18 Octobre 1762
Ils étaient installés à l'arrière de la demeure du Bourgmestre, sous une superbe verrière très bien exécutée, profitant du calme et de l'air purifié par les nombreuses plantes, tout en étant protégés du vent sec et coupant provenant de la mer et qui soufflait sur Caladon depuis le début d'après-midi, annonçant avec une clarté triomphante l'arrivée de l'automne plein et entier sur les terres de Calastin. Le ciel était d'un gris doux, les nuages moutonneux tirant quelque peu vers des teintes sombres qui auraient pu annoncer un orage s'il n'y avait eut ces puissantes bourrasques qui gonflaient les voiles des navires et battaient les pavés de la ville marchande. De l'intérieur de la confortable verrière, ils entendaient vaguement les aquilons souffler avec enthousiasme, et voyait plus loin l'eau du canal qui s'agitait, striée comme une mer d'encre. Leur espace commun était meubler avec raison, mais la qualité des objets rendait la vie sous ce toit réellement agréable. Le feu qui crépitait dans le salon proche transmettait une partie de sa chaleur, complétée par les peaux et les tissages de cotons ou de laines douces présents et à disposition. La luminosité était encore relativement bonne, mais ils avaient à disposition des bougies et des roches magiques pour l'améliorer lorsque le coucher de soleil serait passé, laissant sa place au drapé nocturne.
Ivanyr s'était installé près des plaques de verre, pour observer l'extérieur tout en gardant un œil sur Aldaron. La journée avait été plus permissive, à l'égard de ce dernier, et c'était la raison pour laquelle ils avaient, d'un commun accord, décidé de revenir sur un sujet abordé précédemment. N'avait-il pas émit, ce jour là en revenant de la falaise, la volonté d'aborder de nouveau leur mésentente afin de la tirer au clair ? Il avait eut tout loisir de digérer le premier impact viscéralement négatif qu'avait causé le discours de l'elfe, et il avait réfléchit, comme il le lui avait dit. Foncièrement, le vampire n'avait pas changé sa propre posture aux sujets abordés, mais cela ne voulait nullement dire qu'il n'y avait pas d'échange à avoir, bien au contraire. C'était justement parce qu'ils n'avaient pas les mêmes avis qu'il y avait des choses à dire, les premières étant majoritairement destinées à éclairer les milles et unes choses qui lui semblait discordantes dans l'esprit de son compagnon. Détournant finalement son regard céladon de la grande baie vitrée qui embrassait le paysage extérieur avec appréciation, Ivanyr se tourna finalement vers Aldaron, et tandis une main vers une robe ronde et purpurine qu'il décrocha pour la faire croquer sous sa canine. Les vendanges les plus tardives avaient été riches en surprises.
« Excuse moi, je peine à ne pas vouloir profiter du temps extérieur. Mais ça ne veut pas dire que je ne valorise pas notre échange »
Lui dédia un sourire calme, il prit le temps de rassembler ses pensées, se faisant ainsi la réflexion qu'Aldaron le poussait à agir comme Achroma l'aurait fait. Ce n'était pas volontaire, mais si l'Aîné avait adopté le parti du calme et de la rhétorique ce n'était sans doute pas pour rien. S'énerver sur une controverse n'apportait pas grand-chose. Bien entendu, il ne se faisait nulle promesse, ne sachant pas réellement s'il pourrait tenir à ces bonnes résolutions, mais en tout cas le processus était intéressant et enrichissant, il ne pouvait et ne voulait pas le nier.
« La dernière fois, j'ai eu l'impression que tu mélangeais énormément de sujets différents, de choses différentes. J'ai ressenti tes explications comme un imbroglio de bile, je dois l'admettre. J'avais besoin d'essayer d'y voir plus clair avant d'adresser quoi que ce soit de ce que tu m'as dis »
Le vampire jouait distraitement avec un puzzle de métal installé sur ses genoux, cadeau de Cybele qu'il avait vu récemment et qui pensait que cela l'aiderait à focaliser et diriger tant ses pensées que sa magie. Et l'exercice était bénéfique de nombreuses façons. Il lui permettait effectivement de réfléchir posément tout en s'occupant les mains, il lui permettait de se vider l'esprit lorsqu'il en avait besoin, il lui permettait de projeter les problèmes qu'il rencontrait pour leur donner une forme concrète… et ce n'était pas là un éventail exhaustif. Pour l'heure, cela lui permettait de garder un certain rythme dans son discours.
