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10 novembre

Comment pouvait-il se permettre? Elle savait très bien qui il était, il pouvait bien être Triade, roi ou juste un enfant du peuple, son respect pour lui ne venait pas de là. Comment pouvait-il se permettre? Se répétait la veuve en pestant. Il avait été difficile de cacher sa colère dans le bateau, elle lui en voulait de la provoquer ainsi. Que pouvait-elle bien lui répondre? Il n’y avait rien à répondre, rien sur le coup. Au risque d’exploser et de parler sans réfléchir. Elle ne voulait pas faire ça, pas à Aldaron. Et cela l’énervait, elle qui était habituée de ne jamais avoir à faire attention à son entourage. Les gens qu’elle aimait lui pardonnaient tout. Depuis le début, Matis ne lui en avait jamais voulu, même lorsqu’elle avait été déraisonnable. Saemon ne lui avait jamais rien reproché, alors qu’elle l’avait utilisé comme un véritable défouloir.

Et la flamme de son caractère explosif, que Saemon glorifiait, que Matis lui avait pardonné jour après jour, que les autres n’avaient pas vu : on l’avait rassuré de sa nécessité, de sa beauté, de sa force. Maintenant, on lui en voulait et sa propre critique était la plus sévère. La critique n’avait pas d’importance lorsqu’elle venait des barbares d’Almaréens qui empestaient Gloria, ou des nobles qu’elle avait haï à la même époque, les mêmes pour lesquels elle avait travaillé.

Mais elle respectait Aldaron. Et il était son ami. L’avait-elle déçu? Cela l’enrageait, de vouloir être en désaccord avec lui et de détester l’être à la fois. C’était son droit, de lui prononcer son désaccord, n’était-elle pas sa conseillère?

Peu importe le temps qu’elle passait à penser à ce qu’il lui avait dit, Autone ne trouvait aucune réponse adéquate. Serait-elle en colère?
« Je ne sais pas… »

Elle savait sa propre imprévisibilité. Elle ne savait pas, c’était impossible à prévoir. Entre la colère et l’acceptation il n’y avait qu’un fil.    

***

Elle avait installé une tente avant de commencer à venir en aide aux blessés. Et elle avait commencé le soir même. Inutile d’éviter Aldaron puisque le Bourgmestre semblait débordé. Qui plus est, il avait une garde très serrée. Autone mit de côté, dans un coin de sa tête, les pensées qui l’avaient tracassées le long du voyage. Elle n’y pensait plus, quand au lendemain Aldaron l’avait fait appeler. Autone avait aussi appris qu’il y eût un incident avec Ivanyr, concernant un baptistrel, mais elle n’avait pas plus de nouvelles. Elle ne l’avait pas revu depuis non plus et le manque de clarifications l’inquiétait. Avoir de ses nouvelles était une motivation suffisante pour affronter la conversation qu’elle devait avoir avec Aldaron. Beaucoup trop de choses lui faisaient peur, en cet instant.

Elle se rendit jusqu’à la tente du Triade. Pour la première fois depuis des mois, il lui semblait étrange d’être escorté. Lorsqu’elle baissa les yeux, elle comprit la source de son malaise. Ses vêtements étaient les mêmes que ceux qu’elle avait porté, dans son voyage vers les galeries, avant l’ascension du tyran. Dans le désert, aussi. Suffisait-il d’une robe pour se sentir différente? Autone tenta de retrouver son expression neutre, presque hautaine. Elle leva la tête.

C’était étrange, pour la première fois.

Elle entra silencieusement et croisa son regard. La veuve était calme, à présent. Elle entre ouvra les lèvres et eût peur, un moment, avant d’oser parler.

« Marchons. C’est étouffant de rester à l’intérieur des tentes. »
La petite veuve se retourna, passant le pas de son escorte qui était restée à l’extérieur et s’était attendue à rester postée plus longtemps.

« Qu’est-il arrivé à Ivanyr? J’ai entendu qu’il y avait eu un incident. » Elle fronça les sourcils d’inquiétude.  « Comment va-t-il? »  

Elle baissa la tête, ne lui laissant pas vraiment le temps de répondre. La nervosité la fit enchainer aussitôt. Mais sa voix était calme, elle avait eu le temps de voir la poussière retomber. Elle enfilait rapidement, mais doucement, ses phrases. «J’ai pensé à ta question.»  


« Je serai en colère si tu n’essayais rien avant d’en arriver là. Tu m’as demandé conseil et tu as eu ma réponse et mes attentes. Si tu es décu…
Pense à un peuple qui ne serait jamais en colère. »


Elle soupira en balançant la tête vers l’arrière, jetant son regard sur le ciel clair. « C’est un devoir de s’insurger. De s’opposer. C'est pour ça que tu t'es retrouvé là. Mais tu es le réceptacle de toute cette haine et ça peut faire mal. »  

Elle s’entendait être enfantine et s’embarrassait elle-même.  « Crois-tu que je suis ‘’Moi’’ dans ce rôle? Quand je lève la tête, quand je ravale mes réactions? On ne peut pas se permettre d’être …soi… Parce qu’un rôle aussi public implique une image qui sert de bouclier. Je ne t’apprends rien. Je te demande d’être conciliant. Mon attente n’est pas que tu réussisses cette intervention diplomatique mais que tu essaie. »  

Puis le silence lui retomba dessus, lourd et nerveux. Elle avait peur de perdre d’avantage. Elle avait peur de perdre l’amitié d’Eleonnora et d’Aldaron à des différents politiques. Elle avait peur de revoir ses alliés devenir ses ennemis. De revoir la douleur sur les visages et de perdre son espoir. Qu’en était-il de la sagesse? N’étais-ce pas un commandement d’origine?

Le monde avait perdu tant de sens et il n’en restait presque plus. Elle aurait voulu qu’on lui laisse ces miettes de foi, qui s’effritaient dans l’air. Elle avait peur de ne pas avoir le temps d’attraper quelque chose avant qu’il ne reste plus rien. [/color]

Dernière édition par Autone Falkire le Mer 3 Oct 2018 - 1:30, édité 1 fois

descriptionAvant que tout ne s'effrite (Aldaron)  EmptyRe: Avant que tout ne s'effrite (Aldaron)

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    10 novembre 1762

    L'eau avait lavé sa longue chevelure blanche que sa femme de chambre – ou de tente, en ces circonstances – était en train de tresser soigneusement. Il devrait arrêter de sauter dans le vide avec Ivanyr, l'eau de la mer n'aidait pas à garder l'immaculée indemne. Il s'en moquait bien, au fond, c'était si peu de choses. Si c'était à refaire, il recommencerait. Il avait encore la sensation de froid sur ses lèvres et son regard était vague, lointain. Il avait l'air absent, alors qu'on lui plaçait son armure en mithril convenablement sur ses épaules, par dessus le tabard que son fils adoptif avait fait pour lui. Il enfila ses gants de cuir alors qu'on ajoutait sur ses épaules, comme les mille et un poids invisibles des responsabilités, celui d'une cape d'un bleu irisé. L'arrivée de la veuve le tira de ses pensées alors qu'il se remémorait l'avoir conviée à le rejoindre ce matin. Il y avait, dans les émeraudes tranchantes, cette habituelle froideur régalienne, comme un animal dompté mais encore sauvage et dominateur sous ses traits bien lissés. Il y avait cependant quelque chose de singulier dans les yeux d'Aldaron. Quelque chose qu'Autone n'avait plus vu dans ses iris depuis Morneflamme, quelque chose d'inédit et plein d'espoir : la vie. Il y avait cet éclat inattendu, enseveli sous la douleur et les inquiétudes, mais infiniment présent. Si c'était discret pour les lambdas mortels, Autone avait, avec lui, cette proximité certaine qui lui conférait la capacité de remarquer ce genre de détail plein de sens.

    Sortir. Soit, il la suivait. Il était loin de faire le difficile et s'il valait mieux que leur discussion connaisse l'intimité relative d'une tente, leur moral ne s'en porterait que mieux en dehors. Sur le campement, tout semblait assez calme excepté la tension ambiante. Tout un chacun veillait à ne pas avoir un acte déplacé ou un bruit trop soudain, craignant que l'autre camp prenne cela pour une attaque. Sa garde le suivait, inévitablement, alors qu'il marchait entre les allées aux côtés de sa Conseillère. Il entrouvrit les lèvres pour répondre au sujet d'Ivanyr mais il n'eut guère le temps de s'exprimer. Il fut la patience incarnée, comme bien souvent, acceptant de l'écouter jusqu'au bout de ses explications. « Si tu n'arrives pas à être toi, dans ce rôle, c'est peut-être parce que tu n'es pas encore arrivée à asseoir ta place. » C'était un long combat que d'être soi. Mais c'était plus facile pour lui : toute sa vie était mensonges et vérités. Être soi-même, c'était jouer cette ambiguïté de lui-même et s'affirmer en tant qu'homme chaotique et en tant qu'homme bon.

    « Je n'ai pas d'image, Autone. Les images, c'est bon pour ceux qui n'ont pas confiance en ce qu'ils sont. Des personnes qui se cherchent et tâtonnent dans un environnement qui leur fait peur, qui leur est hostile ou qui n'est pas en adéquation avec eux. Nolan est de ces hommes. Toi, peut-être également. Mais... Tu n'as rien à prouver dans ton rôle. Rien à me prouver, je sais que tu es faite pour incarner le Conseil dont j'ai besoin. C'est pour cela que je t'ai appelée à mes côtés, en avril. Tu devrais te faire d'avantage confiance. Même lorsque je me montre rude. Surtout lorsque je me montre rude. » Son regard quitta l'horizon de sa progression pour se poser sur elle, un instant, avant de revenir devant lui. « Je vais négocier, je te le promets. Beaucoup aspirent à avoir toujours raison. Pour ma part, je rêve d'avoir tord, au sujet de Nolan, au sujet de cette guerre interminable. Il me semble qu'elle ne pourra jamais s'achever tant que les Kohans seront sur le trône. Chaque épreuve nous ramène à ce point, à cette protestation, à cette contestation de sa légitimité. Je crois qu'il est vain d'embrasser le rêve d'Armistice et c'est pourtant le mien, de rêve. »

    Un soupir souleva son torse, mais son pas restait lent et régulier. « Je n'ai pas d'image. En m’écoutant, j'enverrai paître l'empire mais... Cela ne veut pas dire qu'en tentant ces négociations, je m’inhibe au profit d'une image de sagesse. Je ne suis pas la sagesse. Mais je suis un homme qui tient à ses amis et tu es de ceux-là. Lorsque je me présenterai devant Nolan pour négocier, je serai moi. Lorsque je gouverne Caladon, je suis moi. Je n'effacerai jamais plus ce que je suis au profit d'un autre être. Je ne retournerai jamais plus à Morneflamme. » La prison avait déformé sa personnalité. Il refusait qu'on vienne à nouveau la modeler pour la bonne joie des habitants de Caladon. Il était lui. C'était ainsi qu'il était devenu bourgmestre. Il ne changerait pas pour plaire. Il agirait en son âme et conscience. Dusse-t-il être défait de ses fonctions : il n'agissait pas pour son image. « Quant à Ivanyr... Il me cherchait sans me trouver et... Une baptistrelle a voulu le calmer en le plongeant dans un rêve. Ça a mal tourné. Il a... Revécu une partie houleuse de l'histoire d'Achroma. Sa mort. » S'il lui avait parlé de qui était Ivanyr ? Pas encore et ce serait probablement la raison. « Donc il a... Explosé magiquement, fort heureusement en direction de la falaise, sans quoi, il n'y aurait plus de campement. Il a été mené dans ma tente et Purnendu s'est occupé de lui. Je crois... Qu'il ne va pas trop mal. Du moins, j'ai l'impression qu'il est rassuré. Je le sens, je le suis. Et je veillerai à ce que cela ne se reproduise pas. Je tiens à lui. Énormément. »

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Son sourire pâle s’étira, tremblant et sans joie, cet air cinglant dans les yeux. Sa façade, c’était ici qu’elle devait la mettre, devant le peuple et entourée de gardes. Asseoir sa place, qu’est-ce que ça voulait dire, exactement? Être immuable, elle, conseillère de Caladon et cœur de pierre. Pourquoi? Ce qu’elle montrait, elle ne voulait pas le devenir. Ce qu’elle montrait, c’était pour protéger les siens et ses idéaux. Un environnement qui lui était hostile, c’est là que Aldaron avait raison. Elle était certaine que ce monde était hostile et qu’il le serait à jamais, peu importe où elle irait. Comme elle lui avait dit, elle ne pouvait plus se permettre d’être elle.

