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    10 novembre, Cordont

    Le soleil brillait, là, sur l'est, au dessus de l'océan. Malgré l'automne, c'était comme Ivanyr l'avait souhaité. Les nuages gris et pluvieux avaient laissé place à quelques rayons dorés qui brodait d'ambre le paysage. Les sombres formes se profilaient au sud et ne tarderaient pas à gagner Cordont pour nourrir cette terre d'averses orageuses. En l'instant, toutefois, rien ne venait perturber l'air frais et humide de la rosée. Ses bottes humides témoignaient que les hautes herbes au bord de la falaise étaient perlées de leur saison. Une cape brune, discrète, couvrait sa silhouette haute et fine pour la camoufler, la large capuche rabattue sur sa tête. Il avait demandé à sa garde de ne pas le suivre alors qu'il s'était éloigné le long de la falaise vers le sud. Il avait ce sentiment de vulnérabilité, sans arme, sans armure, sans protecteur. Les frissons gagnaient son échine sans pour autant trembler comme une feuille. Le danger était omniprésent, dans sa vie. Il n'y avait bien qu'à l'ombre qu'il pouvait espérer se sentir plus à l'abri, mais depuis qu'il avait pris les fonctions de bourgmestre de Caladon, il avait fait une croix sur ce refuge. S'il resterait à cette place ? Probablement pas. La véritable question, c'était quand. Quand déciderait-il que c'était trop pour lui, pour eux. L'idée le tenaillait bien trop, déjà. En son fort intérieur, il savait qu'il ne tiendrait pas jusqu'au bout de son mandat.

    Ce qui s'était passé hier n'était que le reflet sordide de ce que pouvait leur faire la lumière. N'auraient-ils pas été mieux au fin fond de la campagne, sans tous ces autres pour juger, perturber, blesser Ivanyr ? Fermant les yeux, il porta l'anneau des murmures pour prononcer le nom de son aimé, dans un chuchotement tendre, un appel implicite à le rejoindre. L'ivoire mordait la lippe pour apaiser ce qui valsait dans son esprit. Ses interrogations, sournoises et ininterrompues, ne l'aidaient pas à s'offrir un factice sentiment de sécurité. Lui, qui avait cru être libre, s'était vu revenir, finalement, là où il avait tout envoyé paître au Royaume Elfique. Son père aurait voulu de lui qu'il soit un conseiller talentueux et Aldaron avait refusé la politique. N'était-il pas, aujourd'hui, ce qu'il avait toujours refusé ? Au final, il s'en mordait les doigts de plus en plus fort, surtout depuis le retour d'Achroma. Il ne se sentait pas à sa place, sans pour autant parvenir à distinguer où elle se trouvait, si ce n'était pas celle-là. Quelque chose de le dérangeait. L'engagement, peut-être. Les cloisons, les murs, les cases. Ou peut-être était-ce cette sensation d'absolutisme qui le gênait. Autone, Eleonora. Son Conseil. Ils avaient une telle confiance en lui que l'elfe avait bafoué librement les règles caladonniennes qui réclamaient que les pouvoirs de la cité ne se retrouvent pas entre les mains d'un seul homme. N'était-ce pas ce qu'il était parvenu à faire ? N'avait-il pas suffisamment infiltré la ville ? N'avait-il pas suffisamment gagner l'affection des cœurs ? C'était un pouvoir somptueux, omnipotent. C'était un pouvoir enivrant, captivant qui, en bout de compte, lui faisait extrêmement peur.

    Ça l'effrayait au plus haut point, ce qu'il était capable de faire. Lui, qui venait de la misère, qui avait dormi sous les ponts, qui avait lâchement abandonné ses responsabilités, il se retrouvait à la tête du ville et avait fermement annexé un territoire, manquant de déclencher une guerre dans la foulée. Il avait la vie de tant de personnes au creux de sa poigne et pas seulement ceux qu'il gouvernait. S'il décidait de marcher sur Selenia, ce serait la patrie de Delimar qui marcherait avec lui et celle de l'Empire qui serait contrainte à se lever. Qui était-il pour faire cela ? Et qui était-il pour s'octroyer la mission de juger ceux d'en haut pour les faire tomber ou pour les faire s'élever ? Qui était-il, si ce n'était un homme faillible ? Un homme qui faisait des erreurs et qui en engageait l'intégrité de ceux qu'il aimait ? A commencer par Ivanyr ? Son souffle s'allongeait, il sentait le vampire approcher. Il percevait sa présence, entre les tentes du campement. Il le sentait remonter le long de la falaise, en direction du sud. Il savait où le trouver et l'elfe pouvait suivre sa progression, y focalisant des pensées comme une ancre solide qu'il remontait à lui. Son cœur battait de plus en plus fort dans son poitrail, symptôme d'une excitation palpitante mais aussi d'une crainte, un appréhension légitime. Et si ce rituel ne fonctionnait pas ? Et si seulement l'un deux y parvenait ? Et s'il était tronqué ? Il se retournait, à l'instant précis où Ivanyr arrivait dans son dos.

    Il réalisait qu'il avait le souffle court, le muscle cardiaque battant à tout rompre, comme s'il avait marché ou couru avec lui, jusqu'ici. Ses doigts fins, cendrés, se refermaient sur ses vêtements, alors qu'il relevait ses yeux verts, brillants, sur ce visage adoré. Il forçait ses poings à se desserrer et ses mains tremblantes remontaient jusqu'à son cou pour s'y accrocher. « J'ai... Le trac, je crois. » Justifia-t-il, visiblement peu coutumier de ce genre de sentiment déconcertant. Il avait fallu plus de cinq siècles pour qu'il en fasse la découverte. Il eut un sourire en coin, intimidé par cette peur qui remuait en lui, visiblement pas plus rassuré en en parlant. « Comment te sens-tu ? » l'interrogea-t-il, perplexe. D'une main, il venait dégager une mèche platine du visage d'Ivanyr. Captivé par son regard, il y cherchait les premières réponses sur son état d'esprit, après cette nuit de soins.

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Le battement régulier résonnait dans ses oreilles tandis qu’il avançait, pas à pas, entre les tentes, en évitant ceux qui s’y affairaient. Ce cœur, il le connaissait intimement, comme s’il était le sien, et à défaut, il était sien. Le suivre était aisé, il suffisait de se laisser faire, de se laisser porter, enivrer et de faire simplement attention à ses pieds. L’elfe se trouvait près de la falaise, face à la mer, une pensée qui l’emplissait d’appréciation et même de joie, malgré sa morosité latente, dernier stigmate apparent de ce qu’il avait pu vivre voilà peu de temps. Aldaron l’attendait, c’était évident, et le choix du lieu le touchait car il correspondait à ce qu’il aimait énormément, un milieu auquel il était désormais presque aussi attaché qu’aux pentes neigeuses de Nyn-Tiamat. Profiter de sa présence, là-haut, face à l’immensité, goûter pour un temps la quiétude et le calme, et surtout effectuer là une approche que méritait ces lieux sacralisés, voilà qui ne pouvait pas manquer de l’emplir d’une douce chaleur. Bientôt, sa haute silhouette quitta le dédale des tentes pour aborder la montée en pente douce et rocailleuse menant vers les hauteurs de la falaise, le vent jouait dans les pans de sa lourde cape et dans celles de sa tunique, les faisant ondoyer autours de lui et claquer comme des voiles. Arrivé à mi-chemin, il abandonna l’idée de maintenir la capuche en place, le tissu glissant continuellement sur ses cheveux, aussi la repoussa-t-il pour plus de confort et laissa sa chevelure couleur de métal précieux s’ébouriffer aux bourrasques iodées qui le fouettait. Soudainement, la silhouette de l'elfe cendré se découpa sur le fond d'azur, lui arrachant un bref sourire, et il se hâta quelque peu pour arriver près de lui, un sourire fleurissant sur ses lèvres à le voir se tourner vers lui.

Dès l'instant où il pu contempler son visage, une douce chaleur vint se nicher dans son torse, rayonnant dans tout son corps avec douceur, et un tiraillement insistant en lui lui donnait envie de l'enlacer, de le serrer contre lui de toutes ses forces, de le toucher, et de l'embrasser en lui répétant à l'infini combien il l'aimait et le chérissait. Il céda d'ailleurs, venant l'enfermer dans son étreinte, lui baisant les lèvres, le front, la tempe, la joue, le cou, enfouissant le nez dans ses mèches pâles en humant son parfum, tremblant légèrement sous l'émoi qui l'habitait. Un bien-être incommensurable le noyait alors qu'il fermait les yeux et se retenait de le couvrir d'attentions et de caresses. Gorge serrée, il eut un sourire éphémère en l'entendant avouer qu'il avait le trac, alors qu'il le relâchait, et il l'observa un instant, comme s'il le voyait pour la toute première fois. Larmes aux yeux, il finit par le reprendre dans ses bras, grondant son amour pour lui sans parvenir à se retenir. Il l'engouffra dans ses bras et soupira doucement avant d'avouer d'une petite voix :

«  Je t'aime, Aldaron »

Ça lui faisait du bien de le dire, mais ça lui donnait encore plus envie de le garder tout près de lui. Et ce n'était absolument pas le moment de l'entraîner dans une union plus charnelle. Ou bien est-ce que ça l'était justement ? Exhalant de nouveau, il le serra encore un instant puis le relâcha, lui faisant un sourire franc. Il allait bien, même si sa santé physique n'était pas au moins, il avait eut de très bons soins, de la nourriture et l'attention d'un guérisseur qui connaissait bien son état et son mal, il avait fait une longue transe au calme et en l'instant, il se trouvait avec la seule personne en ce monde qui lui donnait l'impression d'avoir un cœur qui battait dans la poitrine. Et ils allaient se lier. Ensemble ! Il allait mieux que bien en vérité et n'avait pas de mots pour décrire ce qu'il ressentait, toute cette chaleur qui débordait de lui, presque avec férocité tant elle était impérieuse, qui le poussait vers lui et auquel il se soumettait bien volontiers.

«  Je vais plutôt bien, considérant ce qu'il s'est passé récemment. Purnendu a bien prit soin de moi et je suis content de te retrouver »

C'était peu dire ! Il vint lui caresser le visage avec tendresse, écartant des mèches douces dans lesquelles il passait les doigts pour en sentir la texture soyeuse, pour le prendre en coupe. L'observant quelques instants, il l'embrassa de nouveau, longuement, passionnément, donnant à cet échange la ferveur qu'il ressentait au plus profond de son être. Et lorsqu'il s'écarta, il lui prit la main et avança vers le bord de la falaise avec lui, lentement. Sa main aussi était chaude. Il entrelaça les doigts aux siens, inspira profondément, levant un instant les yeux vers le bleu du ciel avant de regarder de nouveau la mer. Puis il prit la parole, paisiblement, doucement bercé et amadoué par sa présence et par le grondement de la mer. Oui c'était le lieu idéal pour cela, il ne l'aurait pas rêvé ailleurs. C'était un univers où il se sentait bien, en sécurité…

«  J'ai lu qu'ils y avaient des cérémonials spécifiques pour appeler les esprits mais… je ne me sens pas d'en faire un. On est liés à un esprit par le cœur et l'esprit, alors j'ai envie de faire ça avec le cœur. Qu'en dis-tu ? »

Souriant, il s'arrêta au bord de l'à-pic et se tourna pour lui faire face, venant lui prendre les mains dans les siennes, plongeant son regard dans le sien.

«  Aldaron ? »

Sa voix était douce, caressante, et il marqua une légère pause avant de poursuivre, gagné une fois de plus par l'émotion.

«   Quand je t'ai vu, j'ai souhaité rester à tes côtés. Malgré la douleur, l'incompréhension, les épreuves morales, je ne voulais pas te quitter. Je ne le veux toujours pas. En ta présence, j'ai l'impression de vivre à nouveau. En ta présence, j'ai le cœur qui bat presque, et je sens la chaleur de la vie m'habiter. Avec toi près de moi, j'ai l'impression de pouvoir affronter mes peurs et d'avancer avec toi sur le chemin que nous construisons. Je veux continuer de le bâtir avec toi, ensemble. Je veux affronter l'avenir avec toi. Bien sûr, nous avons nos moments bas, nos colères et nos frustrations, mais en dépit de tout cela, ou même en partie grâce à tout cela, je te veux davantage encore auprès de moi. J'ai confiance en toi, et je sens à chaque instant que je suis là où je dois être, avec une justesse qui me surprend et me réchauffe chaque fois. Je prend plaisir à te dire que je t'aime, à penser à notre union, à chercher à comprendre tes sentiments et à batailler tes pensées…. Te voir, même un instant, vaut toutes les souffrances... »

Avec un sourire, il revint il caresser le visage, lentement, avec une profonde vénération dans le moindre frôlement. S'arrêtant finalement, il ferma les yeux, se rapprocha de lui jusqu'à ce que leurs lèvres se touche. Dans un souffle bas, complice et tendre, il continua finalement de s'exprimer, chérissant chaque mot, la voix tremblante d'émotion, légèrement rauque, et si délicate qu'un souffle de vent l'emporterait.

«   Je me suis senti lié à toi dès que nous nous sommes vu. Et aujourd'hui je veux le clamer au reste du monde. Je suis ton Inséparable... »

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    Son étreinte était toute puissante ; elle était sa foi, sa loi, l'incarnation de ses rêves. Il se sentait soulevé par une force invisible mais poignante, et l'air inspiré dans ses poumons ne pouvait, à lui seul, expliquer un tel envol. La sécurité que conférait sa présence était probablement ce qui marquait le plus son bien-être. Il avait confiance en lui, comme il n'avait jamais pu faire à nouveau confiance, depuis Morneflamme. Il n'avait plus peur des ombres qui le rendaient d'ordinaire alerte. Ce sentiment vibrant de quiétude était le plus imposant, le socle fondamental de sa relation, sur lequel son amour pouvait se reposer en paix. Son colosse n'avait pas des pieds d'argile : ses appuis étaient sûrs, forts, solides. Ils étaient un roc capable d'affronter les tempêtes de leur lendemain. A l'instant même où Ivanyr le prenait dans ses bras, l'elfe pouvait se laisser aller à l'euphorie candide de l'invulnérabilité. Rien ne le toucherait, tant que le vampire était à ses côtés. Son nez logé dans les plis de ses vêtements inspirait son odeur, gravée en sa mémoire pour des siècles encore, comme une marque immuable. Ses poings se serraient dans ses habits, ses yeux se fermaient. Il ne cherchait plus à compter le temps qui s'écoulait. Peut-être que cela durait une seconde, une heure, une éternité. Des picotements dévoraient sa nuque, puis les muscles de son corps, l'engourdissant dans une chaleur diffuse.

