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descriptionLa beauté plaît aux yeux, la douceur charme l'âme. - Ilhan. EmptyLa beauté plaît aux yeux, la douceur charme l'âme. - Ilhan.

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15 novembre, début de soirée, Cordont.

La tente était assez spacieuse et richement emménagée pour qu'on ne doute pas de son rang et pour qu'on puisse y circuler librement tout en accordant à sa propriétaire l'intimité et le confort qu'elle appréciait avoir, elle s'était arrangé pour avoir un endroit plus chaleureux moins militarisé que le reste du camp. Une note délicate pour sortir de l'aspect froid du campement qui s'agrandissait de jour en jour, pas de garde, juste les allées et venues de ses suivantes. Bien imprudent de sa part.

Quand l'homme pénétrait dans la tente, la corneille s'agitait dans sa cage en argent, située juste à côté de l'entrée, croassant après ce curieux individu qui venait troubler son repos. L'oiseau n'avait pas volé depuis plusieurs jours, il s'agaçait de sa captivité fréquemment. L'oiseau se contentait de crier son mécontentement et de gonfler ses plumes avant de retourner à ses activités rapidement.

L'on était en novembre et il commençait à faire froid, une sensation qu'elle découvrait à peine et qui lui semblait bien désagréable, elle avait donc fait installer de quoi se chauffer pour ne pas trop souffrir du climat, l'hôte levait ses yeux de la note qu'elle était en train de d'écrire, finissant rapidement sa phrase, puis se levant et se dirigeant vers son invité, dans un tourbillon de soie noire aux teintes d'un brun chaud. Cette simple robe aurait pu faire hurler les biens pensants, dévoilant bien plus de peau que nécessaire, rappelant sa condition de Dalis. Ses cheveux noirs attachés dans un chignon qui accentuait les airs prédateurs de l'ancienne créature de la nuit et effaçait un peu son visage encore un peu dans l'enfance, néanmoins elle le gratifiait d'un sourire accueillant.

Pardonnez-moi, ser Avante, pour cette invitation bien cavalière. J'ai cru comprendre que cette catastrophe vous laissait très occupé. D'un geste de la main elle désignait le siège en face d'elle pour que l'homme s'installe. Comme nous tous. Finissait-elle par lâcher dans un soupir. Je n'ai pas grand chose à vous offrir hormis du thé et quelque chose à grignoter ainsi qu'un fauteuil. Il est difficile d'obtenir mieux par ici.

La fille Dalis, semblait être au naturel, étonnamment, on l'avait connue plus apprêtée et plus fardée - sans doute que son père n'approuverait pas sa tenue, mais il n'était pas là -, sans doute étaient-ce les derniers événements qui l'avaient fanée ? Il n'y avait pas tellement de place à la coquetterie sur les décombres d'une catastrophe. Elle avait vécu la catastrophe comme beaucoup d'autres personnes, elle avait survécu, mais quelque part un abîme s'était creusé, sans parler des derniers événements et de son immaculation toute récente, qu'elle ne comprenait pas. Elle semblait avoir cet air épuisé de ceux qui ne trouvent pas le sommeil ou qui souffrent d'un cruel mal les brûlant de l'intérieur, mais qui ne font mine de rien, même si un œil observateur pourrait voir au travers, le tout étant accentué par son physique adolescent. Elle avait toujours été de constitution fragile même pour une fille de la nuit. Elle semblait avoir cet air épuisé de ceux qui ne trouvent pas le sommeil ou qui souffrent d'un cruel mal les brûlant de l'intérieur, mais qui ne font mine de rien, même si un œil observateur pourrait voir au travers, le tout étant accentué par son physique adolescent.

Une servante s'affairait dans l'ombre de la tente, une de celles qui suivaient d'ordinaire le maître de maison, une vampire, qui se contentait de fixer durant quelques secondes l'invité de sa maîtresse.

Que pensez vous de cet immense camp, messire ? Le cygne noir retournait à ses occupations, attrapant un châle qu'elle glissait sur ses épaules, même dans cet état elle restait la digne héritière Dalis, elle avait toute cette élégance et cette beauté surnaturelle, ses yeux d'un argent vif scrutait la moindre réaction de l'homme, elle était peut-être de la même trempe que son géniteur, sauf qu'elle avait plus de mal à s'en cacher. Néanmoins, son ton était doux et tranquille, cette attitude était sans doute un vestige de son ancienne nature, même s'il ne fallait pas se leurrer, elle ne semblait pas déterminée à nuire à ce qu'elle aurait pu considérer comme un ennemi de la famille, sinon cela serait fit depuis bien longtemps.. Avez vous la même impression que moi, d'être en guerre ? Malgré que les discussions ne se soient pas achevées ? Elle n'avait connu aucune guerre, tout juste vaguement celle contre les chimères, elle avait été soigneusement épargnée par les bons soins de son futur époux et géniteur. Les tensions entre les différentes nations étaient plus que palpables après tout, elle avait toutes les raisons de s'inquiéter, bien loin de ses protecteurs, elle était une cible vulnérable et facile, comme si elle avait été placée volontairement ici, à la vue de tous en guise d'appât.

Elle aurait aimé avoir son avis sur la question, ne serait-ce que pour se rassurer un peu, le reste viendrait en temps et en heure. Même si elle se montrait plutôt caressante et mielleuse, presque ingénue, l'on devinait que la conversation ne resterait pas sur des banalités.

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Ilhan relisait pour la troisième fois l’étrange missive qu’il tenait dans les mains. Une invitation. Une simple invitation. Pour une visite de… courtoisie. Mais… Quand il lisait le nom de la signature, il n’aurait su dire si le terme courtois était vraiment approprié.

Dalis.

Sintharia Dalis. Sans doute devait-il se sentir soulagé que cette missive ne vienne pas de son géniteur Toryné. Mais… Tout de même. Peu de choses parvenaient à le rendre coi, et cette missive avait réussi cet exploit. Dire qu’il avait été surpris était un doux euphémisme.

Sintharia Dalis l’inviter pour une simple visite de courtoisie ? Ilhan tenta de se remémorer à quel moment ils auraient pu faire tous deux connaissance. Mais, même s’il n’était pas lié à la baleine, il était persuadé que jamais ils n’avaient fréquenté les mêmes lieux. Pas au même moment en tout cas. Oh, il savait quelques petites choses sur la jeune femme. Vampire. Immaculée. Erf, si jeune, et déjà une vie si compliquée, songea-t-il subrepticement. Il avait ouï dire certaines choses, notamment lors de ses nombreux échanges épistolaires avec cette illustre dame Toryné Dalis : son lien de parenté vampirique avec Toryné, son poste de courtisane, ses actes moins connus d’assassin de l’ombre… qu’elle mangeait à tous les râteliers, ce qui signifiait méfiance pour Ilhan, et son lien avec le maitre-espion sélénien, double méfiance donc.

Dès qu’il avait reçu la missive, il avait appelé quelques araignées via l’anneau. Il en avait appris un peu plus, un peu, si peu… Sa soi-disant disparition, son devenir d’immaculé et son rapprochement, étrange si on lui demandait son avis, avec le bourgmestre de Caladon.

