Un jardin à Aldaria
Le 9 mai de l'an 7
Le 9 mai de l'an 7
La douce brise du matin se glissait avec nonchalance dans la longue chevelure pâle du Chantebrise. L'air était encore frais, mais après un séjour dans le Désert étouffant, il ne pouvait qu'en apprécier les effets, comme s'il était à nouveau capable de respirer normalement. À cette heure où le soleil ne devait pas encore avoir fait beaucoup de chemin, même la grande ville était calme et il pouvait en apprécier les premiers murmures au cours de sa marche. Les choses susceptibles de se trouver sur son passage étaient alors moins nombreuses et même s'il n'avançait jamais à une allure très rapide, son esprit était sans doute bien plus tranquille.
Ses pas hasardeux le menèrent jusqu'à ce qui devait être un jardin, car les vibrations lui indiquaient bien plus d'êtres végétaux autour de lui et même s'ils n'étaient pas les plus bavards des compagnons, en tant qu'elfe, il en appréciait plus que tout la présence. Rapidement, il trouva un endroit où s'asseoir et, sortant sa flûte, il entama quelques premiers échauffements. Toujours passionné de musique, il s'exerçait à ses instruments et au chant chaque jour, sans exception, trouvant toujours quelque chose à travailler, à améliorer.
Une fois ses doigts déliés, il joua quelques mélodies qui lui venaient en tête, puis décida de changer d'instrument et brandit cette fois-ci sa petite harpe dont il ne se séparait jamais au cours de ses voyages. Même s'il préférait la flûte en tant qu'instrument, elle ne lui permettait pas de s'exercer au chant et il lui avait donc fallu en apprendre un autre pour être un véritable baptistrel.
Sa voix, à la fois claire et lumineuse, s'éleva dans les airs sans jamais perturber le calme qui régnait encore. Il ne subsisterait plus très longtemps, peu à peu, il sentait autour de lui de plus en plus de présences, alors que les gens s'éveillaient et se rendaient chacun leur tour dans les rues pour vaquer à leurs occupations.
Amaury, lui, semblait s'être intégré au décor de cette ville qui s'agitait doucement, bien loin de l'empressement qui agitait les hommes, comme s'il était devenu depuis bien longtemps l'un des éléments de ce jardin. Il se sentait bien ici, rien ne semblait troubler la paix qui habitait les lieux, pas même ces hommes angoissés, pressés, qui parcouraient rapidement les rues non loin de là. Dans son chant léger, tel un souffle du vent, on pouvait sentir son sourire et toute sa luminosité. Il y avait comme une joie sereine qui s'infiltrait dans l'air pour atteindre le cœur des passants, les traverser, emportant avec elle toutes leurs peines.
Les yeux mi-clos, lui-même se laissait porter par le rythme de ses doigts et de sa voix, sans véritablement réfléchir à ce qu'il faisait, se livrant entièrement à son intuition. Il aurait pu passer des heures ainsi à tisser autour de lui un monde de paix à l'aide de sa musique si un cri soudain ne l'avait pas interrompu brutalement. La voix d'une femme, un bruit de chute... Il ne fallait rien de plus pour qu'il se lève et s'élance dans sa direction, immédiatement soucieux de cette douleur qu'il semblait avoir lui-même ressentie au travers des vibrations.
Il restait prudent pourtant, n'ayant pas envie de trébucher à son tour ou de percuter qui que ce soit, mais par chance sans doute, il réussit rapidement à se frayer un chemin jusqu'à elle et, tout en s'agenouillant, il tendit un bras dans sa direction pour l'aider à se relever.
« Est-que tout va... »
Un éclatant sourire interrompit brutalement sa voix lorsqu'il réalisa qu'il connaissait la jeune femme, qu'il la connaissait même très bien, malgré les siècles qui les avaient séparés. Pourtant, au fond de lui, ce laps de temps lui paraissait maintenant ridicule, comme s'ils ne s'étaient jamais vraiment éloignés et qu'ils étaient tous deux restés les mêmes.
« Astrea ! »
Le Chantebrise laissa échapper un léger rire, plein de bonheur. Alors elle était toujours aussi maladroite, n'est-ce pas ? Combien de fois l'avait-il vu chuter ? L'image de sa chère cousine était encore bien présente dans sa tête, comme s'il n'avait jamais perdu la vue et qu'il pouvait bel et bien la voir.
« Ça alors ! Je n'aurais jamais imaginé de trouver à Aldaria ! »