    Son cœur battait dans sa poitrine avec une folle allégresse. Il était ivre de lui, de ses lèvres qui couvraient le derme de sa peau d'une fervente tendresse. Il exhalait un souffle chaud, niché dans le creux de son cou. Tout ceci dépassait l'entendement. La raison s'était envolée, il était seulement fou de lui, fou d'entendre l'aveu de son amour, fou de le savoir en meilleur état que la veille. Que n'aurait-il pas donné pour que cela dure éternellement ? Qu'il le préserve de la mémoire d'Achroma et de tous ceux qui attendaient beaucoup trop de son visage ? Le baiser terminait de le noyer dans ce flot intemporel, alors qu'il lui rendait son attachement avec une passion pleine de sincérité. Il glissait sa main dans celle aux doigts gelés du vampire, caressant de son pouce de dos de la dextre offerte. Marcher près de lui, qu'importe où ils allaient, c'était comme faire sa route vers les étoiles. Le paysage serait magnifique tant qu'il serait avec lui. « Je ne le voyais pas autrement... Je n'ai pas vraiment fait cela aussi bien que les graärhs, je ne sais pas comment se passent les cérémonies. » souffla-t-il en réponse. Des rituels, il en avait entendu parler, mais il avait été épaulé par l'esprit-lié du saumon sans avoir eu à en faire un. Cela était venu naturellement, dans une méditation. Il se souvenait seulement de l'avoir appelé et d'avoir senti sa présence. Était-ce cela une cérémonie ?

    S'arrêtant au bord de la falaise, il leva les yeux sur le vampire à ses côtés, s'obligeant à quitter le paysage qu'il embrassait de sa vue, lorsque son prénom fut prononcé. « Hm ? » l'interrogea-t-il alors qu'il triturait nerveusement l'extrémité de sa longue tresse. Tiens, le trac revenait. C'était perfide ce sentiment. Cela s'infiltrait si sournoisement sans que l'opportunité lui soit donnée de s'échapper. Son joug était souverain et irrationnel. Pourtant, lorsqu'il laissait son regard se faire happer par le sien, la peur s'éloignait et la foi revenait. Serait-elle toujours aussi fluctuante ? Avec ses hauts et ses bas ? Ne pouvait-il pas avoir droit un peu de stabilité, pour une fois ? Ses mots dressaient les poils sur sa peau, en frissons qui se succédaient. Il s'en trouvait à son aise, alors que son corps s'approchait instinctivement du sien pour s'y coller. Sa respiration profonde caressait les lèvres de son aimé, plus chaudement qu'un baiser. Elle en était les prémisses suaves et pleines de promesses. Le trac revenait et l'elfe tremblait d'incertitudes. Il ne parvenait à trouver des mots, lui, l'habile politicien. Il savait pourtant si bien les manier et en l'instant, il avait la dérangeante sensation de ne plus en avoir un seul.

    Il les trouva, dans une langue maternelle, qu'il balbutiait contre ses lippes entrouvertes : « Des centaines et des milliers de fois, j'ai entendu dire que les elfes n'aiment qu'une fois. Je trouvais cela tellement faux, j'étais persuadé que ceux qui le prétendaient exagéraient de bien piètres émotions pour s'en exhaler hypocritement. Je ne m'attachais à rien, ni à personne : ça ne pouvait donc qu'être un mensonge. » Et maintenant ? Il n'arrivait pas à trouver comment l'exprimer et il le jalousait de savoir si bien le faire. Ses mots restèrent un instant bloqués dans sa gorge, sans qu'il ne parvienne à les clamer, d'aucune manière. A défaut, il lui prit un baiser, chargé d'une passion sincère tandis que ses mains quittaient les siennes pour s'accrocher à sa nuque. Il ne devait pas tomber et il avait cependant la sensation vague de vaciller. Ses jambes en coton refusaient de tenir sans trembler. Il le appartenait, il en était certain. Achroma était bien l'unique personne capable de lui mettre des chaînes sans que l'elfe ne se débatte. Elles ne lui étaient pas néfastes, elle n'étaient que le chemin qui lui permettait de le retrouver, à chaque instant.

    Il retrouva son regard et se délecta du bleu marin de ses yeux. Ses deux mains, à plat, glissaient sur son torse. « Je t'aime, Ivanyr. » Lui qui n'y avait jamais cru, à cet amour, il le vivait pleinement, cette fois. Ce qu'il avait senti avec Achroma... Avait-ce été les signes avant-coureurs d'un rêve inabouti ? Et si Achroma n'était jamais revenu ? Ou peut-être devait-il forcément revenir ? Ce visage qu'il chérissait et dont il pleurait la mort... Avait-il seulement était celui d'Achroma en fin de compte ? Ou bien était-ce son esprit-lié qui lui avait toujours montré Ivanyr ? Il avait été aveuglé par la peine, la douleur de la perte, au lieu de chercher son lié, en vie, peut-être même sous ses yeux. « Je t'ai tellement attendu. » Et il l'avait à présent. Avait-il encore besoin d'aider ce monde pour aller mieux ? Se battre contre les tyrans ? Était-ce encore son travail ? Ou pouvait-il enfin prendre une retraite méritée ? Ou peut-être un entre-deux ? Les yeux clos, son nez frôlait celui d'Ivanyr. Ses lèvres entrouvertes et désireuses cherchaient à s'approprier ses jumelles. « Je suis ton Inséparable. »

    Il explorait la chaleur diffuse qui l’inondait, pour la comprendre et la garder, la satisfaire et la combler. Il en définissait les contours et s'en saoulait, buvant ce vin jusqu'à la lie, sans méfiance, sans regret. Il prenait, entre ses doigts émaciés, les filaments d'or unificateurs et remontait à leur source. Il cherchait l'oiseau endormi dans son nid, l'écrin de douceur qu'il voulait partager avec Ivanyr. Il l'embrassait, l’enlaçait pour que la chaleur croisse, pour qu'elle devienne si grande qu'elle les dépasse. Il lâchait la bride de contrôle qu'il exerçait sur son environnement. Il ne voulait plus rien décider, il voulait se laisser porter par ce qui grondait en son for intérieur. L'attachement se fit bon guide puisqu'il inspirait l'air nouveau, irriguant les champs de son esprit d'une harmonie inédite. Le lien se formait, les rubans de son âme se nouaient à la sienne. Il en percevait toutes les subtilités, comme si le moindre détail passait dans un prisme qui divisait la lumière en faiseaux, comme s'il découvrait des couleurs qui n'avaient jamais existé. Tout était si neuf, tout était si brillant et chaud. Et il voulait voler. Là, maintenant. Il savait que c'était cela, il savait qu'il ne lui manquait que de franchir le pas. Faire ce grand saut qui ligaturait si bien sa confiance à ses actes. « Viens. » souffla-t-il près de son oreille, les yeux brillants d'une vie démente à deux doigts d'exploser en extase. Sa main dans la sienne l'attira dans le précipice.

    Il voulait voler et dans la chute, il sentait ses ailes se déployer. Elles étaient factices mais pour lui, elles étaient bien réelles. La descente était interminable, et c'était parfait. Le vent sifflait le danger, mais ils étaient plus forts que cela. Ils étaient inséparables.

descriptionInséparables [Achroma] EmptyRe: Inséparables [Achroma]

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Un léger sourire vint danser sur ses lippes, en le voyant perdre ses mots, suivant d’une oreille attendrie les battements emballés de ce cœur en émoi. Malgré toute la prestance de l’elfe, son aura et ses belles manières, c’était ainsi qu’il le préférait, authentique, vulnérable et imparfait, avec cette angoisse qui palpitait en lui et qui se voyait dans ses yeux, qui allait et venait au grès de sentiments non dissimulés. Sa figure extérieure était bien belle, son vernis policé qui attirait l’admiration ou l’inimité du reste du monde, elle le rassurait sur sa capacité à diriger, à fédérer et il l’admirait pour ça. Mais c’était son incertitude et son hésitation, sa délicatesse, qui attiraient son amour et sa tendresse. Jamais il n’avait été plus beau qu’en cet instant. Le baiser qu’on lui prit le fit sourire, et il y répondit, offrant sa tendresse et sa passion à son compagnon, n’ayant guère besoin de plus pour être contenté. Sa présence, sa chaleur, leur contact mutuel, apaisant ou enivrant, c’était finalement tout ce dont il avait besoin pour se sentir vivre, pour se sentir assez fort pour repousser le désespoir qui ternissait ses jours et ses nuits. Lorsqu’ils reculèrent, plongeant le regard l’un en l’autre, les prunelles du vampire s’étaient faites douces, porteuse du velours d’une affection profonde, sincère et véridique qui ne demandait guère en retour qu’une caresse et une étreinte. Son sourire prit un tour malicieux, presque narquois, son expression mutine faussement interrogatrice, ayant l’air de lui dire ‘Ah bon ?’. Elle le défiait et le taquinait silencieusement, et pourtant elle se teinta de davantage d’apaisement. D’une main, il vint lui caresser la joue, lui glissa quelques mèches pâles derrière une oreille pointue. Tout bas, il souffla, la voix chaude de sa sincérité, et de son amour.

« Je suis là, maintenant »

Lèvres tremblantes de son sourire, il frotta son nez à celui de son compagnon, le fronçant légèrement sous l’amusement, avant qu’il ne l’embrasse une fois de plus, venant cueillir les mots à-même son souffle, goûtant leur suavité avec délectation. Il se déroba à sa recherche quémandeuse, juste quelques instants, pour mieux déguster la rondeur des mots, pour faire rouler sur sa langue la magie qui s’en échappait. Non, pas magie, c’était un peu différent même si le vulgaire s’y perdait. L’énergie qui flottait entre eux était plus piquante, plus viscérale, fraîche comme le vent marin, somptueuse d’une passion qui sonnait comme l’éternité. Puis, il scella la gorgée, venant joindre ses lèvres aux siennes, redécouvrant leur douceur et leur souplesse comme au premier jour. Il s’amusa du léger goût de carottes, s’enivra de son parfum boisé, alors qu’une douce chaleur naissait dans sa poitrine. Il ne chercha pas à comprendre, cela aurait retiré toute beauté à ce qu’il vivait. Comprendre n’était pas nécessaire, il devait seulement vivre tout cela, embrasser ce lambeau de paix et de perfection qu’on lui jetait en pâture comme le noyé vorace qu’il était. Ses bras se refermèrent autours de l’elfe, le contact, la sensation de son corps dans son étreinte, proche, si proche, le comblait au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer possible. De nouveau, il y avait un frémissement, dans son cœur, ténu, alors qu’à ses oreilles, un discret battement d’ailes semblait retentir. Et il sut, au-delà de tout doute, qu’il ne s’était jamais trompé un seul instant à son égard. Qu’ils étaient bien destinés l’un à l’autre, et qu’ils touchaient du doigt une richesse que le reste du monde pleurerait à tout jamais sans même le savoir ou le comprendre.

Était-ce donc là l’origine de ce vide que les hommes, les elfes et les vampires essayaient de combler ? Un amour éternel, absent pour eux, mais réel, que les ailes de l’inséparable leur offraient ? Il sentait son âme et son cœur, et sa présence le gorgeait de vitalité. Le monde avait un nouveau sens, qu’il contemplait sans chercher à en percer les mystères, l’appréciant simplement à sa juste valeur. Cette lumière, elle émanait de lui, ternissant le reste du monde à son profit. Il savait que, quoi qu’ils fassent, où qu’ils soient, Aldaron serait toujours pour lui la plus brillante des étoiles, un rayon de soleil comme l’astre lui-même ne pouvait en produire. Expirant doucement, il se rendit compte qu’il le désirait, que son corps appelait au sien tel qu’il ne l’avait jamais fait. Il y avait toujours eu un sens défensif à leurs unions jusqu’ici, une façon pour lui de les rassurer, mais plus maintenant, parce qu’il savait, ancré dans son âme, que son compagnon était bel et bien là. Non, à présent, ce que son être appelait était une célébration. La demande fut comblée, il ne résista pas un instant à l’impulsion de l’elfe, et plongea avec lui, laissant le vent siffler, le monde s’étendre et fermant les yeux, il s’abandonna au vide, sentant l’étoile de chaleur de son compagnon tout près de lui. Il lui tenait la main, mais il le sentait tout entier, et quand l’océan approcha, il pu les protéger tous les deux. La morsure glaciale de l’eau le fit à peine trembler, et il remonta rapidement à la surface, écartant sa chevelure collée à son visage et s’assurant qu’Aldaron était également présent. Il l’attira près de lui, dans ses bras, et l’embrassa, partageant le sel sur leurs lèvres.

« Regarde… »

Il l’avait relâché et un mouvement près de lui avait attiré son attention. Au-dessus d’eux, deux petits oiseaux colorés les observaient avec des prunelles à la fois noires et intelligentes, et célestes, étoilées d’une énergie d’outre-monde. Lâchant des trilles mélodieux, ils voletèrent autours de leurs têtes tandis qu’ils nageaient vers un groupe de roches solides. Une voix double, profonde, qui n’était ni mâle ni femelle, qui n’étaient pas des mots réels mais que leurs esprits comprenaient comme tels, vint se glisser au creux de leurs oreilles, chuchotant, exsudant l’harmonie et l’acceptation. L’impression de cette voix en lui le fit frissonner, lui mettant les larmes aux yeux, et il resta coi, incapable de parler, hochant simplement la tête à défaut d’une réaction plus appropriée, pour indiquer qu’il comprenait.

