La nuit était calme et sombre comme l’était les nuits sur la mer. L’océan n’était éclairé que par une lune naissante, à peine un croissant et par les étoiles. L’eau s’agitait paresseusement, comme se forçant à faire des vagues alors qu’elle préfèrerait dormir. Nul vent ne venait l’aider dans sa danse et elle semblait se languir d’une tempête.
Seule chose qui venait troubler la quiétude des flots était l’immense navire, le VMA Intrépide de la Hanse. Un veau marin. Gros, plus gros qu’un navire de guerre dont il était inspiré. Il n’était pas taillé pour la vitesse, n’y pour la maniabilité. C’était une bisque flottante, aux courbes élégantes, mais une brique tout de même. Pire encore, il ne pouvait pas transporter autant de marchandise qu’un navire de plus petit gabarit. Alors pourquoi se fatiguer à faire naviguer un vaisseau de cette taille, avec l’entretien et l’équipage qui allait de paires ?
Simplement parce que ce navire avait un secret, il n’était conçu que pour le fret. La présence de nombre pirate sur les mers avaient fait germé une idée dans l’esprit de la responsable de l’Alliance des marchands humains : créer un vaisseau de commerce, à même de se défendre et de protéger des convois. Un mélange entre le commerçant et le guerrier. L’Intrépide était capable d’affronter n’importe quel navire de guerre et il avait même le culot de pouvoir remporter la bataille.
Mais pour l’heure, il n’y avait pas de combat à l’horizon et tous les marins, guerriers et marchandises, dormaient paisiblement à l’exception des hommes de quart et de leur Capitaine.
Honor Harington était encore éveillée en cabine, regardant une carte approximative du continent humain et modifiant une énième fois le tracé d’une route et d’un canal afin d’optimiser les trajets de l’un par rapport à l’autre. Le casse-tête était terrible car la route était moins cher à fabriquer mais l’entretien allait être fastidieux et le trajet long, contrairement au canal, cher et long à mettre en place mais dont l’entretien ne serait au final pas si complexe et qui raccourcirait la durée du voyage des marchandises. Elle aurait pu commencer par la route le temps que le canal soit creuser, l’inconvénient était que l’un ne suivait pas l’autre, au contraire. L’objectif était au niveau d’une intersection, transvaser la marchandise d’un convoi à l’autre. La question était où mettre cette intersection.
Poussant un soupir, Honor se redressa et se frotta les yeux de fatigue. Il était certainement tard et elle devrait aller se coucher. Mais son regard se posa sur les deux couchettes vides, et un sourire naquit sur ses lèvres. Sa fille Léopoldine avait voulu l’accompagner pour le plus grand bonheur de sa mère, bien qu’Honor insistait souvent pour que sa fille reste à terre pour aider ses grands-parents dans la gestion des affaires familiales.
Elle se leva et sortit, comme une ombre blanche, non sans avoir vérifié que son chignon soit bien fait et que sa tenue blanche soit impeccable. Même au milieu de la nuit, alors que personne ne pouvait la voir, Honor tenait à être impeccable, un exemple.
Une légère brise gonflait les voiles alors que sur le reste des flots, rien ne bougeait. Un nouveau sourire tendre naquit les lèvres de la marchande et après avoir respiré profondément avec délice l’ait doux de la nuit. Puis elle monta sur le château arrière, où elle trouva deux membres d’équipage en train de discuter, près du gouvernail, bloqué car il n’était pas nécessaire que quelqu’un le tienne en pleine nuit, alors qu’il n’y avait aucun courant pour faire dériver le navire et que le vent le poussait dans la bonne direction.
D’ailleurs, le léger vent qui soufflait n’était pas naturel. Un fantôme aussi blanc qu’Honor, habillé de façon similaire à elle, mais plus petit. Ses cheveux volaient doucement dans la brise et Honor posa une main légère sur l’épaule de sa fille en se penchant vers elle. Léopoldine ne sursauta pas car sa mère avait fait résonner ses pas sur le pont.
Ce n’est pas parce que tu es de quart, que tu dois faire avancer le bateau ma chérie. Nous ne sommes pas pressés. Commença Honor. Sa fille ouvrit les yeux et posa son regard gris sur sa mère et lui rendit son sourire. Je sais bien mère. Mais j’aime la sensation que cela produit. Le vent dans mes cheveux, le bruit de l’eau, l’impression de voler.
Voler. C’était le rêve d’Honor, un rêve qu’elle avait partagé avec son mari, hélas, disparu. Comme il aurait été heureux de pouvoir naviguer avec elle. Tous deux avaient possédé eur navire pendant l’exode mais ils n’avaient pas pu vraiment partager le bonheur de pouvoir conduire ensemble un flotte marchande. Honor au moins, pouvait le faire avec ce qui restait de sa famille. James n’aura jamais cette chance.
Alors, je te lance savourer ce moment. Léopoldine se colla un bref instant dans les bras de sa mère avant que le vent ne se remette doucement à souffler et qu’elle se remette sur le bastingage.