Mais pour le reste ? Ils ne s’étaient jamais vraiment côtoyés. Ilhan hésita donc longuement sur la réponse à apporter. Tous ses sens lui murmuraient danger, sans qu’il ne sache pourquoi ni en quoi. Son instinct lui criait de ne pas y aller, de biaiser, trouver une excuse… s’esquiver. Comme il savait si bien le faire. Seuls deux éléments le faisaient hésiter : son lien avec Toryné d’une part, qu’il ne voulait pas s’aliéner totalement, leur relation oscillant bien assez entre rivaux cordiaux et ennemis jurés, et son lien avec Aldaron, avec lequel il devait un tant soit peu entretenir des relations cordiales. Par ces deux éléments, sa décision d’accepter commençait à se dessiner, bien qu’à contrecœur.

Puis… une information lui arriva. Et entérina sa réponse affirmative. Elle avait été l’une des rares rescapés du sinistre de Cordont, susurrait une araignée. Diantre ! C’était l’un de ses sbires qui lui révélait cette information, alors que lui-même avait été incapable de l’obtenir à deux pas à peine de la tente de la concernée… C’était à croire que ses sens à l’affût de tous les ragots et rumeurs s’émoussaient bien trop au contact de Délimar… Grognant et se fustigeant de n’avoir pas dégoté lui-même cette information, il remercia son araignée et envoya son acceptation à cette visite au plus vite.

Une rescapée sollicitant sa présence ? Le diplomate de Délimar ne pouvait refuser une telle requête. Il avait déjà passé la journée auprès des autres miraculés de Cordont, entre une dizaine de missives, dont une assez longue adressée à Tryghild, et une bonne quantité d’entretiens sur la toile. Il leur avait apporté quelques présents aussi...

La veille, après leur long entretien avec le bourgmestre de Caladon, Ilhan avait eu la surprise de retrouver bon nombre de ses malles l’attendant dans sa tente. Des malles contenant tout le confort dont il avait tant rêvé tout au long de ce voyage. Sa première réaction avait été joie et soulagement. Sa deuxième, agacement, quand il avait réalisé que Sigvald avait dû attendre exprès tout ce temps… tel un gamin qu’il avait voulu réprimander. Puis lassitude et amusement mêlés, toujours vis-à-vis du Délimarien. Et enfin… empathie. Oui empathie, un mot dont il était pourtant peu coutumier. En songeant à Sigvald après l’avoir maudit mentalement, il s’était demandé ce qu’un délimarien ferait de tout ce confort, ici, à Cordont. Et la réponse lui avait sauté aux yeux : rien. Rien pour eux en tout cas. Ils auraient tout donné aux naufragés du sinistre. Pour adoucir leur peine le temps que reconstruction se fasse.

C’est alors dans un lourd soupir et dans un effort ultime qu’il s’était décidé à faire de même. Oui, lui, Ilhan Avente, petit noble Althaïen, si friand de son petit confort, allait céder nombre de ses propres biens pour des personnes qu’il ne connaissait même pas, mais qui n’avaient plus rien et avaient tout perdu. Quand bien même cela ne leur rendrait rien, cela pourrait apaiser les maux de leurs corps, à défaut d’apaiser ceux de leurs esprits.

Il avait toutefois gardé quelques éléments pour lui-même. Il se connaissait assez pour savoir ne pas supporter, physiquement, des conditions trop drastiques. Il avait conscience des limites de son corps, si peu habitué à des conditions si rudimentaires, et si peu résistant. Adopter certaines mœurs délimariennes, il pouvait essayer, mais si c’était ensuite pour être inopérant, ce serait idiot et inutile. Il n’avait toutefois choisi que le strict nécessaire, juste l’indispensable pour ne pas tomber lui-même en lambeaux : deux-trois coussins, une chaude couverture, trois tapis, un pour sa paillasse, deux pour isoler le reste de la tente du froid, une tenture pour couper le vent, un tabouret (il n’avait toujours pas grandi… il aurait toujours besoin de cette béquille pour se hisser à la taille des délimariens), un plateau, tous ses éléments d’écriture et effets purement personnels comme les habits. Tout le reste, et il y en avait pas mal - coussins et couvertures en très grand nombre notamment - tout le reste avait été apporté le matin même aux rescapés.

Et Ilhan s’était rendu lui-même auprès d’eux, leur avait parlé, un à un, dès que l’étrange guérisseur qui s’occupait d’eux le lui avait permis. Il avait écouté attentivement, avec une patience infinie, avait recueilli leurs doléances, leurs désiratas, avait noté leur soulagement de voir les loups de Délimar tel un rempart pour eux, leur soulagement de voir toutes les cités si réactives pour les aider, et de ne pas être laissés seuls. Des allusions au sujet de l’Alliance étaient venues aux lèvres de certains. Peut-être pas tous, mais un grand nombre l’avait évoqué à demi-mot. Ilhan n’avait pas manqué de faire part de tous ces propos récoltés à l’Intendante de Délimar, dès qu’il avait fini sa tournée.

Mais il avait apparemment manqué l’une des rescapés. Il ne pouvait donc qu’accepter de la voir, elle aussi…

C’est ainsi, sur toutes ces pensées, qu’Ilhan entra dans la tente de la jeune femme. Luxe et confort lui sautèrent à la figure. Et ravivèrent plus encore le manque que son petit sacrifice du matin insufflait en lui. Et une note féminine vibrait clairement dans l’air. C’était très étrange de voir une touche plus douce dans ce bourbier de tentes militaires. Mais Ilhan n’allait pas s’en plaindre.

Il jeta un rapide coup d’oeil à la corneille, qui lui croassait un bonjour. Ou une injure, allez savoir, il ne parlait pas corneille après tout. Il se permit un petit sourire vers l’oiseau, un brin moqueur, tout en le saluant d’un discret signe de tête. Oui, il savait se montrer taquin. Il attendit quelques secondes que son hôte daigne lever les yeux sur lui, et se contenta de se tenir droit, calme, posé, sans montrer le moindre signe d’impatience. Son éternel rictus énigmatique aux lèvres.

Et se retint de faire demi-tour quand il vit l’accoutrement qu’elle portait. Était-ce … une robe ? Ne manquait-il pas quelques lambeaux de tissu ? Ne pouvait-on pas faire montre d’un peu plus de… décence ? Ah oui, Dalis, se rappela-t-il. Pourquoi s’attendre à de la décence avec un tel nom ?

Il retint un reniflement agacé et se contenta de suivre son prédateur… euh son hôte… de ses orbes sombres. Il ne put s’empêcher de faire un rapide tour de la tente du regard. Hum… pas d’autres issues apparentes que celle qu’il venait d’emprunter. Pas d’armes visibles… mais cela ne voulait rien dire. Et ils n’étaient pas seuls. Vampire ! Vampire, lui hurla son coeur qui fit une rapide embardée. Il parvint, au prix de toute sa force mentale, à ne rien laisser paraître et à reporter son attention sur la jeune femme.

La jeune rescapée. Oui, jeune, elle l’était, figée à l’aube de son avènement adulte. Des traits hésitant entre adolescente ou femme. Une femme enfant pour l’éternité. Une beauté gracieuse, envoûtante, il devait l’avouer. Ses yeux clairs si perçants contrastaient tant avec sa chevelure corbeau… Et pourtant, pourtant… Sous cette beauté, ce visage enjôleur, il voyait encore les traces du sinistre. Une beauté… fanée ? Qui en avait trop vu, trop vécu ?

Pardonnez-moi, Ser Avante, pour cette invitation bien cavalière. J'ai cru comprendre que cette catastrophe vous laissait très occupé.

Il acquiesça légèrement, et son sourire s’élargit. Il n’allait certes pas la contredire.

