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descriptionOiseau de quel augure ? [PV Aldaron] EmptyOiseau de quel augure ? [PV Aldaron]

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12 Novembre 1762, après les négociations avec Nolan Kohan


D’étranges nouvelles lui était parvenues peu de temps auparavant, provenant du sud de Calastin, d’un village aux habitants déracinés et exilés par la lubie d’un dragon rouge. Des nouvelles qui la laissait plongée dans un abime de perplexité lui changeant de la tension permanente que la situation de Cordont provoquait chez elle. Ses envoyés n’étaient pas encore parvenus à destination, mais cela ne saurait tarder, sans doute, en particulier pour la flotte d’acier. Très bientôt, Délimar serait convenablement représentée sur place, avec des individus pour veiller au respect de leurs intérêts, et elle recevrait des rapports concernant les forces en présence. Ronger son frein avait été difficile jusque-là, la distraction était bienvenue, donc, même si distraction n’était pas un mot tout à fait convenable pour cela. Elle ne prenait pas plaisir aux malheurs d’autrui, mais cela lui permettait de porter son attention sur autre chose que ce qui se jouait au nord, et c’était un moyen comme un autre de lui permettre de rester efficace et concentrée. Et ce, bien qu’elle n’ait encore aucune idée de comment procéder pour aider ces pauvres gens à retrouver leur village. Pour cesser d’en être parasitée, elle avait rejoint un atelier d’armement, pensant qu’en travaillant sur un ouvrage purement manuel, elle parviendrait à faire le tri, à se donner du leste et de l’imagination. C’était ainsi qu’elle se sentait le mieux, après tout. Plusieurs jours plus tard, elle y était encore, ayant été contrainte de prêter du temps pour ses fonctions, mais chaque fois, la nordique revenait, s’installait, et travaillait de nouveau sur son fouet. L’artisan lui montrait comment préparer le manche lorsque l’elfe apparut près d’eux, soudainement.

Sans doute était-ce une bénédiction qu’ils aient tous deux les mains très occupées sur le moment, où Aldaron aurait probablement perdu du sang ou des centimètres. A la place, il resta entier et n’écopa que de deux regards meurtriers, avant que Tryghild ne remette l’ouvrage entre les mains de son mentor, puis s’excuse auprès de lui, guidant l’elfe à l’extérieur, dans une coure encombrée de caisses et de matériels divers. S’essuyant les mains sur un simple chiffon, la fille du nord observa son vis-à-vis avec critique et un soupçon de colère qui lui faisait froncer ses sourcils sombres. Une fois les dextres débarrassées de la graisse qui les maculait, elle s’assit sur un banc, à peine moins grande que lui ainsi. Son silence durant encore quelques minutes, puis elle s’exprima enfin, d’une voix que l’irritation rendait rauque et qui faisait ressortir son puissant accent. Quelques mèches charbonneuses lui bouclaient et frisaient sur le front, à la racine des cheveux, et un toupet plus long ornait sa joue, échappé d’une tresse faite à la va-vite pour éviter que sa crinière ne tombe devant ses yeux, ou ne se prenne dans les outils. Elle cligna des yeux, et essaya de la chasser d’un souffle sur le coté avant de prendre la parole.

« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu vas m’annoncer l’annexion d’une autre ville ou alors vous avez essayé de vous entre-tuez avec Nolan et tu as gagné ? Non ? Rien de tout ça ? Alors parle, bon sang, c’est ce que tu fais de mieux non ? »

Ce n’était certes pas très charitable, mais son cœur battait encore la chamade de la peur que l’elfe lui avait faite en surgissant soudain de Néant. On n’avait pas idée, aussi, d’user de sortilèges aussi vicieux ! Qu’est-ce qu’il aurait fait si elle avait été dans son bain ? Ou à l’entraînement ? Les têtes, ça ne repoussait que si on était spirit de l’étoile de mer ou de la sangsue ! Et à sa connaissance, Aldaron était un poisson à la chaire grasse que les siens adoraient mettre fumés ou sur des tranches de pain avec un fromage de chèvre. Et du filet d’elfe, ce n’était pas spécialement bon à manger. Laissant là ces considérations militaro-gastronomiques, l’intendante se reconcentra, légèrement coupable de s’être laissé distraire. Il n’était certainement pas là pour rien, la dernière fois les nouvelles avaient été très graves après tout. Rapidement, elle compta le nombre de jours qui restaient avant l’arrivée de ses troupes sur place, et espéra sincèrement qu’il n’allait pas lui annoncer une guerre, là tout de suite. Son peuple apprécierait sans doute, elle beaucoup moins. Elle ne voulait pas perdre un autre époux, fiancé, aussi rapidement, surtout de cette qualité. Ni qui que ce soit d’autre. Ils avaient besoin de mieux… et ce même si éliminer les Kohan n’aurait pas été un mal.

« Dis-moi tout… » fit-elle, plus doucement cette fois.

D’un geste simple, sans grâce particulière, mais dénotant une certaine camaraderie, elle l’invita à s’asseoir près d’elle.

« Tu devrais bientôt voir arriver Sigvald et Nyko, ils ne devraient plus tarder à arriver à destination »

De façon toute aussi relâchée, elle fourra le chiffon dans sa poche, et s’adossa contre le mur de pierres blanches, croisant nonchalamment les jambes et les bras.

descriptionOiseau de quel augure ? [PV Aldaron] EmptyRe: Oiseau de quel augure ? [PV Aldaron]

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    Le silence. Froid. Glacial même l'étreignait solidement. L'agitation du campement à Cordont lui paraissait si loin, comme un écho à l'horizon, à peine audible. Même les reliquats de son finirent pas disparaître, la seconde suivante. Ce qui lui manquait le plus, c'était la présence d'Ivanyr, pourtant à ses côtés, veillant sur la transe dans laquelle l'elfe s'était plongé. Ce chemin, il l'avait suivi, plusieurs fois, jusqu'à l'apprendre par cœur et contraindre son esprit à le suivre sans s'égarer. Il avait été ferme avec lui-même, ces derniers jours, et cela portait enfin ses fruits. Il se laissa quelques minutes à profiter de la régénération que cela lui octroyait, le souffle long et paisible. Du repos, il n'en avait eu que peu. Il n'y avait que depuis l'arrivée de son Inséparable qu'il parvenait à faire des nuits sereines et à améliorer sa condition.

    Dans l'atelier délimarien, la lumière ambiante se cristallisa, formant des éclats de verre, tel un miroir brisé. Les morceaux prenaient une consistance de plus en plus matérielle, se teintaient, s'assemblaient après avoir pivoté sur eux même pour mieux s’emboîter, telles les pièces d'un puzzle. La silhouette harmonieusement racée malgré ses carences, se dessinait, progressivement. Un elfe aux cheveux de lait et à le peau sombre, d'un rose cendré, comme si Morneflamme y avait laissé son charbon, ouvrait des yeux d'un vert captivant, brillant et vivant sur une Intendante fort surprise de sa venue. Ses lèvres fines restèrent closes alors qu'elles s'étiraient dans un sourire sincère. Les prunelles d'émeraude se désintéressa un moment de sa principale cible pour contempler les alentours. Non, vraiment, à moins que Tryghild ait construit un tel atelier en pleine marche vers Cordont, elle n'était visiblement pas sur la route. Il la laissa l'accueillir avec une copieuse véhémence qu'il ne pouvait lui ôter. C'était légitime et ses mires traduisaient, pour lui, ce que ses mots ne disaient pas : il était navré.

    A se comparer à Tryghild et au maître-artisan, l'elfe se sentit bien petit. A Caladon, il était de bonne constitution, ici, il semblait pouvoir s'envoler au moindre coup de vent. Ce d'autant plus qu'il ne portait pas d'armure. Ses vêtements, de bonne facture, étaient dénué de magie ou de protection. Ce n'était que du tissu de saison, rien de plus. Il s'était défait de tout apparat, seul un anneau d'argent logeait à l'index de sa main gauche, l'artefact Tarenth qui lui permettait de se se matérialiser ici-même. « Moi aussi, je suis heureux de te revoir, Tryghild. » fit-il aimablement, mais non moins franchement, ayant visiblement pris ses élans pour de l'affection, ou à défaut, de l'intérêt à sa présence. Il rassembla des mains devant lui, dans son giron, patient sur l'idée que la Dame Loup finirait pas leur offrir l'intimité d'une discussion privée. Il la suivit donc, non sans un soulagement salvateur à l'extérieur. Ici, l'air n'était pas vicié par la tension qui régnait à Cordont. Le vent d'automne le rassurait et la lumière du ciel, pourtant couvert, était une clarté qui venait chasser ses peurs.

    Il s'installa à ses côtés, lissant sa tunique brune, avant de laisser retomber ses mains aux doigts encore légèrement émaciés sur ses cuisses. « Les cités libres m'ont informé du déplacement d'une troupe terrestre avançant au pas forcé vers la frontière. Sigvald ne les ménage pas, je ne doute pas qu'il sera bientôt là. Et on m'a notifié avoir vu une partie de la flotte délimarienne au large des côtes de Caladon, remontant vers le nord. J'espérais te voir à son bord. » Il sortit néanmoins une bourse de cuir contenant quelques pièces d'or, preuve qu'il s'attendait également à la trouver ici, à Délimar. Il laissa la minuscule escarcelle sur le banc de pierre. « Ça n'est peut-être pas plus mal. » conclut-il avec cette patience calme qu'il incarnait si souvent. Elle-même savait pourquoi ça n'était pas plus mal, c'étaient ces raisons mêmes qui avaient poussé la jeune femme à rester en arrière. « J'ai fait venir Nolan Kohan à moi, à Cordont et tu le feras venir à toi, à Delimar. Tu verras tout comme moi ce matin, qu'il n'est toujours qu'un enfant. A la fois innocent et novice. Mais aussi... Capable de voir les erreurs de ses pères et de les regretter pour eux. »

    Il resta un instant à la mirer sans rien ajouter de plus avant de reprendre : « Mon peuple a peur qu'il se dessine une guerre et le tien gronde une colère qui l'appelle. Je suis venu te voir pour savoir... Si tu veux toujours la paix. Il m'a semblé, ce matin, qu'elle serait possible si nous y mettons tous du nôtre. » Il pencha légèrement la tête sur le côté, mirant les traits durs de cette glacernoise. Il savait que sous ses violents coups de poings, il y avait un cœur immense. Il n'en doutait pas un instant. « Et je suis surtout venu te demander pardon. Je n'ai agi à Cordont que parce que j'avais le couteau sous la gorge. Si j'avais pu m'offrir le luxe de ton aval, je l'aurais fait. »

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Sa ligne de sourcil plongea de façon dramatique à la mention de luxe, voyant cela comme un manque de regard, si ce n’était pas carrément une insulte déguisée. Comment cela un luxe ? Pensait-il qu’il pouvait donc se passer de son accord pour quelque chose d’aussi important ? Non, il n’aurait pas cette bêtise tout de même, d’ailleurs il ne serait pas là si c’était le cas, ça ne rimerait à rien en fin de compte. Il s’excusait, là, après tout. Toute cette situation était délicate et irritante pour elle en sus, alors forcément elle prenait la mouche dès qu’elle entendait quelque chose qui ne lui plaisait pas, sans penser à ce qu’il y avait autours. Se contrôler lui demanda un réel effort de concentration et de discipline mais elle y parvint. Savait-il combien elle se retenait pour lui parler ainsi, ou n’en avait-il aucune idée ? Après quelques longs instants de silence supplémentaire, elle reprit enfin la parole, sans cacher son dégoût latent. Non pas pour lui, mais pour le contexte dans lequel il venait la voir et lui parler. Depuis les débuts de l’alliance ils tentaient de se parler pour autre chose que simplement les crises. Alors cette situation n’avait rien d’appréciable, encore moins avec toutes les questions qu’elle se posait.

« Pourquoi avais-tu le couteau sous la gorge ? Parce que Sélénia avait appelé ses troupes ? Oui c’était une très mauvaise décision. Elle aurait pu te prévenir avant de le faire. Moi, encore, j’étais loin, je suis forcée de le concéder, mais pas toi. »

Elle le considéra de ses yeux clairs et soupira profondément, ses puissantes épaules s’affaissant légèrement. Oui, ça n’aurait rien coûté, la ville n’allait certainement pas tomber plus bas, littéralement. Mais voilà ce que cela donnait quand on laissait un enfant non entraîné avec autant de pouvoir et de responsabilités. Ce n’était juste ni pour ceux qui souffraient de ses décisions ni pour l’enfant lui-même qui se retrouvait avec de lourdes conséquences sur les bras. La petite princesse aurait au moins dû avoir un vétéran à ses côtés pour la conseiller en cas de décision difficile à prendre, puisque Sélénia n’éduquait pas ses descendants avec autant de zèle que Délimar et Glacern avant elle. Non seulement l’arrivée des troupes ennemies avait été perçue comme une agression, mais en plus comme une insulte car ainsi, Sélénia montrait tout son mépris des volontés et des cités libres, et du traité d’armistice. Que voulait-on bâtir avec ça alors ? S’ils n’étaient toujours pas foutus de respecter les autres, alors il n’y avait aucune discussion à avoir. Le peuple Délimarien grondait, à présent, et elle ? Que devait-elle faire alors ?