« Vous nous avez appelé et nous sommes venus. Nous sommes vous, âmes solitaires et perdues qui, désormais, seront à jamais liées. Vous êtes un havre l’un pour l’autre, votre dernier rempart contre vos souffrances. Nous vous reconnaissons et vous donnons notre pouvoir. Plus que tout, nous vous donnons la promesse de n’être plus jamais seuls. Honorez ce présent que toute âme vous envie, vivez votre lien pleinement éternellement, et nous seront toujours là pour vous »

La caresse des ailes ressemblait à une brise tiède d’un jour d’été, chargé du parfum des dernières floraisons. Elle lui fit un instant tourner la tête at il observa les silhouettes scintillantes disparaître dans l’air, s’étiolant comme un songe délicieux. Bientôt, il ne resta plus qu’Aldaron et lui, et il lui fit un sourire. Cela faisait un moment qu’ils ne s’étaient pas vu. Il y avait eu les journées de voyage jusqu’à Cordont au départ de l’elfe, puis le sommet, puis la catastrophe et la semaine pour arriver à destination. Mais ils étaient liés désormais, il le sentait dans chaque fibre de son être et celui-ci célébrait. D’un regard brillant, il l’entraîna avec lui jusqu’à une petite plage fermée, dans un renfoncement rocheux. L’enlaçant là, à l’abris du gros des vagues, il vint lui embrasser le cou, l’épaule, avant de rejoindre ses lèvres.

«  Min kjære* »

Lorsque la passion se fut consumée, qu’ils se laissaient paresseusement portés par le doux courant caressant, flottant dans un lit de riches algues colorées, Ivanyr ferma les yeux, se laissant bercer. Ses habits collaient à sa peau, mais il ne s’y intéressait pas. Tout ce qui lui importait était le corps et l’âme chaudes près de lui. En tournant la tête, il l’observa pensivement quelques instants, puis demanda, paisiblement. L’idée lui était venue d’un coup, sans prévenir, sans lien particulier avec quoi que ce soit. Elle lui plaisait, cependant, car elle lui permettrait de partager quelque chose de personnel et d’important avec lui. Quelque chose qui lui tenait à cœur, qu’il aimait.

« Aimerais-tu que je t’enseigne le Glacernois ? »

* Mon amour

descriptionInséparables [Achroma] EmptyRe: Inséparables [Achroma]

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    L'eau gronda au contact de leur deux corps venant s'y enfoncer. Leur descende dans les abîmes n'avait d'égal que l'élévation spirituelle qui était la leur. Plus ils iraient loin dans les tréfonds, et plus ils seraient ensemble. N'était-ce pas ceci, leur totem ? Devenir un Havre de paix l'un pour l'autre, la lumière dans les ténèbres ? Il n'avait pas peur, l'impact avait été plus doux qu'il ne l'aurait du... Parce qu'Ivanyr était là. Avec une telle hauteur, même dans de l'eau, l'elfe se serait tué d'avoir ainsi côtoyé le vide. Le froid mordait sa peau mais il lui rappelait l'étreinte de son amant, décuplée. Elle investissait chaque centimètres de sa peau, venant l'engourdir d'une signification singulière proche de l'euphorie. Tête levée vers la surface, il contemplait l'éclat de soleil s'évaporer, dévoré par l'obscurité. Et dans la noirceur de son environnement, il tenait sa main, venait contre lui. Ses lèvres s'entrouvraient contre sa peau, enivré. Le silence régalien les dominait de son aura sublime et il s'inclinait devant sa toute puissance éphémère.

    Inspirer l'air lui sembla nouveau. Les embruns n'avaient plus l'odeur du souffre, ses poumons étaient vidés de leurs cendres. Les brûlures laissaient place à l'étreinte vampirique qu'il appelait de ses vœux. Son souffre était rapide, chaud de ses sentiments exaltés, alors qu'il dévorait l'Aîné de son regard verdoyant. Il levait les yeux sur ce qu'on lui désignait, nageant par instinct de survie, afin de rester à la surface. Son corps tremblait, à la fois terrorisé par l'engagement qui se matérialisait et infiniment heureux. Ses yeux et son nez rougissaient d'une émotion qui le submergeait, une félicité nouvelle à laquelle il aspirait. Il avait si peur en l'instant... Mais n'était-ce pas normal ? N'avait-il pas, là, soudain entre les mains, la chose la plus précieuse qui ne lui ai jamais été confiée ? Les larmes brillaient aux extrémités de ses yeux. Sans couler, elles étaient l'essence lumineuse de ses émotions, les plus fidèles témoins de son bonheur. Après quelques battements d'ailes, il se retrouvait avec son Lié. Il le sentait, il l'adorait. Il était son air, son eau et son soleil. Il sentait l'attache, les rubans de leur union, si doux, si chauds.

    Étendu sur le sable de la plage, passion dévorée, l'elfe reposait sur le flanc, un bras libre sous sa tête. Ses habits collaient son corps et quelques mèches blanches, échappées de sa tresse, dessinaient des arabesques dans son cou et sur une fine partie de son visage. Il mirait son Lié, à la fois songeur et paisible. Les rayons sur soleil ravivait d'or sa silhouette fantomatique : il était magnifique, ainsi cerné par l'astre du jour. La question qu'il lui posa fut accueillie par un sourire fin alors qu'il acquiesçait d'un signe de tête. Il éprouvait le plaisir de cet apprentissage singulier. Achroma avait perdu ses souvenirs, mais certaines choses, comme sa langue maternelle, étaient restées à travers la mort. « M'est d'avis que ça sera peut-être utile avec l'Intendante de Délimar... » S'il appréhendait ? Probablement un peu. Ce n'était pas faute de tenir dans son cœur ce peuple bourru et de désirer se rapprocher d'eux. Quant à Nolan... Il allait à leur entrevue avec un mélange d'espoir et de désillusion. Il ne savait pas ce qui en sortirait et la vie des siens en dépendait.

    « Comment dit-on 'oui' ? » demanda-t-il avant de répéter plusieurs fois le mot qu'Ivanyr lui offrait, jusqu'à l'élocution parfaite. Satisfait, il se redressait pour chevaucher à califourchon son inséparable. Penchant la tête sur le côté, de gauche et de droite, tout sourire séducteur, il demandait à nouveau : « Comment dit-on 'Embrasse-moi' ? » Il le répétait, puis ses yeux le suppliait de l’exaucer, redressant le buste de son amant. Il passait ses bras autour de son cou avant qu'un sourire crochu ne vienne chauffer son visage d'une plaisanterie. « Promis, je ne dirai pas cela à l'Intendante. » ricana-t-il, promettant néanmoins de ne réserver qu'à lui. Grondant son bonheur contre ses lèvres, il tâchait de repousser au loin ces entrevues diplomatiques qui le remuait intérieurement. N'était-il pas le marchand qui avait commencé sa carrière en dormant sous des ponts ? Voilà qu'il allait décidé s'il y aurait une guerre ou non. C'était grisant et effrayant.

    Écartant tout juste son visage pour croiser son regard, ses pommettes rosirent un peu alors qu'il demanda : « Et... Comment dit-on... 'Veux-tu m'épouser ?' » A en juger par le tout premier mot qu'il lui avait demandé en apprentissage, il n'attendait que l'instant où Ivanyr lui offrirait une traduction pour lui répondre un 'oui' parfaitement assimilé. Il se mordit la lèvre inférieure avant d'ajouter : « Je suis sérieux.... Leweïnra, Triade... Mon nom définit qui je suis. Leweïnra, c'est le politicien, l'Indigne pour les elfes, l'ami des hommes. Triade, c'est le dirigeant du Marché Noir, ma réussite et mon ombre protectrice mais... Je n'en ai pas encore un pour dire que je suis à toi. » Sa main caressait sa nuque d'un geste tendre : « Et j'aimerais que ça soit le cas. » Quant à savoir lequel Ivanyr souhaitait le doter... C'était encore toute une réflexion à venir car l'Aîné en avait aussi un certain nombre. Entre Elusis, Seithvelj et Veanya, c'était au dernier auquel il s'accrochait, mais il préférait lui laisser le choix et le temps de le faire.

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Le vampire se fendit d’une légère grimace à la mention de la ville guerrière mais ne fit aucun commentaire, car c’était sans doute fort exact que parler le vernaculaire nordique lui serait utile. Simplement, Délimar portait pour lui une saveur et une symbolique très particulières, à la fois doux et amères, tendres et douloureux. Ravalant ses indécisions à cet égard, il préféra se replonger dans la sensation unique et singulière qui était venue se nicher dans son torse. Désormais, il vivait sa présence comme une aurore, comme si le reste du monde était une teinte plus terne que lui, et quelques degrés plus froid, là où il irradiait comme un astre. De cette présence, il tirait une force nouvelle, une énergie pulsant dans ses membres et dans son âme, comme si une part de la trame venait de le pénétrer. Après un bref instant, Ivanyr eut un sourire, ne se sentant pas l’âme de rester grave alors qu’il vivait l’un des plus beaux jours de sa vie. Avec paresse, il s’étira de tout son long, puis chassa une algue de sa jambe avant de trouver une position plus confortable dans le sable alors qu’il reprenait la parole, paisiblement. C’était étonnant comme, soudain, il se sentait emplit par la paix et le calme, et il espérait sincèrement que cela durerait, que cette impression délicieuse de fatigue et d’engourdissement cotonneux n’allait pas disparaître trop vite.

«  Oui, cela peut aider. Comme pour toutes les ethnies je pense, non ? Comprendre la façon dont la langue est construite, cela donne un aperçu de l’état d’esprit et de la culture profonde d’une nation »

Un instant éphémère de blanc passa, avant qu’il ne reprenne, en retirant une nouvelle algue, coincée cette fois dans ses cheveux.

«  Par exemple, le mot ‘Herre’ signifie Seigneur, mais dans le vernaculaire nordique, c’est un mot qui n’a pas de genre. Cela désigne l’essence du titre, et pas le sexe de celui qui le porte. Il est traduit de façon arbitraire par le masculin de la langue commune, mais c’est l’idée derrière plus que le genre qu’il faut prendre en compte : une personne qui a obtenu le droit d’en diriger d’autres par sa valeur et ses qualités »

Il eut un vague sourire, en se rendant compte que disserter sur le sujet lui plaisait assez. Pourtant, c’était un peu trop universitaire pour ses goûts habituels, mais qu’importait.

«  Beaucoup de mots n’ont pas de genre, de sorte que, si tu devais traduire littéralement, pour être fidèle à ce qui est dit, tu aurais beaucoup de mal et trois phrases deviendraient une diatribe complète »

A croire que les Glacernois avaient décidé d’être contrariant jusqu’au bout, à l’époque, histoire qu’un étranger voulant s’intégrer doivent franchir métaphoriquement l’équivalent de la dent de dragon. C’était une forme de protection culturelle comme une autre, et cela illustrait également l’équité des sexes dans la langue du nord. Les tueurs de vampires ne percevaient pas les différences de genre aussi drastiquement que les anciens sudistes et avaient de longue date accordé autant aux femmes qu’aux hommes. La valeur ne provenait pas de ce que l’on pouvait avoir entre les cuisses. Il retomba dans le silence sur ces pensées, s’octroyant le chant de l’eau en récompense. Les soupires des vagues touchaient quelque chose en son sein, quelque chose d’aussi profond que le roulis, continuant de dénouer ses muscles comme ses pensées. Chaque fois qu’une vague se déroulait, il avait l’impression de faire de même, son esprit suivant le mouvement dans une langueur délicieuse qui évoquait la chair de poule. Instinctivement, il calquait sa respiration sur le bruit des vagues…

Un œil s’ouvrit. Il n’avait pas même eu l’impression de le fermer, tant il se laissait porter, embrassé par le bien-être de sa présence et des lieux.

«  Ja »

Le son était soufflé, court et pourtant l’elfe eut du mal à lui donner la nasalité suffisante pour qu’il soit expressif. Lui le couvait du regard, très amusé de le voir tâtonner, mais pas moqueur pour autant. L’accueillant sur son ventre, il vint faire reposer ses mains sur ses hanches, massant lentement et le maintenant hors du léger mouvement que l’eau provoquait immanquablement. La suite le fit sourire plus franchement, et il répondit d’une voix chaude d’un rire contenu, mais qui rayonnait à travers lui comme le soleil au travers d’une futaie, transformant le marbre en un matériaux moins dur, la blancheur éthérée en une lueur douce et apaisante. Quand il souriait, il perdait cette impression de suaire qui le poursuivait, la joie chassant la souffrance profonde comme une couche de poussière grise sur son corps. Sourire restaurait son âme, son esprit, même un bref et simple instant. C’était déjà beaucoup, une éternité dissimulée.

«  Suuteli minua »

Le flot quitta pourtant sa gorge, le faisant tressauter au-dessus de lui, et il vint effectivement l’embrasser avec plaisir, faisant durer l’échange autant qu’il le pouvait sans le rendre inconfortable. Sans reculer, il continua de lui caresser les lèvres, savourant le délice de leur douceur comme un fruit bien mûr. Ses doigts s’accrochèrent sur ses vêtements mouillés et il posa finalement, un instant, la tête sur son épaule. Un bref instant, son sourire se fit torve.

«  J’espère bien »

La suite, il la digéra lentement, l’observant longuement sans rien dire, sans rien montrer. Était-il sérieux ? Oui, il l’était. Voilà qui s’avérait perturbant, surprenant… Son regard traça les angles de son visage, le buvant lentement, sans qu’il ne rompe le silence, ne sachant pas bien comment réagir. Entre-ouvrant la bouche il l’appela, mais l’autre continuait déjà, l’empêchant d’aller plus loin que le nom qu’il adorait pourtant, mais qu’il soufflait alors avec doute.

«  Aldaron… »

Avait-il senti sa surprise ou son incrédulité ? Peut-être. Coi de nouveau, il attendit que l’elfe termine, continuant de lui caresser les flancs. L’épouser ? Est-ce que c’était nécessaire ? Lui-même n’accordait aucune réelle forme d’importance à cette tradition humaine. Passer au travers d’une cérémonie de plus, bien moins magique, ne représentait rien pour lui, car il estimait déjà avoir toutes les marques de possessions qu’il puisse désirer sur lui.

«  Je ne doute pas de ta sincérité »

Il sourit, doucement, et vint lui caresser la joue de la main.

«  Tu veux vraiment m’épouser ? »

Si c’était ce qu’il voulait, si cela lui faisait plaisir, alors oui, il s’y plierait. Il n’avait pas forcément besoin d’adhérer au principe ou d’y trouver un plaisir quelconque… tant que cela ne lui causait pas d’inconfort, et qu’Aldaron en était heureux, il était prêt à le faire. Si cela le faisait sourire… et qu’il aimait son sourire. Souriant doucement, il vint lui embrasser le cou, puis se redressa. Le coup d’œil qu’il lui lança était taquin, mais tendre. Il ne s’était pas attendu à ça et à posteriori, peut-être était-ce un peu rapide mais comme il avait détesté la prudence de son compagnon, cette décision lui allait relativement bien. Pourtant, il tâcha encore de jauger de la chose. Non qu’il doutât de lui, c’était plus par envie de le lui dire, de lui ouvrir toutes les opportunités possibles. En fin de compte, il ferait ce qui plairait à son compagnon et rien d’autre.

