Cela faisait maintenant une heure qu'ils étaient parti. Arakjörn avait donné une direction générale à suivre mais il ne semblait pas que ce fusse la bonne, car à part quelques feu follets, il ne trouva rien d’intéressant dans ces marécages. Il n'avait même pas eu droit au spectacle de voir un des mercenaires se faire gober par une des créatures embusquées des marais. Mercenaires qui d'ailleurs étaient spécialisés dans l'exploration, comment n'avaient ils pas déjà trouvé le mausolée ? Les vaines recherches qu'ils menaient commençaient sérieusement à l'agacer, tourner en rond au milieu de la vase, des insectes suceurs de sangs, des créatures surnaturelles et d'une trentaine d'incapables qu'il finançait de sa poche d'une manière ou d'une autre, ce n'était pas exactement la façon dont il se voyait le mieux utiliser son temps. Jusqu'au moment ou une femme, peut être la seule du groupe d'ailleurs, s'exclama apercevoir un Gaid. Arak qui jusque là était en train d'essayer de sortir l'une de ses sandales qui s'était enfoncée dans la vase, dos à la demoiselle sursauta en libérant son pied, et avec un grand sourire sur le visage.
« Ah ! Parfait ! »
S'exclama-t-il en faisant immédiatement volte face. Il passa entre les mercenaires et les pirates, qui s'écartèrent sur son passage, pour aller voir ça de ses propres yeux. Il rejoignit donc la jeune fille et Demens qui semblait avoir trouvé le dit oiseau fantôme, qui les observait joyeusement depuis la branche d'un arbre mort. Il était content de la trouvaille et adressait un hochement tête à Demens pour le féliciter, bien que l'homme au cristaux devait s'en contreficher. Par contre, celle qui l'avait ouvert n'arrivait pas à la fermer, elle était en train de raconter sa vie et tout ce qu'elle savait sur les Gaids.
« Oui oui oui »
Fit-il pour lui couper la parole, ou au moins la faire se taire, alors qu'il arrivait à hauteur de ses épaules en fixant la bestiole. Lui par contre, ce n'était pas la première fois qu'il en voyait, et certainement pas la dernière fois qu'il en verrait. Le piaf mort sembla le regarder lui, qui s'était avancé sous l'arbre en se grattant une barbe imaginaire alors qu'il réfléchissait à ce qu'il allait en faire. Observer l'intérieur de ses deux orbites vides était vraiment très malaisant, il n'avait rien demandé qu'il avait déjà l'impression de sentir le gaid aspirer sa vie. Après quelques secondes de silence ou chacun attendait de voir sa réaction, il se retourna, et jaugea l'ensemble des hommes à sa disposition. Il allait falloir que quelqu'un se dévoue pour leur ouvrir un passage, il n'allait pas passer une chance comme ça d'atteindre son objectif. Le soucis c'est que dans le respect du contrat qu'il avait signé, il n'allait pas pouvoir exiger des mercenaires qu'ils s’acquittent de la tâche, il ne restait donc que ses propres hommes, car il ne comptait évidemment pas payer le dit prix de lui même.
« Toi ! »
Fit-il en pointant du doigt l'un des pirates qui les accompagnaient, il était d'une taille relativement imposante et tirait une tronche pas possible, assez démarquée avec un bandana gris, et une grande barbe grasse. Il n'avait pas l'air content d'être là. Il tendit le bras vers lui et le fit signe de s'approcher de la main
« Viens, viens, je te reconnais pas, c'est quoi ton nom ? »
« Nazeem »
Le gars grogna en arrivant devant lui, il faisait presque deux fois la taille du nabot. Arakjörn sourit et pencha la tête d'un coté, il devait se donner l'air le plus sincère possible.
« Et bien Nazeem, j'ai besoin de toi. Je veux que tu fixes cet oiseau, dans les yeux, et que tu lui répète ceci : "Conduis nous jusqu'au plus grand secret qui repose en ces lieux" »
Il toussota un instant, c'était délicat parce que la gourde qui les accompagnaient avait eu la bonne idée de s'exclamer sur le prix de l'aide du Gaid, histoire que tout ceux qui ignoraient de quoi il s'agissait soit avertit du danger de cet échange. Du coup, il ne pouvait tromper personne. Il lui jeta d'ailleurs rapidement un regard amer, en se demandant sincèrement pourquoi il la payait, et en espérant que ce ne fut pas trop cher.
« Mot pour mot, s'il te plait. »
Evidemment, le pirate ne s'executa pas sur commande,il plongea son regard dans les grands yeux verts d'Arakjörn, cernés de marques de cendres, et reflétant un éclat de feu vert aux allures maléfiques. Il le jaugeait et le regardait de haut, Arakjörn n'aimait pas vraiment ça, mais il s'y était attendu.
« Tu veux que je paye le prix, c'est ça ? »
Il manquait le « capitaine » à la fin de ses paroles ça voulait dire qu'il contestait son autorité. Après tout Nazeem n'était pas un des gars de son équipage, juste un gars que Sküll a recruté de force dans une taverne. Selon le principe d'honneur des pirates, il ne lui devait rien, normal qu'il ne veuille pas se faire vider de son énergie vitale pour un nabot capricieux.
« C'est ça »
Répondit Arakjörn soutenant le regard lourd avec un demi-sourire malicieux, planqué dans le pan de son écharpe cramée. La voix bourrue du pirate barbus retentit à nouveau.
