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descriptionLe plus bel héritage est l'or que le cœur cultive [Eleonnora] EmptyLe plus bel héritage est l'or que le cœur cultive [Eleonnora]

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    20 décembre 1962

    Ratifier le traité de Cordont avait mis plusieurs longues semaines et cela s'était enfin apaisé. Nolan ne comprendrait ou n'accepterait jamais le rôle qu'avait joué Aldaron dans tout cela. Probablement se féliciterait-il copieusement d'avoir préserver la paix... Mais l'Alliance se souviendrait de l'instabilité et des nombreuses bourdes diplomatiques que le roi avait accumulées et sur lesquelles l'Alliance avait volontairement fermé les yeux... Pour la paix. Une paix fragile et que le Kohan avait piétinée avec ses gros sabots. Nolan avait brûlé toutes ses chances avec le sud de Calastin. Aux yeux de ses dirigeants, il n'était plus qu'un guignol capricieux qui mettait un point d'orgueil à avoir le dernier mot. Soit. Il l'avait eu, il devait se pavaner de fierté alors qu'il revenait avec une défaite. L'Alliance était couronnée de victoire avec la tutelle de la Chue et le Royaume avait été se rhabiller à la frontière. Nolan avait perdu sa crédibilité, probablement serait-il miré avec plus de doutes à son retour à Selenia. Son peuple ouvrirait peut-être un peu plus les yeux sur les ingérences de son souverain. Les épaules du Bourgmestre retombaient, dans un souffle, un soupir, délivré. C'était fini.

    Il était resté une semaine de plus, pour que la tutelle s'organise pleinement et n'avait quitté la ville en ruine qu'ensuite, pour rentrer chez lui. Caladon lui manquait, en un sens. C'était sa maison, son foyer. Cela faisait presque deux mois qu'il l'avait délaissé et il avait l'impression que tout avait changé. Lorsque la ville se dessina au loin, dans les flots, miroitante, elle avait un plus bel éclat qu'à l'ordinaire. Ou peut-être était-ce sa vision sur le monde à lui, qui différait. Son lien inséparable, pur et sincère, lui donnait foi en quelque chose. Il respirait depuis quelques semaines et forcément, dans ses yeux et son attitude, cela se voyait. On lui dirait probablement qu'il avait retrouvé son sourire d'antan. Son visage avait perdu un peu de son sérieux pour quelque chose de plus authentique et vivant qui n'était pas pour déplaire à son entourage, sur le bateau. Il savait que ses proches s'étaient montrés inquiets à son égard, et maintenant ? Il était presque au bout de sa traversée du désert. Il sentait qu'il ne manquait plus qu'un pas, le plus rude, pour chasser Morneflamme de ses nuits tourmentées.

    Le navire en approche attira la foule, puisqu’il avançait avec le pavillon du bourgmestre de Caladon. La clameur s’élevait, doucement au début, puis de plus en plus forte, grondante comme un cri du cœur, heureuse et fière des nouvelles qui leur étaient parvenues : la guerre avait été écartée. Et plus que cela, l’Alliance avait envoyé paître le Royaume de l’autre côté de la frontière. Voilà qui gonflait d’orgueil et de joie son peuple. A quai, l’elfe quittait le pont et ses mires verdoyantes balayaient l’assemblée de son habituel flegme régalien. Puis un sourire étirait paisiblement ses lèvres, prenant leur accueil chaleureux pour de la reconnaissance, celle d’avoir à nouveau offert la paix à Caladon. Elle lui faisait du bien, en un sens, après avoir affronté le mépris puéril de Nolan. Les Kohans ne lui rendraient jamais tout ce que la Triade avait fait pour eux, avec le Marché Noir et à Morneflamme. Ils étaient trop ignares, trop gâtés, pour voir autre chose, à présent, que le fait qu’Aldaron soit le dirigeant d’une faction adverse. Caladon, elle, était comme son enfant. Parfois ingrate, elle savait aussi se montrer douce et reconnaissante envers le père qu’il s’efforçait d’être.

    Il inspirait l’air hivernal dans ses poumons. Il prit du temps pour serrer les mains tendues, rendre les sourires et les saluts. L’avancée était lente, mais il n’était pas un roi méprisant : il avait envie de célébrer cette victoire avec eux. Avec les siens. Là où Ivanyr prenait d’ordinaire la place de garde du corps, cette fois-ci le vampire avançait à ses côtés, comme un égal. Il n’avait pas échappé à la foule comme la main fine d’Aldaron tenait celle de l’Aîné, telle l’annonce silencieuse mais officielle de son union. Beaucoup n’aimaient pas le geste, mais certains le pardonnaient déjà, eu égard de la paix que l’elfe ramenait à la maison. Aldaron Triade avait été le frère d’une humaine et d’un vampire, et cela, bien avant que les peuples n’aient eu besoin de s’unir face au Néant. Il n’avait jamais caché sa tolérance et il n’avait jamais changé d’avis, malgré les regards de travers, les insultes et tout ce que les esprits étriqués pouvaient lui faire payer. Sur la place du marché, il avait lâché un instant son inséparable pour monter sur l’estrade et annoncer au peuple entier ce qui s’était produit à Cordont.

    Il ne manqua pas d’adresser ses condoléances aux victimes et de leur faire savoir que les corps avaient été soit rendus, soit brûlés à Cordont selon les rites les plus respectueux. Les dépouilles qui manquaient à l’appel finiraient par être retrouvées, avec le temps… Mais il faudrait probablement un an pour parvenir à bout des débris de la Chue. Il exprima clairement le contenu de l’accord entre le Royaume et l’Alliance au sujet de Cordont, passant sous silence les déboires des négociations, même si ceux qui le connaissaient bien liraient dans ses yeux combien cela avait été laborieux. Il annonça que les familles des victimes seraient dédommagées pour leur permettre d’assurer un avenir serein. La chute de commerces ne serait pas bonne pour l’économie de Caladon. Outre l’évidente compassion, il y avait aussi cette question financière à régler. Il avisa par ailleurs qu’il adoptait un jeune immaculé de quatre ans, dont le père était mort face aux chimères et dont la mère avait été emportée par la Chue. Il invita les Caladonniens à faire montre de pareils altruismes et générosités, à l’égard des citoyens en deuil de la plus belle ville de l’archipel.

    Et puis, pour la première fois comme jamais, un silence intense habita la ville lorsqu’Aldaron les invita à se recueillir avec lui, prier les déesses et les esprits-liés, d’accompagner les âmes des défunts vers une réincarnation méritée. Cette cité marchande, d’ordinaire si bruyante, avait été recouverte pendant quelques minutes d’un mutisme magistral et solennel. Relevant ses prunelles d’émeraude, le bourgmestre balaya la foule qui redressaient, presque comme un seul être, les yeux vers lui. Lentement, il leva un poing ganté et serré vers le ciel, avant de briser le silence d’un cri qui devrait panser toutes les plaies : « POUR L’ALLIANCE ! » Car elle avait été, dans la tempête, le soutien le plus solide et prometteur pour qu’ils avancent encore. Son message et sa ligne politique étaient clairement annoncés : pour l’Alliance, pour leurs frères et leurs sœurs, avec équité. A l’unisson, la foule scandait le slogan, imprégnée par le charisme de son meneur. Aldaron n’avait jamais eu besoin de longs discours pour faire passer une idée.

    ---

    21 décembre 1762, premier jour de l’hiver, matin

    Les flocons de neige tombaient délicatement sur les pavés de la Revenante. Une fine couche de poudreuse les recouvraient depuis quelques jours : l’hiver installait son somptueux manteau immaculé, comme des pages vierges et blanches sur lesquelles ils pouvaient écrire. C’était ces pages qu’il comptait ébaucher auprès d’Eleonnora aujourd’hui. Portant sa tasse de thé à ses lèvres, ses yeux miraient en contrebas, par la fenêtre, la silhouette féminine encapée de sa protégée. Elle n’avait pas tardé, il faisait froid au dehors. Dans la demeure du bourgmestre, l’âtre de la cheminée offrirait un réconfort bienvenu à celle qu’il avait invité en premier. Le Magistrat, son fidèle du Marché Noir, était venu hier soir lui porter bien des nouvelles de ce qui s’était produit en son absence et puis, ce matin, c’était Eleonnora qu’il désirait voir avant tout le reste de son Conseil dans l’après-midi.