Elle ne savait pas quoi dire, son regard se couvrait d’inquiétudes. Un sourire plus sincère, mais si petit, fut la réaction de ses derniers mots. Cette tendresse discrète, elle leur souhaitait. Elle n’avait pas connu Achroma, elle ne savait pas la relations qu’ils avaient eues tous les deux. Mais c’était bien facile à deviner.

« Je suis contente qu’il se porte bien. J’aimerais le visiter, si cela ne l’importune pas. J’attendrai, s’il le faut. »  
Elle se souvenait, du souci qu’elle s’était faite alors que le Bourgmestre était tombé dans les pommes. Alors qu’elle avait attendu à l’extérieur de sa chambre pendant que son guérisseur s’occupait de lui. Les yeux marrons se posèrent dans le vide, Ivanyr disait que sa malédiction était de ne pas se souvenir. Alors qu’elle, était maudite de se souvenir. Maintenant il dire quelle malédiction il préférait.

« Nous nous sommes connus déjà dévorés par morneflamme. Tu n’as jamais vu l’enfant que j’étais avant. Je n’ai jamais vu l’elfe libre dont j’ai entendu parler. Il serait déplacé de dire que tu n’es pas toi-même alors que tu m’affirmes le contraire. Mais…Je ne sais pas comment …
Tu es loin. Même lorsque tu embrasses ta propre fille, tu es terriblement loin de toi-même. »
En cela ils étaient différents, elle ne savait comment vraiment l’expliquer autrement. « Et je suis très proche de ce que je ressens. Alors je dois me protéger, nous le faisons de deux manières différentes. J’ai senti, quand je t’ai revu, qu’une partie de toi s’est effritée ou peut-être a changé. Et tu as grandi. »  

Elle passait par quatre chemins, c’était certain. « Te souviens tu de qui j’étais? Peut-être est-ce la mort qui nous a fait grandir. Malgré ce que ce volcan nous a fait, je ne t’ai jamais vu plus vivant, plus présent qu’à Caladon, la première, comme je n’ai jamais osé être plus confiante que dans ce désert. Tu étais prêt à te battre et fier, pour protéger ce en quoi tu croyais, pour protéger tes rêves et ceux que tu aimes. Aldaron, je ne sais pas si cette partie de toi s’est effritée, mais si elle est là, dans ta personnalité distante, c’est celle que je veux voir, suivre et supporter, devant les Kohan ou ailleurs. Parce qu’elle est inspirante. »  

Elle s’arrêta, les gardes derrière elle l’imitant. Autone offrit un sourire maternel à l’elfe. Elle supporta son regard. « Et Nolan le verra. Tu me dis de me faire confiance. Fais confiance en tes objectifs et en ton pouvoir. Et pas seulement celui que ton titre te procure. » Il aurait pu lever des armées avec la confiance qu’il lui avait montré, ce jour là. Son sourire s’affaissa, elle sembla plus sérieuse, ne quittant pas son regard du sien. « Je ne peux pas être la seule à croire en l’armistice. » trembla-t-elle entre ses lèvres.

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    Autone s'inquiétait pour Ivanyr, cela se lisait dans ses yeux comme dans le ton de ses mots et Aldaron en captait l'essence sincère. Cela le rassurait, en un sens, que son vampire soit ainsi entouré de bonnes personnes qui éprouvaient pour lui une amitié authentique. L'elfe aux cheveux de lait acquiesça doucement de la tête, ajoutant à son signe les mots qui allaient de pair : « Bien sûr. Tu n'auras probablement pas à attendre pour cela. Le connaissant, il devrait reprendre dès aujourd'hui ses fonctions à mes côtés. Ma protection lui importe plus que sa propre santé. J'ai parfois du mal à exiger de lui qu'il soit égoïste. Il a beau me souligner qu'il l'est excessivement et je le crois, mais lorsqu'il s'agit de moi, il n'a... » S'il n'y pensait pas pour lui, Ivanyr était capable de le veiller jour et nuit sans repos. Bien que les vampires n'aient pas besoin de sommeil, l'esprit de l'amnésique nécessitait de se ressourcer et d'être soigné. Le bourgmestre haussa finalement les épaules avant d'achever : « Pas les pieds sur terre, et c'est à moi de les avoir pour deux. » S'il y parvenait. Il n'était pas exempt de zèle lorsqu'il s'agissait d'Achroma. Il lui arrivait d'agir sans réfléchir, juste parce que cela protégeait son lié.

    Il coula son regard sur elle, lorsqu'elle s'arrêta, laissant les mots courir à son esprit pour l'alimenter de réflexions. Il comprenait, le fond de sa pensée et la manière maternelle qu'elle avait de se comporter avec lui. Avec beaucoup de monde en vérité. Ses grossesses avaient fait d'elle une mère accomplie. « J'étais en colère contre le Tyran Blanc. C'était pour cela que j'étais si prêt à me battre : j'étais en guerre. C'était elle qui me donnait vie. C'était ce combat qui alimentait mes gestes et mes convictions. Il en est ainsi pour toute chose à laquelle on s'accroche : ce n'est que le réceptacle de nos instinct qui désirent se battre, qui veulent la guerre pour détruire ce qu'on juge inadéquat en ce monde. Tu mordrais la première main qui te prendrait ton fils pour gonfler les rangs d'une armée. Tu veux te battre pour que les graärh n'aient plus de chaînes. Si ces intentions sont louables, il n'en demeure pas moins vrai que tout ce que nous faisons par passion, tout ce que nous faisons intensément, nous le faisons en combattant. Tu dis qu'on se bat pour nos rêves et ceux qu'on aime, mais ce n'est pas parce qu'on se bat pour une cause qu'on ne combat pas contre son exact opposé. Alors tu appelles de tes vœux l'homme que j'étais, qui faisait la guerre. Et tu appelles l'homme qui croit en l'Armistice. »

    Il écarta les mains alors que ses paumes se tournaient vers les cieux, comme pour souligner le paradoxe de ce qu'elle lui réclamait. « Si je te donne cette impression d'être loin, c'est parce que je n'ai rien à combattre pour l'heure. C'est parce que la menace tyrannique, que je hais de tout mon cœur, est si loin en notre monde, si on le regarde avec objectivité... Et si proche à la fois. Je suis probablement la seule menace qui puisse décider d'écraser ce monde s'il me prenait de me battre. Si je décidais de vivre. Et en vérité, ça n'est pas si loin de se produire. Lorsque l'incident à Cordont sera réglé, d'une manière où d'une autre, je laisserai mes fonctions de bourgmestre derrière moi. Je ne dois pas être la main qui dirige car je finirai par détruire ces idéaux de démocratie qui grandissent à Caladon. C'est aussi pour cela que je suis loin. » Ferma les yeux, l'elfe expira l'air de ses poumons avant de reprendre une marche régulière. « Si je me bats... Je suis un roi. »

    Ses mains se rejoignaient, se calant dans son giron : « Je ne peux pas croire avec toi en l’Armistice, car je sais que si elle tient aujourd'hui, ce ne sera que pour désirer se briser ensuite. Les négociations frustreront toutes les parties et, Armistice après Armistice, cela gonflera et grondera. Je serai là, à chaque fois, pour l'étouffer, je t'en fais le serment comme je l'ai fait à moi-même. Mais je sais aussi que lorsqu'elle ne tiendra plus, elle fera autant de ravages qu'elle permettra de reconstruire quelque chose de nouveau ensuite. Alors je n'ai pas peur et j'aimerais que tu cesses de trembler face à la guerre. Elle est la rivale comme l'amie de la paix dont nous rêvons. La destruction et la construction sont un cycle éternel. »

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Elle voulait parler d’Ivanyr, mais deux conversations se jouaient au même moment et l’autre était bien plus sérieuse. Et plus les mots coulaient des lèvres du Bourgmestre, plus le regard du rossignol se perdait dans le néant. Elle suivi son pas, s’effaçant doucement d’elle-même, son esprit partait dans l’ailleurs. Son teint pâlissait progressivement, mais la veuve restait droite.

Évidemment qu’il le savait, non pas parce qu’il le lui avait demandé, ou parce qu’il la connaissait. Il avait appris, peut-être des lèvres d’Ivanyr. Peut-être d’autres murmures. Elle avait envie à présent de tout lui cacher, de le traiter comme un autre membre du conseil qui ne devait pas apprendre ses intensions avant qu’elles n’arrivent à exécution. Comme Eleonnora, avec qui Autone gardait une distance sécuritaire. Qui pouvait réellement comprendre ses desseins? Le monde prenait une forme absurde et d’un coup, tout était inutile et vain. Le conseil, Caladon, le marché écarlate, jusqu’à ses enfants et son image si soigneusement forgée.

Elle marchait en silence quand, sans grimacer et sans bruit irrégulier dans sa respiration, les larmes glissèrent sur ses joues. Elle pensa aux gens qui pourraient la voir et son ventre s’agitait d’angoisse. Elle pensait à la faiblesse qu’elle montrait, mais son regard s’était ancré dans le néant. Qu’allaient-ils dire? Qu’importe qu’il y ait des ragots sur chacune de ses actions. Toutes les rumeurs qu’elle craignait depuis le début de sa vie dans la noblesse se fondait à présent dans l’absurdité d’un futur sur ce continent.

La veuve passe une main sur sa joue sans vraiment porter attention à essuyer toutes ses larmes. Elle leva sa main, la regardant un moment. Elle savait que ce n’était qu’une image, qu’elle ne tremblait pas réellement. Mais il ne savait rien de ce dont elle avait peur. Il ne comprenait pas qu’elle n’avait plus peur de perdre les siens parce qu’elle tuerait celui qui voudrait conscrire son fils. Et si elle devait apprendre à naviguer et chercher un autre continent pour protéger ses enfants, elle passerait une vie sur la mer.

