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descriptionFolie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild] EmptyFolie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild]

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Demeure d'Ilhan - 5 janvier 1763



Décembre était enfin parti laissant derrière lui une fin d’année tendue, douloureuse et agitée et janvier tournait la page d’une nouvelle année, apportant avec elle de nouvelles promesses et de fous espoirs. Le sinistre de Cordont avait marqué leurs esprits au fer rouge et la plaie laissée par ce gouffre béant qui éventrait leurs terres leur rappelait sans cesse le danger qui les guettait. Un des dangers, parmi tant d’autres…

Le traité concernant Cordont avait enfin été signé, Paix avait été préservée, de peu, et la reconstruction de la cité avait pu commencer. Un Conseil avait été mis en place là bas pour orchestrer l’organisation et toute dissension mineure. Une fois assuré que tout semblait sur la bonne voie, Ilhan était rentré fin décembre à Délimar, où d’autres tâches l’attendaient. Dont une n’était pas des moindres…

Tryghild leur avait confié, à sa sœur d’arme et à lui, une mission des plus délicates. L’abolition de l’esclavage des Gräarhs… Rien de moins que cela. Cette mission leur avait été attitrée en octobre pour tout dire, et ils avaient quelque peu avancé. Mais le sinistre de Cordont avait mis une parenthèse à ce beau et ambitieux projet. Ilhan ne l’avait pourtant pas oublié. Chaque jour, il avait agité son esprit. Chaque jour une idée lui venait, un point le titillait, une pensée… Il les avait notés consciencieusement et avait continué de planifier ce qu’il jugeait nécessaire, primordial, de mettre en place avant d’annoncer cette abolition. Il était temps maintenant de reprendre activement ce projet-là.

Abolir quelque chose était toujours délicat. Il y avait toujours des mécontents, plus ou moins influents, plus ou moins importants dans la société, qui se sentiraient lésés de cette abolition. Abolir, interdire… était souvent mal perçu. C’était comme une porte fermée, la fin définitive d’une possibilité. Il fallait donc toujours trouver une ouverture vers autre chose en compensation. Il fallait en fait voir le projet de tous les points de vue et travailler sur plusieurs fronts. Pour convaincre du bien-fondé de cette abolition, inutile de présenter ses arguments abruptement, ils ne seraient de toute façon pas écoutés. Non, il fallait plutôt instruire, montrer ce qui n’avait pas été vu, pas été compris, ouvrir les esprits vers une autre vision de la chose. Instruire donc. Ce qui signifiait s’instruire soi-même d’abord, s’informer. C’était là la première étape.

Ils en étaient là et avaient bien avancé. S’instruire sur le peuple Gräarh, sur ces êtres que beaucoup avaient considérés, et considéraient encore, comme de simples animaux qu’on pouvait utiliser.

Quoique, sur ce sujet de considérer les gräarhs comme des animaux, Ilhan devait avouer être circonspect. Quand on parlait esclavage, généralement on parlait clairement d’assujettissement d’un être pensant, bien que considéré inférieur, le précepte d'infériorité étant le fondement qui voulait justifier l'esclavagisme. On ne parlait pas d’esclavage pour de simples animaux : on possédait des animaux, on utilisait des animaux, mais on ne disait pas esclavagiser des animaux. L’esclavage avait été surtout soumis aux humains par les vampires ou aux humains par d’autres humains… Pas aux animaux. Selon Ilhan, le prétexte selon lequel les Gräarh pouvaient être esclavagisés car ils n’étaient que de simples animaux était hypocrite et fallacieux. Bien entendu, il serait préjudiciable de le présenter de but en blanc ainsi.

Ils avaient donc oeuvré avec Sighild pour mieux connaître les gräarhs, leur peuple et leurs mœurs. Prouver déjà qu’il ne s’agissait pas que de vulgaires animaux, mais qu'il s'agissait en fait d'êtres sensibles dotés de pensées et de sentiments, de ressentis, et d’âmes.

Quoique, là aussi, Ilhan aurait tendance à dire que les animaux pouvaient se définir ainsi et qu’au fond ils étaient tous des animaux, plus ou moins développés. Mais là encore, il tairait cette pensée malvenue. Pour le moment du moins.

S’instruire donc. Ils en étaient là et avaient pas mal d’éléments en leur possession, qu’il leur fallait maintenant regrouper, organiser, pour pouvoir ensuite les présenter à toute la communauté. Pour pouvoir instruire les autres aussi.

Viendraient ensuite les autres étapes que toute abolition nécessitait. Voir la situation du côté du peuple opprimé et esclavagisé était une chose, mais il leur fallait aussi comprendre la vision de l’autre côté, des esclavagistes eux-mêmes. Ce ne serait qu’en les comprenant qu’ils pourraient au mieux les convaincre du bien-fondé de cette décision, au pire trouver une compensation digne de ce nom qui leur ferait accepter le projet sans trop de remous. Puis il leur faudrait ensuite voir les possesseurs d’esclaves et faire de même : les convaincre ou leur offrir une compensation pour l’esclave qu’on allait leur ôter et leur interdire. C’était là deux grands pans, qui allaient leur nécessiter du temps, mais surtout de l’aide.

Ce ne serait que quand tout cela serait prêt qu’il pourrait lancer l’abolition en tant que telle. Quand une bonne partie aura adhéré à ce plan fou et soutiendra l’Intendante dans sa folie ambitieuse.

Ilhan relisait tous les points qu’il avait notés, et attendait Sighild qu’il avait conviée à le rejoindre chez lui pour faire le point sur leur avancée. Il aurait pu l’inviter à le rejoindre dans son bureau à la citadelle, mais il devait avouer qu’avec les frimas de l’hiver et l’inconfort de ces hautes marches à monter pour atteindre son bureau… Puis tous ses parchemins sur le sujet étaient ici, sécurisés, cryptés, codés. Il n’avait aucune envie de se trimbaler tous ces rouleaux jusque là-haut. Ils pourraient ainsi déguster une petite collation pendant qu’ils parlaient. Sighild ne serait d’ailleurs pas dépaysée, tous les meubles étaient délimariens, à la taille délimarienne… fou qu’il était.

Ah, parlant du loup, était-ce bien le carillon de l'entrée qui sonnait au vent ?

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Sighild se retrouvait devant la demeure d'Ilhan Avente. Elle était toujours impressionné par la taille de la demeure. Même passé quelques mois à vivre à Délimar ne lui avait pas habitué à voir des habitats aussi conséquentes, même si celle ci demeurait plus simple que les établissements officielles, nécessaires au fonctionnement de la cité. Glacernoise d'origine, même si ce n'était que la moitié de son sang, elle avait toujours vécu dans la simplicité et la rusticité, même après la disparition de Glacern lors de l'apparition du Tyran Blanc. Oh, elle s'était bien ''civilisée'' depuis, mais vivre dans une cité était quelque chose de.... différent. Mais elle savait faire preuve d'adaptation étonnante et prenait sur elle, quand elle avait des objectifs précis en tête. Outre de retrouver une nation nordique, même si cela appelait à vivre avec la mer et non la montagne, elle avait accepté d'aider Trygild à tout faire pour abolir l'esclavagisme des Graah au sein de Délimar. Ce n'était pas une tâche aisé, même si Trygild l'avait adjointe à Ilhan Avente. car dans un tel projet, on ne pouvait pas faire supprimer du jour au lendemain quelque chose qui était monnaie courante au sein de la cité, sans expliquer les raisons et ne pas anticiper les conséquences.

Bon nombre de Délimariens profitaient de l'esclavage...Un esclave coûtait moins cher qu'un employé qu'il fallait payer avec un salaire attrayant pour le garder. Un esclave pouvait être casé dans une écurie ou dans une remise comme seul logement et avoir que peu à manger, ou juste en suffisante, sans que la qualité y soit. Un esclave ne protestait jamais ou peu contre les ordres qu'on donnait et son maître pouvait toujours le battre pour répondre à son insolence. Un employé un peu moins, plus couvert par les lois de la cité.

