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28 Octobre 1762

La ville était bruyante, une cacophonie inextricable et désagréable par son agressivité, qui grinçait et éructait dans ses oreilles, engourdissant son audition et faisant palpiter ses tempes. C’était sa plaie habituelle, chaque fois qu’ils quittaient le pont du navire pour faire escale et ce où que ce soit. Athgalan ne valait pas mieux que Caladon, cependant, et cette ville-ci avait au moins le mérite de ne pas manquer s’écrouler sous son propre poids. Les sons percutaient ses tympans sensibles, faisant palpiter ses tempes de façon fort désagréable. Chaque fois qu’un son lui parvenait, sa queue, dissimulée sous le tissu de son manteau, tressautait légèrement avec un cliquetis de chitine avant de retomber, le mouvement tiraillant le creux de ses reins. Cela faisait longtemps que la vie en ville n’était plus agréable pour lui, mais il se contraignait à ne pas céder sous la tentation d’un isolement bienfaisant, malgré l’insistance de sa fille dans cette vie comme dans la précédente. Marchant dans les rues pavées, Teotl ralentissait régulièrement pour observer les indications de sous sa capuche avant de reprendre sa route, quittant le port pour atteindre le quartier marchand. C’était là qu’il devait retrouver une vieille connaissance à lui, dans une boutique attenante au canal, appartenant officiellement à un grand empire de négoce, et officieusement à l’une des entités les plus dangereuses de la Perfide. Parvenir à destination était plus une affaire de patience que d’orientation ou d’intelligence, la ville était construite selon un plan logique, en revanche, pour le reste… le reste ne s’expliquait pas, tout simplement. Planté devant l’échoppe, il l’observa de haut en bas, puis entra sans un commentaire, laissant le bruit s’assourdir derrière le bois et savourant un instant le calme relatif du lieu.

Lorsqu’il fut question de quitter de nouveau l’échoppe, il rechigna en silence, mais ne put que s’y plier. Dehors, le soleil brillait, sec, malgré la fraîcheur et l’humidié qui provenaient de l’océan si proche. Les rayons chauffèrent son visage et il observa la rue bondée, les pavés luisants légèrement, humides, et au-delà, le chenal conduisant au port, qu’empruntaient les barges bondées de biens qui seraient déchargés pour être vendus sur place, ou embarqués sur des navires à destination d’un autre port. Une légère brume iodée s’élevait de l’onde et il huma le parfum distordu par les relents de la ville marchande, leva les yeux, ou ce qui lui servait d’yeux, pour contempler le ciel. Une tempête ne tarderait guère, ce n’était pas ce soir qu’ils partiraient. L’équipage se cantonnait à l’envers mal famé du port, là où il pouvait assouvir ses besoins et ses vices : une pinte de rhum, une catin sur les genoux… Teotl pondéra. Devait-il les rejoindre ? Il tendait à ne pas apprécier d’avoir des spectateurs à sa débauche, mais peut-être au moins pour tenir les hommes de son père à l’œil ? Non, définitivement, il ne voyait pas l’utilité de le faire, les bleus savaient déjà ce qu’ils risquaient s’ils dépassaient les bornes. Fort de cette décision, il ne lui restait plus qu’à trouver comment lui désirait s’occuper, maintenant que ses obligations étaient remplies. L’idée de trouver un alchimiste en ville l’effleura mais il la rejeta, sous prétexte qu’un citoyen Caladonien ne pourrait ni saisir la finesse de ses recherches, ni tout simplement avoir la force de caractère de les mener à bien pour lui. Jusqu’ici, la seule qui avait réussi s’était détournée de lui, un dommage qu’il comptait toujours réparer.

Relevant sa capuche pour ombrer son visage, le maître d’équipage se joignit à la foule et prit la direction du quartier intérieur. Cela faisait longtemps qu’il n’était pas revenu à Caladon, et de toutes les villes de Calastin, elle était sa préférée. Parcourir ses rues n’était pas aussi exaltant que de revenir à Lyssa, mais c’était un succédané acceptable. Au fur et à mesure, les bâtiments se faisaient plus riches, plus imposants, la population plus respectable. Midi approchait sous un ciel à la couleur étrange, et il achevait une collation légère, perché sur un muret de pierres blanches, à côté d’une boulangerie dont s’échappait une odeur chaude et sucrée qui se mêlait agréablement à la brise. Derrière son bandeau, ses yeux rendus à la vue par magie observaient distraitement la foule, contemplant avec un mélange d’envie et de mépris les passants qui se croisaient sur la place. Sa queue, libérée du poids du tissu, bougeait librement dans son dos, tandis qu’il brisait des morceaux d’une miche de pain et d’un morceau de fromage pour les avaler lentement, mâchant excessivement. Cela faisait quelques temps qu’il n’avait pas trouvé un sujet digne d’être intégré à son essence… aucune de leurs prises récentes ne le valait. Le goût du sang et la texture de la chair sur sa langue lui manquaient. Tout le reste semblait fade, en comparaison, terne. Pour autant, il fallait bien qu’il se force s’il ne voulait pas finir lui-même en proie. Cela n’avait rien de plaisant, mais c’était nécessaire, vital. Sur un soupire, il acheva son déjeuné et empaqueta les restes dans une sacoche qui disparut dans les replis de son manteau avant de sauter sur ses pieds.

Alors qu’il s’apprêtait à reprendre sa visite, un visage familier, dans la foule, attira son attention. D’abord surpris, il se fit bien vite curieux et prédateur à l’idée de la coïncidence qui lui tendait les bras. S’approchant sans en avoir l’air, il parvint bientôt à le suivre hors de la place, vers l’une des rues qui conduisait, à terme, hors de la ville. Lorsque la foule commença à se faire plus clairsemée, il fit un détour, ne désirant nullement être repéré si vite, et laissa le glyphe de son armure le fondre dans la végétation alentours. Ayant prit de l’avance sur sa cible, il revint sur la route principale et la prit en sens inverse, assuré de le croiser dans peu de temps, ce qui ne manqua nullement. Nez à nez, Teotl feignit la surprise, s’adressant à lui d’une voix aussi chaude qu’innocente, le ton agréable et dépourvu d’accent elfique, ayant, à la place, celui de la Vagabonde :

« Valmys ! Quelle surprise… J’ai failli ne pas te reconnaître avec de tels habits »

La remarque pouvait paraître anodine, et même logique, puisqu’il portait de riches parures, bien plus riches que celles que les apprentis possédaient le plus souvent, s’il avait bien compris les règles du Domaine. Pourtant, cela avait un sous-entendu qu’eux seuls pouvaient comprendre, au vu de leur dernier échange. Le jeune chanteur ne possédait à l’époque rien sur lui et pour une excellente raison. C’était à souffler le chaud et le froid en même temps, une simple remarque et une cruauté gratuite. Il accentua encore l’occurrence d’un sourire léger, retenu mais permissif, le même qu’il avait déjà pu avoir à son égard en prenant soin de lui après le passage de l’équipage. Oui, définitivement, voilà qui allait occuper sa journée de forte intéressante façon ! Il ne s’était réellement pas attendu à le voir, pourquoi l’aurait-il fait d’ailleurs ?

« Accompagnes-tu ton maître à Caladon ? »

Il y eut un léger blanc, puis il approcha en lui tendant une main, dans une forme de salut humain parfaitement détendu.

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Le séjour en Valmys en Caladon approchait de sa fin. Bientôt, il retournerait sur Néthéril, auprès des siens, et de sa seconde maison. Aldaron était déjà reparti à l'aventure, le laissant seul avec le reste de sa nouvelle famille. L'Enwr estimait avoir déjà recueilli nombre d'informations sur la ville et ses alentours direct -ainsi que sur leur gastronomie très particulière. Il partirait sans regrets, avec la hâte de retrouver un jour certaines personnes rencontrées ici. La cabane qu'ils avaient prévue, avec Ivanyr, avait bien avancée. Il avait pu donner un coup de main notamment en matière de plans, d'idées, et de soutien lors de la construction. Le peu qu'il restait à faire, le vampire s'en chargerait assurément sans heurt, à son temps perdu. Le dernier arrivé des Leweïnra aurait néanmoins apprécié pouvoir constater la réaction de son père à la découverte de ce présent.

Les diverses balades et rencontres, moments passés à se tenir droit et sourire, tenir la conversation à de fieffés interlocuteurs, avaient bien entamé l'énergie du brave apprenti baptistrel. Ce jour-là, il avait décidé de profiter de son absence d'obligations pour aller se ressourcer, prendre des forces pour mieux affronter le voyage du retour. Un peu de solitude hors de la ville, loin des bipèdes, lové au coeur du silence, lui ferait du bien. Il fantasmait sagement ce repos bienfaiteur, durant les heures qui, dans son emploi du temps mental, le précédaient. La perspective de retrouver le point d'eau qu'Ivanyr lui avait présenté, et s'y laisser bercer par ses mélodies sereines, le faisait naïvement sourire, tandis qu'il refermait derrière lui la porte de ses appartements, Deïa trottinant pour rester sur ses talons. La brave chienne n'aimait pas le laisser seul, persuadée qu'il était incapable de se défendre, sans crocs ni griffes. Valmys la laissait faire.

Ensemble, et côte à côte, Ils traversèrent Caladon. Le jeune immaculé n'était jamais totalement tranquille, seul, au milieu des bipèdes. Malgré lui, il considérait davantage son amie à quatre pattes comme une protégée que protectrice. Là, il aurait aimé tous deux les rendre invisible, pour n'avoir pas à regarder frénétiquement autour de lui, vérifiant que nul ne les menaçait. Néanmoins, le mélange de fatigue, de crainte, et de hâte de retrouver un sanctuaire, rendait ses coups d'oeil bien futiles. Il ne remarqua pas le danger quand celui-ci mêla son mouvement à celui de la foule.

Les efforts qu'il mettait dans sa pseudo-vigilance se relâchèrent sitôt qu'ils furent sortis de la ville. L'intérieur de son crâne lui parut plus léger. Son pas se fit plus vif, presque bondissant. Il allait passer une bonne après-midi. Il allait se reposer. Tout allait bien se passer. Il se surprit même à pousser la chansonnette, sa main se glissant régulièrement dans les poils de Deïa, flatteuse.

La chienne fut surprise de devoir s'arrêter. Son protégé ne bougeait plus, du tout, le regard rivé droit devant lui. C'était ce bipède, en face, qui lui faisait tant d'effet ? Instinctivement, elle se glissa devant Valmys, les muscles tendus, guettant le moindre geste, le moindre indice qui trahirait de sombres intentions.
Une demi-seconde avait suffi pour le reconnaître. Ce bandeau à nul autre pareil, cette queue de scorpion, ces couleurs, ces traits qui le définissaient... Teotl. Une des rares présences qui n'avait pas fait frémir Valmys dans ses heures les plus honteuses. Les repas quand sa bouche l'avait écoeuré, les bains quand son corps l'avait dégoûté. Envers lui, ce pirate-là avait eu des gestes bienveillants, sans jamais en réclamer le paiement. Le petit immaculé se souvenait très bien de leur première rencontre, et de ses refus farouches, jusqu'à la dernière fois où il avait pu le voir, quelques heures à peine avant sa fuite. Le souvenir était brûlant, encore, de ses peurs du moment, de ses douleurs, et des questions qui lui étaient venues sans qu'il les posât à l'époque: où était le piège ? Le traitait-il ainsi uniquement pour que son équipage en profite au mieux ? Etait-il, au contraire, le seul dôté d'un peu de compassion ? Ou y avait-il un marché quelconque dont il n'était pas informé ? Peut-être aussi veillait-il juste à ce que, conformément aux menaces du capitaine, il puisse encore être vendu au marché aux catins, à un bon prix. Dans tous les cas, c'était une figure qui aurait dû n'appartenir qu'au passé -ce même passé sur lequel Valmys marchait pour être sûr de le maintenir enterré.

Il restait planté là, médusé, son regard rivé sur l'aveugle, comme s'il attendait que l'illusion se dissipe et que la réalité revienne. Le Maelstrom n'avait été qu'un cauchemar, il n'avait pas sa place dans la réalité. Teotl continuait de s'avancer vers lui. Une part de Valmys s'enjouait de revoir celui qui avait été bon envers lui. Cette même part était celle que le maître d'équipage avait convenablement conditionnée, la poussant à associer son visage à quelque récompense agréable. Hélas, ses récompenses n'avaient jamais mis fin à son supplice et une autre voix en lui, pour le moment en arrière-plan, s'étranglait d'un cri qui ne se poussait pas encore.
C'était pourtant simple; il aurait suffi d'un tout petit coup de pouce pour à nouveau éveiller la bête terrorisée en lui. Une allusion à ces pires instants, par exemple. Oui, voilà ! Un petit rappel de sa nudité forcée, quoi de mieux ? Une main de Valmys se porta instinctivement au tissu vert-gris de sa tunique, au niveau du sternum, comme pour le protéger, et empêcher qu'une main crochue vienne déchirer le présent de son père. Malgré toute sa bonté, l'Enwr n'avait guère envie de se dénuder pour offrir à Teotl quelque nostalgique vision. Une lueur de peur viscérale vint habiter le regard du petit immaculé. Son coeur battait déjà plus fort, et ses réflexes les plus primitifs lui hurlaient de partir. Seulement... Il était trop bien éduqué pour s'en aller ainsi, et Teotl avait été trop bon avec lui pour qu'on lui refusât le dialogue.

Les muscles tendus, prêts à reculer, Valmys luttait pour garder un minimum de contenance et de dignité devant celui qui l'avait vu dans son pire état. Maître ? Valmys y vit une insinuation qui ne faisait qu'appuyer sur les plaies encore ouvertes en lui. Teotl était le maître d'équipage, et lui... Non, jamais il ne ferait partie de cet équipage. Encore moins avec le rôle qui lui était assigné. Bêtement, Valmys ouvrit la bouche pour se défendre, avant de la refermer sans avoir produit un son. Et s'il évitait de vexer Teotl en le revoyant trop abruptement paître ? Ce pouvait être une idée, non ?
Ses mains tremblaient, il n'en avait pas conscience. Fuir, fuir... La supplique de l'être tourmenté qu'il avait été revenait sans cesse à son esprit. Peut-être aurait-il pu avoir simplement confiance en ses capacités, magiques et affronter Teotl tête haute. Le spectre qui venait le hanter à la vue du pirate le privait de cette possibilité.

"- J'allais... Plutôt pour sortir de Caladon ?"

Sa voix était pâle, peu assurée. Pas très différente de celle qu'il avait pu avoir sur leur maudit raffiot. Il avait pointé du menton l'extérieur de la ville, derrière eux, sans préciser. Pas question d'emmener un pirate dans son sanctuaire. La main de Teotl allait rester sans amie pour venir la serrer. Le brave Valmys était beaucoup trop sur la défensive pour éloigner ses mains de son propre corps -elles étaient des pièces d'armure tout à fait valable.

"- J'aimerais mieux y aller. Prendre du repos. Peut-être nous reverrons-nous... Une autre fois ?"

Là, il aurait dû contourner Teotl, et partir, suivre sa route, avec ses sens aux aguets afin de ne pas subir de coup dans le dos. Ses jambes ne lui répondaient plus. La crainte les avait ancrées dans le sol. Réaliser cela ne l'aida pas à se calmer. Deïa commençait à sentir que quelque chose n'allait pas. Un grondement sourd émanait de la chienne, désormais bien plus prompte à bondir que son camarade sans-poils.

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Il sentait presque sa peur, son horreur, la humant comme un doux parfum sur lui, exsudé dans l'air entre eux, complimentant ses sens de leur unique attrait. Le pirate tendait souvent, ces derniers temps, à privilégier la méthode douce pour obtenir ce qu'il désirait, charmant et apaisant ses proies, qu'elles soient destinées à son palais ou à ses draps. Il s'agissait de sa dernière théorie et la plus prometteuse jusque là : les phalènes lui octroyaient d'avantage d'essence lorsqu'ils étaient détendus et volontaires et qu'ils ne voyaient rien venir. La transmission s'avérait plus fluide, lui permettant d’accroître les bienfaits de leurs derniers instants en sa faveur. Cependant… cette méthode tendait à le priver de certains délicats plaisirs qu'il avait auparavant pu entretenir lors de ses recherches approfondies sur les bienfaits de l'essence mortelle. Il ne pouvait nier, en toute honnêteté, qu'il avait grandement savouré les tremblements de ses sources, leurs gémissements de douleur, et la sourde terreur qui se dégageait d'eux, la buvant comme un doux nectar, s'en gorgeant comme une terre asséchée après la première averse. Et une part de lui regrettait cette perte, s'émouvant de cette satisfaction passée qu'il semblait avoir sacrifié pour le plus grand bien de son objectif ultime. En trouvant un fragment en cet instant ne pouvait que trouver un écho favorable en lui et il se prit à considérer faire une entorse à la discipline qu'il s'était assignée. Un pas de côté ne pouvait pas lui faire de mal, non ?