« Alors j’ai tort? »  


C’est ce qu’il croyait? Tort de quoi? Et si c'était vrai? Si elle avait tort?   « Je ne trembles pas. Nos combats sont différents. J’aurais voulu me battre avec toi. »  

Elle ferma les yeux en soupirant par le nez.  « Je me bats contre une idée qui revient sans relâche dans ma tête comme un parasite…Que tout fini immanquablement par être vain. Qu’il n’y a aucune raison de continuer… »  

L’embarras s’emparait d’elle, la veuve avait envie de se retourner et d’aller se cacher dans sa tente.  « Cesses d’assumer mes motivations, mes peurs. Si tu veux me comprendre, ça ne sert à rien d’observer et de déduire. Mon image politique ne ressemble en rien à qui je suis. Tu l’as dit plus tôt, je n’ai pas confiance en moi. Je suis faible. Et je suis en colère. Et j’ai mal. Mais ça ne sert plus à rien, j’en ai assez. »  

Elle s’écarta du chemin, se dirigeant vers un endroit plus vert. Elle savait qu’un peu plus loin, il y avait un ruisseau et c’est là qu’elle voulait s’asseoir.

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    La lumière éclairait les herbes hautes, à proximité du campement, alors qu’ils abordaient les limites de leurs terres provisoires. Les reflets d’or attiraient les prunelles d’émeraude, comme des ancres distrayantes sur lesquels il pouvait détendre son esprit. Il veillait toujours, lorsqu’il abordait une pareille conversation, à trouver un tel point d’attache, afin de prendre les propos échangés avec plus de distance. L’éclat était suffisamment captivant, les larmes brillaient d’avantage, toutefois. Il l’avait probablement blessée et pour autant, il n’en éprouvait pas de remords. Il y avait des maux nécessaires et il était devenu un homme rude. Il était un protecteur dévoué à l’égard de ceux et celles qu’il prenait sous son aile mais il ne pouvait pas les garantir de lui. Ou peut-être aurait-il du lui mentir, à elle, comme aux autres, lui faire miroiter cet idéal, flamboyant de ce que sa parole charismatique était capable de faire. Elle aurait cru rêver avec lui et elle n’aurait pas pleurer. Aurait-il du ? Sa tête se secoua de gauche à droite alors qu’il la regardait partir. Il cessa de marcher, pour lui laisser de l’avance et par conséquent, de l’intimité. Il fit un signe de la main à sa garde, pour qu’ils les laissent seuls. L’arc dans son dos saurait les tirer d’une embuscade, le temps que les renforts se présentent.

    Du haut de la falaise, le vent s’engouffrait dans ses vêtements, malgré la protection de sa cape. Ses cheveux tressés sécheraient vite. Là bas, au loin, il y avait cette petite île qu’il avait partagé avec Ivanyr, à l’aube, pour célébrer leur union. Le vampire lui avait demandé qu’ils s’affichent, enfin. Maintenant que l’esprit-lié des Inséparables les avait marié spirituellement, l’elfe ne voyait pas les choses autrement. Il aurait d’autres combat à mener, l’Aîné lui offrait une autre vie. Il détourna le regard et alla rejoindre sa conseillère en fuite. La chevelure rousse se détachait des hautes herbes vertes et de l’eau aux reflets d’or du ruisseau. Le décor était apaisant, il dissonait de la tension sur le campement. Son pas régulier et mesuré la rapprochait d’elle, sans qu’il ne montre la moindre précipitation. Les mains nouées sur son giron, il était le calme incarné et ses prunelles, ornées de patience souveraine, s’accrochait à la silhouette bien connue. Il laissa un silence, lorsqu’il s’arrêta, à deux mètres d’elle à peine avant de demander : « Est-ce grave d’avoir tord ? Est-ce grave de se tromper ? »

    La question était sincère, puisqu’elle semblait le prendre avec tant de virulence ou de désespoir. « J’aimerais te rassurer, Autone. J’aimerais aussi pouvoir te dire ce qui loge et ne loge pas dans mon cœur, sans craindre que tu ne t’enfuies encore. Dois-je te mentir, comme je le fais auprès de tout autre ? Dois-je te faire miroiter la splendeur de ce que tu désires entendre… Ou puis-je avoir la main tendue d’une amie prête à écouter même ce qui lui déplaît, et à m’accepter tel que je suis ? » Il referma la distance qui les séparait et il leva doucement une main gantée pour replacer, d’un geste affectueux, l’une des mèches flamboyantes derrière l’oreille de la jeune femme. « Mon combat, Autone, c’est que jamais plus un tyran ne vienne prendre le contrôle de notre monde. Quand je me suis battu contre Fabius, contre les almaréens de Néant, contre le Tyran Blanc, contre les chimères… Je me suis battu contre des personnes et des créatures qui voulaient contrôler, asservir ou détruire le monde dans lequel je vis. Mon combat, c’est l’essence même du Marché Noir. Mais mon combat… Est en sommeil parce qu’il n’y a rien qui détruise notre monde, rien qui ne soit suffisamment dangereux pour que je me batte. Ni la Paix, ni le spectre de la Guerre ne sont des ombres suffisantes pour que je me batte. »

    Ses yeux se baissaient, trouvaient à l’eau une saveur singulière et pleine de réflexion. « J’étais là lorsque tu es née, je serai probablement là encore lorsque tu mourras. C’est toujours le même cycle qui se joue en boucle sous mes yeux… Ça naît, ça vit, ça meurt. Ça construit, ça jouit, ça détruit. Ça se répète sans cesse, tant qu’à force, je trouve cela aussi normal que tu trouves normal le cycle d’une respiration. C’est cela que d’être un elfe parmi les hommes depuis plus de quatre siècles. Tu vis avec plus de feu toutes ces petites choses que je trouve banales. J’ai besoin de plus de perturbations pour que cela vienne briser la monotonie et ce qui est en train de se produire à Cordont n’est qu’un sursaut, à mes yeux, comme des milliers d’autres. » Il relevait les yeux sur elle, cherchant son regard en retour : « Le Marché Noir est une arme puissante qui s’installe progressivement dans ces cycles sans perturbations majeures. La place qu’il prend, les liens qu’il resserre, je les vois à long terme. Et le jour où un tyran revient, je serai prêt. Le Marché Noir… Ne connaît pas la demie-mesure. Il détruit pour créer. Il détruit l’ennemi pour créer l’avenir chez mes protégés. Si je me bats, Autone… Que ce soit pour raser l’Empire ou pour imposer la Paix en Calastin, ce sera moi le tyran. La décision du Conseil que de me laisser les mains libres pour gérer l’incident à Cordont a été un exemple très éclairant de ce que je suis capable d’obtenir en ayant infiltré le Conseil de manière suffisamment majoritaire… Pour avoir en vérité les pleins pouvoirs. »

    Elle aurait beau s’insurger contre cette affirmation, elle aurait beau affirmer que tout un chacun avait son libre arbitre pour lui refuser la démence d’une décision brutale… Il savait que c’était faux et elle y participait. Les seules choses dont raffolaient les Caladonniens et son Conseil, c’était de l’or et de la liberté. Le Marché Noir les gavait du premier et mettait de la poudre aux yeux pour faire croire à la seconde. « C’est cela qui me fait peur et c’est pour cela que je ne resterai pas bourgmestre. C’est pour cela que je ne peux pas me battre vraiment. Je ne veux pas devenir le tyran que je chasse. » Il le pouvait sûrement… En armure blanche, évidement. Mais pas moins despote pour autant. Le fanatisme qu’il générait au sein du Marché Noir était un ersatz de ce que faisait habilement son charisme. « Ce n’est pas parce que je trouve un combat vain… Qu’il l’est forcément pour d’autres. J’ai tord, moi aussi. Je peux me tromper, est-ce mal au fond ? Il y aura toujours des gens pour se battre dans ces moment-là, à ma place, et je me battrai lorsque d’autres auront baissé les bras. Combien ont capitulé par faiblesse de leurs capacités devant le Tyran Blanc quand je me battais encore ? Ce n’est qu’un équilibre à trouver et nous ne nous battrons pas toujours ensemble Autone. Je t’aiderai, je te donnerai ce coup de pouce dont tu as besoin. Avec Nolan, je favoriserai la paix à laquelle tu aspires… Mais me battre, non. Si je me bats, je vais raser l’Empire… Ce serait contre productif, je vais juste me contenter d’asseoir la place de l’Alliance sur Cordont et repousser le danger, le conflit armé, au-delà de nos nouvelles frontières. »

    Il tendit une main vers elle, paume levée vers le ciel : « J’aimerais que tu aies confiance en moi. C’est ce que je te demandais lorsque je te disais de ne pas avoir peur. Je ne te demande pas d’abandonner tes combats. Je veux que tu te battes pour eux, et quelque soit la conclusion de ceci, que tu aies confiance en l’avenir malgré tout. Je serai là pour prendre le relai, dans la victoire ou la défaite. Même si j’ai tord, même si je me suis trompé, je serai là pour affronter mes échecs et je le ferai debout. Crois-tu vraiment que je te connais si peu ? »

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Elle ferma les yeux avant d’essuyer ses larmes et de s’encrer complètement dans la terre. Elle se réconfortait toujours à ce qui avait bercé ses chagrins d’enfance, c’était plus facile de revenir à des souvenirs plus simples. Penser aux racines sous ses pieds qui s’étendaient sur une distance inconnue, puis à la surface cette eau coulait si doucement et simplement. Elle ne dérangeait ni les pierres ni le sable. Autone était toujours comme un ouragan ou une tempête et jamais comme cette rivière calme qui faisait son chemin en se glissant parmi ce qu’elle rencontrait.

Pourquoi devait-elle toujours vivre tout comme un torrent? La voix de l’elfe retentit derrière elle, elle avait l’impression de s’être humiliée, d’être immature. La veuve se redressa doucement, plus droite, elle ne leva néanmoins pas la tête. « Non, mais ça peut faire mal. »

C’est son orgueil qui était blessé et son espoir qui se brisait. Elle trouvait dans les mots du bourgmestre tant du réconfort que de la tristesse. Cette idée que son existence était toute petite, de ne pas parvenir à lui donner un sens.

« C’est pour cela que je ne resterai pas bourgmestre. »

Les épaules de la veuve se relâchèrent d’un coup, ses lèvres s’entrouvrirent, comme surprise pourtant ses yeux se figeaient dans ceux d’Aldaron. Quelque chose s’était éteint en elle, un néant que la peur atteignait et elle se sentait perdre les repères de son esprit. Ses lèvres tremblèrent devant la main tendue et elle se retint d’exploser à nouveau. Sa voix, pourtant, semblait avoir une volonté propre, tremblante, elle montait le ton. Elle aurait tellement voulu rester calme.