    Il entendit la lourde porte s’ouvrir et ses domestiques s’activer auprès de la bourgmestre provisoire. Il devait avouer qu’elle avait bien accompli son rôle, ici. Nul doute que ces deux mois lui avait permis d’acquérir une certaine notoriété. Voilà bien quelque chose dont elle aurait besoin pour la suite. Il posa sa tasse de thé dans sa soucoupe restée sur la table alors qu’il entendait les talons des bottines battre les marches de l’escalier pour le rejoindre. Il relevait les yeux dans l’ouverture de la porte lorsque ce visage adoré s’y dessina. Il ne put réprimer un doux sourire de naître, pour toute l’affection qu’il lui portait, la retrouver après deux mois d’absence était comme une bouffée d’air inestimable. « Ma fille. » souffla-t-il, presque pour lui-même avant de s’approcher et prendre doucement sa main. « Je t’aurais prise dans mes bras, si tu étais encore une petite fille. » confessa-t-il avant d’embrasser à peine le dessus de sa main, comme la noblesse l’exigeait. « Mais tu n’es plus une petite fille... » Ses mires s’obscurcirent par peine, à l’idée de la plus pouvoir l’étreindre comme avant, autant qu’elles brillaient de la savoir plus mûre et mature. « Et nous avons beaucoup de choses à nous dire. » Oui, énormément. Il s’était fait une liste mentale de tous les points qu’il devrait aborder avec elle, en se félicitant de parvenir à la retenir par cœur eu égard de sa longueur.

    Un sourire paisible marquait ses lèvres avant qu’il n’ajoute : « Mais avant cela… Comment vas-tu ? Comment te portes-tu ? » D’un geste du bras, il l’invitait à table : « Et… Souhaites-tu du thé ? »

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Doucement, la ville de Caladon revêtait son manteau immaculé. A la fenêtre de sa calèche, balancé par les mouvements des roues cabossant les pavés, le regard pensif de la jeune femme se perdait entre les flocons. C'est à peine si elle avait vu arriver l'hiver. Tout s'était précipité; De fille sans père ni patrie elle s'était retrouvée à Caladon avec une nouvelle famille et un poste plus prometteur que jamais. Elle eu l'impression qu'une multitude d'années s'étaient passées mais à bien y penser seulement un an s'était écoulé depuis leur débarquement sur les terres de Tiarmantha. Elle admirait la façon si optimiste avec laquelle sa propre race s'était approprié ce nouveau foyer qui lui avait été offert. Même après avoir vu le pire ils continuaient à avancer en espérant que demain sera meilleur. Peut-être était-ce ce stupide espoir qui les rendaient si fort et vigoureux. Car malgré les gelures et la bise glacée qui parcourait les rues, l'allégresse du peuple suffisait à réchauffer le cœur de la cité. Il n'y a pourtant pas une semaine ils grelottaient tous de peur. C'était impressionnant de voir à quel point ce malheureux sentiment pouvait changer la face du monde. Mais celui qui était réellement impressionnant dans cet histoire, c'est la personne qui avait réussi à l'incarner. Et encore une fois n'avait-elle été qu'un personnage secondaire. La conseillère avait tenu un Caladon apeuré, géré l'absence de leur sauveur, prit soin d'un peuple angoissé, tout ces efforts pour que sa présence s’éclipse des esprit à l'instant où Aldaron réapparaissait et avec lui la gloire qu'il figurait. Comment faire pour dépasser cette image illustre qu'on lui prêtait? Surement penserait-on qu'il était contradictoire de vouloir rivaliser avec son père autant qu'on le chérissait. Mais pour Eleonnora c'était la démarche à suivre pour se dépasser. Si elle avait un modèle ce serait pour le dépasser.
La calèche s'arrêta, l'extirpant des ses pensées. On avait salé les allées les plus passantes pour que les charrettes et voitures puissent rouler sans risquer d'accidents mais par soucis d'économie on ne s'était pas occupé des quartiers résidentiels où ce genre de passages étaient moins fréquents. Elle n'oublia pas de couvrir sa tête de la capuche de velours sombre alors qu'un valet lui ouvrit la porte. Il la pria de suivre ses pas mais la demoiselle refusa qu'on l'accompagne et renvoya la voiture à bon port. Elle connaissait la suite du chemin par coeur.

Même le manoir semblait plus vivant depuis que son maître était de retour. Paradoxalement, la grande bâtisse n'avait jamais paru aussi chaleureuse qu'au milieux de l'hiver. Était-elle la première invitée qu'il recevait après son arrivée? Si elle n'avait pas la prétention de représenter ce qu'il avait de plus cher au monde, même s'il l'avait accepté comme sa fille, surement la respecterait-elle davantage pour le travail qu'elle avait durement mené ces mois durant. Il lui avait néanmoins suffit d'un claquement de doigt pour calmer un peuple qu'elle avait tenté d'apaiser avec tant de difficulté... Elle hésitait entre se sentir humiliée et admirative. Pour autant, ce n'était pas ceci qui lui nouait l'estomac. Son regard tourné vers le grand escalier, elle laissait ses affaires entre les mains des serviteurs qui s'étaient pressés autour d'elle à son arrivée. Elle se trouvait étrangement nerveuse à l'idée de le revoir après cette si longue absence. Elle avait pourtant sauté de joie en entendant la nouvelle de son arrivée. Elle gravit les escaliers lentement, une marche à la fois avant de se retrouver devant la porte du salon. Que penserait-il du travail qu'elle avait accompli? Qu’allait-il lui annoncer? Allait-il vraiment bien? Et si tout ça n'avait été que son imagination? Et qu'il n'était jamais revenu... Elle soupira. C'était ridicule, et ce comportement ne lui ressemblait pas du tout. Respire.

Elle passa sa tête dans l'encadrement de la grande porte. Elle donnait sur un endroit chaleureux où l'âtre crépitait joyeusement, embaumant la pièce entière de cette légère odeur de pin. Sa lueur projetait l'ombre du maitre de maison. Son regard, son sourire enflamma le coeur de la demoiselle. Aussitôt l'avait-elle aperçu que ses doutes idiots furent réduit en cendres. C'était bien lui, dans toute sa splendeur. Elle se rendit compte à quel point il lui avait manqué. Elle le gratifia d'une légère révérence, un sourire irrépressible aux lèvres. « Père. » S'il ne s'était pas approché, prit sa main avec délicatesse, elle lui aurait sauté au cou. Autant dire qu'elle fut bien embarrassée d'entendre que ce comportement était digne d'une fillette...Après tout ce temps qu'elle avait prit à réfléchir à propos de l'avis politique qu'elle serait en mesure d'exprimer, ses comptes rendus sur la cité et ses pensées quand à l'avenir de sa position elle était presque prête à envoyer tout valdinguer tout son sérieux pour une étreinte, rien qu'une seule. Qu'on la respecte était-il nécessairement en contradiction avec ce genre d'attention? Le pouvoir était un métier de gens bien seuls tout de même. Pour éviter d'y penser elle passa outre la courtoisie et étreignit son père dans une accolade chaleureuse.   «Tu m'avais manqué.» S'il la prenait maintenant pour une petite fille, il le regretterait plus tard. Le fait qu'il reste lucide sur la question n'était pas mauvais en soit. Toutefois s'il avait décidé de l'appeler sa fille, il lui devrait l'affection qu'elle lui réclamerait. Car, lui, ne disparaîtrait pas.

« Je me porte à merveille, cette journée prometteuse me met du baume au cœur, mais je pense que c'est plus une question qui devrait t'être destinée. »  Elle le suivit vers la table et prit place le plus prêt possible du foyer avec l'espoir d'oublier ses doigts encore refroidi par l’extérieur. «Après tout ce n'est pas moi qui ai fait échapper les humains à un autre de ces interminables conflits auxquels ils sont tant habitués. » Elle jeta un oeil à la domestique qui attendait ses ordres. « Oh, oui, je prendrait volontiers une tasse de thé bien chaud. » La jeune fille paru heureuse de pouvoir s'activer. « Mais, vois tu, je ne doutais pas que tu reviendrais en un morceau...enfin, sauf si tu me détrompes. » Non, lui, ne disparaîtrait pas. «Plaisanterie à part, c'est avec grande fierté que je constate ce que nous avons accompli...enfin, ce que tu as accompli à Cordont. J'aurai aimé voir la tête de l’empereur lorsqu'il fallu signer ce fameux traité. » Elle gloussa. En tant que remplaçante, elle ne s'était pas privé de suivre méticuleusement la suite des événements à distance. Elle devait elle aussi se tenir prête à toute éventualité si jamais elle devrait porter secours à ceux qui s'étaient rendu à cet endroit qui aurait pu être fatidique.

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    L'affection lui fit refermer ses bras sur elle, lors de l'accolade. La tendresse le marquait d'un sourire et son geste était doux lorsque ses doigts effleuraient les boucles brunes. Le baiser fut léger sur la tempe de sa protégée, et pour autant, derrière cette réserve régalienne s'incarnaient bien des sentiments paternels. Elle aussi, elle lui avait manqué. La caresse de son pouce pressant dans le creux du bas de son dos semblait répondre la réciproque sans que ses mots ne franchissent ses lèvres. Aldaron savait utiliser la parole, il le faisait fort bien, mais il y avait des silences qui valaient plus d'or que toutes les palabres. La piété à son égard se trahissait bien assez dans ces gestes mesurés. S'il se contenait, c'était que sa force elfique l'aurait broyée s'il se laissait emporter à une étreinte à la hauteur des émotions qu'il couvait. Il était bon de rentrer chez soi et de retrouver ses proches. Avoir Eleonnora dans ses bras, c'était chasser au loin ses craintes de solitude dévorante comme en avait gravé en lui Morneflamme. Lorsqu'elle était là, dans cette affection qu'elle lui réclamait, il lui semblait que l'odeur de souffre et le goût du sang étaient bien loin, remplacé par le doux parfum d'une princesse et sur la langue, le miel d'une liaison désintéressée.