Il en était à pondérer sérieusement la question lorsqu'il remarqua enfin le cabot accompagnant le petit chanteur. S'il ne fut pas particulièrement inquiété, en bon esprit pragmatique, Teotl prit mentalement note de disposer de la créature dès que possible, afin de ne pas la voir tout gâcher le moment venu. Silencieux, attendant une réaction de la part de son vis à vis, en tout cas une autre que de le regarder avec ces grands yeux de biche effarouchée et ces infimes tremblements qu'il percevait malgré tout, tendu vers lui qu'il était.Lorsque sa proie trouva enfin sa voix, il fut pourtant surpris et désenchanté par la réplique. Quelque chose clochait, et lorsqu'il posa la griffe dessus, elle tira un rire plaisant et léger à la gorge du pirate, le son réverbérant dans l'air ambiant, chaud et sincère, portant une note discrète d'incrédulité. Son visage s'était sensiblement relevé, et il se passa une main dans les cheveux, butant sur un nœud avant de remettre en place l'attache de son bandeau de vision. Ainsi, il prenait le temps, n'étant pas empressé de conclure tout cela, ne voulant pas s'impatienter. Ce n'était pas sa façon de faire, encore moins quand il avait une telle opportunité sous la main. Avec un remerciement silencieux aux Déesses, l'Aveugle décida d'abréger l'angoisse de son vis à vis qui devait se demander pourquoi il riait ainsi et ce qui risquait de lui arriver. A moins que Valmys ne conserve encore ses illusions à son égard ?

« Valmys… je voulais simplement savoir si tu accompagnais un Cawr, ou si tu étais là par volonté personnelle, voyons, que t'ai-tu donc imaginé ?  »

Ses lèvres grises s'étirèrent sur un sourire fripon alors qu’il se demandait jusqu’où sa petite souris était partie dans sa peur de lui et de toute la situation. Puis, son expression se fit plus concernée. Il n’alla pas jusqu’à l’inquiétude, cela aurait tranché beaucoup trop contre sa personnalité et sa façon d’être avec les prises de son père, et néanmoins il avança légèrement avec un geste dans sa direction, s’arrêta plus près de lui. Instinctivement, sa queue descendit, pointe dans la direction du chien sans qu’il ne se laisse aller à l’inquiétude. Ce n’était qu’une mesure préventive et à moins que Valmys ne soit vraiment irritant, il ne le tuerait même pas. Tuer un animal ne lui servait pas vraiment.

« Tu ne séjourne pas à Caladon même ? Pourtant il n’y a rien dans les parages je crois… Peut-être devrais-je t’accompagner, au moins pour m’assurer que tu arrives sauf à destination  »

Penchant la tête sur le côté, dans un geste fluide et hypnotique de prédateur instinctif, sans y prendre gare, le pirate l’étudia un instant et de sa voix caressante poursuivit, avec une forme de réprobation professionnelle, telle que celle dont il usait sur le navire lorsque son fouet ne parlait pas. Après coup, il y avait aussi quelque chose de particulier avec lui, qu’il n’avait pas noté d’entrée de jeu, sans doute trop occupé à instiller de nouveau la peur et l’appréciation tout à la fois. Mais oui, c’était bien cela, il avait les mêmes marques, cicatrices, que savait-il exactement, que lui. Sauf que le pauvre Valmys avait ça partout sur le trognon au lieu de l’avoir sur le corps.

« Tu n’as pas une excellente mine, effectivement… et ton visage porte d’étranges marques. Serais-tu un des immaculés ?  »

Oui oui, c’était ressemblant, même si ça n’avait pas de dessins particuliers sur l’Enwr, l’espèce de couleur brillante était la même. Alors il avait aussi subit ce changement là ? Voilà qui était curieux. Quelle était la corrélation qui transformait deux individus aussi dissemblables qu’ils l’étaient ? Déjà, son esprit sautillait d’une hypothèse à l’autre, tentant de comprendre et tentant également de faire rentrer ces informations dans ses théories. Comment était-il sensé le prendre ? Valmys n’avait consommé aucune essence et pourtant il avait changé également… Au début, il avait cru qu’il s’agissait de la réponse à tous ses efforts mais là, il était évident que c’était autre chose.

« Quand est-ce arrivé dis-moi ? Regarde...  »

Il délaça le haut de sa tunique et écarta le tissu pour montrer les entrelacs cuivrés sur sa propre peau. Ils étaient un peu plus mat et ornaient sa peau comme des tatouages complexes. Oui, définitivement, il devait en apprendre plus… Si ce changement n’était pas ce qu’il appelait de ses vœux, alors qu’est-ce que c’était ? Et si Valmys pouvait l’y aider, alors il lui donnerait un petit sursit avant de s’occuper de lui. Les informations étaient plus importantes que sa satisfaction corporelle sur le moment. Un embryon de colère grondait en lui à l’idée d’avoir encore suivit une fausse piste et d’avoir perdu du temps et gâché d’excellents matériaux pour rien…

« Te souviens-tu de ce qui s’est passé ?  »

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Le rire du pirate déstabilisa sa proie. Les déesses savent comien il est triste pour un baptistrel de ne plus savoir sur quel pied danser. Perdu, Valmys observa avec un air interrogatif, qu'il ne pouvait ni contenir ni contrôler, les émotions impromptues qui émanaient de Teotl. La blague lui échappait, et la légèreté du rire n'avait rien à faire au milieu des scénarios sinistres qui se dessinaient dans son esprit. Ces scénarios douloureux, moites et chauds, qui déjà comprimaient son souffle. Comment pouvait-on en rire ? Comment Teotl pouvait-il être aussi... Naturel ? Figé dans son attitude entre la peur et la perplexité, l'Enwr ne put que contempler les gestes lents du pirate remettant ses beaux cheveux d'elfe en place. Cette lenteur était angoissante. Elle faisait durer son supplice, l'appréhension qui montait tant qu'il ignorait son destin.

La révélation ne le soulagea que peu, la gène et la honte venant prendre la place d'une partie de sa peur. Oh, il avait... Mal compris ? Se pouvait-il que quelque souvenir ait influé sur sa façon de penser, et que la réalité lui ait démontré qu'il avait tort ? Non. Il ne pouvait pas avoir tort sur ce sujet. Il avait eu bien trop mal à son amour-propre pour cela. Se pouvait-il alors que ce soit une manipulation de Teotl, une tentative de se rattraper après avoir constaté les esquives de l'ancienne possession de son équipage ? Aux yeux de Valmys, l'ombre du Maelstrom qui planait au-dessus de l'elfe aveugle rendait cette hypothèse plus plausible.

Un sourire forcé étira les lèvres de l'Enwr, encore prostré et tendu. Son esprit paniqua à l'idée de devoir offrir une réponse. Il y avait une bonne et une mauvaise réponse. Restait à définir l'identité de chacune de ses réponses. Devait-il se contenter du strict minimum, dire qu'il n'était pas accompagné, donc potentiellement vulnérable, ou utiliser sa carte spéciale "je vais le dire à papa", et présenter son protecteur ? Il craignait la rançon qui pouvait être demandée à Aldaron.
Il avait choisi sa réponse, mais ses lèvres peinaient à s'ouvrir à nouveau. Cependant la proposition de Teotl de l'accompagner plutôt dans sa direction lui apporta le grain de confiance nécessaire pour cela. S'ils n'allaient pas vers la mer, ils n'allaient pas vers les pirates, non ? Et ils seraient seuls, entre personnes de bon aloi ? Valmys avait envie de croire que Teotl, qui avait été si bon envers lui, était différent. La partie en lui terrorisée persistait à murmurer que c'était un piège, que des pirates l'attendraient derrière un buisson. Il écarta cette idée, mais resta sur sa première idée de réponse:

"- Je séjourne à Caladon, j'allais juste en sortir temporairement. Faire une promenade, me reposer..."

L'insinuation comme quoi la solitude aurait été de bon aloi lui parut déjà de trop, et potentiellement vexante. Il n'insista pas en précisant de surcroît qu'il n'avait pas besoin de protection. D'autant plus que Teotl l'avait vu dans des circonstances qui pouvaient faire paraitre sa prétention comme une bonne boutade, et Valmys n'avait point l'envie que l'on se moquât à nouveau de lui, la honte encore présente en son coeur.

"- Lorsque j'ai quitté Néthéril, nul maître ne m'a été assigné."

Valmys avait évoqué son maître à Teotl jadis. De cette déclaration, il pouvait faire les déductions qui s'imposaient sur la peine du jeune sainnûr et la difficulté qu'il pouvait avoir à l'énoncer en des termes plus directs.

L'Enwr ne partit pas plus loin dans ses réflexions sur le sujet. Même au travers du masque qui couvrait l'absence de regard de Teotl, il se sentait observé, le visage de son interlocuteur dardé en sa direction, subtilement penché, comme pour saisir un détail précis. L'ancien prisonnier du Maelstrom s'était immobilisé totalement, à nouveau. Savait-on jamais, si la vision du pirate se basait sur le mouvement, cela pouvait peut-être lui sauver la mise. Pourtant la sensation ne le quittait pas, et il commençait sincèrement à se demander ce que Teotl arrivait ainsi à voir. Instinctivement, la main qui avait saisi ses propres habits eut un geste pour cacher les boutons sombres sur son torse.

"- Les immaculés ?" répéta-t-il un peu bêtement, tandis que son cerveau acheminait l'information en un lieu où elle serait mieux utilisée. Les doigts de sa main libre passèrent sur son visage, vérifiant que ce n'étaient pas d'autres marques qui lui auraient été inconnues que l'on évoquait là. "C'est ainsi que l'on nomme ceux qui portent les marques cuivrées ? J'ai l'impression qu'il y en a de plus en plus. J'espère que ce n'est pas une sorte de maladie spéciale..."
Il avait songé à en parler à un Cawr. Il y avait songé très fort ! Mais il n'avait pas encore trouvé le temps de le faire.

Avant qu'il puisse répondre, ses joues brunirent, son coeur s'emballa, ses muscles se raidirent à nouveau. M'enfin ! N-n'avait-on pas idée de montrer aussi aisément son torse ! Malgré la soudaine chaleur, Valmys parvint à comprendre ce qu'il y avait à comprendre.

"- Ah euh oui ah euh vous aussi ah en effet..."

Bafouilla-t-il. Son regard se détourna ensuite sur le paysage (magnifique !), lui permettant de refroidir son cerveau tant de ses émotions que de la peur qui avait menacé d'y imploser un instant. Teotl restait un pirate. Et un pirate qui se dévêtait était dangereux.
Un pirate qui se dévêtait et n'en faisait rien, en revanche, le rassurait, et marquait des points auprès de lui. S'il continuait ainsi, peut-être Valmys pourrait-il lui faire confiance... Lui poser des questions sur sa présence auprès d'un entourage aussi mal famé ? Essayer de l'en tirer, et s'en faire un compagnon de voyage ?
S'écartant subtilement du chemin, afin de laisser un éventuel voyageur passer, et marquer le fait qu'il était prêt à se poser davantage pour parler, Valmys commença à conter son expédition au coeur de Keet-Tiamat; le temple, les eaux déversées, les veinules qui étaient apparues.

"- J'imaginais qu'il y avait un lien entre l'eau et l'immaculation. Mais si tel est le cas, pourquoi tous les elfes ne sont-ils pas immaculés ? Et pourquoi d'autres personnes plus éloignées le sont ?"

Il haussa les épaules.

"- Si cela t'intéresse, je pourrai te faire parvenir quelques croquis du temple. On m'a souvent dit que je dessinais plutôt bien."

Dans les faits, Valmys avait plein de compétences et habilités, hein ! C'était bien dommage qu'à bord du Maelstrom, il n'ait pu montrer ces dernières, restreint à d'autres bien moins intéressantes. Dans le regard qu'il porta sur Teotl, il y avait une nouvelle étincelle très spéciale: il avait envie de prouver qu'il était plus qu'une catin. Il ne savait pas encore comment il allait s'y prendre, mais il lui montrerait. C'est dans cet échange de regard que lui crut percevoir une émotions, chez Teotl, qu'il ne comprenait pas.

"- Tout va bien ? Si vous avez besoin de prendre du repos, ou de vous changer les idées, peut-être pouvons-nous nous promener ensemble ? Vous me semblez tendu." Un sourire très amer fendit ses lèvres. "Des soucis avec les collègues ?"

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Oh, il se promenait, c'était finalement peut-être une toute aussi bonne idée que de le mener dans quelque bâtiment de sa connaissance, car il aurait tout autant d'opportunités et d'intimité dans la forêt. Et personne ne l'entendrait hurler. S'il insistait, cela ne le gênerait donc nullement de lui servir d'escorte jusqu'à quelques sous-bois éloigné de la ville et de l'aide potentielle qu'il pourrait y trouver. La chasse demandait une certaine dose d'opportunisme et d'adaptabilité et il en était fort heureusement pourvu, de sorte que ses proies lui échappaient rarement, voire pas du tout. Avait-il déjà une occurrence de la chose ? Une seule sans doute, mais qui n'était que partie remise. Il l'aurait tôt ou tard entre ses griffes à plaider pour une survie qu'il lui refuserait alors fermement. Observant la petite hermine face à lui, il retint un gloussement, pensant presque pouvoir contempler les rouages de ses pensées. Sa détermination à profiter de la situation se fit plus prégnante encore lorsqu'il eut confirmation que l'autre était venu en solitaire. Comment résister à cette opportunité ? Bien sûr il aurait pu arguer que même si sa proie avait été accompagnée, il aurait trouvé un moyen le soutirer aux bons soins de sa vigile mais la vérité était plus simple : quand on se voyait servir la facilité, on ne crachait pas dessus. Celui qui dirait l'inverse était autant un fat qu'un idiot. Mais plutôt que de se réjouir ouvertement des circonstances, le jeune prédateur croisa les bras et hocha légèrement la tête en s'accordant un air grave qui paraissait davantage de circonstances face aux aveux de son vis à vis. L'autre était déjà bien assez craintif, alors si en plus il se mettait à rire aux éclats sans raison, il y avait de grandes chances pour qu'il détale rapidement. Et il y avait le corniaud aussi. Il ne fallait pas l'oublier celui-là. Bref, des raisons pour jouer de charme, il n'en manquait pas vraiment.

« Je vois… »

Un fin sourire permissif mais retenu ourla ses lèvres, comme une connivence attendrie.

« Raison de plus pour que je t'escorte alors »

Le ton, plus léger encore que son expression, se défendait d'une quelconque intrusion, s'évoquant avant tout comme une évidence bienveillante et naturelle. Il avait toujours usé de cette façon de faire, avec lui, lorsqu'il venait le voir après la fin des 'pauses' de l'équipage pour le nettoyer et le soigner lorsqu'il le fallait. Ses gestes étaient alors neutres, fermes mais sans violence aucune, purement professionnels et altruistes, sans qu'ils ne dérapent jamais. L'accroche avait été plus subtile que les mains malhabiles des marins. Elle était dans sa douceur, dans la dépendance, dans sa singularité et dans l'angle qu'il donnait à son discourt pour s'enfoncer lentement en lui. Et aujourd'hui, il restait égale à cette image, la polissant encore et en usant pour conserver tout le personne façonné dans le traumatisme que sa proie avait vécue. C'était comme un jeu, refermer le plus lentement possible ses griffes sans que la victime s'en rende vraiment compte puis croquer d'un seul coup, pour garder le fondant de la chair sur la langue, la richesse du sang non terni par la peur. Il ne fallait pas gâcher un met de choix. Et pourtant, de si surprenante façon, la curiosité le détourna de ses projets les plus immédiats vers une autre question, tout aussi brûlante que la faim qui chatouillait ses sens. Il se laissait porter par son instinct et n'était pas mécontent du résultat. Au contraire d'ailleurs, à le voir si désemparé, c'était même extrêmement gratifiant et pas seulement pour son ego. Ses propres marques couvraient une large part de son torse et même plus encore, mais à le voir réagir ainsi, il n'allait pas se déshabiller davantage ! Enfin pas pour l'heure en tout cas. Renouant les lacets de sa chemise il écouta avec attention le récit qu'on lui offrait.