« Je ne suis pas toi et je n’étais pas là, je ne peux donc qu’accepter ce que tu me dis. Et néanmoins je n’arrive pas à chasser l’idée que tu pouvais tout de même me consulter avant, même brièvement. »

Elle essayait d’être juste avec lui, même si c’était difficile. Il fallait qu’elle lui fasse comprendre ce qu’elle pensait, mais ne voulait pas non plus cracher sur ses paroles car cela n’aurait pas été correct de sa part. Il avait l’air sincère, quand il lui disait s’être sentit menacé, elle ne pouvait pas l’ignorer. C’était beau de creuser après coup mais sur l’instant, si c’était comme ça qu’il avait ressentit les choses, il avait forcément agi en conséquence. Le tout était de faire en sorte que, s’il y avait prochaine fois, cela se passe autrement si possible. L’intendante porta son regard directement sur le sien, avec franchise, et reprit, le ton dénué de colère mais non moins ferme. Ce n’était vraiment pas simple, comme conversation, surtout avec les conséquences que cela avait par la suite, mais elle savait très exactement ce qu’elle devait exprimer des souhaits de son peuple en tout cas, si elle ne savait rien d’autre. Aussi elle parla le cœur dénué de regrets ou de scrupules. C’était son rôle avant tout, de parler et de porter unanimement la voix de son peuple.

« Je ne veux pas la paix. Je ne l’ai jamais voulu, Aldaron. Paix c’est ce que tu voulais vendre à l’Alliance, ce que tu as vendu à Caladon. Paix… c’est un mot vague, je trouve »

Un instant hésitante, ouvrant la bouche sans poursuivre, elle parvint tout de même à continuer après une poigne de secondes, semblant vaciller sur place malgré sa grande souplesse et son équilibre impeccable.

« Je veux la sécurité de mon peuple. Voilà ce que je veux. Une sécurité qui soit scellée pour le futur. Si elle doit passer par les armes, elle le fera. Si je peux l’avoir autrement, cela me convient aussi. Mais Délimar ne souffrira pas une nouvelle trahison »

Rester inactive lui pesait déjà. Elle se releva et se mit à marcher dans la cour, sans parvenir à se fixer. Les discussions politiques finissaient invariablement comme ça. C’était sa gêne qui la faisait agir, l’impression d’être enfermée par les mots. Elle n’aimait pas cela. Et elle n’aimait pas rester assise les fesses sur une chaise, à parler. Elle le devait bien pourtant, elle ne pouvait pas se permettre de ne pas le faire, de se désister… Son rôle lui demandait d’assumer, et pour les siens, Tryghild était prête à tout endurer. Y comprit des discussions de politiciens. Finalement, elle s’arrêta sous l’arbre qui ombrageait cet enclot calme, et se tourna de nouveau vers lui. Une feuille brunie lui tomba sur l’épaule, alors qu’elle le mirait, puis reprenait la parole après cet instant de silence.

« Et c’est ça qui me rend méfiante, Aldaron. Tu dis qu’il sait reconnaître les erreurs de ses pairs mais je ne les lui impute pas un instant, le sujet n’est pas là. Nolan n’est ni Korentin, ni Fabius. Il est Nolan Kohan. Mais qui est-ce ? Qui me dit ce qu’il est ? Ses erreurs à lui ? Ses aveuglements à lui ? Je ne sais pas qui il est lui. Qui me dit qu’il ne sera pas comme eux ? Il a les mêmes conseillés, les mêmes capitaines, les mêmes familles nobles autours de lui »

Inspirant profondément, elle crispa les épaules sous la tension invoquée par ce sujet si délicat. On avait dit beaucoup de choses, à beaucoup de reprises Jamais elle n’avait condamné Nolan pour les fautes de sa famille, et elle ne le ferait pas. Ce n’était pas juste pour lui, ni pour ceux qui avaient souffert, que ce soit par les actes de Fabius, ou de Korentin. Mais, si elle ne le condamnait pas ainsi, il n’en restait pas moins que l’ignorance était une forme de danger. Ce qu’elle condamnait, c’était la possibilité. C’était cet avenir où l’empereur commettait aussi des crimes contre son peuple. Qu’il ne veuille pas reproduire ceux du passé ne voulait pas dire qu’il n’y avait pas des chances qu’il en fasse également. Peut-être, ou peut-être pas. Mais avec la charge qui était la sienne… elle ne pouvait pas s’amuser à deviner.

« Korentin disait aussi ne pas être comme ses ancêtres, et il nous a trahit. Les mots c’est du vent, tu peux dire ce que tu veux, faire croire ce que tu veux si tu es doué, tu le sais mieux que moi, bien bien mieux que moi. Ce qui compte au final c’est les actes. Pour l’instant le seul acte que j’ai vu de la part de Nolan c’est de refuser notre décision d’indépendance, et de causer de nombreuses morts à cause de cela. Ce n’est pas exactement un bon début à une œuvre de ‘paix’ tu ne penses pas ? »

Elle eut une grimace qui aurait pu passer pour un sourire amer. Et elle l’était, amère. Cordont remuait un bourbier inimaginable à la portée effarante. Et même effrayante. Elle aurait préféré devoir affronter dix vampires seule que de devoir faire face à tout cela, et pourtant elle n’avait pas le choix. Oui, si la paix menait à la sécurité alors elle voulait bien y travailler. Mais pouvait-on lui garantir que c’était le cas de tous les acteurs de ce drame ? Est-ce qu’on pouvait lui certifier que son peuple ne subirait pas de revers ? Non. Impossible. Et quel juste milieu trouver exactement ? Elle voulait bien en discuter, mais n’avait pas d’idées, dans l’immédiat. Croisant de nouveaux les bras, elle poursuivit :

« Un enfant ne devrait pas gouverner, surtout pas sans une bonne éducation. Bon, un enfant ne devrait pas gouverner tout court mais ne soyons pas utopistes. Un enfant est malléable, facile à manipuler et à persuader. Qui nous dit qu’il ne le sera pas ? Je n’ai aucun élément pour me fier à lui, tu comprends ? Même s’il me dit quelque chose, comment je peux être sûre qu’il le fera ? Je ne peux pas, à moins de prendre un risque. Mais je ne veux pas prendre n’importe quel risque non plus. Je ne peux pas me le permettre, et mon peuple ne le voudra pas »

Mal à l’aise, mais pas désireuse de lui fermer la porte, elle eut un vague geste d’une main et soupira simplement :

« Qu’est-ce que vous vous êtes dit alors ? »

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    La voir ainsi remuer toute la hauteur de sa carrure glacernoise avait quelque chose d'impressionnant. Au début de sa relation diplomatique avec elle, l'elfe avait craint qu'une beigne maladroite ne vienne le mettre KO, sous le coup de l'énervement. Maintenant... Il avait accepté de faire confiance à la maîtrise de la jeune femme et à sa bonne étoile qui avait veillé sur lui à Morneflamme. A son tour, il se leva, quittant l'assise confortable de son banc : « Tu ferais mieux de me demander ce que nous ne nous sommes pas dit. M'est d'avis que ce sera plus intéressant. Notre entretien a été pénible, long et... Plein de philosophie. Enfin, si tu veux vraiment que je te racontes, je peux. » Il eut un sourire en coin, amusé par l'image de Tryghild qu'il avait en tête s'il se décidait vraiment à lui dire tout ce qu'il avait échangé avec Nolan. Déjà qu'elle ne tenait pas sur place. Avec un signe de tête clair, il ajouta : « Viens, marchons. J'aimerais beaucoup aller en haut de vos murailles et en faire le tour, si tu es d'accord. Je suis certain qu'on y ressent une profonde sécurité. » Peut-être entendrait-elle la subtilité de ce que ses mots évoquaient. On peut-être pas. S'il voulait la rassurer elle, il voulait également se rassurer lui, se gorger de la puissance des remparts avant de retourner dans le bourbier de Cordont.

    « Nolan accepte une annexion provisoire d'un an de Cordont à la Cité Libre de Caladon. Passé ce délai, une fois l'endroit sécurisé des bêtes et plantes qui sortent de la terre creuse, la ville sera rendue à ses rescapées et à sa neutralité. » Entama-t-il tout en emboîtant le pas de la Nordique. Il bénissait sa nature elfique de lui donner l'endurance surhumaine de la suivre. « Si Delimar valide également cette annexion, cette terre sera bel et bien aux mains de l'Alliance. Pour le rassurer, lui et son peuple, je lui ai proposé que des séléniens puissent être présent sur l'annexe du sol Caladonien, moyennant une contrepartie financière à la hauteur des dépenses que me coûteraient des mercenaires destinés à les encadrer. Caladon a suffisamment servi de tirelire aux caprices de la Couronne. Sa crainte est naturelle, même infondée. Mais s'il a peur, il devra payer pour être libre de ce joug. » Mirant devant lui, il jetait plusieurs coups d’œil sur l'Intendante, par moment... Par simple instinct de survie. Il ne voulait pas de prendre un coup de coude perdu.

    « S'il place des séléniens à Cordont et que tu souhaites y également placer tes propres hommes, Caladon paiera leur salaire et leur fonctionnement avec cette taxe que je lui ai réclamée. Évidement, cela sera pour nous regarder en chiens de faïence et j'espère qu'il y renoncera tout bonnement, d'une manière ou d'une autre. » Son regard appuyé venait reposer, sur elle, ses attentes. Oui, en son for intérieur, il espérait que Délimar finirait d'achever ce qu'Aldaron avait ébauché et que Nolan délaisse Cordont. Arrivé au sommet des murailles par un lourd escalier de pierre, son attention se fit absorbé par le paysage. Le vent de novembre s'engouffrait dans ses longs cheveux blancs, sifflant vigoureusement à ses oreilles pointues. Ses vêtements, malmenés par les bourrasques de ces hauteurs maritimes, lui semblèrent soudain bien léger et il remercia sa cape de lui éviter un excédent de frissons. Ses prunelles verdoyantes dévoraient l'horizon immense des plaines, à perte de vue. Calastin était une terre triste. Elle n'avait rien qu'aussi magistrale que Nyn-Tiamat ou Keet-Tiamat. Elle était immense et plate, grouillante d'humains et de leurs baraquements.

    Posant ses mains aux doigts émaciés sur le creux d'un créneau, il s'arrêta, absorbé néanmoins par ce vaste monde. « Tes murs sont puissants. Ils sont dressés contre l'horizon mais rien ne les sauvera de la chute, si ce n'est la paix. Si je devais prendre militairement Délimar, je n'affronterais pas ta flotte et je ne viendrais pas m'écraser contre tes murs. Ils auraient raison de moi. Je viendrais sous ton nid en ébouler les fondements. Voilà ce qu'apporte la guerre, Tryghild. Du moins ce qu'elle apporterait aujourd'hui. Nous sommes encore trop fragiles pour gagner la guerre. C'est cela que je n'ai pas dit à Nolan, mais que je dis te dis, à toi. » Au moins deux dragons leurs feraient face, et il suffisait d'un seul homme infiltré dans les profondeurs pour que la catastrophe de Cordont se produise à Délimar ou Caladon. « La paix, c'est gagner du temps pour gagner la guerre. Elle n'est pas parfaite. Elle n'apporte pas toute la sécurité dont nous pourrions rêver. Mais elle nous en apporte bien plus que ce que la guerre ferait. Calastin compte bien trop de filons de minerais.... Pour que nous ne soyons, sans le savoir jusqu'alors, en train de désosser les golems qui soutiennent la surface de l'île. » Les forges de Délimar et la monnaie de Caladon avaient besoin de fer. Leur matière première creusait leur tombeau.