Pour mener à bien ce projet, Sighild avait commencé déjà par se renseigner sur comment les Marchands d'esclave se pourvoyaient. Les rapts étaient devenus plus difficiles dans les contrées occupés par les Gräah étaient une marchandise qu'on pouvait se passer de main à la main, comme une denrée basique. Les pirates devaient aidé à entretenir un peu le commerce. Plusieurs fois, Sighild avait tenté de convaincre, de manière douce, que ce n'était pas une pratique acceptable... mais convaincre des gens qui se fichaient de ce qu'étaient les Graah, hormis des animaux qui causaient.... Et pour faire un pas de plus, pour avoir une meilleure connaissance des bas fonds du commerce d'esclaves, la jeune archère n'avait pas eu d'autres choix que de faire ''l'acquisition'' d'un gräah. Cela ne lui avait guère plus, car autant elle avait l'impression de participer à cet immonde marché qu'elle devait faire le choix d'un seul qui retrouvait la liberté.

Son choix s'était porté sur un gräah qi avait du bien entamé sa seconde moitié de vie, et qu'on disait récalcitrant, juste bon à terminer aux rames d'un navire du genre galère ou encore dans un arène de combat privé. Donc, en somme, qui ne coûtait plus grand chose. Sighild réussit à l'avoir et le fit mener à sa demeure du moment, prenant le temps de regarder le Gräah, qui forcément, ne lui lâchait que des regards de haine. Elle ne pouvait que le comprendre. Et la première chose qu'elle fit, malgré le risque cela impliquait, était de lui retirer ses chaînes et de reculer, prenant une position relativement neutre et ne lui offrant qu'un regard serein. Elle avait appris que l'attitude, la posture, le regard jouait beaucoup chez les gräah. Et à partir de là, elle avait commencé à tisser, un peu à chaque fois, une conversation avec le Gräah, qui restait prudent et méfiant à son égard. Car hormis lui donner à manger sainement et l'inviter à découvrir l'intérieur de la demeure, il se demandait ce qui l'attendait. A voir son attitude, Sighild avait compris qu'il avait déjà du connaître la traîtrise. Et pourtant, une relation de confiance s'établit, lentement mais sûrement.

La jeune femme n'apprit guère de chose de la part de son compagnon, hormis qu'il s'appelait Quet'xo. Peut-être qu'il était trop tôt pour établir quelque chose de plus ''amicale'' et réussir à se confier sur qui il était et d'où il venait. et avec lui, elle avait l'intention de tenter l'impossible, à savoir une mission bien particulière.

C'était pour cela qu'aujourd'hui, elle se présentait chez Ilhan, pour lui faire par de cette mission. Bon bien entendu, elle avait déjà envoyé Quet'xo l'accomplir. Enfin... s'il revenait, car un Gräah libéré de ces chaînes, pourrait ne pas revenir. Pourtant, elle avait expliqué à Quet'xo pourquoi elle l'avait libéré et les raisons précises de ce choix. Maintenant, il fallait espérer son retour.

Elle ouvrit la porte, qui fit tinter le carillon cristallin de l'entrée.

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Ilhan ne se leva pas pour autant au son du carillon. Pas de suite. Il prit le temps de reposer son parchemin et de le ranger précieusement dans son porte-documents sur le bord du bureau. Il redressa  légèrement sa plume et son encrier, et tendit l’oreille. Il entendit des bruits de petits pas souples et discrets s’approcher. Dihya venait sans doute à la rencontre de leur invitée. Comme toujours, la jeune femme, maitresse de la maisonnée en l’absence d’une Dame Avente, remplissait son rôle à merveille. Un rôle que jamais Ilhan ne lui avait imposé, mais que Dihya avait endossé d’elle-même. Et qu’il lui avait laissé prendre en main, sans protester. Elle avait su mettre une touche féminine dans son monde d’homme, et il ne pouvait que l’en remercier.

Que le soleil illumine votre journée, digne invitée, entendit-il Dihya saluer Sighild, dans un nordien chantant.

Ilhan ricana intérieurement à cette entrée en matière. La nordienne devait se demander dans quelle maison elle était entrée. Mais c’était là un salut typique d’Althaïa.


Maitre Avente nous avait prévenu de votre arrivée. Dihya est mon nom. Nous vous prions d’entrer. Si vous voulez vous mettre à votre aise, vous pouvez donner à Dihya les affaires qui vous embarrassent. Des chausses d’intérieur sont aussi à disposition si vous le désirez.

Ilhan sourit de nouveau pour lui-même. En effet, dans sa maison, les habitants délaissaient leurs chaussures à l’entrée et revêtait des chausses d’intérieur. Ou marchait pieds nus, comme son chévrier Elyas, ou parfois lui-même. Mais les invités étaient libres de garder leurs chaussures bien évidemment, il aurait été inconvenant de le leur imposer. Il espérait que ces manières, bien étranges pour les délimariens, n’allaient pas faire fuir l’Epervier. Sacrée Dihya.

Elle était la fille d’un ancien paysan travaillant sur les terres Avente. Une charmante et belle fillette alors, quand son père était décédé. A sa mort, l’homme avait demandé à Ilhan, dernier héritier des Avente, de prendre soin de ce qu’il avait de plus cher au monde : sa fille. Et ses chèvres. C’était ainsi qu’il avait hérité des deux, et avait pris soin de cet étrange héritage. Il n’avait toutefois jamais considéré Dihya comme sa propre fille, même si la gamine avait été encore jeune à l’époque. Elle avait plutôt été comme une filleule. Il l’avait confié à un vieux couple en Althaïa, ne pouvant prendre le risque de la garder auprès de lui alors. Il ne lui avait, à cette époque, jamais vraiment offert d’affection, jamais directe, d’autant plus qu’il n’était pas des plus doués pour ces affects là. Et puis il ne voulait pas se lier. Pas d’attache, pas d’emprise. Mais il lui avait offert une totale protection, une stabilité et une bonne éducation. Elle ne portait pas son nom, elle avait gardé celui de son père, et dès qu’elle avait été en âge, et que la situation s’était apaisée à la mort du Tyran Blanc, elle avait décidé de le rejoindre et de venir travailler pour lui.


Qu’elle avait grandi. Elle était si petite quand il en avait eu la charge. C’était il y a si longtemps..

Pas si longtemps que cela, dut-il avouer. Cela ne faisait que… six ans ? Tout au plus ? Dihya avait maintenant dix-sept années, réalisa-t-il abruptement. Peut-être était-il temps de lui trouver un époux ? Si elle le désirait, bien évidemment. Il n’y avait jamais songé… et ce serait difficile de lui permettre quelque rencontre possible à Délimar. Voilà un autre point de réflexion qu’il pouvait inscrire sur sa longue liste.

Dihya est à votre service le temps de votre séjour ici, continuait la jeune femme à l’adresse de Sighild, et si vous voulez bien la suivre, va vous guider jusqu’à Maitre Avente.

Mais il avait plus important pour le moment, se morigéna Ilhan. Dont son invitée que Dihya avait fait entrer dans la pièce de son bureau. Une pièce spacieuse, tapissée de plusieurs tapis moelleux, de coussins dans un recoin où trainaient encore dans un porte-cendres les traces des derniers encens, de nombreuses étagères à parchemins et livres recouvrant deux pans de murs, une cheminée… et une énorme baie vitrée, grande ouverte alors, donnant sur une petite cour intérieure paisible où chantaient des oiseaux et où murmurait un cours d’eau miniature qui frétillait entre les herbes et les pierres.

Son bureau se situait à l’une des extrémités, une étagère dans le dos, la baie vitrée et la porte dans son champ de vision. Il s’agissait d’un meuble de grande taille, origine délimarienne oblige, assez sobre, et pourtant au bois travaillé. Il était chargé de nombreux documents, de son nécessaire d’écriture le plus précieux, dernier héritage de ses parents décédés, de diverses encres et plumes, et pourtant y régnait un ordre impeccable.  

Ilhan, votre invitée Sighild Ambjorn, est arrivée, annonça Dihya.

