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6 Novembre 1762


La ville bourdonnait d’activité comme de rumeurs, l’attention de la ville toute entière tournée vers les évènements de Cordont, plus loin au nord. Certains souhaitaient la guerre, le cœur encore transit de rancune, d’autres se voulaient simplement méfiants, et certains aspiraient à d’autres faits que ceux des armes contre un ennemi ne méritant pas même le respect. Pour autant, la ville ne cessait pas de vivre, ses pensées certes tournées vers l’extérieur, mais les bras continuant de marteler le fer d’une cité encore en construction et pour laquelle ses habitants, dans leur majorité, avait un véritable amour. Voilà, en vérité, ce qui différenciait beaucoup les étrangers des citoyens de Délimar, l’amour de cette ville, la fierté de ces imposantes murailles, l’adhésions aux valeurs de la grande citadelle en un esprit et une âme commune, unie contre les dangers. Et des dangers, ce monde en regorgeait : vampires, monstres, chimères… Ils n’avaient certainement pas fini d’en découvrir. Mais au sein de la ville, ils étaient saufs, c’était ainsi qu’ils le voyaient. Là, ils auraient toujours quelqu’un pour garder leur dos. Chacun y trouvait son compte, tout en contribuant à celui des autres. Voilà encore quelque chose que les étrangers ne comprenaient pas. Mais fort heureusement, les citoyens ne demandaient pas vraiment aux étrangers de comprendre : s’ils comprenaient tant mieux, sinon tant pis. Cependant, s’il y avait, entre toutes, une chose que les citoyens valorisaient, c’était bien la quiétude et la sécurité de leur patrie. Aussi, toute contravention à cet état de fait était rapidement reporté et analysé, voire circonvenu.

C’était dans ce procédé habituel, commun, que deux gardes se présentèrent en début de matinée devant celui que l’on nommait le Loup solitaire. Le premier était un Glacernois, imposant avec ses deux mètres quarante, un pur produit du nord avec ses yeux bleus et ses cheveux blonds. Le second, plus petit, était un Almaréen, mat de peau, aux yeux d’encre profonds. Ce fut lui qui demanda, dans un commun parfait, au chef de la Meute de le suivre jusqu’à la citadelle afin de pouvoir prendre connaissance de sa version d’un incident survenu la soirée précédente dans une taverne, et la confronter à celle de son détracteur, de sorte qu’ils puissent vérifier s’il y avait vraiment eu une infraction et si celle-ci, si avérée, relevait ou non des interdictions magiques. Ils étaient tous deux parfaitement détendus, ne semblant voir aucune menace en la personne de l’homme qu’ils venaient interpeler, et leur demande était un ordre tranquille, légitime et sans excès de dureté ou de violence. Une fois qu’ils eurent confirmation de la coopération du paquet, tous deux prirent, avec lui, la direction de la principale caserne des gardes de la ville, encadrant l’étranger avec une coordination parfaite mais sans le presser pour autant. Ils n’étaient pas pris par l’urgence et tant que l’autre ne faisait pas sa mauvaise tête, ils ne comptaient pas le rudoyer. Les petites habitudes Séléniennes n’avaient pas cours ici. La discipline nordique était de fer, les récalcitrants sévèrement punis. Manquer à l’honneur d’un seul, c’était manqué à la patrie, et on ne déshonorait pas la patrie.

Une fois au sein de la garde, ils firent attendre le guerrier dans une loge sécurisée et surveillée. Lorsque la porte s’ouvrit de nouveau, ce fut pour laisser passer un garde différent, porteur d’une armure de la citadelle plutôt qu’une armure de la garde des rues. Elle vint étudier un instant l’individu avant de l’inviter à la suivre jusqu’à un bureau donnant sur la vision du port, au loin, où plusieurs navires de la flotte d’acier étaient encore amarrés. S’installant à côté d’un de ses homologues masculins elle fit signe au Loup solitaire de s’installer sur la dernière chaise de libre, à côté de l’un des hommes ayant participé de l’incident de la veille, un des ‘’gardes’’ qui avait observé l’intervention de l’étranger pour récupérer une banale danseuse de bouge. De nouveau, la femme prit un instant pour jauger les deux partis, puis se décida enfin à parler, d’une voix calme, et empreinte de l’accent caractéristique des fils du nord.