    « La Paix, c'est vague, oui mais c'est encore la seule chose qui puisse tenir des hommes derrière une ligne de conduite. Peut-être protégerons nous Cordont avec la guerre, peut-être marcheront nous sur Selenia avec la guerre, peut-être mettrons nous fin au règne des Kohan avec une guerre. Oui, peut-être. Mais plus rien ne les empêchera de marcher dans l'ombre des souterrains pour détruire sournoisement l'Alliance. Un accès, il en existe un de certain. Il y en a peut-être autres et d'autres encore peuvent se créer. Ils trouveront le moyen de venir et aucune armée en guerre ne pourra les arrêter. La Paix, c'est un mot, un principe, une promesse qui peut se briser ou se trahir... Oui, bien sûr, je ne pourrais jamais te dire le contraire. Jamais. Mais elle est la seule qui puisse les retenir, au moins un peu... J'espère pour le temps qu'il faut pour que nous ayons les armes pour leur faire face sans tomber au fond du gouffre. » Il avait planté depuis quelques secondes son regard intense dans le sien, ne la lâchant pas de sa sincérité. Avec elle, il savait pouvoir parler à cœur ouvert. « Nous avons encore beaucoup trop de choses à construire, à reconstruire. Car même si nous terrassions brillamment l'Empire... Si notre but commun venait à disparaître.... Qu'est ce qui resterait pour nous protéger les uns des divergences des autres ? L'Empire emportera dans sa chute l'Alliance. Ça, c'est une certitude aujourd'hui... Là où la trahison de Nolan et de ceux qui l'entourent n'est de l'ordre que de l'hypothèse. Je veux croire que c'est là l'option la moins dangereuse. »

    Son regard se détourna pour se perdre sur la cime des arbres qui bordaient d'une forêt les champs des travailleurs, alors qu'il reprenait la marche. « Je ne vais pas rester Bourgmestre très longtemps. Je ne terminerai pas mon mandat. Si je ne me retourne pas à l'ombre protectrice, ce sont les assassins que m'envoie l'entourage de Nolan qui y mettront un terme dramatique. Tu as raison, nous ne pouvons pas leur faire confiance et pourtant, je ne sais pas s'il existe une autre option viable. Je me pose sincèrement la question. Si nous avions un avenir plus certain pour l'Alliance, j'aurais moins peur du fléau que nous apporterait cette guerre-ci. Face au Tyran, face aux chimères, je ne me posais pas toutes ces questions. Je savais que je devais me battre. Parce que l'ennemi ne nous laissait pas d'autre choix, mais aujourd'hui, nous l'avons. Je n'ai pas peur de faire la guerre, j'ai peur d'après la guerre. De ce qu'il restera. J'aimerais sceller ces terres instables avant de partir, être certain que l'Alliance tiendra debout même sans moi pour poser toutes ces questions. »

descriptionOiseau de quel augure ? [PV Aldaron] EmptyRe: Oiseau de quel augure ? [PV Aldaron]

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Immédiatement après l'entente du monde philosophie, la migraine commença à poindre et à pulser désagréablement dans ses tempes, alors qu'une petite crispation faisait tressaillir son œil gauche. Peut-être qu'il y avait pire fléau que les vampires en ce monde, en la personne des politiciens. Comment pouvait-on apprécier le son de sa propre voix au point de vouloir disserter pendant des heures, en se gargarisant et en oubliant complètement le sujet premier, pragmatique, qui aurait dû les occuper. Elle ne comprenait absolument pas. La seule chose qu'elle s'imaginait, c'était qu'ils avaient voulu s'impressionner mutuellement et qu'ils s'étaient égarés dans des circonvolutions de la pensée simplement pour essayer d'avoir le dernier mot. Or, cela seyait très mal à Aldaron. Quant à Nolan Kohan, elle ne le connaissait pas assez bien pour dire si cela lui correspondait ou non. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'il était hors de question qu'elle se prête à un tel jeu, non seulement parce que c'était profondément inutile, mais également parce qu'elle risquait fortement de jeter son interlocuteur par-dessus les murailles de la ville. Pour autant, elle se contenta de pincer les lèvres, épargnant à l'autre le fond peu élogieux de sa pensée.

« Soit. Qu'est-ce que vous ne vous êtes pas dit alors ? »

Malgré tout ce qu'elle pensait des politiciens, elle avait quelques menues certitudes sur cet… homme ? Être ? Peu importait. Sur lui, là. Pour savoir qu'il ne la priverait pas des informations qui se devaient d'être échangées. La demande fut répondue d'un simple hochement de tête, et pourtant, la suite la fit se redresser quelque peu. Quelque chose, dans ses traits graves et sévères sembla s'éveiller, s'enflammer, alors que, dans sa posture comme dans son expression, elle dégageait une vie profondément ancrée, farouche et vivace. Son regard pâle se fit plus vif, plus acéré. Non, sans doute n'avait-elle pas du tout comprit la subtilité qu'il y avait derrière les paroles de l’elfe, sa réaction en fut ainsi d’autant plus honnête, criante de son amour pour sa patrie mais également de ses convictions personnelles. Et elle était réellement persuadée, vibrante de ses certitudes, fière et fougueuse. Plus encore, elle était fière de son peuple et de ses réalisations. La ville n’était pas de son fait, elle était la somme de tout l’amour et la détermination de ses habitants, un joyau d’unité et de loyauté à la patrie. Et elle avait toujours voulu que tout citoyen levant les yeux vers la muraille puisse également se sentir fier.

« Bien sûr que oui ! Ces murailles sont plus fortes que celles de Glacern, elles sont faites pour repousser toute armée assez audacieuse pour mettre le siège à notre ville. Nos meilleurs architectes, bâtisseurs et ingénieurs se sont échinés des mois durant dans le seul but de protéger nos citoyens. Nous pouvons tenir un siège d’un an au moins et nous ne souffririons qu’à peine. Délimar sera imprenable quand nous en auront fini, et même le peuple Caladonnien pourra s’y réfugier. Tu le constateras de toi-même, elles sont notre affirmation à ce monde tout entier que nous survivrons quoi qu’il en coûte »

Ils quittèrent les lieux, marchant dans les rues animées du quartier des artisans. Elle avait la ferme intention de lui en mettre plein la vue, du haut des murailles. Pourtant, après plusieurs minutes, la nordique décida de ralentir le pas en voyant l’elfe essayer de suivre son rythme. Cela lui coûtait autant que de rester assise à discuter, mais elle n’avait pas vraiment le choix. Ce qu’elle entendait rendait la chose plus difficile encore, et elle dû se faire violence pour ne pas l’interrompre. La pression, néanmoins, la frustration, et la migraine, ne cessèrent pas de croître, néanmoins. Instinctivement, elle l’aurait coupé net plutôt que de le laisser poursuivre toute cette insupportable diatribe. Les faits étaient là, elle n’était pas de son avis, concernant une guerre et il aurait mieux fait de lui demander son expertise à elle, dont la guerre était le métier, plutôt que d’essayer de faire des hypothèses par lui-même. Et elle n’aimait pas du tout cette attitude de sa part. C’était précisément ce qu’elle détestait le plus chez les politiciens, leur manie de se donner l’air de tout savoir. De penser tout savoir, et de toujours essayer d’avoir le dernier mot. La plupart avait un égo au moins de la taille de sa citadelle. Lui sans doute pas autant, mais elle n’en aimait pas davantage sa façon de lui parler.

« Tu parles beaucoup »

Ils se tenaient en haut des murailles. L’elfe avait cherché son regard à plus d’une reprise mais elle ne le lui avait pas donné, car elle n’en avait pas besoin. Ses manières, elle ne les aimait pas plus que ses paroles, et elle n’avait aucune raison de se plier à une joute visuelle. Ils n’étaient pas des adversaires. En tout cas, de son point de vue à elle.

« Si une annexion est ratifiée pour Caladon, elle l’est pour Caladon, pas pour l’Alliance. Si elle est ratifiée pour l’Alliance, alors elle l’est pour l’Alliance, et je ne vois pas pourquoi tu paierais la solde de mes hommes. C’est idiot. Personnellement, je la ratifierais pour l’Alliance, ou bien je prendrais Cordont à ma charge. Je refuse de voir des Séléniens là-bas »

Qu’il ait peur, elle n’en avait strictement rien à faire, parce qu’à ses yeux, c’était illégitime. C’était lui, qui avait un héritage de traitrise et dont personne ne connaissait l’attitude ou les motivations. Eux ? Ils étaient égaux à eux-mêmes depuis le départ. Pourquoi était-ce elle qui devrait faire des efforts alors que c’était son peuple à elle qu’on poignardait dans le dos depuis des années ? Quand on s’adressait à un Délimarien, on savait où on allait, chez eux l’honneur signifiait quelque chose. Chez Sélénia ? on se posait encore la question.

« Ils renonceront ou il n’y aura pas de négociations. Je pourrais encore tolérer des civils… et encore ! Mais certainement pas ses chiens de guerre »

Tout, dans son attitude, indiquait qu’elle ne reviendrait pas sur cela, depuis son visage fermé à son ton dur, à la crispation de ses épaules. Elle était prête à des concessions sur certaines choses mais pas sur ça. Cette fois, elle lui jeta un regard torve, de côté. Espérait-il vraiment qu’elle accepte ou bien attendait-il précisément son refus ? Encore une fois, elle ressentait cette frustration cuisante et une certaine méfiance. Était-il sincère avec elle ? Cette fois, elle ne se retint pas et attaqua, voulant absolument savoir la vérité.

« Tu voulais que je dise oui ? »

Elle se sentit immédiatement mieux de l’avoir évacué, et en même temps mal, car elle prit conscience de l’agressivité latente de sa voix et de son attitude. Déglutissant, la jeune femme tâcha de respirer profondément, mais par mauvaise volonté, ne s’excusa pas à son égard. Elle ne se sentait simplement pas de le faire et puis de toute façon, après un instant, elle craignit trop la réponse pour ne pas avancer.

« Je te l’ai dit, je veux la sécurité, pas forcément la guerre. Si ce que Nolan a à offrir permet cette sécurité, je ne chercherais pas à lui planter un poignard dans le dos ou à le détrôner, quand bien même je méprise sa lignée et que je pense sincèrement qu’elle a fait son temps. Je ne peux pardonner les offenses que l’on a fait aux miens, mais je peux me montrer meilleure que ces hommes. C’est ce que je veux. Le problème que je vois à ce que tu me dis, c’est que la paix n’empêchera pas, disons, un adversaire politique de Nolan de vouloir faire s’écrouler une partie de l’île et nous laisser blâmer l’empereur de cette horreur. Quelqu’un de déterminé n’attendra pas la guerre pour agir »

Un instant, elle s’arrêta, gorge et poitrine contractée par ses sentiments difficiles. Puis, en bonne guerrière, elle se força à aller plus loin, elle n’allait pas simplement s’arrêter sur cela.

« J’ai déjà donné à mes hommes la consigne de chercher d’autres entrées. Sigvald a tout de suite saisit cela, dès que tu nous a prévenu la première fois… Il te dira ce qu’il trouvera et m’informera aussi »

Un profond soupire lui fit trembler les épaules et elle sauta lestement pour s’installer sur un créneau de la muraille, en tailleur. Ses cheveux ondulaient légèrement dans le vent, mais elle faisait beaucoup moins la chauve-souris que lui. Cette fois, elle accepta de le regarder, l’observant pensivement. Elle aussi craignait une Alliance sans ennemi commun, mais la seule différence, c’était qu’elle le voyait comme un potentiel traître là où lui ne semblait pas faire de même avec elle. Il avait raison en soi, pour la même raison que Nolan ne devrait pas craindre une trahison de leur part, mais elle se sentit tout de même quelque peu coupable et mal à l’aise. Elle n’était pas habituée à craindre ses alliés comme cela, ce n’était pas naturel. Ilhan lui aurait sans doute affirmé que c’était sain et qu’elle devait continuer, Nyko également, surtout pour l’elfe mais… elle avait envie, et besoin, de pouvoir fermer les yeux en se plaçant dos à quelqu’un. Peut-être qu’Aldaron pourrait être cette personne.

« Tu te trompes Aldaron, en disant que la chute de l’Alliance est une certitude. Tu n’en sais rien. Tu sais… je déteste cette façon que tu as d’affirmer des choses sans avoir la moindre preuve… »

Elle soupira et lui tandis une main pour l’inviter à s’approcher d’elle.

« Mais j’en ai peur aussi, pourtant. Moi aussi j’aimerais pouvoir avoir des certitudes plutôt que de ne pas savoir sur quel pied danser. Je préfèrerais que tu restes, tu sais… je ne comprend même pas ce qui te pousserait à partir, vu ta popularité »

D’une main, elle lui pressa légèrement l’épaule.

« Quelle que soit le choix que nous faisons, il restera toujours des doutes avant le dénouement. Puis de nouveaux doutes viendrons. C’est comme ça que ça fonctionne, non ? J’ai une idée, à te proposer, pour avoir quelques certitudes, si tu veux l’entendre »

Cette fois, elle eut l’ombre d’un sourire las.

