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descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyLe coeur des radis [Valmys]

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    1er Décembre 1762, Mariage de Luna & Orfraie

    Ratifier le traité de Cordont avait mis plusieurs longues semaines et cela s'était enfin apaisé. Nolan ne comprendrait ou n'accepterait jamais le rôle qu'avait joué Aldaron dans tout cela. Probablement se féliciterait-il copieusement d'avoir préserver la paix... Mais l'Alliance se souviendrait de l'instabilité et des nombreuses bourdes diplomatiques que le roi avait accumulées et sur lesquelles l'Alliance avait volontairement fermé les yeux. Nolan avait brûlé toutes ses chances avec le sud de Calastin. Aux yeux de ses dirigeants, il n'était plus qu'un guignol capricieux qui mettait un point d'orgueil à avoir le dernier mot. Soit, il l'avait eu et qu'importait ? L'Alliance revenait victorieuse avec la tutelle de la Chue et le Royaume avait été se rhabiller à la frontière. Les épaules du Bourgmestre retombaient, dans un souffle, un soupir, délivré. C'était fini.

    Les troupes séléniennes s'étaient retirées après la signature de l'accord et la tutelle s'organisait pour s'installer efficacement face à la béance des profondeurs. Ils avaient beaucoup de travail devant eux. Avec les mois pluvieux, les coulées de boue et les effondrements viendraient élargir la catastrophe s'ils n'achevaient pas les travaux de stabilisation. A partir de maintenant, c'était du travail positif, du travail d'avenir pour bâtir une protection pour Cordont et pour Calastin. Dans sa tente, l'elfe à la peau cendrée s'était vêtu proprement. Il ne serait pas physiquement présent au mariage de Luna et d'Orfraie, mais il ferait en sorte d'être là tout de même. Sa tête tomba en avant, molle, l'esprit en transe. Il s'accrochait à Autone, sa conseillère qui était sur place à présent. Sa silhouette régalienne se dressait aux côtés de la jeune humaine avant qu'il ne l'accompagne à la cérémonie. Les dragonnières avaient été d'une grande aide dans les ruines de Cordont pour secourir les blessés. Il aurait préféré que les choses ne se passe pas ainsi, mais il n'arrivait pas à en vouloir à Luna. Tout le monde faisait des erreurs et son frère couronné en avait fait de bien pires. Il était heureux pour elle.

    La cérémonie était sublime, à l'image des deux princesses qui s'unissaient. En vérité, cela lui réchauffait le cœur de constater que ce genre de moment heureux existaient toujours et puis... Maintenant qu'il était lui-même fiancé, il ne pouvait s'empêcher de se projeter et d'espérer un mariage en paix comme Ivanyr et lui en rêvaient. Lorsque vint l'instant des chants, de la musique et des jeux, Aldaron s'apprêtait à se retirer, veillant à se présenter auprès des mariées pour les féliciter avant son départ, et leur offrir leur cadeau de mariage. Toutefois, ses prunelles d'émeraudes vinrent se poser sur un être au buffet des légumes. Son fils adoptif. Un fin sourire se dessinait sur ses lèvres, heureux de le retrouver. Il détacha son ancre d'Autone pour lier son sort du passeur à Valmys, puis il approchait de lui.

    Sa main, aux traits encore émaciés, venait se poser sur l'épaule du baptistrel avec une tendresse paternelle : « Bonjour Valmys, je suis heureux de te rev... » entama-t-il en elfique, mais bien vite sa phrase resta en suspens lorsqu'il s’aperçut que Valmys avait un radis contre l'oreille et l'air très concentré. Ses sourcils blancs venaient se froncer doucement : « Que... Que fais-tu avec ce radis ? » Son timbre de voix transpirait sa perplexité.

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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"- Je ferai attention à ton corps autant que je le pourrai." La promesse du baptistrel était solennelle mais le sourire qu'il adressait à son apprenti les liait tous les deux leur commune place de frères bipèdes. Dawan était reconnaissant envers Valmys de le laisser répondre à l'appel de son amie. L'Enwr avait assuré qu'il s'ennuierait sans doute moins ainsi. Le Chanteciel avait perçu que le jeune Sainnûr était surtout très intrigué par l'expérience qu'ils allaient faire, et que la nature des maîtres-bardes le poussait à la confiance. Ils allaient tous les deux pouvoir se présenter au mariage, chacun à leur façon, chacun en leur temps. Valmys en tirerait bien des choses.Dawan pourrait retourner dans son monde avec le doux sentiment de n'avoir pas laissé à son amie le goût amer des deuils, pour un jour aussi beau que celui de son union avec une part de son coeur.
"- Méfiez-vous du chocolat Cawr Dawan. Son goût est délicieux, mais une trop grande quantité a parfois des effets surprenant, selon mon expérience."
Le regard perlé de Dawan fixa longuement et sans ciller l'Enwr. De ce dernier émanaient un souvenir inconfortable et pourtant légèrement amusé. Pourquoi diantre venait-il narguer la curiosité de l'elfe des rêves, pour mieux lui interdire de s'épancher ? Ce temps de silence fut celui qu'il fallut à Dawan pour lier "privé de chocolat" à ce sentiment qui prenait le coeur quand il était question de protéger quelqu'un.
"- Je ferai attention."




Un immense vertige le prit lorsqu'il chût de son éthéré domaine pour cet endroit que l'on nommait tendrement "réalité". Le temps lui parut à la fois infime et infini. Les abysses de différences entre ces deux refuges à esprits le frappèrent de plein fouet, comme autant de perceptions oubliés, jusqu'à celle de la gravité. Mais tous ces oublis n'étaient que des souvenirs jusqu'alors inconnus qui revenaient aussi prestement que si sa mort avait eu lieu la veille.
Dawan resta un moment allongé, les yeux fermés. Ses premiers mouvements furent lents et appliqués. Il voulait tout voir, tout sentir, même s'il n'était certain de pouvoir ramener cette mémoire avec lui. Au moins Valmys aurait-il alors, quelque part en lui, cette idée très précise de ce que cela faisait d'user d'un muscle, d'affronter l'attraction de la terre, d'affronter même les autres fragments d'univers autour de soi. Ici, la plus forte des volontés ne pouvait soulever les montagnes. Ici, ils étaient limités... Par l'altérité. Un concept que le Chanteciel retrouvait avec amour et délice, tant cela était lourd de symboles. Néanmoins, les vibrations que lui avait pu entendre lui manquaient. Elles l'avaient tant connecté à ce qui vivait, et il était si triste de ne pouvoir étendre ses sens pour savoir comment s'adresser aux autres !

C'était également une expérience fascinante que d'empreinter le corps de quelqu'un d'autre. Dawan avait observé les mains métisses et veinulées de blanc de Valmys, avec un petit sourire ravi. Cela changeait beaucoup, malgré toute la normalité que ledit organisme pouvait ressentir envers lui-même. Ses muscles, entrainés différemment, ne réagissaient pas de la même façon, sa dextérité était subtilement différente.
Le plus fameux était tout de même l'intérieur du crâne de l'apprenti. Sa méfiance instinctivement et traumatique était, pour Dawan, facile à franchir. Dépassée, elle dévoilait une nature affectueuse et joviale, et ce qui ressemblait à l'équilibre que Dawan avait jadis perdu. Retrouver la douceur d'une psyché encore entière. Ses ultimes souvenirs, à sa mort, avaient été si lourd, si sombres... Ressentir le monde sans ce poids était un présent qu'il était ravi de pouvoir retrouver. COmme si cela lui avait manqué. Peut-être était-ce tout ce dont il avait eu besoin, après tout. Peut-être que ces idées selon lesquelles il avait quelque chose à accomplir dans le monde des rêves n'étaient que fariboles et que, le mariage terminé, il pourrait se blottir dans le royaume des morts, comme il aurait dû le faire. Il aviserait. Il avait le temps. Il avait au moins le temps d'un mariage !