Gente Dame, je suis certes très occupé, mais c’est un réel plaisir que de vous rencontrer enfin. J’ai tant entendu parler de vous…

Sous-entendu, je te connais, je sais tout de toi. Ou presque. Ou du moins le voulait-il…

–  Même si j’aurais préféré faire votre aimable connaissance dans des circonstances moins sinistres.

Il fut étonné qu’elle ne lui offre pas sa main pour un baise-main digne d’une courtisane sélénienne. Mais il s’abstint lui aussi de faire tout geste en ce sens. Si elle ne le souhaitait pas… Autant adopter des coutumes plus formelles, cela lui seyait parfaitement !

Il s’installa donc au siège qu’elle lui indiqua.

Le thé me conviendra parfaitement. Votre seule compagnie suffit déjà à me combler.

Il lui offrit un sourire des plus ambigus. Il tenta de réprimer tout agacement quand il vit les épaules, nues, se couvrir d’un châle en un geste de fausse pudeur.

Que pensez-vous de cet immense camp, messire ?

Il figea son visage en un masque lisse de toute émotion, mais il sentit ses sens se hérisser au son de cette voix. Cette voix-là, cette voix qu’il avait tant entendue de la part de certains vampires, cette voix qui cherchait à se faire douce et caressante pour mieux apaiser leur proie. Et mieux les croquer ensuite.

Non ne pas fuir. Paix et calme, Ilhan, se fit-il intérieurement.

Avez-vous la même impression que moi, d'être en guerre ? Malgré que les discussions ne se soient pas achevées ?

Il dut réprimer une moue amusée. L’impression d’être en guerre ? Il en avait tant vécu, des guerres, de loin ou de près. Parfois de très près. Le souvenir fugace des remparts se fracassant à l’arrivée des chimères. Du vent de mort soufflant dans ses cheveux, alors qu’il croyait mourir avec tous ceux qui l’entouraient… jusqu’à ce que le cri puissant des dragons perdus, oubliés, leur insuffle un regain d’espoir et ne les sauve in extremis. Il dut faire appel à toute sa maîtrise pour ne pas fermer les yeux à ce souvenir, comme il les avait fermés alors. À la place, il laissa échapper un discret soupir. Mentalement il attrapa ce souvenir brûlant, le figea entre les doigts de son esprit, le contempla en face... puis doucement le relâcha et le laissa partir. Là, comme il était venu. C’était là une des techniques de méditation qu’il s’était inventées pour ne pas se laisser happer par des souvenirs trop dangereux. Ou trop douloureux. Les prendre, les laisser couler. Ils étaient là, c’était un fait, il les acceptait et les laissait passer. Tranquillement. En pleine conscience.

Tout cela n’avait duré que quelques secondes. Peut-être quelques secondes de trop avec une telle créature intemporelle face à lui. Il lui sourit alors, et l’observa d’un regard vif et profond, ses iris noirs brillant d’un feu calme au fond de ses prunelles.

Guerre n’a pas encore planté son sinistre drapeau ici. Et nous oeuvrons tous, ici et ailleurs, empire et alliance, pour que ses cors ne hurlent pas leurs chants de mort. Des camps militaires, de l’empire, de l’alliance ou mercenaires… Des guerriers en armes, des féroces soldats apprêtés, des loups vétérans… oui tout cela peut impressionner, je le conçois. Mais ils ne sont pas là pour guerroyer, mais pour protéger. Ils ne sont pas là pour lever leurs armes contre leurs semblables…

Le mot « semblables » avait son importance. On pouvait y mettre tant de choses, tant de sens…

Mais pour s’ériger en rempart contre tout danger qui pourrait de nouveau vouloir nous happer.

Là aussi, le danger pouvait signifier bien des choses.

Mais oui Délimar n’était ici que pour protéger. Pour le moment du moins. Et Ilhan priait de ses vœux que cela reste ainsi. Il était confiant en Tryghild pour oeuvrer aussi en ce sens. Impressionné en son for intérieur que l’Intendante de Délimar ait acquis cette sagesse de savoir quand faire la guerre et quand poser les armes… elle dirigeant pourtant un peuple plutôt martial.

Mais peu importe ce que je peux penser. Il me semble plus important de savoir… ce que vous, vous ressentez, comment vous vous sentez, après des heures si éprouvantes.

Ou comment lui renvoyer la question, l’air de rien.

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Ses yeux s'assombrissait, elle devinait facilement ce qui se terrait derrière les mots de l'homme, elle avait beau avoir un visage d'ange, mais ses yeux étaient ceux d'un serpent, des yeux acérés qui donnaient l'impression de transpercer l'âme de ceux qu'elle observait, elle effaçait ce regard d'un sourire charmant qui aurait presque pu paraître amical, semblant amusée de cette situation étonnante. Le jeu promettait d'être amusant et c'était bien là tout ce qu'elle pouvait attendre de l'homme, à défaut de plus.. Elle aimait jouer et ses faire gentiment les griffes sur ses invités, où les gens qui l'invitaient, un exercice auquel certains aimaient se prêter.

Oh, surprenant. Je ne suis pourtant pas de celles à qui l'on écrit des chansons. L'air de rien, elle avouait à demi-mot avoir compris, et même si elle était fréquemment entourée de romantiques qui désiraient attirer ses faveurs à grand renfort de présents ou de flatteries. Nul ne pouvait prétendre la connaître réellement. Néanmoins, elle ne posait pas d'avantages de question à ce sujet, ce serait inconvenant. Je n'ai malheureusement pas eu l'honneur d'entendre tant parler de vous si ce n'est votre rôle de conseiller dans cette cité libre.. Mh, Délimar ? Il était facile de placer sa jeunesse et ses méconnaissances pour de simples erreurs. Je désespérais que l'on nous présente un jour ou l'autre, connaissant votre venue ici, je n'ai pas su résister. Ainsi, l'homme avait su attirer l'attention de la courtisane, d'une manière ou d'une autre, bonne ou mauvaise nouvelle cela dépendrait de si l'homme aimait vivre dangereusement, l'immaculée était capricieuse et se lassait vite de ses jouets. Néanmoins, le ton qu'elle venait d'employer était particulièrement charmeur.

Elle s'éloignait un instant le temps d'attraper une corbeille de fruits et un candélabre en argent dont les bougies brûlaient déjà, sa démarche était souple et élégante malgré le tapis qui recouvrait le sol de la tente malgré ses talons.. D'ordinaire, le bruit de ses pas résonnait sur le marbre des cours et lui donnait un air presque impérial. Silencieuse était sa démarche à cause de l'étoffe savamment tissée, les tapis, la moquette et la terre battue, c'était le meurtre de la sensualité. Elle posait le tout sur la table, toujours dans l'élégance et le silence, à peine quelques bruits de tissus avaient interrompus le moment, des moments de grâce qui éclairent une journée.

Sintharia n'eut pas besoin de demander quoi que ce soit à sa suivante pour que cette dernière se mette à la tâche, le bruit rassurant des braises d'un feu que l'on active et de la porcelaine emplissant la tente, des bruits communs et familiers qui remplaçant le froid du silence ou des regards, en plus de réchauffer la pièce. Il commençait à faire froid ici, et elle avait hâte de pouvoir regarder l'un de ses demeures, à Caladon ou à Sélénia, ou plutôt de retrouver les bras de son époux, ou de l'une de ses amantes. Son corps avait envie d'une chaleur qu'elle ne saurait pas trouver dans ce maudit camp.