« Comme on vous l’a signifié, un incident est venu jusqu’à nous, ayant eu lieu hier soir près du port, à la taverne ‘La colline joyeuse’. Vous avez été, messire, désigné comme étant le principal acteur de cet indicent. On vous accuse, nommément, de : trouble à l’ordre public, menaces aggravées, usage de magie et insulte envers la garde de la ville. Plusieurs de ces accusations sont particulièrement significatives, nous aimerions donc entendre votre version des faits, avant de décider de quoi que ce soit. Qu’avez-vous à répondre aux mises en cause de cet homme ? »

Ses yeux clairs et francs vinrent se poser dans ceux du guerrier scindé, expectatifs, alors qu’il était évident dans son attitude qu’elle lui laissait toute parole pour leur expliquer sa version des faits. Tryghild était d’ailleurs assez curieuse de l’entendre, considérant la réputation de la Meute et les bienfaits qu’elle apportait aux petites gens en dehors des murs des grandes cités Calastines. Et comme elle connaissait déjà la Colline joyeuse comme étant un tripot désagréable où les étrangers aimaient à s’entasser, elle savait également devoir être prudente avec les allégations des habitués des lieux. Ces gens se donnaient des airs Délimariens, mais ne l’étaient pas, pour beaucoup. Pour s’enivrer comme un porc, il fallait de toute façon n’avoir aucun respect pour sa propre dignité… mais si ne serait-ce qu’un seul de ses soldats s’encanaillait de pareille façon, il faudrait qu’elle lui touche deux mots.

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Le lit était au mieux correct, et la chambre petite pour deux personnes malgré un prix quelque peu élevé. La chambre donnait directement sur la rue et se trouvait au premier étage de l’auberge, si bien que dès le matin naissant, le bruit de la foule et des travailleurs venait réveiller les dormeurs en passant à travers les volets clos. Au moins il y avait des volets. Toutefois, le Loup Solitaire n’avait pas envie de chercher indéfiniment une autre place où dormir et avec donc payer pour la chambre. L’auberge paraissait complète, et les évènements de la soirée avaient forcé le capitaine de la Meute à la prudence. La jeune danseuse qu’il avait pris sous son aile, Célia, loin d’être une fugitive, avait tout de même fuit son lieu de travail, un lieu où le patron ne semblait pas apprécier qu’on s’occupe trop bien de ses employées. Le guerrier avait donc opté pour une chambre avec deux lits, pour éviter une promiscuité déplacée, et avait dormi comme à son habitude en armure, la soirée étant bien trop avancée pour qu’il est envie de se dévêtir et espérait quitter la ville le plus vite le lendemain patin.

Réveillé par le bruit de la rue et par le soleil qui commençai déjà à filtrer à travers les lattes mal jointes des volets, le Loup Solitaire était resté un instant allongé sur le dos, savourant l’instant du réveil. Depuis que sa Colère s’était pleine éveillée en conscience, le Loup Solitaire était hanté par deux âmes, opposées mais complémentaires, qui l’obligeait à subir une lutte intérieur constante. Seul le matin le laissait en paix. Erdrak était éveillé le premier alors qu’Asmo continuait à errer dans l’éther. Alors, pendant une courte période de temps, une période très courte, Erdrak était en paix.

Etrange cette situation. Il n’y avait pourtant pas si longtemps, Erdrak s’était retrouvé seul. Vraiment seul. Asmo avait juste disparut, complètement annihilé. Et le Loup Solitaire s’est retrouvé vidé de toute substance, incapable de vivre, ni de mourir. Vivant mais mort en même temps. Au retour d’Asmo, le Loup Solitaire avait compris que les deux entités qui le composait, n’était rien d’autre que les deux faces d’une même pièce. Ce n’était pas deux être différents, mais un seul être condamné à s’opposer à lui-même. Alors il savourait ses moments de paix, sachant que c’est tout ce qu’il aura de mieux dans sa vie. La guerre ne le lâchera jamais malgré tous ses efforts, même en temps de paix.

Le Loup Solitaire n’était pas prêt à bouger. Il était bercé par le bruit de la foule, mais aussi par la respiration lente de sa nouvelle protéger. C’était agréable, doux et tendre. En fermant les yeux il aurait pu revoir Lorelei, sentir son odeur et même le contacte de ses cheveux noirs contre son corps, la douceur de sa peau et le goût salé de ses lèvres. Hélas, ce n’était pas Lorelei qui dormait dans l’autre lit et ce ne le sera jamais.

Finalement, il estima qu’il y avait mieux à faire qu’attendre le réveil d’Asmo. Essayant de limiter le bruit de son armure, il se leva et sortit, non sans prendre ses armes, Crocs à sa droite, Solstice à sa gauche. La hallebarde conservait sa taille miniature pour être plus pratique à transporter. LE Loup Solitaire s’installa dans la salle encore vide de l’auberge et commanda un bol d’avoine.