« Même si tu devrais simplement soutenir l’accession de Délimar à la tête de l’alliance, bien entendu… »

D’une voix lourde de sa fatigue, elle lui expliqua ce à quoi elle avait pensée, ses réticences et ses incertitudes, la manière de l’aborder. Puis elle se tut, et reprit sa contemplation de l’horizon. Tout était si actif, paisible. En voyant un tel paysage, on n’imaginait pas qu’une guerre couvait peut-être. Elle glissa une mèche derrière son oreille, se prit les doigts dans un nœud, tira un peu, puis lissa, et reposa sa main son la pierre nettement taillée. Il y eut un silence, puis, d’une voix sourde, basse, elle souffla :

« Tu sais que je ne fais confiance à personne depuis que j’ai reçu le manteau de Roi de l’Hiver. Tu sais que je ne te fais pas confiance… mais j’aimerais. Et j’aimerais que tu me le permettes. Je n’aime pas ton attitude de politique, j’aime ce que j’ai vu de toi quand tu as combattu avec nous. C’est sur ça que je me suis toujours basée pour justifier, même à mon propre esprit, mes efforts envers toi »

Elle ne voulait pas le regarder non plus, en l’instant.

descriptionOiseau de quel augure ? [PV Aldaron] EmptyRe: Oiseau de quel augure ? [PV Aldaron]

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    La Dame Loup était fière de ses murailles, comme les humains étaient fiers de chacune de leurs créations. Un doux sourire en coin naissait au creux de ses lèvres fines, laissant entrevoir là l'affection dévouée que l'elfe portait à ces êtres éphémères, en son for intérieur. S'il avait pu naître humain, il ne serait pas ainsi pris entre deux eaux. C'était désagréable, en définitive, et pourtant son attachement pour cette race ne semblait pas tarir, malgré les déceptions de ses siècles. Ses prunelles s'orientaient sur l'horizon, à défaut de pouvoir crocheter le regard de son interlocutrice, alors qu'il l'écoutait affirmer et trancher ses choix. Comme il aurait aimé croiser un peu plus de personnes de sa trempe, capables de prendre les décisions qui s'imposaient plutôt que de faire les pieds froids, sous leurs atours politiques. Un tic marqua son visage brièvement lorsqu'elle argua vouloir prendre Cordont à sa charge. C'était bien les Nordiques ça, à n'avoir aucune idée certaine de ce que pouvait coûter un tel projet. Ils savaient faire la guerre à merveille, mais l'or n'était pas leur métier. Aider Cordont, reconstruire Cordont, offrir des vivres, bâtir des murs, entretenir une armée pour protéger Cordont, cela coûtait excessivement cher et Délimar n'était pas connu pour sa richesse. Ça, c'était d'avantage l'apparat de Caladon. Cela ne faisait que prouver combien ils auraient besoin d'être deux pour gérer cette annexe. La générosité n'était pas un puits sans fond : la Caste avait été généreuse et l'elfe savait on ne peut mieux combien cela coûtait de remettre en état après les ravages destructeurs de la guerre et la perdition.

    « Non. » répondit-il fermement à son attaque alors qu'il plantait sur elle ses prunelles d'émeraude. « Je voulais que tu dises non. » Si c'était ce qu'elle espérait voir de lui, alors il lui dévoilerait ses cartes, ses problématiques comme ses atouts. Il n'avait rien à cacher. « Caladon n'a pas vraiment l'intention de refuser les revendications séléniennes. Ils ont peur de la guerre et si certains de mes Conseillers n'ont pas froid aux yeux à l'idée de renvoyer l'Empire dans ses pénates... » Il avait en mémoire l'allure farouche de sa fille de cœur. Eleonnora saurait être intransigeante, à l'avenir, lorsqu'elle prendrait sa succession à Caladon. C'était là que la placerait le Marché Noir, par jeu de corruption. « D'autres m'ont fortement intimé de transiger le plus possible avec Nolan. » Il pensait notamment à Autone. La jeune rousse était plus impliquée dans son organisation secrète, mais son désir d'harmonie lui faisait croire en l'utopie et elle ne verrait pas le mauvais coup venir avant qu'il ne s'écrase sur sa joue. Pouvait-on avoir confiance en Selenia ? « La seule motivation qui puisse les enjoindre à refuser serait la cohésion de l'Alliance. Alors... Non, je voulais que tu dises non. J'ai besoin que tu dises non. » confirma-t-il, sincère dans ses attentes et sur ce qu'il reposait sur elle. « Et tu auras besoin de l'or de Caladon. Tu peux affirmer prendre à ta charge Cordont, tu te rendras vite compte que c'est un gouffre.... » Il y eut un blanc pendant lequel il réalisa le sens de ses paroles puis il eut un sourire en coin, blasé par le jeu de mot absurde qu'il faisait malgré lui, sans le vouloir. Il ajouta pour préciser : « Financier. »

    Il prit appui sur le rebord de pierre, dévorant le paysage calme du regard : « L'annexion a été ratifiée pour Caladon car je n'avais ni légitimité pour le faire au nom de l'Alliance, ni la volonté d'imposer à Délimar le poids de ce... » Gouffre ? Non, vraiment... Il allait falloir qu'il trouve un autre mot. Et vite. « Territoire. Si tu es décidée à t'y investir, nous ratifierons l'annexion pour l'Alliance. » Il ne resterait plus qu'à préparer les modalités cette co-gestion avec Ilhan et de prévoir les plans de bataille avec Sigvald, pour le cas où Nolan refuserait d'abandonner Cordont. Les deux arriveraient prochainement, c'était parfait. Maintenant qu'il avait les grandes lignes, il ne restait, en vérité, plus qu'à connaître l'approbation ou le refus de Nolan. Les dés étaient jetés, il pouvait se consacrer pleinement au reste de leur conversation, dont il écoutait les aveux avec une attention silencieuse. Il ne désirait pas l'interrompre, il voulait qu'elle lui offre le nom de ce qui faisait buter sa confiance. Cela portait le nom de trahison et il en comprenait toute l’amertume. Mirant les reflets d'or d soleil sur le paysage, il répondait, songeur. Pour une fois, il ne cherchait pas à retenir ses mots. Il les laissait aller fluidement : « Tu n'es pas la seule à appeler de tes vœux l'homme qui s'est battu contre le Tyran et contre les Chimères. On me dit que je suis loin. Même lorsque j'embrasse ma fille, je suis loin. » Il fronçait les sourcils. C'était mot pour mot ce que lui avait dit Autone. La rousse n'avait pas tord sur toute la ligne. Comme tout le monde, il y avait des fois où elle se trompait et d'autres où elle criait la vérité comme on respire.

    « C'est vrai, en un sens : je suis un elfe. Si je vivais tout avec l'intensité des humains, pendant des siècles, je serai épuisé. » Il ajouta, dans un souffle, une confidence débordante de réalisme : « Je suis épuisé. » Sa vie parmi les hommes avait rongé sa volonté d'être en permanence à se battre. Il avait besoin de se replier, de mûrir ses décisions et de prendre de la distance. Il avait besoin de se stabiliser intérieurement et ne pas brûler ses forces. « C'est pour cela que je laisserai mes fonctions de bourgmestre. Je ne peux pas vivre à votre rythme mais je serai là, toujours, comme depuis plus de quatre siècles. Vous êtes toute ma vie, vous êtes ma famille. Je serais là si vous tendez la main dans l'espoir de croiser la mienne... Mais j'ai besoin de me préserver de tout cela, tu comprends ? J'ai besoin de me réaliser aussi sur le plan de mon éternité. » Ivanyr avait joué un grand rôle dans sa prise de recul. Il lui avait ouvert la porte sur cette possibilité, était-ce une faiblesse de sa part que de s'y laisser tomber ? « Je connais la trahison. Je sais la douleur qu'elle inflige. Je sais ce que tu portes et je sais ce dont tu as peur. J'ai peur aussi. »

    Sa respiration se faisait lente alors que les souvenirs sordides nimbaient son esprit. Il serrait les dents. Le nexus que portait Ivanyr devait afficher des teintes bien tourmentées. « J'aimerais que tu gardes en mémoire que je viens de Morneflamme. Je viens d'un volcan où, chaque jour, on a soumis ma volonté au désir confortable de la trahison. On m'a volé jusque mon humanité et dans l'horreur de mon animalité, j'ai refusé. Que pourrait me faire subir ce monde de pire, pour que j'abandonne maintenant ? » Dans le fond des ses prunelles, on y voyait l'absurdité que lui évoquait l'idée. Trahir n'était pas son credo, pas envers ceux à qui il avait offert sa loyauté. Caladon était l'une de ces entités. Ces protégés en étaient d'autres facettes. Ivanyr un autre plus brûlante. « Je suis prêt à raffermir le serment de l'épée scellée pour protéger l'Alliance, lier ses dirigeants plus que les Cités dans une promesse d'allégeance mutuelle. Je veux qu'elle tienne. Même lorsque je ne serai plus bourgmestre, je veux que l'Alliance vive. J'ai foi qu'il s'agit de l'avenir des Hommes. Des ethnies motivées par leurs aspirations propres mais convaincues par le fait qu'appartenir à une unité fait sa force et sa richesse.» Il n'y aurait personne pour défaire l'épée de l’enclume, mais il y aurait des dirigeants pour s'aimer et se détester, mais surtout vivre ensemble.

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S’il y avait bien une chose que Aldaron ne comprenait pas, c’est qu’on puisse se passer de l’or. Cela résumait bien l’Etat d’esprit des Caladoniens, et il était heureux qu’ils ne dirigent pas l’Alliance. Pour eux, l’or résolvait tout. L’or, toujours l’or. Ce qu’ils ne voyaient pas, semblait-il, c’était que l’or n’était pas puissant partout. Et que là où l’or n’était pas puissant, il n’était pas la réponse à tout et n’était pas aussi utile. Délimar était l’un de ces lieux. Leurs deux économies avaient des stratégies très différentes, et là où Délimar voyait Caladon telle qu’elle était, Caladon ne faisait pas l’inverse car elle était trop ancrée dans sa certitude absolue qu’on ne pouvait pas se passer de sa presque divinité. Voir le monde autrement était difficile, elle savait de quoi elle parlait.

Fort heureusement, elle avait suivi assez de leçon de la part d’Ilhan pour comprendre qu’Aldaron, avec sa volonté de s’imposer avec paternalisme, avec ses œillères, voulait simplement tenter de ne pas se faire écarter de la situation. Une autre réalisation la frappa alors, qui expliquait d’autant mieux la tentative, certes gauche, de faire valoir la présence de Caladon : Aldaron avait sans doute peur qu’elle n’en vienne à choisir Sélénia plutôt que l’Alliance. Sans douter d’elle, l’elfe avait conscience du passé entre sa lignée et celle des Kohans. Et de ce que cela impliquait.

Devant cette évidence, elle choisit de ne pas le renvoyer à ses pénates, car en fin de compte, qu’il ait raison ou non au sujet de la puissance de l’or, le rabrouer reviendrait à l’imiter et à ne pas accepter que le modèle Délimarien ne soit pas le seul valable, qu’il ne soit pas le seul à ne pas avoir besoin des autres visions pour fonctionner. L’important n’étant pas un débat de vision sur la forme, mais le fait que Caladon ne voulait, et ne devait, être laissée pour compte. Forte de cela, elle répondit simplement, avec un calme relatif.

« Bien sûr que Caladon a des bienfaits à apporter, Aldaron, et elle pourra intervenir »

Elle se raffermit ensuite, et poursuivit, grave. Il fallait qu’elle l’énonce de nouveau, non parce qu’il ne le saurait pas, au fond, mais parce qu’il le fallait. Si Caladon ne voulait pas être écartée de la gestion de Cordont, Délimar ne voulait pas que l’on néglige son engagement global au sein de l’Alliance. Et ce qu’il impliquait. Il n’y avait pas de solution miracle à tout cela, de réponse parfaite à apporter, et néanmoins, ce n’était pas parce que la perfection n’existait pas qu’il ne fallait pas essayer de l’atteindre. En cela en tout cas, leurs deux patries se ressemblaient, même si la perfection n’avait pas totalement le même nom en soi.

« Cependant je veux que tu comprennes que, même si Caladon avait été unique à ratifier cette annexion, Délimar aurait été contrainte d’aider. C’est dans notre serment. Je te prie de garder à l’esprit que chaque fois que tu avances vers les autres puissances, comme moi également, cela implique l’autre. C’est ce qui rend notre collaboration si délicate »

Elle-même n’était jamais totalement certaine de ce qu’elle devait faire. Fort heureusement, elle avait moins de contact avec l’extérieur que Caladon. Délimar acquérait sa richesse différemment. Confiante dans le fait qu’il ne réfuterait pas ses inquiétudes pour les laisser dans un coin, voulant lui donner ce crédit-là, l’Intendante décida de ne pas pousser plus loin. Elle avait dit ce qu’elle avait à dire, continuer de pérorer dessus n’apportera rien du tout. Et il y avait autre chose qu’elle voulait voir aborder, au-delà de la situation immédiate. S’énonçant librement, elle écouta sans broncher sa réplique, puis secoua la tête.

Intérieurement, elle se désolait qu’on le remît tant en question au sein de ses soutiens personnels. Mais il s’agissait là de problèmes personnels. Qu’elle ne comprenait pas tout à fait, au demeurant. Perturbée, la nordique mit quelques instants à retrouver sa voix, et ne cachait pas sa perplexité. On le trouvait… loin ? Comment ça ? Emotionnellement ? Tant que cela ne menaçait pas ses devoirs, pourquoi est-ce qu’on le lui reprochait ? Elle-même n’aurait pas apprécié cela, si elle ne venait pas biaiser ses actes au quotidien, alors l’Intendante comprenait mal ce dont on pouvait le taxer. Mais surtout, ses propres réclamations ne se recoupaient pas du tout avec.

« Je préfère cette personne, mais pas parce que tu es ‘loin’. Parce que tu es entier et honnête, quand tu te bas. Et que je n’ai pas cette impression latente et désagréable chaque fois que nous discutons. Tes sentiments sont ton affaire, tu en fais ce que tu veux, mais je veux un allié sur lequel je peux compter, pas quelqu’un qui me méprise ou veut prendre l’ascendant sur moi, pas quelqu’un dont je dois soupeser les paroles pour des sens cachés, ou regarder derrière mon épaule en permanence »

Lui confiant sa proposition, elle attendit de savoir ce qu’il en pensait et fut soulagée de ses paroles. Ouvertement. Soupirant profondément, ses épaules s’affaissèrent légèrement et elle se passa une main sur la nuque pour la masser.

