrédule, un Valmys grossièrement embourbé dans une énorme flaque scélérate. Il explosa de rire en voyant le regard concis du Baptistrel. Gloussant comme une hyène, il tendit sa patte au malheureux, le relevant comme s’il soulevait une plume.

-Pardonnes-moi, étant lié-gerridae, j’oublies tout le temps que l’eau réserve quelques surprises… salissantes chez les autres, ne put-il s'empêcher de pouffer. Ca va ? Rien de casser ?

Il se retint à temps de lui dire qu’il ressemblait à un Vaseux, tant il était recouvert de boue.

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Valmys suivait Jangali avec prudence, veillant le poser de chacun de ces pas, avant de porter quelques regards inquiets alentours -les marais n'étaient pas des havres de paix pour les créatures qu'étaient les bipèdes. Ses bottes s'enfonçaient de temps à autre, il les retirait de la boue avec des bruits de succion liquides, et le triple des efforts qu'un sol sec lui aurait demandé. L'humidité eut tôt fait de s'infiltrer jusque dans ses os. Peu lui importait: le retour au Domaine ne serait que meilleur. Il songeait déjà au plaisir de se rouler dans un fauteuil près d'une cheminée, et reprendre des forces avec une infusion préparée avec amour.

L'Enwr faisait totalement confiance au grand Graärh qui le guidait. Parce qu'il avait partagé temporairement le destin de son peuple, il ne le craignait pas. Parce qu'ils avaient appris à ce connaître, et qu'ils venaient de partager repas et musique, l'apprenti savait que le maître cuisinier serait de bon poil. Par contre, et par les Huit, comment faisait-il pour avancer aussi vite ? Ses poils auraient dû s'accrocher à la boue mieux encore que les bottes de l'immaculé ! Ah, ces félidés... Toujours occupés à briser les lois de la physique.

Avec circonspection, Valmys observa les champignons. Oui, il en avait entendu parler, mais après une expérience un peu spéciale dans une auberge de Caladon, il se méfiait de ces végétaux vicelards. Très savoureux... Bon médicaments... C'était encore à tester sur des bipèdes un peu moins costauds que les Graärhs. Valmys se saisit des présents de la nature et de Jangali, les observants avec un intérêt non feint. Il ignorait l'étendue des herbiers que le Domaine avait pu constituer, ne savait si ces champignons-là avait déjà pu être observés.

"- J'en présenterai peut-être quelques-uns à mes maîtres. S'ils peuvent m'apprendre quoi que ce soit de plus à leur sujet, je vous en ferai part."

Après un ultime coup d'oeil au chapeau d'un champignon qui paraissait l'observer d'un air douteux, Valmys enfourna les présents dans son sac. Jangali était déjà parti devant, son oeil et son nez d'expert repérant sans doute quelque merveille. Valmys voulut lui emboîter le pas. Il le voulut très fort ! Mais pas assez. Son pied resta embourbé, tandis que l'avant de son corps partait gaiment en avant. Il eut le temps de patiner des bras en l'air, et de songer au plus important dans ce genre de cas. Ainsi Jangali le retrouva, une jambe non-embourbée en l'air, et son sac vaillamment maintenu au-dessus de la boue, tandis que son visage y trempait totalement.

D'après les Chanteterre, c'était excellent pour la peau, le teint, surtout chez les humains. D'après Valmys, c'était un terrible danger pour ses précieuses notes. D'après Valmys-bis... Qu'est-ce qui composait cette boue ? Par l'esprit-dragon, faites que ce ne soit que terre et eau !
A moitié sonné par le choc, il perçut d'abord le rire un peu lointain de Jangali. Un grognement vexé s'échappa de sa gorge, étouffé par la boue. Maladroitement, d'une main, il essaya de se redresser un minimum et, d'un mouvement féroce, dégagea son pied. C'était tout simple maintenant. Ce monde se moquait de lui ! Il se saisit de la main de Jangali, et eut l'impression nette de s'envoler lorsque le Graärh le remit sur pieds. Tandis que son vaillant compagnon s'expliquait, Valmys retirait à grands coups de poignets la boue de son visage. C'était peut-être un très bon anti-moustiques, mais la sensation était beaucoup trop désagréable pour qu'il la maintint -il sentait déjà l'eau se glisser sous sa tunique, en glissant le long de son cou. Ladite tunique était couverte de boue également. Elle collait davantage encore à son torse, mais représentait un véritable poids, désormais. Rien d'agréable. Il allait devoir prendre le temps de la laver. En attendant, il en essora un bout.

"- Si j'ai quelque chose de cassé, je ne le sens pas encore." Son organisme était bien plus résistant depuis sa mésaventure dans un temple ancien. Il fit brièvement signe à Jangali qu'ils pouvaient reprendre la route. Ne sachant combien de temps il était prêt à se balader dans cette tenue, mieux valait qu'ils n'en perdent pas. Reprenant la marche, il se montra beaucoup plus prudent, même si cela impliquait de se laisser subtilement distancer. Il récupérait les fleurs et herbes avec moult délicatesse, et essayait de s'arranger avec sa main non-maculée de boue. Au milieu d'une présentation d'herbes aromatiques, et alors que le bipède-sans-poils tentait de limiter les dégats de la boue dans ses cheveux en les essorant également, il demanda à son guide, tout d'innocence et de curiosité: "Dites, Jangali... Avez-vous déjà essayé de traverser la mer, grâce à votre esprit-lié ? Avez-vous déjà rencontré les Légions Graärh des autres îles ?"

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L'incongrue question arrêta net Jangali. Il ne pouvait pas en effet pas savoir... à quel point cette idée pouvait être absurde pour un Graärh. Il ne put s'empêcher toutefois de ricaner et de faire face à l'immaculé.

-Elle est bien bonne celle-là haha. De toi à moi, je pense pouvoir dire que je n'ai pas beaucoup de faiblesses, mais la mer... la mer doit être la plus grande. Il frissonna en mentionnant cette immensité d'eau salée. Rien qu'imaginer ce qui peut se trouver sous la surface, brrr, j'en ai des frissons... Nous sommes tous des êtres terrestre Valmys, nous respirons de l'air et non de l'eau, et c'est très bien comme ça, pourquoi aller s'aventurer loin de ma terre ?

Non décidément Jangali n'aimait vraiment pas l'eau. Lui-même ne savait pas d'où venait cette frayeur, mais n'était-ce pas là le principe d'une phobie ? Une peur irrationnelle ?

-Et puis, il a très longtemps, le peuple Graärh s'est divisé en deux Légion. Depuis nous n'avons pas vraiment le droit d'avoir de contacts. Ce sont nos lois et en tant que tel je me dois de les respecter.

Cependant il se retint de préciser qu’il n’attendait qu’une chose: avoir l’autorisation d’aller se battre contre les esclavagistes et autres ennemis des Graärh. Il se dit que parler de guerre et de mort à un gentil Baptistrel, ce n’était pas forcément une bonne chose...

-Mais peut-être qu’un jour j’aurai l’occasion de voyager ? Qui sait? Seul les faibles d’esprits ne changent pas, finit-il par ajouter, en se grattant le menton. Et puis quand je vois ce que vous avez traverser, je me dis que ça doit pas être si compliqué. Bon après c’était pas par choix haha.

Un dernier coups d’oeil à son ami et il repris leur marche, en direction du Domaine cette fois. L’état des vêtements de Valmys était affligeant.

-Bon, je vais te raccompagner. Tu es encore plus boueux que le plus boueux des Keechad* !



*Boue (désignant les Vaseux des marécages)

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