Valmys ne connaissait que peu de gens ici, et nombreux le regardaient de travers. D'habitude le petit être passait inaperçu, même avec ses veinules. Une habitude, une attitude, une présence qui était sienne. Dawan avait cette aura très particulière, ces branches d'arbre blanches qui s'étendaient sur son visage, et ce sourire tout doux, ce regard tout amoureux du monde, et très rêveur, cette démarche un peu trop bondissante, comme s'il avait oublié comment faire autrement. Il se moquait toujours autant de ce que les inconnus pouvaient penser de lui, tant qu'il ne leur faisait de mal. Retrouver l'étendue du ciel lui importait davantage, tout lié d'étoiles qu'il était. Leur picotement sur sa peau lui manquait un peu. La chaleur des invités et le froid de l'air marin caressaient ses joues. Il touchait à tout: aux plantes, aux cailloux -comme si la première leçon n'avait suffit-, au buffet aussi. L'organisme de Valmys paraissait bien sensible aux douceurs qui tenaient tant à coeur aux spirites de la Vache. Du peu que Dawan savait, l'apprenti avait davantage connu la faim que lui. D'où l'avertissement, peut-être.

Dawan étant ce qu'il était, il avait été plus que naturel que ses pas le mènent ça et là, au gré des beautés du monde des vivants. C'était ainsi qu'il s'était retrouvé à ce buffet, avec les instincts de Valmys. Le tout petit bout de chocolat pris pour essayer en valait la chandelle ! Le goût en était unique, son amérité et son sucre divinement partagés autour d'un timbre qui mêlait force et subtilité. Au final, l'avertissement n'était pas vain. Sans cela, Dawan aurait sans doute cédé à la tentation de goûter ceux à la menthe, à la framboise, à l'orange, aux... Oh ! Aux myrtilles. Myyyyrtilles. Euh, non, il allait les prendre autrement, les myrtilles. Dans la coupelle là-bas, par exemple. Qu'elles étaient belles, avec leur couleur violette, les reflets de la lumière qui mettait en valeur leur aspect juteux...

C'était comme cela qu'il s'était retrouvé un radis contre l'oreille. Il avait voulu le câliner, ce pauvre petit radis esseulé. Puis il avait manqué de ce lien qu'il avait avec tout ce qui constituait le monde des rêves. Toucher quelque chose, et ne pas le ressentir à l'intérieur de son bras, de son âme, lui manquait. Alors oui, il avait voulu entendre le coeur des radis.
Et alors ? N'auriez vous pas fait de même, à sa place ?

Néanmoins, une fraction de seconde fut suffisante pour oublier ce qui le chagrinait. Aldaron ! C'était vrai, il était invité aussi ! Dawan allait pouvoir profiter de ses dernières heures dans ce monde-ci (avant les suivantes) en compagnie de ceux qu'il aimait ! C'était... C'était...!

"- Aldaroooon !"

Malgré toute la gêne que l'organisme de Valmys lui transmit, et la légère nausée qui ne le prit que trop tard, Dawan se jeta au cou d'Aldaron, le prenant dans ses bras dans une étreinte nostalgique.

"- Dawan est si heureux de te voir ! N'est-ce pas merveilleux ? Être tous réunis, par-delà les distances, pour célébrer l'amour ?" S'entendre avec la voix de Valmys était toujours aussi déstabilisant. Sans doute moins que, pour Aldaron, de se voir adresser la parole par un Valmys à la voix plus lente que d'habitude, plus douce, et dôté d'un regard perlé. Mh ? Le fait de parler à la troisième personne ? Valmys restait un baptistrel et, au milieu de ces emmêlements de corps et d'esprits, Dawan ne voulait mentir par ignorance. Le petit être s'était détaché de son aîné, ménageant sa nausée, pour se contenter de lui tenir le poignet. Même ceci étant compliqué pour Valmys. Diantre... Qu'ils avaient été durs envers lui.

"- Valmys m'a dit que tu l'avais adopté... Oh, il était si heureux, si tu avais vu son sourire !" Oui, exactement le même sourire niais qu'il était en train d'arborer là. "Il m'a dit aussi que tu avais trouvé un certain piou-piou aussi... Alors ? En veux-tu à Dawan d'avoir voulu garder la surprise ?"

Il eut un petit rire, malhabile, troublé par le réflexe qui venait de Valmys et le souvenir qu'il avait de la bonne façon de rire. Un bref arrêt suivi le rire, un regard tendre posé sur le radis, que Dawan tenait toujours en main. Il le porta à l'oreille d'Aldaron, un doigt sur ses lèvres, pour lui faire profiter également du son. Puis il le retira, délicatement.

"- N'oublie pas ce bruit."

Murmura-t-il, avnt de faire signe à Aldaron de le suivre vers un coin moins populeux du mariage. Une poignée de myrtilles fut attrapée au vol.

"- Et toi, quelles nouvelles me donnes-tu de ton monde ? Des gens que tu aimes ? As-tu quelques plans de dessinés pour demain ?"


descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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    L'accolade était venue d'un coup, brillante par son imprévisibilité, comme un cadeau tombé du ciel. L'elfe avait beau être le père de Valmys, il était surpris. Il n'avait pas encore eu droit à ce genre de proximité avec son enfant. Non pas que cela lui déplaise, car cela faisait sens à ses yeux qu'une famille se devait d'échanger de la sorte, mais il savait que sa boîte à musique avait subi un traumatisme de nature à réduire les contacts physiques. Il comprenait et respectait, si bien qu'il eut le réflexe de vouloir s'écarter, au moins juste un peu, pour protéger son fils de son propre contact et puis, pour toute l'affection sincère qu'il lui portait, il referma sur lui ses bras, comme pour l'enfermer dans un écrin de bonheur où il ne grelotterait plus de peur. Le protéger. C'était fou comme ce mot lui revenait en boucle, comme le glas régulier d'une cloche, dans son esprit, claquant le métal de tout son cœur, pour lui rappeler que c'était ce qui brûlait au fond de son âtre, comme un brasier. Protéger. Etait-il devenu malade pour que cela devienne un rite impeccablement exécuté, une tradition gravée dans son âme comme on forge un être entre le feu, l'enclume et le marteau en un carillon de force ? Elle lui fit du bien, cette étreinte, à lui qui avait tant besoin de se reconstruire. Lui qui avait été abandonné par le destin, comme une vieille chaussette.

    Et puis, dans l'étrangeté du comportement, il y avait ce ton, peu ordinaire, qui venait clamer son prénom. Il n'avait plus souvenir que Valmys l'appelle autrement que père, ou d'un surnom affectueux du même acabit. 'Aldaron', cela sonnait aussi spécialement que 'Mère'. Cela lui ressemblait, au moins un peu, sans pour autant le caractériser. Cela lui donnait l'impression de se prendre une bûche à l'arrière du crâne et, sonné, il clignait des yeux d'incrédulité. La suite termina d'achever sa réflexion lorsque Dawan lui fut offert dans son plus simple appareil. Comme un chœur, il répétait, encore perturbé : « Heureux de te voir... D-Dawan ? Comment ? » Il savait que le Chanteciel avait l'habitude d'intervenir dans les rêves. Il se souvenait de celui où il s'était retrouvé avec Valmys et son amie Luna. A la fois magique et perturbant. Il se souvenait avoir mangé des confiseries. Du chocolat. A l'intérieur, une petite figurine surprise représentait un inséparable. Il se souvenait avoir été un œuf d'or, niché sur la branche d'un arbre. Il n'avait pas voulu sortir, là, au chaud, dans sa coquille... Protégé. Cela devenait aussi bizarre que dans ces contes pour enfants où on se moquait bien du sens tant que cela faisait une histoire, partageait de l'émotion, de la joie ou de la peur. Seule la leçon comptait, pas le réalisme.

    Qu'avait donc fait Dawan pour en arriver là ? S'il venait dans les rêves, était-ce possible que son fils soit en train de dormir et de marcher, comme un somnambule ? Il ne voyait que cette explication logique. Rien d'autre ne faisait du sens... Mais était-ce important ? Ne pouvait-il pas simplement profiter un peu de sa présence ? Ce n'était pas tous les jours que Dawan et lui étaient réunis. Cela relevait plus du fabuleux ou du miracle qu'un tel moment leur soit offert. Mais à peine eut-il cette idée en tête que le Baptistrel des Étoiles le mettait encore en déroute en lui collant un radis rouge et blanc contre l'oreille. Il entendit battre son propre cœur, clignant des yeux aux mots qu'on prononçait, et puis, sans opposition aucune, il le suivit à l'écart. « Beaucoup de chose en vérité, mais bien peu que tu ignores, je me trompes ? » demanda-t-il, fronçant les sourcils : « Comment as-tu fait pour le savoir ? Tu es... Intemporel, comme les rêves ? » Il posait beaucoup de questions, il cherchait encore comment et se fustigea de le faire. Pour tout l'amour qu'il éprouvait pour ce monde, ne pouvait-il pas cesser un peu de réfléchir ? Il chantait toujours la même chose, lui-même se fatiguait d'être aussi pragmatique plutôt que fasciné par les merveilles qui l'entouraient. Avait-il perdu son âme à Morneflamme ?