Alors qu’il mangeait paisiblement, deux gardes de la ville vinrent le voir. Le problème venait de la bagarre de taverne et qu’Erdrak devait les suivre jusqu’à la citadelle. Le Loup Solitaire avait poussé un soupir et s’était levé. On les massacre et on finit de manger ? Non. Asmo avait le chic que pour s’éveiller au bon moment. Mais depuis son retour, il n’avait fait qu’un seul éclat contre Alauwyr, mais depuis se trouvait particulièrement faible et fatigué. La Colère reprenait doucement des forces.

Le Loup Solitaire les avait donc suivis non sans laisser un mot pour Célia au tavernier. Encadré par les deux gardes, il s’était rendu dans la caserne principale sans encombre. Une fois dans la place, on le fit attendre sans le désarmé. C’était étrange mais pas surprenant. Ils étaient tous des guerriers ici. Essayer de se battre ici serait du suicide.

Finalement, une garde vint le voir. Les deux s’étudièrent un moment, Erdrak notant qu’elle avait une armure différente des deux autres gardes. Il la suivit dans son bureau avec vu sur le port, la main droite sur le pommeau de son épée, comme preuve qu’il n’allait pas la dégainer. Iriac, son père adoptif, lui avait appris cette posture pour bien se tenir en société. Bien qu’il enfreignît une règle en portant son épée à droite et non à gauche, il respectait cependant l’usage de la main du côté de l’épée sur le pommeau, signe de paix et de protection.

Dans le bureau, un autre homme en armure était assis et on offrit la dernière chaise au Loup Solitaire, juste à côté d’un homme qu’Asmo reconnut comme était présent hier à la taverne. La guerrière lui énonça les faits, mais le Loup Solitaire fronça les sourcils. Il n’aimait pas comment les choses se présentaient. Il n’avait rien à se reprocher cependant, mais cela ressemblait trop à un tribunal informel avec la condamnation déjà écrite qu’à une entrevue.

Dame, j’aimerai bien connaitre qui est donc ce « on » que vous avez cité plusieurs fois. Je n’aime pas répondre à des accusations sans connaitre ceux qui les portent, car les anonymes non pas d’honneur. Vous me connaissez manifestement, mais moi pas. Je me présente tout de même en premier. Je suis le Loup Solitaire, Capitaine de la Meute et Commandant de la guilde d’exploration. Il laissa planait un silence avant de reprendre.

Concernant toutes ses accusations, je les réfute. Et si vous voulez savoir ce qu’il s’est vraiment passé hier, je vais vous le dire. Hier, à la colline joyeuse, je suis venu pour manger et dormir. Un spectacle de danse, pour le moins lascive, avait lieu. Les danseuses étaient jolies, si jolies que certains hommes, l’alcool aidant, ont décidé de danser avec l’une d’entre elle. Un en particulier. Et sans vouloir jeter l’opprobre sur la garde de la cité, cet homme arborait le même uniforme que ceux qui m’ont escorté aimablement ici. Malgré la demande de la danseuse, cet homme a continué à troubler l’ordre du spectacle, sans que personne ne réagisse. Je suis donc intervenu pour lui demander de libérer la scène et cessait ses actions malaisante et vulgaire envers la demoiselle. Il s’est opposé et j’avoue avoir dû faire preuve de rudesse pour le dégager. Cela n’a pas plu à l’homme qui m’a attaqué à l’aide d’une chaise et à un autre qui m’a lancé une chope. Je n’ai rien fait. Pas de réponse, pas de bagarre. Ces hommes étaient ivres, moi pas. Répliquer aurait été comme tuer un oisillon dans son nid. A la demande du propriétaire de l’établissement et pour permettre un retour au calme, je suis parti. La danseuse que j’ai secourue a décidé de me suivre, librement. Voilà les faits tel qu’ils se sont passés, et celui qui dirait le contraire est un menteur. Cependant, il y a un détail qui en effet mérite une accusation. Je n’ai pas utilisé la magie sciemment, mais il se trouve que mon armure est enchantée en effet. Toute attaque lancée contre moi est renvoyée à l’agresseur. J’ai d’ailleurs payé pour cela si je ne me trompe. J’ai menti dans le bâtiment, pour éviter d’aggraver la situation en disant que mes agresseurs s’étaient blessés par eux-mêmes. Je ne savais pas comment aurait réagi les clients, certains étant ivres. Imaginez qu’ils aient décidé de m’attaquer. Non seulement j’aurai dû me défendre, mais chaque coup aurait été rendu. C’eut été d’une violence terrible. Le seul chef d’accusation valable serait donc utilisation involontaire de la magie dans le cadre de la légitime défense. Et cette magie était déclarée.

Le Loup Solitaire se tut, fixant la femme, ignorant soigneusement son voisin que devait être l’accusateur. Il ne savait pas ce qui se passera ensuite, mais il n’était coupable de rien. Et il y avait quelqu’un pour le prouver.