Elle avait vécu dans une tour d'ivoire, bien à l'abris de tous les vices de ce monde, elle ne comprenait pas grand chose au jeu des hommes de pouvoirs, ou peut-être qu'elle faisait mine de ne rien savoir. Pourtant, elle s'approchait de plus en plus de ces mêmes hommes et femmes liés à la politique, Toryné Dalis, puis Bohémond de Batisdonne, une ancestrale de haute lignée dans l'empire elfique, Aldaron Leweïnra, et enfin ser Ilhan Avente. Elle avait ainsi un pied dans chaque nation, sauf à Délimar. Manœuvre politique ou simple coup du sort ?

Son prétendu mariage d'amour avec le maître-espion sélénien lui avait offert un titre et une place à la cour impériale, pourtant elle ne semblait pas déterminée à rester à la cour sélénienne, en réalité elle ne s'y plaisait pas, elle trouvait cet endroit vieillissant et sans intérêt, préférant le vent nouveau de Caladon. Et visiblement elle s'évertuait à échapper autant que possible à son géniteur, le couple Dalis était-il en froid ? En tout cas l'héritière sombre semblait perdue, bien loin de l'assurance qu'elle avait développer au contact de son père. Les deux cygnes étaient isolés et étaient à présent des cibles faciles, comme si tout cela avait été calculé. Ils s'étaient quittés le jour même de la catastrophe, après les mots maudits du bourgmestre, des vacances.. Voilà ce qu'il avait suggéré pour séparer le couple et peut-être même que ces mots avaient scellés leurs destins.

Éprouvée, les siècles derniers nous ont appris à lutter contre nos semblables, si bien qu'à présent nous avons oublié à quel point la nature peut se montrer cruelle.. Et capricieuse. Elle avait appuyé sur le mot semblable, comme si elle désirait à tout prix faire parti de cette normalité, et c'était le cas. Pour le reste, ce n'était qu'une logique des plus primaire, des choses dites passivement sans même s'en rendre compte.. Les tentatives de réflexion d'une adolescente qui n'avait que cela pour se rassurer. Vous dites que ces loups sont là pour nous protéger ? Le gouffre lui-même semble déterminé à nous happer, l'avez-vous approché ? L'on dirait une bête qui respire et qui menace d'avaler l'île entière. Je ne crains qu'une armée de loups ne suffisent à empêcher la brèche de s'étendre, pas plus que les dragons de Sélénia. Peut-être que dans deux semaines, cette île ne sera plus qu'un lointain souvenir et nous avec. Son cœur se serrait douloureusement à cette pensée, elle jouait les fausses ingénues à merveille, évitant avec succès les doubles sens des mots de l'homme, tout en évitant de trop dévoiler le fond de sa pensée.

Inutile de son point de vue de lui mentionner sa chute de la falaise et sa noyade, bien qu'elle eut échappé au pire, grâce à ce curieux vampire celui-là même qui l'avait fait chuter, elle ne savait pas à qui irait les informations qu'elle oserait avouer à l'homme, elle restait prudente, étrangement, sous des airs de fausse timidité.

Le bourgmestre de Caladon pensait que c'était une bonne idée pour moi, que cela me changerait les idées de rester ici. Mon doux cygne est bien loin à présent et je ne sais pas ce qu'on peut bien attendre de moi ici, si ce n'est de tâcher de m'en remettre. Elle était bien trop loin de ses protecteurs habituels et elle-même ignorait tout ce que l'elfe attendait d'elle, et elle ne s'en tirait pas aussi facilement qu'avec les courtisans qui gravitaient d'ordinaire autour de sa personne. Elle semblait néanmoins réellement secouée par les événements, elle était plus pâle qu'à l'ordinaire, ses traits étaient légèrement tirés, et on lisait un début de maladie sur son visage.

Elle semblait pensive à cette phrase, son cygne, était-il seulement encore à elle ? Ils s'étaient tant de fois disputés que leur couple était presque devenu un mensonge à lui seul, ils auraient dû se marier depuis longtemps, mais quelque part elle était profondément jalouse qu'il lui échappe. Son regard s'assombrissait durant une seconde, l'argent passait à l'acier dans ses yeux, son humeur variait inlassablement de l'amour profond à la haine la plus sombre dès qu'il était question de l'androgyne, si bien qu'elle se demandait parfois si ce n'était pas le signe d'un dérèglement mental. Néanmoins, les sentiments à l'égard de son père et fiancé étaient bien réels, et même si elle souffrait de leurs nombreuses disputes elle tentait de ne rien laisser paraître.

Ce fut les bruits des tasses et des coupelles qui la tirait de ses pensées nébuleuses, elle poussait sa plume - une plume dorée, peu commune, certainement une rémige d'un grand oiseau, peut-être un rapace - et son papier à lettres - typiquement d'une couleur gris de lin des argentures fines dans les marges -, la lettre était propre, parfaitement bien écrite, l'écriture italique, purement féminine, le papier était parfumé délicatement, comme à son habitude, senteurs de fruits et de fleurs, l'on devinait l'effort fait pour un être cher, ou peut-être quelqu'un qu'elle courtisait, le nom de son galant était écrit en haut pour le comte de Bastidonne. Exactement le même genre qu'elle avait utilisé pour appeler le conseiller à la rejoindre. Elle jetait un long regard peut-être un peu trop désintéressé au papier, peut-être dans l'espoir que sa correspondance s'écrivent d'elle-même. Elle lâchait un maigre soupir, las, typique des femmes ennuyées par leur cœur. Elle signait rapidement sa lettre : Ton aimée pour toujours, Sintharia. Éternelle romantique, elle mettait toujours les formes dans ses écrits, s'adaptant rudement bien à chaque fois. Ses lettres toujours pleines de sentiments, fort bien rédigées, des moments de vides, parfois lumineux ou tristes, et souvent de longs silences.

La fille de nuit avait profité du service de la servante pour esquiver le silence gênant, pliant sa correspondance, sa relation avec le maître espion ne faisait donc aucun doute, il y avait bien entendu eu quelques rumeurs sur une éventuelle relation entre eux, après tout, il n'avait jamais hésité à recourir aux services du cygne noir, les murmures d'une relation plus profonde se concrétisaient face à cette lettre, et pour qui savait fouiller, un mariage avait eut lieu dans le secret, peu de temps après le débarquement, dans la demeure récemment terminée du comte. Un détail que même Toryné Dalis semblait pourtant ignorer.

Elle observait sa suivante servir le thé avec toute l'excellence que réclamait son poste. Cette dernière était une beauté remarquable, les cheveux pâles, typique de la famille Dalis, mais une beauté plus banale et moins exotique que sa maîtresse, l'on en oublierait presque qu'il s'agissait d'une vampire. Son visage était fermé et elle semblait avoir désapprouvé la venue de l'homme à l'instant même ou ce dernier avait pénétré dans la tente. Nul doute que tout ce que pourrait se dire ici, irait tôt ou tard dans les oreilles du conseiller vampirique. Même Sintharia semblait mal à l'aise du froid provoqué par son amante et renvoyait rapidement la vampire une fois que le service fut fait, ainsi, elle put pleinement s'exprimer, sans crainte.

