24 Janvier, non-loin de Nyn-Tiamat
Par-delà le vacarme des vagues, et l'isolement lorsqu'elles venaient l'engloutir, des rires gras résonnaient. L'Enwr aurait beaucoup donné pour réussir à les nier aussi fort qu'il le souhaitait, aussi fort qu'il l'aurait fallu pour le protéger de la peur qui, désormais, assaillait son ventre. L'eau, glacée, salée, sombre, peuplée de créatures encore inconnues aux crocs trop longs pour ne pas menacer les fragiles sans-poils, était une alliée, et une voix plus accueillante que celles, enrouées de cris, beuglaient non-loin de lui. Il n'était pas trop tard. Il pouvait encore s'enfuir et survivre. Usant de magie pour mieux tenir son souffle, le jeune immaculé plongea sa tête sous l'eau pour brouiller les pistes, et commença à s'essayer à nager, à contre-courant, de toutes ses forces. Coupé des sons extérieurs, les railleries lui étaient peut-être épargnées, mais également les plans qui visaient à le capturer, comme on capturait un beau trophée.
Valmys dut reprendre son souffle. Il sortit la tête de l'eau. Ce fut suffisant pour qu'une vive douleur dans la nuque lui arrache un cri de surprise, vite suivi d'un nouvel élan de panique. Les fourbes. Il reconnaissait cette sensation de faiblesse en lui. La magie ! Qu'avaient-ils osé faire à sa magie ? Elle était une part de lui, ils ne pouvaient l'en priver ainsi ! Les fourbes, les faquins, les...
Il n'eut pas le temps de partir bien loin. Ses bras s'emmêlèrent dans ce qui devait être un filet. De ses fines mains rendues malhabiles par une peur viscérale, il essaya de s'en défaire. Les chimères étaient encore plus douces que ce destin-là. En lui, des milliers de cris refusaient d'y retourner, de subir à nouveau ce sort. Les rires et boutades des marins résonnaient encore en lui, et des douleurs fantômes s'éveillèrent. Non. Pas après tout ce temps passé à se reconstruire. Il ne pouvait en être ainsi. Les Huit n'étaient pas aussi cruels.
"- Eh les gars ! On a été sages, regardez ce qu'Océan nous apporte !"
Valmys essayait de retenir entre ses doigts les fragments d'âme qu'il s'était reconstruits. Il n'était pas leur chose, il n'était pas à eux. Il avait une identité, qu'ils la bafouent ou non. Il était le fils d'Aldaron, l'élève de Kehlvehan. Il était un explorateur, et un historien. Sitôt passée la douleur du choc contre le pont, le petit dernier des Leweïnra chercha à se mettre debout, en titubant.
"- C'est marrant ces marques sur sa tronche. Je me souvenais pas que la syphilis faisait cela."
Il apparut que Valmys était le seul présent à ne pas avoir le sens de l'humour ; les autres pirates trouvaient cela bien drôle. Appuyé à la rambarde, crachant l'eau de mer qui lui avait brûlé, le brave "rescapé" des eaux tenta d'articuler le nom de son protecteur. Teotl était doux, Teotl était bon... Teotl n'allait tout de même pas le laisser ainsi !
"- Teotl ? Oooh ton chouchou t'a manqué ?
- Eh mais attends Teotl en a pas profité... Si ?
- Faut croire que si, et qu'il lui manque.
- C'est pas très joli ce favoritisme !"
Mentalement, Valmys les affubla de jurons fort peu charitables. Pas question néanmoins d'hausser la voix. Même s'il était détestable qu'ils le croient ainsi à leur merci, l'expérience avait prouvée à l'esclave des marées combien la résistance pouvait être un délice pour ces vauriens. Certains le provoquèrent, cherchèrent à lui attraper le menton pour mieux capturer le regard de proie qu'il avait pu leur offrir. Il cherchait toujours à détourner le regard, ou ne leur offrir qu'un air neutre. De ses bras, il enlaçait son propre ventre, dans le vain espoir de se réchauffer. Le vent collait ses habits gelés contre sa peau.
Ils en étaient là, tous, Valmys luttant pour ne pas exciter ses prédateurs, et lesdits prédateurs cherchant déjà qui allait profiter du "premier tour", quand une silhouette grande de symboles s'approcha, imposant le respect des Hommes. Un faible espoir naquit en Valmys, tut sitôt qu'il vit ladite silhouette. Ce n'était pas son protecteur. C'était un être dont les crocs aiguisés témoignaient d'une insatiable faim. De tous les monstres qui grouillaient sur cette structure de bois, mûs par les pulsions les plus bestiales de leur corps, il était le roi. Son précédent jugement n'avait fait preuve d'aucune magnanimité envers l'Enwr. Ce dernier voulut reculer. Ses hanches rencontrèrent la rambarde. L'échine courbée par le froid, il ne parvint à détacher son regard de l'Orque. Sur son visage se lisaient autant de peur que de défiance -une défiance qu'il avait travaillée, mais qui tenait pour le moment davantage par le besoin de se protéger que par réelle conviction. Les souvenirs se lisaient dans chaque crispation de ses muscles. Il ne voulait pas redevenir leur jouet.
Mais face à l'Orque, et sans magie, bridé par le filet qui le retenait encore, y avait-il seulement quelque chose qu'il puisse faire ?