Ilhan se retint de lever les yeux au ciel face à cette évidence. Mais c’était là aussi une coutume althaïenne que d’annoncer à son seigneur les invités, même quand il les voyait lui-même. Il lui offrit un doux sourire. Un sourire qu’il peina à ne pas tourner en ricanement face au mille questions qu’il imaginait dans la tête de la nordienne. On servait devant elle du "Maitre Avente" et devant lui du simple "Ilhan". Voilà qui devait déconcerter. Mais, même s’il devançait certaines questions, il ne lui offrit pas le luxe d’y répondre par anticipation. Surtout qu’elle en avait peut-être bien d’autres.

Il se leva, et s’approcha d’un pas souple vers les deux jeunes femmes.

Merci Dihya. Heureux de vous recevoir dans mon humble maisonnée, chère Sighild, fit-il d’une voix grave et posée.

Il appuya ses mots d’une main sur le coeur en inclinant légèrement le haut du torse et la tête. Puis, se retourna vers sa régente de maison.

Dihya, pourriez-vous, s’il vous plait, nous apporter une petite collation ? Je ne sais si du thé vous conviendrait Sighild, si vous préférez quelque chose de plus fort, nous aurions peut-être de l’hydromel. Ou du vin doux ou épicé, au choix.

Se disant, Ilhan fit signe à Dihya de leur apporter tout cela et invita d’un geste Sighild à entrer et à s’installer sur un siège face à son bureau.

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Sighild n'était pas surprise de voir une autre personne l'accueillir, comme il se devait. Après tout, une personne qui occupait de haute fonction ne pouvait que s'entourer de gens pour être à son service et le soulager dans des menues tâches qui empiéteraient inutilement sur son travail principal. Il y avait bien longtemps que l'archère avait compris que cela était un point assez important pour des non-nordiens. Donc de voir une jeune femme encore inconnue pour elle, qui en plus, usaient des mots d'accueil typique glacernois fut plus un plaisir qu'une surprise. Même si la civilisation des autres peuples avaient fini par s'intégrer au sien, on ne perdait pas les éléments importants pour garder son identité, même les plus anodins.

"Et que le Soleil vous éclaire pour toute votre existence''

Elle pénétra donc, et à l'invitation de la personne présente, dans la demeure de la personne qui l'attendait, à savoir Ihlan. Celui-ci devait sans doute avoir affaire avec de la paperasse. Ce n'était pas un soucis, Sighild saura attendre. Elle affichait un sourire à l'égard de la personne qui venait de l'accueillir.

''Enchanté Diya, je me nomme Sighild. Et vous pourrez me nommer ainsi, sans soucis. Quand à mes affaires, j'ai veillé à... les laisser avant de venir, pour ne pas vous encombrer''

D'ordinaire, elle portait toujours sa dague, au minimum. Mais dans la maison d'Ihlan, autant faire un effort et venir non armée. Elle avait revêtu son armure d'archère, qui était parfaitement nettoyé pour le coup. Puis, elle lorgna les chausses d'intérieur. C'était là encore une coutume des non-glacernois. Décidément, elle ne saurait jamais se faire à certains us. Mais bon, on devait toujours faire un effort. Et puis, cela était ainsi désormais, dans sa nouvelle patrie. Et comme ce n'était pas la première fois qu'elle s'adaptait à des changements... Donc, toujours avec le sourire, elle ôta ses bottes, pour mettre ses pieds dans ses chausses. Elle manqua d'être surprise par leur douceur, se demandant en premier lieu comment ses pieds n'allaient pas glisser dedans.

Une fois qu'elle fut rassurée de son équilibre, contente de sentir qu'elle s'était un peu inquiétée pour rien, elle suivit donc Diya, qui avait cette étrange tendance à parler à la troisième personne... Outre de se retrouver, encore, au sein d'une demeure conséquente, entendre parler une personne comme Diya était un peu étrange. Bon, allez, elle avait vu tellement de choses que ce n'était pas cela qui allait la choquer et encore moins la mettre mal à l'aise .

''Très bien, je vous suis et je vous remercie d'avance. ''

Elle espérait ne pas mettre mal à l'aise Diya. Ce serait assez loufoque dans un sens. Puis elles arrivèrent au bureau d'Ihlan. La jeune Nordienne observait les lieux. A ce qu'on disait, c'était à la propreté et au rangement qu'on reconnaissait la grandeur et les compétences de son hôte. Là, en plus de la beauté des lieux et du bureau, il était clair qu'Ihlan n'était pas n'importe qui. Puis, celui-ci quitta son bureau pour se rapprocher de son invitée. Il la salua à la manière nordienne, à la perfection. En même temps, il avait Tryghild, qui ne pouvait lui être qu'une excellente professeur. Sighild le salua à son tour, s'inclinant, le poing sur le coeur.

''Un thé, ce sera très bien''

Sa venue aborderait un sujet bien trop sérieux pour commencer à tourner avec du vin ou de l'hydromel. Ce fut dommage pour elle, elle s'en désolait pour elle-même, mais à son sens, chaque breuvage devait trouver sa place dans une situation qui s'y prêter. Puis, à l'invitation de son hôte, elle prit place sur un siège situé en face du bureau d'Ihlan.

''Bien.... par où pourrais-je commencer..."

D'ordinaire, quand elle faisait des rapports, c'étaient à des commanditaires de rang moindre ou encore à d'autres gens de sa classe sociale, mais là, elle était désormais dans de plus hautes sphères. Bon, elle l'avait voulu aussi.

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Ilhan s’installa à son tour. Non pas à son siège habituel, ce qui aurait donné à cette entrevue un caractère bien trop solennel. Un caractère de subordonné à subordonnant, ce qu’il ne souhaitait pas, d’autant plus que dans cette affaire l’assistant c’était lui. Il ne faisait que soutenir, aider et conseiller Sighild. Non, à la place, il s’installa sur le siège juste à côté de celui où avait pris place Sighild, se plaçant tous deux en situation égalitaire. En situation de collaboration.

''Bien.... par où pourrais-je commencer..."

Ilhan lui sourit et lui offrit un rictus des plus taquins alors qu’il rétorqua, une note clairement amusée dans la voix :

En général, on commence par le début. Même si j’avoue aimer les histoires qui vous relatent la fin… pour mieux vous surprendre ensuite. Mais je m’égare, ajouta-t-il, tout en balayant l’air de la main.

Il se mordit la langue pour ne pas continuer sur sa lancée taquine. Il risquait de faire fuir la nordienne. Les délimariens n’étaient pas toujours portés sur l’humour acide et cynique, les jeux de mots insidieux ou les blagues à double ton, ils préféraient souvent les traits d’humour francs et directs. Pas qu’il n’en soit pas capable, mais les jeux de mots à double tranchant si coutumiers de la Cour lui manquaient parfois. C'était bien une des rares choses qui lui manquaient de là-bas, cela dit.


Il chassa bien vite ses pensées tortueuses, quand ses serviteurs revinrent, en un véritable cortège. À cette vue, Ilhan haussa un sourcil quand il aperçut Dihya portant un plateau de thé, accompagnée du vieux Shan portant un plateau de gâteaux et confiseries, ainsi que… Vladimir, fidèle serval qui avait apparemment décidé de venir vérifier si l’étrangère s’avérait dangereuse. L’homme sombre au regard clair, de haute stature musculeuse, portait en lui la méfiance et la vigilance constante. Son regard de glace qui rivait Sighild, ses longs cheveux parsemés de quelques nattes et ses épais sourcils froncés lui donnaient un air de féroce guerrier plus que menaçant.

La réputation de Sighild la précédait et les instincts protecteurs de son garde de l’ombre, araignée toujours à l’affût de la sécurité du Tisseur, étaient en éveil. Ilhan se racla légèrement la gorge, et fusilla Vladimir du regard. Celui-ci ne s’en émut pas pour autant et se contenta de rapprocher une petite table sur laquelle Dihya et Shan posèrent leur plateau.

Ilhan se contenta alors de soupirer et d’offrir un léger rictus contrit à Sighild. Comment mettre mal à l’aise un délimarien avec tous ces serviteurs pour se plier en quatre pour lui. Et pour le surveiller aussi. Mais il lui était difficile également de rejeter cet office. Sa maisonnée avait peu de visiteurs et pour eux c’était LEUR moment. Et le serval ne serait apaisé qu'une fois sûr de sa sécurité.