«  Parce que, tu n’as pas besoin de ça pour m’appartenir, ou pour le dire. Je peux même l’écrire en toi en des termes qui ne seront ambigus pour personne »

La dernière suggestion avait été faite sur un ton sensuel et bas, joueur. Sa poigne sur ses hanches se fit un instant plus ferme et présente, mais il s’adoucit bien vite, dans un soupire. Il ne voulait ni lui faire mal, ni l'oppressait et, parfois, il s'inquiétait de savoir s'il avait les bons gestes pour lui, des gestes qui lui plairait. Leur lien à présent décuplé l'aiderait certainement à se défaire progressivement de ces angoisses pour être plus assuré. Proche de lui, le vampire ne quittait pas son visage des yeux, et il souffla doucement :

«  Mais si tu le veux, bien sûr »

Son regard se fit clair, innocent et enfantin alors qu'il le scrutait, prêt à absorber son plaisir comme la lueur du soleil était recherchée par les héliotropes. Il voulait le rendre aussi heureux que possible, et lui-même serait heureux de son plaisir. C'était un cercle vertueux, auquel il s'offrait de très bonne volonté. Certain de son affaire, Ivanyr attira de nouveau l'elfe dans son étreinte pour l'embrasser. En aurait-il jamais assez ? Pensif, soudainement, il chercha ce qui pouvait le tracasser, ce qui pouvait jouer aux abords de sa conscience. Comme un fil volage, il tenta de l'attraper, et après quelques longs instants, il y parvint, sa figure s'allongeant.

«  … Mais je n'ai pas de bagues pour toi… ce n'est pas grave ? Tu ne serais pas trop déçu de devoir attendre un peu ? »

Son esprit bondissait déjà à la recherche d'une solution à ce désagréable problème. Il commençait lentement à désespéré quand son regard plongea sur deux petits coquillages dissimulés dans un creux de roche. Tendant la main, il sortit les délicates coquilles pour les examiner et eut la satisfaction de les trouver lisses et nacrées. Prenant la main de l'elfe, il glissa l'un des coquillages à son doigt, et l'autre au sien, satisfait de sa trouvaille. Embrassant le dos de sa main, il observa de nouveau le coquillage puis fit un grand sourire enthousiaste.

«  Tu peux les modifier, n'est-ce pas ? Comme l'épée près de Caladon. J'aime tellement cette magie-là… Montre moi ! »

Battant des mains, il se redressa complètement et attendit, les yeux brillants et un petit poulpe sur l'épaule droite.

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    La langue nordique le laissa un instant songeur, le temps que le goût et l'envie d'en apprendre d'avantage ne croissent en son for intérieur. Le peuple de Glacern l'intriguait. Lui qui avait vécu quelques siècles à Gloria ne connaissait que le faste de la capitale et ces reclus des montagnes le faisaient s'interroger autant qu'un univers inconnu duquel il rêvait de connaître un peu mieux la culture et la façon d'être. Cette quête tenace avait pris plus de puissance lorsqu'il avait côtoyé la haute carrure d'Achroma, puis lorsqu'il avait travaillé main dans la main avec Delimar... Et maintenant, c'était le cœur d'Ivanyr qui l'étrillait. Si bien que lorsque son Inséparable vint à jouer le rôle du professeur, les prunelles verdoyantes s'étaient éclairés de malice pour le conduire là où il voulait bien l'emmener. Il se mordait la lèvre à son prénom soufflé, cessant de poursuivre au delà du nécessaire tant il sentait sa surprise et son besoin de digérer la demande. Pendant ce temps, son estomac se serrait d'angoisse... Avait-il été trop vite ?

    Il venait appuyer légèrement, mais un peu plus, sa joue contre la main qui venait la caresser. Baissant les yeux à la question, il acquiesçait faiblement de la tête, confirmant que l'épouser était ce qu'il désirait. Il releva ses mires d'émeraude sur le vampire, chargées d'affection complice et d'une lueur joueuse que son lié éveillait en soumettant un tel sous-entendu à l'emprise de sa poigne sur ses cuisses. Un rire quitta ses lèvres au sourire amusé alors qu'il répondait un chaud : « Ne compte pas sur moi pour dire non. » Bien sûr, il serait toujours capable de lui refuser s'il n'en avait pas envie mais... En vérité ? Il aimait infiniment leur moment d'intimité, les uns tous autant que les autres. Ils lui faisaient trop de bien pour qu'il s'esquive. Ces années avaient été si rudes de solitude que la symbiose de son présent avec lui était une denrée divine. Et puis... Il n'avait pas été un elfe très sage quand il vivait à Gloria. Son succès n'avait d'égal que son charisme et il fallait dire que le charme de sa race était un facilitateur dont il avait usé à outrance pour passer de draps en draps.

    Y compris dans ceux d'Achroma. Morneflamme avait mis un terme à ses ardeurs, ou du moins avait-il fait plus attention et s'était montré plus discret dans ses relations, sans jamais parvenir à s'attacher ni à se satisfaire vraiment. Il n'y avait bien qu'avec Ivanyr qu'il touchait du doigt cette étoile, cette perle rare qu'il n'avait connu jusqu'alors. Il n'y avait bien qu'avec lui qu'il pouvait faire un caprice : qu'elle mouche l'avait piquer de lui demander un mariage ? Il haussa doucement les épaules lorsqu'Ivanyr lui demanda s'il pouvait patienter et en vérité, il n'eut pas vraiment à attendre. Un sourire amusé éclairait son visage, rehaussant les pommettes de ses joues rosies, à la vue de ces coquillages qui ornaient leurs doigts. Le chant en langue natale passait ses lèvres alors qu'il tenait la main de son lié, concentrant sa magie sur le petit objet. Pour lui aussi, il voulait bien donner de lui pour un caprice, lui offrir ce qui lui plaisait. Que n'aurait-il pas donné pour le voir juste heureux ?

    Pensif, il observait son travail noué en spirales nacrées. Les striures du coquillage faisait un bel effet. « Mon père disait que si je respectais la nature, si je la louais pour toute puissante qu'elle était, elle me laisserait le droit de la modeler, de l'utiliser.Qu'elle m'aiderait, autant qu'il me fallait lui apporter mon soutien, aussi infime soit-il à côté d'elle... Ce qui comptait, c'était de s'inspirer de sa grandeur impériale pour en gorger notre pouvoir. » Il n'aimait pas son père, ou du moins avait-il toujours eu une relation conflictuelle avec lui. Et maintenant qu'il était mort, il n'y avait plus vraiment rien à changer. Il lui concédait au moins d'avoir à peu près raison sur ce point. La magie des elfes reposait majoritairement sur la nature. « Je sais que tu la respectes. La magie elfique ne devrait pas te poser de problème, essaie. » Il lui remettait sa main où le coquillage reposait, à côté de l'Alliance du Premier.

    « J'ai un peu moins foi en ma capacité à user de la magie vampirique, lorsque le moment viendra. Ou peut-être que ça me fait peur, en un sens... » Ses yeux se baissaient sur le coquillage, attendant de le voir se déformer un moment ou l'autre, lorsque la magie répondrait à l'appel d'Ivanyr. « Je n'ai pas changé d'avis sur mon désir d'éternité avec toi mais... Je m'interroge. Si je ne me posais pas de questions, ça ne serai pas sain, tu ne crois pas ? » Il cherchait son approbation, sincèrement égaré dans cette réflexion-là. « Les gens changent lorsqu'ils deviennent vampires. Lorsqu'ils oublient les expériences qui les ont forgés ainsi et pas autrement. Il changent, en pire, en mieux... Je ne sais pas vraiment... En différent. » Il en avait un exemple juste devant lui, d'un effet d'amnésie. Achroma était si différent d'Ivanyr.... Et à la fois similaire.

    « Et c'est étrange de me dire que je ne serai plus la même personne. Que j'aurais oublié qui je suis. » C'était une réflexion légitime qui le taraudait. Et s'il devenait ce qu'il détestait aujourd'hui ? « Je voudrais... Essayer tout de même de conserver tout cela... Mes souvenirs ou du moins... mon savoir. Je dois pouvoir continuer à gérer le Marché Noir et en même temps, aurais-je toujours les mêmes ambitions, les mêmes objectifs ? Les mêmes... Limites ? » Aujourd'hui, c'était le souvenir de Morneflamme et du Tyran Blanc qui le mettait radicalement en fuite de ses propres compétences charismatiques. Et demain ? Lorsqu'il aurait oublié Morneflamme ? Deviendrait-il un roi ? N'avait-il pas justement souhaité perdre ces souvenirs... Pour au final désirer les conserver aujourd'hui à leur juste valeur ? Au fond de lui, sa discussion avec Ivanyr sur la plage de Caladon avait largement changé la donne.

    Il secoua la tête de gauche à droite avant de reprendre pour changer promptement de sujet : « Lorsque je suis arrivé auprès des hommes et que j'ai du apprendre la langue commune... Je me suis senti restreint dans mon vocabulaire. Il y avait des mots de ma langue natale qui n'existaient pas chez les humains et parfois un seul mot de la langue commune pouvait avoir des dizaines de traductions et de nuances en elfique. Le temps allant, les siècles s'épuisant, je m'y suis habitué. Je me suis habitué à eux, à ce qui rythmait leur vie. Le mariage a, pour moi, quelque chose de... Sacré auquel je suis attaché. Au regard de ce que j'ai ce matin, je ne les jalouse plus... J'ai tellement mieux... Ce reste cependant quelque chose que j'ai envie de réaliser... Et que je ne pensais pas pouvoir un jour. » Relevant ses yeux sur lui pour se perdre un instant sur ce visage adoré : « Tu as changé ma vie, dans une proportion inimaginable. Même moi, j'ai du mal en discerner les contours... Et je n'ai juste pas envie de les trouver, je veux seulement me laisser engloutir dans cette immensité. »

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L'émerveillement enfantin qui faisait briller ses prunelles n'avait rien de feint, et il observa la magie à l’œuvre de tous ces sens, fasciné de la voir changer le coquillage en un objet d'artisanat humain sans jamais lui faire perdre de sa beauté. Voilà quelque chose qu'il appréciait dans la magie des elfes et qu'il rêvait de reproduire avec la sienne propre. Focalisé sur la transformation, son visage se détendait, comme son corps, de façon plus subtile encore qu'à son contact, bercé qu'il était, hypnotisé par le flux magique qui se reflétait dans ses prunelles de lagon. Lorsque celui-ci fut tari, Ivanyr n'en resta pas moins enchanté, penchant la tête de droite et de gauche pour l'observer sous toutes les coutures, mires retraçant les sillons nacrés et moirés qui couraient sur le corps élégant du bijou. Puis, enfin, au son chaleureux de sa voix, le vampire redressa la tête, consentant à quitter la création du regard pour un moment, curiosité scintillant dans les orbes d'eau, vite remplacée par l'amusement, puis par le doute, au fur et à mesure de son explication. Lui, user de magie elfique ? Il n'était pas certain d'y parvenir. Dubitatif, il observa un peu son compagnon, mais ne détecta aucune malice en lui : Aldaron était sérieux. Le laissant guider sa main, Ivanyr se mordilla l'intérieur de la lèvre d'un croc, quelque peu gêné de cette attente de sa part. Non, gêné n'était pas exactement le bon mot pour cela. Il avait peur… mais ce n'était pas exactement de la peur non plus, la peur était un terme trop fort. Il sentait son attente et n'avait pas envie de la décevoir, tout simplement, tout en craignant de le faire, par simple manque de foi en ses propres capacités. Très humainement, il se rendait soudain compte qu'il appréciait aussi avoir le beau rôle devant lui, et ne pas toujours être celui dont on s'inquiétait et dont on tentait de préserver la santé.

Néanmoins, avant qu'il ne se décida à quoi que ce soit, Aldaron poursuivit sur sa lancée, et Ivanyr resta coi en l'écoutant, ne désirant surtout pas l'interrompre. Il acquiesça d'un léger signe de tête pour confirmer son approbation face à ses mots, mais ne fit rien d'autre, dans un premier temps. Oui, se poser des questions était sain, à son avis. C'était la preuve qu'il était conscient de la nature profonde de la vampirisation. L'elfe posait le doigt sur ce qui lui faisait peur, à lui, le fait qu'il ne soit plus totalement lui, qu'il perde une part de lui. Etait-il encore Aldaron sans les souvenirs qui avaient construits ce que le nom renfermait ? Et même si les souvenirs pouvaient être retrouvés, encore fallait-il que la nouvelle créature le veuille, et cela prenait énormément de temps si on désirait éviter un empressement aussi dangereux que brouillon. Et il avait aussi raison de dire qu'un changement, en lui-même, n'était ni bon ni mauvais, mais ce qui en découlait pouvait l'être aux yeux de certains. Tout cela le gênait d'une façon qu'il n'était pas tout à fait certain de circonvenir. Lui-même avait essayé de retrouver ses souvenirs pour n'être récompensé que par le malheur, et c'était quand il avait finalement décidé de ne plus le faire, de ne pas chercher à conserver le passé, qu'il avait commencé à retrouver tout cela avec, en un sens, moins de douleurs. Mais si Aldaron acceptait de se livrer pleinement aux changements, alors peut-être qu'il y aurait d'autres choses difficiles à vivre. Et s'il ne devenait qu'une pierre de son passé, importante mais dont il pouvait se passer ? L'idée le peinait, même s'il savait déjà qu'il le laisserait aller. Ils n'en étaient pas là, bien au contraire, mais c'était des questions et des faits qu'il valait mieux garder à l'esprit.

Le voyant relever les yeux vers lui, il lui fit un léger sourire tendre, fragile, puis passa un bras autours de lui pour le nicher dans son étreinte, entourant doucement sa main de l'autre. Posant sa tempe contre la sienne, il ferma les yeux, et rejoignit son énergie interne. Avec une légère hésitation, Ivanyr entama le chant qui permettait de modifier la matière, espérant sincèrement parvenir à un résultat quelconque. Il avait enfin l'inspiration de le faire, porté par cette chaleur que la voix et la présence de son compagnon provoquaient et qui semblaient l'emplir, chaque fois, d'un soleil miniature. Un moment plus tard, tandis qu'il rouvrait les mires, une expression ravie se dessina sur ses traits lorsqu'il constata sa réussite. Celle-ci se fana néanmoins rapidement en constatant que le résultat n'était pas aussi parfait que celui de l'elfe. Mitigé, il lui coula un regard, entre ses longues mèches humides et ses cils perlés d'eau saline. Voilà qui l'ennuyait… il aurait voulu lui offrir bien mieux, quelque chose qui reflète son envie de le voir heureux. Ça ne le reflétait pas exactement. Avec un demi-sourire contrit, Ivanyr lui relâcha la main.