« Je vais certainement aller pas à pas, en espérant que cela permette un meilleur traitement de tout ceci. N'hésites pas à me le dire si tu as l'impression que ce n'est pas le cas ou si tu as d'autres choses à me dire, d'autres idées… Je me doute que tu le sais déjà, mais je trouve appréciable de le rappeler »
Il n'était pas là comme tribunal inquisiteur après tout. Se redressant légèrement, il arrêta une première fois de manipuler le puzzle, à mi-chemin d'emboîter la première pièce, semblant attendre de voir la question se dénouer afin d'enfoncer le petit morceau de métal dans son emplacement, comme la pierre à l'édifice de leur échange. Discuter lorsque l'on diverge était possible et même vital, intellectuellement, afin de ne pas rester enfermé dans ses visions des choses, pouvoir entendre d'autres arguments et faire évoluer une idée. C'était un stimulant intellectuel partagé.
« Tu dis que tu ne veux pas donner de crédit à ces deux femmes. Luna et Orfraie. Tu dis qu'elles n'ont rien fait pour mériter ce crédit, parce qu'elles ne se sont pas jurées à la Caste et que cela t'a déçu. Ce que je ne comprend pas, c'est que tu dis également que c'est leur droit. Je n'arrive pas à comprendre cette logique, à comprendre comment tu peux affirmer qu'elles ont le droit de refuser leurs devoirs, et leur en vouloir par la suite de prendre ce droit. C'est déjà une première chose… une seconde, qui y est liée… c'est que tu penses qu’honorer correctement les anciens dragonniers serait leur donner du crédit. Non, cela n'a rien à voir, et si quoi que ce soit, rappeler ce que les anciens dragonniers ont pu accomplir serait mettre en lumière ce qu'elles, elles n'ont pas fait. La comparaison, c'est l'apanage de nos races, tu le sais aussi bien que moi »
Après un bref instant, il reprit un grain de raisin, et le fit un instant jouer entre deux doigts, ayant déposé son jouet dans son giron. Il faisait tout pour dédramatiser le sérieux de la discussion, car il avait toujours en mémoire l'impression de méfiance et de tension d'Aldaron. Une fois déjà il lui avait dit de ne pas le voir comme un adversaire et il y tenait profondément. Tout ceci ne changeait pas ce qu'il éprouvait pour lui, c'était construire, tout simplement.
« Peux-tu déjà me dire ce que tu en penses ? »
Ivanyr s'était installé près des plaques de verre, pour observer l'extérieur tout en gardant un œil sur Aldaron. La journée avait été plus permissive, à l'égard de ce dernier, et c'était la raison pour laquelle ils avaient, d'un commun accord, décidé de revenir sur un sujet abordé précédemment. N'avait-il pas émit, ce jour là en revenant de la falaise, la volonté d'aborder de nouveau leur mésentente afin de la tirer au clair ? Il avait eut tout loisir de digérer le premier impact viscéralement négatif qu'avait causé le discours de l'elfe, et il avait réfléchit, comme il le lui avait dit. Foncièrement, le vampire n'avait pas changé sa propre posture aux sujets abordés, mais cela ne voulait nullement dire qu'il n'y avait pas d'échange à avoir, bien au contraire. C'était justement parce qu'ils n'avaient pas les mêmes avis qu'il y avait des choses à dire, les premières étant majoritairement destinées à éclairer les milles et unes choses qui lui semblait discordantes dans l'esprit de son compagnon. Détournant finalement son regard céladon de la grande baie vitrée qui embrassait le paysage extérieur avec appréciation, Ivanyr se tourna finalement vers Aldaron, et tandis une main vers une robe ronde et purpurine qu'il décrocha pour la faire croquer sous sa canine. Les vendanges les plus tardives avaient été riches en surprises.
