10 novembre
Comment pouvait-il se permettre? Elle savait très bien qui il était, il pouvait bien être Triade, roi ou juste un enfant du peuple, son respect pour lui ne venait pas de là. Comment pouvait-il se permettre? Se répétait la veuve en pestant. Il avait été difficile de cacher sa colère dans le bateau, elle lui en voulait de la provoquer ainsi. Que pouvait-elle bien lui répondre? Il n’y avait rien à répondre, rien sur le coup. Au risque d’exploser et de parler sans réfléchir. Elle ne voulait pas faire ça, pas à Aldaron. Et cela l’énervait, elle qui était habituée de ne jamais avoir à faire attention à son entourage. Les gens qu’elle aimait lui pardonnaient tout. Depuis le début, Matis ne lui en avait jamais voulu, même lorsqu’elle avait été déraisonnable. Saemon ne lui avait jamais rien reproché, alors qu’elle l’avait utilisé comme un véritable défouloir.
Et la flamme de son caractère explosif, que Saemon glorifiait, que Matis lui avait pardonné jour après jour, que les autres n’avaient pas vu : on l’avait rassuré de sa nécessité, de sa beauté, de sa force. Maintenant, on lui en voulait et sa propre critique était la plus sévère. La critique n’avait pas d’importance lorsqu’elle venait des barbares d’Almaréens qui empestaient Gloria, ou des nobles qu’elle avait haï à la même époque, les mêmes pour lesquels elle avait travaillé.
Mais elle respectait Aldaron. Et il était son ami. L’avait-elle déçu? Cela l’enrageait, de vouloir être en désaccord avec lui et de détester l’être à la fois. C’était son droit, de lui prononcer son désaccord, n’était-elle pas sa conseillère?
Peu importe le temps qu’elle passait à penser à ce qu’il lui avait dit, Autone ne trouvait aucune réponse adéquate. Serait-elle en colère?
« Je ne sais pas… »
Elle savait sa propre imprévisibilité. Elle ne savait pas, c’était impossible à prévoir. Entre la colère et l’acceptation il n’y avait qu’un fil.
Elle avait installé une tente avant de commencer à venir en aide aux blessés. Et elle avait commencé le soir même. Inutile d’éviter Aldaron puisque le Bourgmestre semblait débordé. Qui plus est, il avait une garde très serrée. Autone mit de côté, dans un coin de sa tête, les pensées qui l’avaient tracassées le long du voyage. Elle n’y pensait plus, quand au lendemain Aldaron l’avait fait appeler. Autone avait aussi appris qu’il y eût un incident avec Ivanyr, concernant un baptistrel, mais elle n’avait pas plus de nouvelles. Elle ne l’avait pas revu depuis non plus et le manque de clarifications l’inquiétait. Avoir de ses nouvelles était une motivation suffisante pour affronter la conversation qu’elle devait avoir avec Aldaron. Beaucoup trop de choses lui faisaient peur, en cet instant.
Elle se rendit jusqu’à la tente du Triade. Pour la première fois depuis des mois, il lui semblait étrange d’être escorté. Lorsqu’elle baissa les yeux, elle comprit la source de son malaise. Ses vêtements étaient les mêmes que ceux qu’elle avait porté, dans son voyage vers les galeries, avant l’ascension du tyran. Dans le désert, aussi. Suffisait-il d’une robe pour se sentir différente? Autone tenta de retrouver son expression neutre, presque hautaine. Elle leva la tête.
C’était étrange, pour la première fois.
Elle entra silencieusement et croisa son regard. La veuve était calme, à présent. Elle entre ouvra les lèvres et eût peur, un moment, avant d’oser parler.
« Marchons. C’est étouffant de rester à l’intérieur des tentes. » La petite veuve se retourna, passant le pas de son escorte qui était restée à l’extérieur et s’était attendue à rester postée plus longtemps.