« J'ai fais de mon mieux. Ce n'est pas aussi beau que ta propre création, mais… enfin je suppose que, vu que c'est la première fois, ce n'est pas étonnant  »

Un léger silence s'esquissa et puis il ne tint pas sa résolution, soufflant d'une petite voix, déception lacée dans ses mots.

« Pas trop déçu ?  »

Détournant la tête, il chercha vaguement un autre coquillage pour essayer encore une fois. Un autre suivi, et encore un autre, sans qu'il ne parvienne à un résultat qui le satisfasse. Vexé et désappointé devant cette soudaine résistance, il finit par abandonner et revenir à la première, se calant dans les bras de l'elfe pour chasser une partie de son ressentiment. Il ne comprenait pas pourquoi il n'arrivait pas à faire mieux que cela… Jusqu'ici tout lui était venu si facilement, et même le blocage qu'il essayait de lever ne ressemblait pas à cela. C'était une incapacité qui prenait ses racines loin en lui. Mais ça ? C'était tout bonnement de la maladresse de sa part. Le nez contre la gorge de son compagnon, il cherchait les raisons qui pouvaient le pousser à ne pas réussir un sort pourtant sensé être simple. Parce qu'il y avait bien pire dans l'art elfique, il le savait déjà ! Cela, c'était un sort destiné aux enfants, s'il se souvenait correctement, ce n'était tout simplement pas juste qu'il ne parvienne pas à l'utiliser correctement. Lèvres pincées, Ivanyr se décida finalement, après dix bonnes minutes, à redemander de l'aide à Aldaron, pour que l'elfe lui montre une fois de plus comment il procédait.

La leçon fut néanmoins de courte durée, car il se rendit bientôt compte que, même avec la chaleur de leur présence mutuelle, l'elfe allait finir par souffrir de la température de l'eau. Ne voulant pas en arriver là, il proposa de regagner le rivage et de rentrer au campement, au moins le temps de changer de vêtements, de se couvrir et de donner quelque chose de chaud à Aldaron. Il n'avait pourtant pas l'intention de l'abandonner là après ce qu'ils s'étaient mutuellement offert, aussi, il l'emmena de nouveau jusqu'à la falaise battue par les vents, voulant marcher en sa compagnie sur les hauteurs rocheuses pour profiter du spectacle. Le silence était devenu confortable, nullement tendu, et il appréciait simplement se tenir près de lui sans rien faire de plus, simplement goûter à sa présence, savoir qu'il était là, qu'à tout instant s'il le désirait, il pouvait lui parler, le prendre dans ses bras, l'embrasser, lui avouer, du plus profond de son âme, combien il l'aimait. Sa précédente déconvenue s'était peu à peu apaisée, même si elle lui restait en travers de la gorge, et il préférait attendre avant d'y repenser, sans doute plus par fierté qu'autre chose.

A la place, il décida de revenir sur ce qu'ils avaient déjà abordé précédemment, s'exprimant avec naturel, sans donner de gravité à ce qu'il abordait, ayant conscience que le sujet en avait par lui-même et ne voyait pas l'utilité d'en rajouter. Ils vivaient leurs premières heures comme liés, ce n'était pas des instants à gâcher inutilement. Il s'en voulait d'ailleurs un peu de son échec précédent, justement à cause de cela.

« Nous avons encore beaucoup de temps, tu sais… Je repensais à tes interrogations, tes doutes. Je pense que, sur le moment, tu sauras. Et si tu ne veux pas devenir un vampire, il y a certainement d'autres moyens d'atteindre l'éternité  »

Il ne savait pas encore lesquels, évidemment mais ils devaient bien exister. Dans leur monde de merveilles, qu'est-ce qui était vraiment impossible, après tout ? Il n'ajouta pas ce qui, pour lui, coulait de source : que si Aldaron venait à s'éteindre de vieillesse, alors il le suivrait volontairement, sans regrets aucun, puisqu'il le retrouverait dans sa vie suivante. L'esprit l'avait dit, ils avaient l'éternité pour eux.

« Tu m'as changé, toi aussi. Tu m'as aidé à me raccrocher au monde, et même intérieurement, je suis différent, depuis que je t'ai vu la première fois. J'ai envie de cultiver tout cela avec toi. Il y a cependant une chose qui me fait m'interroger… j'aimerais te la soumettre, je ne sais pas si saura y répondre ou le voudra même...  »

Tournant la tête, il l'observa attentivement, les yeux pleins d'une tendresse discrète, profonde, qui n'avait pas réellement besoin de mots pour se traduire.

« Ne penses-tu pas que nous devrions… nous éloigner, pour pouvoir réellement profiter, construire notre lien, au moins quelques temps ? Après tout ce que tu accomplis ici, tu aurais bien droit à du repos et… tu as noyé de devoirs et d'obligations, à Caladon. Même si je t'accompagne, il n'en reste pas moins que tu leur donne énormément. Tu me fais l'effet de brûler comme une de leurs flammes...mais tu n'en est pas une...  »

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    Cela lui laissait une impression étrange, encore, lorsqu'il voyait le visage d'Achroma s'émerveiller comme un enfant devant les surprises de ce monde, défait du poids du millénaire qu'il avait eu à porter. Si cela était troublant de premier abord, il voyait cela comme un nouveau souffle. L'Aîné n'était pas devenu un monstre. Peut-être aurait-il pu, s'il avait rencontré d'autres personnes ou fait d'autres choix. Peut-être en serait-il de même pour lui ? Une fois défait de son cauchemar, peut-être pourrait-il avancer sans se heurter plus encore à chaque pas. Probablement serait-il différent, de la même manière qu'Ivanyr s'était construit autrement qu'Achroma,et pourtant... Serait-ce mal ? Deviendrait-il quelqu'un d'horrible si son Lié ou les Anciens veillaient sur lui ? Les questions qu'il se posait virevoltaient dans son esprit, ne mettant le doigt que sur des réponses vagues et incomplètes. Le sourire d'Ivanyr chassait le vent de peur qui soulevait son âme, l'irradiant d'une satisfaction sincère, douce et chaude dans sa poitrine. Il savourait son étreinte autant qu'il lui offrait sa patience alors que son aimé s'exerçait.

    Il se pinça une lèvre cendrée en lisant la déception dans le regard sublime du millénaire. Une main douce effleurait sa joue pour l'apaiser et lui faire comprendre qu'il était bien loin de lui en tenir rigueur. Ses doigts glissaient le long de son cou, sans perdre de sa tendresse dans le mouvement alors que sa main tombaient jusqu'à l'emplacement de son cœur. « Ivanyr... » souffla-t-il, tandis que le vampire, déjà, entamait de recommencer. Après les échecs, il l'encercla de ses bras et embrassa sa tempe : « Je ne suis pas déçu. Je pense que tu manques d'un peu d'adresse. Tes mouvements, tes gestes sont parfois maladroits et cela te rend humain. » Il lui proposa de lui montrer à nouveau, retravaillant l'alliance qu'Ivanyr avait faite pour la rendre plus confortable à son doigt et pour autant... Il avait respecté les imperfections, il avait refusé de les dénaturer car elles faisaient partie d'Ivanyr. « Il se dit que ce qu'on aime le plus chez nos proches sont leurs imperfections. L'idéal, lisse et parfait, a l'attrait de la merveille... Mais il est tellement impersonnel. Et au final, il est tellement fade, là où les ergots de l'erreur écrivent une histoire sur laquelle on peut rebondir. » Il réalisa qu'il claquait des dents... Et qu'il valait mieux mettre un terme à leur cours.

    Ils remontèrent la falaise pour se sécher sous la tente. Il eut droit à des regards tantôt curieux, tantôt inquiets, de le trouver ainsi humide. Il n'y prêta pas intérêt. Son entourage le savait être un homme secret et c'était de ces secrets que certains fantasmaient la survie actuelle du Marché Noir. Tant de spéculations auxquelles il était loin de vouloir mettre un terme car en vérité... Que le Marché Noir soit toujours en activité ou non, le plus important, c'était le spectre et l'aura qu'il générait et qui faisait de lui un homme de pouvoir en Timaranta. Des vêtements chauds, ainsi qu'une cape doublée d'une légère fourrure sur les épaules, furent un réconfort puissant après le froid... Mais au final, ça n'avait pas d'importance avec ce qui s'était produit ce matin. Il le sentait, dans chacun de ses mouvements, il le sentait pour lui, près de lui, l'âme tendue vers la sienne et il savourait ses premiers instants d'inséparable. Sa main s'était logée au creux de celle, glacée, de son aimé et sa joue trouvait parfois son épaule, alors qu'ils longeaient la falaise, dans les herbes hautes.

    Le soleil s'élevait progressivement alors que sa nuit avait été courte. Il aurait encore beaucoup à faire maintenant que les troupes de Caladon étaient arrivées à bon port. Les forces de Délimar suivraient dans quelques jours... Son esprit se tendait face à la troublante incertitude. Serait-il à la hauteur, devant Nolan ? Devant Tryghild ? Il aurait beau être droit et solide, en temps et heure, il ne pouvait pas s'empêcher de douter, encore. Et s'il n'en découlait que la guerre ? Et s'il échouait ? S'il condamnait le peuple humain qu'il adorait à verser encore son sang au nom de leurs dirigeants ou de leurs idéaux ? Était-ce inéluctable ? Et était-ce mal en fin de compte ? La voix d'Ivanyr vint le sortir de son questionnement intérieur, venu avec le silence. Il porta sur lui ses prunelles d'émeraude, alternant entre son profil et là où il devait mettre les pieds. Voir en temps et heure ce qu'il devrait faire n'était pas dans ses habitudes, d'autant plus lorsqu'il s’agissait de souvenirs. Ce n'était pas lorsqu'il les aurait perdu, mordu, qu'il devrait se poser la question...

    Il n'avait pas l'idée de revenir sur son désir de morsure, y trouvant l'unique moyen de partager l'éternité avec lui. Peut-être y en avait-il d'autres, mais en l'état actuel de ses connaissances, il n' en avait pas tant. Il ne voulait pas refuser de sauter l'obstacle. S'il y avait encore un autre moyen de le contourner, de dévier pour obtenir la même réussite, il l'aurait étudiée, mais sans voie de secours, il sauterait. « Je ne veux pas m'y soustraire sans la certitude d'avoir une autre option viable. Des épreuves, j'en ai affronté et j'en affronterai encore. Je veux... Je veux seulement le faire dans les meilleurs conditions possibles. Puisqu'il m'est donné le temps de m'y préparer... Tu comprends ? Je veux notre éternité et je veux la construire de telle sorte qu'elle nous soit confortable et profitable. » Il se souvenait de ce qu'Ivanyr pensait de toutes ces réflexions : il pensait trop. Combien de fois le vampire lui avait souligné ? Mais n'était-ce pas le signe qu'il y attachait une grande importance ? Si cela ne faisait pas travailler sa psyché, il serait pauvre de son investissement dans leur union.

    « Et j'ai aussi envie de vivre notre courte existence, s'il doit en être ainsi. » L'un deux pouvait s'éteindre à tout moment. La guerre, les chimères, les dangers de l'archipel menaçaient de les engloutir à chaque instant. Il se laissa prendre au piège des mires céladons et un fin sourire s'étirait sur ses lèvres. Ses joues rehaussées rosissaient légèrement alors que ses pas ralentissaient jusqu'à s'arrêter. Il venait contre lui, calant sa joue contre son torse, songeur. Ses paupières se fermaient, pour ne sentir plus que la présence du vampire. Il lui fallut de longues minutes pour apaiser ses émotions flamboyantes, perdu dans le chaos de ses désirs parfois antagonistes. « Après quatre siècles avec eux, ils sont comme ma famille, je ne pourrais pas avoir la force de m'éloigner pleinement. Je veux les protéger, leur offrir ce qu'il m'est possible. » Voilà bien pouvoir il s'investissait au delà du raisonnable pour eux. Il marqua une nouvelle longue pause avant d'ajouter de nouveaux éléments extraits de sa réflexion : « Et je... Suis un homme de pouvoir. Est-ce cupide de ma part ? » Avait-il ce vice ? Au moins un peu, oui. Il ne s'était jamais vu aussi blanc que neige, surtout depuis Morneflamme.

    Il avait aussi peur du retour d'un être aussi néfaste que le Tyran Blanc. Il ne voulait plus se retrouver impuissant, le volcan avait brûlé sa capacité à décider pour lui même durant trois ans et pour rien au monde il ne remettrait les pieds dans un tel endroit. S'éloigner, ce n'était pas forcément couper les ponts. Il pouvait garder une place... Peut-être donner moins. Cette idée sembla lui convenir et l'apaiser. Il l'entrevoyait sans trop de difficultés et parvenait même à s'y projeter. Un sourire se formait sur ses lèvres alors qu'il s'amusait enfin d'un : « Hey ! Mais ne serait-ce pas un kidnapping déguisé, ça ? » Il raillait et riait tout en relevant le nez vers lui. « Je t'aime, tu sais... J'ai bien envie de passer plus de temps avec toi. Je ne pensais pas laisser mes fonctions de bourgmestre derrière moi si tôt mais... C'est mieux, oui. Pour tout le monde. Je vais tâcher de mettre en ordre le bazar que j'ai mis ici... » Avec son annexion. Ça avait tout de même mis tout Calastin sur le le branle-bas de combat.