Honor repartit pour une balade nocturne sur le pont. Elle marchait doucement, les talons de ses bottes blanches résonnant sur le bois, avertissant ainsi ses marins de son approche. Elle observa les flots un instant à un bâbord puis leva les yeux vers les étoiles et le sommet des mâts. Une envie terrible la prit et elle décida d’y céder.
Elle commença à grimper le plus haut mât, afin de voir comment se porter la vigie. C’était un poste compliqué, pas dans sa difficulté, mais il fallait rester éveiller la nuit, alors qu’il n’y avait rien pour se distraire.
Après quelques minutes d’une ascension volontairement lente, Honor atteignit le nid. La vigie était fidèle à son poste et scruter les ténèbres. De jour, on pouvait voire au-delà de l’horizon, mais de nuit, il n’y avait que les lumières du pont et des étoiles pour animer le paysage. Tout va bien ici ?
La jeune femme, enroulée dans une couverture, sursauta en entendant la voix de son capitaine. Peut-être n’était-elle pas aussi vigilante qu’elle ne le paraissait. Navrée de vous avoir fait peur. La vigie fit un geste négligent et recommença a fixé les flots plus bas. Elle se redressa un moment et se crispa. Honor essaya de suivre son regard.
Parmi les ombres sombres de l’eau, un autre forme, plus sombre et plus massive essayait de se détacher. Elle ne se déplaçait pas vraiment, ou alors que très peu. Il fallut un long moment de réflexion et d’inspection avant de réussir à deviner la forme du navire. Un navire de petite taille comparé à l’Intrépide, les voiles non déployées entièrement, feu éteint, semblant dériver. Ou attendre une proie.
Mais pour le moment, il se trouvait surtout sur la trajectoire du vaisseau marchand et si ce dernier ne faisait rien, et en défiant toutes les probabilités, le VMA Intrépide allait écraser le petit navire sans même s’en rendre compte.
Navire droit devant, marche arrière toute, virage bâbord ! Branle-bas ! La voix d’Honor résonna, porter par les flots et sur le pont, une agitation immédiate prit place. La brise changea de direction et les deux hommes sur le château arrière détachèrent la corde bloquant le gouvernail et le tournèrent pour le faire virer de bord. A côté, une cloche se mit à sonner bruyamment, et des cris commencèrent à lui répondre dans les entrailles du navire.
Les marins tiraient de leur sommeil se laisser tomber de leur couche se précipitant à leur poste sans se gêner, dans une chorégraphie bien souvent exécutée. On arma les balistes, tira les pots d’huile incendiaire, sortit lance, bouclier, sabre, arc et autre arme. On s’apprêtait à ouvrir les bouches sur le flanc du vaisseau, dès que l’ordre serait et qu’il faudra déchainer la puissance de l’Intrépide.
Cela pouvait paraitre disproportionné comme réaction devant une simple goélette, mais même si cela n’était pas nécessaire, cela pouvait servir d’exercice pour les marins. Et il valait mieux se préparer pour rien que finir au fond des mers.
Honor atterrit souplement sur le pont après s’être laissé glisser le long d’un cordage et monta au gouvernail, près de sa fille qui utilisait maintenant la magie pour freiner et aider à dévier le navire.
Une fois au poste, le pilote osa lui demander. Qu’est-ce que c’est pacha ? Certainement pas une attaque de pirate. Pas avec un navire aussi petit. Sans lumière, il peut s’agir d’un navire en perdition. L’océan est vaste, ils ont dû être bénis par les esprits, du moins, s’il y a des survivants. Un navire fantôme ? Je n’espère pas. Ce n’est jamais bon signe d’en croiser un.
Honot avait réfléchi à quoi pouvait bien correspondre un navire sans lumière au milieu de l’océan. Les pirates qui attaquaient de nuit dissimuler leur lanterne pour ne pas être vu, alors que les navires comme l’Intrépide, qui naviguaient sur des routes établies comme rapide et sûre, pouvaient facilement se croiser de jour comme de nuit et mettaient des lumières pour éviter de s’éperonner. Car aussi gros qu’il pouvait être ce Commerce-de-Marseilles, dans un monde où l’on ne peut distinguer l’horizon des flots, une ombre n’est rien qu’une ombre.
Finalement, à mesure que l’Intrépide se rapprochait, Honor distinguait des formes mouvantes. Un équipage vivant. Donc, soit ils avaient un problème matériel, mais au premier regard cela paraissait peu probable, soit ils n’avaient pas allumé leur feu, ce qui serait stupide, soit il s’agissait de pirates, soit ils étaient coincés sur une mer d’huile depuis bien trop lointain.
Un regard à Léopoldine, qui hocha la tête en retour. Oui, elle pouvait arrêter le vaisseau et maintenir les deux navires immobiles tant que le vent n’entrait pas dans la dance. Bien, la Salamandre n’avait qu’une seule façon de le savoir. Elle se posta sur le bastingage.
Ohé ! Je suis le Capitaine Honor Harrington de la Hanse. Qui êtes-vous et que faîtes-vous dans le noir sans feu.
Derrière elle, les soldat était prêt à bondir à l’abordage à la moindre agression ou signe de leur Capitaine.