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La fille du nord observa le prévenu sans faire montre d’une quelconque inimité, mais sans aménité excessive non plus. Ses préoccupations actuelles ne la portaient pas à se montrer plus accommodante qu’elle ne devrait l’être et elle attendait avant tout de connaître la seconde version d’une histoire qui lui déplaisait au possible. Si on lui avait demandé son avis, la boisson aurait été interdite dans toute la ville, ou sévèrement contrôlée. Elle ne dédaignait pas elle-même une pinte de temps en temps, mais la soldatesque et les étrangers en consommait parfois beaucoup trop, et d’agréable compagnon pour un pu de détente, cela devenait une boisson forte avilissante qui faisait du meilleur des hommes le pire des imbéciles. Les soudards n’avaient jamais eu grâce à ses yeux. L’Intendante écouta jusqu’au bout, n’ayant pas l’intention de parler avant qu’il ne crache le morceau et sa ligne de sourcils descendit de plus en plus pendant toute la diatribe. Une profonde inspiration vint l’empêcher d’abattre un poing rageur sur la table au risque de la briser en deux.

«  Je vois. Merci pour votre coopération »

Lentement, elle prit quelques notes, et tant pis si les autres attendaient son bon vouloir. Lorsqu’elle eut couché sur papier ce qui lui paraissait le plus important, la nordique releva le regard, jaugeant un instant l’explorateur avant d’échanger dans son vernaculaire natal avec l’homme assit près d’elle. Une poignée de minutes plus tard, elle se détendait légèrement, et revenait aux deux hommes de l’autre coté de la surface de bois.

«  Cette jeune femme, que vous avez aidé, va devoir appuyer vos affirmations, bien sûr. Tout comme j’ai déjà reçu les allégations des témoins de Monsieur Taillar ici présent… »

Son regard pâle glissa sur le susnommé et elle dû faire un gros effort pour ne rien laisser paraître. Non, vraiment, elle n’aimait pas ces affaires de querelles de tavernes. Mais hélas, ce n’était pas pour cela qu’elle ne devait pas se plier à en gérer quelques-unes. Tout cela faisait partie de la compréhension de la ville et si elle voulait faire des propositions correctes à soumettre au vote populaire, alors elle devait avoir toutes les cartes en main, comme disaient les sudistes.

«  Vous me confirmez être arrivé hier dans la journée ? Nous allons vérifier votre déclaration pour la taxe magique. Si elle correspond à vos affirmations, et s’il s’avère que l’acte relevait bien de la légitime défense, involontaire de surcroît, je ne retiendrais pas cette accusation contre vous. Mais j’en serais seul juge, sur présentation des preuves »

Il avait beau affirmer haut et fort qu’il disait la vérité, ils le faisaient tous et tant qu’elle n’aurait pas entendu son témoin et vu les déclarations, il resterait présumé coupable. Non que cela lui fasse plaisir, vraiment, mais c’était la procédure et elle était convenable. Annotant de nouveau, elle demanda la localisation de la danseuse, et ordonna qu’on aille la faire mander afin qu’elle puisse faire entendre sa voix comme il se devait. Elle demanda également que les listes des taxes de la journée précédente soient transférées à son bureau pour qu’elle puisse en prendre connaissance. Une fois cela fait, elle remercia Taillar de son déplacement et l’invita à se retirer, confirmant qu’il serait de nouveau appelé afin de connaître le verdict lorsque celui-ci serait rendu. Le garde qui l’accolait le raccompagna vers la sortie, laissant l’Intendante seule face au Loup Solitaire.

«  Elmo Ravenn, Alfric Odr, Tu Vane, Fiore Vasco, Valter Dahl, Laerte Andro… »

La liste s’allongea encore pendant près d’une minute entière. La nordique restait penchée sur sa feuille, occupée par la lecture des nombreux témoins de l’accusation. Puis, elle releva le nez, écarta une petite mèche de devant son sourcil droit, et s’adossa de nouveau pleinement sur sa chaise. Elle soupira, secoua la tête, puis reprit la parole d’une voix moins monocorde, et bien plus naturelle.

«  Evidemment, vous ne mettrez pas un visage sur ces noms à moins de demander en sortant d’ici, donc ils ne vous servent pas beaucoup… J’espère vraiment que je n’aurais pas à vous déclarer coupable, Loup Solitaire. Cela me dérangerait. Vous faites du bien autours de vous en aidant à la reconstruction, cela ne sert pas votre image d’être interpelé dans le cadre d’une ridicule querelle de soudards. La prochaine fois, appelez simplement la Garde, elle est là pour ça »

Après un instant, elle reprit sa plume.