    Passant une main dans sa barbe inexistante, il finit par secouer la tête de gauche à droite, en accordant un signe de la main à Valmys pour lui faire comprendre qu'il était inutile qu'il s'échine à lui fournir une réponse. Le mystère éthéré lui allait comme un gant, au fond. Tout savoir n'était pas bon. Il s'assit sur un banc de bois peint de rouge pour l'occasion. C'était plus calme, même si on entendait la musique rythmée et joyeuse en fond. Ici, cela semblait étouffé. Un chandelier d'argent portait des bougies blanches, immaculée pour célébrer l'union sacrée de Luna et d'Orfraie. Son ombre portait sur un sol enneigé, que le froid avait couronné de givre. Cela scintillait à la lumière des flammes vacillantes, comme celles d'une cheminée. « Merci d'être là, cela fait du bien de te revoir, Dawan. » Même si son fils lui manquait aussi énormément. Avec l'incident de Cordont, il était bloqué loin des siens. La peine grandissait dans sa gorge telle une boule sournoise qui finirait pas le faire suffoquer. Fort heureusement, le traité avait été signé la veille et il faisait le vœu que cela perdure encore assez longtemps pour qu'il puisse retrouver au moins sa fille, Eleonnora, avant la fin du mois de décembre. « J'ai effectivement adopté Valmys, je pense que nous avions tous les deux besoin de nous trouver. Je sais qu'il ne remplacera pas mon fils biologique mais il... M'apprend à devenir père. Eleonnora aussi, à sa façon. Ils sont si différents tout les deux et pourtant, même si j'ai l'impression de ne pas savoir sur quel pied danser, nous nous trouvons. Cela fait une grande différence... J'ai toujours eu plus de facilité avec une famille que je choisis plus qu'avec celle que le sang m'a offert. N'est-ce pas cruel ? Celeborn ne mérite pas de traverser tous ces hivers sans un père. »

    Ou peut-être que si, au fond. Peut-être était-il le seul à se faire un sang d'encre pour lui. Celeborn avait pu tourner cette page douloureuse. Cela faisait plus que quatre siècles qu'il était absent, il avait largement dépassé le délai de minuit pour rentrer chez lui. En vérité, c'était tout le mal que la Triade lui souhaitait. Plutôt qu'un festin de souffrances rongeant son âme à l'idée d'un père qui ne reviendrait jamais. « J'ai aussi retrouvé Ivanyr, nous nous sommes lié de l'Inséparable, il y a quelques jours et... Quand j'ai revu son visage, mon cœur s'est arrêté. Vraiment. Ma vie avait été soufflée par un vent de glace. La nuit pour moi, plus qu'éternelle. J'ai eu de la chance d'avoir un habile guérisseur à mes côtés qui a été capable de me faire revenir. Tu as peut-être bien fait de me garder la surprise, mais pour une seule et unique raison : tu m'aurais tué sans le vouloir. Enfin... Pour dire vrai, je ne sais même pas si je t'aurais cru. Je pense que... Tant que je ne l'aurais pas vu de mes propres yeux ou... Senti, j'aurais refusé d'accepter cela pour vrai. C'était... défaire un nœud si rudement serré pour mon propre bien, tu comprends ? C'était trop dur. » Il eut un sourire, triste en coulant un regard sur Valmys avant de reléguer cela au passé.

    « Nous allons nous marier, au printemps. » Quand ils pourraient quitter leurs bottes pour des souliers légers en cette période de la renaissance. Il lui montra l'alliance de corail moiré qui fait office de bague de fiançailles. « N'est-ce pas merveilleux ? Cette coutume est peu de chose à côté de notre union spirituelle mais je voulais porter son nom. » Aldaron avait toujours eu un nom qui le définissait. Leweïnra était le père, la Triade était le frère. Bientôt, il en aurait un troisième pour se désigner comme époux. « Tu pourras venir, Dawan, si tu le souhaites. Enfin... Laisse aussi mon fils en profiter un peu mais... Le mariage chez les humains dure deux jours. Il y aura des chants, des jeux, des rires. Tu seras bienvenue. Peut-être pourras-tu nous jouer un peu de musique ? Tu sais que j'ai gardé ta vielle à archer ? Avec mon marché, j'ai récupéré beaucoup de souvenirs. J'ai aussi une écharpe, à toi. Je ne sais pas comment tu as eu la patience de la tricoter. » Dawan avait toujours eu du mal à se concentrer sur une seule et même chose. S'il l'avait vraiment faite de lui-même, il avait du s'y prendre à plusieurs fois, sans aucun doute. « Viens pour le dîner. Tu as l'air de te régaler de ces petites choses sucrées, pain d'épices, gâteau à la châtaigne. »

    L'ivoire tranchait la cendre des ses lèvres pour un sourire sincère : « Je comptais demander à Valmys, pour la décoration. Je voulais quelque chose de vert, très naturel. Loin de la ville. Il y a une petite forêt de sapins au sud de Caladon, cela sent meilleur que de l'encens, je trouve. » Il y avait peut de personne avec qui il arrivait à parler aussi fluidement, sans filtre, sans retenir ses pensées. Assurément, la présence de Dawan lui faisait un bien fou. Il resta coi un instant : un renne non loin d'eux. S'ils ne bougeaient pas trop, ils ne l'effraieraient pas. Doucement, il le désigna à Dawan.

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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Dawan eut un petit rire devant l'expression d'Aldaron, lorsque ce dernier le prit dans ses bras. Naïvement, le chanteciel avait imaginé que Valmys préviendrait son père de leur stratagème. De toute évidence, l'enfant du bourgmestre avait également un certain goût pour la surprise !
Nul besoin, néanmoins, de fournir les explications. Le maître du marché noir avait l'esprit assez fin pour faire de lui-même les déductions qui s'imposaient. Avec son doux sourire habituel, le lié des étoiles laissa son ami faire son chemin, jusqu'à ce qu'il comprenne que le cadeau unique qu'était leur réunion n'aurait su se voir utiliser à des fins de grandes réflexions sur la magie. Valmys lui en dirait sans doute davantage. Lui, il avait d'autres savoirs, plus personnels, qu'il pouvait lui apporter.
Ainsi les questions d'Aldaron ne parurent que peu intéressantes au Sainnûr veinulé de blanc. Il les écarta d'un ton badin : "Je ne pense pas savoir tant de choses. Mais je crois que, lorsque la vérité et l'évidence veulent se cacher, elles aiment trouver refuge au coeur des rêves."
Son sourire s'étira subtilement, soulignant un air énigmatique. Là aussi, il savait qu'Aldaron comprendrait. Si lui, le lié-du-ciel, avait toujours cherché à se défaire des entraves qui plaisaient tant à ses semblables, il savait combien ces dernières pouvaient brider jusqu'à la plus belle des pensées, et la reléguer aux seuls endroits, aux seuls instants, où nul regard ne pouvait s'offenser.
La question sur son côté intemporel resta sans réponse. Lui-même peinait encore à comprendre ce qu'il était désormais.

De son pas joyeux "habituel", qui sonnait un peu plus maladroit entre les mains de Valmys, le petit être possédé suivit innocemment son guide en ces terres inconnues. Un peu à l'image de ces créatures qui, dans le conte, suivaient la musique du joueur de flûte. La différence étant qu'Aldaron n'avait pas de flûte et que, normalement, il ne comptait pas se débarasser de Dawan. L'instinct du petit être savait reconnaître une affection, un amour sincère. Sur le banc rouge, il s'assit également, même s'il doutait y rester longtemps. L'ambiance était à la fête, aux danses à en user ses souliers, aux jeux à en user ses forces, aux festins à regretter le lendemain. La musique, et ces choeurs lointain pourtant, continuaient d'influencer l'humeur déjà guillerette et légère de Dawan. Il ignorait comment le corps de Valmys faisait pour ne pas être autant attiré que le sien l'avait été par ces sons, qui avaient la chaleur d'un feu dans le froid de l'hiver. Sa vièle lui manqua. Jouer pieds nus dans la neige lui manqua. Mais il doutait que Valmys soit de son avis, lui qui avait, tout de même, prévu pour l'occasion ses bottes de voyage les plus costaudes, son écharpe la plus efficace, et ces gants de tissu elfique qui protégeaient les très importants petits doigts du joueur de psaltérion.