    Il l'invitait à prendre une tasse de thé chaude et la domestique versa délicatement et adroitement le liquide ambré avant de reposer la théière et quitter les lieux. Sa fille avait l'air de se porter aussi bien qu'elle le disait, il était rassuré. « Ce que nous avons accompli. » corrigea-t-il en rétablissant la première version d'Eleonnora. « Je n'aurai jamais pu me consacrer pleinement sur le problème de Cordont si j'avais eu, de surcroît, à te chaperonner comme une enfant, ici, à Caladon. Tu connais bien cette cité et tu as su lui apporter le réconfort dont elle avait besoin en ces heures de craintes, garder les commerçants entre nos murs plutôt qu'ils ne fuient leurs établissements par crainte de la guerre. La panique est déraison et tu leur as donné le sens d'une marche plus calme et prometteuse. » Eu égard du caractère inflexible d'Aldaron et de l’intransigeance de son éducation, Eleonnora pouvait être certaine que l'elfe avait choisi chaque mot pour leur justesse. Il ne l'avait jamais caressée dans le sens du poil, au sujet de ses compétences. Il avait même fait preuve d'une extrême rigueur, rappelant à l'ordre plus souvent qu'à son tour. Ces mots-là n'étaient pas le miel dont les nobles de Selenia tartinaient leur confères lorsqu'ils leur parlaient pour mieux cracher des vipères dans leur dos.

    « Je te remercie, je suis bien en un seul morceau. Les mercenaires sont arrivés promptement avant d'être remplacés par la Garde-Loup de Délimar. » Et derrière de pareilles armoires à glace, il était bien plus en sûreté qu'il ne l'était jamais ailleurs. Il prit place à table et reprit délicatement sa tasse entamée mais encore chaude et fumante. La table était aussi gâtée que lors de leur rencontre avec Artane. Les mets raffinés étaient peu nombreux, mais succulents et agréables à l’œil. Ses prunelles d'émeraude restèrent un moment ainsi sur elle, mirant avec une certaine fascination le visage de sa protégée, par intermittence pour ne pas paraître oppressant. Elle lui avait manqué et sa présence avait des allures encore irréelle pour l'elfe. Il devrait s'habituer à nouveau à Caladon. « Et je suis heureux d'être enfin rentré chez moi. J'ai encore l'impression que ce n'est pas tout à fait réel. » Comme pour tout ceux qui revenaient à la paix avoir croisé ou effleuré la guerre. A demi-mots, il avouait avoir craint que la situation s'entérine. Avec une bataille, qui sait combien de temps il aurait encore passé au front, sans revoir la ville pour laquelle il se battait ?

    Il prit une gorgée de son thé, prenant le temps pour leur conversation, il n'était pas pressé et sa nature elfique semblait refaire surface, dans cette lenteur posée et calme. « Quant à Nolan... Et bien en vérité, je pense qu'il ne s'est pas rendu compte qu'il s'est fait roulé dessus. Son visage et ses mots n'étaient qu’arrogance puérile, hélas. » Ses sourcils se fronçaient délicatement, les mires perdues sur la surface translucide de son thé : « J'avais eu de l'espoir qu'il ne soit pas comme ses pères. Je crois qu'une partie de moi voulait croire encore en cette lignée que j'ai servi pendant plus de quatre siècle sans faillir jusqu'à... Jusqu'au soulèvement de l'Alliance. » Là, il avait pris une place auprès du peuple qui avait pris de plus de place dans son cœur que la Couronne dorée. « Je n'ai pas tout mis dans mon compte rendu adressé au Conseil. » Il avait relaté le contenu de leur échange, en grande partie. Néanmoins, il avait volontairement omis certains détails pour éviter que son Conseil ne soit emporté dans la colère à laquelle l'elfe aurait volontiers cédé, s'il n'y avait pas eu tant de vies en jeu derrière. Il aurait mis une claque à ce gamin pourri gâté pour le remettre à sa place. « En vérité, j'ai échoué auprès de Nolan Kohan. Je l'ai su dès l'instant où je l'ai appelé Nolan et où il m'a répondu n'appeler par leur prénom que ses proches. » La porte avait été fermée dès le début de leur entretien, alors qu'Aldaron avait été le chercher sur un terrain plus propice à la sincérité.

    Il avait connu Nolan au berceau, comme Eleonnora. Il avait été anobli à la Cour, jadis, pour ses propres actes plutôt que ceux de ses ancêtres. La place qu'il avait eue, il l'avait obtenue à la sueur de son front, jusqu'au soutien de la rébellion de Korentin Kohan, jusque dans les affres du volcan de Morneflamme. Il avait protégé son roi, plus dignement de tous ceux qui s'étaient relevés traîtres. Et à quoi avait-il eu droit de la part de Nolan ? Rejet et mépris. Comme son père avant lui. « Il est venu en se parant, dans ses mots, d'une ouverture d'esprit et d'une volonté d'union mais dans ses actes, il n'y avait qu'orgueil. Un désir impérissable d'avoir le dernier mot, la raison absolue, la victoire dans sa plus satisfaisante forme. Il n'a été capable de concessions que lorsque j'en ai fait et même ce qu'il m'avait octroyé, il a tenté de le discuter avec Délimar en espérant obtenir auprès de l'un ce qu'il n'avait pas obtenu auprès de l'autre, jouant sur les divergences d'opinion au sein de l'Alliance. » Remuant légèrement la tête de gauche à droite dans un fond de mépris et de désespoir, il trouva le font de son siège et reposa ses prunelles sur sa fille. Dans quoi allait-il la laisser en lui donnant sa voix pour qu'elle soit élue Bourgmestre à sa suite ? Peut-être aurait-il du raser Empire avec Délimar pour lui léguer une succession sans embarras.

    « La véritable victoire avec laquelle je reviens porte le nom d'Alliance. Tryghild a fait un travail remarquable en maintenant sa fermeté et en fermant les yeux sur toutes les bourdes diplomatiques dans lesquelles Nolan s'engouffrait. » Lui-même n'était pas exempt d'erreurs, il avait sa propre façon de voir le peuple humain qui avait le don d'agacer certains dirigeants, et il ne partageait pas avec Délimar leur haine résolue pour les vampires... Bien au contraire. « Son dévouement pour l'Alliance nous a été salutaire. Je crois que si elle avait écouté son cœur et jeté Nolan par dessus les murailles, nous aurions bel et bien eu une guerre. Elle a su prouver que si un peuple sans dirigeant unique ouvrait la porte, à nos ennemis, sur la faille de nos divergences, c'est aussi avoir la certitude que ce que ne parvient pas à faire l'une des Cités, l'autre le peut. Délimar a sauvé la paix. Ce n'est pas moi. » Bien sûr, il avait conseillé Tryghild, il l'avait intimé de se montrer ouverte. Il lui avait partagé sa vision de la guerre. Mais c'était elle qui avait mené tout cela à bien. « Je pense que notre avenir est de marcher main dans la main avec eux, tels des frères jumeaux. Différents au fond, mais le même cœur, le même sang, ne crois-tu pas ? »

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Tout sourire elle s'était attablée et regardait son père adoptif au dessus de sa tasse. Elle ne pouvait nier le fait de l'avoir aidé dans sa tâche et ne rougit pas à ses remerciements. Après tout, c'était le minimum de ce qu'elle attendait venant de la part du Bourgmestre. Elle ne se permettrait pas de se vanter, néanmoins il était certain qu'elle avait fait un travail de grande qualité en tenant au calme ces esprits en effervescence. Il n'y avait pas eu lieu d'en douter à l'aube de son départ mais si l'ombre de la suspicion s'était un instant emparé de lui, l'elfe était maintenant devant les preuves tangibles que sa protégée était bien plus que capable. Il lui avait refusé ce poste quelque mois plus tôt, persuadé qu'elle ne serait pas à la hauteur. Qu'en était-il dorénavant? Quelque part jubilait-elle de recevoir ces flatteries, pensant à ce dernier épisode. Surement était-ce ce moment qui l'avait motivée à travailler d'avantage pour se montrer prête l'instant venu. Et dans sa fierté, la jeune femme avait hoché la tête d'un air entendu; « Je n'ai fait que mon devoir, nul besoin de me remercier. » Elle avait calmement siroté le liquide ambré sans laisser percevoir l'enthousiasme que son esprit fêtait silencieusement.