« Mais j’ai confiance en toi Aldaron! Pourquoi est-ce que tu ne me crois pas? Je t’ai donné mon appui malgré toutes mes interrogations, malgré mon opinion et c’est parce que j’ai confiance en toi. Mais j’étais en colère que tu remettes Morneflame sur la table comme si ce n’était pas grave et que tu parles comme si rien n’importait et essaie de comprendre. J’ai vingt-cinq ans, ces trois années sont grandes, pour moi. Elles sont longues. Elles sont importantes. Matis m’a entraîné dans cette prison, moi je n’aurais jamais fait les choses ainsi. Je ne suis pas comme ça. Je serais restée dans cette maudite théocratie et j’aurais survécu. Mon meilleur ami a tenté de me tuer à cause de ce putain de dragon. »


Et ils étaient là à nouveau ces sanglots qu’elle détestait. Elle parlait rapidement et les mots s’enfilaient sans vraiment qu’elle réfléchisse à si son ami pouvait comprendre leur sens puisque la suite de ses idées n’était pas toujours logique.

« Ne ramène pas cette prison quand le sujet est déjà difficile. Les autres je m’en fiche, je peux leur tenir tête, je peux les détester ça ne me dérange pas, mais pas toi. »


Elle soupira en essuyant les larmes qui l’exaspéraient. Autone souffla un rire dans ses sanglots, elle sourit doucement à l’elfe. « Je ne pleure même pas parce que tu m’as blessé Aldaron, je pleure parce que je ne veux pas travailler sans toi. J’admire que tu veuille quitter tes fonctions parce que cela entre en conflit avec tes convictions. Je ne veux pas te faire changer d’idée. C’est juste ébranlant. »

La dame souffla pour reprendre son souffle et son calme. « Tu m’a montrée que je pouvais renaître, quand je croyais m’abandonner, que je pouvais être moi, pour moi et pas pour l’homme que j’aime. J’aimais Matis, mais je n’ai jamais cru qu’il fallait vivre pour une autre personne. Je suis un désastre d’instabilités mais même si je peux m'emporter, tu auras toujours ma main tendue, Aldaron. »

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    La voir pleurer, c’était comme plonger ses prunelles de glace dans un feu ardent : cela faisait mal rien qu’en approchant, rien qu’en entendant sa respiration se hacher, saccadée, puis éclater dans les sanglots. L’elfe n’aimait pas la voir pleurer. Il n’aimait pas voir les humains pleurer en général. Peut-être était-ce déplacé, mais il les voyait comme ses enfants émotifs, capable de vivre leurs passions comme un feu de paille. Et elle, c’était probablement plus douloureux que pour d’autres humains. Elle, il s’était attaché à elle dans dans ses heures les plus tourmentées, celles où sa conscience avait côtoyé la porte de la folie. L’avait-il traversée ? L’avait-elle vu faire ? Elle était touchante à sa manière, ne faisant que renforcer le désir qui était le sien que de lui offrir ce qu’elle demandait… Mais son pragmatisme le refusait encore, bloqué par la raison et sa propre logique, implacable.

    Les mires verdoyantes se baissaient sur l’une des dextres avant que ses deux mains, à la peau d’une couleur rose cendré, ne se referment sur leur homologue. Ses doigts lui semblaient petits entre les siens, et un peu plus froids aussi. Il serrait doucement sa menotte, donnant cette impression de force et de douceur à la fois. Au sein du Marché Noir, il n’était pas rare qu’on lui formule pareille allégeance, pareille affection. C’était à la fois grisant et troublant, la dévotion qu’on louait à sa cause. Il l’observait comme une personne qu’il adorait mais dont il peinait à comprendre l’adoration réciproque. Au fond, peut-être que c’était lui qui n’allait pas bien. « Je ne serai plus bourgmestre… Mais cela ne signifie pas que nous ne travaillerons plus ensemble, Autone. Je resterai probablement au Conseil de Caladon. Et je reste toujours la Triade. Et toi, ma déléguée. » Cette relation de travail là ne serait pas impactée par sa décision. Il avait été la chercher pour cela, lors de son arrivée dans la Cité Libre.

    Il pencha doucement la tête sur le côté, captant son regard de sa tendresse régalienne, présente mais pleine de réserve et de noblesse : « Je suis désolé de mes mots au sujet de Morneflamme. Tu avais droit d’être en colère. Et j’avais droit de croire être allé trop loin pour ton pardon. » Mais ça n’avait pas été le cas. Il serra brièvement un peu plus sa main avant de la relâcher à sa liberté naturelle. « De telles années ne s’oublient pas si facilement. Tu n’auras peut-être pas assez de ta vie, et moi de la mienne. » Il lui soulignait là qu’il allait traîner son cauchemar plus longtemps qu’elle, même si ces trois années avaient étaient peu de temps pour lui. Il n’en demeurait pas moins vrai qu’ils avaient vécu une expérience psychique extrêmement désagréable et intense. « Mais en dépits de l’horreur, elles nous ont unis, toi et moi. Où serais-tu, aujourd’hui, si tu avais survécu dans la Théocratie ? » Ses enfants, ses convictions. Qui aurait-elle été ?

    En vérité, il n’était pas vraiment possible de savoir. Tant de paramètres entraient en jeu pour qu’on puisse donner une réponse fiable. Mais il était certain qu’elle ne serait pas à côté de lui aujourd’hui, ni comme amie ni comme alliée fiable : il ne l’aurait pas tolérée. « C’est fini, la Théocratie. C’est fini, Morneflamme. C’est fini, les chasses à l’homme tyranniques. » Le Tyran avait envoyé Achroma, jadis, pour le retrouver et l’Aîné y avait été contraint. Il avait bien failli le tuer. « J’ai besoin de toi, au sein du Marché Noir. J’ai besoin de toi à l’exacte place où tu te sentiras le mieux, alors… J’ai besoin de savoir si le rôle que tu joues te convient ou si tu aspires à d’autres choses. » Il eut un fin sourire, passant à peine le marbre de son visage avant qu’il n’ajoute : « Et j’ai besoin de toi comme témoin, à mon mariage. » Cela faisait beaucoup de nouvelles, en une seule fois… Mais il avait beaucoup à lui dire et peu de temps pour le faire, eu égard de ce que lui demandait les affaires à Cordont.

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Cette proximité la déstabilisait et la rassurait à la fois. Il n’y avait pas si longtemps, elle s’était sentie seule, elle avait eu peur que tous ceux qu’elle aimait soient loin d’elle, séparés par la guerre, ou plutôt les guerres. Et ces gens qui étaient restés ne l’abandonnaient pas, comme Autone s’y attendrait. « Oui, j’oubliais, tu as raison » Ria-t-elle, sa voix encore dans l’émotion.

Elle était surprise, à vrai dire, qu’il s’excuse. Comme si c’était la première fois qu’elle entendait ces mots, elle le regarda, l’air intriguée. Le rossignol était habitué à des relations où elle était celle qui pardonnait, pourtant sa savoir si toujours il y avait quelque chose à pardonner. Elle ne savait pas, qu’elle manipulait les gens sans le vouloir. Et en trouvant une situation de conflit plus normale, elle ne comprenait plus.

La veuve préférait ne pas penser à ce qu’elle aurait été, parce que ce n’était pas un possible, cela la torturait, lorsqu’elle trouvait des réponses. Elle ne savait pas, mais elle ne serait pas veuve. Et Matis, peut-être, peut-être serait-il en vie? Une partie d’Autone se retenait, du plus fort d’elle-même, d’en vouloir à Aldaron d’avoir retrouvé ce qu’il avait perdu. C’était si facile, d’être indifférent de voir l’histoire se répéter, quand l’apparition d’Achroma l’avait soudain ravivé, comme si le vampire l’eût fait renaître. « C’est fini » Répéta-t-elle silencieusement. Elle posa son regard sur le sien, songeant qu’il la réconfortait comme on le faisait avec une enfant.

C’est fini, c’est fini, c’est fini.

Parfois elle s’attristait de constater que c’était faux. Son esprit devait encore se libérer de la prison. Se libérer de son corps et de son cœur abimé par elle.
Le rossignol sourit sincèrement, manquant d’ouvrir les lèvres pour prononcer sa gratitude avant d’être interrompue par la nouvelle. Son visage s’illumina d’un sourire et de surprise, « Aldaron! » ses mains se joignirent devant sa bouche alors qu’elle se retenait de réagir. « Je ne sais pas quoi dire, c’est merveilleux. Vous …vous méritez. Je suis touchée. »

Hésitante, elle ne savait plus où donner de la tête avec toutes ces nouvelles et prit une pause avant de redescendre les mains. « J’aimerais… J’aimerais faire plus. Je ne sais pas si le conseil me conviendra toujours, ce n’est pas moi mais je ne crois pas qu’en sortir soit la solution pour me faire confiance et me retrouver. Je veux rester à cette place, mais je veux aussi faire plus, au sein du Marché noir. Pas seulement servir de yeux et d’oreilles sur le siège que j’occupe à Caladon. Je suis remplaçable, ici, comme le magistrat et toi, entendez et voyez les mêmes choses que moi. » Autone baissa les yeux, semblant réfléchir puisqu’elle n’avait pas pris le temps de le faire avant, même si elle savait depuis longtemps qu’elle voulait plus. « J’ai continué de travailler dans la guilde marchande après la mort du tyran et j’ai… de l’expérience depuis plus longtemps encore. À Gloria, toutes mes transactions étaient classées, compatibilisé. Il n’y avait rien que j’acceptais de négliger, peu importe…peu importe ce que cela représente dans les bonnes mœurs… » Savait-il? Ils n’en avaient jamais parlé. Elle avait tout fait pour oublier, pour faire semblant que ce n’était jamais arrivé, Toute cette partie de sa vie, tout ce quartier et ce climat qui l’avait vu grandir, elle avait voulu l’effacer. Elle y aurait jeté un encrier comme pour le couvrir. Elle avait si honte, elle payerait cher si elle pouvait effacer entièrement ces années de toutes les mémoires.

« J’ai commencé jeune et je me suis instruite, toute seule. Je ne sais pas, ce que je veux faire, à vrai dire une partie de moi a peur de vouloir plus parce que… » Elle fronça les sourcils, baissant la tête, la veuve prenait conscience de sa propre réalité à mesure qu’elle en parlait. « Ça m’a toujours mené à des désastres… » marmonna-t-elle. Elle leva les yeux pour regarder les émeraudes. « Qu’est-ce qu’il y a, pour une personne qui sait compter et marchander? Qui a déjà, plusieurs fois, eu plusieurs personnes à sa charge? »

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    La jeune rousse avait le visage de la surprise. Si, pour Aldaron, son mariage avec Ivanyr coulait de source, il restait assez lucide sur l’idée qu’il n’aurait pas cru la nouvelle, des mois plus tôt, au sujet de lui-même. Des siècles durant, il s’était montré tellement instable, incapable de s’attacher à quelque chose de fixe et pas seulement dans une relation humaine. Tous ses centres d’intérêts étaient sujets à divagation, il papillonnait jours et nuits. Morneflamme l’avait rendu moins expansif et expressif, mais il n’en demeurait pas moins vrai qu’il n’arrivait pas à fixer son ancre, l’acier ripait sur tout sans agripper quoi que ce soit sur son passage. Mais l’esprit-lié de l’inséparable lui avait apporté une certitude. Avait-il pu toujours attendu Ivanyr ? Était-ce lui qu’il avait cru voir en Achroma pour s’enticher et suivre fidèlement le dragonnier ? Et est-ce qu’Achroma l’avait senti, de son vivant ? Être celui qu’Aldaron attendait mais pas encore… Prêt et capable de suivre l’esprit-lié qui ne pouvait atteindre ? Était-ce lui qui avait rempli ce qu’il avait cru être des cauchemars, chaque fois qu’il revoyait les yeux céladons de l’Aîné qu’il avait pourtant brûlé sur le bûcher ? Avait-il en vérité souffert de l’absence d’Ivanyr, comme un mirage inatteignable, plutôt que du deuil d’Achroma ? Les esprits-liés étaient si sibyllins… Peut-être que Purnendu saurait lui dire, exactement, comment fonctionnait cela. Les graärhs étaient plus avancés en ce domaine.