Cette catastrophe m'a laissé un profond vide, je ne suis pas triste, ni même choquée, pourtant, j'ai vu les corps et fond de ce gouffre, et les rares survivants évacués, mais je ne ressens rien. C'est comme si tout avait été absorbé en même temps que la ville. Un émoussement émotionnel classique chez les victimes de traumatismes. Elle était pourtant quelqu'un d'empathique, du moins depuis son immaculation, et elle semblait presque souffrir de ne rien ressentir pour ces gens. Je me sens en danger loin de tout, entourée de gens qui me sont inconnus, surtout avec toutes ces présences militaires. Elle n'était qu'une femme après tout, et elle était vulnérable personne n'aurait le temps de la protéger s'ils se passaient quelque chose, elle connaissait mieux que quiconque les hommes et les risques qu'ils entraînaient avec eux.

Un long silence s'installait.

Néanmoins, vous vous doutez bien que je ne vous aie pas convié pour parler uniquement de la catastrophe ou de banalités. Ainsi, elle attaquait déjà sur un sujet plus délicat. Elle choisissait ses mots avec une certaine attention. Avez-vous eu l'occasion de parler à Toryné dernièrement ? Il n'y avait rien d'étonnant à ce qu'elle connaisse leur lien, c'est bien pour cela qu'elle se méfiait, Tory l'avait mise en garde. Elle était maline, et même si elle savait qu'elle n'était pas en territoire ami, si on l'avait jetée au loup, elle serait bien capable de revenir en dirigeant la meute.

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Il devait avouer que ces grands yeux pâles, brillant de vivacité, troublant de duplicité, étaient envoûtants. Des yeux ensorcelants, d’acier et de cristal mêlés. Des yeux magnifiques… Magnifiquement dangereux, qui démentaient le sourire charmeur qui les accompagnait. Ilhan était bien placé pour savoir que les yeux parlaient souvent bien plus qu’on ne le voulait. Ne disait-on pas qu’ils étaient le miroir de l’âme ? Ils étaient, en tout cas pour Ilhan, une porte vers l’esprit. Vers les véritables pensées. Et ceux-là lui criaient danger.

Etrangement, il aimait bien cette couleur opale qui les teintait et si tous les dangers avaient ces yeux-là, il les affronterait peut-être sans protester.

Pas tant parler de lui ? Vraiment ? Non pas que son ego s’en trouvât froissé. Mais un instant il se demanda si c’était là un piteux mensonge pour le faire parler de lui… ou si son géniteur vampirique avait vraiment tu les liens de connaissance qu’ils avaient tissés. Si la deuxième option s’avérait, voilà qui était un point intéressant en tout cas. Dame Dalis aurait-elle eu peur de parler de lui ? Ennemis alliés, unis d’une fausse amitié, ils étaient tous deux de gris incarné, valsant autour des faux semblant pour mieux se duper. Avouer avoir cette étrange relation avec l’autre était effectivement délicat. Peu de personnes comprendraient ce qui vraiment les unissait et les divisait. Même si cela faisait maintenant plusieurs mois qu’ils n’avaient pas échangé.

La suite du discours le fit toutefois frissonner. Plus précisément, ce ton, cette voix suave et charmeuse, plus que les mots… Il se raidit légèrement sur son siège, les sens à l’affût de tout piège.

Il la suivit des yeux à chaque mouvement, guettant le moindre signe, le moindre indice, écoutant chaque bruit, du froufroutement de sa robe jusqu’au tisonnier dans les flammes ou le tintement de porcelaine. Il se força à l’immobilité et au silence, attendant, le coeur battant. Tentant d’en calmer les pulsations alarmées.

Il hocha simplement la tête quand elle avoua être éprouvée. Qui ne le serait pas après une telle épreuve ? Elle était peut-être immaculée, d’une constitution plus solide qu’eux autres pauvres humains, elle n’en avait pas moins vécu un choc. Quelle que soit sa nature, sa possible félonie, l’épreuve était là et ne pouvait être niée. Il lui offrit alors un sourire moins crispé, à mi chemin entre forcé et sincère.

Quant au reste… S’il avait approché le gouffre ? Oui, autant qu’on le lui avait autorisé du moins. Les loups étaient protecteurs, et ses gardes avaient été fermes, "les ordres" avaient-ils dit. "Pas de risques". Mais il avait vu le gouffre d’assez prêt selon lui, il devait l’avouer. Il en avait eu le vertige alors qu’il avait encore quelques cordées devant lui…

Oui j’ai vu le gouffre. Je pense qu’il est toutefois inutile pour le moment que vous vous inquiétez de tout cela, fit-il de sa voix profonde et grave, de cette voix appelant au calme et à la sérénité. Nos dirigeants ont bien cerné les risques et feront tout pour assurer notre sécurité.

Il sentait toutefois qu’il en faudrait plus pour apaiser les peurs de la jeune femme. Car en cet instant, c’était bel et bien une jeune femme. Vampire ou immaculée, elle n’avait au final qu’une vingtaine d’années.

Et si la vie m’a appris une chose, c’est qu’il vaut mieux parfois ne pas trop s’inquiéter des dangers du lendemain et se focaliser sur l'instant présent. La peur paralyse nos sens et nous empêche d’avancer.

Il parlait réellement en connaissance de cause, lui qui avait vécu pendant des années en constant danger, alors qu'il trahissait son ancien mentor. Cette période où chaque jour avait été une épreuve de force et où chaque instant avait si durement compté.

Nos peuples ont traversé des maelstrom d’agonie et pourtant s’en sont toujours sortis. Nous avons toujours trouvé des amis, des alliés, une main tendue, une providence inattendue, pour nous aider. Faisons de notre mieux et il n’y aura pas de raison qu’il n’en soit pas de même cette fois aussi.

Il la laissa continuer et se retint de renifler au nom du doux cygne. Traitre cygne, oui. Il se garda bien de livrer cette médisante pensée et conserva son sourire figé. Qu’il était fascinant de voir ce gris orage devenir si dur et si âpre pour se voiler ensuite d’une brume opalescente… Fascinant oui. Envoûtant.

Il dut forcer toutefois ses obsidiennes à se détacher des perles grises, sous peine de devenir outrageant. Son regard dériva sur le parchemin. Et déjà son esprit nota toutes les informations qu'il observait. Une lettre. Belle écriture. Comte de Bastidonne. Son mari, ce fameux maître-espion. Information confirmée donc. Lettre parfumée, dirait-on… Pure courtoisie d’une femme à son mari ? Ou réelle attention envers un homme qu’on affectionne ? Ilhan reporta son regard sur la jeune femme. Non, cette femme-là ne semblait pas femme à s’attendrir. Pas femme à s’attacher. N’était-elle pas une Dalis après tout ? Non il reconnaissait ces flagrances maintenant. Il avait eu droit au même traitement de faveur. Au même parfum.. que son mari… amant… Se pourrait-il ? Non, elle n’oserait pas le courtiser lui aussi, n’est-il pas ?

A cette constatation et saugrenue idée, Ilhan se raidit. Et ne fit aucun effort pour rompre le silence. Il reporta son attention sur la servante. Etait-elle une Dalis elle aussi ? Elle en avait tous les traits, toute la finesse. Une espionne au service de leur géniteur ? Allez savoir. Méfiance était de mise. Plus encore qu’elle ne l’avait été, dirons-nous...