Autant s'était-elle attendue à des éloges, ou du moins avait-elle travaillé dans ce but, autant elle n'avait pas envisagé son retour si vite. Où bien était-ce juste elle qui avait perdu la notion du temps? Il lui avait pourtant suffit de le voir un instant pour se rendre compte à quel point il lui avait manqué. Il lui semblait redécouvrir chaque détail qui le constituait. Ses longs doigts traînants, sa chevelure argentée et ses longs cils fins. Tout comme la bâtisse, les rues, Caladon tout entier, il lui semblait que son coeur se remettait à l'assaut de la vie avant de se trouver glacé par les première gelées de l'hiver. Ils avaient enfin retrouvé leur patriarche. Et ce dernier posait un regard doux et protecteur sur eux, sur elle. Même devant l'âtre, Eleonnora n'aurait pu se sentir aussi réchauffée qu'en sa présence.
Cette image chaleureuse n'était pourtant pas tout à fait en phase avec les mots amères qui sortirent d'entre ses lèvres lorsqu'il aborda le cas de l’empereur Sélénien. La jeune aristocrate s'interpella de ces propos, cassant avec le calme habituel dont il faisait preuve. Il ne devait pas y être allé de main morte cet idiot de Sélénien. Cette expression nouvelle qu'elle voyait sur le visage de son père adoptif la ravissait autant qu'elle se régalait de la défaite cuisante du royaume voisin. Elle qui l'avait vu, partant dans un esprit de compromis et de paix prospère, le retrouvait le visage crispé quand il était question des traités avec Sélénia. Les désirs de querelle de la jeune Ostiz s'étaient réalisé sans qu'elle n'y glisse un mot. C'en était presque trop facile. Avec la prestation dont il avait surement fait preuve, le jeune roi avait gravé un air d'agacement sur le faciès d'un des plus importants dirigeants de Thiarmanta. Néanmoins, qu'espérait-il? Qu'un roi l’accueille comme son père? Il n'aurait eu là aucun orgueil à lui céder de l'intimité alors qu'il savait pertinemment représenter une menace. Et en son fort intérieur la jeune aristocrate le comprenait parfaitement. Pourtant cette arrogance était sans doute le voile sous le quel se cachait la crainte que lui inspirait les citées libre et leur influence croissante. Ne pas se laisser dominer était une chose, maîtriser sa peur en était une autre. C'est là, dans la fougue de ses sentiments juvéniles, que le jeune empereur s'était trompé. Elle, la conseillère au grand avenir, ne fera pas cette erreur, elle sera meilleure que lui, elle n'avait rien à voir avec ça. Alors se contenterait-elle, copiant ouvertement son aîné de plus belle, de le regarder avec dédain, persuadée qu'elle valait assurément mieux que ce petit prétentieux.

Cet irritation que semblait inspirer à Aldaron le maître du pays voisin était contrebalancé par un véritable respect pour sa consoeur délimarienne dont il ne se lassait de faire les louanges. Avec tout la considération qu'elle lui vouait, sa fille de coeur avait un regard dubitatif quand à l'objectivité de ses propos. Elle ne pouvait lui en vouloir, elle était elle même surement aveuglée par de nombreux sentiments qui brouillaient la véritable valeur des gens. Elle n'oserait penser qu'Artane était simple marchand parmi tant d'autres. Puis leurs liens, les unissant d'abord par leurs positions analogues au sein de citées libres, s'étaient sans l'ombre d'un doute resserrés lorsqu'ils avaient du faire face à ce ennemi commun. Elle ne voyait, du reste, aucun blâme à se lier d'amitié avec ses collègues et cocontractants...Sinon devrait-elle prendre de la distance avec son supérieur hiérarchique. Pourtant elle pensa qu'il faudrait, d'abord en tant que sa proche, puis en tant que conseillère, lui donner un avis qui ne lui viendrait alors peut-être pas à l'esprit. « J'ai cru ouïr les exploits de nos confrères à tes côtés, en effet. Et ils ont sans doute été d'une grande aide pour dissuader les forces des Kohan à se laisser aller... »  Elle eu un sourire malicieux. Même le soldat Sélénien le plus téméraire n'aurait osé s'approcher de ces armoires à glaces. Le peu qu'elle en avait vu dissipait toute envie de partager le thé en leur compagnie..S'ils étaient capables de tenir une véritable conversation. Ses pensées médisantes la fit glousser d'avantage. Elle prit une gorgée de thé, reprenant son calme, mais toujours ce sourire taquin accroché aux lèvres. « Mais si tu appelles cela une véritable victoire que de ne pas éviscérer des parlementaires, j'imagine à peine combien Nolan Kohan devait être insupportable! »  Ou que leur chère amie soit tout à fait instable. Outre le fait qu'elle aime gentiment se moquer de ses voisins musclés, elle avait une certaine méfiance envers leurs capacités à représenter les cités libre dans le débat diplomatique. Et à juste titre! « Plus sérieusement, et comme tu me demande sagement mon avis...évidemment que nous sommes fait pour marcher main dans la main tels des enfants de choeur, filant l'amour parfait et passionné.Toutefois...  » Elle avait reprit une mine sérieuse, le temps de choisir les mots appropriés pour étaler sa vision sur ce sujet qui pourrait marquer un désaccord entre eux. « Toutefois il me semble que si nous nous complétons par nos différences, il faudrait mettre ses dernières à profit. Je veux dire par là que nous n'avons peut-être pas le même rôle à jouer dans notre alliance. Je ne peux nier le fait que Dame Tryghild fut la porte drapeau de sa cité à vos côtés mais ils restent un nation de...militaires.»  Rustres? « Bien sur qu'il n'est pas pensable de les exclure de la table des négociations face aux autres institutions! La force de leur caractère est aussi un poids considérable sur les décisions de nos opposants...Mais surement devraient-ils rester comme cette force qui entoure l'Alliance d'un halo défenseur et puissant dont personne n'oserait approcher sans en craindre les représailles. Ainsi, je pense qu'il faut accepter nos différences, les respecter, et laisser à celui qui en à le plus de compétences, s'illustrer dans le rôle qui lui sied le mieux. »  En d'autres termes elle n'aimerait pas prendre le risque que ces balourds fassent capoter des échanges diplomatiques par manque de compétence dans le domaine. Ce n'était que du bon sens. Le Bourgmestre l'avait lui même avoué sans le vouloir; Leur instinct guerrier semble difficilement contrôlable. La jeune femme serait d'ailleurs prête à avouer que ce qu'elle appréhendait le plus était de voir les Délimariens exploser et ainsi déclarer une guerre dont personne ne souhaitait vraiment.

Délimar était la forteresse la plus protégée, la plus équipée, la plus puissante du nouveau continent. Si cette dernière avait été mal intentionnée, il lui aurait été bien simple de s'emparer de la belle et délicate Caladon, la plus grande cité marchande....Pour autant qu'ils puissent faire tenir un marché aussi complexe. Qu'ils soient héros de guerre, défenseurs des Cités libres, Eleonnora leur laissait ce genre d'honneur si cela leur plaisait; En attendant ils étaient l'assurance de Caladon à rester toute puissante sur le marché financier et gratuitement qui plus est. L'amitié n'était-elle pas formidable? Le même coeur, le même sang, elle ne savait pas; mais le même argent, ça, c'était certain.

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    Le sourire de l'elfe se marqua dans le coin de ses lèvres tandis qu'il prenait quelques gorgées de thé en l'écoutant lui répondre. Il devait avouer qu'il y avait du vrai dans ses affirmations autant qu'elles n'étaient pas l'absolue réalité. Elle se faisait une idée bien caricaturale de leurs homologues de Délimar et il ne pouvait pas vraiment l'en blâmer. Beaucoup d'entre eux, si ce n'était pas tous, savaient manier bien mieux l'épée que les mots, mais la sincérité de leur franchise les rendait plus respectables que les marchands menteurs de Caladon. Les délimariens avaient bien des défauts fleurissant autour de leur rudesse, mais dans ce tableau qu'elle peignait, elle ne devait pas s'aveugler sur sa propre cité. Balayer devant chez moi valait mieux, dans un premier temps que de blâmer les autres. Mais il tolérait sa fougue fière, comme il tolérait beaucoup d'autres choses. Chacun était humain à sa manière, même lui. « Il est vrai... » commença-t-il en reposant sa tasse de thé parfaitement au centre de la coupelle dans un geste net et habitué : « Qu'il est préférable que chacun s'illustre dans le rôle qui lui sied le mieux. Ainsi, nous sommes certains que les choses seront diligentées avec le plus d'expertise possible, ce qui est une bonne chose. Et en raisonnant ainsi... Devrais-je alors refuser à la garde de Caladon de porter une épée et d'apprendre à s'en servir ? Au fond, nous ne sommes pas les meilleurs militaires dont l'Alliance dispose et si je t'écoutais, nous devrions laisser cette tâche à ceux qui sont mieux placer en cela et demander à Délimar de nous entourer de son halo protecteur. Toi-même, ne toucheras-tu donc jamais une arme, car cela n'est pas ton domaine, et si tu te retrouves dans l'embarras, alors tu mourras de ne pas avoir appris. »