    L’elfe à la peau de cendre esquissa un fin sourire, doux, qui venait ébrécher la surface lisse de ce visage de marbre. « Ce veut donc dire oui ? » demanda-t-il, pourtant certain de la réponse. C’était une manière de conclure là dessus. « Cela ne sera pas un grand mariage. » Une poignée de proches suffirait et son propos n’était pas sans rappeler que s’il était un dirigeant en pleine lumière, il ne s’était jamais senti plus à l’aise qu’à l’ombre. Car c’était là que se reposaient les cendres. Là où elles pouvaient être en paix, loin du vent tumultueux qui venait les soulever. C’était de ce même sentiment que naissait son désir de délaisser ses fonctions de bourgmestre. Il l’écouta jusqu’au bout, sans l’interrompre un seul instant. Cela lui laissa le temps de réfléchir. Il avait en tête tout l’arbre du Marché Noir, ses multiples embranchements et ses recoupements. A chaque fois qu’il cherchait une place adéquate pour l’un de ses fidèles, il ne se contentait pas de regarder aux postes hiérarchiques les plus proches. Sa vision était d’ensemble mais plus que tout, il jugeait de la place des siens en fonction de la confiance qu’il pouvait leur accorder… Et en dépit de leur divergence de vision sur le monde et le temps, Autone était de ceux en qui la Triade pouvait compter.

    « Oui. » souffla-t-il en première réponse, délayant le moment où il devrait entrer plus en détail dans le sujet. Et puis, après quelques secondes où il avait regardé le fond de l'eau de la rivière pour en bouger distraitement quelques cailloux, il reprit la parole : « Cordont a été le tombeau de deux conseillers caladonniens qui m'accompagnaient. » L'un était mort près de lui, alors qu'il essayait de le sauver. Le trépas n'avait pas frappé qu'à la porte voisine. « Cela appellera à des remaniements internes dans l'attente de nominations. J'aimerais que tu prennes en charge la trésorerie de Caladon. C'est un poste important, à mes yeux, puisqu'il s'agit du maillon de survie qui lie notre travail clandestin à la Cité Libre. La moitié du budget de la ville est provisionné par mes soins. Personne ne le sait, parce que personne ne le voit. C'est au trésorier de rendre cela invisible dans les opérations comptables. Je te donnerai de l'or, et tu la placeras en toute discrétion dans les caisses de la ville. Je te donnerai des marchandises que tu stockeras et ré-implémenteras dans l'économie de Caladon. Et je te présenterai le réseau de contrebandiers du Marché Noir. Tu es très douée dans ce domaine, je ne doute pas que su saches tirer les cordes, à présent que tu connais leur travail et leurs attentes. Tu es la personne adéquate. »

    Il porta son regard d'émeraude sur elle, pour jauger de son appétit au poste qu'il lui proposait. « Tu commenceras par cela en premier et tu apprendras le reste avec le trésorier actuel. Lorsque je quitterai mes fonctions de Bourgmestre, une nouvelle élection aura lieu et je favoriserai Eleonnora. Je continuerai de la chaperonner et je renforcerai la présence de mes Délégués aux Arts qui seront élus à la suite du Bourgmestre. L'idéal serait d'avoir la majorité pour que si Eleonnora failli, je puisse la recadrer avec le Conseil. » Il n'en était pas à l'abri. Sa fille était encore bien jeune et sans parler d'une faute, une simple erreur pouvait vite arriver, hélas, et il voulait être en mesure de la rattraper. « Dans cette nouvelle configuration, tu prendras pleinement ta place de trésorière. » Achevant là l'exposé de son projet, ou du moins la part du projet qu'Aldaron lui laissait entrevoir. Malgré la confiance qu'il lui portait, le secret du Marché Noir avait survécu parce que personne, excepté lui-même et sa Lame Blanche en formation, ne connaissait entièreté de l'organisation. « Te sens-tu capable de cela ? Être l'une des Dix qui me secondent, mon Éventail Blanc ? »

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Elle sembla soulagée quand elle apprit qu’il ne désirait pas un grand mariage. Elle-même, avait voulu quelque chose de tout petit, avec les sœurs de Matis et son ami le plus cher, Saemon. Son erreur avait été de lui permettre d’inviter un ami. Et Matis, de tous, avait choisi l’empereur des elfes, alors qu’elle était déjà enceinte lors de leur mariage, principale raison pour laquelle elle voulait être subtile. Elle hocha simplement la tête en souriant, pour lui répondre, évidemment qu’elle y serait, surtout s’il s’agissait d’un petit mariage.

Autone prit ensuite un air plus sérieux. Elle avait appris, la mort des conseillers, pourtant c’était resté dans un coin de sa tête. Le déni, ce n’était pas seulement de ne pas y croire, mais aussi de ne pas prendre conscience de l’impact dans la réalité après un évènement. La veuve fronça les sourcils et recula un peu la tête comme si l’on eut claqué des doigts devant ses yeux. Elle ne se permettait habituellement pas d’être aussi expressive, c’est parce qu’elle faisait confiance à Aldaron qu’elle ne ressentait pas le besoin de mettre un masque. La conseillère empêcha son esprit de vagabonder et le ramena fermement à Aldaron qui lui parlait du marché noir. Ses yeux s’illuminèrent d’intérêt quand il lui expliqua les tâches d’un poste qu’il semblait déjà avoir choisi pour elle. Entre temps, elle se demanda quand il cesserait de la secouer à chaque fois qu’il prononcerait une phrase différente.

Autone laissa s’échapper quelques secondes de silence, tentant d’absorber toute l’information. Elle savait la réponse qu’il voulait, elle savait même la manière dont il voudrait qu’elle réponde. Mais ce n’était pas elle d’être aussi pleine d’assurance devant autant d’inconnu. De l’expérience, elle en avait, mais il y avait la peur du nouveau qui ne pouvait être ignorée. « Oui, je veux le faire. Je ne vais pas te répondre pleine d’assurance et en te faisant croire que je n’ai aucun doute ni craintes. J’aurai probablement beaucoup de questions, en temps voulu, mais je pense pouvoir. J’ai été entraînée en furtivité par… un excellent maître. » Elle eut un sourire en repensant au corbeau. « Aldaron, je te pose la question avec honnêteté pour des réponses et non pour formuler des reproches. Pourquoi Eleonora? Est-ce par affection pour elle, ou parce que réellement, tu crois qu’elle est prête? Outre notre divergence d’opinion, je crois qu’elle a besoin de vivre quelques expériences, et je parle de choses spécifiques et non du terme général. La vois-tu, faire des interventions diplomatiques telles que tu as fait à Cordont? Je la connais moins que toi, peut-être est-ce le cas. Mais si c’est simplement pour avoir un de nos membres à la tête de Caladon, le magistrat aurait déjà une position solide. A-t-elle ce qu’il faut pour cette position, non seulement pour le bien des autres mais aussi pour y rester sans se briser elle-même? »

Elle ne s'inquiétait pas de leur divergence d'opinion. Sur cela, elles pourraient se rejoindre. Si Eleonnora arrivait réellement à la tête de Caladon, elle serait la première personne à savoir ce que Autone avait en tête concernant Selenia. Elle s'inquiétait réellement pour la jeune Ostiz et était ouverte que Aldaron réponde à ses questions par la positive. Mais si Aldaron, qui semblait avoir un esprit si fort, se sentait miné par cette fonction, comment Eleonnora pouvait-elle y être heureuse?

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    Il y avait de la mesure et du réalisme dans ce qu'elle répondait. Il ne venait pas de lui offrir un emploi de femme de chambre, c'est bien plus de responsabilités que cela. Il lui faudrait apprendre et vite... Mais les humains étaient très doués pour cela. C'était la raison pour laquelle il aimait à faire ce genre de chose avec une humaine. Cela l'aidait à avancer, pour ce qu'il ne pouvait pas faire seul, tout en parvenant à voire sur du plus long terme... A sa propre échelle temporelle. Être un elfe parmi les humains, c'était s'user si on ne se protégeait pas. Et lorsqu'il serait mordu, cela serait d'autant plus vrai face à l'éternité qui lui ouvrait les bras. Il avait la chance incroyable de pouvoir se préparer à la vampirisation, alors il mettait de son côté toutes ses chances. Placer des humains à des postes stratégiques, c'était leur offrir l'opportunité de leur vie, un moyen de se réaliser et de s'épanouir sous la coupole du Marché Noir. Et lui... ça le libérait petit à petit de ses chaînes.

    Aldaron acquiesça d'un signe de tête, pensif, mais son regard semblait dire qu'il était persuadé qu'elle y arriverait. Les échecs viendraient inévitablement, mais il serait là pour l'aider à se relever quand ce serait nécessaire. Parfois, il avait le sentiment d'être un père pour ces humains. C'était probablement en partie vrai, en raison de son âge. Il aurait aimé donner moindrement cette impression de perfection. En témoignait le virage que prenait leur conversation, au sujet d'Eleonnora. Certains diraient qu'il ne serait pas facile, pour la jeune Ostiz, de passer après lui. Elle était moindre posée que lui, moins flegmatique et en cela... Elle était plus humaine que lui. Plus proche de tout un chacun. Une fois encore, l'elfe sentait le fossé entre lui et son peuple d'adoption, le malaise grandissait à mesure qu'il ouvrait les yeux : il ne pouvait pas... Il ne pouvait plus rester auprès des humains. L'étreinte étouffante lui donnait envie de boucler cette affaire au plus vite et partir avec Ivanyr... Mais il ne le devait pas. Pas maintenant. Pas quand le gouffre de Cordont criait encore l'agonie.

    « Je n'en ai pas donné l'impression... Mais le poste de bourgmestre n'est pas un poste de décision. C'est une place où le charisme est la clé, où l'aura d'une personne... Fait toute la différence pour faire ployer le Conseil à ses idées. Être bourgmestre, c'est être un visage, une apparence... Sans mains pour agir. Si je n'avais pas eu l'emprise que j'ai sur mon Conseil... J'aurais été les pieds et poings liés devant Nolan Kohan et devant Tryghild Svenn. Il n'y aurait pas eu d'annexion, et nous serions probablement en train de nous battre contre le Royaume... Ou pire : être seulement discuter interminablement de la marche à suivre. » Il secoua la tête en songeant combien ce n'était bêtise que tout cela. On avait peur qu'un seul homme ne dirige, mais par cela, on créait une certaine perversion du système et sa corruption, en plus de se retrouver prisonnier, incapable d'agir quand venait une guerre.