« Qu’est-il arrivé à Ivanyr? J’ai entendu qu’il y avait eu un incident. » Elle fronça les sourcils d’inquiétude. « Comment va-t-il? »
Elle baissa la tête, ne lui laissant pas vraiment le temps de répondre. La nervosité la fit enchainer aussitôt. Mais sa voix était calme, elle avait eu le temps de voir la poussière retomber. Elle enfilait rapidement, mais doucement, ses phrases. «J’ai pensé à ta question.»
« Je serai en colère si tu n’essayais rien avant d’en arriver là. Tu m’as demandé conseil et tu as eu ma réponse et mes attentes. Si tu es décu…
Pense à un peuple qui ne serait jamais en colère. »
Elle soupira en balançant la tête vers l’arrière, jetant son regard sur le ciel clair. « C’est un devoir de s’insurger. De s’opposer. C'est pour ça que tu t'es retrouvé là. Mais tu es le réceptacle de toute cette haine et ça peut faire mal. »
Elle s’entendait être enfantine et s’embarrassait elle-même. « Crois-tu que je suis ‘’Moi’’ dans ce rôle? Quand je lève la tête, quand je ravale mes réactions? On ne peut pas se permettre d’être …soi… Parce qu’un rôle aussi public implique une image qui sert de bouclier. Je ne t’apprends rien. Je te demande d’être conciliant. Mon attente n’est pas que tu réussisses cette intervention diplomatique mais que tu essaie. »
Puis le silence lui retomba dessus, lourd et nerveux. Elle avait peur de perdre d’avantage. Elle avait peur de perdre l’amitié d’Eleonnora et d’Aldaron à des différents politiques. Elle avait peur de revoir ses alliés devenir ses ennemis. De revoir la douleur sur les visages et de perdre son espoir. Qu’en était-il de la sagesse? N’étais-ce pas un commandement d’origine?
Le monde avait perdu tant de sens et il n’en restait presque plus. Elle aurait voulu qu’on lui laisse ces miettes de foi, qui s’effritaient dans l’air. Elle avait peur de ne pas avoir le temps d’attraper quelque chose avant qu’il ne reste plus rien. [/color]
Dernière édition par Autone Falkire le Mer 3 Oct 2018 - 1:30, édité 1 fois
Comment pouvait-il se permettre? Elle savait très bien qui il était, il pouvait bien être Triade, roi ou juste un enfant du peuple, son respect pour lui ne venait pas de là. Comment pouvait-il se permettre? Se répétait la veuve en pestant. Il avait été difficile de cacher sa colère dans le bateau, elle lui en voulait de la provoquer ainsi. Que pouvait-elle bien lui répondre? Il n’y avait rien à répondre, rien sur le coup. Au risque d’exploser et de parler sans réfléchir. Elle ne voulait pas faire ça, pas à Aldaron. Et cela l’énervait, elle qui était habituée de ne jamais avoir à faire attention à son entourage. Les gens qu’elle aimait lui pardonnaient tout. Depuis le début, Matis ne lui en avait jamais voulu, même lorsqu’elle avait été déraisonnable. Saemon ne lui avait jamais rien reproché, alors qu’elle l’avait utilisé comme un véritable défouloir.
Et la flamme de son caractère explosif, que Saemon glorifiait, que Matis lui avait pardonné jour après jour, que les autres n’avaient pas vu : on l’avait rassuré de sa nécessité, de sa beauté, de sa force. Maintenant, on lui en voulait et sa propre critique était la plus sévère. La critique n’avait pas d’importance lorsqu’elle venait des barbares d’Almaréens qui empestaient Gloria, ou des nobles qu’elle avait haï à la même époque, les mêmes pour lesquels elle avait travaillé.
Mais elle respectait Aldaron. Et il était son ami. L’avait-elle déçu? Cela l’enrageait, de vouloir être en désaccord avec lui et de détester l’être à la fois. C’était son droit, de lui prononcer son désaccord, n’était-elle pas sa conseillère?
Peu importe le temps qu’elle passait à penser à ce qu’il lui avait dit, Autone ne trouvait aucune réponse adéquate. Serait-elle en colère?
« Je ne sais pas… »
Elle savait sa propre imprévisibilité. Elle ne savait pas, c’était impossible à prévoir. Entre la colère et l’acceptation il n’y avait qu’un fil.