Il écouta ses confessions en un silence poli mais se garda bien de tout geste. Il entendait les mots, cet appel à se faire consoler. Se faire courtiser par l’homme en face d’elle, qui serait sensible à ses charmes trompeurs, à son sourire charmeur, et à sa troublante fragilité après le drame éprouvé. Mais… Mais non, il n’était pas cet homme-là. Même s’il sentait une once de compassion s’esquisser en lui. Traitresse femme, si jeune mais si douée ! Il parvint, par sa maitrise coutumière, à rester de marbre, même si son sourire s’adoucit. Ne pas céder. Se garder de tout mouvement, toute parole, qui pourrait être mal interprété.

Et il soupira intérieurement de soulagement quand elle changea de sujet.

Avez-vous eu l'occasion de parler à Toryné dernièrement ?

Pour se figer de stupeur, marquant pour la première fois depuis son entrée, une expression authentique. De tous les sujets, il fallait qu’elle aborde celui-là ? Ilhan en resta coi quelques instants, cherchant l’erreur ou le piège. Avait-il mal entendu ? Non il n’était pas si vieux, pas encore. Son audition n’avait rencontré aucun souci ces derniers temps. Non, il était sûr d’avoir bien compris… Alors quoi ? Pourquoi ce sujet-là ?

En tout cas, cette question démentait ce qu’elle avait prétendu peu avant. Elle avait bel et bien entendu parler de lui. Certainement par Toryné lui-même. Restait à savoir ce que le bougre avait révélé sur lui...

Son regard fit subrepticement le tour de la tente, comme cherchant une explication. En vain. Il reporta son attention soutenue sur la jeune femme, dardant son regard de jais dans celui d’opale. Il toussota légèrement, puis attrapa sa tasse, dans une vaine tentative de reprendre contenance. En tout cas pour se gagner du temps. Et avala une goutte du thé… avant de réaliser avoir bu sans avoir laissé boire la traitresse en premier comme il le faisait d’ordinaire.

Fichtre, elle le troublait bien trop pour qu’il en oubliât ses règles de sécurité élémentaires ! Le thé était-il empoisonné ? Allait-il… Diantre, maudit soit-il ! Il reposa la tasse un peu sèchement, et releva la tête, son sourire éternel offert au visage d’ange, ses perles noires se faisant plus scrutatrices encore.

Je dois avouer que de toutes les questions, je ne m’attendais pas à celle-là.

Inutile de nier, même si sa réaction n’avait pris que quelques secondes, elle n’avait pas été aveugle à son trouble.

Nous correspondions régulièrement antan en effet. Mais depuis notre arrivée sur l’archipel, depuis notre embarcation sur les bateaux, j’avoue avoir quelque peu négligé cette…

Non pas relation, ce serait un mot trop fort, portant bien trop de connotations.

Cet échange. Nous nous sommes comme perdus de vue.

Ce qui était à moitié vrai. Et à moitié faux, si l’on savait que ses araignées avaient repris depuis peu leur activité et tissaient de nouveau vers cet ancien ennemi.

Je ne lui ai pas parlé depuis… longtemps. Avez-vous eu de ses nouvelles vous-mêmes ?

Son regard dériva vers les tasses et il se força à chasser toute inquiétude de ses traits. Mais les yeux ne mentaient pas, se rappela-t-il. Était-elle aussi doué que lui pour lire dans les regards ?

Il vous a apparemment quelque peu parlé de moi, si vous savez que nous nous connaissions. J’espère qu’il n’a pas été trop dur envers son ancien… rival...

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Les yeux de la courtisane étaient ternis par le doute et l'inquiétude, il n'y avait ni la malice ou cet air mutin qu'on lui trouvait dans ces beaux jours, l'argent était plus terne comme un jour de pluie, terni par la cendre des victimes que l'on avait brûlé. Quelque chose avait été brisé ce jour-là et elle ne parvenait pas à savoir quoi. Il lui faudrait au moins autant de temps pour se reconstruire après cette catastrophe que pour reconstruire la ville même. Elle avait survécu, mais à quel prix ? Au simple prix de son âme qui lui donnait l'impression de ce pavé dans les tréfonds de son gouffre, ou quelque chose de plus important ? Elle n'avait rien ressenti quand elle avait vu les décombres au fond du cratère, et n'avait pas cillé devant les cadavres, et pourtant son humanité était encore là, mais pour combien de temps ?

J'ai l'impression que si je le regarde trop longtemps, je vais disparaître. Le cratère occupait une bonne partie de ses pensées, ses journées comme de ses nuits, et elle doutait fortement que de simples hommes parviennent à sécuriser suffisamment l'endroit. Chaque chose la rappelait à ce gouffre sans fond, il l'attirait et la dégoûtait en même temps, elle avait hâte que tout cela se termine, mais elle avait vu les piliers qui retenaient l'île, elle se persuadait que ça allait recommencer, ici ou ailleurs, jusqu'à qu'il ne reste plus rien de cette île, ou peut-être même du monde. J'ai du mal à croire que nos dirigeants puisse faire quoi que ce soit contre cette plaie béante.

Elle n'avait pas vraiment tort, aucune magie ni aucun artifice aiderait à empêcher cette balafre de s'étendre d'avantage, et elle se persuadait qu'un malheur allait arriver, une réaction qui pourrait paraître disproportionnée si elle n'avait pas vu ce qu'elle avait vu et finalement elle aurait préférer rester dans l'ignorance ce jour-là. L'immensité des sous-terrains l'avait effrayée et ce qu'ils abritaient encore plus. L'affrontement des deux golems n'était que le début et peut-être qu'ils n'étaient même pas les plus gros et peut-être qu'à l'heure actuelle d'autres s'éveillaient.

Les conseils de l'homme étaient judicieux et sages, mais elle réfléchissait trop, beaucoup trop, sa nature l'avait trop obligé à anticiper toutes les possibilités pour rayer le moindre échec de la liste des possibilités et à présent la moindre incertitude la terrifiait.

Vous savez-je n'ai pas eu la malchance de connaître les guerres, toutes les connaissances des anciens et des vétérans me sont étrangères, j'ai vécu dans une tour d'ivoire, bien à l'abri des vices de ce monde. Même les chimères, je n'y ai pas été réellement confronté, il y avait toujours quelqu'un pour m'éloigner de ces visions de chaos. Ce que j'ai vu au fond de ce cratère était la pire vision que je pouvais me faire d'un champ de bataille. Elle avouait ainsi sa méconnaissance, ce qui était tout à fait exotique pour une fille de sang Dalis.

Il n'y a pas si longtemps, elle croyait que les guerres étaient seulement des rangs de preux chevaliers en armures rutilantes qui luttaient pour une noble dame sur les champs d'honneur et surtout qui triomphaient. Bien entendue, elle avait connu la mort, des morts diverses, naturelles ou qu'elle-même avait provoqué. Elle se souvenait d'avoir volontiers travaillé avec un jeune assassin d'Athgalan durant son errance, qui avait été tenter de la doubler, elle en avait été ravie et finalement ses outils de travail avaient été sa dague, une pelle et une tombe anonyme. Mais il y avait une nuance entre un drame tel que celui de Cordont, ou un champ de bataille et cette tombe. Même si à présent ce souvenir lui donnait la nausée.

Nous nous sommes quittés en très mauvais termes après la catastrophe, nos avis divergeaient sur bien trop de points et je crains que cela soit définitif à présent. Après une longue réflexion, j'ai préféré mettre fin à notre union. Elle avait dit cela comme si ça avait été un véritable soulagement. Nous ne nous sommes jamais réellement entendus et ce n'est pas un homme qui apprécie que l'on s'oppose à lui de quelque manière que ce soit. Il s'agissait là presque d'une aimable recommandation.