    Il savait que ça n'était pas pleinement sa faute, mais s'il avait été aussi passif que certains de ses conseillers plutôt que d'avoir du mordant et des organes génitaux masculins placés où il fallait, cela aurait eu d'autres conséquences. L'elfe affirmait et prenait position, même si les doutes subsistaient. C'était son devoir de dirigeant. « J'adorerais revoir Nyn-Tiamat en lune de miel... Et toi aussi je crois, mh ? » Sa deuxième main venait également trouver sa jumelle, serrant ses dextres de son enthousiasme. « Il va nous falloir trouver un maître de cérémonie, pour le mariage. Et choisir nos témoins. » Avec un sourire en coin, il ajouta : « Et un coin paumé dans Calastin pour faire cela sans un millier d'yeux posés sur nous et des assassins aux quatre coins de l'assistance. Tu en connais ? »

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Il comprenait, et que son compagnon et maintenant lié comprenne de son côté ses angoisses et les partage était aussi une façon de le rassurer. Aldaron n’était pas un homme qui agissait sur un coup de tête, sans réellement peser et assumer, mais même s’il le savait, il restait une petite partie de lui qui le craignait et n’avait pas envie de s’engager aveuglément sur une voie qui pouvait leur ôter ce qu’ils avaient. L’esprit se raisonnait aisément là où le cœur se défendait bien. Et il avait tendance à écouter son cœur dernièrement. La faute à l’elfe justement, si seulement on pouvait parler de faute. Il n’y avait pas vraiment de bon mot pour ça, et il n’était pas assez doué avec de toute façon pour les courtiser. Lui aussi voulait l’avoir à ses côtés pour toujours, il ne souhaitait que cela, si l’on omettait l’aspiration involontaire et très égoïste de ne le garder que pour lui quoi qu’il arrive et de ne plus le partager avec personne. Il appréciait qu’il y pense, même s’il n’aimait pas le voir se noyer sous les hypothèses et sous les réflexions, et au-delà, il ne pouvait pas lui refuser cette option tout court, même si elle le mettait mal à l’aise de par les questions profondes et difficiles qui s’y raccrochaient. Soupirant doucement, il hocha légèrement la tête avant de lui répondre, avec un peu d’humour pour essayer d’adoucir la perspective.

« J’espère bien ! Ne crois pas que tu arriveras à te débarrasser de moi aussi facilement »

Il ne se voyait pas lui rebattre les oreilles de ce qu’il lui avait déjà dit, parce qu’Aldaron le savait et y pensait. Il ne pouvait pas croire que son amant fit autrement. Souriant légèrement, il l’accueillit dans ses bras, refermant son étreinte sur sa silhouette délicate, ressentant sa présence de toutes les fibres de son être et se focalisant dessus, abandonnant le monde extérieur pour la plénitude de leur union. Il se sentait bien, là, avec lui. Il se sentait entier, comme si on avait comblé un gouffre immense en lui. Son âme elle-même résonnait à sa proximité, vibrante de l’amour qu’il avait pour lui et comprenant intuitivement le sens profond des paroles prononcées par l’Inséparable lorsqu’il était venu à eux. D’une main, il vint glisser les doigts dans la chevelure de son compagnon, pour jouer avec les mèches souples et délicates légèrement collées par le sel et le froid. Le cœur de son lié battait tout contre lui, et il irradiait de chaleur, picotant sa propre peau délicieusement. Il combattait une furieuse envie de le serrer de toutes ses forces mais se doutait qu’il ne gagnerait pas éternellement contre cette impulsion primaire qui ne se signait que d’une estampe : l’amour et la joie. Oui, il ne pourrait pas s’en empêcher éternellement, c’était simplement au-dessus de ses forces. Aldaron l’appelait…

« Je comprends, je crois que c’est normal »

Il ne pensait pourtant pas qu’Aldaron resterait éternellement attaché aux humains. Il en aurait assez, à un moment ou à un autre, il en aurait assez. Ce serait peut-être leur courte durée de vie, leur incapacité à réellement apprendre, ou leur tempérament égoïste et belliqueux, leur mémoire si courte… peu importait, ça viendrait, et il ne comptait pas hâter les choses. Il était lié à lui pour toujours, l’accompagner dans son chemin avec les humains n’était pas un problème. Et cela l’occupait lui aussi. Car s’il était convaincu que la lassitude viendrait pour l’elfe, il avait aussi l’impression que ni l’un ni l’autre n’était du genre à rester sans rien faire. Il leur faudrait des occupations, que ce soit élever des chèvres ou tout autre chose. Cela n’avait pas besoin d’être de très grosses choses, mais simplement de quoi rythmer une vie sans fin. Se couper du monde extérieur n’était vraiment pas une panacée. D’ailleurs on ne le faisait jamais vraiment, c’était impossible à moins de vouloir rejoindre néant dans son bûcher stellaire. La suite néanmoins le tira de ses complots conjugaux et le fit cligner des yeux. Perturbé, il contempla un instant le Bourgmestre sans cacher son incrédulité et sa déconvenue. Qu’est-ce qu’on lui chantait là ? Prit de court, Ivanyr cilla une fois, deux fois, puis eut un sourire hésitant et chassa une mèche de devant son front tout en répondant d’une voix tout aussi circonspecte.

« Qu’est-ce qui est cupide de ta part Aldaron ? De vouloir continuer à veiller sur les humains ? J’aurais plutôt dit altruiste, candide si tu veux être pessimiste et négatif, mais certainement pas cupide »

Un sourcil s’arqua tandis qu’il penchait la tête de côté, les yeux pétillants légèrement.

« Ou alors tu me parles de richesses ? Mais je n’en attendrais pas moins d’un lié du Saumon en fin de compte. Imagine-toi demander à un Vautour de devenir végétarien ! »

Zut, à trop réfléchir de son côté il avait dû rater quelque chose dans tout cas. Quand il disait que ce n’était pas bien de trop cogiter ! La preuve était là ! En plus, cela semblait réellement préoccuper son lié. Il avait l’air fin lui. Il avait beau chercher pourtant, rien ne lui venait. Cependant, il perdit rapidement de sa déconvenue bon enfant en voyant le regard que commençait à avoir son compagnon. Oh, celui-là il ne le connaissait que trop bien… c’était le regard de Morneflamme, celui qu’il détestait, son pire ennemi. Il avait juré qu’un jour, Aldaron n’aurait plus du tout ce regard-là et il s’y tiendrait, mais en attendant, le vampire en était venu à le repérer pour pouvoir s’y préparer. Il savait quels genres de sentiments cela invoquait dans le cœur d’Aldaron, la fragilité que cela engendrait. La souffrance aussi. Mais ils étaient liés à présent, l’elfe ne porterait jamais cela seul. Il l’aiderait autant qu’il était possible de le faire. Fébrilement, il cherchait quelque chose pour couper court au chemin que prenait Aldaron sur l’instant mais il fut de nouveau surpris en constatant que l’autre y était parvenu tout seul. Cillant de nouveau, il lui décocha une mire ingénue avant de sourire de plus belle, amusé non seulement par la réplique mais aussi par l’écho qu’elle faisait aux paroles de Purnendu. Si vraiment son lié prenait les kidnappings comme cela, il en ferait souvent.

« Oh, mais non voyons, je suis innocent comme l’agneau qui vient de naître »

Ricanant sous cape, il fronça le nez et vint de nouveau le nicher tout contre lui.

« Je t’aime moi aussi, et tu peux être certain que j’adorerais passer plus de temps avec toi. Je suis bien content que tu approuves. Quant à la situation actuelle… »

Un regard presque dédaigneux fut décoché en direction du camp de réfugiés.

« Tu n’es pas le seul responsable. Si j’ai bien compris ce que l’on m’a dit, tu t’es retrouvé avec l’armée Sélénienne sur les bras sans même être correctement prévenu. Tu as agi avec ce qu’on te donnait avant tout »

Et qu’on essaye de dire le contraire ! Si un noble sélénien lui affirmait qu’il aurait agit autrement dans les mêmes circonstances, il aurait ri et l’aurait traité de menteur et d’hypocrite. C’était tellement simple de se draper dans sa belle cape blanche et de monter sur ses grands chevaux quand on n’était pas confronté à la même situation… On pouvait dire ce qu’on voulait mais les mots n’avaient pas de poids, c’était du vent et de la fumée. Trop aisément détournés. C’était le propre des politicards que de parler sans jamais agir. Ils restaient là dans leurs belles salles parfumées sans jamais mettre le nez dehors et la main à la pâte. C’était méprisable, et il ne se gênait pas pour le faire d’ailleurs. Pour autant, Ivanyr tâcha de ne pas s’attarder sur le sujet pour éviter de le mettre mal à l’aise s’il ne désirait pas l’aborder davantage… c’était compréhensible, l’entendre donner un avis sur tout cela avec sa délicatesse habituelle n’était pas forcément plaisant. Or il voulait que leur journée le soit. C’était leur journée, la leur, celle de leur lien. Elle devait être comme eux le voulait, ensemble.

« Bien sûr que j’aimerais. Nyn-Tiamat me manque toujours… et j’aimerais pouvoir partager mon affection pour elle avec toi. La beauté que j’y ai trouvé… j’aimerais que tu puisses en profiter également »

S’il avait pu lui donner ses yeux pour qu’il voit au travers, il l’aurait fait mais ce serait sans doute plus époustouflant pour l’elfe de vivre les choses par lui-même. L’idée de passer là-bas leur lune de miel était d’autant plus excellente que là au moins il était certain que personne ne viendrait essayer de troubler leur idylle. Pas de conseillers, pas de greffiers, de magistrat ou de gardes. Pas d’autres questions à part savoir comment occuper leurs journées et savourer leur présence mutuelle défaite de toute obligation. Bien sûr qu’il était partant ! Lui décochant un grand sourire, il serra ses dextres dans les siennes, tout guilleret à la perspective d’avoir son elfe ET l’île qu’il appelait sa maison en même temps et prochainement. S’il n’était pas un adepte du concept ‘là tout de suite sans attendre’ il n’était pas non plus contre l’idée de disposer d’une telle douceur aussi rapidement. La suite transforma son sourire en une grimace carnassière. Il avait dit exactement ce qu’il fallait. Bon ça voudrait dire avancer très rapidement sur le havre de paix qu’il construisait dans la forêt avec Valmys mais pour le bien du mariage, il le ferait sans hésiter quitte à embarquer le petit adopté sans son consentement.

« Je pense que j’ai l’endroit idéal » ronronna-t-il

Se glissant plus bas, il vint embrasser sa gorge avec délicatesse et cette fois ne se retint pas de le soulever dans ses bras, le serrant aussi fort qu’il le pouvait en éclatant de rire, laissant libre cours à son bonheur. Lorsqu’il le reposa après avoir oscillé trop près du bord de la falaise, il le couvrit d’un regard illuminé.

« Oh, on demandera à Chaton de faire la cérémonie, qu’en dis-tu ? Une cérémonie native de l’Archipel ! Il pourra peut-être nous aider à honorer correctement notre Esprit en plus ! Et je sais qu’il fera ça très bien. J’en suis persuadé »

Et comme cela, il ne serait pas non plus mis à l’écart. Ils étaient tous les trois une seule tribu, alors c’était naturel, non ? Au-delà également, il y avait le fait d’accepter leur nouveau foyer, de s’y fondre davantage, en acceptant les us et les coutumes locales. Finalement, il aimait bien cette idée. Certes, il n’avait aucune attache avec ce genre de cérémonie, mais il était aisé de se mettre dedans avec ce genre de prospect.

« Quand veux-tu que nous fassions cela ? Après le règlement de tout ceci, je suppose mais tu as une préférence ? Tu veux quand même que nous prenions quelques invités ? Qui ? »

Lui pensait forcément à sa sœur et ses deux tuteurs. Même s’il avait quelques brouilles avec Cybele et Elric, il n’aurait pas imaginé se marier sans eux. Bon, il n’avait jamais pensé à se marier tout court évidemment, avant qu’on le lui demande, mais dans la vie, il faut savoir saisir les opportunités qui se présentes. Fermant un œil dans une attitude pensive, tête légèrement penchée, alors qu’il contemplait tout ce qui les attendait… Qui voudrait-il inviter d’autre ? Personne, il ne connaissait personne qui pourrait, ou dont il serait vraiment proche au point de les vouloir là, à priori. Mais trois personnes, c’était déjà très bien, surtout si ça devait être une cérémonie privée et discrète non ? De toute façon, il ne s’imaginait pas du tout une cérémonie grandiose avec plus d’une dizaine de personne, s’il faisait cela c’était pour le bonheur de son lié et n’avait pas le goût de se mettre en avant ou d’être le centre d’une quelconque attention dans un moment aussi intime que de s’unir à l’homme qu’il aimait de tout son cœur. S’il ne s’était agit que de lui, il n’y aurait eu personne, en fin de compte, même si c’était dur à évoquer, déjà en pensées. Fronçant légèrement les sourcils, il écarquilla pourtant bien vite les yeux avec étonnement.

Il avait quelque chose sur le bout de la langue, enfin sur le bout de la pensée, et il n’arrivait simplement pas à mettre réellement le doigt dessus. De quoi s’agissait-il exactement ? Le regard dans le vague, il fit un geste des mains, frôlant les contours des épaules de son amour de ses mains aux longs doigts. Il avait cette sensation, légère, si fragile qu’il craignait de la voir se désagréger s’il faisait un mouvement brusque… Mais qu’est-ce que c’était ?

« Aldaron ? »

Sa voix était très douce, presque un murmure, tant il avait peur de perdre ce délicat fil d’Arianne.

« Peux-tu me dire en quoi consiste une cérémonie de mariage humaine ? Je suppose que tu voudras effectuer celle-là… Est-ce qu’elle… Est-ce que je suis sensé te draper les épaules d’une cape ? »

Il affichait ouvertement son tracas, alors que ses yeux plein d’une innocente question plongeaient dans les siens.

« J’ai l’impression d’avoir déjà noué une cape sur les épaules de quelqu’un… mais ce n’était pas un geste… anodin. Je ne sais pas comment l’exprimer. C’était une occasion importante… très importante. Je n’arrive pas à la dessiner. C’est terriblement lointain, comme le rêve d’un rêve »

Ses mains retombèrent et il eut un petit mouvement de la tête en cillant, toujours perdu devant cette étrange occurrence.