La petite créature commençait à se faire moins craintive, maintenant qu'il la faisait parler mais les trilles allègres de sa petite voix n'étaient en rien dénuées d'intérêt. De plus en plus, il avait envie de voir par lui-même de quoi il s'agissait. Le voyage serait compliqué, surtout quand son capitaine de père avait besoin de sa présence, et puis… il y avait les océanides… s'infiltrer au travers du royaume elfique ne serait peut-être pas chose aisée. Il laissa de côté cette idée-là au profit de ce qu'on lui confiait de plus, et nota distraitement mais sans manquer d'amusement que maintenant, ils passaient au tutoiement mutuel. Ou pas ? Oh, ça lui avait échappé, adorable, le premier pas vers la domestication. Mais cela viendrait en son heure, et en attendant de planter ce sublime couteau, il avait autre chose qui l'étrillait. Dans ce qu'on lui contait, rien ne venait étayer ses hypothèses et pire encore, cela rendait caduc tous ses efforts et toutes ses prétentions. Tout ce qu'il avait fait…. Ça n'avait servit à rien, à rien du tout ? Tous ses espoirs, toutes ses tentatives pour se défaire de son être elfique, tout cela n'avait rien à voir avec ce qui lui était arrivé ? Ce n'était pas le couronnement qu'il attendait ? S'était-il illusionné tout ce temps ? Non. Impossible. Il y avait forcément une autre explication, il n'avait pu faire tout cela pour rien, les effets étaient là, réels, prégnants… peut-être que ce changement, cette immaculation avait simplement pris de cours ses propres tentatives ou alors… ou alors cette magie avait donné le coup de pouce manquant jusque là ? Après tout leur terre avait été très affaiblie sans magie, cela ne trouvait pas solution du jour au lendemain alors. Oui cela devait être ça. C'était intéressant, vraiment, il fallait qu'il en sache davantage… peut-être en ouvrant un des porteurs de marques ?

« Non, aucun, ils sont ce qu'ils sont. Je suis simplement curieux de rencontrer un autre immaculé comme moi »

Son visage se baissa, alors qu'il observait l'un de ses bras, serrant légèrement le poing pour faire saillir les muscles. Un instant, il maintint cette tension, puis la relâcha.

« Je suppose que, comme moi, tu as dû te poser des questions sur ce qui était entrain de t'arriver, non ? »

Lui aussi aurait voulu savoir pourquoi il n'y avait pas plus de ces changements, pourquoi seulement quelques personnes, de toute évidence prises au hasard ? Peut-être qu'il devait revoir la façon dont l'essence était intégrée dans l'organisme. Peut-être y avait-il plusieurs façons de faire, la sienne n'était pas unique. En c cas, cela expliquerait aussi les occurrences, sans entrer dans les détails pour autant. Non vraiment, voilà quelque chose qui était plus que mystérieux et qui soulevait énormément de questions. Mais c'était aussi passionnant ! S'il parvenait à comprendre ce qui avait fait réagir l'essence et comment, pourquoi… oui, peut-être qu'au-delà de l'utiliser, il en deviendrait même le maître. Il fallait absolument qu'il mette la main sur un autre spécimen pour pouvoir l'étudier et le consommer.

« Mais je ne refuserais pas de marcher en ta compagnie »

D'un geste souple de la main, il lui fit signe de l'accompagner et s'assura que son animal de compagnie obtempéra avant de se détourner fermement vers le chemin forestier qui s'ouvrait à la sortie de la ville. Pendant quelques minutes, il se contenta de marcher, jaugeant de la résistance du sol sous ses pieds. Il sentait avec acuité le sol rendu meuble par les pluies, une boue fine sur le dessus qui collait au dessous de ses bottes et rendait tout appui trop impérieux délicat, les feuilles mortes qui menaçaient de se dérober sous lui, les branches et brindilles qui craquaient et changeaient le subtile équilibre du corps. L'air était riche des parfums de l'automne, la chape profonde dissimulait très bien les fumets plus ponctuels tels que la peur ou la douleur. Ce n'était pas la route principale qui quittait la ville de l'or, mais une route secondaire, moins bien entretenue, moins fréquentée. Qu'avait donc à apporter la forêt à ces riches nantis ?

« Tu dessines bien, donc ? Ces croquis m'intéressent énormément. Ce lieu que vous avez profané est sans doute le catalyseur de quoi que ce soit qui provoque cette transformation. Avez-vous pu l'étudier d'une quelconque façon ? »

Son visage se tourna vers lui, alerte malgré l'absence de regard et la dissimulation d'une partie de ses traits.

« Peut-être que la transformation ne vient pas seulement de l'eau. Il y a de la magie dans tout cela, rien n'est jamais simple avec de la magie, n'est-il pas ? Et qu'en dises les Cawr ? Ne sont-ils pas autorité en matière de maux du corps et de l'âme ? »

Il était relativement bien placé pour le savoir après tout, lui aussi, avec sa fille qui lui rebattait les oreilles de sa ferveur envers les maîtres-chanteurs. Il ne comprendrait sans doute jamais comment elle parvenait à être aussi paradoxale, à refuser sa mainmise quand elle s'offrait à d'autres sous le même prétexte. Ravalant la bile de cet amer rappel, il poursuivit sa dictée, avec une nonchalance appliquée, sans excès aucun, traduisant par là son assurance de sécurité. Il se sentait réellement en sécurité, l'autre n'était pas une menace et même le chien serait aisément dispensable au moment opportun… mais pour le moment il était surtout avide d'en apprendre autant que possible sur leur état respectif. Et peut-être que les informations dont disposait Valmys lui permettrait un voyage plus simple jusqu'à ce fameux temple ? Qui pouvait dire, tant qu'il n'était pas mit au courant…

« Peut-être qu'il faut aussi du temps ? »

C'était une constatation pragmatique, lancée presque de but en blanc.

« Est-ce que c'est arrivé d'un coup pour toi ? Soudainement ? Était-ce douloureux ? »

L'intensité avec laquelle il le décortiquait du regard ne se traduisait pas, et pourtant elle existait bel et bien.

« Comment ressens-tu ces changements ? »

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Le regard de Valmys avait suivi celui de Teotl, le long du bras de ce dernier, part d'anatomie qu'il était bien plus aisée d'observer. A la question, un premier "hm" un peu songeur, assorti d'un signe de tête affirmatif, firent office de réponse. Oh que oui, il s'était demandé ce qui lui arrivait ! Plutôt deux fois qu'une ! La première fois, lorsque la douleur l'avait soudainement, et sans raison, jeté à terre. La seconde fois, lorsqu'il s'était réveillé couvert de veinules, et avec ces subtiles nuances dans ces traits qui le rendaient plus beau. Son visage lui avait paru plus harmonieux, sa peau plus douce, et même ses cheveux s'étaient montrés soyeux sous ses doigts. Touché par l'inconnu, il avait ressenti, et ressentait encore souvent, ces mélanges chaotiques de surprise, d'émerveillement, et de craintes.
Mais avec son état d'esprit actuel, tout déstabilisé par la présence contradictoire du Sainnûr aux yeux invisibles, cela se traduisait surtout par un "hm". Il allait lui falloir encore quelques minutes pour pouvoir à nouveau exprimer ses émotions - et quelques minutes sans torse visible.

Deïa et son humain empruntèrent le pas de Teotl. La protectrice collait presque son chiot sans poils, ses sens exagérément aux aguets, la tension parcourant son corps de façon presque visible. Même Valmys donnait davantage l'impression d'être serein, à ses côtés. Pourtant ce n'était pas encore le cas. Lui qui avait voulu se détendre se retrouvait à guetter les environs, sans profiter de la fraîcheur de l'automne, des couleurs pâlies de cette journée, de l'odeur végétale de l'humus, et de la brise encore tranquille. Autant de chants délicats qui auraient pourtant pu reposer son pauvre esprit, lui apporter une énergie nouvelle, et assainir ses pensées. Là, il ne voyait que les questions et émotions qui tourbillonnaient dans son crâne, avec pour silhouette celle du capitaine d'équipage du Maelstrom. Quelle cruauté avait-il, à ne pas répondre aux questions que Valmys ne posait pas ! Et Valmys, lui, ne savait comment l'interroger. Il n'y avait pas, à sa connaissance, de façon commune et banale de demander à quelqu'un "d'ailleurs, pourquoi oeuvrez-vous encore avec ceux qui m'ont blessé, alors que vous paraissez meilleur qu'eux ?".
Ou alors, peut-être ne voulait-il pas vraiment entendre la réponse. Il y avait toujours cette partie de lui qui s'en moquait, et percevait la même odeur de danger que celle qui embaumait les poumons de Deïa.
Lorsque la source de son trouble lui adressa à nouveau la parole, l'Enwr eut l'impression qu'on l'extirpait d'un marécage situé bien loin de Caladon, tant l'aisance qu'avait Teotl à parler tranchait avec l'environnement tâtonnant qu'étaient ses pensées. Il lui fallut un moment pour retrouver l'usage de la parole, et de l'agencement des mots, de la logique des bipèdes. Malgré cela, il bafouilla :

"- Pas autant que nous l'aurions voulu, pas autant que nous l'aurions pu. Nous n'étions pas prêts ni préparés à cette découverte, et notre premier acte nous a plutôt donné l'envie de ne pas insister tant que nous ne disposions pas de meilleurs éléments pour étudier le lieu sans l'altérer."

Nul besoin pour lui de cacher ce qu'il pensait de leur expédition, et sa bouille autant que le port de ses épaules, ainsi que son aura, indiquaient combien il était dépité de leur "exploit". Son passé d'explorateur et d'historien, son amour de l'architecture, son goût pour la connaissance, avaient forgé en lui un coeur qui s'était brisé avec les pierres que l'eau avait balayée. Ils avaient tué quelque chose. Jadis existait là-bas des créations et des indices sur l'histoire qui plus jamais ne leur seraient accessibles. S'il était partisan d'une autre expédition, il ne pouvait qu'appuyer fermement le fait que cette dernière soit plus raisonnée que la précédente.

"- Néanmoins, votre hypothèse ne me parait pas sans pertinence. Les changements que nous connaissons ont tous eu lieu après cette expédition. Peut-être y avait-il effectivement en ce lieu quelque élément que nous aurions libéré. Ou peut-être le changement vient-il de ces terres, et de leur interaction avec nous. Peut-être y a-t-il quelque chose en nous que nous ne pouvions observer en notre continent originel... Ou pas sous cette forme."

S'ils avaient bien libéré quelque élément sommeillant en la demeure de ruines, cela ne rendait leurs actions que plus regrettables encore. S'ils avaient brisé quelque chose de magique... Sauraient-ils seulement un jour ce à quoi était voué originellement cette magie ? Sauraient-ils l'étudier et la comprendre ? Valmys jeta un coup d'oeil à son propre poignet, où les veinules ambrées serpentaient avec la même absence de régularité que sur le reste de son corps. Et si les immaculés possédaient désormais, en eux, quelque magie ancestrale de ces terres ?
L'idée que ce puisse être un danger ne vint à Valmys qu'après l'idée que ce serait quelque chose de nouveau et d'intéressant. Toujours attentif à la voix du pirate qui le guidait, il eut un faible ersatz de ce sourire en coin qu'il portait si bien jadis, avant son passage sur le bateau. La magie, jamais simple ? Il ne pouvait être entièrement d'accord. La magie avait été son phare dans ses nuits sans repères. Si l'appréhender avec précision était effectivement une science complexe, l'embrasser telle qu'elle était paraissait bien simple aux yeux de celui qui avait toujours eu des facilités avec elle.

"- Je n'ai pas eu le temps de leur demander. Avec les voyages, je passe peu de temps au Domaine."

Un jour il se soignerait de sa bougeotte, et poserait son joli petit fessier sur la pierre du Domaine. Mais pas tant qu'il ne connaîtrait pas suffisamment ce continent. Et pas tant qu'il aurait de la famille en Calastin. Et pas tant qu'il n'aurait pas rattrapé tout le temps passé à écouter un Chanteciel lui transférer son savoir.
Mais ce jour viendrait, et il ne serait pas moins bon que les précédents.

"- J'ai l'impression que le temps nécessaire varie selon les individus. Dame Thaidforoden a connu son immaculation presque immédiatement après l'incident. Il m'a fallu plusieurs jours avant de connaitre le même sort." Il eut un rictus douloureux, au souvenir de cet instant. "D'un coup, au milieu de la capitale elfique. Je crois me souvenir être tombé à terre sous l'effet de la douleur. Pas de déclencheur, pas de signe avant-coureur... Et à mon réveil, j'ai vu ces veinules." Il tendit un bras devant lui, admirant sa main comme il l'avait fait alors. Etrangement, il ne se sentait pas de conter à Teotl qu'alors il s'était trouvé plus beau. Sa propre beauté lui était taboue, depuis qu'il savait qu'elle pouvait se retourner contre lui. En revanche, il y avait quelques points qu'il pouvait évoquer, et puisque Teotl voulait son ressenti...

"- J'ai ensuite pu découvrir que quelques choses en moi avaient changé. Je fatiguais moins," alors que le temps passé en convalescence, tant après le tyran blanc qu'après le Maelstrom, l'avaient affaibli. "Et les efforts qui me prenaient tant d'énergie au quotidien étaient devenus simples. Ce qui était par-delà mes forces devenait plus accessible, ce pour quoi je pensais manquer de dextérité était presque instinctif. J'ai pu rivaliser avec des elfes aux osselets. C'était assez déconcertant." Son sourire en coin revint, bien que son regard se fut détourné de celui, invisible mais perceptible, de Teotl. Pour une raison qu'il refusait de comprendre, il ne pouvait le tenir, une sensation de malaise naissant à l'idée d'être ainsi observé. "Mais très plaisant. J'avais l'impression d'être plus proche du beau peuple, celui de mes parents..." Teotl connaissait-il ses parents ? La question lui brûla la langue. Il n'osa la poser. Pourtant, c'eût été un bon moyen de s'avancer vers l'autre question qu'il voulait lui poser. "Je dois avouer que la surprise et la joie de la découverte passée, tout cela m'a paru très naturel. Comme si ç'avait toujours dû être ainsi, et que ç'avait été prévu dans mon vieillissement." Il eut un soupir, qui trahissait son contentement à la pensée de son immaculation. "J'irai voir mes maîtres. Je veux connaître les risques de notre situations, pour pouvoir mieux en profiter."

Les troncs fins et hauts des sapins commencèrent à les entourer, rangées de soldats dont les feuillages sombres plongeaient les sous-bois dans une semi-pénombre étrange. Difficile de savoir si le bruit portait, ou au contraire était étouffé. Si le craquement des feuilles paraissait à Valmys être un véritable vacarme, il avait la sensation de tout de même devoir pousser sur sa voix pour trancher le silence des lieux, celui qui baignait et protégeait les bêtes. Deïa commençait à peiner à tout renifler, dans le maelstrom d'odeurs qui faisait la forêt. Dans cet environnement nouveau, Valmys suivait Teotl comme un guide, puisque ce dernier paraissait savoir où il allait. Quelque élément alertait ses sens, ceux qu'il tentait de faire taire au nom de la bienveillance qu'avait montrée Teotl envers lui, et du ton innocent et studieux de leur conversation. D'un coup, en apprendre davantage sur Teotl parut beaucoup plus impératif à Valmys, sans qu'il saisisse pourquoi.

"- Et vous ? Est-ce que cela a été douloureux pour vous également ?"

Eh ! Ce n'était pas la question qu'il voulait poser ! Nan la vraie question était "est-ce que vous avez été bon avec moi pour mieux pouvoir me dévorer ensuite". Pourquoi diantre ne parvenait-il pas à la poser ? Foutues obligations sociales. Peut-être que Valmys aurait dû arracher à Dawan son secret pour s'en défaire.
Comme le pirate lui répondait, Valmys eut la sensation que les arbres se rapprochaient, en un cercle plus fermé autour de lui. Et Teotl lui semblait toujours aussi détendu. Comment le pouvait-il ? Ce n'était pas normal. Là, il avait vraiment besoin d'être rassuré.

"- Teotl ? Où m'emmenez-vous ?"

Là, sa voix trahissait ouvertement son inquiétude, sa peur. Ses mains s'étaient à nouveau crispées sur ses habits, au niveau de son sternum, comme pour les protéger. De subtiles notes appelaient à l'aide : il voulait que son camarade Sainnûr le rassure. Qu'il lui prouve qu'il ne risquait rien, et certainement pas un traquenard, ou une embuscade, ou quelque poison qui lui serait infligé dans son dos.

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Dire qu'il était curieux n'aurait pas été un reflet adéquat de la vérité. Il était fasciné. Pourquoi n'avaient-ils pas plus étudiés les lieux, alors qu'ils devaient regorger de tant de secrets ? Les mots de Valmys semblaient… incomplets, comme s'il ne racontait pas toute l'histoire. Pourquoi avaient-ils sentit le besoin d'être plus préparés ? Que s'était-il passé ? Teotl se contint plutôt que de lui poser la question immédiatement, la gardant de côté en attendant de trouver le bon moment. Il était évident que sa proie vivait mal cette aventure, pour une raison encore inconnue de lui et s'il ne souffrait pas d'une empathie exacerbée il pouvait néanmoins comprendre que l'on porte du respect aux témoignages de l'histoire et aux secrets du monde. Les hypothèses qu'il nourrissait étaient profondément ancrées et très importantes, à ses yeux, et il écoutait les apports de l'enfant d'une oreille attentive. Peut-être était-ce effectivement cette terre, ou bien tout autre chose. Il aurait aimé savoir. Comprendre ce qui lui arrivait, pourquoi et comment… Mais il se trouvait de toute évidence devant un autre gouffre de questions sans réponses, une manie qu'il n'appréciait pas du tout. Etait-il maudit pour s'embourber toujours dans un océan d'ignorance ? La frustration était intense, poignante, et fort heureusement il savait la ravaler car autrement il aurait certainement feulé de rage et aurait fait décamper sa proie immédiatement. Or il comptait la garder encore un peu. Ou beaucoup. Oui, définitivement il ne voulait pas céder à un besoin passager quand il pouvait obtenir plus, bien plus, et surtout… beaucoup plus. Oui, définitivement, consommer pour consommer aurait été dommage quand il pouvait capitaliser intelligemment sur la suite. Pour cela, il allait devoir se montrer charmeur avec Valmys, mais ne réussissait-il pas à merveille depuis le début ? Le pauvre Enwr n'était pas particulièrement farouche avec lui.