    Ses sourcils se fronçaient délicatement, pensif, alors que les mires verdoyantes reposaient sur le visage chéri, dévorant paternellement ses traits fins. « Voilà qui est triste, non ? De vivre dans de petites cases bien délimitées, et n'offrir jamais à personne l'opportunité de briller dans un domaine pour lequel quelqu'un d'autre est meilleur. Peut-être ne devrais-je jamais échapper à l'élection de Bourgmestre, en fin de compte. Tu as encore beaucoup à apprendre pour ce poste, si tu penses qu'il faut accepter nos différences, les respecter alors pourquoi t'ai-je donner l'opportunité d'apprendre, de grandir... Pourquoi de laisserais-je ma place, pourquoi te laisserais-je grandir alors que je fais cela mieux que toi ? A quoi cela servirait en fin de compte ? Laisse à Delimar l'opportunité d'apprendre, de s'ouvrir de s'élever et à leur côté, tu trouveras aussi des richesses que tu ne possèdes pas. Un savoir-faire... Ne doit pas rester entre les mains d'un maître. Il doit se transmettre à un apprenti pour que celui-ci puisse faire vivre cet héritage d'excellence, le faire évoluer. Les rois ont toujours gardé le pouvoir et la politique pour eux et vois ce qu'ils sont devenus. Pourtant, j'ai connu un temps où les Kohans étaient les meilleurs dans leur domaine. Mais à force de laisser les mêmes savoirs entre les mêmes mains et esprits étriqués, cela finit par ce plus avoir le moindre sens. »

    Il la jaugeait du regard en silence, tâchant de savoir si elle comprenait le paradoxe de sa pensée. Le point de vu réel d'Eleonnora n'était pas de placer chacun dans son domaine d'expertise comme elle l'annonçait, mais de placer Caladon et son ambition au dessus. Mais avec ce regard supérieur et hautain naissaient les guerres. Il n'y avait pas que les brutes sans diplomaties qui les faisaient éclore. « Tryghild est une femme qui s'ouvre au monde, qui s'entoure de telle sorte à pouvoir évoluer avec nous sans se buter au cercle restreint de ses habitudes et de ses croyances. Réduire Délimar à une cité de militaires et des rustres, c'est fermer les yeux sur les sciences très avancés dont ils sont auteurs, sur leurs habiles artisans qui bâtissent des murs autant que des navires et sur la richesse de leur savoir-vivre ensemble. Réduire Caladon à des marchands et des menteurs, c'est fermer les yeux sur les nombreux artistes que j'ai drainé de tout l'archipel jusqu'à nous, sur la tolérance qui est la nôtre pour avoir formé une société pluriethniques et sur les parangons de politique qui s’illustrent à notre Conseil. » Aldaron prenait une petite cuillère d'argent, soupesant une faible quantité de sucre roux avant de la verser délicatement dans son thé, trouvant visiblement celui-ci trop amère. « Une part de nous peut les rendre plus doux. Une part d'eux peut nous rendre plus fort. Ne les regarde pas de haut... » Un sourire amusé marqua brièvement ses lèvres : « Tu aurais bien du mal, pour commencer, vu leur taille. » plaisanta-t-il.

    « Mais au delà de cela, Eleonnora, tu ne gagneras pas leur confiance, leur concours, leur soutien loyal en les prenant pour des idiots inférieurs. Délimar n'est pas que le bouclier de l'Alliance, tout comme Caladon n'en est pas que son porte-monnaie. » Remuant délicatement le liquide ambré pour qu’œuvre l'alchimie, ses yeux se baissaient sereinement : « Je vais mettre fin à mon mandat prochainement et je veux que tu deviennes le prochain Bourgmestre. Je veux que tu sois à la hauteur de cela, de la tâche qui t'attend. Gérer Caladon, c'est une chose. Gérer ses alliés et ses ennemis en est une autre. Ici dans la ville, tu es au dessus de tout le monde. Mais en dehors de la ville, tu ne dois ni te laisser marcher sur les pieds ni écraser ceux des autres. Ou tu seras notre Kohan caladonien » L'elfe roula des yeux, fatigué rien qu'à penser de nouveau à Nolan.

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Eleonnora ne manqua pas de lever les yeux au ciel à la réponse de son père adoptif. Il jouait clairement sur les mots.
Elle préparait déjà sa riposte lorsqu'il émit l'hypothèse de ne pas la soutenir. Malgré elle, la jeune femme, pâlit. Elle ne savait pas à quoi il jouait mais il cherchait délibérément à la déstabiliser. Il la testait, c'était ça? Elle repensa à la réponse insolente qu'elle s'apprêtait à lancer. C'était peut-être là, la limité de leur relation. Ils avaient beau se voir en toute intimité, comme un père le ferait avec sa fille, l'elfe restait son supérieur hiérarchique. Il était plus encore: le garant de son avenir professionnel et de ses plus grandes ambitions. Alors elle ne pouvait se permettre d'étaler ses opinions au hasard en pensant que son jugement ne pourraient porter atteinte aux actions de sa fille. Il suffisait qu'il ne la juge pas "apte" pour que la position qu'elle regardait avec tant de ferveur devienne un espoir inutile. Aucun mot ne pouvait être dit au hasard et il était curieux de penser qu'entre une fille et son père la tension soit aussi palpable. Mais ce n'était pas comme si elle était étrangère à cette situation après tout. Cela faisait partie de son éducation que de voir un potentiel adversaire dans chaque individu, inconnu ou proche.

« Mon opinion du monde a l'air bien extrême dans ta bouche. Si c'est ce que tu penses de moi...je m'en désole quelque peu.  » Pinçant ses lèvres, elle feignait une moue navrée avant de reposer tranquillement sa tasse.  « Si je croyais vraiment que le monde pouvait se ranger dans des cases, je ne serais pas la première à chercher l'ambition des hautes sphères de la politique. Un femme au pouvoir? Imagine tu?  » Elle porta délicatement sa main devant sa bouche, comme pour essayer de contenir ce gloussement factice. « Mais, tu ne peux le nier, ces cases sont des faits...et nous avons besoin de ce rangement pour nous en sortir. Et pour en sortir. Je ne peux pas dire que je connait beaucoup de marin, de boulanger, d’artisans ferrailleurs mais j'ai étudié les statistiques et les sujets de société. Combien d'entre eux sont sorti de leurs cases? Pourtant nous sommes dans les citées libres! Alors, moi, je crois au travail de chacun, à la persévérance de l'humain et ses qualités propres. Le droit égal, pour chacun, de faire ses preuves, d'exploiter ses talents, de surmonter, au moins partiellement, ses faiblesses. C'est le droit de réussir, autant qu'on le peut et qu'on le mérite.  Et il n'y a pas d'astuces mais seuls les plus méritants par leur travail et leur assiduité sortiront de leurs cases. Je n'aurai aucun scrupule à impliquer des Délimariens dans nos rencontres diplomatiques s'ils prouvent qu'ils en sont capable...Certes, Cordont était un début. Les preuves ne sont alors plus qu' à venir je suppose. » La conseillère Ostiz était intransigeante et perfectionniste, pour sur. Cependant c'est ce qui la poussait à ne vouloir que le meilleur. Car c'est ce que méritaient les cités libres, c'est ce qu'elle méritait. « Alors, je ne suis méprisante qu'envers ceux qui ne le méritent en un sens...ceux qui ont fait le choix de ne pas s'élever à la hauteur de leurs rêves par feignantise...  » Se berçait-elle d'illusion en fermant les yeux sur tout les paramètres qui allaient au delà de la persévérance de la prostituée ou du petit matelot? Surement que cela l'arrangeait de les traiter de feignants après tout. Et ainsi ce ne serait jamais la faute du sommet si la base était dans cet état.

«Oh c'est aussi pour ça que je voue un grand respect pour cette dame Tryghild...C'est évidement bien naïf de penser que les femmes seront nos alliées par simple solidarité féminine mais je chéri le combat que nous avons toutes mené à un moment de notre vie. Cela nous donne peut-être, quelque part, plus de mérite que certains y penserais-je... » La jeune femme avait même appris que cette guerrière avait donné la vie entre deux batailles...Cette femme devait être sans aucun doute impressionnante, elle ne pouvait dire le contraire. Elle ne savait si elle appréhendait ou était impatiente à l'idée de la rencontrer un jour. C'était évidemment irrémédiable au vu de ses ambitions. Pour autant, un personnage ne représentait pas une patrie et Aldaron avait beau lui susurrer des vœux de tolérance, Eleonnora n'en sera pas moins vigilante. Faire des compromis était à sa portée; Oublier son système économique et social, ses valeur de liberté en était une autre. Un grand faussé idéologique séparait les deux nations et c'était cela qui rendait dubitative la conseillère. Elle n'accusait en rien leur différence. Elle souhaitait juste que la distance entre eux reste raisonnable, qu'aucun n’empiète sur l'autre...pour l'instant. Si les cités venaient à fusionner qui sait quel système pourrait prendre le pas? Elle n'en voyait qu'un seul de viable mais elle n'oserait l'énoncer à voix haute devant son père adoptif.