« Nous sommes donc d’accord… »

La constatation était perturbante, elle ne s’y était pas réellement attendue. Mais en soi, c’était une bonne chose. Cela simplifierait déjà la suite. Il faudrait certainement convaincre les autres dirigeants, mais ils se rangeraient certainement à leurs avis. Eux aussi devaient craindre, au fond d’eux. Il y avait beaucoup de positif à ne pas rester qu’entre eux, car si leurs cités n’étaient pas aussi puissantes, ils étaient tous intelligents, capables et engagés.

« Je pense qu’il faudra s’occuper de cela après avoir réglé l’affaire de Cordont. Nous avons assez à faire avec cela pour le moment. Nous allons devoir en parler avec les autres. Peut-être devrait-on appeler une réunion auprès de l’épée… et peut-être, si tu as déjà ton successeur, devrais-tu aussi l’amener ? »

Ce serait une occasion de jauger l’animal après tout. Et ça pouvait être bénéfique pour tout le monde. Et en parlant de cela, voilà que quelques idées lui venaient, dont elle voulait son avis pour la suite. Pour autant, elle garda par devers elle le prochain voyage qu’elle allait effectuer. Pas qu’elle ne lui faisait pas confiance, elle ne voulait pas leur donner à tous deux de faux espoirs, au cas où.

« Lorsque j’aurais vu Nolan, si un accord est trouvé, voudras-tu être présent ? Ainsi nous signeront tous en même temps, personne ne sera lésé et nous parleront au nom de l’Alliance complète… »

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    Un sourire fin marquait ses lèvres à la première réponses de Tryghild. Croyait-elle qu'il avait peur d'être mis de côté ? Qu'il était un cœur à materner et à rassurer ? Ah... Les valeurs de Délimar. Il les louait autant qu'il trouvait qu'elles fermaient les yeux sur beaucoup d'autres choses tout aussi importantes que l'idée de pouvoir compter sur la force de chacun. C'était avec ces nobles valeurs que les meilleurs peuples subissaient la trahison et si Delimar en avait enduré le joug, elle ne semblait pas s'orienter vers les conclusions les plus prometteuses. Tout comme les valeurs de Caladon étaient incomplètes et bornées au poids de l'or. C'était Ivanyr qui lui avait trop bien souligné ce point, avant que l'elfe n’admettent avoir compris cette leçon sans le savoir. Il ne vivait pas pour l'or. Il ne vivait pas pour s'enrichir tant et tant, comme nombre de ses citoyens. Il ne cherchait pas vraiment à se rassurer par l'accumulation de richesses. Il l'utilisait. Il ne connaissait pas l'illusion de l'or, mais son usage pratique. Il savait ce qui s'achetait et ce qui ne s'achetait pas.

    En cela le Marché Noir était un entre-deux. Il avait les certitudes que l'emprise monétaire ouvrait des portes que la pauvreté fermait cruellement... Tout comme il savait qu'il pouvait compter sur chacun de ses hommes, et qu'il veillait à ce que chacun donne son plein potentiel. Qu'ils soient à la place exacte où ils devaient être. Devait-il lui faire cette leçon ? Il s'y refusa. Elle était libre de ses croyances, tout comme il avait les siennes. Lui expliquer serait comme lui imposer sa vision des choses... Au fond, était-elle meilleure ? Il pouvait bien faire fausse route. Cela ne l'empêchait pas de trouver amusant combien ses propos avaient eu une autre traduction dans le cœur de la Glacernoise. Une traduction biaisée. L'écoutant jusqu'au bout sans l'interrompre, il finit par répondre à sa dernière question en premier : « Oui. Plus tôt ce sera terminé, plus tôt la tension retombera. J'aurais préféré que cela se passe à Cordont. »

    Elle qui craignait tant de le voir prendre l'ascendant sur l'Alliance... Il voulait qu'elle voit qu'en ce geste-là, ce n'était pas dans son intention. Un peu plus tôt dans leur conversation, elle lui soulignait encore combien cela serait plus facile si Délimar dirigeait l'Alliance. Et là ? Si l'invitation était délicate et faite de pragmatisme, ratifier l'accord à Délimar faisait de la Cité un centre symbolique comme le fut Cordont pour l'Armistice. Qu'elle l'ait recherché ou non. Et en vérité, il se doutait bien que venant d'elle, cela n'était que pure manœuvre pratique. Du moins l'espérait-il. Il aurait préféré que cela se passe à Cordont, non seulement parce que c'était cette ville qui était concernée mais aussi parce qu'il n'aurait pas eu à concéder à Délimar d'être le centre auxquels les dirigeants alentours devaient se présenter. Ainsi craignait-elle de lui ce qu'elle prenait pour elle, même sans le voir. Lui le voyait, parce qu'il était habitué aux politiciens de Caladon, et il savait ce qui se dirait d'une pareille position. Son regard appuyé sur elle le soulignait et pour autant, il avait déjà accepté.

    « Je ne suis pas un Kohan. Ma place à Caladon, je l'ai obtenue avec des promesses honorées pendant quatre siècles, pas par impérialisme, ni avec des trahisons et des mensonges. Tu peux croire en mes mots et mes actes, ils sont souvent plus honnêtes qu'ils n'y paraissent. » Ce n'était pas parce qu'il aidait un ennemi qu'il ne ne faisait pas pour ses alliés. Il était d'ailleurs assez rare qu'il fasse quoique ce soit pour une seule raison. Elles étaient nombreuses, polyvalentes et subtiles... Tant qu'elles en avaient l'air étranges et traîtres. « Et je n'ai pas de successeur. Le peuple élira un nouveau bourgmestre, mais lorsque nous aurons son nom, il sera trop tard pour que je reformule avec toi notre serment. Toutefois, je pourrais venir à l'épée avec les favoris, oui... Pour qu'ils apprennent. » Ça l'inquiétait en soi... A demi-mot, il lui soulignait combien il ne savait pas encore qui il allait bien pouvoir pouliner pour être à la tête de Caladon. Chaque nom qui lui venait en tête ne le satisfaisait pas pleinement. C'était trop tôt pour partir... Et pourtant ? Il partirait.

    Eleonnora apprendrait sur le tas, et il veillerait à ce qu'elle reste entourée par le marché Noir. Son Magistrat l’assisterait et lui-même ne serait jamais vraiment loin. Il faudrait aussi que sa protégée comprenne et accepte les valeurs de Délimar et en cela, la présence d'Autone lui ferait le plus grand bien. Du moins, il l'espérait. Il poussa un soupir avant de revenir sur un point qu'il n'avait abordé qu'auprès de peu de personnes, et qu'il devait partager auprès de son alliée : « La terre avait tremblé à Cordont, plusieurs fois depuis quelques jours. Rien que de petites secousses que personne n'a pris au sérieux. » Peut-être aurait-ils pu éviter tous ces morts, dans le cas contraire... « Nous savons pourquoi notre terre est secouée à présent. Il y a fort à parier que Calastin soit une croûte de terre qui repose sur des piliers de golems endormis... Mais qui peuvent s'éveiller. Leur cœur, le cristal de magie, comporte un ordre et... Lorsque j'ai essayé, par la magie elfique de contrôler l'un d'eux comme on peut le faire sur des animaux... J'ai été repoussé par cette chose. Ce n'est pas un animal, ça ne vit pas vraiment... C'est comme un mécanisme, doté d'une fonction. »

    Ses sourcils se fronçaient délicatement face à l'explication qu'il donnait sans savoir s'il réussissait à être juste : « Je pense que les graärhs d'antan savaient comment leur graver ce commandement. Celui que j'ai tenté de calmer disait en langue graärh qu'il devait protéger les graärhs du danger et des envahisseurs Il est possible que d'autres s'activent à notre simple présence dans les sous-terrains, s'ils ont reçu le même ordre. L'idéal aurait été de leur donner un contre-ordre à distance... Mais ce savoir à été perdu. Il nous faudra être vigilant dans nos explorations lorsqu'elles débuteront... »

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Une expression d'incrédulité calme se peignit sur les traits puissants de la nordique en réponse aux paroles de l'elfe. Il lui fallut quelques instants pour qu'elle comprenne ce que l'on portait à sa connaissance. Mais de quoi parlait-il ? Qu'est-ce qui aurait dû se passer à Cordont qui ne s'y passait pas ? Sa discussion avec Nolan ? Autre chose ? Elle était perdue. Et c'était humiliant en plus, qu'est-ce qu'elle avait pu mal comprendre ou rater dans les cinq dernières minutes ? Raide et gênée, elle se dépêcha de faire le point sur leur discussion avant que l'évidence ne la frappe enfin et ne lui fasse adopter une expression encore plus perplexe et mitigée. Depuis quand est-ce que la signature du traité n'avait pas lieu à Cordont ? Est-ce qu'elle avait dit quelque chose de travers ou est-ce qu'on avait décidé de cela sans elle ? Non, Ilhan n'était pas encore arrivé et de toute façon il ne lui ferait jamais un coup pareil. Est-ce que sa discussion avec Nolan avait traumatisé Aldaron à ce point ? Elle devrait peut-être l'inviter à rester avec elle un peu plus, peut-être dîner ensemble et qu'il puisse se détendre un peu en compagnie d'alliés. Il avait sans nul doute eut énormément de pression de la part de son conseil, exactement comme elle avec le sien. Ou alors, elle avait usé d'une mauvaise tournure de phrase en commun ? Qu'il aurait été plus simple que son vis à vis connaisse sa propre langue ! Il était certainement plus doué pour apprendre qu'elle.

«  Si tu parles du traité avec Nolan Kohan, je pensais effectivement le faire signer à Cordont. Mais je ne savais pas si nous pourrions y être tous les trois en même temps. Est-ce que je me suis mal exprimée ?  »

Ils avaient des nations à diriger après tout, ce n'était pas simple, même pour une telle occasion, de faire coïncider leurs devoirs. Mais à ses yeux, ça aurait été le mieux et il fallait reconnaître que, même si elle n'aimait pas la magie, le fait de pouvoir être à deux lieux en même temps était pratique. La suite néanmoins la détourna de cette pensée. Elle se rembrunie et détourna légèrement la tête, n'étant pas certaine de la façon de lui expliquer ce qui l'ennuyait. Et il avait d'autres inquiétudes encore. Bon sang que tout cela était difficile. Si elle n'avait pas eut autant de respect autant pour lui que pour les siens, elle aurait abandonné son siège depuis longtemps tant cela la frustrait et la contraignait à des exercices auxquels elle n'était pas douée du tout. A la place, elle ferma les yeux et se passa une main sur la nuque pour se couper de tout cela un bref instant avant de lui revenir. Elle n'imaginait pas comment il pouvait supporter cela depuis quatre cent ans. Ce n'était plus de la patience, à ce stade, même si elle n'était pas certaine de savoir ce dont il s'agissait exactement. Reposant son regard sur lui, elle hocha profondément la tête et répondit enfin, avec simplicité, comme elle le faisait souvent, bien que le ton fut plus libéral qu'à l'ordinaire, et un semblant gêné également.

«  Je veux pouvoir te faire confiance. Mais c'est dur de sauter le pas, après… tout ce qui s'est passé, et tu es loin. Caladon est loin, et tu es entouré d'hommes et de femmes qui ont leurs propres ambitions et leurs propres armes, que je n'approuve pas vraiment, même si j'accepte ces alliés comme ils sont. Quant à renforcer le serment, fort bien, nous le feront ensemble. Mais il faudra effectivement instruire quiconque prendra ta place par la suite...  »

Elle préférait vraiment qu'il reste. Nul ne savait qui prendrait sa suite, ni comment les relations s'établiraient, or ils avaient besoin de force et de stabilité. Cependant, elle n'était pas décideuse de cela, elle ne pouvait le forcer à rien et n'en avait pas non plus la volonté malgré tout. Elle ne croyait qu'à la volonté et aux actes, combien de fois l'avait-elle dit ? S'il restait en étant forcé cela n'irait pas davantage en fin de compte. Voyant qu'il ne désirait pas s'étendre davantage sur le sujet, Tryghild ne chercha donc pas à poursuivre, préférant attendre de savoir ce qu'il avait en tête, car de toute façon, rien de tout cela ne se ferait avant la conclusion des événements de Cordont. Il était impensable d'écarter la catastrophe de leurs obligations immédiates. Fronçant à son tours les sourcils, elle eut un simple hochement de tête pour agréer au besoin de prudence qu'ils devraient avoir. On lui avait également rapporté que des créatures étranges s'étaient échappées du gouffre. L'exploration risquait d'être excessivement délicate et il faudrait probablement éviter de quitter les abords de la béance pendant un long moment. S'ils parvenaient déjà à circonvenir les abords et à sécuriser les lieux afin que des spécialistes descendent à leurs tours pour une étude du milieu, ce serait une belle réussite.