Le moment n'était pas à la faiblesse et à l'impatience, d'autant que, contrairement à ce qu'il pensait, Valmys avait en réalité de vraies pistes à fournir. Le pirate tandis l'oreille avec grand intérêt. Le temps avant transformation n'était pas le même pour tout le monde, curieux. En général on cherchait davantage les points communs, pas les différences, et pourtant, n'y avait-il pas là quelque chose à creuser ? Pourquoi était-ce plus rapide pour certains, et pas pour d'autres ? Son regard suivait les mouvements et la silhouette de Valmys, attentif. Toujours attentif. Toujours présent. Qu'est-ce qui passait dans sa tête ? Mais plutôt que de lui demander, le Scorpion posa une question toute différente, de sa voix de velours.

«  Dame Thaidforodren ? Qui est-ce ? »

Ce serait une nouvelle piste, une autre personne qu'il pourrait peut-être interroger. Il suffisait de savoir de qui il s'agissait, ce que la boîte à musique allait certainement lui avouer, puis il se chargerait de la trouver. Plus Valmys parlait, plus il se rendait compte que les symptômes étaient similaires aux siens. Subtilement différents, et pourtant semblables. Vint pourtant l'amertume dans la douceur, l'aloès dans le miel, avec la mention des elfes. L'autre était heureux de ressembler aux elfes après sa transformation ? Il… se voyait plus proche d'eux ainsi ? Le rejet viscéral, instinctif, manqua lui faire perdre toute sa bonne volonté et toutes ses bonnes résolutions. Il ne supportait pas l'idée de ressembler de près ou de loin à un elfe.

C'était pire qu'une souillure et cela le brûlait rien que d'y penser. Ses doigts tressautaient légèrement, prit qu'il était d'une envie de se gratter jusqu'au sang, de s'enlever la peau pour diminuer l'impression de rapprochement et de salissure qu'il ressentait. Se contenir était douloureux, angoissant, mais il le faisait quand même. La bile dans la gorge, il conserva pourtant une expression neutre en continuant de marcher. De sombres pensées percluaient son esprit, l'assaillant alors qu'il rejetait en bloc, dans un cri silencieux, l'idée même d'être un elfe. Il ne voulait pas être un elfe ! Tout sauf un elfe ! Il voulait être humain, il avait toujours voulu être humain… même s'ils ne vivaient pas très vieux. Cela tournait, encore et encore dans son esprit, tourbillonnant avec une violence sans commune mesure.

Une violence qui lui avait déjà fait faire des choses terribles. La pointe de ses oreilles palpita d'une douleur fantôme au souvenir de sa rage et des coups de couteau qui détruisaient la chair délicate… Il devait se contenir, absolument. Ce n'était que l'avis naïf d'un petit Enwr après tout, il ne devait pas le prendre comme parole divine. Valmys se trompait forcément, ou bien il essayait juste de vivre son rêve comme lui voulait vivre le sien. Il ne pouvait pas le laisser l'atteindre ainsi. C'était l'autre la victime, pas lui, et ça resterait comme ça ! Son souffle était profond, signe qu'il utilisait toute sa volonté pour conserver son apparence paisible et ne pas céder à quelque chose qu'il regretterait forcément, sur un coup de sang. Mais par Feu ! Il avait envie de frapper !

La soudaine question l'étrilla comme un coup de fouet. Il se raidit, rejetant sensiblement les épaules en arrière dans le mouvement et décocha un coup d'oeil tranchant et invisible au jeune musicien. Il y eut un blanc pendant quelques instants, alors que l'esprit surchauffé traduisait lentement l'interrogation qu'on pointait dans sa direction. Machinalement, sans vraiment s'en rendre compte, il se gratta un avant bras, raclant ses ongles sur le tissu alors que sa mémoire revenait lentement vers le moment où il avait… changé. Oui, ça avait été terriblement douloureux, et surtout effrayant. Il n'avait pas comprit ce qui se passait et aujourd'hui, il n'était pas plus avancé, alors que cela faisait plus d'un mois. Conscient que son interlocuteur attendait une réponse, Teotl se secoua pour la donner et ne pas attirer sa curiosité.

«  Oui, ça a été douloureux… très, pendant un moment, puis j'ai changé »

Son corps se détendait de nouveau, sous les tissus et le cuir. Non décidément Valmys n'avait pu être témoin de sa soudaine tension. Il ne lui restait qu'à desserrer les dents et rabattre cette colère monstrueuse qui l'habitait. La conversation n'était pas perdue… ou bien si ? Qu'est-ce qui lui arrivait d'un seul coup ? Pourquoi faisait-il une tête pareille ? La petite voix timide et tremblante, évidemment inquiète, le fit s'arrêter et se tourner pleinement vers lui. Qu'est-ce qu'il s'imaginait exactement ? Qu'il l'emmenait dans la foret pour le dévorer ? Oh… c'était ça qu'il avait imaginé faire au début, c'était vrai, effectivement, l'autre faisait bien de s'inquiéter, d'autant plus que la colère palpitait encore dans ses veines, enivrante. Il pouvait se laisser aller, s'offrir cet exutoire, le massacrer, personne ne saurait rien, personne ne pourrait appliquer la moindre justice.

Mais la part raisonnable de son être savait que c'était pour le moment une très mauvaise idée, qu'il perdrait plus qu'il ne gagnerait. Au pire ? Il trouverait une fille un peu plus tard et la casserait pour le plaisir. La chair à louer n'était là que pour satisfaire les désirs de l'acheteur… tous les désirs, non ? Il n'aurait qu'à se servir.

«  Dans la forêt, je n'ai pas d'idée précise, je ne connais pas bien les environs. Mais marcher sous les arbres est plutôt agréable, non ? »

Le jeune pirate avait prit sa voix la plus tranquille, la plus détachée et la plus chaude. Une voix pour amadouer, apaiser, comme une caresse subtile. Il n'eut aucun geste pour le toucher, conscient que l'autre avait du mal avec pareil contact… et puis il viendrait de lui-même en temps et en heure.

«  C'est un endroit parfait pour prendre l'air, se détendre, tu sembles en avoir besoin Valmys »

Il pencha la tête, très légèrement, et ses traits fiers se peignirent d'une subtile nuance concernée, inquiète. Son corps sembla se raidir de nouveau, légèrement mais, étonnamment, de façon plus visible, avant qu'il n'ait ce qui ressemblait à un léger mouvement de recule, une main se glissant dans ses cheveux pour les écartés, secouant la tête avec un plis amer aux lèvres.

«  Ah non, évidemment... »

Une exhalaison, légère, soufflée par le nez, alors que ses lèvres pleines se pinçaient davantage. Il reprit d'une voix lente, composée, un peu lasse et en même temps, amusée, comme si la situation appelait à la fois à la dérision, à la gaîté et à la tristesse. Comme s'il voyait soudainement une évidence qui lui aurait été jusque là invisible, occultée par ses propres pensées.

«  Tu as peur de moi, Valmys ? »

Le ton n'appelait pas réellement une réponse, bien que tout fit penser à une question. C'était davantage une remarque, et il jouait de ses airs. Autrefois, quand il était arrivé jeune à Gloria, il avait été contraint à beaucoup de choses pour survivre. Jouer les courtisans pour de fortunées dames ravies d'avoir un elfe pour compagnie n'avait pas été très agréable, mais il en avait tiré de nombreux bénéfices… comme savoir jouer de sa personne, ou avoir de quoi manger et se vêtir. Il avait déjà pu constater que le petit Enwr n'était pas indifférent à son jeu, à sa manière, et il avait commencé à le conditionner. Restait à voir s'il pouvait aller plus loin.

«  Tu sais, si j'avais voulu te faire du mal, je ne serais pas allé aussi loin. Il me suffisait d'un talus à côté de la route. Mais pourquoi aurais-je fais cela ? Qu'est-ce que ça m'aurait rapporté ? »

Il croisa les bras, haussa des épaules, nonchalamment. Puis soupira franchement, semblant un instant s'affaisser sur lui-même avant de se redresser, sa voix coulant à nouveau.

«  Oh je sais… c'est instinctif, après ce qui t'es arrivé. Quand tu as disparu, j'ai cru que tu étais mort en mer, sais-tu ? Mais non. Tu as survécu, et vu des lieux emplis de mystères. Je me demande… si tu accepterais de me les faire voir, si nous en avons un jour l'occasion. Qui sait… Toi sans doute, quoi que, peut-être pas. Pourquoi est-ce que je te fais peur, Valmys... »

Son ton s'allégeait, presque un souffle, alors qu'il faisait un pas en avant.

«  Je ne t'ai pas touché… pas comme ça... »

Un instant, un blanc, puis il eut un sourire, se voulant franc, se voulant simple, décidé et amical.

«  Mais allons… je glace l'ambiance non ? Je me laisse simplement porter par mes pieds, ne le fais-tu pas lorsque tu voyages ? Je n'ai simplement pas l'habitude de le faire à terre, je préfère l'océan. Cette forêt, néanmoins, n'est pas désagréable. De quoi parlions-nous ? Ah oui, nos changements… Oui, c'était douloureux pour moi aussi, mais c'est surtout la soudaineté, l'incompréhension qui m'ont alarmés. Au premier port venu, j'ai décidé de tout faire pour avoir des réponses, savoir si j'étais le seul. Je ne savais pas de quoi il s'agissait. Je n'étais cependant pas le seul, bien que nous ne soyons pas très nombreux, je crois »

Il fit quelques pas dans la futaie, écartant les bras dans un geste d'impuissance, englobant le monde autours d'eux, et pourtant, se parant d'un signe de dénégation.

«  Je ne sais toujours pas quoi penser de ce qui s'est passé, si cela doit être un bien ou un mal... »

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Valmys perçut, venant de Teotl, quelque chose de négatif. Il n'aurait su dire ce que c'était précisément ; colère, tristesse, appréhension ? Ce ne pouvait être l'annonce de l'identité de Dame Thaidforoden, la commandante de la Garde Impériale elfique. Alors était-ce le souvenir de son immaculation ? Voilà qui était plus probable. L'instant de flottement avant la réponse de Teotl n'avait pas échappé à son jeune confrère.
Cependant, tandis qu'il aurait pu rester sur sa dernière hypothèse et potentiellement tendre à proposer son appui face à ces douleurs du passé qui revenaient, l'Enwr trouva une bien meilleure supposition à se faire, juste assez effrayante et surréaliste pour s'imposer comme la meilleure : et si ce temps dans le vide n'était que l'attente d'un signe de ses chers collègues ? Le regard paniqué de la proie interrogea les environs, toujours sans rien déceler malgré ses sens immaculés. Peu importait, l'idée que les pirates puissent se cacher derrière les arbres restait d'actualité. Peut-être n'intervenaient-ils juste pas au bon moment, d'où l'appréhension de Teotl, qui voyait son plan découvert avant l'heure. Ou peut-être étaient-ils un peu plus loin, et le Sainnûr au regard invisible commençait à regretter son choix. Il devait y avoir quelque chose. La sensation oppressante à l'intérieur de la cage thoracique de Valmys ne pouvait venir de lui.

La voix de Teotl était des plus douces, de celles qui l'avaient apaisées dans ses moments les plus tourmentés, lorsqu'il avait été le baume frais sur la brûlure vive. Pourtant, cette fois, elle ne suffisait à le calmer. Marcher sous les arbres était agréable, mais pas lorsque l'on imaginait des crocs acérés des pires prédateurs derrière chaque tronc. Les doigts de Valmys se crispèrent sur le tissu de ses habits. Il aurait été incapable d'exprimer sa peur avec des mots, et encore moins devant quelqu'un qui y était lié. En ce sens, il fut presque satisfait que Teotl le comprenne sans qu'il ait besoin d'ouvrir les lèvres. Un bref instant, une pensée fugace le traversa, selon laquelle il aurait aimé pouvoir embrasser le ton doux du pirate, et l'inquiétude qu'il avait vis-à-vis de lui. Il aurait aimé pouvoir étreindre pleinement ses intentions, si elles étaient ce qu'elles prétendaient être. Un animal terrifié en lui l'en empêchait.

Sa bouche s'ouvrit et se ferma, bêtement, quand Teotl demanda s'il lui faisait peur. Oui... Non. Peut-être. Il n'aurait su répondre. Mais ce n'était pas contre lui ! Pas fondamentalement. Il ne fallait pas qu'il se vexe, qu'il se blesse !
Tout à ses hésitations, et à son air de poisson hors de l'eau, il n'eut au final pas le temps de trouver la réponse appropriée, et la formulation qui allait avec. En revanche, il sut exactement ce qu'il aurait pu prétendre à l'argument de Teotl en faveur de son innocence. Ce n'était rien qui puisse se dire : seul, face à lui, Teotl devrait affronter la magie de Valmys. Au milieu des bois, il était certain que personne ne l'entendrait crier lorsqu'on le priverait de sa magie pour mieux abuser de lui par groupe de dix. A cette pensée, la gorge du jeune Sainnûr s'étrangla, handicapant sa déglution, amplifiant l'impression des arbres se resserrant autour de lui, comme l'étau de plusieurs corps affamés. Une impression qui lui ôtait toute envie d'un quelconque câlin soi-disant réconfortant.

C'était extrêmement déstabilisant qu'un pirate puisse comprendre ses peurs. De quoi questionner l'identité de Teotl. Un infiltré d'une couronne quelconque au sein des pirates ? Une potentielle victime qui avait préféré rejoindre les bourreaux ? Quelque part, il pouvait comprendre. Tandis que le capitaine d'équipage du Maelstrom tentait de changer de sujet, Valmys le fixait, cherchant à lire par-delà sa peau ce que Teotl refusait de lui offrir. Ses lèvres restaient entre-ouvertes, et son regard arrondi, comme si, figé dans une position, il avait oublié comment se mouvoir à nouveau. De son observation, il n'obtint nul indice. Seulement une marque supplémentaire des intentions que Teotl montraient envers lui. Cela lui fendait le coeur.
Valmys rattrapa son interlocuteur, chercha à se mettre face à lui, à attraper de son regard celui, absent, de Teotl. Il savait quoi dire, il savait comment le dire. Les mots avaient pris forme et n'attendaient que de s'envoler du bord de ses lèvres. Sa voix était basse, inquiète:

"- Vous n'êtes pas ce que je crains le plus en ces lieux, Teotl." Il prit une inspiration, discrète mais présente, comme pour aspirer le courage alentour, et dire enfin ces mots qui avaient tant lutté pour passer la barrière de sa gorge. "Ce sont vos confrères qui m'ont touché qui me font peur." Il put reprendre son souffle après avoir dit cela. Mais l'émotion lui paraissait s'accumuler sous sa peau et dans ses yeux. Parler de son expérience était toujours difficile, comme si chaque mot donnait davantage de réalité au passé, et le ramenait au présent. "J'ignore où ils se trouvent, et j'ignore s'ils me cherchent. J'ai peur d'eux, j'ai peur que tout recommence." Alors qu'il peinait déjà à reconstruire ce qu'ils avaient brisé. Son âme, sa dignité, sa façon de voir le monde... Ses épaules s'affaissèrent sous un poids trop lourd pour elles. "Vous avez pris soin de moi. Vous m'avez aidé lorsque j'en avais besoin. Vous m'avez nourri lorsque j'avais faim. Pourquoi rester avec eux ?"

Ce n'était même plus "pourquoi l'avez-vous fait". Teotl devait être bon. Pourquoi ? Parce que sinon Valmys était beaucoup trop en danger pour l'admettre. Sa voix portait désormais la note des suppliques, sans qu'il sache exactement ce qu'il suppliait. Teotl n'avait rien à faire avec ces malfrats s'il avait le coeur aussi bon. "Pourquoi ne pas les quitter ? Si vous le souhaitez, nous pourrions voyager ensemble. Je vous montrerais le temple, nous irions au Domaine en savoir plus sur nos communes veinules. Nous saurions tous deux si nous pouvons nous réjouir de notre sort ou non." Sa voix s'était emplie d'une énergie qui témoignait de la sincérité et de la volonté de ses propos. Il essaya de se calmer un peu, pour redemander, plus calmement: "Pourquoi les suivez-vous ?"