Dihya espère que du thé à la menthe conviendra à notre noble invitée, fit la jeune femme d’une voix douce.

Ilhan en huma le doux parfum alors que la régente de maison faisait elle-même le service du thé. Il adorait cet arôme qui enivrait vos sens, et devinait les feuilles de menthe écrasées sous une bonne quantité de sucre dans une eau infusée de thé vert. Il en aurait presque fermé les yeux si la décence le lui avait permis. Quand il goûtait ce thé, il avait l’impression de retrouver un peu d’Althaïa.

Dihya montra ensuite d’un geste gracieux le sucre, le miel et un vieil alcool sucré, à la nordienne, si elle souhaitait les y ajouter. Puis, se tournant vers Ilhan, elle attrapa une petite assiette, et y déposa un spécimen de chaque gâterie qui leur était proposée : divers fruits secs, gâteaux althaïens typiques, dont certains particulièrement sucrés, d’autres dans une pâte aromatisée à l’amande en forme de lune, et des confiseries variées, dont certaines mentholées ou chocolatées. D’un geste assuré, elle coupa un morceau de chaque mets qu’elle avait déposé et les goûta sans hésitation. Puis déposa l’assiette devant Ilhan d’un geste doux. Ilhan la remercia en silence d’un sourire presque paternel.

Il se sentait légèrement confus de ce spectacle et surtout des questions qui devaient tourner dans la tête de l’Épervier face à ce rituel de goûteur. La paranoïa d’Ilhan était telle qu’il peinait à consommer quelques mets que ce soit que l’autre en sa présence n’ait pas mangé aussi. Même dans sa propre maisonnée. Il tentait de se défaire de cette manie, mais on ne perdait pas toutes les mauvaises habitudes en un jour. Ni même une année. La méfiance constante des fourberies de la Cour Glorienne, où poisons et assassinats en tout genre rôdaient, lui collait encore à la peau. Et il savait qu’il aurait bien du mal à s’en dépêtrer, sachant combien ces manies lui avaient déjà sauvé la vie.

Je suis désolé, offrit-il en un soupir, alors que le trio sortait enfin. Mais je vous en prie, servez-vous, faites-vous plaisir. Et reprenons. Vous disiez…


Mais il ne put finir qu’on toqua de nouveau à la porte. Une onde de colère grimpa en flèche le long de son échine et un éclat vif fusa dans ses yeux sombres. Il fusilla du regard l’inopportun qui entra et dut faire appel à toute sa maitrise pour ne pas laisser son agacement éclater. Son dauphin palpitait de tout son pouvoir pour lui permettre de garder un semblant de calme.

Pardonnez-nous de vous déranger, Ilhan, fit un jeune homme un peu plus typé que lui, dans la vingtaine.

Les cheveux longs ondulés du jeune homme lui tombaient sur ses épaules nus, en une tignasse presque sauvage. Son torse nu révélait une ancienne marque d’esclave, d’un ancien temps où il avait été prisonnier des vampires.

Elyas, répondit Ilhan dans un grondement grave qui ne présageait rien de bon si l’homme n’avait pas une bonne raison.

Vous m’aviez demandé de vous annoncer quand les chevreaux seront nés. Ils sont deux, et en pleine santé.

Se disant, ledit Elyas coula un regard curieux vers la nordienne.

Ilhan soupira à ce faux prétexte pour aller voir lui aussi leur invitée. Il inspira profondément et finalement répondit.


Merci, Elyas. J’irais les voir dès que possible. Maintenant que vous avez tous pu observer notre invitée et que vous avez pu vérifier que tout était en ordre et sans risque, allez donc tous vaquer à vos propres occupations. Et ne me dérangez plus, claqua-t-il d’une voix calme et posée, mais intransigeante.

Elyas ne s’en formalisa pas pour autant et lui sourit avant de refermer la porte sans un mot.

Ilhan se pinça légèrement l’arrête du nez et ferma les yeux un court instant. Puis après une autre inspiration, il les rouvrit et fixa ses orbes noirs sur Sighild.

Je vous prie de bien vouloir nous excuser, offrit-il en un sourire, mais vous êtes une sommité, une légende vivante pour eux. La flèche nordienne qui a osé… Je suis profondément désolé de leur curiosité outrageuse. Et de leur instinct excessivement protecteur. Ils ont appris par le passé à rester sans cesse sur le qui-vive, et… ne se départiront pas de cette habitude de sitôt, j’en ai peur.

Puis il claqua des mains dans un geste enjoué.

Mais allez, servez-vous. Les confiseries sont excellentes. Et reprenons… par le début donc. Quand nous nous sommes quittés, vous deviez acquérir un graärh pour apprendre de lui leur culture et pour… une mission. Où en êtes-vous de ce côté-là ? Qu’avez-vous appris de lui ?

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La jeune archère n'avait pas manqué d'avoir un léger rictus amusé. Elle s'était tendu le bâton pour recevoir la petite boutade, mais elle le prenait bien. Au moins, en s'affichant ainsi, elle montrait à son hôte qu'elle ne le prenait pas mal. Il en faudrait plus que cela pour la vexer. Certes, elle était une Glacernoise, mais elle avait appris à mettre un peu d'eau dans son hydromel vis à vis des gens non issus de son peuple. Puis ce fut un véritable cortège qui arriva au sein du bureau, ce qui ne manqua pas de surprendre Sighild. Ilhan n'avait-il pas cherché à rester simple ? Mais à voir l'air de celui-ci, ce n'était pas du tout prévu. A croire que ses serviteurs faisaient du zèle. A se demander pourquoi. Redoutaient-ils que l'invitée, redoutable guerrière qu'elle était, ne profite du tête à tête pour le prendre en otage, le voler, voir pire ?

Elle le crut un instant, quand elle croisa le regard dur et vigilant d'un homme à la puissante carrure, qui le faisait plus combattant que serviteur. Sans doute son garde du corps qui se faisait passer pour un membre du personnel. Et face à cette observation prudente et méfiante, Sighild gardait ses yeux émeraude dans les siens, le sondant à son tour. Elle était peut être plus jeune que lui, mais elle était aussi une guerrière, femme certes, mais une guerrière. Les femmes et les hommes du peuple glacernois étaient tous égaux. Ainsi, elle dévoilait qu'elle n'était pas impressionnée par le regard qu'elle recevait de la part de Vladimir. Et son attitude totalement sereine ne pouvait que lui démontrer qu'elle n'avait rien à se reprocher, qu'aucune mauvaise intention n'était en attente d'être exécutée. En somme, elle faisait preuve d'un excellent sang-froid, démontrant qu'elle était son égale, si jamais il cherchait à passer une autre étape d'investigations. Les bons guerriers savaient se reconnaître rien que par la subtilité du langage corporel.

Les fats ne durèrent pas de toute façon, et sans doute pour le plus grand soulagement d'Ilhan, qui avait eu malgré tout, un sourire contrit. Non, clairement, il n'avait pas du tout prévu cela. Puis, Dihya brisa cette petite ''tension'' avec sa douce voix, proposant le thé. Sighild sourit. Elle adorait la menthe, idéale à la base pour adoucir l'haleine, mais pour ses vertus apaisantes tant que médicinales. Une boisson qui était donc simple et tellement importante dans certaines situations. Elle remercia avec un large sourire la servante, qui montrait les éléments possibles à rajouter dans le thé.

''Ce sera parfait, merci beaucoup ''

Par contre, ce qu'elle vit par la suite ne manqua pas de la surprendre. En voyant Dihya goûter un petit morceau à chacune des délicates pâtisseries. Elle avait eu connaissance de ce genre de rituel, pour s'assurer qu'il n'y avait pas une tentative d'empoisonnement. Mais comme elle n'avait jamais vraiment été confrontée à des intrigues ou des complots entre nobles et courtois, elle n'avait jamais cru voir cela de ses yeux... et de sa vie. Et savoir que ce qu'elle pourrait manger, ou boire, pourrait la tuer lentement et sûrement, sans qu'elle sache qui avait décidé de faire cesser sa vie la mettait un peu mal à l'aise. Chez les gens qui occupaient les cercles du pouvoir, il ne fallait pas grand chose pour décider d'éliminer quelqu'un de la sorte. Surtout quand on pouvait apprendre que la jeune archère avait décidé de prêter main forte à Trygild, pour faire cesser l'esclavage des Gräah et de leur rendre leur liberté.