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    Un sourire arqua délicatement ses lèvres à la boutade qui le sortait de ses réflexions trop sérieuses. Il secouait la tête de gauche à droite, en signe de négation, les yeux baissés. Oh non, il ne voulait pas se débarrasser de lui, il l'avait tant attendu, des siècles durant, ce lien auquel il pourrait réellement s'attacher... Ce n'était pas maintenant qu'il changerait d'avis. Fermant les yeux, il se logeait au creux de ses bras, comme s'il y trouvait une place créée spécialement pour lui. Son corps l'épousait et dans ce mariage, il se sentait comblé. Il oubliait Cordont, il oubliait la guerre... Parfois même c'était Morneflamme qui s'évadait de son esprit, le soulageant des poids que ses épaules supportaient au quotidien. Il se sentait grandir et respirer, le nez dans les vêtements de celui qu'il aimait. Son odeur instillait la drogue dans son sang, le monde était meilleur à ses yeux lorsqu'il l'avait avec lui. Dawan avait eu raison quand il lui avait dit qu'il trouverait et même si ce rêve l'avait profondément perturbé, aujourd'hui, il se sentait rassuré par la certitude qu'ils avaient été destinés. Comment Dawan avait-il pu le savoir ? Les esprits-liés étaient-ils dans les cieux auquel le Chanteciel appartenait ? Lui avaient-il soufflé cet avenir ? A moins que les rêves ne soient intemporels et que la défunte boîte à musique l'ait su de ce fait, car il n'y avait ni avenir, ni passé, juste la vérité.

    Les questions de son lié l'interrompirent dans son cheminement : oui, bien sûr, ça ne devait pas faire de sens s'il ne partageait pas ses étapes de pensée avec lui. « Je... Je crains de voir le pouvoir comme une richesse. De le saisir et le garder, m'y accrocher férocement comme on garde un trésor. J'ai du mal... A le laisser à d'autres, j'ai peur qu'il m'échappe. » Et que d'autres décident pour lui. Il n'arrivait pas à envisager seulement qu'un être comme le Tyran puisse à nouveau contraindre d'autres personnes, y compris lui. Il chassa bien vite cela de son esprit pour prendre Ivanyr la main dans le sac d'un kidnapping. Il se mit à rire de sa mauvaise foi : il n'avait rien d'un agneau sur ce point-là. A bien des égards, Ivanyr avait cette innocence presque enfantine.... Mais pour le cas présent, cela ne collait pas du tout. Et puis, à la suite de ses mots, cela lui fit du bien de l'entendre le couvrir. Beaucoup de Séléniens avaient craché sur l'Annexion Caladonienne et l'elfe craignait que Nolan se présente d'une façon trop méfiante à son égard en raison de ceci. Il avait côtoyé la noblesse de la Cour des Kohans. S'il y avait rencontré des personnes fiables comme Ilhan, il était certain que tous n'avaient pas des ambitions aussi altruistes et saines. Alors oui, cela le minait en un sens. Qu'on lui envoie des assassins avait été le premier signe de la véhémence des Hommes lorsqu'on n'allait pas dans leur sens. Faibles mémoire qu'ils avaient.

    L'elfe gardait les yeux clos, sans parvenir à exprimer ce qu'il ressentait. Sûrement un peu de rancœur. Quatre siècles de bons et loyaux services et puis... Cette gifle au visage et il n'était pas même certain d'en toucher l'exacte ampleur. Cela viendrait sûrement dans les mois à venir. Parfois il avait tout bonnement envie d'une guerre pour raser cet empire et tous ceux qui lui crachaient dessus. Avec l'armée de Délimar et l'or de Caladon, ainsi que la force de toutes les Cités Libres, même les deux dragoneaux du royaume Kohan ne tiendraient pas longtemps. Il avait vu par lui même combien l'aile atrophiée d'Alkhytis réduisait ses capacités, en plus de son tempérament joueur qui ne saurait probablement pas faire la guerre. Il ne restait que Cynoë... Mais il suffisait de tuer Nolan pour emporter Cynoe et il ne doutait pas que le sud en colère en vienne à pareille extrémité en temps de guerre. Frottant son front contre son lié, il réalisa qu'il était sérieusement en train de songer à des plans de guerre, vorace et cruel. Il poussait un soupir, contre lui, la mine grave.

    Parler de son mariage l'extirpait de ce marasme malsain. Un sourire doux revenait sur ses lèvres alors qu'il laissait sa tête tomber mollement en arrière sous le joug du plaisir, lorsqu'on y mordilla la peau. Un rire éclata, authentique, lorsqu'il fut porté par la joie d'Ivanyr et par ses bras. L'entendre faisait vibrer son cœur d'un bonheur sans limite. Les esprits savaient combien il préférait un millier de fois le son des éclats de ses rires que ceux de ses sanglots. Une fois les deux pieds à nouveau à terre, il mit du temps à capter qui était Chaton, ce d'autant plus qu'il sortait d'une discussion avec Purnendu dans laquelle ce dernier avait doublé de volume par la force de son esprit-lié. Mais lorsque ce fut le cas, son regard sembla s'illuminer, enthousiaste : « Ce serait parfait ! » Chez les humains, il était coutume d’honorer les déesses... Mais elles étaient mortes. Et si la croyance populaire les rendait immortelles, Aldaron trouvait plus adéquat d’honorer l'esprit-lié qui les unissait bien au delà de n'importe quel mariage. « Oui, je ne me marierai pas à Cordont, ne serait-ce que pour le respect de ceux qui ont ici trouvé la mort si récemment. Je ne me vois pas porter le blanc en pareil deuil. » Et pareille occupation.

    Il ne savait même pas si cet endroit, là, sur la falaise, où ils se promenaient si heureusement, ne deviendrait pas un champ de bataille dans quelques jours. L'affaire ici ne faisait que commencer et de pires heures étaient probablement à venir. « Disons.. Au printemps ? Cela me laissera le temps de mettre mes affaires en ordre pour me consacrer à nous. Cela t'irait ? » Il se mordit la lèvre avant de continuer : « Tout au plus une dizaine d'amis et d'êtres chers. Je pense à Valmys, Eleonnora, Autone... Les Anciens, je suppose aussi que tu voudras qu'il soient présents ? Ta sœur également. » Sa bouche ouverte en quête d'un autre nom vint se refermer, par défaut. Il haussa finalement les épaules en réalisant qu'il arrivait au bout de la liste des êtres qui lui étaient chers plus rapidement que prévu. « Je crois que c'est tout. »

    Il l'observa faire de grands yeux avant qu'il n'exprime le fond de sa pensée. L'elfe à la peau de cendre fronça les sourcils, perdu par cette demande. Et plus encore par l'explication. Ivanyr avait quelque chose sur le bout de la mémoire et si d'ordinaire, Aldaron parvenait à lui expliquer de quoi il s'agissait dans la vie d'Achroma, cette fois, comme pour la Dame de l'eau, il ne trouvait pas d'explication qui ait été portée à sa connaissance. « Et bien... Il y a une trame générale lors d'un mariage humain et plusieurs variantes qui reflètent les ethnies. Celle dont tu parles vient du peuple glacernois. L'on retire la cape de la mariée, ornée des blasons de sa maison de naissance, et le marié la couvre d'une cape avec ses propres insignes à la place. Je... Je n'ai pas mémoire qu'Achroma se soit marié. » Sa mine s'assombrissait doucement, alors qu'il baissait les yeux pour fouiller dans sa mémoire et cacher les fins éclats de jalousie qu'il sentait piquer son cœur.

    « Mais peut-être que de sa vie d'humain, Sylath a pu être marié, oui. Il était en âge pour cela et la pratique correspondrait au mœurs de la lignée Elusis. Je... Ne saurais pas te dire avec qui, néanmoins. Et qui qu'elle soit, elle n'est probablement plus de ce monde pour venir te le souffler. Tu es le plus vieux vampire en vie et de loin, l'Aîné. Les elfes ne vivent pas plus de mille ans et les humains... S'effacent. » Se mordant la lèvre, il ajoutait : « Je suis navré de ne pas pouvoir t'éclairer d'avantage. Peut-être... Peut-être que ta Dame de l'eau pourra te donner des réponses lorsque cela te reviendra en mémoire, en temps et heure. » Cela devait être frustrant, pour Ivanyr, de se confronter encore à son amnésie. Le bourgmestre prenait sa main, pour la serrer doucement.En attendant, ce qu'il pouvait faire, c'était lui changer les idées : « Si tu souhaites me couvrir de ta cape, parce que tu y ressens une symbolique forte, tu pourras. Je serai heureux de faire partie de ta maison. »

    Il doutait que Seithvelj ou Veanya aient jamais eu d'armoiries. Les vampires n'avaient pas tant la notion de famille et de lignée. Et quand bien même, Ivanyr se sentait-il appartenir à ces noms ? Veanya peut-être plus, grâce à Cymoril. Mais Ivanyr était attaché à Cymoril pas à son nom de famille. Quant aux Elusis, même s'ils avaient un célèbre blason, l'elfe se voyait mal annoncer pareille nouvelle à Tryghild ou à Sigvald. Pourtant, à l’entendre conter l'histoire de la construction de Glacern, ou encore de l'attachement qui portait pour sincère en son cœur pour sa langue natale ou au geste d'importance qu'il avait eu avec cette inconnue qu'il avait couverte d'une cape, Ivanyr se sentait probablement plus Sylath Elusis en son for intérieur. Peut-être était-ce parce que son esprit n'avait pas à se battre contre lui comme il le faisait à l'égard d'Achroma Seithvelj ? Peut-être parce que sa vie d'humain n'était pas faite de douleur comme l'avait pu être celle du dragonnier ? Ou peut-être simplement parce que c'était ses racines, son origine, ses fondements. Quoiqu'il en soit, Aldaron se sentait satisfait de laisser derrière lui le blason qu'il n'avait jamais su dorer suffisamment aux yeux de son père... Celui des Leweïnras.

    « La cérémonie se passe sur deux jours... » entama-t-il avant de lui relater tout ce que cela comportait. Les superstitions, les croyances, les habitudes, les symboles... Tout en faisait un florilège joyeux auquel il rêvait de faire part. Ce d'autant plus si Purnendu ajoutait une touche lié à leur inséparable. Il avait déjà hâte de tourner la page en fin de compte.

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Il fit mine de réfléchir un bref moment, puis hocha la tête pour confirmer que l'idée du printemps lui allait parfaitement. Cela lui laissait du temps pour achever la construction de leur sanctuaire et le protéger convenablement, et aussi pour réfléchir à ce qui serait intéressant pour cette cérémonie, l'étudier davantage, car pour le moment il n'y connaissait pas grand-chose, à part ces lointains souvenirs à demi effacés qui dataient certainement d'il y a très, trop, longtemps. Aldaron pourrait effectivement préparer son départ sans tensions supplémentaires, ce qui ne gâtait rien dans l'histoire. Se peignant d'une expression quelque peu dérisoire mais également amusée, il vint à lui répondre, avec une certaine nonchalance :

«  Je crois bien que oui. C'est déjà très bien. Le plus important ce que nous soyons là tous les deux, non ?  »

Mais il passa bien vite à autre chose, non seulement parce que le nombre de personnes présentes n'avait pas à atteindre des sommets selon lui, mais également parce que, pour une fois, la mémoire qui semblait vouloir lui revenir n'était pas aussi violente et difficile à supporter que toutes les autres. Et après ce qu'il avait vécu moins d'une journée complète auparavant ? C'était vraiment une bonne chose. Il fronça les sourcils à l'explication qu'on lui donnait, puis s'adoucit en voyant Aldaron baisser les yeux. Un mariage ? Achroma aurait été marié à quelqu'un ? Voilà qui ne correspondait pas vraiment à ce qu'il savait du personnage en question. On lui avait décrit le dragonnier comme quelqu'un qui ne s'attachait pas à ce point…

«  Peut-être oui. Peut-être que c'est une partie de son message pour moi ? J'apprécierais, enfin quelque chose qui ne me détruit pas et ne me ronge pas comme un acide...  »

Serrant la main de l'elfe dans la sienne, il lui dédia un léger sourire et plus encore à la proposition. Dans ses yeux brillait une lueur d'appréciation profonde, ainsi qu'une certaine pensivité alors qu'il réfléchissait sans le savoir au même problème que son compagnon. S'il voulait réellement le couvrir d'une cape, il lui fallait un blason. Or il n'en avait pas à l'heure actuelle, donc le geste n'aurait aucune symbolique à ce moment là. Il devait avoir un blason, tout simplement. Mais lequel ? Cymoril portait celui des Veanya, et il était certain que Elric pourrait lui rendre le cimier d'Achroma s'il le demandait. Il pouvait éventuellement faire la demande auprès de l'intendante de Délimar pour avoir le droit de porter celui de la famille Elusis, puisqu'Achroma en avait été un prince.

«  Je crois que j'aimerais. L'idée me plaît…  »

Aucune ne lui convenait réellement. Il y avait toujours une forme de tempérance quand il pensait à ces diverses solutions, qui lui faisait dire qu'il ne serait pas totalement satisfait de l'une ou de l'autre. Il pouvait également décider d'adopter un blason personnel et de porter les autres comme une forme de remerciement. Cela lui plaisait déjà davantage et il avait déjà une très bonne idée de l'origine du blason en question… Il y avait de nombreuses familles nordiques qui avaient totalement disparues au cours des millénaires, cela lui permettrait de garder une attache avec Glacern sans pour autant gêner ou insulter des héritiers encore en vie à l'heure présente. Il suffisait de trouver cela dans les archives Délimariennes et faire une demande officielle. Content de l'issue de cette question, il s'intéressa davantage à ce que Aldaron lui contait.

«  J'aime beaucoup. J'ai hâte de savoir ce que Chaton pourra ajouter, mais nous aurons déjà deux jours très bien remplis avec tout cela… Et… j'ai hâte de voir si tu arriveras à porter ces ceintures !  »

De nouveau, il éclata de rire et baissa le nez pour vérifier sa propre taille, en se retenant de glousser.

«  Moi ça sera relativement facile vu que je n'ai pas réellement besoin de respirer et que je ne mange pas  »

S'arrêtant un instant de rire, il sembla effleurer une étrange pensée, puis son visage se tordit sur une grimace à la fois désolée et pleine d'auto-dérision.

«  … Tu veux des chants et des danses, ou des concours sportifs ? Oh… Valmys pourra être notre musicien non ? Je sais que sa spécialité est plutôt l'architecture, mais il reste un de ces horribles apprentis chanteurs, sans offense pour lui, il doit bien savoir jouer d'un instrument non ?  »

Il avait confiance dans son petit mangeur de champignons après tout. Valmys ne voudrait certainement pas gâcher le mariage de son père adoptif. Peut-être qu'il demanderait que ces fameux champignons fassent partie du menu du festin, au moins en boutade. Et puis ils étaient réellement bons quand on prenait des précautions, du moins c'était ce qu'on lui avait dit. Lui ne pouvait pas réellement y goûter, cela n'avait aucun sens hélas. Aldaron semblait réellement enthousiasmé par cette idée de cérémonie, et en toute sincérité, plus l'elfe lui en parlait, irradiant et rayonnant, plus lui-même avait envie d'y être, et de le vivre. Aldaron le lui éclairait par ses sentiments, et il n'avait pas envie de s'y fermer alors que cela lui faisait du bien.