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La manœuvre était gauche, mais néanmoins assez surprenante pour que le pirate en soit victime, et la surprise marqua un instant ses traits avec sincérité avant qu'il ne se reprenne. Voir le petit chanteur lui barrer soudainement le chemin n'était pas exactement ce qu'il avait prévu pour la suite. Cela ne le frustrait pas, cependant, et il se campa simplement, mains sur les hanches, un sourcils argenté levé en signe expectatif. Sa proie démontrait un lambeau de courage qu'il ne s'attendait pas à trouver chez lui mais qui l'amusait grandement. Si ses cibles se débattaient, c'était tout de même mieux. Cela donnait plus de saveur à la chose. Ce qui l'amusât encore davantage ? Ce que l'autre lui affirma soudainement. Il avait effectivement un peu plus de courage et de tripes qu'il ne pensait ! Ou bien était-ce le fruit de quelque traitement psychologique qu'il suivait depuis son évasion ? Et puis soudainement, il fut incapable de dissimuler son sourire. Devant lui s'offrait un choix digne d'une histoire narrative bardique. Il pouvait éluder la question, se couvrir de mystère, louvoyer pour appâter tout en ne révélant pas le fond de sa pensée. Il pouvait aussi inventer une histoire, rude ou douce, loin de la vérité. Ou il pouvait simplement lui dire les choses telles qu'elles étaient. Stupidement, son histoire était bien assez lourde pour émouvoir de faibles cœurs, il en avait déjà eut la preuve par le passé. Alors, la lui confier ? Valmys faisait partie de la catégorie de personnes intelligentes et de bonne volonté qui savaient garder un secret si on le leur demandait après tout, et la révulsion du chanteur pour les pirates amoindrissait encore les chances que les informations soient ébruitées d'une façon qu'il ne désirait pas. Pesant encore un instant le pour et le contre, il finit néanmoins par soupirer profondément.

« J'ai un intérêt à faire partie de cet équipage, qui n'a rien à voir avec la piraterie »

Puisque de tout évidence la boîte à musique avait prit racine devant lui et l'empêchait de continuer à marcher, il resta sur place, croisant les bras sur son torse. Dans l’entrebâillement de son manteau, le cuir se tendit sur ses muscles. Le silence sembla vouloir prendre ses droits autours d'eux un bref moment, mais Teotl le chassa de sa voix profonde à l'accent océanique, reprenant la parole.

« Nathaniel est mon père, Valmys. Si je reste à bord, c'est en grande partie parce que je désire parvenir à le lui dire un jour… et qu'il me reconnaisse »

D'un mouvement du bras, il ponctua la révélation faite sur le ton de la conversation, sans la moindre gravité. Il restait néanmoins très attentif à ce qu'il voyait dans les yeux de son vis à vis, ce que cela invoquait en lui. Les émotions qui pouvaient naître de cette information précieusement conservée mais qui, en fin de compte, n'était pas particulièrement importante en elle-même. C'était ce que cela impliquait qui pouvait l'être.

« Tu vois, j'ai passé la majeur partie de ma vie à tenter de retrouver ceux qui m'avaient donné la vie, pour comprendre ce qui s'était passé, le pourquoi de mon abandon et évidemment pour essayer de renouer. Avec ma mère... »

Il s'arrêta un instant, bras croisés, une main sous le menton, les épaules crispées mais le visage détendu. Ah sa mère… il entendait encore ses paroles venimeuses quand, innocent, il avait souhaité la rencontrer. Mais cela ne faisait plus écho d'aucune rage en lui, aucune peine, car à ces mots se mêlaient ses hurlements quand elle avait été tuée par les Almaréens grâce à lui. Elle avait payé son dû envers lui et il lui avait accordé le repos dans sa mémoire.

« Avec ma mère cela ne s'est pas très bien passé, pour ainsi dire. Donc je me suis tourné vers mon père. Cela m'a prit du temps pour le trouver, mais j'ai réussi, quelques mois après notre arrivée sur l'archipel. J'ai quitté Caladon pour Athgalan, et je me suis engagé sur le navire de Nathaniel sans rien lui dire, en attendant de trouver le bon moment »

De nouveau, le silence menaça d'engloutir les lieux, alors qu'il l'observait, et de nouveau, Teotl lui refusa son emprise sur eux, mettant un point final à sa diatribe, à son acte, attendant de voir à quel point l'autre allait réagir à ce qu'il lui révélait. Il n'avait mit aucun drame surjoué dans son attitude, aucune vièle, aucun chœur de lamentation, juste des faits, qui parlaient d'eux-mêmes dans leur crudité.

« Il a violé ma mère, comme n'importe quel bandit de grand chemin quand il met la main sur une dame de qualité. Mais s'il m'accepte, je serais tenté de lui pardonner et d'oublier ce petit détail. Cela étant dit, j'ai conservé une certaine liberté, un petit arrangement que nous avons, lui et moi… Si tu désire que nous allions au Domaine ensemble, nous le pouvons, ma fille s'y trouve comme apprentie. Peut-être que tu la connais d'ailleurs. Elle se nomme Ethuen. Quant au Temple, je seras très curieux de le voir »

Comme ils ne semblaient pas décidés à aller plus loin, le pirate s'installa confortablement sur une racine et croisa ses longues jambes musclées en attendant de savoir si la boîte à musique allait tourner de l'oeil ou non.

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Il était tendu, plus qu'il aurait souhaité l'être. Juste assez tendu pour que ses perceptions en soient troublés. Sans doute n'aurait-il pas vu les pirates qu'il craignait tant, s'ils avaient été là. Sans doute aurait-il sursauté si un malheureux insecte avait eu l'idée de s'immiscer brusquement dans leur conversation. Les perles ambrées teintées d'appréhension qui lui servaient de regard étaient braquées sur le visage de Teot, dans une expectative muette mais pesante.
Les premiers mots du pirate firent briller plus fort en lui la petite étincelle d'espoir qui, jusqu'alors, s'était crue folle et éphémère. Rien à voir avec la piraterie. Il le savait ! Il l'avait su ! Teotl n'était pas un pirate, il valait mieux qu'eux, il était spécial ! Plus encore qu'avant, l'elfe aux yeux bandés se fut l'objet de toute l'attention de Valmys. L'instant était précieux, important, et rare. Les révélations étaient de mise. C'étaient de ces moments d'avoeux où tout pouvait se jouer sur les ressentis. Mais Teotl pouvait-il seulement avoir une raison sans rapport avec la piraterie qui ne convienne pas à Valmys ? La pire des possibilités étant écartée, l'Enwr ne voyait rien d'autre qui soit dans le registre de son imagination. Ne restaient que les surprises -et celle-ci devait valoir son pesant d'or, pour pousser un être au coeur bon à se faire malfrat.

Son regard s'arrondit. Ses sourcils se haussèrent. Sa bouche forma un "o" de surprise qui ne se prononça pas. Cela faisait sens, oui. Leur ressemblance physique était indéniable. Néanmoins, cela ne faisait pas tout ! Teotl ne méritait pas pareil père. Pourquoi vouloir sa reconnaissance ? Ils étaient bien mieux sans liens. Ainsi Teotl pourrait se trouver meilleur figure paternelle.
Dubitatif, Valmys laissa tomber peu à peu la tension dans ses muscles sans même le réaliser, ses efforts partant plutôt -enfin- vers son esprit. Lui avait toujours su les raisons exactes de son abandon. Se mettant à la place de Teotl, il pouvait concevoir la recherche de vérité, l'envie de savoir. Il pouvait admettre que l'on veuille créer un lien avec ses géniteurs, selon la raison de l'abandon. Mais sitôt que les crocs d'orque se dessinaient en son imaginaire, toute empathie disparaissait. Non. Cela, il ne pouvait ni le comprendre, ni le concevoir. Cela échappait à toute logique. Ou alors, il lui manquait des éléments. Un bref instant, Valmys imagina que, peut-être, Teotl lui mentait, pour cacher des intentions plus piratesques. C'était peu probable. Des intentions piratesques ne collaient pas avec les soins qu'il lui prodiguait.

Reprenant vaguement ses esprits et sa contenance, l'apprenti baptistrel ressentit un soudain besoin de... De soutien. Physique, le soutien. Même s'il n'aurait pas craché sur une présence amicale à qui raconter l'incroyable histoire qu'il venait d'entendre, pour obtenir des conseils sur ce qu'il était censé ressentir maintenant. Avec la fatigue qu'il avait accumulée, et l'énergie que nécessitait la révélation, il se serait bien appuyé contre un arbre. Il n'était pas sûr que cela suffise -et cela aurait potentiellement mis Teotl à une hauteur gênante.
De façon un peu rude, Valmys se laissa tomber sur le sol, non-loin de son interlocuteur, plus qu'il ne s'y assis. En tailleur, les épaules tombantes et les coudes appuyés sur les genoux, il laissait clairement transparaitre que quelque chose lui avait échappé -ses forces et sa compréhension, en l'occurrence. Son regard se déroba un instant de celui de Teotl, tandis qu'il cherchait à la fois ses mots, et ce qu'il voulait dire, exactement dans cet ordre. Il balbutia vaguement quelque chose à base de "pourquoi", mais cela n'apporta rien de probant. Un soupir lui échappa, las de sa propre maladresse. Il ne l'était pas tant d'habitude. Mais là, les sentiments en vrac ne l'aidaient pas. Il s'aperçut que ses mains tremblaient, et chercha à les occuper en jouant avec l'herbe.

"- Je peine à comprendre. Vous savez, je... Il m'a toujours été dit que j'avais été abandonné." Essayait-il de donner de la valeur à ses mots, ou de porter l'un d'eux à se sentir plus proche ? Il ne savait pas. Il savait juste que c'était important pour lui de le dire. "Mais je dois avouer que s'il m'avait été énoncé que mon père était..." Il fronça le nez, avec une moue de dégoût, en prononça le titre comme on feule sur les maux du monde. "...Le capitaine du Maelstrom... Si on m'avait dit cela, je ne pense pas que j'aurais cherché à renouer avec lui. Pas en le connaissant, et pas en devinant les raisons de mon abandon." Ce n'était pas un reproche, sa voix n'en portait pas le ton. Il expliquait, avec tout le malaise de son actuelle situation ; le malaise d'un petit Sainnûr choqué, fatigué, et perdu. "Qu'attendez-vous de lui ? Que pensez-vous qu'il vous apportera ?" De l'affection, de l'attention, pour un fils qu'il n'avait même pas daigné éduquer ? Valmys le voyait plutôt partager les filles de joie et l'alcool, à la limite. Rien qui ne nécessitât d'être son fils. Rien qui vaille la peine de devenir un pirate. "Il y a en ce monde d'autres personnes qui n'attendent qu'un enfant à adopter, quelque soit son âge. J'ai bien réussi à me faire adopter il y a quelques semaines, je ne vois pas pourquoi vous ne pourriez l'être. Vous..."

Valmys marqua une pause. Etait-il en train d'expliquer à Teotl comment vivre sa vie ? Pourquoi faisait-il cela, au juste ? En se posant la question à lui-même, l'Enwr se surprit à répondre à voix haute: "Je suis désolé. J'essaye de comprendre. Ce n'est pas facile, je... J'aurais aimé qu'aucun de nous deux ne le connaisse." Sa voix s'étrangla. Ses mains se portèrent sur ses tempes, comme pour contenir ses émotions à l'intérieur de son crâne. Ce n'était pas le sujet. Et il ne voulait pas montrer à Teotl ce que ce dernier devait déjà deviné. Il ne voulait pas qu'encore une fois le capitaine d'équipage du Maelstrom puisse voir ses faiblesses. L'Enwr reprit, le plus naturellement possible: "Les voyages peuvent se faire sans être sur son bateau. Je repars bientôt pour Néthéril... Et si vous m'accompagniez ?" A sa seule voix il était possible de dviner qu'il s'attendait à un refus. Ce plan était trop simple, trop facile à imaginer. Teotl pouvait compenser ses points faibles, et lui il s'occuperait du reste. La vie serait tranquille et ils n'auraient plus qu'à chercher tous deux ce qui leur tenait à coeur ; un père pour Teotl, de l'exploration à s'en fondre les yeux pour Valmys.

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Il laissa le chanteur absorber le choc de l'annonce tout le temps qu'il lui fallut. Même s'il était d'un naturel emporté, Teotl avait pour lui une patience contradictoire dès qu'il s'agissait de ses intérêts et présentement, son intérêt n'était pas de brusquer Valmys. Puis, lentement, il fut contraint de serrer les dents pour maintenir une façade calme jusqu'au moment où, une fois de plus, il ne put que rire. Lui ne se laissa pas tomber à terre, il n'était pas assez en paix avec lui-même pour réussir à simplement se poser. Il avait besoin d'une forme de sécurité que seules ses jambes, debout, lui apportaient. Il pouvait bouger rapidement, esquiver, bondir. Sa marge de mouvements n'était pas entamée par une position assise qui le desservirait. C'était ironique en soi de voir comme quelque chose de si anodin les différenciait tous les deux. Lui était bien trop méfiant et attentif pour s'affaler. Il avait trop vécu pour se le permettre, c'était une forme d'innocence à laquelle il n'avait pas vraiment droit. Plutôt que de répondre de but en blanc aux questions de l'Enwr, le scorpion décida de poursuivre son histoire, avec des détails qui viendraient jeter seuls de la lumière sur les zones d'ombre de son comportement. Du moins, en partie. Il resterait toujours des zones d'ombres, tout simplement parce que lui n'avait pas subit ce que Valmys avait subit aux mains de Nathaniel. Mais la fêlure chez l'Enwr était importante en un sens.

« Lorsque j'ai rejoins les bois pour rencontrer ma mère, on m'a laissé faire. Elle est venue à ma rencontre dans le royaume elfique. Je lui ai fait part de mon souhait, le cœur en bandoulière, j'étais plein d'espoir, et assez fier de ce que j'étais. Elle n'était pas du même avis. Elle ne m'a pas seulement rejeté, elle m'a humilié publiquement. Elle a prit mon cœur et la broyé. Elle ne voyait en moi que mon père. J'étais forcément comme lui à ses yeux car je provenais de son essence. J'étais brisé, mentalement, affectivement. J'avais perdu mes parents adoptifs que j'avais vu mourir de vieillesse devant mes yeux, et je venais d'être rejeté de la pire façon qui soi. Et j'étais encore un enfant »

S'interrompant, il croisa les bras, marchant lentement dans l'espace forestier, toujours à portée immédiate de voix, sa queue bougeant en rythme sous son manteau.

« Je suis resté un moment au Domaine pour être soigné, puis je suis partie. Je voulais trouver mon père. Je ne savais rien de lui et je n'avais que les affirmations d'une femme cruelle qui m'avait brisé sans le moindre égard, pourquoi est-ce que je l'aurais cru sur parole ? Je voulais savoir qui était Nathaniel. J'avais cent ans, environ, quand je suis arrivé à Gloria. Mais je n'avais pas conscience que le début de ma vie avait été terriblement privilégié. J'ai connu la faim, le froid, les parasites et les infections. Pour survivre, j'ai volé, tué, vendu mon corps et mon temps. Je n'avais pas d'autres choix. Je faisais tout ça avec pour seule motivation de survivre assez longtemps pour voir mon père. Puis j'ai grandis. Tout cela m'a fait grandir… et malgré tout, je cherchais encore mon père »

Ses lèvres grises s'étirèrent en un sourire léger. C'était ironique en soi car après tout ce qu'il avait traversé, ce rêve d'enfant restait, comme éternel. Et il le conservait malgré lui.

« Chaque fois que je me dis que je devrais laisser tomber, j'entends la voix de ma mère dans ma tête. Je l'entends hurler, me haïr… et je me dis que malgré tout, oui, je veux qu'il me reconnaisse. Ce n'est pas lui qui a rejeté sur moi la faute d'un autre, ce n'est pas lui qui a abusé de moi et de ma jeunesse, ce n'est pas lui qui m'a regardé en face et a décidé de me détruire. Alors oui, je veux qu'il me reconnaisse. Je ne veux que ça, ni affection particulière, ni effusions. Juste qu'il me reconnaisse. J'ai eu une famille d'adoption… aujourd'hui, ce que je cherches, c'est autre chose. Et seul mon père de sang pourra me donner spécifiquement cette chose »

Un instant, il resta silencieux, puis, avec un soupire, il s'approcha du chanteur et se mit à sa hauteur, à croupetons, prêt à se redresser si le besoin s'en faisait sentir. Son sourire se fit plus charmeur, plus chaud, comme pour chasser la froideur de l'histoire qu'il avait conté.

« J'accepte ton invitation Valmys. Cela me fera un peu de repos. De toute façon mon travail à bord du Maelstrom est trop simple… aucun marin n'irait contrevenir à mes directives ou celles du capitaine quand ils savent que je peux les paralyser et les dépecer vivant en les obligeant à tout ressentir sans qu'ils ne puissent même hurler »

Laissant volontairement le blanc, alors qu'il avait parlé sans se défaire de son sérieux, Teotl éclata de rire et lui caressa légèrement la joue, affectueusement. C'était la pure vérité mais il ne voulait pas faire peur à sa proie. Il voulait jouer différemment avec.