«  Nous seront très méthodiques et il ne sera prit aucun risque inutile. Notre but est de comprendre et de sécuriser, la hâte ne nous donnera ni l'un ni l'autre. Tu m'interpelle cependant sur un point. Les golems seraient les protecteurs des Graarhs, c'est ça ? Mais il n'y a pas de Graarhs sur Calastin. Et il n'était jamais prévu que nous soyons exilés ici. Donc si les golems protègent les Graarhs, quelle est la menace ? Et comment se fait-il qu'il y ait une couche de terre si dense au-dessus des golems ? Peut-être que la menace en question se trouve là, en bas. Et dans ce cas, peut-être ne faudrait-il descendre qu'aux abords du gouffre de façon définitive, ne jamais chercher plus loin… ou alors trouver la menace et établir notre propre garde  »

Au risque qu'elle ne soit pas suffisante. Ils n'avaient hélas pas brillé ces dernières années par leur efficacité à protéger quoi que ce soit, il fallait bien l'avouer. Elle se garda de le dire, mais elle le pensait. Elle n'avait strictement aucune idée de l'identité d'une menace qui pourrait nécessiter des Golems géants pour gardien, mais elle imaginait sans mal que de telles créatures auraient pu tout à fait servir lors de la guerre contre le tyran blanc. Mais même si le savoir sur les golems avaient été perdus, il y avait peut-être une possibilité pour retrouver des bribes d'information dans la culture des natifs de l'archipel. Il restait toujours quelque chose en fin de compte… eux aussi avaient eut des bribes d'informations sur leurs propres passés. Bien évidemment, ils allaient encore se heurter aux exactions de leurs peuples à l'égard des Graarhs et c'était de bonne guerre malheureusement. Elle allait devoir prier pour que la main qu'ils désiraient tendre ne soit pas ignorée. C'était inquiétant. En un sens, auparavant, ils savaient ce à quoi ils avaient affaire, mais ici ? Ici ils ne savaient pas du tout. Ils avançaient littéralement dans le noir, et en plus avec un Empire en face qui n'était pas digne de confiance. Autant dire qu'elle n'aimait pas du tout cela.

«  As-tu entendu quoi que ce soit d'autre lorsque tu as voulu interagir avec le Golem ? Comment avez-vous réussi à l'arrêter exactement ?  »

Il était déjà très intéressant d'avoir ce lambeau d'information car c'était un début de piste. Pauvre, mais un début tout de même, donc pas à négliger. Autant en faire le plus possible avec ce qu'ils avaient.

«  Aurais-tu également plus d'informations sur les créatures qui s'échappent du gouffre ?  »

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    L'elfe eut un sourire bref et calme. De la part de quelqu'un d'autre, il aurait jugé la personne de mauvaise foi, mais l'Intendante avait cette franchise féroce qui ne s'entendait pas en cela. « Ton propos sonnait comme une invitation polie à vous rejoindre à Délimar. Je sais que cette... Illusion de moi peut te laisser à penser le contraire, mais je suis bel et bien à Cordont. Je vous y attendrai, toi et Kohan, pour ratifier le traité ; je n'ai pas l'intention de me replier chez moi pour des choses aussi importantes. » Même si Caladon lui manquait, au fond. Surtout face à ce qu'était l'univers de la Chue. Par moment, il avait simplement envie d'aller se promener dans ces rues pleines de vie de la cité marchand plutôt que dans les sillages moroses du campement. Aldaron haussa les épaules, sans chercher plus au delà. L'important était que le traité soit signé et que la guerre soit éloignée, au moins pour un temps. L'écoutant un instant, silencieux, il vint finalement lui faire une proposition.

    « Je viendrai plus souvent, ici, à Délimar, si tu me le permets. Une fois que je ne serai plus Bourgmestre, seulement Conseiller, j'aurais plus de temps et de leste pour cela. » C'était une main tendue pour être moins loin. Cela lui changerait de Caladon et serait comme une bouffée d'air, loin de la politique féroce. Il pourrait aussi apprendre, à plus forte école que son seul fiancé, la langue nordique. Lorsqu'il avait délaissé le royaume des elfes, il ne parlait pas un mot de commun, il avait appris sur le tas. Il pourrait aussi s’entraîner plus durement à l'archerie auprès des meilleurs guerriers de l'archipel. Il s'étonnait parfois de la facilité qu'il avait à se construire un avenir en toutes circonstances. C'était comme si Morneflamme n'avait pas détruit et fermé son monde à de maigres options imbuvables. « Quant à Caladon, je ne compte pas livrer la ville à elle-même après mon départ, je l'accompagnerai. C'est... Un peu ma maison. Elle s'appelle la Revenante car elle a gardé cet ersatz de ce qu'elle fut sur l'ancien continent. » Un temple sacré où la Triade avait évolué avec le Marché Noir, en devenant une place tournante et imposante au nez et à la barbe du Tyran Blanc. Maintenant, c'était au nez et à la barbe de Nolan Kohan

    Il s'arrêta un instant sur la pertinence de son propos, au sujet de l'absence de graärhs sur Calastin. Il clignait des yeux, un bref instant. Les humains le surprendraient toujours, ils mettaient le doigts sur des points bien plus rapidement que leurs homologues elfiques. Cela ne faisait que le conforter dans l'idée qu'il fallait un humain à la tête de Caladon et non un elfe. « C'est en effet étrange... » souffla-t-il songeur, si bien que lorsqu'elle lui posa des questions, sans savoir par où commencer exactement. « Pour le moment, il n'y a rien eu qui soit sorti des profondeurs. Excepté une plante assez prolifique et envahissante. Ils l’appellent Ékinoppyre. Elle est carnivore et semble se nourrir de la lumière du jour et de chair pour se développer et gagner du terrain. La nuit, elle entre en stase et il est possible de la détruire. Je pense qu'il faudra là garder à l'intérieur, l'obscurité des profondeurs n'étaient pas favorable à son épanouissement. Mais je... Si les graärh étaient capables de contrôler des golems, je doute qu'ils aient simplement voulu enfermer cette plante. Aussi intempestive soit-elle. »

    Il s'adossa à la muraille, son regard d'émeraude passait successivement et pensivement d'un garde en armure à l'autre... Que de montagnes ici. L'elfe arrivait à se sentir extrêmement petit alors qu'il était déjà d'une bonne taille. « Les graärhs cultivent beaucoup de légendes sur leur peuple. Elles leur servent de ligne de conduite comme nos contes. Aujourd'hui, ils vivent... le plus simplement et humblement possible. Ils adulent les esprits-liés et agissent de la manière la plus honorable possible. Pour eux, c'est une sorte de pénitence ou une quête de rédemption, plus qu'un coutume. Autrefois, il y aurait eu plus de légions que les deux qui se trouvent sur Nyn-Tiamat et Néthéril. Il est possible qu'elles se soient éteintes... Ou peut-être qu'une vit encore sous Calastin, justement. » C'était assez difficile à dire et incertain. L'elfe avait baissé les yeux vers le sol, pour concentrer ses réflexions, les sourcils légèrement froncés.

    « Les golems sont des choses... Ce ne sont pas des créatures, ils n'ont pas... De pensées propres, d'instinct ou de libre arbitre. Leur cœur est un cristal de magie. C'est ce que les enchanteurs utilisent pour créer des glyphes sur nos objets magiques. Ils sont en général tout petit et ont des effets... Liés à la nature. » commença-t-il à expliquer, peut certain que Tryghild soit complètement au fait de cela, puisque cela touchait le domaine de la magie. Néanmoins, il ne la pensait pas ignorante, il fallait souvent connaître ce qu'on combat pour le faire efficacement. Dans le doute, il veillait à être clair. « De ce qui en était dit au congrès, il est possible d'inscrire un ordre sur ce cristal. Comme... Défends ou protèges. Personne ne semble savoir comment, même le graärh que j'ai interrogé ignore cela. Cela vient corroborer l'idée qu'il y a eu des graärhs sur Calastin. Peut-être se sont-il éteint mais que... Qu'il reste des vestiges de leur civilisation. Peut-être juste sous nos pieds. » Un soupir souleva son corps, pensif avant qu'il ne relève ses mires verdoyantes sur Tryghild comme pour avoir son avis sur cela.

    « La personne qui a arrêté les golems est un maître-glyphe, un enchanteur. Il est entré à l'intérieur du golem. » D'un geste vague de la main, il désignait son propre torse avant de refermer son poing dans le vide. « Et il a, je pense, étendu sa magie en entrant en contact physiquement avec le cœur de cristal. Cela l'a stoppé, brisé et cela s'est étendu sur l'autre golem comme de la foudre. Leur cœur est le centre de tout. Si on les désactive magiquement ou si on les retire des golems, ils ne sont plus qu'un tas de roches sans danger. » Il eut un fin sourire : « En vérité, je ne sais pas si nous pouvons vraiment nous permettre de rester aux abords sans explorer les profondeurs. Ce qui s'est produit à Cordont se produira peut-être à Délimar ou à Caladon un jour prochain. Et s'il y a vraiment un...Grave danger sous nos terres... Je préférerai le savoir que de fermer les yeux et croire que tout va bien. »

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Elle hocha la tête, mais ne fit pas plus de commentaires. En un sens, les agissements de Nolan leur portait tous sur les nerfs et n'aidaient personne à rester courtois. Jusqu'ici, Caladon et Délimar avaient réussi à rester cohérents et unis, et le but était de continuer. Sans eux, sans leur dynamique, l'Alliance ne tiendrait pas. Ils valaient mieux que les Séléniens. Bien mieux. La proposition de l'elfe et le pas en avant qu'il faisait envers eux étaient tout à son honneur et lui convenait très bien, et elle le fit savoir d'un hochement de tête brusque. Ce serait très bien, qu'il vienne. Annoncer une alliance n'était pas suffisant, les mots ne valaient rien, les mots étaient du vent. Il fallait un lien bien plus solide que celui-là et ça passait par la présence mutuelle. Mutuelle oui, car sans doute devrait-elle également supporter de devoir aller à Caladon, même si elle détestait cette ville qui n'avait pas du tout été faite pour des proportions Glacernoises. Après un bref instant, tandis qu'il poursuivait sur sa lancée, elle se fendit d'une invitation courte et simple, au travers d'une formule ancienne de son peuple qui avait traversé les âges, devenant, d'une simple affirmation, une phrase consacrée au pouvoir symbolique profond, celui qu'entretenaient les fils et filles du nord avec ceux dont ils partageaient le sang, non par le don de vie, mais par le don de soi.

« Minun talo on sinun pyhäkkösi* »

Mais l'heure n'était pas uniquement à travailler pour l'unité qu'ils souhaitaient donner à l'Alliance. Les nouvelles et les informations partagées par l'elfe étaient troublantes, et demandaient réflexion. Aldaron avait raison, ce n'était certainement pas pour une simple plante que les golems étaient là. C'était bel et beau, mais dans ce cas, pourquoi étaient-ils là justement ? D'autres Graarhs, qui auraient disparus ? Peut-être. C'était une piste à suivre, qu'il ne fallait sans doute pas négliger. Mais elle ne semblait pas concorder complètement. Plutôt que de ruminer ses questions et ses interrogations, elle décida de les partager avec lui. Ensemble, ils pourraient peut-être construire quelque chose de complet, ou alors trouver mutuellement d'autres personnes à interroger. Son père lui avait toujours dit que le propre d'un bon gouvernant était de savoir s'entourer correctement plutôt que de tout faire tout seul. C'était avec cette idée en tête qu'elle avait recruté Ilhan, qu'elle avait accepté les lyssiens, et bien entendu, qu'elle avait cherché à se rapprocher des Almaréens. Tous ensemble, ils étaient forts. Leur unité était très importante. Aujourd'hui cette unité s'étendait également à l'Alliance toute entière. Et elle avait foi qu'Aldaron était de même avis.

« Peut-être en effet. Mais ça n'explique pas la proportion gigantesque des golems ni de la construction de Calastin. Avoir bâti une terre au dessus de la terre ? C'est prodigieux Aldaron. Si c'est naturel c'est un phénomène extraordinaire et si ça ne l'est pas, l'architecte qui a fait ça aurait été l'équivalent d'une déesse sur terre. Et ces choses sont assez grandes pour tenir tête à un dragon »

L'explication sur la magie la fit grimacer. Encore de la magie ! Sincèrement, quand le reste du monde allait-il comprendre qu'il valait mieux ne pas essayer de se faire exploser en jouant avec des forces qui ne leur étaient pas destinées ? Pourquoi toujours de la magie ? Elle hocha la tête pour lui indiquer qu'elle suivait, sans pour autant reprendre immédiatement la parole. Oui, une civilisation Graarh avait peut-être existé sur Calastin. Si tel était le cas, alors leurs explorations devraient obligatoirement comporter des Graarhs, autant parce que c'était plus juste, mais aussi parce que cela pourrait servir si leurs potentielles découvertes reconnaissaient des natifs de l'île. Mais on en revenait à un problème majeur à ses yeux : est-ce que les natifs accepteraient d'aider ? Elle grimaça de nouveau. Un enchanteur, rien que ça. Encore de la magie. Décidément, elle en soupait à toutes les sauces. Des golems sous leurs pieds, des cristaux de magie, des plantes magiques, des animaux magiques… et puis quoi encore ? Est-ce que demain son oreiller allait se mettre à lui parler aussi ? Elle n'était pas certaine de garder son calme si on lui parlait encore une fois de magie.