***
Elle avait installé une tente avant de commencer à venir en aide aux blessés. Et elle avait commencé le soir même. Inutile d’éviter Aldaron puisque le Bourgmestre semblait débordé. Qui plus est, il avait une garde très serrée. Autone mit de côté, dans un coin de sa tête, les pensées qui l’avaient tracassées le long du voyage. Elle n’y pensait plus, quand au lendemain Aldaron l’avait fait appeler. Autone avait aussi appris qu’il y eût un incident avec Ivanyr, concernant un baptistrel, mais elle n’avait pas plus de nouvelles. Elle ne l’avait pas revu depuis non plus et le manque de clarifications l’inquiétait. Avoir de ses nouvelles était une motivation suffisante pour affronter la conversation qu’elle devait avoir avec Aldaron. Beaucoup trop de choses lui faisaient peur, en cet instant.
Elle se rendit jusqu’à la tente du Triade. Pour la première fois depuis des mois, il lui semblait étrange d’être escorté. Lorsqu’elle baissa les yeux, elle comprit la source de son malaise. Ses vêtements étaient les mêmes que ceux qu’elle avait porté, dans son voyage vers les galeries, avant l’ascension du tyran. Dans le désert, aussi. Suffisait-il d’une robe pour se sentir différente? Autone tenta de retrouver son expression neutre, presque hautaine. Elle leva la tête.
C’était étrange, pour la première fois.
Elle entra silencieusement et croisa son regard. La veuve était calme, à présent. Elle entre ouvra les lèvres et eût peur, un moment, avant d’oser parler.
« Marchons. C’est étouffant de rester à l’intérieur des tentes. » La petite veuve se retourna, passant le pas de son escorte qui était restée à l’extérieur et s’était attendue à rester postée plus longtemps.
« Qu’est-il arrivé à Ivanyr? J’ai entendu qu’il y avait eu un incident. » Elle fronça les sourcils d’inquiétude. « Comment va-t-il? »
Elle baissa la tête, ne lui laissant pas vraiment le temps de répondre. La nervosité la fit enchainer aussitôt. Mais sa voix était calme, elle avait eu le temps de voir la poussière retomber. Elle enfilait rapidement, mais doucement, ses phrases. «J’ai pensé à ta question.»
« Je serai en colère si tu n’essayais rien avant d’en arriver là. Tu m’as demandé conseil et tu as eu ma réponse et mes attentes. Si tu es décu…
Pense à un peuple qui ne serait jamais en colère. »
Elle soupira en balançant la tête vers l’arrière, jetant son regard sur le ciel clair. « C’est un devoir de s’insurger. De s’opposer. C'est pour ça que tu t'es retrouvé là. Mais tu es le réceptacle de toute cette haine et ça peut faire mal. »
Elle s’entendait être enfantine et s’embarrassait elle-même. « Crois-tu que je suis ‘’Moi’’ dans ce rôle? Quand je lève la tête, quand je ravale mes réactions? On ne peut pas se permettre d’être …soi… Parce qu’un rôle aussi public implique une image qui sert de bouclier. Je ne t’apprends rien. Je te demande d’être conciliant. Mon attente n’est pas que tu réussisses cette intervention diplomatique mais que tu essaie. »
Puis le silence lui retomba dessus, lourd et nerveux. Elle avait peur de perdre d’avantage. Elle avait peur de perdre l’amitié d’Eleonnora et d’Aldaron à des différents politiques. Elle avait peur de revoir ses alliés devenir ses ennemis. De revoir la douleur sur les visages et de perdre son espoir. Qu’en était-il de la sagesse? N’étais-ce pas un commandement d’origine?
Le monde avait perdu tant de sens et il n’en restait presque plus. Elle aurait voulu qu’on lui laisse ces miettes de foi, qui s’effritaient dans l’air. Elle avait peur de ne pas avoir le temps d’attraper quelque chose avant qu’il ne reste plus rien. [/color]
Dernière édition par Autone Falkire le Mer 3 Oct 2018 - 1:30, édité 1 fois