« Je plaisante, tu ne l'as pas cru n'est-ce pas ? »

Cette fois, il se redressa puis s'étira souplement, sa queue se redressant et balançant derrière lui. Soupirant légèrement, il roula des épaules, faisant de nouveau se tendre le cuir de son armure gainée. Laissant retomber les bras, il se massa la nuque, puis prit une brindille qu'il fit tourner entre ses doigts pour s'occuper.

« Quand dois-tu repartir exactement ? Et où voudrais-tu aller surtout je pense. Je serais ravis de t'accompagner, mais je dois vérifier que c'est possible sans t'attirer des ennuis… donc, en laissant mes affaires en ordre »

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Il était aisé de s'identifier à Teotl. Décrivant une femme qui, à travers son fils, n'en voyait que les origines, l'elfe aveugle dessina dans l'esprit de Valmys les traits que ce dernier avait toujours imaginé à sa propre mère. Et ce rejet qu'il évoquait, c'était celui que sa propre mère lui avait en silence imposé, et qu'elle lui aurait sans doute imposé s'il avait eu le malheur de vouloir la retrouver, vivante. Par chance pour le petit être, ces images, il les avait imaginées assez tôt, assez fort, pour ne pas même désirer les mettre au défi de l'existence. Un seul symbole de manque d'amour lui avait suffit, il n'avait nul besoin de s'aloudir d'avantage de peines immutables.
Ipso facto, ressentir ce qu'avait pu ressentir le fils de l'Orque était aisé. Désirer l'aider à porter ce fardeau était instinctif pour celui qui avait apprécié le soutien qui avait pu lui être apporté. Figé par cette profonde compréhension, qui le touchait si intimement, Valmys opinait vaguement du chef, son regard paraissait fixé sur le vide, ou sur le mouvement de la queue de scorpion de son frère de misères.

De même, Valmys imagina un peu trop bien quels quartiers de Gloria un petit être perdu en quête de survie avait pu fréquenter. Il eut une moue crispée, les lèvres pincées. Ses poings se fermèrent avec force, contenant ce que lui évoquait ceux qui avaient pu abuser d'un jeune elfe. Teotl n'avait pas mérité cela. Personne ne méritait cela, et les brisures que pouvaient engendrer de tels actes. Encore un point commun, et encore un point que Valmys aurait préféré ne pas partager. Teotl éclairait peu à peu les ombres qui avaient intriguées son cadet. L'apprenti baptistrel devinait un peu mieux pourquoi Teotl ne s'était pas interposé aux traitements qui lui avaient été infligés. Il comprenait également pourquoi il lui avait prodigué tant de bons soins.

Une unique question demeurait, dès lors. Qu'attendait-il pour dire au capitaine de ce maudit navire qu'il était son fils ? Craignait-il de n'être pas reconnu s'il ne préparait le terrain ? Ce n'était pas impossible. Valmys crut que le discours de Teotl lui apporterait la réponse, mais rien ne vint en explication. Il admit, pour contenter son besoin de comprendre, qu'il s'agissait effectivement de craintes, et de la lenteur naturelle du beau peuple. Celui qui lui ressemblait tant, et avait souffert comme lui ne pouvait désormais plus lui mentir, ou lui cacher quoi que ce soit de si important, à l'image d'un réel dessein dans la piraterie.
L'Enwr avait à nouveau offert un signe de compréhensio, tandis que Teotl se mettait à sa hauteur. Lui aussi aurait aimé pouvoir espérer quelque chose de son père de sang. Malgré tout, un trouble restait en lui. Il ne savait que souhaiter à celui qui l'avait protégé ; que le vil Orque le nie, le forçant loin de lui, ou qu'il l'accepte, et qu'il le garde au sein de la piraterie. Teotl envisageait-il déjà ces futurs ? Et appréhendait-il ces choix ? Voler, tuer, violer, toutes ces choses qui brisaient les êtres, qui semblaient l'avoir au moins marquées... Etait-il prêt à les réitérer, à en faire son quotidien ? Pour un père ? Il vint à l'esprit de Valmys que, peut-être, était-ce là quelque chose qu'il ne pourrait comprendre, n'ayant cette opportunité. Quelque chose dans sa poitrine se serra, comme si perdre le Teotl chevalier blanc qu'il avait connu attristait une part de lui qu'il n'identifiait pas encore.

La plaisanterie de Teotl eut pour effet de faire se hausser les sourcils de Valmys, et d'arrondir son regard, pour offrir cette expression très particulière de celui qui n'ose y croire. T-Teotl avait vraiment dit ça ? Aussi naturellement ? Teotl, le mignon petit immaculé ?! Nan. Si ? Si si. Par chance, l'éclat de rire vint juste à temps, pour éviter à Valmys de devenir tout pâle. Au lieu de cela, il eut un soupir faussement blasé, et un sourire en coin. Un sourire amusé, qu'il n'avait peut-être encore jamais offert au spirite du scorpion, et qui pourtant lui avait été familier avant le passage sur le bateau de son père.

"- Rah ! J'oublie parfois que tout le monde n'est pas baptistrel, tu sais ?"

N'avait-on pas idée, aussi, de jouer ainsi sur la vérité, et jouer à lui faire peur ! Valmys était enfin passé au tutoiement, par mimétisme. Il suivit Teotl, se relevant, principalement pour dépenser son énergie sur autre chose que sur la sensation inattendue qui restait sur sa joue après l'inattendue caresse. Il ne voulait pas trop y penser, pas trop se poser de questions à ce sujet. Ses dernières questions en date comportaient de potentielles réponses qu'il ne voulait envisager. Mais tout de même... Recevoir de l'affection, aussi délicatement, il fallait reconnaitre que ce n'était pas désagréable. Le regard de Valmys traina encore un peu sur l'appendice caudal de celui qui le précédait, de daigner se tourner enfin vers le bandeau de Teotl, puis vers les mouvements hypnotiques de sa brindille. Les spirites du Scorpion avaient assez mauvaise réputation, et Valmys avait envie de réduire en poussière ces préjugés.
D'une voix relativement sereine, plus sereine en tout cas que ce qu'il avait pu offrir à Teotl jusqu'alors, il répondit donc :

"- Je pars d'ici deux jours, pour le Domaine. Mais je dois pouvoir m'arranger pour décaler mon départ si c'est trop hâtif pour toi." Il eut à nouveau un petit sourire en coin. "J'ai quelques privilèges supplémentaires, depuis quelques semaines. J'ai été adopté par l'ami que j'étais venu voir, à Caladon. Le bourgmestre."

Après tout ce que Teotl lui avait dit, ne pouvait-il pas également dévoiler une part de ses secrets ? C'était d'autant plus intéressant dans la mesure où ils pouvaient tous deux avoir besoin de son appui financier pour le voyage, si effectivement il venait à être décalé. Valmys ignorait quelles relations les pirates pouvaient entretenir avec Caladon. Il les imaginait tendues. Les marchands ne devaient guère apprécier les pillards des mers. Voulant rassurer son futur camarade de voyage, il ajouta donc :

"- Si tu le souhaites, j'éviterai de lui parler de toi." Il embraya sur un autre sujet, comme pris d'une illumination qu'il craignait de voir partir s'il ne la saisissait pas. "Si tu as séjourné au Domaine, peut-être connais-tu une part de ma famille de sang : les Neolenn. Ilyanth Neolenn est Chantefeu depuis quelques années. Je l'ai rencontré pour la première fois il y a quelques mois." Son sourire se fit un peu plus triste à cette évocation, et à celle qu'il allait faire. Peine et nostalgie, rien d'inhabituel. "Je n'ai pas passé beaucoup de temps au Domaine, je ne pense pas connaître votr-ta fille. Ce sera l'occasion de faire connaissance." Il n'avait pas retenu son nom Mais Teotl le prononcerait sans doute à nouveau à un moment. "Est-ce que ce plan te va ?" Un bref instant, il eut envie de lui rendre la caresse qu'il lui avait offert plus tôt. Comme si, depuis qu'il les savait très semblables, prendre soin de Teotl était prendre soin de lui-même. Par chance, il avait encore assez de bonnes manières inculquées par les pirates pour garder ses mains loin d'une peau quelconque.

Dernière édition par Valmys Neolenn Leweïnra le Sam 19 Jan 2019 - 13:14, édité 1 fois

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Il haussa des épaules en un geste permissif sans pour autant se fendre du moindre commentaire. Ce n'était pas tant qu'il n'y attachait aucune importance, c'était plutôt qu'il n'avait rien à en dire à part peut-être qu'il n'imaginait pas Valmys comme le seul membre de la Rhapsodie qui oubliait que le reste du monde ne fonctionnait pas comme eux. Aussi, comme il n'avait rien de stratégique à énoncer, il préférait amplement se taire et passer à la suite. Le plan semblait bien plus malin. Plutôt se concentrer sur le fait de passer plus ou moins des semaines presque seul en compagnie de cette adorable petite chose qu'il comptait bien enrouler autours de son doigt et l'y garder bien attaché. Deux jours était un délai court, presque trop pour amadouer son capitaine de père, mais s'il ne disposait que de cela, alors il ferait avec. Les idées d'explications ne manquaient pas, heureusement. Secouant légèrement la tête, il lui fit donc savoir que non, deux jours iraient très bien, alors qu'intérieurement, son esprit tournait déjà pour mettre en place son plan de bataille. La vie lui avait apprise à être d'un naturel opportuniste, à saisir les occasions qui se présentaient sans avoir de remords, juste avec cette pincée de bon sens qui faisait regarder les choses avec du recul afin de ne pas se prendre les pieds dans la propre toile que l'on tissait et jusqu'ici, il trouvait qu'il s'en était assez bien sortit. La seule ombre au tableau pour lui était évidemment ses déboires avec le Souffle, mais il ne pouvait même pas affirmer que cela provenait d'une erreur de jeunesse car il ne regrettait pas son entrée dans la guilde des tueurs, elle lui avait offert les armes qui lui manquait pour qu'il survive à la suite. Cette fois-ci n'avait vraiment rien de différent. Valmys était une opportunité à saisir et il avait eut raison de jouer les chevaliers blancs jusque là.

« Voilà qui a l'air d'une histoire en or. Comment est-ce arrivé ? »

Se le mettre dans la poche allait réellement être un avantage. L'inquiétude qu'il montrait lui tira un vague sourire un peu en coin. Il haussa les épaules, un geste qui allait finir par devenir une habitude chez lui avant peu. C'était cependant sa meilleure réponse à nombre de problèmes.

« Tu le connais... »

Il n'eut pas l'occasion d'aller plus loin, l'autre continuant immédiatement. En vérité, il ne s'était pas vraiment intéressé de près aux habitants du Domaine, ils étaient trop différents, trop éloignés de ses propres habitudes et considérations. Et contrairement à d'autres, une ignorance mutuelle semblait leur convenir, alors pourquoi chercher plus loin ? S'il venait, c'était pour sa fille et son petit-fils. Alors, hélas, il n'avait pas vraiment fait connaissance. Mais évidemment, si Valmys lui demandait de l'accompagner il serait sans doute forcé de faire un effort, au moins pour continuer à jouer son rôle. Que ne ferait-on pas pour sa satisfaction personnelle. Lui coulant un regard de côté sans qu'il ne s'en rende compte, Teotl soupesa une réponse pourtant déjà largement écrite. Ce n'était pas comme si cela lui demandait beaucoup d'efforts pour le moment, un peu, par ci par là mais sans plus.

« On peut oui. Cela étant dit, je ne suis pas très doué pour… faire connaissance. Mais si nous nous trouvons tous deux sur le Domaine, cela nous donnera l'occasion de questionner tes maîtres à propos de notre état. Je suis particulièrement intéressé par ce qu'ils peuvent nous apprendre. Après tout, en savoir davantage nous permettra de savoir ce que nous sommes. Peut-être ont-ils débuté leurs propres recherches sur le phénomène, tu ne penses pas ? Je doute qu'un ordre majoritairement tourné vers la médecine ferme les yeux sur cela »

Oui, son intérêt ne se portait pas que vers la boîte à musique en elle-même. Il y avait aussi le cas de leurs changements et il voulait vraiment, profondément, savoir à quelle sauce il était mangé. Il voulait comprendre : Pourquoi ? Comment ? Quelles étaient les conséquences ? Qu'est-ce que ça voulait dire ? Toute sa vie il avait rêvé d'être humain, désormais, on lui imposait un changement sans qu'il n'ait la moindre information dessus. Et si c'était pire que d'être elfe ? Est-ce que quelque chose pouvait être pire que d'être elfe d'ailleurs ? Combien de cas y avait-il en tout ? Est-ce qu'ils étaient tous semblables ? Le Domaine était le centre du savoir des races, alors oui, il en attendait énormément. Il savait aussi qu'il risquait de mal vivre ses découvertes, surtout s'il anticipait trop mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Il n'était même pas certain de savoir ce qu'il ferait une fois qu'il aurait les informations qu'il cherchait.

« En tout cas, comme j'allais le dire, tu connais ton père adoptif mieux que moi, alors je te laisse juge de ce que tu lui diras ou pas. Je n'ai aucune préférence personnelle à ce sujet. »

Ils pouvaient tout aussi bien attendre un peu avant de faire les présentations à la belle famille. Il doutait que l'Indigne fut un vieux puritain elfique, auquel cas il ne porterait pas ce tendancieux sobriquet Mais bon, on devenait toujours un peu spécial avec ses propres enfants alors autant laisser Valmys gérer ça. Son sourire revint, sans qu'il ait eut conscience de l'abandonner, et il s'arrêta pour regarder les alentours. Ils étaient profondément enfoncés dans la forêt, sur un petit chemin de terre à peine tassé par les quelques pas des chasseurs et des visiteurs divers. Finalement, leur rythme les avait poussé plus loin qu'il ne l'aurait pensé. Il pouvait toujours bifurquer vers la rivière qu'il entendait vaguement puis la descendre jusqu'à rejoindre la ville, cela leur aurait fait une agréable balade. Ou alors il pouvait faire demi-tour mais ça n'aurait guère de charme. Est-ce qu'il s'en souciait ? Dans l'optique de manipuler sa proie, oui tout de même. L'autre était plus sensible que lui à ce genre de choses.

« Pourquoi ne pas terminer notre marche et rentrer ? Si tu n'es pas attendu où que ce soit dans l'immédiat, nous pouvons manger ensemble et discuter de la suite... »

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Valmys offrit un petit sourire à Teotl, quand ce dernier évoqua n'être pas spécialement habile pour faire connaissance. Avec tous les bipèdes qu'il avait pu fréquenter, il devinait plus ou moins ce que cela indiquait sur le caractère de son nouveau camarade de route. Rien de dramatique à cela, l'Enwr saurait faire la conversation pour deux et, s'il parvenait à faire suffisamment connaissance avec son chevalier blanc, peut-être même pourrait-il espérer savoir lire dans ses pensées et adapter les circonstances pour qu'elles aillent dans leur sens. Emmener Teotl au Domaine impliquait un second but, instinctif, mais qu'il suivait sans même le réaliser : il fallait que le maître d'équipage passe un bon séjour au Domaine, et qu'il puisse avoir envie d'y retourner. N'était-ce pas là l'obligation de chaque hôte ? Ç'allait être la première fois que Valmys allait avoir ce rôle, mais les quelques mauvais hôtes qu'il avait pu rencontrer dans son existence lui avaient intrinsèquement donné le goût d'éviter cela à ceux qu'il... Estimait ? Appréciait ? Mh. Cela sonnait bizarre, non, d'associer un de ces mots avec un membre du Maelstrom ? Un peu gênant, un peu inavouable. Aldaron ne le comprendrait sans doute pas, lui qui avait vu les impacts de son voyage sur le navire maudit. Son fils ne lui en parlerait pas. Pas tout de suite, en tout cas.

Un mouvement affirmatif du chef, et Valmys repartait avec Teotl sur le chemin de leur balade, un peu plus serein. Il lui arrivait encore, régulièrement, de jeter des coups d'oeil à son guide, comme pour apprendre à lire à travers lui. Cela ne fonctionnait pas très bien, mais il était sûr qu'avec le temps, il arriverait à quelque chose. Le chemin fut l'occasion, au final, de prendre l'air comme il l'avait souhaité originellement, récupérer sa dose de chlorophylle et de diverses odeurs des sous-bois, de la fraicheur et de la présence qu'apportaient les troncs alentours. Il offrit à Teotl quelques instants de paix et de silence, pour qu'il en profite également, mais également la fameuse histoire de sa rencontre avec Aldaron. C'est qu'elle était épique, et qu'elle valait la peine d'être racontée ! Teotl eut également droit à quelques questions plus badines en apparence, sur ses goûts alimentaires, sur l'origine de son bandeau, sur les endroits qu'il avait pu visiter et aimer. Valmys évoqua sans crainte son envie d'un jour retourner voir Nyn-Tiamat. Rien d'anormal, pour un lié de l'hermine. Il conta brièvement que c'était la première île qu'il avait découverte.