Elle en avait fini avec toute cette faiblesse. Il l'avait poussé vers la sortie, à lui d'en assumer les conséquences. Même si elle regrettait profondément ces moments perdus, elle avait préféré tirer un trait net, vers un avenir pas forcément plus lumineux, mais plus joyeux.

J'ignore bien le lien que vous pouvez avoir avec mon père, mais comme vous êtes deux hommes du monde, pour ne pas dire politique, j'ai pu facilement supposer que vous vous connaissiez. Après tout n'est-il pas normal que les conseillers communiquent entre eux ? En réalité, elle avait été maline sur le coup, elle avait obtenu une réponse aisément sans même la demander. Je me moque bien des rivaux qu'il puisse avoir, il a beaucoup d'ennemis ici.. Et ailleurs. Elle lui avouait ainsi une chose, en retour. Affichant un air pensif et boudeur durant quelques secondes. Et il fait parti des miens à présent. Du moins, s'il osait menacer sa famille ou Aldaron, là, il ferait bien de se méfier.

Elle, qui n'avait jamais été soumise à aucune difficulté, à présent la moindre marche, semblait être une montagne à gravir. Elle s'avait bien que cet homme ne l'aiderait pas, elle le sentait dans les battements de son cœur rongé par la méfiance. Plissant légèrement les yeux pour analyser plus soigneusement la situation, un pli soucieux barrant une nouvelle fois son front, retrouvant durant quelques secondes le côté enfantin de ses dix-sept printemps.

Mais si vous n'avez aucune nouvelle de lui alors soit, ne parlons pas de choses malheureuses ! Elle prononçait souvent ce genre de phrase qui avait l'excellente capacité pour mettre un terme à une conversation désagréable. Et ne gâchez pas ce thé, il vient du royaume elfique et m'a coûté une véritable fortune.

Après avoir laissé cette phrase en suspend, elle plongeait ses lèvres dans le liquide chaud, qui lui remontait un peu le moral. Elle se perdait dans ses pensées une nouvelle fois, elle avait souvent ces moments d'absence. Comment avait-elle pu savoir ? Elle n'avait pas lu dans ses pensées ? Elle en était bien un capable. Elle éclaircissait ce mystère. Votre cœur, je l'entends d'ici. Personne ne vous veut du mal ici, ser Avente et ne pensez pas me connaître sous le prétexte que vous connaissez mon géniteur, nous sommes très différents. Les vampires avaient les ouïes fines, un talent qu'elle avait gardé depuis son immaculation, elle semblait réellement peinée que l'homme se montre aussi méfiant à son égard, ce n'était pas quelque chose de feinter.

Alors je vous demanderais une seule fois, si quelque chose vous trouble, parlez-en. Elle levait des yeux presque sinistre, mais dénué d'émotion, elle s'était sentie insultée par les réactions de l'homme, elle avait le ton des femmes qui ne veulent pas être d'avantage ennuyé. Néanmoins, elle était persuadée que ce n'était qu'une passe, alors elle se ressaisissait et finissait par ajouter.

Je suis entourée de gens que je ne connais pas ou qui me haïssent parce que mon père est un traître et je suis entourée de membres de l'alliance qui me méprisent parce que je suis une courtisane et qui plus est sélénienne. C'est moi qui devrais avoir peur, ser Avente, parce que je suis seule. Il n'y avait pas besoin de savoir jouer de la politique pour comprendre qu'une cible seule était vulnérable et qui que ce soit qui ait posé ce pion ici, c'était presque de la cruauté, purement et simplement, parce que d'ordinaire elle était toujours entourée de gens connus, qui savaient la protéger et qui veillaient sur elle.

Elle avait besoin de se ressaisir un peu, elle était à fleur de peau depuis une semaine, le moindre geste indélicat l'ébranlait, alors elle lui tournait le dos, le temps de se reprendre, elle se voûtait un peu pour chasser une nausée. Elle profitait de ne pas lui faire face pour sécher ses larmes, ce qu'elle se haïssait, elle et sa faiblesse ! Elle restait un long moment silencieuse, elle avait au moins besoin de cela pour se remettre les idées claires. Puis finissant par revenir à table, pour se plonger dans sa tasse, les yeux encore humides. L'argent était passé au ciel gris et terne, couleur ardoise.

Sintharia finissait par reprendre la parole après un certain moment de silence.

Pourquoi vous ais-je contacter, vous et pas un autre ? La question avait été posée et elle y répondait rapidement : Parce que vous êtes certainement la dernière personne dans ce camp à vouloir quelque chose de moi. Vous n'êtes ni intéressé par mon immense fortune, ni par l'influence que je possède et encore moins par mes charmes. Et par conséquent vous êtes bien la dernière personne que j'aurais envie de tuer ce soir et bien la seule à qui j'ai envie de parler.

Peut-être que c'était la seule chose qu'elle avait voulu depuis le début, quelqu'un à qui parler sans rien attendre en retour.

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J'ai du mal à croire que nos dirigeants puissent faire quoi que ce soit contre cette plaie béante.

Non en effet, ils ne pouvaient sans doute rien faire contre la plaie de Calastin. Le sinistre était arrivé, et ils n’avaient nul pouvoir de remonter le temps. Un pouvoir bien tentant, Ilhan devait bien l’avouer parfois. Mais ce serait là un pouvoir bien dangereux.

Non, il ne pouvait rien contre cette plaie, contre le sinistre, mais ils pouvaient essayer d’agir contre ce qui se terrait sous terre, d’agir contre les dangers qui guettaient les proies fragiles qu’étaient dès lors les rescapés, ils pouvaient tenter de les protéger, si ce n’est des dangers de la terre, des dangers de la fourberie des Hommes.

Mais en la voyant si perturbée, si agitée dans ses peurs et ses souffrances, Ilhan devina que, en cet instant, aucun mot ne la toucherait. Aucun mot ne résonnerait en elle et ni n’apaiserait sa douleur. Oui, il devait l’avouer, aussi douloureuse cette vérité soit-elle, il y avait des moments où les mots étaient impuissants. Et alors seuls les gestes comptaient. Les actes. Les mots les compléteraient ensuite, leur donnant une force plus affirmée.

Ilhan se tut donc. Et écouta. Oui, il savait écouter. Beaucoup. Avec une infinie patience. En un silence calme, serein. De ce calme qui avait su vaincre, jusqu’alors, les plus féroces colères de ses adversaires ou interlocuteurs.

Il nota pour lui-même chaque petite information qu’elle lui offrait sans le vouloir, sur elle, sur eux, sur cette étrange famille Dalis. Oh oui Toryné n’était pas vampire à apprécier l’opposition. Il aimait charmer et il aimait que ses proies, de quelque sorte qu’elles soient, se montrent charmantes aussi… Ennemis donc ? Les yeux sombres s’avivèrent plus encore à cette information, mais son sourire resta énigmatiquement stoïque et son visage garda son marbre lisse.

Mais non, et il ne mentait pas, il n’avait plus aucune nouvelle depuis leur arrivée en cet archipel. Peut-être un point auquel il devrait remédier… Il était toujours bon de garder contact avec ses pairs des autres royaumes. Histoire de garder un œil sur eux… Oui dès qu’il le pourrait, il lui écrirait.