    « Le Magistrat est un homme doué. Mais il n'est pas un homme charismatique. Eleonnora l'est. Et elle apprendra. Si j'ai le Conseil derrière moi, je lui fournirai son aval, chaque fois que ses décisions seront appropriées. Ainsi gagnera-t elle en assurance et affermira des positions justes plutôt que de chercher à plaire à son Conseil comme j'ai du le faire... Et là où je me suis montré inflexible, elle, elle pourra prendre ses marques sans se débattre et plier pour eux. C'est le poste auquel elle aspire. Avec ou sans mon aval, elle y parviendra un jour. Je préfère mille fois lui offrir toutes ses chances que de la voir tremper dans des jeux politiques ou des combines douteuses avec des fourbes ou des pirates où elle se perdra. Qui sommes nous, nous parents, pour étouffer les rêves de nos enfants ? Les empêcher, même de façon détournée, d'aller dans direction qu'ils désirent ? Parfois, même si on sait que le chemin qu'ils empruntent est semé d’embûches, qu'ils peuvent tomber, se blesser... Nous perdons plus de temps et d'énergie à les détourner plutôt que de les aider. La meilleure chose à faire c'est de les laisser avancer... Et de retirer le plus d'obstacles possibles de leur route. Mon choix n'est pas un de ceux qu'on dit raisonné. C'est un choix du cœur et je... J'en fais beaucoup en ce moment. J'espère que tu me pardonneras cette faiblesse... »

    Le doute s'engouffrait en lui, comme chaque fois qu'il prenait une décision pour les siens. Depuis qu'il n'avait plus son frère et sa sœur de cœur, ces décisions étaient solitaires et cela n'apaisait pas ses doutes. Mais peut-être qu'à elle, il pourrait parler : « Penses-tu que je fasse une lourde erreur ? »

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Elle écouta le bourgmestre calmement et sans sembler s’énerver ou se mettre en colère. Autone leva éventuellement un sourcil. Elle avait mumuse avec des pirates? Enfin, s’il le mentionnait, peut-être était-ce arrivé. Mais quel manque de jugement, il y avait des gens tellement plus intéressants à charmer pour garder dans sa toile. Essayait-elle de passer par un chemin obscur alors qu’elle ne connaissait pas les ombres, dans lesquelles Aldaron pouvait marcher comme un aveugle habitué. Tentait-elle d’imiter son père? Autone soupira, tout cela semblait très lourd, oui. Une erreur, comment dire si cela s’agissait d’une erreur? Si Eleonnora devenait Bourgmestre, Autone aurait beaucoup de travail. Elle était difficile, impulsive. Il n’était pas facile de lui parler et il fallait employer la plus grande diplomatie. Autone omettait beaucoup de choses à cette jeune femme, il ne serait pas facile de garder tous ces secrets.


« Pardon, on parle de la même Eleonnora? »
lui demanda-t-elle, un peu décontenancé mais surtout tenace. « Élevée par Crissolorio Ostiz, l’homme qui passa de bourgeois à régent en tissant une toile efficace dans le palais de Gloria. Qui m’a utilisé comme une poupée. Ne me fais pas croire que tu n’as pas idée de l’ombre qui entourait ses desseins, je n’y croirai pas.

Heureusement, elle n’a pas eu vent que Crissolorio m’a fait passer pour sa nièce à un anniversaire de Fabius Kohan, elle ignore presque la totalité de ma vie à Gloria, mais je lui ai dit que j’avais connu son père. Je lui ai dit à demi-mots ce que je lui reprochais. Et elle était d’accord avec moi. Si elle n’a pas laissé Crissolorio faire d’elle une figure de charisme aux mains liées, elle ne te laissera pas faire. Non, ce n’est pas exactement la même chose, mais désires-tu vraiment tirer les ficelles de ses décisions? La garder la plus ignorante et intacte possible, pour que tu puisses la guider, dans l’ombre? Est-ce cela, pour toi, un choix de cœur? »


Pour quelqu’un qui ne la connaissait pas, ses mots auraient pu sembler agressifs. Pourtant elle était calme, mais vive, ferme. Elle était juste comme ça et n’obéissait jamais à ce non-dit qui stipulait que les femmes devaient être moins ferventes. Elle descendit tout de même le ton pour ne pas inquiéter Aldaron qui semblait déjà plein de doute.


« Tu veux la guider? Bien, mais soit réaliste. Elle n’a rien d’une courtisane obéissante et c’est pour cela qu’elle est dans cette position. Elle va prendre des décisions. Et disons, disons seulement qu’elle déclare une guerre. Disons que je ne m’y oppose pas. Crois-tu qu’elle sera en sécurité? Ce sera beau, au début, beaucoup de gens seront soulevés par son charisme, et beaucoup aussi seront d’accord avec ses idées. Mais ensuite. Vers qui, les gens se tourneront-ils pour déverser leur haine? Quand son conseil commettra des erreurs, qui sera tenu responsable? Elle. L’enfant qui n’a jamais vu la guerre que du haut d’une tour.

Il faut qu’elle gagne ses élections avec ses propres outils. Ou alors, elle aura l’impression de ne jamais avoir été préparée une fois en fonction. Si elle veut ton aide, elle devra te le demander. Je sais que tu sauras être rigoureux, lui apprendre et non faire les choses à sa place. Lui montrer comment faire ses propres contacts et lui pointer qui elle devrait prioriser. Si tu ne lui parles pas de Morneflame, du piège dans lequel les Kohan sont tombés en finissant avec le mauvais rôle, je vais le faire.
Si tu veux l’aider, tu vas devoir le faire avec moi. Et je serai dans tes roues, mais je l’aiderai à trouver ses ailes. »

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    Ses paupières se fermaient, un instant : « Autone. » Le ton était bas, calme mais pas moins ferme. Le vert de ses prunelles revenaient, triste et perturber avant qu'il ne réponde : « Je te remercie de l'aide que tu apporteras avec ton cœur à son éducation diplomatique. Je n'en attends pas moins de toi. Car tu es quelqu'un qui a vécu. Quelqu'un qui sait. » Ses mires venaient se planter sur elle avec cette douceur fraternelle, sincère et peinée : « Mais qui ne sait pas tout. Et surtout qui se trompe : je ne suis pas un bourreau ou un profiteur. Encore moins quelqu'un qui se contre-fiche de la douleur que pourraient ressentir ses enfants ou des épreuves qu'ils pourraient traverser. A aucun moment, dans aucun de mes mots, je n'ai dit que je comptais lui cacher ce qu'était de gouverner. A aucun moment, je n'ai parlé de me servir d'elle comme une marionnette uniquement à mes fins et je suis navré si mes mots t'ont laissé croire une pareille aberration. Je place les personnes au sein du Marché Noir, à l'exact endroit où ils s’épanouiront le plus et pourront apporter le meilleur d'eux-même. Ainsi t'ai-je proposé cette place. Ainsi Eleonnora m'a demandé celle de bourgmestre. »

    Lorsqu'il avait annoncé, en juillet, partir pour le royaume elfique en voyage, il s'était entretenu avec Eleonnora pour cerner ses ambitions. Il n'avait pas été d'accord avec elle, mais avec des mots sincères, il s'était fait une place dans la raison de la jeune femme. « J'ai foi qu'elle apprendra, et si être bourgmestre est dans ses vœux, elle apprendra aussi que ce poste s'accompagne de responsabilités. Il est effectivement l'endroit où l'on reçoit la haine du peuple en pleine face. Je le sais. Combien m'ont crié au visage que je n'étais que le pion placé là par Nolan Kohan pour apaiser les tensions jusqu'à l'Armistice ? Rien n'est parfait en ce monde et si elle choisit le rôle de Bourgmestre, elle devra aussi accepter le revers de la médaille et être forte. » Autone lui reprochait de vouloir la préserver indemne et pour autant, elle affirmait qu'Eleonnora subirait la haine. Les deux n'avaient rien de compatibles et surtout : c'était horriblement pessimiste. Était-ce ainsi qu'Autone encouragerait ses propres enfants ? En envisageant leur échec avant leur réussite ?

    Avec le même calme régalien mais pas moins sincère, il s'éloignait du propos, prenait de la distance pour y revenir : « Lorsque les gens me demandent si le Marché Noir vit toujours... Je leur demande en retour s'ils espèrent avoir une réponse. Car je n'ai rien d'autre que 'non' à leur répondre. Soit je suis honnête et si le Marché Noir n'existe plus, alors je réponds 'non'. Si en revanche il existe et que je le cache, je répondrait 'non' aussi. En vérité, ce n'est pas son existence ou non qui compte, c'est ce qu'en pensent les gens. L'aura qui m'entoure par son mystère. C'est cela, plus que le Marché Noir lui-même et tout ce qu'il est capable de faire, qui me donne du poids politique. » Des mots, en somme. Du charisme, et Eleonnora en avait aussi. « Posséder une arme, ce n'est donc pas nécessairement s'en servir. Je n'aurais pas besoin d'user du pouvoir décisif du Conseil, si Eleonnora ne fait rien d’aberrant. Je ne compte pas lui lier les mains. Je t'ai dit qu'au contraire, grâce à mon aval, elle pourrait avoir l'opportunité d'être elle-même, sans avoir à se plier ou changer ses idées pour faire plaisir au Conseil. Avec la majorité, je veux seulement m'assurer d'avoir la poigne pour la corriger si elle s'égare. Avoir une arme, c'est bien. Savoir quand s'en servir... C'est là mon travail. »

    Il passa une main sur son visage, massant l'arrête de son nez pour remettre ses idées au clair : « Je ne suis pas Crissolorio Ostiz. Lui et moi, malgré notre amitié, n'avons pas les mêmes objectifs de vie. Je ne cherche ni la fortune, ni la gloire. Elles sont pourtant toutes deux à portée de mes mains et je les utilise tous les jours à une fin qui m'est chère : la protection. » Ses sourcils se fronçaient face à l'incompréhension. Avait-il mal compris ce qu'elle lui disait ? « Alors pourquoi cries-tu à mon erreur, mon échec et celui d'Eleonnora, avant même d'avoir mal. Avec des peurs, la vision des obstacles, on n'avance pas. C'est en les affrontant et en gardant sa ligne de conduite qu'on évolue. Je n'ai pas peur de prendre ce risque parce que je ferai ce qui sera nécessaire en temps et heure pour elle. Je veux qu'elle se réalise en tant que femme politicienne. Ses intérêts et ceux du Marché Noir ne sont pas forcément contraires ou conflictuelles. Pourquoi pars-tu sur ce principe ? C'est parce que le Marché Noir n'est en conflit qu'avec ses ennemis que ses alliés me sont fidèles. »

    Ecartant les bras, il les laissa retomber le long de son propre corps, en signe d'impuissance : « Il n'y a pas de secret, Autone, j’utilise l'énergie des gens pour favoriser le sens où ils souhaitent aller. Je m'assure qu'ils se réalisent dans les meilleures conditions possibles et parfois, j'ai même leur reconnaissance en retour. Je ne veux pas brimer Eleonnora, ni l'empêcher d'apprendre comment fonctionnent les sphères politiques. Je n'ai jamais réussi à grandir, moi-même, dans la jolie cage dorée dans laquelle mon père voulait me voir évoluer. Alors... » Il secouait la tête de gauche à droite. Il lui avait demandé s'il faisait une grave erreur en favorisant Eleonnora... Pas qu'elle lui liste les dangers de sa fonction. Il les vivait suffisamment au quotidien pour les connaître par cœur. « Je ne suis pas ce genre d'homme. Je ne cours pas après le pouvoir, je ne cherche pas à tout contrôler. Je cherche à en avoir les moyens pour pouvoir en user si jamais les choses dérapent, tu comprends ? Cesse d'avoir peur... Je pense qu'elle t'étouffe toujours. » Depuis Morneflamme. Il ne pouvait pas l'en blâmer.