La confiance qu'il accordait à Teotl se vit affirmée lorsque, à leur retour, il eut le choix de l'endroit où les emmener manger. Ce qui était parfait : son brave sauveur allait pouvoir découvrir les meilleurs champignons de Caladon, et avec quelqu'un d'asssez honnête pour le prévenir d'user du bon sort avant. Alors allait-il en profiter pour lui parler de Papachroma, et de la façon par laquelle ils s'étaient tous deux retrouvés hautement champignonnés ?
Nan. Pas tout de suite. Valmys ne s'était pas encore remis de l'horrible décoration qui avait été leur méfait, et le traumatisme était trop présent pour qu'il avoue quoi que ce soit. Du vert avec du violet... En fouillant les volumes d'histoire du Domaine, l'apprenti était certain de pouvoir retrouver le nom d'une personne qui avait pu être punie d'une telle atrocité.

Le voyage en bateau parut bien déstabilisant au plus jeune des Sainnûrs. Malgré la retenue qu'il essayait d'avoir, il avait l'impression de chercher la présence de Teotl. Non pas pour lui parler, ni pour obtenir un mot de lui. Mais il avait appris à associer, sur un navire, sa présence à la sécurité. Maintenant que la liberté lui était laissée de pouvoir déambuler à loisir et aller à sa rencontre, il n'avait qu'une envie : rester fourré dans les pattes de son protecteur. Qu'aurait-il pu leur arriver, s'il y avait un terrible scorpion pour empêcher qui que ce soit de lever la main sur lui ? Comme pour approuver cet instinct, le voyage ne leur offrit nul raison de s'inquiéter. Valmys eut l'occasion d'évoquer bien d'autres choses à Teotl, de ses animaux jusqu'à son amour pour l'architecture, en passant par quelques savoirs plus généraux qu'il avait, sur les arts, l'histoire, et la vie marine de l'ancien continent. Le chevalier du scorpion eut l'opportunité de découvrir un Valmys plutôt jovial... Même s'il n'osait fraterniser avec les divers employés du bateau.

Lorsque Néthéril fut en vue, ce fut avec une excitation enfantine que Valmys l'annonça à Teotl. Néthéril ! En prononçant ce mot, l'Enwr avait une impression toute particulière. Ce n'était pas habituel pour lui, encore, d'avoir une attache. C'était encore moins habituel de présenter cette attache, pour ce qu'elle était. Et son petit coeur battit d'une façon toute particulière quand Teotl foula pour la première fois le sol du Domaine. Alors ? Cela lui plaisait ? Nan parce que... Valmys aimait beaucoup cet endroit. Il aurait aimé pouvoir partager ce sentiment avec quelqu'un. Ou au moins avoir l'impression d'un sentiment partagé.
Quand ils se furent remis du voyage, il entraîna Teotl dans tout le Domaine, lui faisant visiter comme s'il n'y avait jamais été. Le souci se trouva principalement lorsqu'il voulut lui faire visiter des endroits que lui-même ne connaissait pas ("alors là c'est la salle de, euh... Bonne question."). Comme convenu, ils purent tous deux voir un maître, et s'enquérir de leurs veinules, découvrir qu'elles n'étaient pas mauvaises pour la santé, normalement. Si Valmys s'en vit rassuré, d'autres questions lui vinrent. Pourquoi ces changements ? Avaient-ils un objectif, et une explication sur le choix des personnes, et les changements impliqués ? Pourquoi eux, pourquoi ainsi ? Et surtout, par les Huit... Qu'allait-il faire de ces siècles qu'il avait désormais devant lui, quand il ne s'était jamais préparé qu'à une poignée de décennies ? Il avait toujours vécu au jour le jour. Le pouvait-il encore ?

Il en demeura profondément troublé. Assez pour oublier comment tenir une conversation normalement. Il se montra pensif, songeur, sans oser en parler de prime abord, estimant ces réflexions intimes. Il s'essaya ensuite à les éviter, harcelant presque ce pauvre Teotl pour des jeux, ou n'importe quelle activité qui aurait tenu son esprit assez occupé pour ne pas songer au vertige des siècles qu'il allait pouvoir traverser.

Son trouble durait, et cela l'agaçait. D'autant plus qu'il percevait très bien que cela l'empêchait d'être envers Teotl celui qu'il aurait aimé être. Alors, après un repas, il se rendit timidement dans les appartements/la chambre qui avaient été alloués à son invité, pour lui avouer, tout gêné, qu'il avait besoin de parler. Quelques gestes nerveux trahissaient son malaise, tandis qu'il posait à Teotl mille questions pour savoir ce que lui aurait fait à sa place, ce qu'il faisait actuellement, sa façon d'envisager l'avenir. Ses questions ne cessèrent que lorsque la fatigue l'étreignit, faisant dodeliner sa tête et alourdissant ses paupières. Peu importaient les réponses, au final. S'il y avait la voix de Teotl pour répondre aux questions dans sa tête, il n'avait plus à s'en charger. Un véritable soulagement.
Il remercia chaudement Teotl, pour sans doute bien plus que ce que le pirate pouvait imaginer, et le laissa à sa nuit, un sourire fatigué mais sincère sur les lèvres.

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Le retour à Caladon se fit sans encombres, bien qu'intérieurement, le pirate se fit plus tendu, plus attentif, ne voulant absolument pas croiser un des hommes de son père maintenant car ces imbéciles allaient forcément gâcher tous ses efforts pour préparer mentalement Valmys à la suite. Et il n'avait pas envie de payer la prime d'un décès à Nathaniel bêtement. Il se tenait donc prêt à trouver une excuse plus ou moins honnête pour changer la direction de leur trajet s'il voyait quelque chose de suspect. Même si simplement affirmer ne pas vouloir croiser un des tortionnaires de son petit animal de compagnie serait certainement très efficace pour le convaincre en plus de le faire passer pour meilleur qu'il n'était en esquivant un combat plutôt que de faire du mal à quelqu'un. Pour un Baptistrel, cela ne pouvait que faire monter son appréciation. Fort heureusement, ils n'eurent pas à en arriver là immédiatement et lorsqu'ils s'installèrent pour manger, Teotl s'installa face au reste de la salle pour pouvoir la surveiller efficacement, ne s'en cachant même pas si le petit apprenti se trouvait curieux de le voir faire. Il voulait que tout se passe bien, il lui fallait pour cela être capable de voir un potentiel ennui entrain d'approcher. Il fut cependant assez amusé de ce que Valmys souhaitait lui faire essayer et n'eut guère de mal à avouer n'avoir jamais apprit la magie. Il laissa l'Immaculé lui administrer le sort, amusé intérieurement que l'autre soit obligé de le toucher pour ça et faisant exprès d'être très docile tout le temps que dura le sort, et le contact avec lui. Avec un sourire chaud et un soupçon intime, il le remercia de son aide et lui proposa dans la foulée d'être son professeur en magie.

« Je n'ai jamais eu l'occasion d'apprendre, vois-tu. Je suis nais lorsqu'elle était au plus bas et élevé dans une famille humaine qui n'en était pas familière. Quand les dragons sont revenus, j'étais déjà adulte et n'avait plus vraiment l'occasion de le faire... »

Il mangeait dans un silence relatif mais pas dénué de quelques instants de conversation choisi, toujours dans l'optique d'en savoir davantage sur lui et surtout sur ses relations à Caladon. Néanmoins, il tâchait pour l'heure de respecter les limites qu'il trouvait, notant intérieurement là où elles se trouvaient afin de les repousser plus tard. Il n'était pas pressé désormais, pas maintenant que Valmys s'enferrait dans ses griffes et à son hameçon, il pouvait prendre son temps et avait assez confiance en ses charmes pour penser que l'hermine n'irait pas lui faire faux bond. Celle-ci pu découvrir, par la suite, qu'il était bien plus détendue et plus prompte à discuter lorsqu'il se trouvait à bord d'un navire. Loin de repousser la demande de présence de l'apprenti, Teotl l'accueillait avec patience et de façade, une certaine satisfaction dosée. Pour l'occasion, et grâce à l'air marin qui adoucissait ses humeurs, le Scorpion essaya de montrer au chanteur ce qu'il voyait de magnifique dans les voyages en mer, ce que lui aimait dans cet univers immense et sans frontières. Profitant que Valmys soit lui aussi de meilleure composition et semble éviter tout autre que lui, Teotl le fit notamment grimper sur la figure de proue, lui montra les créatures marines qui venaient s'ébattre près de la coque et des nombreuses merveilles marines de l'Archipel. L'apprenti, lui, partagea avec lui d'autres histoire de sa vie, et ses connaissances. En fin de compte, si on omettait ses intentions finales, cela aurait pu passer pour un échange amical comme n'importe quel autre. Mais par bonheur Valmys n'avait pas la possibilité de regarder ses pensées, ou tout cela n'aurait pas eut de sens. Il restait donc seul dépositaire du fin mo de l'histoire.

Leur arrivée à Néthéril l'amusa encore davantage, voir le jeune apprenti tout guilleret et confiant alors qu'ils passaient ensemble les portes du Domaine. Ayant déjà visité les lieux, il n'eut pas besoin d'être inspecté de nouveau et ça lui allait très bien, sinon, ses plans se seraient probablement arrêtés là. Victime consentante, Teotl se laissa guider au travers du domaine, précédé de Valmys qui jouait les guides touristiques. Leur entrevue avec un des maîtres s'avéra être une sacré surprise, puisqu'il s'agissait de celui qui avait originellement sauvé la vie du pirate deux cent ans plus tôt. Il se montra ouvert avec eux, leur expliquant ce que l'Ordre avait pu apprendre sur la transformation appelée Immaculation. Lorsqu'ils sortirent de cette entrevue, Teotl resta un long moment silencieux, perdu dans ses pensées. Valmys fut une distraction intéressante et pour une fois, son comportement fut totalement sincère, trouvant chez l'Enwr une façon de se nettoyer l'esprit, de repousser toutes ses interrogations. Elles restaient pourtant, et elles étaient partagées. Au cœur de la nuit, ils échangèrent finalement, lui essayant de répondre aux questions de la petite hermine alors qu'il ne maîtrisait déjà pas ses propres questions personnelles. Ce qu'il faisait ? Il essayait de vivre sa vie du mieux qu'il le pouvait avec ce qui l'habitait et ce avec quoi il s'était construit, se donnant des buts, et des limites. Son avenir ? Vivant, certainement, et sans végéter, sur l'eau si possible. Il continuait sa route, avec ses proches. Peut-être avec Valmys ? Il laissa la porte se refermer derrière lui, finalement, et un instant, se demanda, avec franchise, ce qu'il faisait vraiment.

L'instant suivant, il bondissait hors du lit et rouvrait la porte.

« Valmys ? »

L'Enwr ne se téléportait pas, il le trouva dans le couloir et se demanda un bref instant ce qui le poussait à le retenir. Est-ce qu'il s'agissait de son plan pour se l'attacher, sa 'première femme', sa caladonienne, ou bien était-ce ce gouffre existentiel ouvert devant eux par leur immaculation. Ou tout autre chose. Mais il avait toujours suivi ses envies, c'était sa façon d'être et qu'il soit changé ne lui donnait pas envie de ne pas être lui-même. S'approchant lentement, il éleva une main, hésita, lui frôlant l'épaule, puis vint lentement lui serrer la main de la sienne, sans forcer.

« Reste... »

C'était une demande, même si ça n'en avait pas tout à fait l'air. Une part de lui dirait certainement qu'il voulait tester leur avancée, sa réussite. L'autre voulait juste ne pas être seul. Il avait toujours été seul, il n'avait jamais appartenu auparavant. Sa première tentative de l'être avait été auprès de l'équipage du Maelström et il appartenait vraiment, mais le spectre du refus possible de son père pesait sur lui. Que ferait-il si ça lui arrivait ? Il n'avait pas envie d'y penser. Pour l'instant, il pensait simplement à la frêle main qu'il tenait, douce en comparaison de la sienne. Il aurait pu la lui briser aisément. A la place, il la porta à sa poitrine, contre son cœur.

« Reste, s'il te plaît... »

Il ne voulait pas avouer sa soudain solitude, elle se comprenait sans mots n'est-ce pas ? Il fit un pas en arrière, ne relâchant sa main qu'en arrivant au bout de ce que son bras pouvait se tendre, le laissant maître de sa décision sans plus le forcer. Se détournant lentement, il prit le bout de la porte et n'osa pas jeter un regard en arrière, pour ne pas voir ce qui se passerait. Il laissa la porte ouverte, disparaissant à l'intérieur et s'installa sur la couche, laissant bien assez de place s'il désirait venir également. Il dormait habillé, le temps était aride le jour mais la nuit, une certaine fraîcheur s'installait qui excusait largement de garder des habits sur soi. Expirant profondément, il retira son bandeau, laissant l'obscurité prendre possession de lui.

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Valmys avait fermé délicatement la porte derrière lui. Sitôt que son visage avait été écarté des perceptions de Teotl, il avait perdu son sourire, laissant la fatigue prendre le dessus. Ses pas trainaient contre le sol, et laisser le mur porter une partie de son poids avait un attrait bien réel. C'était parfait. Au moins pouvait-il espérer s'endormir très vite une fois arrivé dans son lit. L'apprenti baptistrel aurait pu être assommé, et s'en serait retrouvé reconnaissant. Car même avec son corps tout juste bon à tenir par le bout des nerfs, son esprit continuait de tourner en rond, comme un lion dans une cage à la recherche d'une sortie absente. Il n'était pas très sûr, finalement, d'avoir parlé à Teotl pour obtenir des réponses. Il n'était pas sûr non plus que ç'eut été le bon choix. Une conversation plus légère aurait peut-être été plus délicate pour son pauvre crâne -et son pauvre coeur. Le jeune Sainnûr se sentait tout troublé, sans vraiment arriver à mettre de mots dessus. Définitivement, il aurait dû lui proposer un dernier jeu, ou quelque boutade, car la seule explication qui lui vint était que la conversation avait dû être trop intime à son goût, ou trop lourde. Ce n'était pas ce qu'il voulait imposer à Teotl.

Il était là, trainant ses pieds et ses pensées, tournant en rond dans une fatigue qui se nourrissait d'elle-même, lorsque le bruit l'arrêta et l'intrigua. Sa première pensée fut pragmatique ; il avait dû oublier quelque chose. Il se retourna, trop préoccupé pour penser à reprendre son sourire.




Valmys cilla frénétiquement, à la recherche de la réalité, sa main restant là où Teotl l'avait laissée, figée. Que venait-il de se passer, exactement ? C'était la fatigue, non ? Ou un coup de Dawan ? Nan, ce dernier n'avait pas ce genre de pouvoirs. Son épaule, son bras, et sa main, lui murmuraient le souvenir de l'instant qui venait juste de se dérouler. Quelque chose dans sa poitrine prenait trop de place, quelque chose dans son ventre se tordait et s'allégeait en même temps. Quelle était cette magie qu'on ne lui avait apprise ?
Cette fois-ci, les forces manquèrent à la lutte. L'esclave des marées s'appuya à un mur, avant de s'y laisser glisser, jusqu'à s'assoir au sol. Il avait besoin de reprendre son souffle et ses esprits, autant que possible. Wow. Ç'avait été... Inattendu ? En tout cas, pour lui, c'était inattendu. Assez inattendu pour qu'il ne s'y soit pas du tout préparé. S'il en voyait le côté positif, au moins, Teotl venait de lui ôter de la tête toutes ses tragédies à base d'immaculation ! Dommage que, pour l'occasion, ces dernières lui parussent plus simples. Sa tête entre ses mains, Valmys essaya de calmer le chaos qui était né en lui. Qu'était-il censé faire ?

Ce que Teotl lui demandait, son équipage avait oeuvré dur pour l'empêcher de l'offrir à nouveau. Un instinct rugissant s'était réveillé en lui, feulant, hurlant de refuser, d'aller se rouler en boule dans un coin, en usant de tous les sorts de protection qu'il connaissait. Valmys refusait de voir cette voix comme la sienne. C'était une voix de pirate, il ne voulait pas lui offrir le cadeau d'une écoute, quand bien même elle faisait trembler ses mains, quand bien même elle rendait son souffle plus ténu. Bien d'autres voix lui étaient venues en aide, comme autant de boucliers dressés. Les voix de chacun de ses amis, leur soutien et leur affection. La propre amitié qu'il vouait à Teotl venait en priorité. Ce qu'il avait entendu dans sa demande, ces notes qui n'attendaient pas de maître pour être reconnues, parlaient beaucoup trop à l'affection qu'il pouvait avoir pour le fils de l'Orque. Et ce coeur qu'il avait senti sous sa main...
C'était un coeur attentionné. Un coeur qui prenait soin de lui. Cette liberté qu'il lui laissait, c'était la meilleure des pattes blanches, c'était encore une attention en plus. Au fond, pouvait-il vraiment faire demi-tour, partir, et laisser un aussi cher ami, un aussi bel être vivant, avec sa solitude ?
Non. Même pour la voix qui paniquait en lui, il ne pouvait infliger cela. Pour la voix en lui qui s'inquiétait de Teotl, voulait le voir sourire, il allait le rejoindre.