Tout à ses pensées, Ilhan sursauta presque quand elle avoua entende son coeur battre chamade. Et sentir donc son appréhension. Ilhan plissa les yeux à cette affirmation, et mordit les lèvres pour se retenir de répondre quelque chose de plus acerbe qu’il ne le voudrait. Ainsi donc les immaculés gardaient leur sens de leur vie précédente ? Voilà qui était intéressant. Il lui faudrait aussi se renseigner plus avant sur l’immaculation… Comment arrivait-elle ? Pourquoi ? Qui était choisi ? À quel moment ? Quelles en étaient les origines, les conséquences ? Devaient-ils redouter, eux pauvres mortels humains, les immaculés ? Des questions qu’il devrait étudier, oui…

Mais plus tard. Un regard de cendres plongeait sur lui et il devait lui répondre.

Alors je vous demanderai une seule fois, si quelque chose vous trouble, parlez-en.

Je suis désolé si je vous aie paru discourtois. Ce ne sont là que de viles habitudes méfiantes qui me sont restées de ma vie à la Cour…

Il n'allait certainement pas avouer être mal à l'aise en présence de vampires, d'ex-vampires, et de tout membre de la famille Dalis, et encore moins se sentir plus que gêné aux avances détournées de la jeune femme...

Visiblement ce ne devait pas être une réponse appropriée, jugea-t-il quand il la vit se tourner. Sans doute pensait-elle qu’il ne la verrait pas pleurer, ainsi de dos. Mais c’était oublier le miroir non loin qui lui renvoya son visage en larmes, avant qu’elle ne les essuie bravement et se retourne vers lui. Le silence sembla s’étirer, s’éterniser, les enveloppant de sa chape de plomb. Pour autant Ilhan ne le brisa pas, et attendit. Attendit. Patience. Calme. Apaiser son propre coeur, sa propre âme… pour peut-être apaiser l’âme en face de lui ?

Oui, songea-t-il soudain, qu’avait-il à perdre à essayer ?

Quand elle se retourna, il lui offrit un doux sourire. Presque sincère. Presque, parce que méfiance restait ancrée dans le coeur du vieil althaïen. Mais presque parce qu’il sentait tout de même une réelle détresse en cette belle et jeune personne. Il lui tendit une main à travers la table, et alla happer la sienne en un geste tendre. Non pas le geste d’un homme envers une femme, mais d’un père envers une fille. Une fille qu’il n’avait jamais eue et qu’il aurait tant aimé chérir pourtant…

Venez, fit-il d’une voix grave. Si vous me permettez…

Se disant, il se leva, toujours tenant sa main, de façon galante, et l’intima par ce geste à se lever et le suivre. Elle le fit, à pas comptés, son regard cendré ancré dans les orbes sombres. Ilhan les attira vers le tapis moelleux qui trônait au milieu de la tente, et s’y assit en tailleur. Il tenait toujours la main douce de la belle et l’intima à en faire autant devant lui.

Nous serons plus à l’aise ainsi. Si vous me permettez…

Il marqua un léger temps d’arrêt et se pinça les lèvres, peu sûr de ce qu’il s’apprêtait à faire. Il avait déjà partagé quelques bribes de ses pratiques avec quelques-uns de ses collaborateurs de la Toile. Il avait un jour songé à ouvrir une école sur cette pratique qu’il avait presque inventée en prenant le meilleur de tout ce qu’il avait pu voir dans les autres peuples, elfiques et vampiriques. Mais… le temps lui manquait. Ce serait là presque sa première réelle élève en un sens. Une élève de quelques minutes tout au plus… Elle aviserait si elle souhaitait poursuivre ensuite. Elle ou un autre, il ne serait pas fermé à d’autres demandes, s’il en avait le temps, et si cet autre en avait la volonté.

Je vais vous montrer ce que je fais quand la douleur et la souffrance menacent de m’étouffer et quand mon esprit a besoin de retrouver paix et sérénité. Il s’agit de transe méditative. Les elfes pratiquent souvent la méditation, et les vampires la transe, que vous connaissez déjà. Je me suis inspiré de ces deux méthodes pour forger la mienne propre. J’ai pris le meilleur des deux, et surtout les composantes abordables pour un simple humain tel que moi.

Il s’installa en tailleur, posa ses mains sur ses genoux, les paumes vers le haut. Il intima Sintharia à faire de même et étrangement elle obtempéra sans un mot. Il lui attrapa doucement les mains.

Ce que je vais vous montrer, je le pratique chaque matin. Le contact me permettra de mieux vous guider. Maintenant, fermez les yeux. Oui, voilà. Fermez-les et écoutez ma voix. Nous allons vider votre esprit. Songez à un bruit que vous aimez. Moi, c’est le ressac de la mer. Là, écoutez-le, laissez-le vous happer. Il est en vous, il est autour de vous. Il vous entoure, vous enlace. Non, ne vous crispez pas, vous ne risquez rien. Laissez-vous guider par ma voix.

Il resserra doucement ses mains autour des doigts délicats qu’il tenait.

Là, concentrez-vous sur ce bruit. Il est en vous. Vous le sentez vibrer au creux de votre thorax, au creux de votre coeur. Bien. Inspirez, expirez, doucement. Une fois. Deux fois. Sentez vos muscles quand vous inspirez ainsi. Trois fois. Concentrez-vous sur cette sensation. Il n’y a qu’elle et ce bruit. Inspirez, expirez. Vous sentez vos muscles monter et descendre à chaque inspiration. Vous sentez le flux d’air arriver au coeur de vos poumons, les envelopper d’une douce brise, et doucement les quitter, repartir vers le haut. Vous sentez vos muscles se relâcher, et recommencer ce cycle. Laissez-vous bercer par ce rythme, ce doux leitmotiv de la vie. Bien. Il n’y a que ça et le bruit. Et ma voix. Nous allons plonger au coeur de vos entrailles. Sentez l’air vous envelopper, dans vos poumons. Il est en vous. Il est dense. Chaleureux. Il vous enivre. Il a peut-être une couleur. Peut-être pas. Il a peut-être une forme. Gardez-les précieusement. Là, vous le visualisez cet air que vous inspirez. Suivez-le maintenant. Il s’infiltre en vous, doucement, insuffle une force, une vie en vous. Il va à votre coeur. Vous entendez son petit tambour. Concentrez-vous sur les battements de votre coeur. Ils sont la berceuse de notre vie. Vous l’entendez ? Inspirez, expirez. Bien, là… Continuez. Inspirez…

Il s’arrêta et ouvrit les yeux. Il la vit soudain bien plus détendue qu’elle ne l’avait été depuis le début de leur entrevue.

Expirez, souffla-t-il la voix grave et profonde. Sentez votre coeur. Écoutez-le.

Et il fit silence. Écoutant son propre coeur apaisé. Et la laissa continuer seule la petite technique basique qu’il venait de lui montrer. Il crut un instant qu’elle allait réellement s’endormir. Quand elle ouvrit les yeux. Et lui sourit.

Non, pas un mot, fit-il tout en lui posant doucement un doigt sur les lèvres. Gardez cet instant en silence. Je vais vous laisser profiter de ce petit instant de paix. Écoutez votre coeur.

Et se disant, il lui offrit un délicat baise-main. Et se leva. À pas presque silencieux, il rejoignit l'entrée de la tente et lui accorda un dernier regard et un dernier sourire.

Si vous voulez en apprendre plus un jour, vous saurez où me trouver, murmura-t-il après un petit clin d’oeil.

Et il disparut.

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