Surtout que ce dernier, touillant sa tasse avec attention lançait d'un air presque détaché les mots qu'elle l'avait imaginé dire en long, en large et en travers. Elle battit des paupières, un sourire maladroit se formant en travers de son visage. C'était encore un test?  « Je...moi? » Non, impossible. Elle refréna la vague d’insouciance qui allait la pousser à sauter de joie. Elle l'aurait bien donné une seconde embrassade mais elle n'était plus une enfant. Autant agi comme si cela allait de soit. Après tout qui d'autre qu'elle aurait pu être nommé? C'était sa juste place. Cependant, allez savoir pourquoi, elle ne s'y attendait pas. Fixant intensément son père de cœur, elle laissa le silence planer dans la pièce. Seul le tintement de la cuillère et le crépitement de l'âtre semblait répondre à son questionnement silencieux. Dans l'émeraude de son regard ne se lisait ni fatigue ni vieillesse. Alors pourquoi? La demoiselle ne pouvait évidemment se refuser à la joie d'une telle nouvelle toutefois...tout cela paraissait bien trop facile.
« Pourquoi? » Elle aurait très bien pu lui sortir un "Je ne vous décevrait pas".  « Nolan Kohan t'as t-il tant épuisé? »  Et puis il était légitime pour elle de devoir s'inquiéter du sort de son père si celui ci devait à quitter ses fonctions.  «Je sais que tu n'as jamais aimé être dans le feu des projecteurs, malgré ton talent certain pour enflammer les foules. Mais si tu décides aussi soudainement de quitter ton poste, c'est que tu dois bien avoir une raison. Une année ou deux, qu'est ce que c'est pour un elfe? Non, tu as quelque chose, hein? » Elle le regarda droit dans les yeux comme si elle voulait sonder son âme. C'est étrange. Elle avait rêvé de ce moment tellement de fois et pourtant il avait un gout amère dans sa bouche.  «...C'est ton vampire, c'est ça? Je savais qu'il t'éloignerai de...Caladon. » De nous aurait-elle voulu dire. Mais à quoi bon? Donc c'était ça, il revenait pour lui dire qu'il s'en allait à nouveau. Elle vivait entourée d'homme qui ne savaient tenir en place. Elle soupira. Au moins, saurait-il où la trouver. Parce que quand même...Bourgmestre. Bourgmestre de Caladon. Caladon la Revenante. La glorieuse cité marchande. Ils partaient en mer ou à l'autre bout du monde, peu importe; Elle n'était pas du genre à les attendre patiemment sur le quai. Pendant un instant elle eu tout de même peur que sa mine concernée fut interprétée comme un signe de refus, voir pire, de doute; « Mais pour autant qu'il y ait quelqu'un de qualifié pour couver notre merveilleuse citée... » Et que dire plus face au sourire satisfait qui s'était progressivement marqué sur ses lèvres?

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    L'elfe cendré laissa les paroles couler lentement au gré des mots. Sa fille se défendait, parangon de politique et de beaux propos, enrobant une pensée sibylline, à la fois caractérisée par ceux qui en détecteraient la profondeur et assez floue pour endormir les ballots qui s'en remettaient à la croyance et au charisme. Elle apprendrait d'elle-même que Glacern n'avait jamais été une société patriarcale. Que nombre de ses fonctions étaient à la fois masculines et féminines. Tryghild n'avait pas eu à se battre contre des hommes étriqués d'esprit, elle n'en avait pas moins prouvé sa valeur et le respect qu'on pouvait lui vouer. Mais jamais son genre ne l'avait mise en défaut, n'avait été remis en question. Pas plus qu'à Caladon où des familles pouvaient aussi bien être patriarcale que matriarcale. En vérité, il n'y avait bien que dans le Royaume Sélénien où tout ne se donnait qu'à des nobles viciés, de mâle en mâle, l'hérédité chapeautait leurs us et coutumes. « Certaines personnes ne restent dans leur case que parce que d'autres, plus puissantes, les obligent à rester dedans. Tu peux appeler cela de la fainéantise si cela te sied... Tu seras bien obligée de remettre cette vision en cause le jour où la révolte grondera et que les cases se briseront. Les trouveras-tu toujours fainéants lorsque leurs épées, leurs fourches et marteaux seront sous ta gorge, hystériques d'avoir eu à supporter ta main qui appuyait sur leurs têtes pour qu'ils restent dans leur cases ? Ils n'ont certes pas la force, les bagages ou même simplement les capacités innées pour s'élever. Mais beaucoup les ont et ne restent la tête basse que parce qu'on appuie dessus. J'ai du me battre contre des gens comme toi pour m'élever. Et je les ai battus. J'ai du les vaincre alors nous aurions pu rester ensemble s'ils m'avaient tendus la main plutôt que de me la refuser. Ainsi ai-je tourné le dos aux Kohans et à d'autres : ne fais pas la même erreur qu'eux. »

    Ses mires verdoyantes se plantaient sur elle, intenses dans leur charisme et leur affection paternelle : « Je ne peux pas t'en vouloir de penser ainsi. Crissolorio a déjà fait une grande partie du chemin, et je vais t'aider à faire le reste. Tu t'es battue et tu as le mérite de cela, mais tu as aussi eu la chance d'être accompagnée, une chance que tu n'accorderais à d'autres en retour. Tu es née dans une famille aisée, probablement aurait-il été plus simple pour toi de comprendre cela si tu étais née dans une famille de paysans. » Comme les rois, elle s'était épanouie dans une bulle protectrice. Il ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas voir ce qu'on lui avait occulté. Il espérait qu'elle apprendrait, que ses liens et amitiés lui montreraient la voie vers un regard plus bienveillant envers les petites gens. Et si cela n'était pas le cas, alors le retour de bâton la rappellerait à l'ordre. La vie était la plus grande école de l'éducation. Pour autant, le ton de sa voix n'avait rien du dénigrement. C'était une affirmation compatissante et compréhensive. Il ne lui jetait pas la pierre, mais il avait pour principe d'être honnête avec son entourage. A plus forte raison lorsqu'il tenait à eux. « Je suis certain que tu te montreras digne de Caladon. Il t'appartient de te faire une place dans leurs cœurs afin d'être élue. Ta campagne va devoir les convaincre comme tu m'as convaincue. » Y parviendrait-elle ? Viendrait-elle lui réclamer son concours pour mettre toutes les chances de son côté ? « Je suis curieux alors... Je ne partirai pas vraiment. Je veux te regarder grandir encore, comme à tes premiers pas dans le jardin, à Gloria. Je veux être là, près de toi, non plus comme supérieur hiérarchique que tu cherches à dépasser, mais comme appui, si tu le souhaites, pour t'aider à avancer. »

    Il porta la tasse de thé à ses lèvres, goûtant une nouvelle gorgée. Les saveurs caressaient son palais, et il prit le temps de les détailler, les unes après les autres, comme on déguste les petits plaisirs de la vie. Aldaron était un homme humble. Il aurait pu avoir tellement plus, des demeures dégoulinantes de dorures, des coffres remplis de pièces d'or, débordant sur le sol au delà de leurs limites. Mais il était le Marché Noir. Il était ce regard qui se délectait à voir le monde avancer, croître, sur le mécanisme d'une économie qu'il favorisait en faisait circuler l'argent. Plus que ses propres maisons, c'était celle des autres qui aimait voir se construire pour former un nouveau foyer. Plus que ses propres réussites, c'était celles des autres qu'il voulait voir briller. Il se sentait se faire vieux. Ses cheveux n'étaient pas devenus blancs, à son retour de Morneflamme, pour de maigres raisons. Il devenait l'homme qui préférait s'asseoir au fond de son fauteuil comme on s'appuie sur son pouvoir, et regarder par la fenêtre le monde briller et grandir. Il avait passé l'âge d'être une flamme qui avait besoin de se consumer pour exister. Il était la cendre qui aspirait au repos, couvant sous elle une terre neuve, fertile, promesse de lendemains glorieux. « Ivanyr et moi avons été élus par les esprits-liés des Inséparables. Nous sommes pour l'autre la réponse à toutes nos questions et la raison de vivre. Ce que tu ressens pour Artane, la déroute qui rempli ton cœur... Dis-toi que je le ressens un millier de fois plus intensément. »