« Oui et jusqu'à maintenant chaque fois que quelqu'un a voulu aller voir quelque chose pour sécuriser le monde, tout s'est très bien passé n'est-ce pas ? »

Elle n'avait simplement pas pu s'en empêcher. Ah oui, ça c'était très bien passé avec la libération du tyran blanc, ah oui oui ! Ronchonnant dans sa langue natale sur les excuses qui conduisaient à des catastrophes et sur la magie en général, Tryghild mit plusieurs longues minutes à accepter de redevenir intelligible. Expirant profondément, elle se tourna de nouveau vers l'elfe, grave. Ce n'était pas spécialement contre lui, qu'elle était en colère, il n'avait rien fait de mal, mais tout cela ravivait des blessures profondes. Son peuple avait perdu tout son passé et sa patrie à cause de l'éveil du Tyran. Elle n'avait pas envie d'agir inconsidérément dans une situation similaire, lorsque toutes les maigres informations à dispositions étaient alarmantes quand à la possible teneur de la menace. Recroisant les bras, elle se campa au milieu du chemin de ronde en se retenant de faire les cents pas, de nouveau plongée dans une certaine fébrilité nerveuse. Elle avait l'impression de se retrouver devant un gouffre sans savoir si elle devait sauter, s'écarter, ou construire une échelle.

« Parfois, la meilleure manière de se garder en sécurité c'est de ne pas chercher à savoir. Je ne dis pas que c'est forcément le cas ici, mais je ne peux pas non plus simplement me dire qu'explorer de fonds en combles ces souterrains est forcément la réponse à nos problèmes. Il est possible qu'en voulant s'assurer de notre sécurité nous la mettions en danger. C'est exactement ce qui est arrivé la dernière fois... »

Un instant, elle s'arrêta, déglutissant l'amertume qui lui venait viscéralement à ce rappel.

« Je ne l'écarte pas forcément mais je ne veux pas voir ces explorations comme un passage obligatoire. Et de toute façon, entre temps, nous aurons travaillé à Cordont. Ce que nous verrons aux pieds du gouffre en lui-même apportera peut-être d'autres éléments de réponse. Et si des Graarhs veulent bien nous prêter leur aide, cela sera également un ajout important. Qu'en penses-tu ?»

S'interrompant, elle baissa légèrement la tête, pensive, la mâchoire dure dans la discipline qu'elle mettait à ne pas agonir les utilisateurs de magie d'injures. Néanmoins, si ces gens pouvaient au moins se contrôler et se juguler à défaut d'arrêter leurs hérésies. Chaque fois qu'on lui rapportait des problèmes, c'était en rapport avec des foutus magiciens. Est-ce qu'un glacernois avait détruit le monde ? Non. Le pire de tout c'était que c'était parfois les mages qui se disaient les plus altruistes et bénéfiques qui se retrouvaient être les pires des raclures.

« Dans tous les cas, cela ne fait que renforcer ma conviction de ne pas vouloir Sélénia à cet endroit. Nous leur devons bien assez de malheurs et de catastrophe comme cela sans en plus nous passer la corde au cou…. Et le Graarh que tu as pu interroger ? Où est-il ? Accepterait-il de nous assister davantage ? Sais-tu s'il y a des... »

Elle pinça et tordit les lèvres comme sous un goût infâme.

« Des enchanteurs, à Sélénia… ? »

*Ma maison est ton sanctuaire

descriptionOiseau de quel augure ? [PV Aldaron] EmptyRe: Oiseau de quel augure ? [PV Aldaron]

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    Si Aldaron ne capta l’entièreté de ce qu'elle lui dit en langue nordique, il en saisit le sens général. Le mot 'sanctuaire' ne figurait pas encore à son vocabulaire, mais il ne le garda bien en tête pour revenir vers Ivanyr ensuite. Le ton employé par Tryghild, ainsi que son expression non-verbale lui permit de comprendre qu'il s'agissait d'une invitation acceptée. Il la graciait d'un regard d'émeraude respectueux et reconnaissant. La confiance ne se donnait pas au hasard. Elle se travaillait au quotidien, elle se constituait de preuves et de proximité. Il ne l’obtiendrait pas aujourd’hui, mais il voulait aller en ce sens, non seulement pour l’Alliance, aussi, tout simplement, parce que c’était dans la nature de la Triade de s’ouvrir à chacun. Cela se cumulait souvent d’une certaine curiosité naïve et d’un apprentissage nouveau pour reformer, autour de cet enrichissement, de nouvelles valeurs. Aldaron était un être qui aimait la modération, prendre tout et parvenir à créer une communion, une symbiose respectueuse. Il ne s’enfermait pas dans les croyances butées, du moins essayait-il. Il préférait se faire ses propres opinions. Délimar l’intriguait et Tryghild Svenn en était une figure aussi incontournable que merveilleuse. Elle avait une franchise hors du commun, tranchante et blessante tant elle était cruelle de vérité, mais aussi reposante, apaisante. Elle ne laissait pas la place à la manipulation et aux faux semblants, sans l’ombre d’un doute.

    Il l’écouta jusqu’au terme de ses mots et de ses questions. Elle visait juste sur bien des points, s’interrogeait sur des ergots d’incohérence. Il leur faudrait pousser plus loin la réflexion sur ces informations que leur offrait cette béance vers les profondeurs de Calastin. « Il y a des maîtres-glyphes à Sélénia. Mais il y en a aussi à Caladon. C’est une activité très lucrative. C’est comme… La différence entre le prix d’un lingot de fer et le prix d’une épée forgée. La seconde a été façonnée, améliorée pour convenir à certains usages. Et même si je ne doute pas de la capacité de tes hommes à utiliser des lingots bruts comme arme, force est de constater qu’une épée sera plus efficace à l’usage. Caladon ne pouvait pas passer à côté de cette source d’enrichissement, tu comprends ? » Il espérait. La force de travail et le talent avait aussi un prix à Caladon, là où tout se donnait à Délimar. Dans la cité marchande, bien des choses étaient monnayables, pour ne pas dire tout. « Je pourrais en faire venir, une fois la situation à Cordont stabilisée. » Prenant entre ses doigts l’extrémité d’un longue mèche blanche, il tâcha d’y placer sa concentration, pour ne pas se laisser emporter par les manifestations nerveuses de Tryghild dès qu’il était question de magie. Il la trouvait bien endurante, mais elle ne pouvait pas cacher son dégoût viscéral.

    « Le graärh dont je te parle s’appelle Purnendu Chikitsak. C’est un… Banni, disons, de la légion graärh de Nyn-Tiamat. Il est un excellent guérisseur, spirite de l’esprit-lié du raton-laveur. Il se trouve actuellement à Cordont pour soigner les victimes. Je pense qu’il acceptera de nous aider, si je lui demande… Mais pas seulement. Comme tous les érudits, il a vite compris les enjeux au sujet de sa propre civilisation qui se cachent dans l’ombre de ces profondeurs. Je pense… Qu’il est naturel de vouloir comprendre notre héritage et de remonter les racines de notre histoire. Ce n’est pas le genre de personne qui forcera le passage pour en découvrir plus, mais si nous l’invitons, je suis assez confiant dans l’idée qu’il saura nous éclairer sur ce que nous pourrions découvrir sous nos pieds. » Un soupir souleva son torse alors qu’il relevait les yeux sur l’Intendante, à la fois tendu et perplexe. Il fronçait doucement les sourcils avant d’ajouter : « Lorsque vous avons été réveiller le Tyran Blanc, nous y allions parce que notre monde était entrain d’être dévoré par le Néant. Le Royaume Elfique, pour commencer… Et puis les perles qui jonchaient le continent malgré notre lutte pour les éradiquer. Effectivement, cela ne nous a pas réussi de libérer ce Dragon horrible et crois bien que j’en ai personnellement senti les conséquences. » Morneflamme avait été une horreur si odieuse qu’aucun des Protégés, cachés derrière les barrières des Déesses, n’en connaîtraient jamais le prix. « Mais aurait-il été mieux de ne rien faire ? Nous devions nous battre. »

    Son visage se détendait, ses sourcils se lisaient finement. « Et aujourd’hui, c’est un peu la même chose. Notre terre tremble. Nous savons à présent pourquoi et je ne peux pas simplement fermer les yeux sur ce danger. Ce qui est arrivé à Cordont pourrait arriver à Caladon, à Délimar, à n’importe quelle cité libre. Moi aussi, j’aimerais bien avoir le choix et ne pas voir cela comme un passage obligé, mais… Je ne suis pas certain de pouvoir dormir sur mes deux oreilles en sachant que mon peuple repose sur un tabouret déséquilibré. Tiamaranta est une terre nouvelle, tout n’est que découverte, à chaque pas que nous faisons, chaque mur que nous érigeons… Nous ne sommes pas bien certains de ce que quoi nous le faisons. » Il sortit de l’une de ses poches une roche sombre et poreuse. Elle mit un peu de temps à se matérialiser nettement et lorsqu’il la laissa retomber dans l’une des mains de Tryghild, en lui assurant que ce n’était pas magique, la magie qui formait sa propre enveloppe matérielle et corporelle sembla frémir avant de se reconstituer, lisse. « C’est ce qu’il y a sous la terre fertile. La première roche que supportent les golems. » Il détournait le regard, visiblement mal à l’aise. « Je ne suis pas expert en matière de cailloux… Surtout lorsqu’ils ne sont pas des joyaux. » Il était un marchand, c’était de son périmètre de reconnaître un diamant ou une émeraude… Mais le reste de ces pierres ? Un Chante-terre en ferait une meilleure étude. « Mais… La dernière fois que j’en ai vu quelque chose de similaire, c’était... » Serrant le dents, il mit quelques secondes avant d’achever : « C’était à Morneflamme. » Les ambarhùniens n’avaient pas l’habitude de croiser de la roche volcanique. Avant le Tyran Blanc, il n’y avait eu que des montagnes, pas de feu ni de souffre. L’elfe avait suffisamment dormi sur cette roche brûlante pour l’avoir reconnue, même s’il avait été étonné de la trouver froide, ici, à Calastin.

    Se dirigeant vers un râtelier d’armes, il prit une épée, bien décidé à couper court à ce qui le rongeait et vite. « Bien, assez parlé de magie et de cailloux. Je ne suis pas un bon épéiste, mais je suis un elfe. Je devrais pouvoir au moins encaisser quelques passes. » Un sourire revenait, comme un masque camoufle une blessure, alors que ses prunelles suivaient l’acier jusqu’à se poser sur Tryghild. « Partante ? »

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Elle hocha sèchement la tête aux explications données, suivant assez aisément ce dont on lui parlait. Une curiosité lui restait néanmoins à savoir s'il pensait qu'elle lui reprochait d'accueillir des maîtres-glyphes ou si elle interprétait simplement mal la tournure. Dans le doute, la nordique décida simplement de s'éviter une mésentente par quiproquo et expliqua sobrement à l'elfe qu'elle ne remettait pas en question la rentabilité de ce commerce. Si elle posait la question, c'était plutôt pour savoir si Sélénia disposait de quelqu'un qui pourrait, comme l'artisan dont le Bourgmestre avait parlé, réveiller ou arrêter un de ces golems. Elle voulait savoir les outils dont disposaient leurs encombrants voisins du nord. Et la dangerosité de ceux-ci. Si faire venir un de ces artisans pouvait également aider à découvrir les spécificités des golems, alors elle n'avait rien contre. Toute aide dont ils étaient sûrs était bonne à prendre dans un moment pareil. Elle fut davantage apaisée et curieuse d'entendre parler de Graarh car si Aldaron avait très certainement entendu parler des démarches qui s'ébauchaient à Délimar, il n'avait peut-être pas connaissance de la portée exacte quand elles concernaient les natifs de l'Archipel. L'Intendante était surprise de savoir qu'un Graarh acceptait d'aider la population humaine, après ce que leur race infligeait à la sienne. Cet individu devait avoir beaucoup de choses à dire sur la situation actuelle. Vouloir le rencontrer était donc naturel, même au-delà de leur besoin d'en apprendre davantage sur ce qui se trouvait sous Calastin.

« Voilà qui est parfait. Si tu penses qu'il acceptera de nous aider, alors allons en ce sens. Il a toute légitimité à avoir accès à ce que nous découvrons, et s'il veut bien nous guider, alors nous disposons d'une chance inattendue. Je n'aurais jamais pensé qu'un natif accepterai après les sévices que nous leur avons fait subir »

La suite lui tira un bref sourire. Parfois, Aldaron agissait vraiment comme un elfe, au point qu'il en devenait agaçant et frustrant. Mais parfois… parfois il agissait plus comme un humain, plus qu'elle-même ou que d'autres. Vouloir à tout prix agir, vouloir à tout prix voir la lutte comme un passage du feu, un passage obligé, et vouloir le justifier… oui c'était très humain. Elle n'avait vu personne d'autre agir ainsi. Sans doute à cause de cela, elle n'avait simplement pas envie de secouer les fondements de ses convictions, ou de les remettre en cause. Ce n'était pas sa façon d'être que de vouloir faire adhérer quelqu'un à chaque petit avis qu'elle pouvait avoir. Néanmoins, et parce que c'était le sujet de la conversation, elle devait bien répondre quelque chose. Secouant légèrement la tête, elle croisa les bras, balançant son poids sur une seule jambe et soulageant la seconde.