Il parvint à tenir quelques instants, à écouter Aldaron en le regardant poliment. Puis il eut besoin de s'occuper les doigts et, bientôt, toujours en écoutant avec attention son ami, il sculpta une petite boule de neige sur ses genoux, après avoir rangé le radis dans une des poches du manteau de Valmys. Dans son monde à lui, il aurait pu rendre cette boule toute chaude, et la glisser dans le coeur du père adoptif de Valmys. En ces basses terres, s'il essayait, il parviendrait peut-être à donner très froid à son ami, mais ce serait tout.
Dawan était ravi du lien qui unissait celui qui avait hérité de son savoir à celui qui avait hérité de son espoir. A eux trois, ils ne pouvaient que s'entraider pour escalader les monts qui venaient se mettre sur leurs routes. Restait Celeborn, qui manquait à l'équation, à cette vieille tradition qui réunissait les familles autour d'un âtre. Valmys lui avait déjà parlé de cet être qui perdait parfois Aldaron dans ses pensées. Pour être sincère, Dawan avait songé à aller le voir. Il y avait songé très fort ! Et puis il avait oublié. Pour sa défense, il avait beaucoup de songes à s'occuper, c'était un travail à plein temps ! Ce même temps qui était si dur à quantifier dans un monde qui en était détaché.
La boule de neige de Dawan était désormais sculptée d'un tronc et de quelques branches. Un arbre ? Généalogique ? Peut-être. Ou une perle de Néant. Après tout, ces perles de Néant avaient rapproché bien des gens. Luna et Aldaron, Achroma et Aldaron... "Je ne pense pas que tu devrais t'en vouloir ainsi, Aldaron. Pas maintenant." Sa voix était presque un murmure, un peu distant. D'une main, il fit léviter la boule de neige, quelques centimètres au-dessus de sa peau. De l'autre main, il créa une petite sphère de lumière, qui vint se poser sur la boule de neige, la faisant scintiller délicatement. Une petite bougie de glace pour rendre la nuit plus douillette."Tu ne sais encore ce que vit Celeborn. Tu ne sais ce que tu lui as ôté... Et ce que tu lui as apporté. Ne t'en veux pas pour des hypothèses." Il voulut hululer. Une note bizarre sortit de sa gorge, à la place, plus proche d'un micro-chant que d'un hululement. "Mais si malgré tout tu continues à te trouver cruel... Peut-être est-ce que tu as quelque chose à accomplir." Il lui offrit à nouveau son sourire le plus encourageant. Un sourire qui ressemblait trop peu avec les sourires en coin habituels de Valmys. D'un signe de la main, il incita Aldaron à continuer, puisqu'il semblait avoir à dire.

La suite du discours en valait la peine. Une sincère surprise se dessina sur les traits de Valmys. Est-ce qu'il devait comprendre ce qu'il devait comprendre ? L'allusion au guérisseur lui apporta la réponse. Au sourire triste d'Aldaron, un autre sourire vint en réponse, et une main sur son épaule, tandis que la boule de neige lumineuse flottait toujours haut dessus de son autre main. "J'espère qu'Ivanyr t'aidera à faire battre ton coeur encore longtemps, y comprit face aux plus surprenantes surprises." Il en parlait bien légèrement, lui qui avait peiné à offrir à son coeur de quoi continuer de battre lorsqu'on l'avait défait de Kaalys. C'est qu'il était confiant. Le totem des Inséparables était puissant, et doué dans ce qu'il faisait.

L'évocation d'un autre mariage fit pouffer de rire le jeune Sainnûr. Un petit rire de joie, parce qu'Aldaron expliquait bien en quoi cet événement allait être fort pour eux. "Aldaron Seithvelj... J'aime bien cette sonorité. Je suis sûr que ce nom t'ira à la perfection !" Il haussa à nouveau les sourcils à l'évocation d'Olosir, sa vièle. "Oh... Je croyais l'avoir laissée au Domaine, avec mes autres possessions. J'espère qu'il n'y a pas trop d'affaires qui se sont perdues en route, certaines pouvaient être utiles." Notamment un certain cadeau, offert par Vie. L'écharpe, elle, importait moins. Mais oui, elle était bien de lui. On la reconnaissait à quelques mailles de travers qu'il n'avait eu la foi de remettre en place. Ce tricot avait occupé ses doigts pendant quelques soirées un peu longues, et froides. L'idée de découvrir encore les nouvelles recettes de ce nouveau monde lui ouvrit l'appétit qu'il avait pour l'existence. Et pour peu qu'on lui fasse du pain d'épices aux châtaignes, avec un peu de sucre glace par-dessus, il aurait été un symbiote comblé. "Je parlerai à Valmys de ton invitation, mais je doute qu'il te refuse notre présence. J'essayerai néanmoins de ne pas trop emprunter Valmys hors de ces événements." Ce monde n'était pas sa place, et posséder quelqu'un était hors de ses principes. Il ne le faisait que sur insistance de Valmys, et de ses amis. "Je verrai si, avec son corps, j'arrive à jouer de la vièle. Tu sais, c'est très spécial de changer de corps ! Ce ne sont pas les mêmes réflexes, ni les mêmes habitudes... Même l'intérieur de son crâne est différent. Il me semble..." Sa tête se pencha légèrement sur le côté. "... Plus rangé que le mien. Et d'une sensibilité différente. Les pirates lui ont vraiment fait mal."

Profiter du mariage au sein d'une forêt de sapins serait également plus agréable pour celui qui aimait la nature. Néanmoins, les odeurs d'encens ne l'auraient pas dérangé non plus. Combien de fois en avait-il fait brûler, par goût, ou pour chasser quelques odeurs humaines ? Dawan opinait sagement, sachant que la décoration amuserait sans doute beaucoup Valmys, lorsque le silence le surprit. Un Aldaron qui ne parlait pas ? Soit il était malade, soit... Son regard suivit la direction indiquée. Lui aussi cessa de parler, la bouche entrouverte, des paillettes plein les yeux. "Oooh... On dirait Ilhan, tu ne trouves pas ? Ah, tu ne le connais peut-être pas..." Le renne était magnifique. Un petit miracle sur pattes, un majestueux porteur de bois, une merveille de Mère Terre, qui passait bien calmement si proche de ses chasseurs. "Il a peut-être faim... As-tu envie d'un ami, Aldaron ?" Fouillant ses poches, et éteignant sa boule de neige, Dawan sortit le radis plus tôt rangé, qu'il déposa dans la main du bourgmestre de Caladon. "Je sais que ton coeur va aux humains, mais que dirais-tu de laisser une chance à quelques quadrupèdes ?" Celui-ci avait l'air prêt à leur en laisser une. Son regard paisible s'était tourné vers Aldaron. Il n'avait pas l'air sauvage du tout. Avait-il connu de bons soins bipèdes, avant d'être relaché ? Pas de chant-nom, pas de réponse. Et, tandis qu'il laissait son ami décider de ce qu'il allait faire de ce radis, et de ce cef, Dawan reprit, en ajoutant une deuxième boule de neige sur la première : "J'aime beaucoup tes projets, Aldaron. En as-tu par-delà votre mariage ? Ou peut-être Achroma en a-t-il ? Ou... Désirez-vous laisser l'avenir vous faire une surprise ?" Ses doigts le démangeaient. Sa boule de neige prenait peu à peu la forme de la vièle qui lui manquait tant. Les animaux sauvages aussi méritaient de la musique. Il aurait pu chanter, mais... Il ne s'était entrainé avec la voix de Valmys. Il ne pouvait prendre le risque d'infliger de fausses notes à son fragile public.

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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    Ses mires fixaient le renne, l'imposante et pacifique créature. Sa fourrure brune était épaisse et ses ramures larges.Ses prunelles, comme des orbes noires, ne semblaient manifester ni de la crainte, ni rancune. Il avait l'air paisible dans le décor enneigé et leur proximité ne le soumettait à aucune terreur. L'elfe tendait la main vers l'animal, radis au creux de sa paume levée vers le ciel. Le chant de langue elfique venait adoucir sa venue, alors qu'Aldaron tâchait de l'apprivoiser et lui confier son vœu d'affection. Il fallut quelques minutes pour que de ses lourds sabots tracent dans la neige le chemin vers lui. Il sentir la chaleur qui émanait de ses naseaux, humide dans la froideur hivernale. Et puis, avec délicatesse, ce fut ses babines qui effleuraient sa peau pour recueillir ce radis. L'elfe glissa sa main le long de sa joue, ses émeraudes plongées dans l'obsidienne, avant de retirer doucement sa main, laissant à l'animal le choix de partir ou de rester.

