12 Novembre 1762, après les négociations avec Nolan Kohan
D’étranges nouvelles lui était parvenues peu de temps auparavant, provenant du sud de Calastin, d’un village aux habitants déracinés et exilés par la lubie d’un dragon rouge. Des nouvelles qui la laissait plongée dans un abime de perplexité lui changeant de la tension permanente que la situation de Cordont provoquait chez elle. Ses envoyés n’étaient pas encore parvenus à destination, mais cela ne saurait tarder, sans doute, en particulier pour la flotte d’acier. Très bientôt, Délimar serait convenablement représentée sur place, avec des individus pour veiller au respect de leurs intérêts, et elle recevrait des rapports concernant les forces en présence. Ronger son frein avait été difficile jusque-là, la distraction était bienvenue, donc, même si distraction n’était pas un mot tout à fait convenable pour cela. Elle ne prenait pas plaisir aux malheurs d’autrui, mais cela lui permettait de porter son attention sur autre chose que ce qui se jouait au nord, et c’était un moyen comme un autre de lui permettre de rester efficace et concentrée. Et ce, bien qu’elle n’ait encore aucune idée de comment procéder pour aider ces pauvres gens à retrouver leur village. Pour cesser d’en être parasitée, elle avait rejoint un atelier d’armement, pensant qu’en travaillant sur un ouvrage purement manuel, elle parviendrait à faire le tri, à se donner du leste et de l’imagination. C’était ainsi qu’elle se sentait le mieux, après tout. Plusieurs jours plus tard, elle y était encore, ayant été contrainte de prêter du temps pour ses fonctions, mais chaque fois, la nordique revenait, s’installait, et travaillait de nouveau sur son fouet. L’artisan lui montrait comment préparer le manche lorsque l’elfe apparut près d’eux, soudainement.
Sans doute était-ce une bénédiction qu’ils aient tous deux les mains très occupées sur le moment, où Aldaron aurait probablement perdu du sang ou des centimètres. A la place, il resta entier et n’écopa que de deux regards meurtriers, avant que Tryghild ne remette l’ouvrage entre les mains de son mentor, puis s’excuse auprès de lui, guidant l’elfe à l’extérieur, dans une coure encombrée de caisses et de matériels divers. S’essuyant les mains sur un simple chiffon, la fille du nord observa son vis-à-vis avec critique et un soupçon de colère qui lui faisait froncer ses sourcils sombres. Une fois les dextres débarrassées de la graisse qui les maculait, elle s’assit sur un banc, à peine moins grande que lui ainsi. Son silence durant encore quelques minutes, puis elle s’exprima enfin, d’une voix que l’irritation rendait rauque et qui faisait ressortir son puissant accent. Quelques mèches charbonneuses lui bouclaient et frisaient sur le front, à la racine des cheveux, et un toupet plus long ornait sa joue, échappé d’une tresse faite à la va-vite pour éviter que sa crinière ne tombe devant ses yeux, ou ne se prenne dans les outils. Elle cligna des yeux, et essaya de la chasser d’un souffle sur le coté avant de prendre la parole.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu vas m’annoncer l’annexion d’une autre ville ou alors vous avez essayé de vous entre-tuez avec Nolan et tu as gagné ? Non ? Rien de tout ça ? Alors parle, bon sang, c’est ce que tu fais de mieux non ? »
Ce n’était certes pas très charitable, mais son cœur battait encore la chamade de la peur que l’elfe lui avait faite en surgissant soudain de Néant. On n’avait pas idée, aussi, d’user de sortilèges aussi vicieux ! Qu’est-ce qu’il aurait fait si elle avait été dans son bain ? Ou à l’entraînement ? Les têtes, ça ne repoussait que si on était spirit de l’étoile de mer ou de la sangsue ! Et à sa connaissance, Aldaron était un poisson à la chaire grasse que les siens adoraient mettre fumés ou sur des tranches de pain avec un fromage de chèvre. Et du filet d’elfe, ce n’était pas spécialement bon à manger. Laissant là ces considérations militaro-gastronomiques, l’intendante se reconcentra, légèrement coupable de s’être laissé distraire. Il n’était certainement pas là pour rien, la dernière fois les nouvelles avaient été très graves après tout. Rapidement, elle compta le nombre de jours qui restaient avant l’arrivée de ses troupes sur place, et espéra sincèrement qu’il n’allait pas lui annoncer une guerre, là tout de suite. Son peuple apprécierait sans doute, elle beaucoup moins. Elle ne voulait pas perdre un autre époux, fiancé, aussi rapidement, surtout de cette qualité. Ni qui que ce soit d’autre. Ils avaient besoin de mieux… et ce même si éliminer les Kohan n’aurait pas été un mal.
