- Cendres de rêve -
- quelques temps après le débarquement des ambarhunéens sur Tiamaranta -
Lorsque les hommes étaient venus ici pour la première fois, ils avaient chacun passé de longues heures à contempler la beauté de cet endroit. Ils en avaient observés chacune des collines, chacune des falaises, chacune des forêts, ils étaient mués par l'espoir, car, après avoir sillonné les mers agitées des mois durant sans certitudes de trouver une quelconque terre d’accueil, ils savouraient tous la joie de pouvoir reposer les yeux sur autre chose que de l'eau, les pieds sur autre chose que des planches oscillantes, craquantes. La neige était si douce lorsqu'ils la prenaient dans le creux de la main, et elle était si belle lorsqu'ils s'agenouillaient pour l'observer recouvrir jusqu'à constituer même l'essence du paysage de Nyn-Tiamat, elle ne leur permettrait pas la vie, mais, en oubliant les plus anxieux, chacun a été prêt, en une heure ou une autre, à accepter l'étreinte glacée de cette terre si ce n'est pour pouvoir la contempler à l'infini.
Ironiquement, c'était pourtant au bord de la mer que la singularité de Nyn-Tiamat se démarquait le plus. Près du pic d'une immense falaise qui surplombait l'océan se dessinaient quelques collines. Quelques sentiers laissaient entendre qu'il y a peu encore certains passaient encore par ici, mais c'était une époque révolue. Si ceux qui habitaient encore en la grande sauvagerie de la toundra admiraient cet endroit, ils le craignaient trop pour le traverser. Sa particularité était que les arbres qui composaient sa flore, n'étaient que des tas de cendres suspendus dans les airs, engloutis dans des stalagmites bleues. La glace en ces lieux avait été sculptée par des forces étranges et aveugles et d'une infinie précision, jusqu’à lui donner l'impression de prendre vie et de se développer telle une plante grimpante, mais dans les airs. Le vent cependant avait déjà depuis longtemps balayé les entrelacements de gel les plus fragiles, laissant cette œuvre chaotique inachevée, et condamnée à disparaître au fil des années.
Certaines choses ici cependant ne disparaîtraient pas, telles que les histoires que l'on racontait à son sujet, au sujet de son origine, de sa création. Des horreurs, le beau peut naître du mal, c'est ce qui rend le mal si attrayant. Des morts ici, par le passé beaucoup ont péris, se sont mêlés aux cendres des arbres emprisonnées dans la glace. Le sang a été versé, ainsi que des larmes. Comme une épée brisée, cet endroit semblait être le reflet d'une fragmentation. Certaines choses naissent ensembles, et finissent par se séparer pour diverses causes, mais pour autant évoluent chacun de leur coté. C'est l'interprétation la plus facile que l'on pourrait avoir de ces motifs gelés. Combien de temps depuis ce cataclysme ? Impossible de le savoir, mais il y avait quelque chose ici dans lequel il perdurait encore.
Caché sous les débris, sous le tronc d'un arbre gelé, un caillou d'obsidienne gisait. Il était là totalement naturellement, il était d'ailleurs accompagné de quelques autres pierres, mais elles contrastaient avec lui. Elles étaient recouvertes par la neige lorsqu'il ne l'était pas, elles étaient ternes et vides lorsque lui semblait vibrer d'une émotion noire. C'était une pierre d'obsidienne, mais sa nature en avait été changée, le minerai qui la compose était devenu limpide, mais quelque chose qu'il abritait l'assombrissait plus encore que n'importe quelle nuance de noir. Cet artefact était comme un morceau de cristal qui contenait une anomalie. Une anomalie magique peut être, mais surtout une anomalie de l'âme, cette chose contenait tellement d'émotions qu'elle en venait à faire fondre la neige autour d'elle, à faire prospérer les cendres et à attirer la plus lumineuse des âmes dans une fascination morbide pour l'obscurité d'une nuit... éternelle.
Ce fragment aurait du être détruit depuis longtemps, mais quelqu'un, ou quelque chose, lui a permit de vivre encore... n'est-ce pas ?