    « Pourquoi dis-tu qu'il ressemble à Ilhan ? » demanda le bourgmestre à son ami, peinant à voir là la ressemblance que Dawan évoquait. Avente gardait des chèvres, était-ce pour cela que le baptistrel lui concédait des traits de quadrupèdes ? Ce n'était guère charitable : le chanteciel l'avait habitué à mieux. « Comment connais-tu Ilhan ? Où l'as-tu rencontré ? » demandait-il curieux, laissant un instant à Dawan le temps de répondre, pour garder ceci en mémoire. Le conseiller Délimarien était à la fois son allié et son adversaire politique et l'elfe l'appréciait pour cette polyvalence magistrale que l’éleveur de chèvres maniait. Il était à sa hauteur, il était probablement bien le seul qui, intellectuellement, savait le satisfaire et le rassasier pleinement. Quel dommage qu'il ne sot pas à Caladon, il était certain qu'une place de choix lui aurait été accordée et qu'il aurait accompli de grandes choses ici même. Peut-être même au sein du Marché Noir, qui sait ? Aldaron disposait de son réseau d'espion et Ilhan aurait su gérer ces messes basses avec adresse.

    « J'aimerais retrouver mon fils, Celeborn. Au moins parvenir à me racheter auprès de lui ou... Ne serait-ce que savoir s'il m'en veut ou non. J'ai beau me persuader qu'il me hait, j'ai toujours cet espoir que les choses puissent se recoller. La famille... C'est quelque chose de très important pour moi mais... Je n'ai jamais aimé qu'elle me soit attribuée par obligation. J'ai toujours fait en sorte qu'il s'agisse de mon choix et je n'ai... Pour ainsi dire, par choisi ce fils là, lorsqu'il a fait gonflé le ventre de sa mère. Mais il pourrait être mon choix maintenant. La boussole du cœur... Tu te souviens ? Celle de la légende de la Vagabonde. J'ai trouvé ce qu'elle me montrait. C'était Celeborn... » Alors oui, probablement avait-il encore des choses à accomplir, mais il avait peur. Terriblement peur parce qu'il savait qu'il avait fait une erreur, une lourde erreur et qu'il ne pourrait en réchapper. Probablement était-ce par ego, mais il n'aimait pas avoir tord.

    « Je ne sais pas si je porterai le nom de Seithvelj. Ivanyr m'a dit y réfléchir et il ne se reconnaît pas en Achroma. Il est... Différent. Il y a quelque chose chez lui de très singulier qui est à la fois une part d'Achroma et une part de quelqu'un de nouveau. Parfois il me fait l'effet d'un enfant qui découvre le monde et s'émerveille. » Un sourire tendre, amoureux, courbait un instant ses lèvres. Le renne n'avait pas bougé et Aldaron passa sa main dans son encolure pour s'occuper et ne pas rougir. Il secoua la tête de gauche à droite pour poursuivre : « Et quant à faire battre mon cœur... J'ai fait le choix de passer du côté du peuple de la nuit. Ma longévité me promet des siècles à ses côtés mais pas l'éternité et c'est elle que nous voulons. J'aurais aimé pouvoir... Nous offrir une famille aussi. Je pense ne pas être prêt de... Disons de cesser d'adopter des enfants. En plus de Valmys, j'ai Cirth à présent. Ils me donnent le sentiment de pouvoir apporter quelque chose de fort à quelqu'un. Au delà de leur souffrance. Valmys a eu mal, oui, j'espère qu'il se relèvera. » Aldaron ferait tout ce qui était en son pouvoir pour cela.

    « Nous n'avons guère d'autres projets, pour l'heure, si ce n'est m'éloigner de la politique une fois de retour à Caladon. Pour nous consacrer un peu plus de temps ensemble. Je ne me lasse pas de sa présence. » Il haussa les épaules, un sourire en coin portant ses mires sur son fils possédé. « Cela me fait bizarre de parler à quelqu'un qui n'est plus de ce monde. Je ne sais pas vraiment comment te demander de tes nouvelles en retour. Je te vois souvent dans les rêves, es-tu destiné à y reposer éternellement ? »

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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Le regard pétillant que Dawan insinuait dans le corps de Valmys suivit la main d'Aldaron, le long d'une fourrure amicale. Un sourire ravi accueillit cette caresse. Voir son ami aux cheveux trop tôt blanchis s'entourer d'êtres aussi bons était un soulagement pour celui qui ne pouvait veiller sur ses proches que du bout des doigts. Sa mort aurait dû le détacher de ces considérations et inquiétudes. Mais il n'était qu'émotions, et ses émotions se refusaient à cesser d'aimer, et cesser de vouloir que les vivants connaissent un monde plus doux que celui qui l'avait happé. À son tour il approcha sa main du renne, le laissant décider si oui ou non il acceptait que deux bipèdes lui apportent tendresse et gratouilles.

La question d'Aldaron le surprit, et arracha à Valmys une expression de douce perplexité qui n'était pas la sienne. Pourquoi Ilhan ressemblait à un renne ? Mais... C'était évident ! Comment Aldaron, dont l'esprit était si affûté, si propice à comprendre toutes les subtilités du monde, pouvait ne pas le voir ? Ilhan était renne, Aldaron était l'inséparable, Achroma était l'enfant. Certaines choses n'avaient de cause que leur nature. Comment expliquer ceci ? Dawan eut le réflexe de vouloir chanter. Il craignit néanmoins que la voix de Valmys lui fut trop peu familière pour vraiment porter son message. Comme nombre de bipèdes, il allait devoir utiliser des mots, ce qui ne lui plaisait guère. Il n'avait jamais été très bon avec les mots. Sauf peut-être pendant ces décenies qu'il avait passées à se taire. Il eut un temps de silence, où son regard resta fixé loin par-delà le renne, à la recherche de ses mots, en gratouillant ce beau frère d'Ilhan.

Mais pendant ce temps, Aldaron répondait à ses questions. Le cerveau de Valmys lutta un moment, alors que Dawan y cherchait les réflexes que lui avait pu avoir jadis, qui lui permettaient de mémoriser quelque chose qu'il entendait sans écouter. Le chanteciel abandonna cette idée, ne voulant porter atteinte à l'intégrité de son hôte. Beuh. Cela ne devait pas être facile d'être Valmys. Comment faisait-il, quand il n'écoutait pas une conversation, et que soudainement il devait la rejoindre ? Pas facile pas facile. Aldaron put voir sur les traits de son fils de légers signes du trouble qu l'habitait. Penser à Ilhan, et penser à Aldaron en même temps, et surtout, ne pas mélanger les deux, ni partir vers un troisième élément. Avec stupeur, Dawan découvrit qu'il bataillait sans raison. Valmys savait très bien aligner deux pensées côte à côte. Oh. Soit.

De petits mouvements d'un Valmys opinant répondirent à bien des dires d'Aldaron, en signe muet de compréhension. Un très léger fredonnement échappa à Dawan, quand il fut question de la boussolle du coeur, mais il n'entendit pas sa propre voix. Le chant se stoppa par un petit "oooh" de bonne surprise quand Aldaron évoqua sa future vampirisation. Ce n'était pas un choix que Dawan aurait fait, par amour des Huit. Mais Aldaron n'était pas lui, et ces raisons qu'il invoquait, elles étaient trop humaines pour ne pas être comprises. Perdre un Lié était une souffrance qui ne permettait pas d'embrasser la mort avec la tendresse que cette dernière méritait. Dawan secoua la tête pour chasser l'image de Kaalys de son esprit, sentant son coeur s'aloudir à cette seule évocation. Il crut pouvoir s'éloigner de ce sujet quand Aldaron commença à parler de s'éloigner de la politique. Un excellent plan, qui offrait plein de possibilités, que Dawan avait hâte d'entendre ! Mais au lieu de cela, il fut ramené à sa condition. Il n'avait pas à être ici. Il n'avait pas à être dans le monde des rêves. Il aurait dû être auprès de son Lié, à le choyer pour des siècles encore. Les lèvres de Valmys pâlirent, pincées.