«  D’ailleurs j’ai besoin d’une description complète de ce fameux garde ivre. Je me doute bien que vous n’avez pas son nom, mais je le ferais trouver »

La discipline de la citadelle devait être totale, et il était hors de question de laisser cela passer. Une fois qu’elle l’eut obtenu, elle hocha la tête, reposa l’objet délicat puis s’autorisa à se lever. Cette immobilité la tuait. Elle avait besoin de bouger, même un peu… et dire qu’elle avait encore tant à faire ici. Se reprenant, elle revint s’asseoir et l’observa de nouveau. Elle ne s’était toujours pas présentée, lui semblait-il, mais avait-elle vraiment besoin de le faire ? Dans l’idée, oui certainement, c’était plus courtois. Il n’empêchait pas qu’attendre encore un peu ne fut pas un souci pour elle. Après un instant à y réfléchir, et à maintenir le silence entre eux, elle le rompit.

«  Je me nomme Tryghild. Puisque vous vouliez le savoir. Svenn. Que venez-vous faire à Délimar ? »

Ce n’était pas une ville très ouverte aux étrangers, et elle le revendiquait ouvertement…

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Erdrak attendait patiemment et Asmo ne semblait pas vouloir s’énerver. Il paraissait encore fatigué par ce qu’il avait fait pendant son absence, quoi que cela puisse être. La guerrière se mit à parler dans une langue qu’Erdrak ne connaissait pas, toutefois, Asmo en saisit quelques mots, sans pour autant donner du sens à ses phrases. La Meute était pleine de personnes d’origines aussi diverses que variées. Certains guerriers aimaient à converser dans leur langue natale et si Erdrak désapprouvait cela, le Loup Solitaire ne l’interdisait pas, car tout homme et femme était libre de leur parler, tant qu’il était respectueux et n’entachait pas l’honneur de la compagnie

Le regard sans expression du Loup Solitaire se fixa sur la guerrière. Il retint un grognement irrité et crispa sa mâchoire. Il allait devoir prouver son innocence, ce qui était absurde. Tout raisonnement rationnel tend à démontrer l’existence d’un fait, pas à nier son absence. De plus, Erdrak avait été élevé dans la présomption d’innocence et plutôt que s’appuyer sur des témoignages douteux provenant d’une taverne et manifestement de personnes partiales n’était pas des arguments valables aux yeux d’Erdrak pour remettre en question ce principe d’innocence.

La guerrière commença à dire une suite de noms, ce qui agaça au plus haut point Erdrak. Il ne savait toujours pas qui elle était, et maintenant, elle faisait l’appel. Il se contint, mais son énervement ne faisait qu’alimentait Asmo qui se sentait de plus en plus fort et se faisait donc de plus en plus pressant. Combien de temps avant que sa Colère ne réussisse à balancer une réplique cinglante à l’égard de son interlocutrice.

A la fin de la liste, Erdrak comprit enfin de quoi il s’agissait. Asmo éclata de rire intérieurement mais le Loup Solitaire resta impassible. Cette liste était incroyablement, et ridiculement longue. Il n’y avait pas autant de monde dans la taverne et quand bien même, une bonne partie n’était même pas en état de dire son nom. Cette situation était surréaliste. Puis vint la phrase de trop.

La prochaine fois, appelez simplement la Garde, elle est là pour ça. Aussi faible qu’était Asmo en ce moment et aussi puissant qu’était le contrôle d’Erdrak sur sa seconde conscience, le brasier de cette dernière explosa et le rire du Loup Solitaire résonna dans la pièce. Son regard s’alluma d’une nouvelle lueur, à la fois violente et cruelle mais aussi intelligente. Un sourire mauvais sur les lèvres le Loup Solitaire parla avec assurance.

Mais la Garde était présente. Elle était même en uniforme. Je crois même qu’elle est intervenue. Non, je ne crois pas, j’en suis sûr. Le sergent Karoucelle et sa petite patrouille était bien présent dans la taverne au moment de ce que vous me reprocher. Peut-être suis-je intervenu dans l’exercice de ses fonctions ? Je ne suis pas au fait des prérogatives de la garde dans votre cité. Est-ce que boire et danser en font partie ?