« C'est non. »
Là, il fit la moue, l'air tout à fait déçus de la réponse du pirate. Tout triste que son titre de capitaine des pirates soit défié devant toute cette populace, il s'abaissa même au point de s'excuser. Avant de se retourner vers les mercenaires et les autres pirates pour leur adresser une tête de gamin tout content qui s'adressait à tout ses amis, avec un grand sourire naïf qui lui donnait vraiment l'air d'un enfant de 10 ans.
« Ok.. Je comprend bien, pas de soucis.. Bon.. Du coup, y aurait-il un volontaire ? »
Même si la question n'était pas si idiote, il ne laissa à personne le temps de répondre, le bâton à la main, il pivota à nouveau sur lui même pour asséner un grand coup de bâton dans la mâchoire de Nazeem, à qui il faisait dos l'instant précédent. L'homme, surpris par la rapidité du coup, fut sonné pendant un instant, le temps pour le nabot pour se repositionner et donner un coup de poing dans le vide, paume ouverte, au niveau de son ventre. La magie fusa à travers sa main pour venir percuter le rebelle et le propulser contre Sküll. Le gros almaréen encaissa facilement l'impact et passa immédiatement ses bras sous les siens pour l'immobiliser alors qu'il commençait à réaliser qu'il venait de se prendre une branlée.
« Mais je ne t'ai pas demandé ton avis... Nazeem.. »
Fit alors Arakjörn en soufflant sur deux de ses doigts qui se voulaient imiter la forme du canon d'un feutonerre. Puis, il fit claquer ces mêmes doigts en regardant l'un de ses autres acolytes, qui sortit son sabre pour le placer sous la gorge du malheureux qui avait osé le défier. Le gars arrêta de se battre aussitôt, même s'il grognait toujours, comme un chien coincé dans une cage, et le nabot s'approcha de lui avec un sourire cette fois beaucoup moins enfantin. Il prit même un instant pour admirer le visage défiguré. Il saignait à l'oeil et avait la mâchoire cassée. Arakjörn n'avait pas la force nécéssaire pour causer de tels dégats, mais son bâton, Arkadana, était décoré d'une énorme pierre qui ressemblait à du saphir et qui bouillonait d'énergie magique, accessoirement, cela permettait de se servir du bâton comme d'une masse, et les épines de bois qui l'entouraient déchiraient la peau sans aucun soucis.
« Voilà le marché p'tit gars, tu fais ce que je te dis et peut être que t'auras une part du butin qu'on va se faire, tu refuses, et je te découpe les membres et te laisse agoniser au sol le temps que tu te fasses bouffer vivant par un vaseux. Si j'étais toi, je prendrais la première option. Mais c'est toi qui voit ! »
Il était dans la plus parfaite des impasses, car désobéir à Chapeau Pointu serait vite pris comme un acte de trahison envers la confrérie, laquelle disposait de pas mal d'assassins de qualité qui ne lui auraient laissé que quelques heures de plus à vivre s'il refusait. Et ça c'était s'il avait de la chance, car entre les mains d'Arakjörn, il n'allait pas survivre longtemps. Il craqua donc, pour le plus grand plaisir du nabot, et récita les paroles prononcées plus tôt.
Ce fut fulgurant, aussitôt, le gaid qui s'était amusé de la petite scène depuis sa branche morte, fixa longuement Nazeem. Celui ci commença alors à pâlir, il essaya de se débattre, mais ses forces le quittèrent bien vite. Son regard quitta le gaid pour les cieux obscurs, et sa tête retomba finalement, cachant ses yeux injectés de sang. Sküll relâcha aussitôt le cadavre du pirate, qui s'étala dans la vase, au pied de l'arbre. Le gaid, satisfait de son repas, ou de son sacrifice, ou de cet acte ignoble qui pouvait prendre bien des noms, s'envola alors pour tournoyer autour du groupe. Au fur et à mesure qu'il entamait des cerles concentriques, d'autres oiseaux similaires le rejoignirent et exécutèrent ensemble une sorte de balais aérien. C'est alors que la brume autour d'eux commença à se mouvoir, s'éclaircir par endroit, s'épaissir sur d'autre... Révélant finalement une chemin qui sillonnait entre les arbres. Ça avait fonctionné. Le petit rire d'Arakjörn fut coupé lorsqu'il passa son regard des oiseaux qui se dispersaient au corps du pirate qui gisait dans la boue, puis à la dénommée Celia.
« Et voilà jeune femme, maintenant vous le savez, le prix à payer, c'est la vie. »
Il s'en alla, faisant signe à tout le monde de se rassembler. Il ajusta son chapeau qui était un peu parti de traviole lorsqu'il avait tabassé Nazeem, et avança en direction du chemin dévoilé par la brume.
« D'ailleurs je ne serai pas surpris que les premiers à avoir trouvé le mausolée l'aient fait de cette manière... »
Nota-t-il plus pour lui même, puisqu'il regardait droit devant lui.
« Allez, on a assez glandé, on se remet en route ! »
Il attendit que les rangs se reformèrent, pour qu'ils puissent tous reprendre la marche. Cette fois, ils ne mettraient pas longtemps pour trouver le mausolée, et s'il avait payé assez cher le Gaid, il ne devrait pas y avoir de mauvaises rencontres en chemin. Accompagné de Sküll et de ses quatre autre hommes, il se plaça cette fois en tête du groupe et ouvrit la marche, fier de son coup, et déterminé.