"- Je l'ignore. Je ne l'espère pas. Ou viendra le jour où je serai seul." Dawan craignait la fin de la vie et des rêves. Rester seul, à jamais, dans un monde qui ne pouvait lui offrir de renouveau et de surprise, sonnait comme une malédiction bien trop cruelle. Mais ne l'avait-il pas méritée, lui qui n'avait su honorer son Lien ? Que Vie ait été déçu, que l'Esprit-Dragon eut été blessé, et que tous deux l'aient puni à jamais, paraissait tout à fait concevable. Sa main trembla sur la peau du renne. Il l'appuya davantage, cherchant à travers sa chaleur le soutien dont il avait besoin. Une longue inspiration d'air glacé vint purifier ses poumons. "Je ne pense pas que tu aies à me demander des nouvelles. Je ne suis pas sûr de ce que je suis." Les nouvelles, cétaient pour les vivants. Pour ceux qui avaient une identité, ceux qui évoluaient. Lui, il n'était pas même certain d'être encore quelqu'un, de ne pas être qu'une vague essence, immuable. "Je ne suis pas venu ici pour vivre. Je suis venu pour vous qui vivez. Pour être auprès de vous ce qui jadis m'a été ôté." Peut-être que, quelque part, quelqu'un, avait décidé que les bipèdes méritaient d'être soutenus. Peut-être que sa malédiction n'avait de but que de tirer les vivants vers le haut dans ces temps difficiles. Peut-être restait-il une lueur d'espoir que lui n'avait su voir quand son regard s'était couvert des ombres de son lien brisé.
Il craignait toujours qu'y penser trop fort soit dangereux. Sa mort l'avait purifié de ces ombres, il ne voulait les revoir. Alors, comme si cela n'avait pas d'importance, il reprit : "j'ai rencontré Ilhan dans ses rêves. Il était un renne. Cela lui allait bien. Je l'imaginais mal prédateur, je l'imaginais mal proie plus petite. Son apparence humaine ne met pas assez en valeur ses magnifiques bois." Un très fin sourire étira ses lèvres à l'énonciation de l'évidence. Peut-être serait-elle plus compréhensible pour Aldaron ainsi. "Il s'apprêtait à être couronné, et je craignais la fin de son rêve. Lui-même la voyait venir. J'ai dû faire intervenir un maître baptistrel pour lui expliquer que ce n'était pas ainsi qu'agissaient les rennes, et pour l'amener à croquer dans des pommes bondissantes." Les pommes bondissantes. Meilleures alliées des rêveurs inquiets. Elles les occupaient particulièrement bien. "J'imagine que tu as dû le connaître dans des circonstances plus..." Ah, c'était quoi déjà, ce mot vulgaire pour désigner les entraves que les bipèdes mettaient à leur humanité ? "...Professionnelles ?" Son regard se tourna enfin vers Aldaron. Un regard qui paraissait comme couvert de buée.

Le petit être reprit son souffle, comme épuisé d'avoir réussi à aligner trois mots dans sa langue natale. Pour sa défense, elle n'était pas celle de Valmys, et entendre le léger accent de ce dernier était très troublant. Il avait encore des choses à dire à Aldaron, mais il hésitait. Il craignait que sa réaction ne soit pas celle escomptée. En ces lieux, son accès au coeur de ses protégés était moindre, il n'aurait su réparer une potentielle erreur aussi bien qu'en son monde. Il pouvait aussi se taire. Après tout, peut-être n'allait-il rien apprendre à son ami, ou redire ce que d'autres lui avaient dit. Pas moyen d'en être sûr, cependant.
Dawan apparut hésitant, un index porté contre ses lèvres, son regard cherchant nerveusement autour de lui la solution. Les solutions étaient de petites créatures très vives, et très habiles pour le camouflage. Il n'en vit pas. Alors, de sa voix un peu inquiète, mais désormais défaite de ses atours de peine, il murmura : "J'espère que ton séjour au sein du peuple de la nuit t'apportera ce que tu cherches en lui. Mais je crois également que tu y seras bien accompagné. Aldaron... Peut-être devrais-tu la suivre. Ce qu'elle t'indique est assez important pour participer à la construction de ton avenir, non ?" Il avait légèrement penché la tête sur le côté, faisant glisser quelques mèches rebelles de Valmys, dans une expression enfantine que l'immaculé n'arborait jamais. Retrouver Celeborn passerait peut-être à Aldaron le goût d'adopter mille enfants. Mieux valait que, si c'était là la vérité, son ami en prenne conscience avant.

Une de ses mains se porta à son coude, dans une attitude gênée. "Je dois t'avouer que... J'ai hâte de voir ce que ton éloignement de la politique t'apportera. J'espère que tes rêves en seront plus ouverts." Il leva à nouveau le museau vers Aldaron, avec un lourd soupir théâtral. "Aldaron, la dernière fois, tu as rêvé du conseil hebdomadaire de Caladon. C'était... Long. Et ennuyeux. Si je n'étais pas intervenu, tu te serais réveillé avec l'impression d'avoir déjà fait ta journée !" Il pouffa de rire, mais s'arrêta assez vite, n'ayant toujours pas trouvé le bon mécanisme pour bien rire avec cet organisme. Le rire ne dut pas plaire au renne, qui commença à se détourner d'eux, pour grignoter quelque buisson à peine plus loin. Dawan se saisit du poignet d'Aldaron, comme si une nouvelle intimité leur était offerte. "Viens. Faisons un bonhomme de neige !" Il ajouta en murmurant : "et sans magie !" Il l'entraina à peine quelques mètres plus loin, là où la neige était plus épaisse. Il commença à amasser la neige, de ses mains nues, et à en faire un joli tas. Ce fut à la neige qu'il parut demander, comme s'il avait oublier comment empêcher les pensées de sortir de sa bouche : "Comment feras-tu, pour eux ? Rejoindre le peuple maudit retire jusqu'à l'âme des souvenirs, m'a-t-on dit. Mh. Tu sais peut-être déjà. Ou... Peut-être que ceci a changé, depuis mon départ. Votre monde change si vite. Valmys sait-il, pour ta vampirisation ? Je crois qu'il aurait peur. Il a déjà cauchemardé que tu ne voulais plus de lui. Même le chocolat peinait à apaiser ce cauchemar, si tu avais vu... Pourtant c'est si bon, le chocolat." Une sorte de couinement émana de Dawan. Il regrettait de plus en plus d'avoir promis ne pas faire de folies à base de chocolat. C'était le meilleur du Nouveau Monde, c'était la marque de la volonté de Huit d'encourager leurs enfants ! Et même les enfants morts avaient parfois besoin de l'encouragement et du réconfort d'une fève de cacao.[/color]

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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    Les mots de Dawan étaient doux et tristes à la fois. Le Lien brisé avait tué son ami d'un pénible chagrin. Que n'aurait-il pas donné pour réussir à le préserver de cela ? Le Lien était quelque chose de très puissant... Mais aussi d'incroyablement destructeur. Dawan, Silarae, combien de liés devrait-il voir périr sous le joug de la peine, de ce vide profond que rien ne pouvait jamais combler ? Cela ne lui donnait pas envie d'être élu par un dragon, un jour. Il ressentait encore bien trop de peur à l'égard de tout cela.... Et pour autant, si cela venait à être le cas, comment pourrait-il en échapper ? On ne le choisissait pas. Ivanyr le lui avait souligné, combien ce don tombait ainsi du ciel, qu'importe qu'on en veuille ou non. Et Dawan ne l'avait pas choisi non plus. Il se souvenait de Kaalys, tout petit dragonnet sur l'épaule du Chanteciel. Il se souvenait de ce sourire béat et tendre, comment avait-on pu le briser à ce point ? Et maintenant ? Il ne savait pas vraiment quoi lui dire ; Dawan ignorait ce qu'il était devenu et Aldaron n'était ni un spécialiste de la mort, ni des rêves pour mieux le savoir. L'elfe baissa les yeux, par dépit, contrarié par son impuissance en la matière. « Et tu fais cela très bien. » souffla-t-il bas, reconnaissant. Combien de ses cauchemars Dawan était-il venu transformer ? Combien de fois l'avait-il extirpé de ce marasme pour l'épargner ? Trop pour qu'Aldaron ne lui soit pas reconnaissant à jamais. Probablement était-ce aussi pour cela qu'il se sentait si mal dans son incapacité à l'aider en retour. L'amitié, cela n'était pas seulement recevoir. C'était donner aussi et si Dawan faisait cela toujours avec le même altruisme que jadis, Aldaron aurait aimé pouvoir lui rendre son affection également. La frustration peignait ses yeux d'une tristesse sourde.