D’où est-ce qu’Asmo tenait cette inforamtion ? Et d’où lui venait pareille éloquence ? Erdrak sentait que sa Colère ne mentait pas. Elle avait toujours eu le don de connaitre les détails, entendre et voir des choses qui échappaient à Erdrak. Mais là, c’était bien au-delà. Erdrak essaya de fouiller sa mémoire, mais c’était flou. Il voyait bien un homme mais il lui était impossible de discerner avec précision son visage ou ses vêtements. Il voyait bien Célia, mais pour le reste. Tiens, voilà les détails, petit frère. Asmo libéra la mémoire du Loup Solitaire et Erdrak vit avec précision la scène, le visage de toutes les personnes présentes, leurs nombres (légèrement inférieur à la liste des témoins, mais comment Asmo avait-il pu tous les compter ?). Les idées d’Erdrak étaient claires à présent. Mais il laissa Asmo faire, pour voir ce que sa Colère allait faire. Son comportement le laissait perplexe.

Finalement, Asmo se retira de lui-même, après un léger instant de flottement. L’esprit semblait fatigué et le brasier se calma. Erdrak observa la guerrière qui finit par se présenter enfin. Sur un ton courtois, il lui répondit. Je ne faisais qu’étape à Délimar avant de rejoindre mon camp principal afin d’y retrouver mes hommes. Peut-être pas la Meute, mais je pourrai les y attendre tout en m’occupant des autres compagnies.

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Bien, de toute évidence cet homme était emporté, manquait de discipline et ne savait pas accepter un conseil sensé et détaché. Pire encore si c’était seulement possible, il ne savait pas respecter, et elle commençait à subodorer un mensonge quelque part. Ce n’était pas là quelque chose qu’elle recherchait chez un capitaine, pour sa part, et cela lui faisait revoir ses jugements précédents, et ses intentions. Elle ne doutait guère qu’il soit innocent, en revanche elle doutait à présent que lui proposer la moindre aide et le moindre partenariat fut une bonne chose. Peut-être que sa réputation n’était pas si fondée que cela, finalement, et peut-être que le bien dont il était l’auteur n’était pas tout à fait véridique. Il allait falloir observer cela de plus près. Stoïque, elle laissa l’agressivité de son interlocuteur passer sur elle, coulant comme une neige fondue. Elle avait déjà vu des roquets, à plus d’une reprise, surtout parmi les étrangers, et elle avait mieux à faire que de chercher qui aboierait le mieux. S’énerver ne servait à rien si ce n’était à perdre en dignité et en autorité. Inspirant une goulée d’air, elle lissa un angle de la feuille sur laquelle elle avait prit ses notes, tout en répondant avec simplicité, détendue.

« Aucun membre de la garde de la ville, ou de la garde de la citadelle, ne porte ce nom. Il n’est d’ailleurs pas de consonnance native à Délimar et les étrangers ne peuvent intégrer que les rangs de l’armée régulière »

Et elle était bien placée pour le savoir, puisqu’elle connaissait tout le monde, s’en étant fait un devoir, et une profession de foi, comme son père avant elle. Loin d’être mesquine, elle ne lui pointa pas du doigt qu’il n’avait pas affirmé avoir parlé aux autres présents pour demander leurs noms, chose que les autres témoignages confirmaient, et qu’à moins d’user de magie, il n’avait donc pas pu le savoir.

« De plus » poursuivit-elle sans jamais hausser le ton « Vos accusations n’infirment en rien mes paroles. Vous n’êtes pas membre de la garde, dès l’instant où il est nécessaire d’établir un arbitrage officiel, c’est à elle qu’il faut s’adresser et le harcèlement est un délit, ici. Votre devoir, comme visiteur, est d’obéir à la loi, et donc de signaler les manquements »

L’Intendante prit par devers elle de ne pas non plus lui pointer du doigt que, même à Délimar, les permissions existaient, pour la garde. Elle ne savait pas s’il y avait bien des membres de la garde, même de permission, et les évènements étaient relativement flous. Le regard qu’elle posait sur l’autre n’était pas des plus convaincus, ni des plus impressionnés. Il n’était pas pour autant antipathique. Contrairement à lui, pour elle tout cela était une formalité faisant partie de son devoir.

« Je vois. Avez-vous des buts déjà fixés à l’heure présente ? Une expédition d’exploration peut-être ? »

Il ne fallut pas une heure complète avant que les éléments qu’elle avait demandés, et la jeune danseuse, soient réunis à son bureau. Elle consulta les premiers, interrogea la seconde, puis laissa tout cela retourner à leurs pénates habituels. L’accusateur fut convoqué de nouveau afin que l’Intendante puisse rendre son jugement sur l’affaire. Celui-ci fut bref et concis, rejetant les charges comme non avenues. Elle fit signer tous les partis, apposa le sceau de Délimar et confia le document ainsi paraphé à un serviteur de la citadelle qui l’emmènerait aux archives. Elle libéra l’accusateur, puis se tourna vers le guerrier.

« Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter ? »

Tranquillement, elle commença à ranger sa plume et son matériel à notes.