Puis, quand enfin, ils purent reprendre la conversation, pendant que Sighild lorgnait de manière incertaine les pâtisseries, la porte s'ouvrit à nouveau. Là, le visage d'Ihlan se serra d'agacement. Sighild essaya de pas s'intéresser à ce qui se tramait en buvant doucement une gorgée de thé. Mais l'ordre bien clair de son hôte n'échappa pas à ses oreilles. Et quand celui-ci reprit un peu contenance, il s'excusa du comportement de ses gens. Elle réussit à ne pas rougir quand à la révélation que la réputation qui la suivait avait pu provoquer un tel bouleversement dans les habitudes des serviteurs.

''Ne vous excusez pas, la curiosité est quelque chose de naturelle dans un certain sens. Et puis, là, via votre autorité, ils ne viendront plus. Alors oui, pour ce Gräah...''

Elle expliqua comment elle en avait fait l'acquisition et comment son affranchissement s'était passée. Et pour la mission confiée, elle narra donc :

"J'ai envoyé Quet'xo rejoindre les terres de son clan, pour voir si ces derniers seraient réceptifs au fait que les Gräah esclaves seraient un jour libérés, vu qu'il est lui-même une preuve. Et s'il décide de revenir, car y a toujours ce petit risque, alors ce sera déjà un pas positif vers de bonnes relations avec les Gräah. Si son clan nous laisse une chance, à nous les Délimariens, de procéder sur l'abolition de l'esclavagisme, ce sera quelque chose. Mais pour cela, il faut que Quet'xo arrive à leur faire comprendre comme nous fonctionnons, notre mode de vie, nos sociétés et de pourquoi nous avons des cités indépendances, des royaumes.... J'ai passé beaucoup de temps à lui expliquer des concepts qui ne sont pas naturelles pour les Gräah, qui, bien qu'ils soient primitifs, ont une façon de vivre qui est assez parallèle à ce que celles de mon peuple avant que Glacern ne disparaisse. L'honneur, la cohésion au sein de la communauté, le rôle de chacun... Bien entendu, il y a des choses qu'ils nous faut apprendre d'eux. Ce ne sont pas des hommes, ce sont des individus félins, qui communiquent en paroles, mais beaucoup en langage corporelle.....Quand à ce Quet'xo, il n'a pas fait grand étalage de sa vie d'avant. C'était un guerrier et de forte tête, c'est tout ce que je sais. Peut être que s'il revient, il sera plus ouvert pour parler de lui....''

En somme, Sighild misait sur le Gräah pour faire avancer les choses. C'était risqué, mais bon, la vie était faite de risques.


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" Et puis, là, via votre autorité, ils ne viendront plus. "

C’était lui prêter là beaucoup de pouvoir… Surtout en sa maison, où parfois il avait la sensation de ne pas en être vraiment le maître. Pas que cela le dérangeât grandement, tant que sa maisonnée restait digne et noble. Sauf quand cela mettait mal à l’aise ses invités et l’empêchait de travailler.
Mais Ilhan garda pour lui ses pensées et se contenta de sourire en réponse.

" Alors oui, pour ce Gräarh...''

Il écouta avec attention le compte-rendu détaillé que l’Épervier lui offrit. Envoyer le Graärh renouer avec les siens, si tant est que les siens l’accueillent de nouveau en leur sein, ce qui n’était pas garanti compte tenu que se faire esclavagiser pouvait être considéré comme un déshonneur et une faiblesse dégradante, était une idée intéressante. Si tant est que ledit Graärh se montre un réel ambassadeur en faveur de Tryghild, ce qui encore une fois n’était pas garanti, et qu’il présente leur société dans toutes ses nuances, ce dont il doutait. Mais au moins, il pouvait parier sur l’honneur des Graärhs pour apporter le message en son entier. Et leurs mots évoquant une volonté de paix et d’abolition d’esclavage pourraient être, peut-être, entendus. À défaut d’être écoutés.

Quant à les considérer comme des individus félins, géants, primitifs, dotés de paroles… Selon lui, il ne fallait pas voir ni même présenter les graärhs de cette façon. Pour lui, il s’agissait d’individus dotés de conscience et de pensée, d’un système sociétal certes basé sur des règles simples, mais tout de même doté de codes bien définis. Il s’agissait donc d'une race à part entière au même titre que les elfes, les vampires et les humains. Pas d’animaux. Ni même d’êtres primitifs, même si certains aspects pouvaient montrer un manque de polissage ou de raffinement. Ils n’avaient juste pas évolués de la même façon qu’eux. Glacern, il fut un temps, avait longtemps pâti de cette même réputation de primitifs mal dégrossis, tout juste capables de lire et écrire. Il serait déplorable de renouveler la même erreur. Et plus encore que cette erreur vienne de Délimar elle-même.

Il se garda bien toutefois d’intervenir et de couper le compte-rendu par ailleurs fort intéressant.

" Quant à ce Quet'xo, il n'a pas fait grand étalage de sa vie d'avant. C'était un guerrier et de forte tête, c'est tout ce que je sais. Peut-être que s'il revient, il sera plus ouvert pour parler de lui....''

Ilhan hocha la tête tout en finissant de noter un point sur un parchemin.

Oui, peut-être. S’il revient en effet.

Il laissa un instant planer ces mots, songeur, son regard au loin, ses pensées voguant sur tous les possibles de ce fil de l’avenir. L’envie de lancer sa pythie le rongeait, mais il savait qu’elle ne pourrait l’aiguiller sur un fil aussi long, sur un avenir aussi incertain et si lointain. Elle n’était faite que pour les possibles immédiats, les probabilités les plus fortes. Refoulant son envie de toujours en savoir plus sur l’avenir, qui l’avait tant titillé tout au long de la conception de la pythie, et qu’il avait dû tant réfréner pour ne pas enfreindre une des lois fondamentales de la vie, il força ses orbes sombres à se poser de nouveau sur Sighild et revint instantanément au présent.

J’ai rencontré un graärh moi aussi à Cordont. Il m’a révélé… beaucoup de choses. Son nom est Purnendu Chikitsak. J’ai appris d’ailleurs que ce que nous considérerions comme un nom de famille, Chikitsak, ou qui pourrait être pris aussi comme un nom de tribu, n’est en fait qu’un mot signifiant son rôle. Chikitsak ici par exemple signifie Guérisseur. Un titre en quelque sorte, un nom évoquant la place, dans leur tribu ou dans la société, son rôle, son activité. Ou son exclusion. Il serait intéressant de parvenir à consigner tous les noms de ce genre chez les Graärhs, cela nous permettrait, quand nous en rencontrons un, de mieux comprendre à qui nous parlons, et comment il est considéré auprès des siens.

Ilhan tendit ensuite à Sighild un parchemin noirci de sa fine et élégante écriture.

Voici mon compte-rendu détaillé de cette entrevue, même si je me suis permis de tronquer quelques parties qui ne devaient être révélées qu’à Tryghild. Comme vous pourrez le voir, elle a été enrichissante. Inutile de préciser qu’elle revêt un caractère hautement confidentiel, et que seule notre Intendante en a eu le double, complet pour sa part.

Ce disant, il darda un long regard à l’Epervier, appuyant ses mots et surtout la sentence qu’ils pouvaient porter derrière. Il ne voulait pas trahir la confiance de Purnendu. C’était là bien trop précieux.

