Dans la nuit du 9 au 10 Novembre 1762
Est-ce qu'il était encore en vie ? Est-ce qu'il était encore dans le monde de l'existence ? Il ne savait plus très bien. Aldaron s'était éclipsé à un moment ou un autre, la peur l'avait immédiatement envahi. Et si ça n'avait été qu'un rêve, encore une fois ? Et si l'elfe s'était évaporé, le laissant seul une fois de plus, seul dans son éternité… Devant ses yeux, le monde se fondait, il avait l'impression de percevoir des silhouettes en armures, un ciel couvert de nuées ardentes, et son cœur se serrait de peur et d'angoisse.Tandis qu'il se redressait, le monde l'entourant se fondait sous le brouhaha et les clameurs des troupes innombrables, pulsant au-dessus du rugissement des machines de guerre et des sortilèges… Il se relevait, avec soudainement un large poids sur le corps, les mouvements contraints : une lourde armure de plaques sombres. Ses flancs pesaient plus encore des poids combinés de deux faux luisantes de magie, dont les formes sinistres insinuaient l’angoisse dans son cœur. Aldaron n’était pas là, il n’était nulle part, il ne le sentait pas, comment était-ce possible ? Cordont n’était donc qu’un rêve ? Inspirant profondément, le vampire ferma les yeux, tentant de se focaliser sur les sensations les plus basiques, pour se soustraire à sa vision. Cela devait être une vision ! Forcément ! Un sursaut de peur le traversa pourtant. Oui mais… qu’est-ce qui constituait la vision ? Cordont ou cette bataille ?
Ses tempes battaient sourdement, alors qu’il serrait les poings, sentant le tremblement de ses mains s’accentuer. Des bruits de sabots, les crissements d’armures en mouvement. Qu’est-ce qui était vrai ? Où était la réalité ? Il fallait qu’il se reprenne, qu’il sorte de cet enchantement… Serrant les crocs, il essaya de bouger, un pas, puis un autre, yeux toujours fermés. Pourtant son esprit scindé s’imaginait très bien les lieux, la tente meublée se superposant à ce champ de ruines déjà maculé de sang. Il fallait qu’il se sorte de là, il étouffait sans avoir même besoin de respirer. Il allait mourir, il en était persuadé, la certitude scellée dans son âme l’emplissait à présent comme une crue violente. Il ne voulait pas mourir ! Il ne voulait pas abandonner… il y avait des êtres qui lui étaient chers, qu’il ne voulait pas perdre, pas comme ça en tout cas ! Etait-ce vraiment de la mort qu’il avait peur ? Il n’en avait jamais eu peur auparavant, pourquoi cette fois-ci ? Parce qu’il n’y avait ni logique ni levier à ce qu’il ressentait ? Le piège se refermait toujours davantage sur lui, et il percutait ses barrières impalpables inutilement. Des voix l’interpellaient, déformées, irreconnaissables et elles lui faisaient plus peur qu’elles ne l’encourageaient. Leur timbre fantomatique sourdait la fosse et le trépas. Il se dirigea instinctivement à l’opposé, cherchant à se soustraire à la fournaise et à trouver quelque chose, une ancre, pour son esprit.
Quelque chose entra en contact avec lui, le faisant se crisper et paniquer pendant un instant avant qu’il n’ouvre enfin les yeux, pour se retrouver nez à truffe avec un félin qu’il connaissait bien. L’observant quelques instants sans comprendre, il se laissa pourtant manipuler docilement, lorsqu’on le dirigea. Sans trop comprendre comment, il se retrouva bientôt enfouit dans une fourrure longue et chaude, et entouré par un ronron qui lui faisait vibrer les os. Il ne bougea pas, passif et encore fragile, laissant l’angoisse redescendre lentement, au rythme du cœur puissant qu’il sentait tout proche de son visage. Silencieux, le vampire sentit sa gorge se serrer, mais le froid qui l’atteignait l’empêchait d’exprimer réellement ce qu’il ressentait. De toute façon, se disait une part de son esprit, pourquoi le faire lorsque l’on n’a pas les mots pour cela ? Qu’aurait-il dit ? Le silence paru durer des heures, avant qu’il ne se calme enfin. Le bruit de la bataille avait disparu, il ne restait que la tente et le ciel encore sombre à l’extérieur de celle-ci. Dans un coin, une silhouette elfique l’observait avec souci et mépris à la fois, mais il y était aveugle. Ainsi, c’était bien la guerre, la vision ? Cordont existait bel et bien, et avec elle, tout ce qui s’y rattachait. Un soupir le fit trembler, et il se lova davantage dans l’intemporalité de la fourrure cendrée. La fatigue et la lassitude reprenaient leurs droits sur lui, une fois la crise passée…
« Pourquoi ? »
Pourquoi devait-il subir ça, pourquoi avait-il ces souvenirs, pourquoi souffrait-il pour rien ? Pourquoi oui, pourquoi ? Mais c’était puéril et futile, est-ce qu’il y avait même une réponse quelconque à cette iniquité ? Il se détacha finalement de lui, sa longue chevelure lui tombant sur les épaules, des mèches défaites ornant son visage. Epaules voûtées, il resta ainsi face à lui quelques instants, partagé entre l’envie de lui demander de partir pour lécher ses plaies en paix, et l’envie de lui demander quelque chose, quoi que ce fut, pour briser cette immobilité et l’attention dont il était l’objet. Son regard sembla mettre des éons à gravir la silhouette féline jusqu’aux prunelles vertes et il ne s’y reposa que quelques instants.