« Je ne saurais que trop vous conseiller, si vous désirez un environnement plus digne, de chercher les tavernes et auberges tenues par des citoyens Délimariens »

Ponctuant l’affirmation, la nordique plia les feuillets restants.

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Rien ne filtra dans le regard du Loup solitaire mais en son for intérieur, Erdrak fustigeait fortement sa seconde conscience. A cause de son erreur, il allait être très difficile de justifier son innocence. Non, mais je suis sûr qu’ils sont dit ce nom pour appeler le type. Le sergent Karoucelle… Ou Karnache ? Ou alors il s’appelait Nurl ? tiens c’est bizarre, c’était beaucoup plus clair dans ma mémoire.

Si une conscience pouvait soupirer, Erdrak l’aurait fait, mais tout ce qu’il fit, ce fut de laisser son dépit couler dans ses veines, ce qui fit rire Asmo. De l’extérieur, le Loup solitaire resta parfaitement impassible comme si sa situation ne l’affectait pas. C’était certainement parce que dans son regard il n’y avait ni inquiétude ni intérêt. Il aurait aussi bien écouté le discours d’un roi ou assister à une pendaison, que cela n’aurait pas fait varier l’inexpressivité de son regard. Mais il ne put s’empêche de répondre d’une voix froide.

Ainsi donc, chez vous, lorsqu’une femme se fait agresser, il est préférable de courir dans les rues en criant à la garde ? Je le saurai pour la prochaine. Avec un peu d’énergie, la garde arrivera peut-être à temps pour témoigner sans être complètement alcoolisée.

Toujours aucune expression, pas de défi, pas de morgue, juste un fait énoncé. Erdrak et Asmo se disputait dans l’esprit du Loup Solitaire et donc il n’y avait aucun moyen de lui faire exprimer quelque chose pour deux raisons : Erdrak n’était pas expressif et Asmo n’avait aucun contrôle.

Pour l’air, je dois rejoindre le camp principal de la guilde d’exploration. Aux dernières nouvelles, les Renards, chargés de la gestion de la guilde, l’ont déplacé vers Caladon, mais je ne sais pas si l’installation est terminée. Mais je ne devrais pas les manquer puisqu’il s’agit d’une troupe assez volumineuse. Les Renards cherchent encore un endroit suffisamment intéressant et à leur goût pour installer définitivement le quartier général de la guilde.

Le Loup Solitaire fut remercié pour un instant et attendit qu’on le rappelle. Mais Erdrak n’allait pas attendre en vain. Il commença à déambuler dans les couloirs sous le regard suspicieux des gardes. Il cherchait quelque chose et il n’avait que peu de chance de le trouver. Le palais était grand et la ville l’était d’autant plus. Mais les Esprits étaient avec lui finalement.

Une voix dans une salle attira l’attention du Loup Solitaire, et ce dernier ne put retenir un mince sourire. Un groupe d’homme en uniforme sortit de la salle et marche vers Erdrak. Trois d’entre eux blêmirent légèrement en voyant le Loup Solitaire mais un autre sembla se rengorger de fierté. C’est lui. Bien sûr que c’était lui et en plus cet imbécile voulut jouer au même jeu qu’Erdrak : celui du plus bête. Sauf qu’Erdrak était bien plus malin que ça.

Gardant la tête penchée, comme s’il était perdu dans ses pensées, il se laissa percuter par le garde qui râla accompagné de ses collègues. Erdrak fit comme s’il ne les entendait pas et savoura la solitude de son esprit. Au moment de l’impact, sa main avait touché la hanche du garde et Asmo s’était jeté dans l’esprit de l’homme. Maintenant tout dépendait de la Colère a bien manœuvré l’homme. Erdrak l’aurait bien fait lui-même mais il craignait encore plus de laisser Asmo dans son corps. Il pourrait décider de massacrer tout le monde. Si l’envie lui prenait autant que ce soit dans le corps d’un autre.

Erdrak retourna donc seul jusqu’au bureau où il fut finalement réintroduit après un court instant d’attente. Mais ce qui l’attendait le surpris quelque peu. Le garde était présent, assis et Sighild lui tendit un document à signer signalant que l’affaire était non avenue et les charges rejetaient. Rien de ce que ressentait Erdrak ne transparaissait sur son corps, mais il se demandait pendant encore combien de temps Asmo restera sage et pourquoi en voyant que l’affaire était conclue n’avait-il pas quitter le corps du garde.

Mais en prêtant plus attention à l’expression de l’homme, Erdrak sentit que cela n’allait pas bien se passer car l’homme paraissait contrarié. Pire encore, il n’était toujours pas parti malgré le congé de sa Capitaine. Non, je n’ai rien à ajouter. Vous avez tout résumé. Mais avant qu’Erdrak puisse continuer, l’autre se leva brutalement. Voilà la catastrophe.