« Savoir exactement ce qui se trame ne va pas t'aider à mieux dormir. Je ne te dis pas de ne rien faire, mais foncer n'est pas la seule possibilité. Des choix, on en a. C'est à nous d'apprendre des erreurs commises par le passé pour faire mieux cette fois. Autrefois, la différence était simplement qu'on ne savait pas que le tabouret était déséquilibré, aujourd'hui on en a conscience et cette conscience nous ouvre la voie pour agir avec plus de prudence et d'intelligence en même temps qu'elle nous effraie. Et en parler, c'est déjà prendre ce chemin Aldaron. Plutôt que de foncer tête baissée sur les conseils d'un type qui sortait de nul part. Tu t'es déjà forgé un choix qui n'était pas comme notre passé, autant continuer ? »

Elle aussi, elle avait peur, mais elle n'allait plus laisser quelqu'un alimenter et diriger ses peurs sans réfléchir et consulter ses alliés. Qu'il décide de s'entretenir de tout cela avec elle prouvait qu'il avait la même démarche même sans le vouloir. Ou peut-être le voulait-il mais s'accrochait-il à une semblance pour se sentir mieux ? Elle aurait comprit. Elle avait fait la même chose elle aussi. À tout prendre, elle préférait cet Aldaron-là. Ensemble, ils allaient pouvoir définir une stratégie. En le voyant lui tendre un morceau de roche, elle haussa un sourcil, d'abord méfiante, puis hésitante alors qu'elle le prenait dans ses mains. L'assurance de l'elfe que ça n'avait rien de magique l'aida énormément à accepter, d'ailleurs. Lentement, elle le porta à son regard pour l'observer avec intensité. Il reprenait la parole, et elle lui jeta un coup d'oeil avant de revenir à la roche. Elle aussi avait déjà vu ça, une fois, il y a des années.

« Je m'en souviens »

Sa voix était grave et ténue. Elle ne lui infligea aucun long palabre au sujet de ce sujet douloureux.

« On dirait les échantillons que mes équipes d'exploration ont ramenées de Tiamat. Je pourrais leur poser la question. J'ai des géologues qui arrivent à Cordont également, tu pourras les consulter »

Elle-même n'était pas une experte. Elle se souvenait simplement d'être retournée vers les montagnes pour constater elle-même ce qui était arrivé, ce qu'il était advenu de Glacern. Ça avait été sa première rencontre avec de la roche volcanique. La dernière avant l'arrivée sur l'Archipel. Pensive, elle resta encore un instant à observer le morceau terrestre avant que l'elfe n'attire son attention sur autre chose. Haussant un sourcil, elle se fit plus joueuse, sourire de loup aux lèvres. Il voulait croiser le fer, vraiment ? Ce n'était pas commun ça, mais ce serait avec plaisir. Croisant son regard, elle comprit vite, et s'étira souplement avant d'attraper sa propre lame, Loyale. L'acier renforcé portait encore la marque du coup qui avait ôté la vie à son époux. Le prince était mort quelques semaines avant la signature du traité. Certains pouvaient considérer ça comme un gâchis, mais la vérité était que sans ce sacrifice, les combats auraient duré bien plus longtemps.

« Bien sûr. Viens, suis moi »

Ils n'allaient pas faire ça sur les remparts après tout. Descendant par l'un des escaliers intérieurs, elle guida l'elfe jusqu'à l'un des terrains d'entraînement. Comme toujours, ils étaient occupés, presque à chaque heure du jour, par une population désireuse de ne pas perdre son expertise ou de l'augmenter. Il n'y avait pas là que des terrains à duel ou à batailles multiples mais également des rangs d'archerie, des cibles pour guerriers montés, des arènes réduites et aménagées pour les combattants de pugilats. Il y avait également des aménagements destinés au maintient du corps plus que de la capacité à manier une arme : course, poids, disques, javelots, sauts, lutte… Plus qu'une simple tradition, c'était une façon de garder la forme, de développer son corps et de s'assurer d'être en bonne santé. Au sein de Délimar, tout cela avait une très grande importance et les concours n'étaient pas rares. Tous ceux présents étaient bien trop concentrés pour s'occuper d'eux, aussi purent-ils s'installer dans les carrés réservés aux épéistes sans problème. Avec un léger sourire, elle tira Loyale de son fourreau.

« Tu sauras expliquer à tes aides de camps les bleus pas vrai ? »

Elle ne se fit pas prier pour taper comme elle aurait tapé en cas de combat véritable, tout simplement parce qu'en duel face à face, l'elfe avait une bien meilleure constitution qu'elle à cause de la magie qui l'habitait. Ça ne l'empêcherait pas de l'écheveler un peu, mais au moins n'avait-elle pas peur de le casser en deux cette fois. Sérieuse, elle ne lui en donnait pas moins quelques conseils pour améliorer son jeu d'épée, ou au moins pour ne pas tenir la lame comme une scie angulaire almaréenne. Ce qu'il perdait en expertise, il l'avait en résistance et force brute, aussi, à la fin, ce fut elle qui se trouva essoufflée bien qu'elle sembla plus satisfaite qu'autre chose. Prenant un chiffon, elle se le passa sur le front pour effacer la sueur et rengaina sa lame. Il n'était pas trop amoché, en réalité. Les siens ne devraient pas trop s'inquiéter. Une gorgée d'eau vint lui permettre d'avoir la voix moins rauque et de chasser la chaleur. Même après une année et plus d'une année, elle continuait à souffrir de la température de Calastin. La majorité de sa vie avait été passée par des températures dépassant rarement le stade des neiges légères, et souvent bien en dessous, dans les nuits froides et pleines de givre. Même ce début d'hiver était trop doux.

« Tu devrais venir t'entraîner avec nous de temps en temps. D'ailleurs maintenant que j'y pense, tu n'avais pas un guerrier miraculé avec toi ? Je crois me souvenir vous avoir vu ensemble une ou deux fois. Nyko désespère de trouver quelqu'un pour s'entraîner sérieusement. Il a peur de nous blesser… ce que je comprend même si c'est frustrant. Je lui ai promis de trouver quelqu'un sur qui il pourrait frapper sans peur et je me suis souvenue de cette rencontre »

Cela lui était revenu d'un coup, et comme cela tenait au cœur de son grand-père elle ne pouvait pas laisser passer l'opportunité de demander quand elle le pouvait. Elle-même savait que si elle n'avait pas pu réellement se défouler à l'entraînement elle aurait été très malheureuse. Et très irritée. Pouvoir se mesurer à un égal ou à meilleur que soit était la meilleure voie vers le perfectionnement. Seul, on ne s'en sortait jamais vraiment. Tout comme Aldaron apprécierait de rencontrer des archers qui pouvaient se comparer à lui. Elle-même s'en sortait très bien mais Sigvald était meilleur et il n'était pas le seul au sein de l'Océanique. Assise en équilibre sur une barrière, sans bouger, elle l'observa quelques instants.

«  Veux-tu rester et manger avec moi ? Est-ce que tu peux, en fait ? Dans tous les cas, penses-tu pouvoir revenir lorsque j'aurais parlé avec le gamin ? Je ne serais sans doute pas très agréable à chaud mais je pense sincèrement qu'attendre serait pire pour revoir ce qui se sera dit. Je ne voudrais pas perdre de temps si nous avons besoin de rectifier quelque chose… ou… prendre toute autre décision »

Leurs regards se rencontrèrent mais elle n'en dit pas plus, il comprenait.

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    Elle se souvenait ? Était-elle donc revenue sur les terres de Glacern après la terraformation ? Après Morneflamme ? S'il se posait intérieurement la question, il n'osa la formuler de vive voix, par crainte, probablement, que cela ne réveille de volcan de mauvais souvenirs. Et puis, en son for intérieur, il avait conclu ne pas en avoir besoin. Elle se souvenait. Cela suffisait amplement pour donner du sens : elle y était retournée. Comment aurait-elle pu rester loin de sa terre natale, sans un regard en arrière ? Sans constater ce que sa demeure était devenue ? Son terrain de jeu, son histoire ? Comment aurait-elle pu partir sans revenir jamais ? Ne retourneraient-il jamais en Amburhùna ? Dans quelques siècles ? Il savait ce qu'était être déraciné, et son silence était la facette de son respect. Cela devait être douloureux, il ne comptait pas remuer le couteau dans la plaie... Tout comme elle ne l'avait pas fait au sujet de Morneflamme et il lui en était gré. Il acquiesça, au sujet des géologues. Probablement auraient-ils des réponses plus fournies par grâce à eux. Mais pour l'heure le sujet devait être balayé.

    Le sourire qu'elle lui rendit à son interpellation l'apaisa, et l'apparition de Loyale, hors de son fourreau, lui confirma qu'il allait pouvoir se défouler. Il la suivit sans mot dire, descendant les escaliers intérieurs jusqu'à l'impressionnant terrain d’entraînement. Malgré l'appel des soldats à Cordont, ce terrain était toujours fort occupé, il n'osait à peine imaginer ce à quoi cela devait ressembler lorsque la cargaison était à la maison. A n'en pas douter, le séjour qu'il passerait ici, prochainement, serait dédié à l'art martial, au moins un peu. S'il venait à Délimar, c'était pour s’imprégner de leur culture et l’entraînement au combat en faisait partie. Puis qu'il avait le projet que quitter ses fonctions politiques, cela ne lui ferait pas de mal. Il eut un sourire à la question de Tryghild : « Ce ne sera pas les premiers, ne t'en fais pas. » railla-t-il. Et puis, il se soignerait. La magie pourrait résoudre cela avant que ses aides de camps ne l'assiste. Mais il ne l'affirma pas ouvertement à l'Intendante.

    Levant sa garde, il réalisait parer davantage ses coups qu'il ne parvenait à en donner. Bien souvent, dès qu'il voyait une opportunité, la guerrière la refermait habilement sur le champ. Elle était redoutable et plus qu'un échec à ses actions, c'était de son savoir qu'il s'abreuvait. Depuis le plus jeune âge, tout un chacun cherchait des exemples desquels s'inspirer pour trouver sa propre voie. La Dame Loup faisait un parfait exemple à suivre dans le maniement de l'épée et, il finissait, en vérité, à apprendre d'avantage de comment son corps bougeait. Elle avait cette aisance solide et vibrante, cette confiance amazone. En cet instant, il l'admirait énormément. Jadis, son père avait voulu lui apprendre l'art de l'épée ; Il n'avait pas aussi bien réussi qu'avec l'arc. Ce dernier demandait de la précision, là où l'épée réclamait plus de dextérité. L'elfe trouvait l'enseignement de Tryghild plus riche que celui de son paternel. Peut-être parce que le style était différent, plus... Humain ?

    Un chance que son corps elfique sache encaisser de pareils coups. Sa respiration n'en était pas moins sifflante et ses cheveux en bataille lorsque l’entraînement s'acheva. Ses mains tremblaient de sa résonance avec l'épée, le fer vibrant que l'Intendante avait ébranlé et ses conseils pour mieux tenir l'arme et la manier grondaient encore dans son esprit. Il reposa l'arme en reprenant son souffle. « Je tâcherai de m'entraîner durement lorsque je viendrai ici. Nul doute que cela fera partie de mon emploi du temps. » Il imaginait mal comment il passerait entre les mailles du filet, d'autant plus qu'il n'en avait pas la moindre envie. « Tu veux parler de Seö ? » demanda-t-il : « Oh dans ce cas, ton grand-père devrait être satisfait : il s'agit du maître-glyphe dont je te parlais. Il est à Cordont et il devrait y rester quelques temps. Il ne leur restera qu'à s'arranger leur prochaine rencontre pour s’entraîner mutuellement. »

    Dégageant sa nuque de ses longs cheveux blancs, il respirait encore à bon rythme quand Tryghild l'invita à manger. « Je suis épuisé, hélas, je ne pense pas pouvoir tenir ce sort encore bien longtemps, sans quoi, cela aurait été un plaisir. Je reviendrai après ton entretien avec Nolan. Je te le promets si tu me promets que ne pas me mettre une beigne comme j'ai failli en avoir une aujourd'hui. » railla-t-il en riant, bon enfant, de ce qui s'était produit à son arrivée un peu plus tôt. « Merci... » fit-il en langue glacernoise. « Et tiens bon avec lui. Je pense vraiment que tu peux résoudre cet imbroglio dans qu'il n'y ait de sang à verser. Il t'écoutera. » Son sourire se faisait rassurant lorsqu'il la quitta et... S'écroula de fatigue dans sa tente.

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