Vous pourrez le lire à tête reposée. Pour résumer, il a évoqué les différents rôles qui existent, peut-être pas de façon exhaustive, mais les plus importants : les aaleeshaan, les chasseurs ou les pêcheurs, les artisans… Leur notion de famille est très différente de la nôtre. Ils appartiennent à une tribu plus qu’à une lignée. Et ne plus avoir de tribu est un signe d’exclusion souvent, et est une forte déconsidération pour leur société. Ils sont très proches de la nature et des Esprits. Ils utilisent beaucoup la magie des Esprits plutôt que celle de la trame. Leur langage est effectivement très corporel et ils usent peu de mots. Mais quand ils en utilisent, les mots ont alors toute leur importance.

Il renifla légèrement amusé au souvenir du moment où le graärh lui avait donné une dure leçon à ce sujet.

Chaque mot revêt alors une importance cruciale. Tant et si bien que les utiliser à tort et à travers peut être pour eux un signe de faiblesse, de déshonneur, d’irrespect ou de duperie.

Un fin sourire se dessina sur ses lèvres.

On ne peut leur donner tout à fait tort. Par exemple, s’excuser à tout va, surtout pour quelque chose que nous n’avons pas fait, est une erreur possiblement redoutable. Dans le compte-rendu, je détaille un peu cet aspect-là.

Il prit une petite gorgée, invitant d’un geste Sighild à se servir, puis croqua dans une douceur, tout en fermant un court instant des yeux sous le goût chocolaté dont il raffolait tant. Cette nouvelle découverte était pour lui un pur bonheur.

Mangez, je vous en prie, servez-vous. Je vous assure, rien n’est empoisonné, Dihya a goûté pour nous. Oui, donc… Purnendu m’a également donné un nom, une aaleeshaan assez ouverte d’esprit, que Tryghild pourrait contacter. Vous pourrez voir son nom dans le compte-rendu, et quelques informations, bien maigres toutefois, que j’ai pu collecter par ailleurs. Le Chikitsak m’a également révélé une démarche précieuse que pourrait effectuer Tryghild pour gagner le respect des graärhs et se placer au statut d’aaleeshaan même à leurs yeux. J’ai tu cet aspect-là dans le compte-rendu. Seule Tryghild en aura tout le détail, j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur. Elle vous les communiquera si elle le juge nécessaire. Mais ce que m’a confié Purnendu relève apparemment d’une tradition importante chez les graärhs et je ne veux pas trahir sa confiance en révélant ces informations à d’autres personnes que leur destinataire originel.

Il croqua de nouveau dans une douceur et but une autre gorgée de thé, avant de reprendre, tirant un autre parchemin à lui.

J’ai également établi un plan d’attaque pour ce projet, un plan concret à mettre en place en notre cité même, pour préparer une annonce qui promet d’être houleuse. Mais, avant que je ne vous présente ce petit programme et que nous en discutions pour proposer quelque chose de concret à Tryghild, peut-être avez-vous des questions au sujet de ces informations ?

descriptionFolie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild] EmptyRe: Folie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild]

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Il était certain que Sighild prenait certains risques avec  Quet'xo. Après tout, elle l'avait informé de bien des choses sur les humains et bien que les Gräah vivaient de manière un peu rudimentaires, ils étaient de redoutables guerriers. Il sauront user des informations pour faire ressortir de possibles stratégie contre les Hommes qu'ils nommaient les Sans-Poils.  Toute information, même la plus infime, la plus fragmentaire, pouvait avoir son importance un jour ou l'autre. Un grain de sable pouvait bloquer tout un mécanisme. Qui sait donc ce que le Gräah libéré de son esclavagisme pourrait apporter à son peuple pour lutter contre les ''envahisseurs'' si jamais une guerre générale venait à se produire. La jeune femme espérait sincèrement que le féliné reviendrait. Si ce peuple à fourrure avait l'honneur qu'elle leur prêtait, depuis qu'elle avait fait la connaissance de Purendu, alors il reviendrait. Et puisqu'elle songeait à Purendu, le nom de ce Gräah sortit des lèvres de son hôte. Elle en haussa un sourcil. Le hasard apportait des fois, de drôles de coïncidences.  

On voyait clairement qu'elle était surprise, en entendant le nom du Gräah, avec qui elle avait partagé une belle soirée,  tout en partageant le repas et des histoires. En même temps, elle n'avait pas été vraiment dans l'optique de se retrouver dans le cheminement qu'elle commençait à prendre maintenant, à savoir de libérer les Gräah.  Bien des mois s'étaient écoulés  et elle n'était pas envieuse d'Ihlan, quand elle apprit le savoir qu'il avait pu partager avec lui. Le Gräah avait du se montrer plus confiant envers le genre humain pour dévoiler certaines coutume de son peuple. Elle tendit la main pour prendre le parchemin.

''Purnendu Chikitsak dites vous....

Elle prit le parchemin, qu'elle ne déplia pas bien entendu, bien décidément à le lire comme Ihlan le conseillait, à tête reposée. Et puis, c'était pour une question de politesse.

''Il s'avère que j'ai croisé ce Gräah, il y a quoi...trois ou quatre mois. J'ai comme l'impression que ce n'est pas réellement un hasard si nous avons fait tous les deux la connaissance de ce Gräah''

Elle rangea le précieux rapport là où se devait, pour ne pas être froissé et pour le rendre à son légitime propriétaire.

''Je ne suis guère surprise d'entendre ce que vous dites quand aux excuses et à la faiblesse. Il faut savoir assumer ses actes et en plus, ils ont eu à vivre dans un univers hostile, où toute faiblesse n'est pas permise et peut entraîner des conséquences néfastes pour tout un clan. La nature nous apprend souvent cette loi universelle : celle du plus fort. "

Après l'invitation de son hôte à prendre quelque chose à grignoter, Sighild ne marqua pas d'hésitation en prenant, à son tour, une petite douceur. Aux Dieux disparus le risque d'empoisonnement. Elle avait une solide constitution si jamais un poison sournois avait réussi à franchir le palais de la goûteuse. Puis, quand elle eut fini de le déguster, elle reprit la parole.

''Si vous avez estimé qu'il y a certaines informations qui doivent être portées à connaissance de Trygild, alors je n'ai pas à vous interroger à ce sujet. Par contre, peut être que vous pourriez me dire ce qu'il faut éviter absolument de dire ou de faire pour ne pas offenser les Gräah à vie. Il serait navrant que je fasse une erreur par méconnaissance, alors que Trygild aura oeuvré durement pour gagner leur confiance. Quand à de possibles autres interrogations, je présume que vous avez déjà prévu les conséquences de l'annonce fatidique parmi la population de Délimar ? Sinon, je n'ai aucune autre question qui chatouille mon esprit. ''

Là, elle se saisit de sa tasse de thé pour dissimuler son léger sourire. Elle était plus détendue désormais, plus à son aise, dans l'environnement propre à la fonction  d'Ihlan.

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Quand Sighild parla de douter du hasard de leur rencontre avec le même Graärh, Ilhan fronça légèrement les sourcils. Pour lui, cette phrase sonnait comme une suspicion de conspiration, comme un complot monté de toutes pièces pour leur faire rencontrer une personne leur donnant des informations trompeuses ou erronées et les faire tomber dans un piège. Le genre de complot typiquement glorien, ou sélénien. Mais…

Eh bien il s’agissait d’un Graärh. Tout comme parler de complot venant d’un Glacernois serait une aberration portant atteinte à leur honneur, il en était de même pour les Graärh, qui, au final, portaient les mêmes valeurs que les Délimariens. Que les Glacernois du moins. Alors sans doute pouvait-on songer à d’autres personnes derrière qui pourraient manipuler le Graärh… tel le bourgmestre de Caladon. Toutefois, Ilhan le connaissait assez bien pour pouvoir dire que ce n’était pas dans l’intérêt de la Triade d’agir ainsi. Et qui disait aucun intérêt, disait aucune chance qu’il tentât la moindre fourberie de ce genre. Et puis ce n'était pas comme s'il y avait des centaines de Graärh libres en Calastin...

Mais… Sans doute n’était-ce pas cela que voulait insinuer la demie-sang devant lui, n’est-ce pas ? Soudain sceptique, et agacé des difficultés à décrypter parfois ce peuple déroutant, Ilhan soupira en son for intérieur.

Ou le hasard fait parfois bien les choses aussi, susurra-t-il en un demi-sourire.