Timidement, maladroitement, Valmys se remit debout. Les nerfs qui le tenaient en éveil étaient d'autant plus actifs maintenant que l'adrénaline les propulsait. Aussi discrètement que possible, par respect pour la nuit, il se glissa à nouveau dans la chambre de Teotl, refermant avec soin et délicatesse derrière lui. Il n'avait pas envie que qui que ce soit les voie. Réaliser cela fit cogner quelque chose contre ses côtes. D'un geste de la main, il alluma une toute petite boule de lumière, juste assez pour distinguer les formes, et ne pas s'offrir de contact violent et involontaire avec le coin d'un meuble. Il voulait bien endurer des choses à deux heures du matin, mais n'était pas préparé pour les meubles.
Il n'était pas préparé pour grand-chose, ceci dit.
Teotl était visiblement parti pour commencer sa nuit. Le petit Enwr se demanda à nouveau s'il n'avait pas rêvé tout ceci. La sensation le long de son bras, et sur sa main, lui rappela que non. Arrivé au niveau du lit, Valmys remarqua que quelque chose manquait sur le visage de son ami. Oh. Il était plutôt mignon, ainsi. Comme plus... Humain ? À quoi ressemblaient ses yeux, d'ailleurs ? L'idée de les voir paraissait attrayante. Ce n'était néanmoins pas le sujet. Valmys fit cesser la lumière. Il retira ses chaussures, glissa ses jambes sous les draps, et appuya son dos contre le dossier. Là. Voilà qui ménageait la chèvre et le chou, la créature en lui qui refusait de s'allonger à côté de quelqu'un, et la partie qui voulait être là pour Teotl.

Il n'osa pas prononcer de mot, ni même l'effleurer. Si Teotl était éveillé, et s'il avait envie de lui parler, il l'avait fatalement entendu s'insinuer ici. S'il dormait, au moins ne serait-il pas seul au lever du jour. La tête de Valmys dodelina un peu. Oui, il allait pouvoir être capable de dormir dans cette position. Du moins, sitôt que son petit coeur de Sainnûr aurait cessé de battre dans tous les sens, et sitôt que ses pensées auraient cessé de paniquer quant au fait d'être dans un lit qui n'était pas à lui. Il comptait sur la fatigue pour s'occuper de ces deux-là.
Son regard glissa sur les ombres qui dessinaient Teotl, à la recherche de cette part de lui qu'il découvrait tout juste, le haut de son visage. Avec un léger sourire, il remarqua également qu'il n'était pas déplaisant de voir le haut de son crâne, pour une fois. Dans ces positions respectives, Teotl avait l'air plus innocent encore qu'avant. Mais comment se sentait-il ? Il lui avait fait peur, à lui demander ainsi de rester. Qu'est-ce qui pouvait le travailler ? Une présence ne pouvait suffire. Il devait bien y avoir un mot, une phrase, une réponse qui lui manquait, à lui aussi. Allait-il laisser Valmys s'en inquiéter jusqu'au matin ?

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Défait de sa vision factice, Teotl retrouvait la pleine ampleur de ses autres sens. Il pu ainsi suivre l'approche pourtant discrète du petit chanteur et le laissa s'installer sans bouger, sans rien montrer, immobile et d'apparence détendue. Lorsque les mouvements vinrent à cesser, que Valmys sembla redevenir immobile, le pirate guetta un moment, goûtant l'étrange surprise de découvrir qu'il avait cédé à sa demande, si aisément. Cela lui paraissait aisé à lui, en tout cas, inconscient qu'il était des tourments profonds de l'autre. Il n'avait pas cru que Valmys le ferait, pas après tout ce qui lui était arrivé ou en tout cas… pas encore. Quand il avait décidé de l'épargner pour en faire plus qu'un jouet passager, il avait aussi accepter de devoir en retour s'armer de patience et voir les profits au long terme. Recevoir les fruits d'un seul effort de façon aussi généreuse était inattendu mais non désagréable. Suspect, cependant. Il n'avait pas l'intention de se laisser aller à une trop grande naïveté, mais il prendrait ce qu'on lui offrait, il n'allait pas se restreindre. Et ce qu'on lui donnait, en l'état, lui convenait. Les minutes s'égrenèrent, une à une, les battements de cœur s'étiolaient dans le silence de la nuit comme des éclats de pigment dans l'océan immense. Puis, lentement, sans rien dire, sans briser ce confortable et pourtant angoissant silence, il lui reprit la main, nouant ses doigts aux siens. Il y eut un remerciement, finalement, dans un souffle, puis il se laissa bercer, sombrant finalement dans un sommeil léger. Une vieille habitude qui ne le quittait jamais, il ne savait pas pleinement se poser, il ne se sentait jamais réellement en sécurité, sa vie et les épreuves lui avait enseigné que c'était lorsqu'il était le plus vulnérable que les prédateurs se manifestaient. Et il en était convaincu, même en ces lieux, il y avait des prédateurs. Pourtant, il parvint à se reposer, à s'apaiser, pendant un temps, et lorsque l'aube caressa de ses doigts rosés les terres de la Rhapsodie, le pirate sortit de sa somnolence, lentement, sans hâte, conscient de la créature farouche qui se tenait non loin de lui.

« … Bonjour »

Sa voix semblait douce, ou bien était-ce simplement l'ambiance, l'étrange alchimie du Domaine qui faisait effet, imposant son emprise sur eux. Relâchant lentement sa prise sur la petite main, il se redressa paresseusement, se passa une main sur le visage pour en chasser le sommeil puis tourna la tête vers le reste de la pièce. Ses yeux, ternes et décolorés, étaient grands ouverts, fixes alors qu'il prenait conscience de son environnement par ses autres sens. Lorsqu'il eut réussi à se repérer, il posa les pieds sur le sol, pressa légèrement pour s'assurer de la solidité de ses appuis puis se leva souplement pour rejoindre de mémoire un meuble sur lequel se trouvait une carafe et des verres. Frôlant les objets avant de les toucher plus sereinement, le scorpion se servit un verre, puis se tourna vers là où il entendait la respiration de Valmys. Que lui dire ? En vérité, il avait laisser une impulsion parler et n'avait aucune idée de la manière exacte de continuer désormais. Mais il ne pouvait pas non plus l'ignorer, faire semblant de ne pas le voir, rejeter ce qui c'était passé. Il ne pouvait pas non plus réellement expliquer sa demande. Il s'était sentit atrocement seul oui, et après ? Il avait été seul toute sa vie.

« Tu sais… au sujet de ce dont nous discutions hier »

Ce n'était pas exactement la bonne approche dans son opération séduction, néanmoins cela lui semblait approprié pour le moment. Une forme de partage qui ne lui demandait pas de se mettre en danger.

« Je possède les mêmes craintes que toi. Mais je pense une chose. Finalement,si nous ne savons pas exactement ce que nous sommes, ça veut juste dire que nous sommes libres d'être ce que nous voulons. Plutôt que de le voir comme un manque… nous pouvons le voir comme une infinité de choix et de possibilités. D'opportunités »

D'un geste, il le désigna, le verre à présent vide encore entre les mains. Il parlait avec détachement, ouvertement pensif, comme s'il contemplait une idée neuve dont il ne jugeait pas encore la teneur.

« Cela m'a donné l'opportunité de te parler… pour commencer. Ce n'est déjà pas si mal. Le reste, nous le verront au fur et à mesure. Qu'est-ce que tu en penses ? Voudrais-tu que nous cherchions à savoir s'il y a d'autres personnes comme nous actuellement au sein du Domaine ? »

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Il avait cru que Teotl dormait. Alors il avait commencé à se convaincre de l'imiter, grandement aidé par les négociations victorieuses de la fatigue face à l'adrénaline. Ils parleraient à nouveau demain, et si son ami avait besoin d'être apaisé, il serait là. Peut-être que la nuit prendrait soin de lui également, le berçant sur un rythme plus doux et serein que celui de leurs inquiétudes.
Il y avait cru, et ses épaules s'étaient, peu à peu, affaissées. Peu à peu, la méfiance de son corps quant à sa position s'était relâchée. Elle n'était pas absente, mais elle restait supportable. Il songea même à prendre une position plus confortable.

Sa respiration s'arrêta, dans un réflexe infantile pour ne pas être repéré, quand les doigts de Teotl vinrent enlacer les siens. Il ne dormait pas. Par les Huit, il ne dormait pas. À nouveau son esprit s'affola. Et si à l'origine il ne se contenta que de courir en rond en levant les bras, le remerciement acheva de le métamorphoser l'intérieur de son crâne en un kaléidoscope chaotique. Il ignorait ce qu'il avait fait. Il croyait deviner que c'était bien. Son instinct hurlait de terreur à ce contact physique dans cette situation.
Une lutte interne féroce s'engagea entre cet instinct et l'amitié qu'il avait pour Teotl. La bataille fut sans merci. Les arguments fusèrent, plus implacables les uns que les autres. Les émotions implosèrent, fleurs multicolores dans sa cage thoracique, et geysers de glace dans son sang. Son souffle se fit très discret, quand les battements de son coeur lui paraissaient cacophoniques. Il s'efforça de les calmer, par égard pour le sommeil de l'Invité du Domaine. Cela lui prit beaucoup de temps. Dans le silence régulier de la nuit, et dans ses ombres muettes, Valmys ne vit pas le temps qu'il passa à s'affronter. Les heures rampaient pour avancer, exténuées et exsangues. Leur agonie fut longue, avant qu'enfin l'épuisement d'un tel combat ne gagne l'apprenti baptistrel. Dans un élan de volonté, et après une nouvelle heure à réfléchir sur ce seul sujet, il se décida à changer de position, quittant la main de Teotl pour mieux s'allonger, et glisser à nouveau sa petite main sous la sienne.

La lumière du jour eut beau murmurer à son oreille de tendres mots pour l'attirer vers l'éveil, ce fut tout de même à regrets que le Sainnûr aux yeux sombres les rouvrit. Sa nuit avait été courte et éreintantes. Il ne se sentait pas reposé. Une demi-seconde de panique le prit, quand il perçut un corps allongé près du sien. Sa mémoire lui évita un drame. Elle intervint à temps pour lui rappeler sa soirée, et lui rappeler qu'il était bien au Domaine.
Son regard brumeux passa sur les environs. L'extérieur était calme, pioupioutant dans le lointain. Le soleil venait paresseusement se rouler en boule sur le sol. C'était comme si l'univers l'incitait à ne pas s'inquiéter. C'était stupide. Il avait beaucoup trop de raisons pour cela. Achevant son inspection, il se tourna enfin vers Teotl... Qui ne dormait plus non plus.
Valmys baffouilla un "bonjour" un peu déstabilisé, occupé qu'il était à découvrir le regard de Teotl. N'avait-on pas idée de lui infliger une aussi troublante vision si peu de temps après le réveil ! Il intégrait encore ce qu'il venait de voir quand son ami se leva. Machinalement, il l'observa faire, ne comprenant pas son objectif, avant de percevoir la carafe d'eau. Ah, oui, boire. La rumeur disait que c'était bon pour la santé. La bouche un peu pâteuse du petit Sainnûr aussi. Mais le lit avait ceci de bon qu'il répondait à une question : celle de sa fatigue.

Cet attrait ne fut pas assez fort face à l'inconfort qu'il ressentait à être allongé quand son ami ne l'était pas. Il s'assit, un peu péniblement. Teotl parla avec un détachement qui, s'il le surprit, ne fut pas pour lui déplaire. Le sujet ne lui déplaisait pas non plus. Le tourment de sa nouvelle espérance de vie lui convenait mieux que celui qui l'avait occupé toute la nuit.
Des opportunités... Son regard se perdit dans le vide, tandis qu'il s'imaginait les opportunités qui pouvaient l'attirer. Il y avait bien l'exploration, son passe-temps favori, mais... N'allait-il pas vite s'ennuyer ? Les siècles passaient si vite ! Ne devait-il pas profiter de ces derniers pour apprendre le plus de choses possibles ? Toutes les langues, toutes les sciences... Voilà qui allait l'occuper un peu également. Mais après ? Que faire de tout ce temps ?
Sa pensée fut interrompue par la proposition de Teotl. D'une voix aussi légère que la sienne - ce qui ne fut pas sans le surprendre -, il répondit :

"- Pourquoi pas. Nous pourrions en profiter pour leur partager les informations dont nous disposons, s'ils ne les ont pas déjà." À cette heure-ci, le meilleur endroit pour débuter leur enquête devait être les cuisines. Car ils n'allaient pas déshabiller chaque Enwr à la recherche de veinules, tout de même !
Valmys proposa l'idée, sagement, son regard encore plissé de sommeil porté sur l'espace que proposait l'extérieur, comme si cela pouvait lui permettre de se déplacer sans efforts. Ce ne fut pas le cas. Il dut tout de même, pour sortir de la chambre de Teotl, utiliser ses jambes. Quelques questions lui vinrent, qu'il n'osa poser, qu'il garda pour lui toute la journée, hésitant, cherchant, troublé de les avoir pour habiitantes de ses pensées. Ce ne fut qu'un soir, peu avant le départ de Teotl, qu'il prit son courage à deux mains et, baffouillant, le regard fuyant, plaça au creux des mains du pirate une pierre de communication.

"- Pour que jamais tu ne sois seul."

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Il hocha lentement la tête, ne voyant pas de raisons de faire de la rétention d'informations sur cette question. Échanger avec les maîtres du savoir ne pouvait qu'être enrichissant pour leur quête. Il doutait bien sûr d'avoir la moindre information que les Cawr ne connaissent pas déjà, mais au moins prouverait-il une certaine bonne volonté qui n'était pas inutile sur le long terme. La proposition d'aller vérifier les cuisines se mariant parfaitement avec son appétit présent, il ne vit aucune raison de refuser la suggestion de l'apprenti et le laissa même le guider, une fois qu'ils furent présentables et en route. La journée fut d'ailleurs étonnamment remplie, puisqu'ils parcoururent les terres du Domaine en long, en large et en octogone afin de discuter avec divers résidents. La journée passa, se transforma en soirée, puis en une seconde journée et avant qu'il ne s'en rendit réellement compte, cela faisait une bonne semaine qu'il était sur place. Dire qu'ils avaient avancé aurait été mentir, mais ils avaient reçu quelques informations intéressantes et surtout ? Ils avaient réussit à dénicher d'autres immaculés. Les questions étaient encore nombreuses, et elles avaient finalement fait des petits après ces rencontres et néanmoins, le Pirate n'estimait pas son temps perdu. Il avait au moins une certitude : il n'était pas un elfe et ne s'en était pas rapproché. Cela ne lui disait pas qui il était très exactement, mais c'était un bon début.

Alors que son départ approchait, il trouvait néanmoins moins d'intérêt à poursuivre ses questionnements qu'à passer du temps en compagnie de Valmys. Le soir précédent celui de son retour à Athgalan, Teotl passa une grande partie de ses heures éveillées à écouter les battements précipités du cœur du jeune chanteur, se demandant ce qui pouvait bien l'effaroucher à ce point. Lorsque la réponse lui vint, il resta un instant silencieux et immobile avant de prendre le présent qu'on lui dédiait. Cette fois encore, ses doigts s'attardèrent contre sa peau juste un instant de plus, avant qu'il ne referme un poing sur le précieux objet. Le remerciement fut aussi sincère que surpris, alors qu'intérieurement, il contemplait de nouveau le cheminement effectué récemment en se demandant quand exactement il en était arrivé à ce résultat. Peu importait réellement, en fin de compte, car c'était un résultat qui lui convenait tout à fait. Il ne s'agissait pas uniquement d'une conclusion adéquate à cette première approche, c'était plus… profond. S'il avait été réellement honnête envers lui-même, il aurait avoué que le plaisir de s'attacher Valmys dépassait la vengeance pour n'avoir pas pu abuser de lui sur le Maëlstrom là où tous les autres s'étaient servis. Comme il aurait nécessité qu'il s'avoue ne pas conserver ses amantes et amants dans tous les ports de l'Archipel simplement pour prendre du plaisir. S'il s'agissait simplement de cela, il aurait eut l'embarras du choix.

Cette pierre, il la conserva précieusement, jouant avec alors qu'il laissait le navire s'éloigner des côtes de Néthéril, le Domaine disparaissant progressivement à l'horizon tandis que la mer reprenait ses droits sur le monde. Elle lui servirait. Et contre toute attente, il devait bien avouer que la pensée le faisait effectivement se sentir beaucoup moins seul. Il ne savait pas encore quand et comment il l'utiliserait, pour cela, il devait réfléchir à sa prochaine stratégie pour continuer à éduquer la petite boîte à musique mais… il l'utiliserait. C'était certain.

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