« Excuse moi, je peine à ne pas vouloir profiter du temps extérieur. Mais ça ne veut pas dire que je ne valorise pas notre échange »
Lui dédia un sourire calme, il prit le temps de rassembler ses pensées, se faisant ainsi la réflexion qu'Aldaron le poussait à agir comme Achroma l'aurait fait. Ce n'était pas volontaire, mais si l'Aîné avait adopté le parti du calme et de la rhétorique ce n'était sans doute pas pour rien. S'énerver sur une controverse n'apportait pas grand-chose. Bien entendu, il ne se faisait nulle promesse, ne sachant pas réellement s'il pourrait tenir à ces bonnes résolutions, mais en tout cas le processus était intéressant et enrichissant, il ne pouvait et ne voulait pas le nier.
« La dernière fois, j'ai eu l'impression que tu mélangeais énormément de sujets différents, de choses différentes. J'ai ressenti tes explications comme un imbroglio de bile, je dois l'admettre. J'avais besoin d'essayer d'y voir plus clair avant d'adresser quoi que ce soit de ce que tu m'as dis »
Le vampire jouait distraitement avec un puzzle de métal installé sur ses genoux, cadeau de Cybele qu'il avait vu récemment et qui pensait que cela l'aiderait à focaliser et diriger tant ses pensées que sa magie. Et l'exercice était bénéfique de nombreuses façons. Il lui permettait effectivement de réfléchir posément tout en s'occupant les mains, il lui permettait de se vider l'esprit lorsqu'il en avait besoin, il lui permettait de projeter les problèmes qu'il rencontrait pour leur donner une forme concrète… et ce n'était pas là un éventail exhaustif. Pour l'heure, cela lui permettait de garder un certain rythme dans son discours.
« Je vais certainement aller pas à pas, en espérant que cela permette un meilleur traitement de tout ceci. N'hésites pas à me le dire si tu as l'impression que ce n'est pas le cas ou si tu as d'autres choses à me dire, d'autres idées… Je me doute que tu le sais déjà, mais je trouve appréciable de le rappeler »
Il n'était pas là comme tribunal inquisiteur après tout. Se redressant légèrement, il arrêta une première fois de manipuler le puzzle, à mi-chemin d'emboîter la première pièce, semblant attendre de voir la question se dénouer afin d'enfoncer le petit morceau de métal dans son emplacement, comme la pierre à l'édifice de leur échange. Discuter lorsque l'on diverge était possible et même vital, intellectuellement, afin de ne pas rester enfermé dans ses visions des choses, pouvoir entendre d'autres arguments et faire évoluer une idée. C'était un stimulant intellectuel partagé.
« Tu dis que tu ne veux pas donner de crédit à ces deux femmes. Luna et Orfraie. Tu dis qu'elles n'ont rien fait pour mériter ce crédit, parce qu'elles ne se sont pas jurées à la Caste et que cela t'a déçu. Ce que je ne comprend pas, c'est que tu dis également que c'est leur droit. Je n'arrive pas à comprendre cette logique, à comprendre comment tu peux affirmer qu'elles ont le droit de refuser leurs devoirs, et leur en vouloir par la suite de prendre ce droit. C'est déjà une première chose… une seconde, qui y est liée… c'est que tu penses qu’honorer correctement les anciens dragonniers serait leur donner du crédit. Non, cela n'a rien à voir, et si quoi que ce soit, rappeler ce que les anciens dragonniers ont pu accomplir serait mettre en lumière ce qu'elles, elles n'ont pas fait. La comparaison, c'est l'apanage de nos races, tu le sais aussi bien que moi »
Après un bref instant, il reprit un grain de raisin, et le fit un instant jouer entre deux doigts, ayant déposé son jouet dans son giron. Il faisait tout pour dédramatiser le sérieux de la discussion, car il avait toujours en mémoire l'impression de méfiance et de tension d'Aldaron. Une fois déjà il lui avait dit de ne pas le voir comme un adversaire et il y tenait profondément. Tout ceci ne changeait pas ce qu'il éprouvait pour lui, c'était construire, tout simplement.
« Peux-tu déjà me dire ce que tu en penses ? »