«  On pourrait passer notre nuit de noces sur un bateau qui descend la rivière. On aurait l'aube devant l'océan. On pourrait profiter de la mer avant de rentrer vers Caladon  »

Ses lèvres frémirent, et il enlaça de nouveau l'elfe, lui embrassant la tempe, saisit d'une certaine révérence à l'idée de leur union sur tous les plans.

«  Même si aucun de nous n'a de dot… j'aimerais beaucoup pouvoir t'offrir un présent à cette occasion, quelque chose de particulier. Je sais que ta fortune te donne accès à presque tout mais… ce serait personnel, en plus de pouvoir te donner mon nom également….  »

Lui prenant la main, il noua ses doigts aux siens, serrant fermement, et portant leurs dextres jointes contre lui, l'observant sans cacher la profondeur de ce qui lui réchauffait l'âme, et la douceur dont il couvait la forme elfique tant aimée.

«  Puisque tu vas quitter tes fonctions… tu accepteras que l'on se présente devant les habitants de Caladon officiellement maintenant, n'est-ce pas ? Ce ne sera plus aussi important, si je ne suis pas à la hauteur ?  »

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    Que sa Dame de l'océan lui porte un beau message, c'était tout le mal qu'il lui souhaitait, même si en son for intérieur, il craignait d'entendre le nom de cette promise que Sylath avait pu épouser. Non pas qu'il le craigne... mais il était jaloux. Stupidement jaloux d'ailleurs. Cette femme, qui qu'elle soit, était morte et enterrée, le mariage ne valait plus rien. Alors pourquoi éprouver ce sentiment ? Il s'en fustigeait, sans être capable de s'en détacher. C'était plus fort que lui, tout simplement. Peut-être pourrait-il demander à Ivanyr de ne pas lui dire, s'il l'apprenait un jour ? Mais il ne trouva pas les forces d'avouer l'émotion possessive qui émanait de son cœur. Il en avait honte : il n'avait que trop souffert d'une prison pour en offrir une à son aimé. Pour autant, si ça le faisait souffrir, il devrait bien lui en toucher deux mots et si possible avant que le mal soit fait ? A défaut, il lui parla du mariage chez les hommes. Il parlait avec la force de ses souvenirs, de tous les mariages auxquels il avait pu assister en quatre siècles de vie parmi eux.

    Parfois, il s'exprimait avec tendresse, d'autres fois avec ironie sur ces traditions qui cherchaient à donner du sens à des actes peu ordinaires. Les prunelles vertes de l'elfe scrutaient la réaction de son fiancé, jaugeant là de son appréciation et à la confirmation, un sourire s'étendit sur ses lèvres de cendre. Comme il s'en satisfaisait de le voir ainsi de faire à cette idée. S'il mit un instant à comprendre qui était Chaton, la vérité le tarda pas à l'éclairer, intrigué qu'il était de savoir à quoi ressemblait les rites graärhs aux esprits-liés. Était-ce la symbiose qui le faisait rire aussi ? Cette tradition des ceintures était singulière et certains ne la suivaient plus depuis que les déesses étaient mortes. Aldaron, lui, gardait son respect pour elles. Défuntes ou en vie, quelques soient leurs erreurs, elles méritaient d'être honorées pour toutes leurs réussites et leurs créations. « Je ferai de mon mieux. » murmura-t-il, se sachant bien assez proche d'Ivanyr pour que celui-ci puisse l'entendre.

    Le suivant silencieusement dans ses mots, il succombait volontiers à l’envoûtement de son accent nordique, bercé nonchalamment par ce regard clair, tellement rempli d'affection. Parfois encore il se demandait si, après la mort d'Achroma, il avait vraiment rêvé des yeux du dragonnier ou si c'était au contraire un appel de son inséparable vers Ivanyr. Ses doigts liés aux siens, il se sentait flotter, tellement plus léger et libre. Il devait sourire bêtement : il en avait toutefois cure car son esprit-lié du saumon devait transformer cela en quelque chose de mignon. Son sourire se fana quelque peu aux dernières questions du vampire, non pas qu'elles furent compliquées à répondre, en vérité, c'était plus la récurrence avec laquelle Ivanyr lui affirmait qu'Aldaron avait honte de lui qui lui posait problème. Par gêne, il baissa les yeux, sans vraiment savoir ce qui avait tant pu donner cette impression à Ivanyr. Ne venait-il pas, au contraire, de lui demander à porter son nom ? Œuvrant à faire bonne figure, son sourire n'alla pas périr et il lui redonna de la force, alors qu'il répondait à ses autres questions, pour se donner du temps à réfléchir et surtout encaisser.

    « Valmys joue du psaltérion, c'est un instrument à corde. La mélodie est assez rythmée en général, c'est très bien pour faire la fête. Il sait jouer d'autres instruments et chanter aussi. » Se mordant la lèvre, il ajouta : « C'est un peu comme cela que je l'ai rencontré, par sa musique. Lorsque j'ai fait un voyage vers le royaume des elfes pour... Pour voir mon fils... Biologique. » Le débit de sa voix avait ralenti avant qu'il ne reprenne plus vivement : « Les elfes sont... Disons que contrairement aux humains, ils n'ont pas la mémoire courte. Au final, je n'ai pas réussi à franchir le pas vers mon fils. Celeborn. Et puis, je n'étais pas très à l'aise auprès de ce peuple. C'est peut-être juste moi... J'ai honte alors, il n'est pas impossible que j'ai la sensation qu'ils me regardent toujours de travers, à tord. Dans tous les cas, je n'étais pas bien et... Valmys m'a fait découvrir les lieux en jouant de la musique et en chantant pendant nos promenades. C'était tout de suite plus agréable. » Un silence ponctua ses mots, puis un fin sourire timide : « A notre mariage, cela sera aussi agréable. Sais-tu danser ? Ou devrais-je t'apprendre ? » le taquina-t-il alors que ses lèvres s'étiraient d'un sourire plus franc et joueur.

    « De la musique, des chants, des jeux, une nuit de noces sur le fleuve... Oui, je crois bien que ça m'ira. J'ai envie de le célébrer. » Il l’aurait fait là et maintenant, célébrer leur union sacrée par l'esprit-lié de l'inséparable. Les circonstances, à Cordont, ne le permettaient pas vraiment alors ce mariage, c'était aussi l'occasion de rattraper cela. « Il me tarde déjà d'y être... Et... Que me me prépares-tu en cadeau ? » demanda-t-il, curieux avant de poursuivre : « Une dot sert en général de base financière pour construire l'avenir d'un couple. Je pourrais... Avoir des fonds pour qu'on bâtisse un refuge caché. A Nyn-Tiamat peut-être ou... Sur n'importe quelle petite île perdue de cet archipel. Une maison à nous deux et... Nos enfants. Une fois que je serai aussi un vampire, nous aurons la possibilité d'en avoir... Par morsure. » Il secoua la tête de gauche à droite en réalisant qu'il partait trop loin dans l'avenir pour ne pas affronter cette dernière question qu'Ivanyr lui avait posée. « Ivanyr, je suis désolé si je t'ai blessé, à un moment en... N'affichant pas notre relation. Je n'ai jamais voulu te faire du mal ou te faire croire que tu devais me mériter, être à la hauteur ou... Je veux que tu saches que je ne l'ai pas fait pour moi ou... Parce que j'avais honte comme tu me l'as dit hier soir... Et encore moins parce que tu ne serais pas à la hauteur. Je... Me moque de ma réputation. De ceux qui me pointent du doigt parce que je partage ma vie avec un vampire. Je l'ai déjà fait par le passé et dans des circonstances plus compliquée qu'aujourd'hui, avant que les peuples ne se lient pour affronter un ennemi commun. Mon frère de cœur était un vampire. »

    Ses sourcils s'étaient froncés d'incompréhension et de soucis, son regard terni par l'inquiétude. « Je sais qu'ils ont tord de condamner les relations avec les vampires. Ou les relations entre deux hommes. Je ne cherche pas leur approbation ou leur soutien. Et je ne changerai pas pour eux, pour me conformer à leur petites cases bien faites. C'est ce que mon père attendait de moi et je... Ne suis juste pas fait pour cela. Je t'ai mis à l’abri, pour ne pas t'exposer à la lumière, toi qui souffrait tant de ce regard plein d'attentes à ton égard ou de craintes. C'est... C'est la première chose que tu m'as reproché, à nos débuts, de voir quelqu'un d'autre que toi, en toi. Cela te faisait mal. Je ne voulais pas que les autres te fassent du mal à cause de la lumière qu'on met sur moi. Ce n'est pas ce que tu crois. Il n'y a pas à être à la hauteur ou non, c'est... C'est hors de propos. Je t'aime et c'est tout ce qui compte. Tu pourrais être la pire des raclures, la pire erreur de la nature, tu serais à la hauteur tant que je t'aime. » Il portait une main au visage d'Ivanyr, douce, le long de sa joue. « Je t'ai demandé... De me donner ton nom : ça n'est pas pour le cacher. Je veux... Juste que tu te sentes prêt à cela. C'est tout ce que... Je veux seulement que ça ne te fasse pas de mal. » Il était confus et mal à la l'aise lorsqu'il vint nicher son visage dans son cou dans un soupir, troublé.

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Il n'avait pas besoin de beaucoup pour comprendre que son Lié était gêné. Désormais, cela semblait d'autant plus simple de le comprendre. Pour autant, il décida de ne pas le presser de questions, le laissant à la place lui revenir comme il le désirait, naturellement. Un moment, son expression se teinta de jeu, à l'entendre parler de son voyage au royaume des elfes. Ses lèvres brûlaient d'une taquinerie, de lui faire remarquer qu'après avoir voulu voir un fils, il était revenu avec un autre. Mais c'était un sujet délicat, et il n'avait pas envie de le troubler plus qu'il semblait déjà l'avoir fait. A la place, il se contenta de hocher la tête, pour montrer qu'il suivait les explications qu'on lui donnait. Ainsi, Valmys pourrait leur servir de musicien. Cela éviterait d'avoir à inviter quelqu'un d'extérieur à leur cercle proche. Il n'aimait pas l'idée que quelqu'un qui n'avait rien à voir avec eux puisse profiter de ce moment, même de façon extérieure, même simplement pour remplir une mission payée. Valmys ferait parfaitement l'affaire, surtout qu'aucun d'eux n'était vraiment un mélomane avéré. Le plus important, c'était que l'esprit de la fête soit présent, et sans aucun doute, la petite chose saurait s'en tirer, quitte à la champignoner un peu. La question venant, il se fendit d'un grand sourire, tout en gaîté sincère t en malice.

« Je ne sais pas, je n'ai pas essayé de danser. Faisons l'expérience et nous verrons bien ! »

Comment cela, il grappillait un corps à corps avec son Lié ? Mais non, pas le moins du monde. Enfin pas plus que d'habitude. Son sourire ne vacillait pas. Lui aussi avait envie de célébrer. La symbolique, la force du mariage lui échappaient peut-être mais faire la fête et offrir un moment inoubliable à leurs deux esprits, un souvenir plein de lumière, de couleurs, de joie et d'entrain, couronné de ce quelque chose de sacré. Il voulait célébrer, dévorer cette lumière avec lui. Gloussant légèrement, il vint lui mordiller le cou par jeu. Repenser à tout cela l'émoustillait de nouveau, l'enthousiasmant comme un enfant devant des présents. Il avait envie de faire tout cela avec lui. Mais il était hors de question de lui dire dès à présent les cadeaux qu'il comptait lui faire. Oh ça non ! Même si Aldaron battait des cils à merveille, il serait hermétique. L'idée de pouvoir lui offrir cela lors de leur nuit consacrée était trop belle, et il pourrait prendre le temps de tout bien préparer, plutôt que de lui livrer une version précipitée qui n'aurait pas le même impact. Non, il n'avait pas envie de bâcler les choses. Elles devaient être parfaites, même si cela devait occuper tout son temps dans les prochaines semaines.

« Je ne te dirais pas. Tu verras le moment venu»

Perdu dans ses longues mèches immaculées, il rouvrit les yeux, observant fixement face à lui alors qu'il réfléchissait à ce que lui disait l'elfe. Un refuge caché, pas seulement celui dans la forêt, un autre, plus reclus encore. Oui, cela lui plaisait. Quant à avoir des enfants par morsure… il n'était pas prêt, il lui faudrait sans doute encore du temps pour apprécier l'idée à sa juste valeur. Chassé par les mouvements de tête de son Lié, il se redressa et l'observa, d'abord avec surprise, puis incompréhension, et enfin culpabilité. Détournant légèrement les yeux, il l'écouta jusqu'au bout, soupira, puis redressa sa mire pour l'observer sans l'ombre d'une contrariété. Il ne s'était pas attendu à ce que cela soit prit ainsi, et en un sens, il appréciait que l'elfe veuille lui expliquer ce qu'il avait eut sur le cœur. Encore plus qu'il s'inquiète pour lui. C'était quelque chose qui ne semblait totalement sincère que chez son Lié, et personne d'autre. Chez les autres ? Il y avait toujours quelque chose d'étrange, quelque chose dans son ressenti qui ne fonctionnait pas tout à fait. Il essayait, d'y croire, réellement, pleinement, il leur donnait leur chance mais il restait toujours une ombre sur ses pensées. L'accueillant dans ses bras, il l'enlaça étroitement.

« Je ne l'entendais pas comme cela du tout. Et je te crois. Sans la moindre hésitation. Je me sens prêt… si tu es avec moi, je suis prêt à tout »

Tant qu'il était là, il y aurait toujours plus de bien que de mal, et cela lui convenait. Il se relèverait. Pendant un moment, il le garda dans ses bras, le berçant légèrement. Puis, l'éloignant, son visage entre ses mains, Ivanyr eut un sourire et lui proposa, dans un souffle bas, de continuer leur marche puis de rentrer. De partager le reste de cette journée paisiblement tous les deux, tant qu'ils le pouvaient. Le lendemain arriverait bien assez vite.

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