    Ce lien était indéfinissable. Lui-même s'étonnait encore beaucoup de ce qui remuait en lui. « Mon père voulait que je reste dans cette case bien définie que mes aïeux avaient fondée pour moi. Aussi loin que remonte l'ancienne et noble lignée Leweïnra, chaque mâle était contraint de grandir dans cette case avant de l'offrir à son fils. Cela n'était pas ce à quoi j'aspirai. J'avais beau me débattre, sortir le nez, la tête et... » La queue. Autant appeler un chat, un chat. Il avait énormément batifolé pendant son adolescence, et même bien après une fois à Gloria, il n'avait jamais vraiment quitté se stade jusqu'à ce qu'Achroma le rende plus mature et que Morneflamme ne finisse de l'achever. Néanmoins, il ne pouvait pas prononcer cela devant sa fille. « Tout le reste. Cela ne servait à rien tant que mon père me refusait ce droit. J'ai brisé cette case. J'ai hurlé contre mon père, moi qui, pourtant, n'avais jamais levé la voix à son encontre. Je lui ai fait du mal. A lui. A ma fiancée. Au fils que je n'avais pas voulu. » Il ne parlait pas souvent de cela, comme s'il s'agissait d'un sujet tabou. Mais là, près du feu, avec sa fille, n'était-il pas temps qu'il transmette sa propre expérience ? « Certaines personnes ne restent dans leur case que parce que d'autres, plus puissantes, les obligent à rester dedans. Tu peux appeler cela de la fainéantise si cela te sied... Moi, j'appelle cela de la culpabilité. Je n'ai jamais été à l'aise dans la famille qui partageait mon sang, et pour autant, avoir un foyer a toujours été dans mes ambitions. Avec Corine et Cercëe, j'ai caressé ce rêve. Puis je l'ai reformé, avec toi, Valmys, avec Ivanyr. Avec Cirth aussi probablement. On ignore tout de la famille, tant qu'on ne l'a pas fondée par soi-même et j'ai fait ce choix. Il m'importe plus que d'autres rêves meurtris. Je n'abandonnerai pas Caladon mais j'ai besoin de me réaliser et me reconstruire sur un plan plus personnel. Un plan dans lequel tu as et tu auras encore toute ta place. Je t'aime toujours, Eleonnora. Il vient seulement un jour où il est nécessaire de transmettre le flambeau et c'est ce que je fais. Puisses-tu briller plus encore que moi. »

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Il ne voyait que les cas extrêmes se disait elle, s'empêchant presque de lever les yeux au ciel. Mais après tout c'est ce qu'aurait fait un parent; S'inquiéter pour son enfant, s'attendre aux revers de la vie à sa place. Mais même si Eleonnora pouvait tirer une certaine affection de ce discours, étant à la place de l'enfant ici, elle n'entendait pas cette inquiétude d'une bonne oreille. Elle trouvait cela presque agaçant. Cette façon de se croire supérieur parce qu'il avait quelques centenaires de plus, les elfes étaient bien tous les mêmes...La jeune femme n'avait pas d'autre choix que de l'écouter de toute façon. Elle resta alors impassible, écoutant plus ou moins attentivement les recommandations du bourgmestre. Toutefois mentionner son éducation la fit réagir plus qu'elle ne l'aurait pensé. Elle releva la critique en fronçant légèrement ses sourcils bien dessinés. Bien évidemment que ses idées et convictions se basaient sur son milieu, sa classe d'origine et on ne pouvait nier que celui-ci aussi portait aussi son lot de problèmes. Elle n'avait jamais dit vouloir lutter pour plus d'égalité entre les classes, car il était, ici, si facile de les transgresser. Il fallait juste savoir s'y prendre. Peut-être que c'est ce qui l'avait séduit à Caladon, Avec un peu de culot, le petit marin pouvait devenir un marchand influent. Surtout après le débarquement, les banques, les mouvements financiers, les grandes compagnies s'en étaient retrouvées bouleversées. Et tout comme Aldaron en était le meilleur exemple, les plus puissants n'étaient pas toujours de sang bleu. Car ce qui régentait réellement la cité portuaire, tout le monde le savais, c'était la bourse de chacun. C'était une nouvelle noblesse, pas plus égalitaire que celle de Sélénia, qui s'était vite mise en place. Eleonnora ne s'en réclamait pas forcément porte parole...mais elle savait que leurs intérêts comptaient beaucoup au sein de l'activité de la ville. Et s'il ne s'en tenaient qu'à leur bourse et non réellement à leurs convictions dorénavant, s'ils trouvaient plus avantageux ailleurs, surement que ça leur prendrait subitement de déménager. Ceux qui distribuent, traitent, entreposent le grain sont aussi importants que ceux qui le cultivent.

Puis la jeune femme n'était pas dupe. S'il disait alors qu'il prenait la liberté de l'observer, elle n'aurait en rien la réelle liberté de décision qu'elle souhaitait. Elle ne ferait rien que la morale réprouvait mais juste penser que l'on puisse la surveiller dans l'ombre la dérangeait. L'influence de son père adoptif allait bien au delà de sa fonction de Bourgmestre et même dépouillé de ses titres ils resterait un des hommes les plus puissant de l'archipel. On pouvait ajouter à ceci que la future Bourgmestre était sa fille adoptive...Quelque part ce pouvoir avait quelque chose d'effrayant. Eleonnora ne put s'empêcher de penser qu'elle comprenait tout ceux qui prenaient peur de ce légendaire marché caché dans les bas fonds des villes. Présent dans toutes les sphères mais si discret qu'on ne connait vraiment l'étendue de son influence. De quoi dresser les poils sur les royaux bras des Kohans. La demoiselle ne savait pas trop comment encore se placer par rapport à ce rôle...Elle était heureuse qu'il puisse lui apporter tant d'opportunités mais paradoxalement avait peur qu'il empiète sur son pouvoir à elle. Toutefois cette bataille là était encore lointaine bien que déjà présente dans son esprit. Son esprit était d'ailleurs bien préoccupé par ce qui se passera après son élection pour quelqu'un qui n'a même pas entamé sa campagne...Puisque de tout façon c'était l'évidence même qu'elle finirait par être élue. « Ne t'en fais donc pas pour ça. Si j'ai pu convaincre un des hommes les plus influents de l'archipel, une flopée de marchands ne risque pas de m'effrayer pour autant.» Avec elle viendrai à jour un nouveau Caladon. Elle en avait la conviction. «Puis, sans vouloir t'offenser, l'ombre est bien ton domaine. Si tu me suis, je brillerais davantage. Plus claire est la lumière, plus sombre sera l'obscurité...Mais il est impossible d'apprécier correctement la lumière sans connaître les ténèbres. Aussi, dans ce cas là, il faudra que l'on soit d'une transparence égale l'un pour l'autre. Mais cela a toujours été le cas, n'est ce pas? » Ou y avait-il des choses que seul un Bourgmestre pouvait savoir? La conseillère avait joué son rôle sans détour, avait été franche avec son supérieur et s'était acharnée à sa tâche, attendant patiemment le bon moment. Si les rôles venaient à s'inverser, Aldaron serait-il prêt à livrer ses fonds les plus cachés à sa future supérieure? Révêlerait lui t-il l'étendue réelle du marché noir?

En dépit de cet air de suspicion qu'elle avait fait planer, la demoiselle n'avait pu résister au récit qu'entamait son père adoptif. Elle qui, quelques instant plus tôt, le soupçonnait implicitement de lui cacher la face immergée de l'iceberg, fut émue. A vrai dire, jamais de sa bouche n'avait-elle entendu parler de son histoire. Oh tout ces récits de fuite, de errance dans le monde des humains, elle les connaissait; Que personne ne vienne se plaindre qu'une conseillère caladonnienne se renseigne un peu; Aussi, elle avait comprit que c'était à juste titre qu'il n'aimait pas étaler son passé. Il y avait donc dans ses paroles un gage de confiance qui ne laissa pas indifférente sa fille de cœur. Les haussements de sourcils étaient maintenant loin. Il aura été ardu mais non vain de faire écouter. La pipelette arrogante qui était prête à l'interrompre pour n'importe quel mot dit de travers quelques instants plus tôt avait dorénavant du mal à renchérir. Un silence encombrant se fit entendre alors que l'elfe mit un point à sa phrase. Son égo n'avait pas l'habitude de se faire autant flatter par cet important personnage et, étrangement, cela l'embarrassait presque.
« En doutes tu encore? » Les joues rosies, elle avait relevé le menton avec la fierté d'un oiseau au plumage radieux. « En venant ici, j'ai fait de Caladon mon avenir, mon entreprise, ma famille...Et je t'accorde ce point, on ignore tout de la famille tant qu'on ne l'a pas fondée sois même. C'est bien pour cette raison que contribuer à l'évolution de nos terres ne me suffisait plus; J'ai ce besoin de sentir son pouls sous ma paume. » Dire que le contrôle était désormais si proche...cela en devenait presque grisant. Une vive étincelle s'était allumée dans son regard à cette idée. L'amour et les bons sentiments de son père semblaient l'avoir dépassée depuis longtemps. Que représentaient ces sentiments futiles, imprévisibles face au contrôle, au véritable pouvoir? Dans ses pensées, la jeune femme leva la tasse à ses lèvres avant de se rendre compte qu'elle était déjà vide; ce qui la ramena à ses esprits. « A l'évidence, je ne te refrénerait pas dans la poursuite de ton destin...le mien se trouvant ici, tu saura où me trouver. » Elle qui avait l'air bien triste auparavant avait trouvé son compte dans le discours d'encouragement de son supérieur.