    Mais le Chanteciel semblait bien éviter de s'attarder sur le sujet, aussi l'elfe le laissa s'en échapper. Et si cela faisait mal à Dawan d'en parler ? Il ne pouvait pas l'aider à comprendre sa situation mais au moins pouvait-il faire en sorte de le ménager et de ne pas remuer le couteau dans la plaie. Oui, cela était dans ses cordes cette fois et la frustration de son impuissance s’envolait un peu devant cette mission qui lui venait, salvatrice. Il acquiesça d'un signe de tête à la question du maître baptistrel au sujet d'Ilhan. S'il appréciait Avetne, force était de constater qu'ils se retrouvaient plus souvent sur le terrain professionnel que privé. C'était une bonne chose en soit. Ils s'assuraient ainsi chacun de faire des choix clairs pour leurs propres cités, tout en se gardant avec le respect qu'ils se devaient. Peut-être aurait-il fait un bon ami, mais dans tous les cas, il ne l'avait ps vu en renne s'apprêtant à être couronner et mangeant des pommes rebondissantes. Il n'y avait pas à dire, quand Dawan était dans les parage, le rêve devenait tout de suite plus... Anormal. Paradoxal. Aldaron aurait aimé avoir son imagination débridée. La seule chose où le Bourgmestre avait plus d'imagination que Dawan, c'était en souffrance et folie que lui avait montré Morneflamme. Ça n'était pas le genre de talent dont on se ventait à tout va.

    Il suivit son fils pour faire un bonhomme de neige avec lui, roulant proprement entre ses doigts fins la neige poudreuse. Il ne craignait pas tant le froid. Il avait passé bien trop de temps avec les vampires pour être frileux... ou alors il aurait été compliqué pour lui d'avoir la moindre relation physique avec Ivanyr. « J'espère aussi... Je n'ai pas envie de le perdre, à nouveau, Ivanyr. Je ne pense pas que je tiendrais encore une fois sans lui. » Non, vraiment, aussitôt aurait-il senti son trépas qu'il se jetterait du haut d'une falaise pour le rejoindre. Son esprit refusait d'imaginer un après lui. Il en avit déjà bien trop souffert. Alors il ne voulait pas l'infliger à Ivanyr. « Et j'espère aussi avoir des rêves plus tendres... En vérité, il me tarde d'oublier, retrouver même pour un temps l'innocence de rêve sans peurs, sans craintes, sans horreurs. J'envie Ivanyr parfois, d'avoir eu cette chance de se défaire de ses fardeaux, le temps de se reconstruire en paix pour pouvoir mieux les porter par la suite. Bientôt ce sera mon tour. Je tiens à ma mémoire... Mais j'ai aussi hâte de ne plus la supporter. Je n'ai pas encore réfléchi à la manière dont je vais m'y prendre pour les retrouver. Je me demandais si... Tu pourrais m'aider ? Orfraie Ataliel est allée voir les braptistrels pour récupérer sa mémoire, intégralement mais je ne veux pas de quelque chose d'aussi abrupte. Je serai éternel, j'aurai tout mon temps. Tu comprends ? Peut-être que je peux te laisser une partie de ma mémoire... Est-ce possible ? » L'idée lui semblait bonne, il comptait sur Dawan pour lui donner ses souvenirs au compte goutte au moment le plus adéquat. Mais était-ce possible ?

    « Je n'ai pas encore prévenu Valmys, ni aucun de mes enfants... Mais je le ferai, c'est certain et puis, la famille est quelque chose de très ancré en moi. Je tâcherai de rassurer Valmys mais je pense pouvoir lui promettre sans mentir que je ne l'abandonnerai pas... Et que je reviendrai vers lui. Tu ne crois pas ? Je ne veux pas lui faire du mal et Achroma sera là pour lui, en attendant que je... Passe la première période difficile. » Il serait affamé, désireux de sang.

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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Dawan enfonça les mains de Valmys dans la neige, à la recherche du froid. Le corps de l'Enwr était sensible, mais pas au point de s'en trouver endolori. Le Chanteciel se saisit de toutes ces perceptions qui ne provenaient de lui, et les protégea au creux de sa mémoire, pour ne pas les oublier quand il retrouverait son Autre Monde. Les flocons parviendraient peut-être à effacer ces images qui revenaient lorsqu'Aldaron évoquait le poids de ses souvenirs. Qu'il le comprenait... Et qu'il regrettait que son ami ait à souffrir cela ! Qu'il aurait aimé pouvoir, en inversant ses cauchemars, en pansant ses plaies pour les changer en forces, épargner tout cela à son ami ! Il avait échoué. Ce n'était pas grave, au fond. Ce n'était pas son premier échec, et certainement pas son dernier. Peut-être pourrait-il se consoler un peu en se disant qu'il affrontait des titans à mains nues. Ou peut-être se dirait-il juste qu'il n'avait pas rempli son devoir d'ami, au même titre que son devoir de Lié.
Peut-être ne parviendrait-il à mourir qu'en accomplissant ceci.

Energiquement, frénétiquement, il commença à sculpter le bonhomme de neige, sans s'inquiéter de la taille que risquait d'avoir sa création. Il avait beaucoup d'énergie à dépenser pour se tenir éloigné de ses ombres. Utiliser la magie n'allait pas être nécessaire.
Aldaron lui vint en aide, de façon imprévue. Peut-être y avait-il encore quelque chose que Dawan pouvait faire pour lui. Valmys parut un peu distant, arborant un regard vitreux qui n'était pas à lui. Quand il réfléchissait, il avait plutôt tendance à froncer les sourcils, là où Dawan oubliait de donner des indications à son faciès.
Il en oublia également de bouger. Le principal souci fut la durée de son immobilité. Une sensation désagréable dans ses mains le rappela à l'ordre et au monde, le ranimant à nouveau. Il parut surpris devant ce qu'était devenu le bonhomme de neige. Oh, oui, zut, ils étaient plutôt censés faire un bipède. Ses mains avaient naturellement commencé à dessiner une forme pâle connue, mais quadrupède. Il essaya de corriger cela hâtivement.

"- Je dois t'avouer trop peu connaître les vampires." Contrairement à Aldaron, il n'avait pas eu de grand ami vampirique. Il s'était surtout lié aux elfes et aux humains. Il y avait bien eu Eliowir, mais il l'avait surtout fréquenté dans sa forme la plus velue, avec de plus grandes oreilles, et un adorable museau. "Il m'a été dit que leur mémoire s'effaçait au point que, même contée, ils ne parviennent à s'approprier les souvenirs. J'ignore si les rêves, si puissants qu'ils soient, pourraient contrer cela. À ce titre, nous ne pouvons être aussi certains du résultat qu'avec la magie des miens. Et j'ignore si ta volonté de te souvenir persistera..."

C'était une sacrée transition, et un gros risque de tout perdre que prenait Aldaron. Mais la voix de Dawan était tranquille, comme s'il ne faisait que rappeler le nom des notes de musique. Nul reproche sous-jacent, et surtout pas cette inflexion que prenaient parfois les mots quand ceux qui les prononçaient voulaient pousser leurs interlocuteurs dans une direction. En revanche, il se fit plus ému, plus déterminé, lorsqu'il continua :

"- Mais nous pouvons le faire. Nous pouvons essayer. Je peux venir te voir, chaque nuit, en rêve, et te laisser me raconter tous ces souvenirs que tu voudras que je te rende." Avec un sourire en coin, il ajouta : "ou te laisser te reposer, de temps en temps. Je crois me souvenir que certains vivants aimaient bien cela !" Il eut un tout petit rire, qui n'était ni son habituel, léger mais plus long, ni celui de Valmys, beaucoup moins féminin. "Je peux peut-être aussi récupérer certains de tes souvenirs et te les rendre, en essayant de laisser de la distance entre eux et toi, si tu le souhaites."

D'un doigt, il commença à tracer des arabesques sur le bonhomme de neige. Elles ne ressemblaient à rien ni personne de connu. Comme si elles avaient murmuré quelque mot plus léger à Dawan, il leur offrit un sourire. Lorsqu'il eut fini, il s'écarta un peu, pour admirer leur oeuvre. C'était... Eh, c'était pas si mal, en vrai ! Bon, ç'aurait été mieux s'ils n'avaient pas, chacun de leur côté, fait un visage au bonhomme, et s'il n'y avait pas eu un rattrapage à faire quant à sa forme, mais ce brave être se défendait ! Dawan tendit une main vers lui, puis se ravisa. Non, dans ce monde, il ne pouvait le rendre vivant. Dommage. Ah, il aurait fallu...