« Dis-moi tout… » fit-elle, plus doucement cette fois.
D’un geste simple, sans grâce particulière, mais dénotant une certaine camaraderie, elle l’invita à s’asseoir près d’elle.
« Tu devrais bientôt voir arriver Sigvald et Nyko, ils ne devraient plus tarder à arriver à destination »
De façon toute aussi relâchée, elle fourra le chiffon dans sa poche, et s’adossa contre le mur de pierres blanches, croisant nonchalamment les jambes et les bras.
Sans doute était-ce une bénédiction qu’ils aient tous deux les mains très occupées sur le moment, où Aldaron aurait probablement perdu du sang ou des centimètres. A la place, il resta entier et n’écopa que de deux regards meurtriers, avant que Tryghild ne remette l’ouvrage entre les mains de son mentor, puis s’excuse auprès de lui, guidant l’elfe à l’extérieur, dans une coure encombrée de caisses et de matériels divers. S’essuyant les mains sur un simple chiffon, la fille du nord observa son vis-à-vis avec critique et un soupçon de colère qui lui faisait froncer ses sourcils sombres. Une fois les dextres débarrassées de la graisse qui les maculait, elle s’assit sur un banc, à peine moins grande que lui ainsi. Son silence durant encore quelques minutes, puis elle s’exprima enfin, d’une voix que l’irritation rendait rauque et qui faisait ressortir son puissant accent. Quelques mèches charbonneuses lui bouclaient et frisaient sur le front, à la racine des cheveux, et un toupet plus long ornait sa joue, échappé d’une tresse faite à la va-vite pour éviter que sa crinière ne tombe devant ses yeux, ou ne se prenne dans les outils. Elle cligna des yeux, et essaya de la chasser d’un souffle sur le coté avant de prendre la parole.
« Qu’est-ce qu’il y a ? Tu vas m’annoncer l’annexion d’une autre ville ou alors vous avez essayé de vous entre-tuez avec Nolan et tu as gagné ? Non ? Rien de tout ça ? Alors parle, bon sang, c’est ce que tu fais de mieux non ? »
Ce n’était certes pas très charitable, mais son cœur battait encore la chamade de la peur que l’elfe lui avait faite en surgissant soudain de Néant. On n’avait pas idée, aussi, d’user de sortilèges aussi vicieux ! Qu’est-ce qu’il aurait fait si elle avait été dans son bain ? Ou à l’entraînement ? Les têtes, ça ne repoussait que si on était spirit de l’étoile de mer ou de la sangsue ! Et à sa connaissance, Aldaron était un poisson à la chaire grasse que les siens adoraient mettre fumés ou sur des tranches de pain avec un fromage de chèvre. Et du filet d’elfe, ce n’était pas spécialement bon à manger. Laissant là ces considérations militaro-gastronomiques, l’intendante se reconcentra, légèrement coupable de s’être laissé distraire. Il n’était certainement pas là pour rien, la dernière fois les nouvelles avaient été très graves après tout. Rapidement, elle compta le nombre de jours qui restaient avant l’arrivée de ses troupes sur place, et espéra sincèrement qu’il n’allait pas lui annoncer une guerre, là tout de suite. Son peuple apprécierait sans doute, elle beaucoup moins. Elle ne voulait pas perdre un autre époux, fiancé, aussi rapidement, surtout de cette qualité. Ni qui que ce soit d’autre. Ils avaient besoin de mieux… et ce même si éliminer les Kohan n’aurait pas été un mal.
« Dis-moi tout… » fit-elle, plus doucement cette fois.
D’un geste simple, sans grâce particulière, mais dénotant une certaine camaraderie, elle l’invita à s’asseoir près d’elle.
« Tu devrais bientôt voir arriver Sigvald et Nyko, ils ne devraient plus tarder à arriver à destination »
De façon toute aussi relâchée, elle fourra le chiffon dans sa poche, et s’adossa contre le mur de pierres blanches, croisant nonchalamment les jambes et les bras.