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    Un sourire plausible étirait les lèvres cendrées de l'elfe. La chère demoiselle croyait qu'il serait aisé de remporter les élections, parce que quoi ? Elle avait réussi à le convaincre lui ? Le cœur avait ses raisons, parfois hors de la réalité. Peut-être y avait de meilleurs politiciens à mettre à la tête de Caladon, mais il était un père et voulait que ce soit sa fille. Convaincre le reste de la population Caladonienne ne serait pas si facile. Aldaron était convaincu que Nolan ne méritait pas son rôle, pour autant, tous, au nord, n'étaient pas prêt à le suivre, aussi influent puisse-t-il être dans tout l'archipel. De même, il croyait en Eleonnora et cela ne ferait pas tout. Le Marché Noir s'était grandement installé et il était assuré que son enfant récolterait un bon paquet de voix. Mais de là faire une certitude de cette victoire ? Non, il faudrait que la jeune Ostiz s’illustre particulièrement et gagne le cœur des citoyens, au risque de se retrouver le bec dans l'eau au moment de l'annonce des suffrages si elle se reposait sur ses acquis. « Je pense qu'il faudra tout de même prendre ta candidature à bras le corps pour être certaine d'être élue. » souligna-t-il, le ton doux, bien qu'il était assez confiant dans ses compétences. S'il ne fallait jamais s'avouer vaincu, il ne fallait pas non lus s'avouer vainqueur trop tôt. Dès lors qu'Aldaron se retirerait, qui sait quel opportuniste enverrait calomnie sur calomnie pour écraser ses concurrents ? Il n'insista finalement pas outre mesure, elle était bien assez grande pour faire ses propres choix stratégiques et le meilleur des apprentissage n'était autre que les erreurs, que lui-même pouvait commettre, et tirer enseignement.

    Fut un temps où il lui avait dit ne pas être un soleil. Il était une lune qui reflétait l'éclat de son astre. Il agissait en son nom et en son ordre. Et son illustre nova défunte s'appelait Achroma Seithvelj. L'Aîné l'avait aidé à cheminer auprès de la Castre des Dragonniers. Il s'était battu pour leurs communes valeurs à Morneflamme et bien après. Aujourd'hui, il était de retour et s'il était une ombre, ce serait lui, sa lumière. Lui, à qui il se confiait sans en laisser une miette quand bien même Eleonnora lui en réclamait son dû. Il pouvait comprendre qu'elle veuille sa sincérité entière, mais son sourire, tendre et énigmatique, fut sa seule réponse. A défaut de sa transparence, elle avait son amour et c'était, en vérité, bien plus important que de savoir ce qui se tramait derrière le rideau de ses apparences. Elle n'était pas la première et elle ne serait pas la dernière à vouloir connaître la vérité mais les questions qu'on lui posait demeuraient toujours et à jamais sans réponse. Il refusait de céder et de divulguer les actes du Marché Noir. Elle en savait bien assez pour ce qui l'importait : il gérait les dessous de l'économie pour que cela profite à Caladon et ce, au détriment des caisses de Sélénia dont il recherchait à décrédibiliser le dirigeant. Pour le reste, elle n'avait pas besoin de savoir. Il ne donnait à chacun qu'une partie fragmentaire de ses occupations, comme les pièces d'un puzzle qu'on pourrait reconstruire s'ils décidaient de se lier et comprendre l'organisation.

    Savoir ce qu'il faisait et ce que faisait le Marché Noir était futile. Tout comme vouloir le détruire, le contrer, se dresser comme un rempart. Non, savoir n'avait pas d'utilité, mais son amour, son affection, sincère et sans limite, ça, ça avait une véritable valeur. L'on pouvait trembler, se douter, accuser et blâmer, les intentions d'Aldaron et la direction du Marché Noir n'iraient jamais contre celles et ceux qui, en plus d'avoir sa protection, bénéficiaient de son affection et de sa générosité. Bien tristes devaient être celles et ceux qui passaient leur temps à froncer les sourcils devant son aura de mystère, ils n'auraient jamais la chance de vivre paisiblement. Et son respect, autant que son affection, il la lui témoignait une nouvelle fois, comme pour enfoncer un clou plus profondément. Oui, le Marché Noir et Aldaron contrôleraient les dessous de Caladon et plus généralement, de l'économie de l'archipel. Oui, c'était terriblement effrayant. Mais non, elle ne devait pas trembler, car il n'agissait pas pour la détruire et elle se rendrait bien vitre compte qu'une fois Bourgmestre, il ne serait guère prompt à la contredire, la ridiculiser ou la faire tomber. Il n'était pas un homme de concurrence. Il était un homme de soutien sur lequel on pouvait venir chercher un appui, en trouvant, en retour, un arbre multicentenaire aux racines solidement ancrée dans le sol, aux branches telles des mains tendues.

    Les joues rosies, elle avait levé le menton, pleine de fierté et lui n'avait pas répondu à sa question autrement qu'en lui rappelant qu'il l'aimait et qu'il croyait en elle. De tout temps, il avait connu des humains clamer des rêves si différents les uns des autres. Si le fait qu'elle prenne Caladon pour le centre de sa vie au lieu de fonder une famille était assez alarmant, l'elfe avait appris à respecter les volonté de chacun et croire que tous pourraient réaliser tôt ou tard, avoir eu raison ou tord dans ses ambitions. Et quelles qu'elles soient : elle pourrait toujours revenir le voir et compter sur son soutien. Tant qu'il vivrait, tant qu'il le pourrait. Il acquiesça d'un signe de tête et tâcha de poursuivre leur conversation. Il lui demanda quelles ambitions elle avait pour Caladon, ce dont elle rêvait. Il lui demanda aussi de nouvelles de son couple et si elle s'y épanouissait, le tout venant combler une conversation ni-professionnelle, mi-personnel, à l'image de leur relation à tout les deux : père et fille, mais aussi collaborateurs. Il était bon pour lui de rentrer à Caladon.

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Que penserait-on dune dirigeante qui ne sait pas ce qui se trame dans les caisse de sa propre cité? Cela l'ennuyait bien mais si elle devait en arriver là, il faudrait qu'elle le fasse parler en son nom si un jour elle doit se trouver à la tête du conseil. Elle refusait d'être une poupée de scène dont les seuls rôles seraient de saluer et sourire à la foule. Elle méritait mieux que ça. Elle était bien plus que ça. Mais ce qui embêtait le plus la jeune femme était le fait que ce personnage qui allait lui tenir tête, lui dissimuler les secret de Caladon, était son propre père. Mais pourrait-elle encore le désigner ainsi s'il oppose résistance à sa volonté. De quel côté était-ce le plus terrible? Le père qui cache la vérité ou bien la fille qui se retourne contre son protecteur en se comportant comme une vulgaire espionne? Peut-être pensait-il que la vérité n'avait pas de réel intérêt pour son successeur mais plus que la curiosité, la soif de savoir était insidieuse. Il était trop tard et le poison s'était déjà propagé, son imagination s'était emballée et elle ne pouvait se dire que cette affaire était sans importance. Surement n'était-elle pas la seule d'ailleurs. Qu'est ce qui valait tant la peine d'être aussi secret? S'il prenait la peine de le dérober au regard de sa propre protégée, c'est qu'il ne pouvait être sans importance.

Puis, sans ce savoir qui faisait d'Aldaron un homme véritablement influent dans l'archipel, comment pourra t-elle assumer le rôle de Bourgmestre? Elle pensait q'en arrivant à ce stade là, elle pourrait enfin dépasser ses aînés mais il semblait qu ses yeux étaient plus gros que son ventre encore une fois. La route qui lui restait à parcourir était bien longue. En attendant, elle ne s'effrayait que d'une chose; De quoi aurait-elle l'air une fois sur le trône? Serait-elle ridicule comparée à l'elfe centenaire qui l'avait précédée? A vrai dire elle ne s'en inquiétait pas tant qu'il était question de voir les têtes de ces chers conseillers se voûter en sa présence. Ce sera une autre histoire lorsqu'il sera question de rencontrer les autres dirigeants. Enfin, le trône, elle exagérait, mais c'était l'idée qu'elle pouvait s'en faire actuellement. Une idée fantasmée, nourrie par des années de rêveries. Bien entendu elle était consciente des responsabilités et du travail que cette fonction incombait...toutefois, rien que d'y penser...

Qu'en penserait Crissolorio? Allait-il maintenant entendre ses titres et noms, qu'il soit à l'autre bout de l'archipel ou enterré au royaume des morts? Maintenant elle ne lui devait plus rien. En revoyant le visage aimé de son père adoptif, la chaleur qui avait empli sa poitrine en examinant sa silhouette enfin de retour au sein de sa demeure caladonienne, elle n'avait pu s'empêcher de penser qu'elle avait tourné la page. Le passé, comme pour son peuple de fugitif, était mort. Et un avenir radieux l’accueillait à bras ouverts.

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