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Elle recula plus ou moins consciemment, jusqu’à rencontrer un rocher qui arrivait à la hauteur de sa hanche et de s’y asseoir pour l’écouter. Elle était vexée, mais ne déborda pas, bien qu’elle se sentît complètement attaquée. Ce qu’il pouvait être sanguin quand il le voulait. Elle se sentit un peu paralysée lorsqu’il eut terminé de parler, n’osa prononcer quoi que ce soit tout de suite. Elle le regardait en cherchant le courage de répondre et de combattre la honte qu’il lui avait inspirée. « Je n’ai jamais voulu prétendre tout savoir. »   Répondit-elle, visiblement blessée.


« Tu dis que j’ai peur, mais tu me prête des mots que je n’ai pas dit. Je n’ai pas parlé du marché noir. C’est pour toi et elle que je te mets en garde. »
Et s’il avait déduit tant de choses fausses de son discours, n’était-ce pas lui, qui en avait peur? Elle garda sous silence cette réflexion inutile.


« Tu n’es pas Crissolorio. Je ne voulais pas te comparer à lui, mais tu es, là où il était, dans sa position. Tu as repris le rôle auquel il a failli, et tu es bourgmestre, avec cette enfant qui a des ambitions que tu veux encourager, contrairement à lui. Entends moi Aldaron, si je vous voyais le moindre point commun jamais je ne t’aurais accordé ma confiance, que tu as, si tu n’y croyais toujours pas. Non, je te préviens, parce que tu as ce rôle de père et que peut-être, il y a des distances, que tu ne peux pas prendre par rapport à Eleonnora. Si tu n’es pas un manipulateur, comment va-t-elle le percevoir? »


Autone ne se souciait pas de parler en mal de Crissolorio, même si Aldaron avait de l’amitié pour lui. Elle sentait la colère monter en elle chaque fois qu’il évoquait qu’elle avait peur. Il n’en savait rien, c’était là, la source de son agacement. Elle avait peur oui, mais pas de ce dont il croyait. Il ne voyait que la surface, mais pouvait-elle le blâmer? C’était ainsi qu’elle s’était construite, pour qu’on ne voit pas ses peurs réelles. Pour éviter qu’on les utilise contre elle.


« Je ne serais pas venue à Caladon si tu étais ce genre d’homme. Mais ce que je crois n’a aucune importance. Tout ce qui compte, c’est ce qu’elle pensera, Eleonnora. Même si elle ne doute pas de tes bonnes intentions, elle pourrait se sentir manipulée, ou restreinte. Comme je t’ai dit, tu la connais peut-être mieux que moi. Et je crois même que si elle vient à s’enrager d’une restriction, ce ne sera peut-être pas toi qui l’aura imposée. »  


Elle se leva, se rapprochant de l’elfe, un peu plus à l’aise qu’il y a quelques instants. « J’ai vu des femmes qui ne savaient pas qu’elles étaient liées. Elle n’est pas comme ça. Tu n’es pas Crissolorio, mais si elle s’est révoltée face à lui, elle peut le faire avec toi. Car elle vous aime, tous les deux, également.

C’est facile de reconnaître les yeux d’un manipulateur. Si elle ne sait pas déjà, elle apprendra rapidement. Je te préviens parce que je ne sais pas ce qui se produira le jour où elle verra les têtes qui la contrôlent.  Je ne te dis pas de l’en empêcher. Je te dis qu’elle ne se laissera pas faire. »

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    Bien sûr qu'elle n'avait jamais prétendu tout savoir et lui n'avait jamais argué qu'elle le disait. Il affirmait un fait, qui était valable pour elle comme pour tout autre mais qui avait le dont d'être une base, un fondement sur lequel replaçait le reste de son discours. Il y avait beaucoup de choses qu'elle ignorait, et en cela, elle ne pouvait tenir des propos aussi fermés. Qu'elle mettre de l'eau dans on vin en éclaircissant sa parole, maintenant, était tout à son honneur. Mais cela n'avait pas été le cas avant. Il avait l'impression de revenir à une discussion qu'il avait eu avec Sintharia, quelques jours plutôt. L'amitié était une forme de manipulation et l'amour plus encore. Un simple regard et même un silence était une manipulation. Son métier, son aura charismatique étaient fait de manipulations. Tout en lui était de la manipulation : des mots choisis avec soin, un ton calculé méticuleusement, le marbre de son visage, la fermeté des ses ordres... Cela en faisait-il quelqu'un de mauvais ? Et la manipulation un acte douteux ? Manipuler, c'était créer de l'influence, cette même influence que Caladon aimait à posséder, pour tout le confort que cela lui offrait. « Ce n'est pas la manipulation qui est mauvaise, Autone. Ce sont les motivations qui sont derrière. As-tu douté de moi ? Doutes-tu de moi ? »

    Non, bien sûr que non, elle ne cessait de lui répéter, et il le savait. Il en était certain. Sa tête remua brièvement de gauche à droite en signe de négation assimilée : « Alors pourquoi douterait-elle de moi ? Je vais la manipuler, je le fais déjà dans tout ce que je lui apprends, dans le savoir que je lui transmets. Je l'oriente, je la guide. Tout comme tu souhaites l'aider à naviguer : tout ça, même de façon inconsciente, c'est de la manipulation. Mais elle n'est pas nécessairement mauvaise. Elle ne le sera jamais tant que l'intention qui sommeille derrière n'est pas mauvaise. » Fronçant doucement les sourcils, ses prunelles quittaient la silhouette assise, reculée, pour mirer le paysage. Il ne cherchait pas spécialement une ancre ou une forme particulière, il embrassait la nature de son regard sans présentir si elle ne deviendrait pas un champ de bataille dans les prochains jours. « Quant à savoir si elle percevra ces bonnes intentions que j'ai à son égard, ou si elle s'enlisera dans une paranoïa, je dirais... Que cela ne dépend que de la confiance que nous avons l'un pour l'autre. Je pense que... Si elle a décidé de m’appeler ''Père'', malgré mon état, malgré ma distance... C'est qu'elle existe déjà. Je connais Eleonnora depuis son berceau. J'ai séché ses larmes autant que je lui en cause aujourd'hui par l'affection qu'elle me porte. Elle n'est pas mon jouet, et si je me montre aussi ferme et parce que je me sais capable de remuer ciel et terre pour mes enfants, dussé-je être un monstre à cette fin. Elle aussi... Elle ne doit pas avoir de mauvaises intentions, derrière la manipulation qu'elle exerce à mon encontre. Je ne suis pas de marbre... Même si j'essaie de ne montrer que cela. »

    Un soupire soulevait doucement son torse avant qu'il ne vienne plantes ses prunelles soucieuses sur elle. « Laisse-moi un peu de temps, pour me reconstruire. Je ne peux pas tout donner à ceux que j'aime, ceux qui m'entourent. Je ne peux pas m'ouvrir, parce que je suis extrêmement faible, à l'intérieur. Tu le sais. » Un sourire bref et triste, tira ses traits dans un effort incomplet, vain. « Je fais ce que je peux... Mais cela ne se fera que pas à pas. Le devoir, c'est ce qui nous aide à tenir. Avancer dans un but, un objectif. Parfois on le fait juste par automatisme jusqu'à ce qu'on arrive à s'accrocher à des bribes de bonheur et d'espoir. J'ai foi qu'Ivanyr, mes enfants, mes proches amis sauront me tirer hors de toute cette cangue, malgré toutes les fois où je retire la main, parce que j'ai mal. » Ses yeux se posaient sur le nexus du cœur noir au cou de sa conseillère, avant qu'il ne dévie son regard. « Est-ce que cela se passe bien avec tes enfants ? Tu es venue ici en les laissant en arrière... Ce n'a pas du être une décision facile. »

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Elle se souvenait, d’Aldaron qui perdait complètement la tête à Morneflame, qui était dément à l’idée d’un couteau, d’être enfin armé. Elle n’avait jamais effacé cette image de sa tête à vrai dire. Puis elle l’avait vu, inébranlable à Caladon et elle avait voulu être aussi forte. Jamais Autone n’avait jamais pu voir Aldaron comme un faible, même dans ses moments les plus bas. Même ayant vécu et senti la même réalité que lui dans ce volcan maudit. Tout ce qu’il disait, elle avait du mal à l’additionner, que cela fasse du sens dans sa tête. L’imbrisée eût l’impression, un instant, qu’on lui faisait douter de la justesse de ses principes. Elle chassa l’impression désagréable avec hargne. Elle ne voulait pas douter de lui, elle lui répétait et lui aussi. Pourtant la veuve ne pouvait retenir son visage qui la trahissait, elle semblait troublée, mais cet air mélancolique était quelque chose de permanent.

Lorsqu’il parlât de sa faiblesse, elle prit la main de l’elfe entre les siennes, instinctivement et impulsivement. Elle ressentait le besoin de le rassurer pourtant elle se sentait impuissante. Le rossignol avait ressenti la même chose sur le bateau avec Achroma, qui avait pleuré et pleuré, sans qu’elle ne puisse rien faire sinon le garder dans ses bras silencieusement.

« Nous ne sommes pas forcés de tout régler d’un seul coup. Je crois qu’il y a beaucoup de fils emmêlés, ici. Il va falloir être patients. » C’est un peu ce qu’elle avait dit à Ivanyr et, à ce moment, elle ne savait plus trop de quoi elle parlait réellement. De vulnérabilité, peut-être, d’avoir peur de l’être, réellement. Ce qui influençait tous leurs mots, leurs réactions défensives. La veuve était capable de le voir, mais elle ne savait pas si elle avait la sagesse de défaire tous ses nœuds sans couper quelques ficelles.

Puis il s’informa sur ses enfants et elle lâcha la main soudainement, mais pas brusquement. Elle se renfermait d’un seul coup et cela se sentait. Autone fit un pas vers l’arrière et croisa les bras.