Et il la laissa continuer, écoutant attentivement.

''Je ne suis guère surprise d'entendre ce que vous dites quand aux excuses et à la faiblesse. Il faut savoir assumer ses actes et en plus, ils ont eu à vivre dans un univers hostile, où toute faiblesse n'est pas permise et peut entraîner des conséquences néfastes pour tout un clan. La nature nous apprend souvent cette loi universelle : celle du plus fort. "

Et grimaça intérieurement. Son masque lisse ne se fissura pas un seul instant, mais ses orbes sombres pétillèrent d’une lueur triste. Cette âpre constatation était fort juste. Fort douloureuse aussi, en touchant son petit ego de plein fouet. Car dans un tel monde, il devait bien se l’avouer, il n’y avait guère de place pour les faibles forces physiques comme lui. Certes, sa force résidait en tout autre chose. Mais inutile de se voiler la face, s’il était laissé seul ne serait-ce qu’une journée dans le monde hostile et sauvage du dehors… autant dire qu’il n’y survivrait pas et périrait au premier danger. Il en avait cruellement conscience. Et tout Délimar aussi.

Il ne broncha pas plus toutefois et attendit qu’elle déguste la douceur qu’elle avait enfin décidé de manger, tout en buvant lui-même quelques gorgées. Et écouta les questions qui suivirent. Il répondit à son sourire, en un sourire plus chaleureux que son rictus de circonstances, content que tous deux parviennent à tisser quelques liens d’une relative confiance. Car c’était ce qu’il entrevoyait dans cet ébauche de sourire qu’elle lui offrait : une confiance se tissait. Et leur collaboration avait tout à y gagner.

Concernant les mœurs Graärh que j’ai pu apprendre, tout est relaté dans le parchemin que je vous ai donné. Les informations réservées à Tryghild sont celles pour nouer contact avec une tribu. Tout ce que vous avez à savoir pour interagir avec les Graärh est là. Sur ce point-là je ne vous ai rien caché. Quant aux prévisions des possibles conséquences…

Son sourire se tordit un court instant en une moue mi-amusée mi-cynique.

J’y ai bien entendu pensé.

Il était payé pour ça, après tout. Pour penser. Sa seule force à lui.

Il s’empara d’un autre parchemin. Cette fois-ci, il ne se contenta pas de lui donner. Il le décacheta, le déplia et en coinça les coins avec diverses pierres prévues à cet effet.

J’ai tenté de consigner tout ce à quoi j’ai pensé ici, et ai dressé une sorte de plan d’attaque. Enfin tout… disons que je l’ai transcrit sous forme résumée, ajouta-t-il dans un rictus amusé.

Parce que s’il devait vraiment noter tout ce à quoi il pensait, il n’aurait jamais fini.

Selon moi, ce projet contient trois grands pans. S’informer et instruire, préparer et compenser les mécontents, instituer la loi et surveiller sa bonne mise en œuvre.

Se disant il montra les trois grands chapitres du parchemin, chacun constitué ensuite de différentes phases et de listes d’actions.

Chacun se forme de plusieurs phases. Pour le premier pan, nous avons déjà en partie avancé. S’informer… Nous avons déjà récolté quelques informations. Nous allons pouvoir passer à ses autres phases : regrouper et organiser les informations puis les présenter au reste de la communauté pour les instruire. Lancer enfin une propagande en faveur des Graärh en les présentant tels qu’ils sont : d’une part des êtres sensibles, pensants et non des animaux barbares, d’autre part, et ce dernier point sera le plus impactant je pense en Délimar, de valeureux soldats, régis par l’honneur. Je pense que la similitude entre nos deux peuples se fera dans chacun des esprits et nous gagnerons pas mal de partisans.

Il appuya ses dires d’un long regard vers Sighild, comme cherchant son approbation sur ce sujet. Après tout, elle appartenait, plus que lui, à ce peuple guerrier de Délimar. D’autres peuples, Gloria ou même Aldaria, pourraient voir là un danger. Libérer un peuple guerrier pouvait effectivement se révéler à double tranchant. Mais il pensait que Délimar y verrait une obligation de considérer ce peuple comme un égal. Et on n'asservissait pas un égal… Déjà qu’ils interdisaient l’asservissement des vampires….

Le deuxième pan, celui de la préparation, sera sans doute plus délicat. Et nous devrions le commencer aussi dès à présent. Il y aura forcément des irréductibles impossibles à convaincre, ou des esclavagistes affirmés. Pour eux, l’abolition sera une interdiction et une perte. Loin de condamner ce point de vue, et ce quelle que soit notre façon de penser sur le sujet, nous devons comprendre cette… vue des choses. Il serait intéressant de trouver une ouverture qui compense cette interdiction. Trouver une compensation digne de ce nom qui leur ferait accepter le projet sans trop de remous.

Il eut grand-peine à retenir une grimace. Il détestait ce pan-là. Ses propres convictions ne voyaient aucun intérêt à de telles compensations. Il préférait se passer de tels personnages plutôt que de les amadouer de quelques manières que ce soit. Mais… le politicien en lui fit taire ses propres convictions. Il savait l’intérêt de tels personnages aussi, il savait qu’une cité en avait, malheureusement, besoin et ne pouvait en tout cas totalement les éliminer.

Il nous faudra nous rapprocher d’eux et voir quel pan de leur commerce leur tient à coeur et que nous voudrions aussi encourager. Nous pourrions ainsi offrir une baisse de taxe favorisant ce commerce et qui atténuera l’abolition de leur commerce d’esclaves. C’est une phase à discuter avec Tryghild, bien entendu. Mais si elle appuie cette idée, nous allons devoir nous y pencher rapidement.

Il posa ensuite son doigts sur les points suivants.

Toujours dans le pan de préparation, nous avons deux autres points, bien moins litigieux. Pour les possesseurs d’esclaves, je pense qu’il serait de bon ton d’aller les voir, une personne assermentée du projet, pour les informer du projet et leur offrir une compensation pour l’esclave que l’on va leur ôter et leur interdire. Le plus simple, même si cela ne compensera pas totalement la " perte ", se disant il mima le geste de guillemets, serait de leur racheter au prix d’achat. Je sais, se posera la question de fonds, mais nous y reviendrons après.

Il prit une petite gorgée de thé, sentant sa gorge s’assécher à force de parler.

Enfin pour les esclaves ainsi affranchis et libérés, nous devons prévoir quoi faire d’eux une fois libérés. Préparer des logements, de la nourriture, des subventions peut-être pour couvrir leurs besoins élémentaires. Préparer de quoi voyager et organiser le voyage sur le lieu qu’ils voudront, ou leur permettre de rester, pour ceux le souhaitant, avec métier à l’appui, et aide à l’insertion. Même si je doute qu’ils choisissent ce dernier point, nous devons y songer. Peut-être d’autres voudront-ils fonder une autre tribu aussi… Nous devrons réfléchir à ce que nous pouvons leur proposer pour… réparer… nos fautes.

Il posa enfin son doigt sur le troisième pan, avec un grand sourire.

Enfin, quand tout ceci sera prêt, nous pourrons passer au troisième pan. L’abolition en temps que telle, votée et instituée. Dès qu’une bonne partie aura adhéré à ce plan fou et soutiendra l’Intendante dans cette belle ambition. Dès que la loi sera votée et mise en place, se lancera le processus de libération des Graärh. Les lois compensatrices, si décidées, devront être votées dans la foulée. Et bien entendu nous devrons ensuite surveiller que la loi soit respectée et prévoir les mesures de répression pour toute infraction anti-graärh.

Il releva un regard assuré sur Sighild, avant de reprendre, d’une voix posée, comme s’il ne venait pas d’exposer tout un plan d’attaque golemiesque.

Qu’en pensez-vous ? Avez-vous des suggestions ?

descriptionFolie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild] EmptyRe: Folie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild]

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Sighild ne pouvait que louer le professionnalisme du conseiller. Au vue de la complexité du projet, il ne pouvait se permettre de le travailler sans base, sans études et sans se poser les bonnes questions pour voir quels points pourraient être à l'avantage ou non de la future abolition. Voyant qu'Ihlan prenait un autre parchemin pour l'étendre sur son bureau, maintenant à ses coins par des pierres, elle posa sa tasse de thé pour tendre son regard avec attention sur les lignes qui couraient sur le papier.