"- ...Un monde entre nos mondes. Tu ne crois pas que ça serait parfait ? Un endroit où nous pourrions nous voir, tous les deux, sans que tu dormes. Un endroit qui ne se laisserait pas faire quand je voudrais le manipuler... Ne serait-ce pas parfait ? Crois-tu que l'on peut créer cela ? Même si c'est un tout petit endroit ?" Il s'assit à nouveau dans la neige, avant de décider qu'il ne la ressentait pas assez, et s'y allonger. Valmys lui en voudrait peut-être, s'il tombait malade. Mais les immaculés ne connaissaient pas la maladie, non ? "Aldaron, toi, à ma place... Que ferais-tu ? Que chercherais-tu ? Si tu étais mort, mais que ta mort t'avait changé en rêve... Toi qui n'es pas moi, qu'aurais-tu pensé ?" Il eut un léger sourire en coin, imitant celui de Valmys. "Penses-tu que tu aurais apprécié ?"

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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    Sa demande sembla figer Dawan dans une réflexion silencieuse. Valmys n’avait pas souvent cette figure rêveuse et le père qu’il était aurait aimé le voir plus souvent. Mais son fils semblait plus enclin aux cauchemars qu’aux rêves. Il espérait que les choses changent, comme pour lui. Il avait la chance d’avoir le Chanteciel pour veiller sur lui. Nuit après nuit, il apprendrait à tourner la page, qu’importe le temps que cela doive prendre. Dans le silence, l’elfe continua d’entasser la neige pas à pas, formant un corps qu’il voyait devenir quadrupède entre les mains songeuse du baptistrel jusqu’à ce qu’il corrige le tir.

    Il donna des traits, un sourire fin, fort peu arqué mais présent quand même. Il plaça une carotte pour faire un nez, donnant vie à ce personnage fait de glace. La création n’était pas parfaite, mais elle avait occupé ses mains pendant qu’il écoutait Dawan lui partager ses craintes puis ses espoirs… Et enfin ses questions. « Le rêve, son utilité, son travail est quelque chose que je n’ai encore que très peu exploité. Je sais seulement qu’il est le lieux des peurs et des fantasmes, de ce qui nous effraie et de ce que ce nous désirons. Je ne sais pas si j’aurais aimé être à ta place. Mais je pense que j’aurais aimé être à une place qui me corresponde. Le rêve est quelque chose qui te correspond particulièrement. »

    Il passa une mèche blanche derrière son oreille avant de s’asseoir dans la neige près de son fils. « La transe me correspondrait mieux. C’est un état semi-conscient où l’esprit se découvre ses facultés hors du commun et… Je pense que si j’étais mort et qu’il m’étais donné la possibilité de voyager dans les transes des autres, j’aurai apprécié, probablement. Je pense que j’aiderais ce monde à aller mieux, comme je le fais de mon vivant. J’userais de mon influence pour pousser les gens à donner le meilleurs d’eux-même. A me pas agir uniquement par égoïsme. Il est bon de se faire plaisir mais l’horreur est toujours au bout d’un monde où il n’y a qu’un seul  satisfait, tu ne crois pas ? » Il haussa les épaules.

    « Les vampires ne rêvent pas et la transe… Est probablement ce lieu à mi-chemin entre le réel et irréel que tu recherches. L’esprit est capable de beaucoup de choses hors du commun lorsqu’il est exalté. C’est à la fois extraordinaire et plus réel que le rêve. Je pense qu’en m’entraînant, je pourrais créer un pont entre toi et moi. Il suffirait d’un objet, un glyphe enchanté pour me faire rêve alors que je tombe en transe. Comme de l’encens qu’on brûle pour orienter son esprit vers quelque chose de plus… Spirituel. Tu vois ? Je chercherai. Et il faudra que je trouve pour que nous puissions continuer à avoir ce genre de discussion dans mes transes vampiriques. Et qui sait… Peut-être que cela te conviendra mieux à toi aussi. »

    Il eut un sourire en coin avant d’ébouriffer les cheveux de ton fils : « Est-ce que cela  t’irait ? En attendant tu pourras venir me voir pour que je te confie quelques uns de mes souvenirs, pas à pas. Je ne sais pas si j’y croirais quand tu me les redonnera à nouveau mais… Je ne veux pas forcément y croire juste que… Cela pousse ma réflexion et m’aide à forger ma nouvelle identité sans oublier ce qui m’était cher dans cette vie d’elfe.  »

descriptionLe coeur des radis [Valmys] EmptyRe: Le coeur des radis [Valmys]

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Des paillettes d'intérêt pétillèrent dans le regard que Dawan tourna vers Aldaron. La transe était étrangement attrayante lorsqu'elle était évoquée par celui qui allait en être le fils, celui qui en était déjà le Passeur. Elle apparaissait comme pouvait apparaitre une terre nouvelle dans le monde des vivants. C'était un territoire inconnu, à explorer, à portée de doigts. Sans doute réservait-elle son lot de surprises, et de découvertes qui leur éclairerait tant les chemins qu'elle tracerait que les ombres de leurs propres parcours. Le sourire en coin que le Chanteciel avait fait en imitant Valmys devint une expression qui lui ressemblait davantage, douce et fascinée.
Pour la première fois, Aldaron lui évoquait un de ces "frères" dont parlaient les bipèdes. Non pas un frère comme l'étaient les arbres et les nuages, mais un être dont l'essence directe aurait été semblable à la sienne. La transe, le rêve... Tous deux avaient un pied dans les mondes intagibles, chacun à leur manière. Il se sentait moins seul, même s'il ne pouvait qu'espérer à son ami de ne pas finir comme lui. Il avait hâte qu'ensemble ils parcourent les neiges immaculées, qu'ensemble ils nagent dans cet élément qui serait le leur. Aldaron devait être magnifique, quand il était le chef d'orchestre des lieux.

Une sensation étrange à l'arrière de son crâne inquiéta le petit Dawan, lui rappela quelque détail qu'il oubliait de plus en plus. Le temps passait, et ses amis n'étaient, hélas, pas immortels. Paniqué à cette seule iée, il se redressa vivement, reprenant Aldaron dans ses bras, dans un câlin aussi sincère que si leurs vies en dépendaient. Malgré le coeur emballé de Valmys, Dawan prit le temps de savourer, une dernière fois, la sensation d'un ami contre soi, sa chaleur, la résistance qu'offrait son corps à ses forces, son odeur, que Dawan n'aurait pu imaginer.
Il n'abusa pas, s'écarta à temps pour cela.

"- Merci, Aldaron. Je..." Il pencha la tête. Il avait oublié que "je" était ambigu, dans cette situation. Il reprit, un peu troublé de ne pouvoir annuler ses mots : "Dawan a hâte de te revoir, d'écrire le livre de ta vie, et de te le lire. De découvrir les Transes. Mais il n'est pas seul à vouloir te revoir, j'ai l'impression." Sa main se porta à son crâne. La sensation était vraiment étrange. Elle lui faisait un peu peur, et il savait devoir s'en méfier. Une grimace passa sur les traits de Valmys. L'instant était dangereux. Les lèvres pâlies par l'inquiétude, Dawan releva vers Aldaron un regard où se lisait une pointe de nostalgie qu'il n'aurait su cacher, malgré son sourire. "Tu as une place très spéciale dans nos coeurs. Une grande place, que personne d'autre ne peut prendre." Sa main quitta le coeur de Valmys. Il ferma les yeux, s'allongea à nouveau, délicatement, pour éviter à Valmys de tomber. Puis il s'écarta, emportant avec lui ses regrets.

Valmys revint à lui avec l'étrange sensation d'avoir des vêtements alourdis d'humidité. Son crâne lui paraissait froid. Rouvrant les yeux, il comprit vite.
À quel moment ce Chanteciel beaucoup trop perché s'était dit la neige était le meilleur endroit pour piquer un somme ?!
La question s'écarta aussi rapidement qu'elle était venue, en voyant son père. Il était temps de partager avec lui ce que les pierres de communication ne pouvaient partager ! Par où allaient-ils commencer ? La bataille de boules de neige, ou un palais de glace et de neige ? À moins qu'ils ne retournent au milieu de la fête ? Pour un Valmys esseulé, elle n'était pas forcément très intéressante. Mais avec un allié...

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