« Nyn-Tiamat me manque… »
Il avait déjà dit cela, en une occasion, comme expression de son mal être profond sur Calastin. Malgré Aldaron et sa famille, l’île elle-même ne lui plaisait pas et ne lui apportait qu’un peu de bonheur pour tant de malheur. Depuis qu’il était arrivé là, tout allait si vite… Ses yeux devinrent vitreux, progressivement, alors que la bulle de tristesse lui échappait enfin, pour s’écouler librement sur ses joues d’albâtre.
Ses tempes battaient sourdement, alors qu’il serrait les poings, sentant le tremblement de ses mains s’accentuer. Des bruits de sabots, les crissements d’armures en mouvement. Qu’est-ce qui était vrai ? Où était la réalité ? Il fallait qu’il se reprenne, qu’il sorte de cet enchantement… Serrant les crocs, il essaya de bouger, un pas, puis un autre, yeux toujours fermés. Pourtant son esprit scindé s’imaginait très bien les lieux, la tente meublée se superposant à ce champ de ruines déjà maculé de sang. Il fallait qu’il se sorte de là, il étouffait sans avoir même besoin de respirer. Il allait mourir, il en était persuadé, la certitude scellée dans son âme l’emplissait à présent comme une crue violente. Il ne voulait pas mourir ! Il ne voulait pas abandonner… il y avait des êtres qui lui étaient chers, qu’il ne voulait pas perdre, pas comme ça en tout cas ! Etait-ce vraiment de la mort qu’il avait peur ? Il n’en avait jamais eu peur auparavant, pourquoi cette fois-ci ? Parce qu’il n’y avait ni logique ni levier à ce qu’il ressentait ? Le piège se refermait toujours davantage sur lui, et il percutait ses barrières impalpables inutilement. Des voix l’interpellaient, déformées, irreconnaissables et elles lui faisaient plus peur qu’elles ne l’encourageaient. Leur timbre fantomatique sourdait la fosse et le trépas. Il se dirigea instinctivement à l’opposé, cherchant à se soustraire à la fournaise et à trouver quelque chose, une ancre, pour son esprit.
Quelque chose entra en contact avec lui, le faisant se crisper et paniquer pendant un instant avant qu’il n’ouvre enfin les yeux, pour se retrouver nez à truffe avec un félin qu’il connaissait bien. L’observant quelques instants sans comprendre, il se laissa pourtant manipuler docilement, lorsqu’on le dirigea. Sans trop comprendre comment, il se retrouva bientôt enfouit dans une fourrure longue et chaude, et entouré par un ronron qui lui faisait vibrer les os. Il ne bougea pas, passif et encore fragile, laissant l’angoisse redescendre lentement, au rythme du cœur puissant qu’il sentait tout proche de son visage. Silencieux, le vampire sentit sa gorge se serrer, mais le froid qui l’atteignait l’empêchait d’exprimer réellement ce qu’il ressentait. De toute façon, se disait une part de son esprit, pourquoi le faire lorsque l’on n’a pas les mots pour cela ? Qu’aurait-il dit ? Le silence paru durer des heures, avant qu’il ne se calme enfin. Le bruit de la bataille avait disparu, il ne restait que la tente et le ciel encore sombre à l’extérieur de celle-ci. Dans un coin, une silhouette elfique l’observait avec souci et mépris à la fois, mais il y était aveugle. Ainsi, c’était bien la guerre, la vision ? Cordont existait bel et bien, et avec elle, tout ce qui s’y rattachait. Un soupir le fit trembler, et il se lova davantage dans l’intemporalité de la fourrure cendrée. La fatigue et la lassitude reprenaient leurs droits sur lui, une fois la crise passée…
« Pourquoi ? »
Pourquoi devait-il subir ça, pourquoi avait-il ces souvenirs, pourquoi souffrait-il pour rien ? Pourquoi oui, pourquoi ? Mais c’était puéril et futile, est-ce qu’il y avait même une réponse quelconque à cette iniquité ? Il se détacha finalement de lui, sa longue chevelure lui tombant sur les épaules, des mèches défaites ornant son visage. Epaules voûtées, il resta ainsi face à lui quelques instants, partagé entre l’envie de lui demander de partir pour lécher ses plaies en paix, et l’envie de lui demander quelque chose, quoi que ce fut, pour briser cette immobilité et l’attention dont il était l’objet. Son regard sembla mettre des éons à gravir la silhouette féline jusqu’aux prunelles vertes et il ne s’y reposa que quelques instants.
« Nyn-Tiamat me manque… »
Il avait déjà dit cela, en une occasion, comme expression de son mal être profond sur Calastin. Malgré Aldaron et sa famille, l’île elle-même ne lui plaisait pas et ne lui apportait qu’un peu de bonheur pour tant de malheur. Depuis qu’il était arrivé là, tout allait si vite… Ses yeux devinrent vitreux, progressivement, alors que la bulle de tristesse lui échappait enfin, pour s’écouler librement sur ses joues d’albâtre.