Par-delà le vacarme des vagues, et l'isolement lorsqu'elles venaient l'engloutir, des rires gras résonnaient. L'Enwr aurait beaucoup donné pour réussir à les nier aussi fort qu'il le souhaitait, aussi fort qu'il l'aurait fallu pour le protéger de la peur qui, désormais, assaillait son ventre. L'eau, glacée, salée, sombre, peuplée de créatures encore inconnues aux crocs trop longs pour ne pas menacer les fragiles sans-poils, était une alliée, et une voix plus accueillante que celles, enrouées de cris, beuglaient non-loin de lui. Il n'était pas trop tard. Il pouvait encore s'enfuir et survivre. Usant de magie pour mieux tenir son souffle, le jeune immaculé plongea sa tête sous l'eau pour brouiller les pistes, et commença à s'essayer à nager, à contre-courant, de toutes ses forces. Coupé des sons extérieurs, les railleries lui étaient peut-être épargnées, mais également les plans qui visaient à le capturer, comme on capturait un beau trophée.
Valmys dut reprendre son souffle. Il sortit la tête de l'eau. Ce fut suffisant pour qu'une vive douleur dans la nuque lui arrache un cri de surprise, vite suivi d'un nouvel élan de panique. Les fourbes. Il reconnaissait cette sensation de faiblesse en lui. La magie ! Qu'avaient-ils osé faire à sa magie ? Elle était une part de lui, ils ne pouvaient l'en priver ainsi ! Les fourbes, les faquins, les...
Il n'eut pas le temps de partir bien loin. Ses bras s'emmêlèrent dans ce qui devait être un filet. De ses fines mains rendues malhabiles par une peur viscérale, il essaya de s'en défaire. Les chimères étaient encore plus douces que ce destin-là. En lui, des milliers de cris refusaient d'y retourner, de subir à nouveau ce sort. Les rires et boutades des marins résonnaient encore en lui, et des douleurs fantômes s'éveillèrent. Non. Pas après tout ce temps passé à se reconstruire. Il ne pouvait en être ainsi. Les Huit n'étaient pas aussi cruels.
"- Eh les gars ! On a été sages, regardez ce qu'Océan nous apporte !"
Valmys essayait de retenir entre ses doigts les fragments d'âme qu'il s'était reconstruits. Il n'était pas leur chose, il n'était pas à eux. Il avait une identité, qu'ils la bafouent ou non. Il était le fils d'Aldaron, l'élève de Kehlvehan. Il était un explorateur, et un historien. Sitôt passée la douleur du choc contre le pont, le petit dernier des Leweïnra chercha à se mettre debout, en titubant.
"- C'est marrant ces marques sur sa tronche. Je me souvenais pas que la syphilis faisait cela."
Il apparut que Valmys était le seul présent à ne pas avoir le sens de l'humour ; les autres pirates trouvaient cela bien drôle. Appuyé à la rambarde, crachant l'eau de mer qui lui avait brûlé, le brave "rescapé" des eaux tenta d'articuler le nom de son protecteur. Teotl était doux, Teotl était bon... Teotl n'allait tout de même pas le laisser ainsi !
"- Teotl ? Oooh ton chouchou t'a manqué ?
- Eh mais attends Teotl en a pas profité... Si ?
- Faut croire que si, et qu'il lui manque.
- C'est pas très joli ce favoritisme !"
Mentalement, Valmys les affubla de jurons fort peu charitables. Pas question néanmoins d'hausser la voix. Même s'il était détestable qu'ils le croient ainsi à leur merci, l'expérience avait prouvée à l'esclave des marées combien la résistance pouvait être un délice pour ces vauriens. Certains le provoquèrent, cherchèrent à lui attraper le menton pour mieux capturer le regard de proie qu'il avait pu leur offrir. Il cherchait toujours à détourner le regard, ou ne leur offrir qu'un air neutre. De ses bras, il enlaçait son propre ventre, dans le vain espoir de se réchauffer. Le vent collait ses habits gelés contre sa peau.
Ils en étaient là, tous, Valmys luttant pour ne pas exciter ses prédateurs, et lesdits prédateurs cherchant déjà qui allait profiter du "premier tour", quand une silhouette grande de symboles s'approcha, imposant le respect des Hommes. Un faible espoir naquit en Valmys, tut sitôt qu'il vit ladite silhouette. Ce n'était pas son protecteur. C'était un être dont les crocs aiguisés témoignaient d'une insatiable faim. De tous les monstres qui grouillaient sur cette structure de bois, mûs par les pulsions les plus bestiales de leur corps, il était le roi. Son précédent jugement n'avait fait preuve d'aucune magnanimité envers l'Enwr. Ce dernier voulut reculer. Ses hanches rencontrèrent la rambarde. L'échine courbée par le froid, il ne parvint à détacher son regard de l'Orque. Sur son visage se lisaient autant de peur que de défiance -une défiance qu'il avait travaillée, mais qui tenait pour le moment davantage par le besoin de se protéger que par réelle conviction. Les souvenirs se lisaient dans chaque crispation de ses muscles. Il ne voulait pas redevenir leur jouet.
Mais face à l'Orque, et sans magie, bridé par le filet qui le retenait encore, y avait-il seulement quelque chose qu'il puisse faire ?