« Ce n’était pas une décision. Je fais tout sur des coups de tête, depuis toujours. »  


Elle n’y réfléchissait même pas, c’était stupide et impulsif, elle le savait. Pourtant elle ne faisait rien pour arrêter d’agir ainsi. « Je n’ai jamais arrêté de les laisser derrière, depuis le moment où je les ai mis au monde. J’ai continué à travailler et à voyager… j’ai engagé une nourrice, des servantes, Saemon a même promis sa lame aux Falkire le jour de mon mariage. En ce moment même, il est à Caladon. »

Elle soupira.

« Mais moi je n’ai jamais été là… Et même installée à Caladon, avec plus de stabilité, j’ai toujours une excuse pour travailler plus. Et on me dit que c’est normal que ce soit plus difficile, que je ne pouvais pas prévoir avoir des jumeaux, mais je sais que ce n’est pas ça. Quand mon père a essayé de me vendre je me suis dit que me marier serait la pire situation, que je ne me laisserais jamais faire enchaîner ainsi. »  
Relâchant un peu les épaules, elle tourna la tête vers la rivière. Pourquoi se confiait-elle, maintenant? Elle avait revu leurs visages en rêve et maintenant tout remontait à la surface. « Et j’ai dit oui à Matis juste parce que je voulais une famille avec lui. Parce qu’il a toujours été l’exception. Et j’ai cru naïvement qu’on pourrait être seuls avec notre enfant. Qu’on pourrait…je ne sais pas… mais pas ça. »   Elle essuya une larme rapidement. « La vérité c’est que, aussi horrible cela puisse paraitre. Je regrette absolument tout ce qui concerne Matis. Le mariage, les enfants, le manoir. Et j’ai honte de les regretter, parce que je les aime. Satie et Yolande et mes enfants. Tout…aurait dû se passer différemment. »  

Tellement de pression pour ne pas être "une mauvaise mère" mais elle n'avait aucun repère pour savoir ce qu'était une bonne mère.

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    La Conseillère semblait troublée et même si Aldaron lui portait affection, il ne trouvait, en son for intérieur, ni les mots ni la manière de la rassurer. Le devrait-il ? Il était persuadé que laisser tout un chacun panser ses plaies était un bon apprentissage.Tout n'était jamais noir ou blanc. Il fallait simplement accepter de laisser le temps faire son œuvre et... Agréer de souffrir un peu. Sa sollicitude lui faisait du bien, autant que son attention et ses mains qui se refermaient sur la sienne, comme un chaleureux soutien. Il lui rendit un pâle sourire, pour la rasséréner et la remercier. Il tiendrait debout. Il tiendrait toujours debout. A Morneflamme, il se l'était promis, dans la honte. Ce n'était pas aujourd'hui, ni jamais qu'il consentirait de ployer. Il acquiesça d'un signe de tête ses mots : la patience... Il avait des siècles devant lui, encore, pour l'éprouver. S'il était un elfe et qu'il lui fallait plus d'années pour de relever, il avait le cœur d'un humain : il avancerait. Il avait foi en tout cela, maintenant. Ses proches formaient une seconde famille, une famille qu'il avait choisie, qu'il avait formée. Qu'il s'agisse des liens officiel comme son fiancé ou ses enfants... Ou de sa famille bien plus large faites d'amis et de toutes ces petites mains du Marché Noir qui œuvraient dans l'ombre pour maintenir l'équilibre et la justesse que son dirigeant convoitait... Même si on la récriait à Sélénia.

    La question posé à Autone sembla percuter la jeune femme de plein fouet. Le bourgmestre se mordit la lèvre, craignant d'avoir cassé quelques œufs en marchant dessus sans précautions. Comment aurait-il pu le deviner, néanmoins ? Autone était si maternelle, même avec lui, son aîné, qu'il ne lui imaginait pas tant de doutes au sujet de sa famille. Délicatement, l'elfe leva une main pour glisser ses doigts sur l'une de pommettes. « Je comprends. » Bien sûr qu'il comprenait : il était l'Indigne pour son peuple de naissance, celui qui était parti égoïstement, laissant derrière lui fiancée et enfant. Il était l'Indigne parce qu'il avait été un mauvais père, un mauvais époux. Et personne là-bas ne lui avait laissé le bénéfice du doute. Personne ne lui avait reconnu sa jeunesse accablante qui le l'avait pas rendu apte à endosser de pareilles responsabilité. Personne n'avait essayé de l'excuser ou de le pardonner, si bien qu'aujourd'hui encore, même pour tout l'amour qu'il éprouvait pour Celëborn, il ne parviendrait probablement jamais à revenir vers lui. « Si tu te poses ces questions, c'est que tu es capable d'autocritique. Et si tu sais te remettre en cause, t'interroger sur ce que tu ressens à leur égard... Comment pourrais-tu être une mauvaise mère ? »

    Il baissait des prunelles verdoyantes sur la terre, calant ses mains à l'intérieur de sa cape pour se protéger du froid de l'automne. « Les elfes m'appellent l'Indigne, parce que j'ai abandonné mon fils avant même sa naissance. Je ne savais pas quoi en faire, ni comment être un père ou un époux. Et même un politicien. Comme toi j'avais besoin de voir le monde, de me réaliser autrement, me construire pour être... Tout cela un jour. Ou peut-être jamais. » Il fronça doucement les sourcils. « Chaque parent est différent, chaque enfant est différent. Ne t'enferme pas dans les cases bien formées de la mère à la maison, à s'occuper de ses petits. Tu n'es pas une mauvaise mère parce que tu n'es pas près deux. Tu serais une mauvaise mère, si tu ne les aimais pas. » Redressant ses mires sur la rousse, il eut un sourire, fin : « Mais cela n'est pas le cas. Tu as le droit d'être libre et d'être heureuse. Ne te reproche pas cela. » Il ne pouvait pas la blâmer de ne pas accepter cela crûment. Lui-même avait mis des siècles à le comprendre et à l'accepter. « Si tu fais le choix de... T'éloigner, d'être libre, fais-le véritablement. Ne regarde pas en arrière : vis. Tu vas avoir du travail, à Caladon et comme Éventail Blanc. Fais des projets. » C'est comme cela qu'on allait de l'avant. Avec des rêves, dans ambitions, des enjeux. Elle devait sortir de Morneflamme et de son deuil.

    « Ou adonnes-toi à des loisirs... » Secouant la tête de gauche à droite en fronçant les sourcils, un sourire venait doucement sur ses lèvres : « Je ne sais même pas ce que tu aimes faire, le soir au coin du feu. » Lui aimait à se rendre sans sa serre, chanter sa magie aux plantes, pour les faire pousser, pour les réparer, pour les accompagner. Il avait l'impression ainsi d'aider le monde, de lui donner un coup de pouce, quelque chose de positif. Ça l'aidait à s'endormir avec de l'espoir et à chasser Morneflamme.

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Elle ne serait pas capable, de le voir comme un indigne. Même si, s’agissant d’une autre personne, elle aurait trouvé cela impardonnable. Matis, s’il lui avait fait cela, elle ne l’aurait pas pardonné. Elle lui aurait même fait regretter. Mais puisque c’était Aldaron, elle voyait le mal fait et n’avait pas besoin de pardonner. Elle ne s’en souciait pas, c’était un peu triste pour son fils. Mais cela ne le blesserait pas puisqu’elle ne le connaissait pas. Et Aldaron était son ami, alors la fidélité impliquait qu’elle soit de son côté. Comme lui, prenait son côté à ce moment en la rassurant, en lui disant d’être libre, en ne la jugeant pas. Elle sourit, sincèrement. Autone montrait dans son regard qu’elle était touchée. Ce qu’il disait était important et significatif, cela ne tomberait pas dans l’oreille d’une sourde.

Elle rit un peu à sa dernière remarque. Elle aurait voulu connaître Aldaron plus, ils étaient inconnus sur plusieurs dimensions. « Je joue plus ou moins secrètement de la harpe. Aramis m’a appris, avant qu’on se fasse enfermer. Et j’apprends des chants elfiques, dont je massacre probablement la prononciation. Si j’ai la chance de trouver des lectures, ou des livres de sorts, j‘y met beaucoup de temps. »

Elle était curieuse, sa vie avait été motivé par son désir d’apprentissage. « Mais je n’ai pas de temps perdu à combler comme avant. J’ai toujours un projet. J’essaie de me distraire, ce n’est pas toujours suffisant. »  

Ce n’était pas nécessaire d’en parler, il y avait des jours où elle ruminait. Elle avait peur, de tout le monde. De ce qu’ils disent et sachent. Elle avait peur que ce qu’elle avait fait à Gloria finisse par être ramené au visage de ses enfants. Autone sourit au Bourgmestre, sans savoir si elle voulait revenir au chantier. Tout était plus facile à l’écart.

« Merci Aldaron. Pour ce que tu as dit, concernant le fait d’être une mère. C’est rassurant. »  

Elle croisa les bras et se tourna vers le cours d’eau, songeant qu’il ne devrait pas tarder à geler, d’ici quelques semaines. « Je pense que je vais rester un peu. Je ne voudrais pas que quelqu’un vienne écouter notre conversation en utilisant un glyphe. » Que tout deux possédaient d’ailleurs. Autone vint s’asseoir sur un rocher. Cela ne lui dérangeait pas de regarder l’eau couler en silence. Mais il y avait longtemps qu’elle n’avait pas fait de place pour ne rien faire. Et elle oubliât, un instant, pourquoi elle avait évité pendant les derniers mois, de laisser le temps à sa tête de suivre son fil naturel de pensées.

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    Un sourire marqua le coin de ses lèvres à l'évocation de la harpe alors que ses sourcils se levaient d'étonnement : il ne l'aurait pas imaginé. Il s'amusait d'être mis dans cette confidence et se notait mentalement de venir un jour à l'improviste chez elle pour lui réclamer qu'elle lui fasse entendre ce qu'elle savait jouer. Quant à la langue elfique... « Laisse-moi en juger, un de ces jours. » proposa-t-il. Il lui dirait bien si elle massacrait effectivement la prononciation ou si elle était bel et bien dans le juste. Il pourrait aussi la corriger : elle ne serait pas la première humaine à laquelle il apprendrait sa langue natale. Il se souvenait d'une Ambre, captive du Prince Noir jadis. Il trouvait assez fascinant que quelques humains décident d'apprendre une langue aussi complexe que celle des elfes. Aldaron, lui, n'avait que peut de mérite à connaître la langue commune : elle était bien plus simple et contenait bien moins de mots que l'elfique.

    S'il répondit d'un doux sourire aux remerciements, il n'en demeurait pas moins vrai qu'il aurait aimé croiser, lui aussi, quelqu'un pour lui dire ces mêmes mots, jadis. Peut-être ne serait-il pas parti et son fils n'aurait pas été seul. « Je t'en prie, je le pense vraiment. » C'était ce que la vie lui avait appris, à ses propres dépens. Acquiesça d'un signe de tête à son dernier propos, il finit par la saluer d'un signe de tête pour retourner auprès du Général de Caladon et d'Ivanyr. Cordont l'épuisait terriblement et il avait un entretien avec Nolan à préparer.

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