6 Décembre 1762
Le cadavre gisait là, devant lui. Pas de tonnerre divin, pas de lamentation de la terre, pas la moindre espèce d’occurrence singulière ayant pu indiquer que la mort de cette femme avait eut la moindre importance. Elle était une petite goutte d’eau dans le fleuve de la mort. Le cadavre gisait là, devant lui. Pas de mouvements, pas de sons perçant le silence naturel des lieux. Tout s’était tu voilà des heures entières, quand elle avait abandonné la vie, et qu’il avait achevé son festin. Une fois les sons étiolés, il ne restait que cette chose par terre, au centre de la clairière herbeuse, qui ne signifiait plus rien de la conscience que le réceptacle avait abritée. Le cadavre gisait là… un amas brunâtre de sang séché et de chair en macération dans la chaleur ambiante, on repérait encore vaguement la silhouette bipède en lui, bien qu’il fût tordu en une posture grotesque, cage thoracique ouverte, vidée. Par endroit, la chair massacrée, réduite en bouillie informe, laissait place au blanc d’un os, pointes des côtes apparentes, comme une bouche ouverte vers le ciel. Ce qui restait des bras, à moitié arrachés, laissaient entrevoir un ivoire brisé, la moelle vidée alors que les restes de cuisses étaient nettement découpées en de profondes incisions, des morceaux entiers de muscles absents. La terre sèche et l’herbe étaient sombres de sang, en une auréole autours des restes, et des mouches commençaient à venir bourdonner autours, alors que dans le ciel, les vautours approchaient.
Il en était à la moitié du chant premier de funérailles lorsque le bruit incongru lui parvint : cliquetis, crissement de l’herbe sous une botte, profonde respiration équine. Il se redressa en plaçant le bois dans un angle de la clairière, sans se hâter, et chassa des esquilles prises dans le tissu bleu qu’il portait en guise de manteau et qui le préservait en partie de la chaleur de l’île.
« Difficile de construire un bûcher ici. Le bois est sec, mais sans les outils adéquats, en réunir suffisamment est une corvée »
Sortant un chiffon de sa ceinture, il le passa sur sa nuque et son front pour en chasser un peu de sueur, puis l’y fourra de nouveau. Il avait les mains sales, terreuses d’avoir cherché le bois et entaillées d’avoir tiré pour arracher des branchages. Au départ, il avait voulu attendre pour entamer le rituel, mais après la première demi-heure, Teotl avait vite abandonné l’idée. A défaut de bûcher, elle aurait au moins eu les chants adéquats pour accompagner son âme.
« Le scalpe est en bon état, considérant le reste. J’hypothétisais une femme »
Stoïque, il jeta un regard vers la masse désormais molle qu’avait été la tête. Les cheveux de bonne longueur étaient emmêlés, encroûtés de sang et de divers fluides, mais ils pouvaient avoir eut un dessin et un ornement féminin. Le visage était impossible à se figurer, l’os de la clavicule était plusieurs fois fendu. Il soupira, puis se tourna vers l’arrivant, gardant la tête vers lui quelques instants avant de nouveau de parcourir les lieux pour rassembler quelques branchages de plus.
« Si je savais à quelle distance était la rivière la plus proche, j’aurais pu plutôt construire un radeau et la porter jusqu’au domaine, ou simplement la laver avant de la faire brûler, elle s’est oubliée avant de mourir »
Un blanc, un instant, pendant lequel le bourdonnement des mouches devint lourd, puissant, crissant dans le silence de la savane. Son ton n’était pas monté un seul instant. Las et préoccupé, il restait néanmoins calme et maîtrisé, et le ton qu’il employé, factuel, ne laissait rien paraître de ses sentiments. Haussant les épaules dans une mimique de découragement tiède, il s’assit sur une grosse pierre, tête penchée vers le cavalier.
« L’odeur deviendra insupportable d’ici quelques heures… »
Il en était à la moitié du chant premier de funérailles lorsque le bruit incongru lui parvint : cliquetis, crissement de l’herbe sous une botte, profonde respiration équine. Il se redressa en plaçant le bois dans un angle de la clairière, sans se hâter, et chassa des esquilles prises dans le tissu bleu qu’il portait en guise de manteau et qui le préservait en partie de la chaleur de l’île.
« Difficile de construire un bûcher ici. Le bois est sec, mais sans les outils adéquats, en réunir suffisamment est une corvée »
Sortant un chiffon de sa ceinture, il le passa sur sa nuque et son front pour en chasser un peu de sueur, puis l’y fourra de nouveau. Il avait les mains sales, terreuses d’avoir cherché le bois et entaillées d’avoir tiré pour arracher des branchages. Au départ, il avait voulu attendre pour entamer le rituel, mais après la première demi-heure, Teotl avait vite abandonné l’idée. A défaut de bûcher, elle aurait au moins eu les chants adéquats pour accompagner son âme.
« Le scalpe est en bon état, considérant le reste. J’hypothétisais une femme »
Stoïque, il jeta un regard vers la masse désormais molle qu’avait été la tête. Les cheveux de bonne longueur étaient emmêlés, encroûtés de sang et de divers fluides, mais ils pouvaient avoir eut un dessin et un ornement féminin. Le visage était impossible à se figurer, l’os de la clavicule était plusieurs fois fendu. Il soupira, puis se tourna vers l’arrivant, gardant la tête vers lui quelques instants avant de nouveau de parcourir les lieux pour rassembler quelques branchages de plus.
« Si je savais à quelle distance était la rivière la plus proche, j’aurais pu plutôt construire un radeau et la porter jusqu’au domaine, ou simplement la laver avant de la faire brûler, elle s’est oubliée avant de mourir »
Un blanc, un instant, pendant lequel le bourdonnement des mouches devint lourd, puissant, crissant dans le silence de la savane. Son ton n’était pas monté un seul instant. Las et préoccupé, il restait néanmoins calme et maîtrisé, et le ton qu’il employé, factuel, ne laissait rien paraître de ses sentiments. Haussant les épaules dans une mimique de découragement tiède, il s’assit sur une grosse pierre, tête penchée vers le cavalier.
« L’odeur deviendra insupportable d’ici quelques heures… »