Je souhaite revenir sur cette décision. Cet homme a clairement offensé un de vos hommes, moi et mes camarades, en public. C’est une atteinte claire à l’autorité. Je souhaite revenir sur cette décision. Laissez cet homme s’en aller comme ça se serait donner un mauvais exemple.

Le Loup Solitaire eut une crispation des mâchoires. On aurait pu croire que c’était devant les propos de l’homme, mais Erdrak craignait surtout qu’Asmo aille trop loin. Il m’a attaqué, je demande un duel pour réparation.

Le Loup Solitaire se tourna vers la Capitaine alors que dans son esprit, Erdrak jurait. Asmo était allé trop loin. C’est évident que c’était trop. Pourquoi il ne s’était pas docilement tu ? L’affaire était close.

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Décidément, elle qui avait cru que, pour une fois, la réputation pouvait faire la personne, voilà qu’on la détrompait. Dommage, en fin de compte il n’avait rien de plus que les autres, une belle affirmative, et rien derrièr. Tant pis. Ce ne serait certes pas sa plus grande déception, Sélénia gardait encore la palme. Elle commençait à avoir l’habitude avec ces gens là. Sans plus s’énerver, puisqu’elle était en fonction, elle lui répondit simplement et sans hausser le ton.

Il me semble que, n’ayant pas daigné respecter les lois de cette ville et l’usage que l’on fait d’une garde, vous ne pouvez pas vraiment affirmer si oui ou non elle était alcoolisée. Pour votre information, la boisson est fortement régulée au sein de Délimar

Pas qu’elle attende vraiment de lui qu’il accepte, puisque de toute évidence, il savait mieux que tout le monde et n’avait aucune forme d’objectivité et de logique envers les autres. Les hommes qui avaient le complexe du héro faisaient souvent preuve de cette même forme de mépris. Cela étant dit, il aggravait plus son cas qu’autre chose. Sa morgue et ses manières lui valaient des complications alors même qu’elle menait une enquête parfaitement routinière.

Je vois

Et bien à priori, ce ne serait pas Délimar. Elle n’était pas très partante pour louer une terre à un homme qui avait si peu de respect pour les autres. Cela n’allait pas avec les valeurs de sa patrie. Hors elle servait sa patrie, pas les étrangers. Encore quelque chose que ce genre d’individu pouvait difficilement comprendre. Tandis qu’elle attendait, une série de garde croisa la route de son prévenu et sa petite notoriété ayant effectivement atteint Délimar, ils réagirent de diverses manières aux actions que l’on prêtait à cet homme qui se faisait appelé le loup solitaire.

Lorsqu’on refit venir le prévenu, l’Intendante appela également plusieurs gardes en poste à ce moment là, ayant diverses choses à leur demander. Elle leur donna leurs ordres, puis revint au mercenaire. Elle n’attendit pas de savoir si ses soldats avaient besoin d’information supplémentaires et décida de conclure l’affaire avec son jugement. Les soldats de la citadelle connaissaient assez bien leur travail pour ne pas avoir besoin d’être tenu par la main.

Néanmoins, l’un de ces gardes décida de ne pas se plier à son devoir sur le moment. Bien entendu, avec l’attitude irrévérencieuse du loup solitaire, les rares présents avaient discutés à l’extérieur. Ce n’était pas tous les jours que le manquait de respect à leur Intendante ni qu’on salissait leur honneur gratuitement, encore plus que ce soit un prévenu qui le fasse alors qu’il était déjà en doute au regard de la loi.

Tryghild observa un moment son subordonné, sourcils légèrement froncés, elle l’interrogea davantage en nordique. Le soldat en question était parmi les plus autarcique et les plus touchés par la vilénie des sudistes. Il réagissait toujours très fortement aux agissements des étrangers et n’était pas très tolérant, raison pour laquelle il n’était jamais fonctionné dans le port ou le quartier des étrangers, et plus dans la citadelle. Il était assez évident que se faire percuter dans un couloir ne nécessitait pas un duel, et les paroles du loup solitaire étaient blessantes… mais habituelles.

Après une dizaine de minutes, la situation était réglée et le visiteur était relâché, non sans un avertissement courtois sur le respect des règles de la ville. Ils avaient mieux à faire que de se faire insulter en permanence, comme régler les soucis dans le port.

NOTE : RP terminé pour moi, j'ai eu beau le retourner dans tous les sens, je n'ai rien trouvé qui soit logique pour poursuivre. Je fais les demandes de mise en chrono et XP au plus tôt Wink

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