Elle put voir, par le doigt pointé du conseiller, trois grandes parties, elles-mêmes organisés en sous-étapes. Sighild avait déjà vu ce genre d'écrit, qui était un moyen d'organisation, poussant à la complexité, mais tout en gardant ce qu'on voulait autour de l'idée principale qui se retrouvait concernée par ces lignes. D'ailleurs, Ihlan lui expliqua en quoi consistait les trois grandes parties. Sans doute qu'il ne voulait pas la perdre dans des détails techniques propre aux non-glacernois, ou que de résumer était plus adéquate pour continuer la conversation.

Le premier pan était un bon point de départ selon elle. C'était même la meilleure approche. le savoir était une arme forte et de cela, elle était bien placée pour le savoir, quand à une certaine époque, elle avait été un peu les oreilles de Crissolorio... Elle acquiesça en hochant de la tête, pour apporter l'approbation attendue silencieuse par le regard que venait de lui lancer le conseiller. Est ce que d'avoir l'avis d'une guerrière comme elle lui importait pour voir si ses premières démarches pour faire cesser l'esclavage ? Elle ne saurait le dire, mais chose certaine, elle ne pouvait qu'être d'accord avec cette première étape. Acquérir l'information était une base importante.

Le second paragraphe abordait la manière de comment on devrait aborder la fin des activités commerciales pour orienter les profiteurs de ce marché d'êtres conscients vers d'autres voies. Sighild ne doutait pas que ce serait là la partie la plus délicate de la transition vers la fin de l'activité à problèmes. Car bien que certains n'étaient que des intermédiaires et avaient d'autres ''marchés'', ceux qui s'enrichissaient que dans ce commerce auraient du mal à mettre un pied dans d'autres commerces. Donc cela appellerait à de l'imagination et à un peu d'aide de la part de Délimar. Sans doute qu'Ilhan avait déjà songé personnellement à de possibles opportunités alternatives, gardant cela sous le sceau du secret pour avoir les bonnes armes pour convaincre. Mais De toute façon Ihlan prévoyait déjà de mener des recherches pour trouver qui faisait quoi en complément d'activité. Ainsi, quand il aura toutes les données, il pourra réussir à mener tout un plan d'orientation, pour que tout le monde y trouve son compte. Rien que de songer à la masse de travail cérébral que cela exigera, l'archète en avait déjà un début de migraine.

Dans ce même point, se posait le soucis des Délimariens employant des esclaves. Un esclave était largement plus "économique'' qu'un homme salarié. Là aussi, c'était litigieux comme l'avait évoqué Ilhan. Pour qui accordait beaucoup d'importance à l'argent ne lâcherait pas ses objets vivants de la sorte. L'idée de la compensation était néanmoins intéressante. Mais est ce qu'elle plaira ? Un commerçant qui gérait son affaire savait ce qu'il dépensait et ce qu'il gagnait. Donc forcément, il saura prévoir la perte de son bénéfice s'il n'y avait plus d'esclave.

Puis quand vint le dernier point, celui de l'affranchissement des Graäh. Là, elle fut un peu plus pensive et cela se voyait. Elle frottait le bas du menton, méditative. Mais elle ne cessait pas d'écouter les paroles de son hôte pour autant. Puis, llhan demanda autant son avis que de possibles suggestions. Elle ne mit que quelques secondes à prendre la parole.

"Je me demande qui pourrait être capable de rivaliser avec votre esprit. Au vue de ce que vous m'avez exposé, je vais finir par croire que je suis encore qu'une enfant quand à la manière faire marcher mon esprit. Mais rassurez-vous, je sais que c'est vous l'expert dans ce domaine. Vous avez su exposer des points conséquents mais que j'ai parfaitement compris''

On peut rassurer l'assemblée qu'elle ne se sent nullement réduite face à Ilhan. Elle restait et demeurait une Glacernoise après tout, avec sa petite part de rusticité.

''Je peux toujours apporter mon aide pour ce qui est de recenser toute personne en rapport direct ou indirectement avec le commerce des esclaves, même les plus discrets. Pour ce qui est de mener la propagande, pour préparer le terrain, j'avoue que je ne peux rien suggérer de probant. Tout comme pour le financier... sauf si c'est d'étendre l'histoire des taxes aux propriétaires des Graäh, qui perdront de l'argent en se devant d'embaucher des gens normaux. Et je ne serai pas surprise que dans certaines professions à la qualification recherchée, certains non Graäh pourraient en profiter pour demander des salaires plus élevés que l'ordinaire, surtout pour des métiers recherchées. Là où je serai plus suggérante, ce serait concernant les Graäh. Il faudrait je pense, recenser combien de Graäh viennent de quelle tribu, voir qui sont ceux apte à prendre la place de chef de ces différents groupes tribales. Car si des Graäh désirent demeurer à Délimar, il faudrait veiller à ne pas provoquer de tensions entre eux. Avoir des représentants pourraient être une idée pour voir comment les grouper. Et peut être voir pour leur offrir un quartier ou un terrain conséquent pour monter cette tribu ''réunie''. Car je ne crois pas qu'ils seraient à l'aise de vivre en présence des hommes et des femmes qui auront profiter de leur situation. Certains pourraient chercher à se venger, une fois votre troisième pan en place, voté et délibérée. Il faudra voir comme refréner tout désir de vengeance''

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Ilhan suivit tout du long de son discours les réactions de sa partenaire sur ce dossier délicat. À mesure des étapes, il la voyait froncer les sourcils, et devenir de plus en plus songeuse. Elle ne semblait pas pour autant le contredire ou remettre les points évoqués en question. Mais visiblement quelque chose la tracassait.

Il était impatient d’entendre ses questions, idées, suggestions, remarques… et quand au lieu de cela, ce fut des compliments qui vinrent, il sentit une pointe d’agacement monter en lui, même s’il n’en montra rien. Diantre, pour une glacernoise, elle usait de méthodes toutes gloriennes ! C’était les politiciens de l’empire qui usaient d’ordinaire de cette méthode-là : complimenter et brosser dans le sens du poil pour mieux ensuite remettre en question les beaux plans de l’adversaire ! Il ne s’était pas attendu à voir une telle manœuvre chez la jeune femme. Comme quoi, elle cachait des trésors de ressources. Sans doute était-ce en partie pour cela que Tryghild l’avait choisie sur ce projet avec lui.

Vos propos sont flatteurs. Mais je suis effectivement ici pour mettre ma pensée au service de Délimar. Et du peuple humain.

Pas de Tryghild. De Délimar. Subtile différence, qui n’était toutefois pas anodine. Quoique… Tryghild était sans doute la seule, l’unique, souveraine pour laquelle il voulait balayer cette différence. La servir elle. Elle, et non plus seulement une cité ou un peuple. Puisqu’elle servait la cité et le peuple elle-même, comme jamais il n'avait vu un souverain le faire encore.

Quand enfin vinrent les suggestions et remarques, il ne put qu’acquiescer. Elle aussi savait penser. Cela était plus qu’agréable de collaborer avec une personne un tant soit peu dotée d’intelligence. Non pas que les glacernois en soient dépourvus, mais disons que leur intelligence était souvent très militaire. Ce qui était plutôt frustrant pour lui qui ne parvenait pas à se prêter à leur jeu guerrier. Ce n’était pas faute de s’y essayer pourtant, lors de ses entrainements avec Sigvald…

Dès qu’elle suggéra des points notables, il s’empressa de tourner le parchemin et, armé d’une plume, d’y annoter les éléments. Telle l’extension des avantages de taxes pour les propriétaires d’esclaves. En effet. Si tous avaient un dénominateur commun, peut-être pourraient-ils trouver une taxe à manoeuvrer en ce sens. Il nota aussi sa remarque concernant la hausse de salaires possible pour certaines professions qualifiées. Cela serait à étudier. Il devrait réfléchir à une parade. Peut-être en fixant eux-mêmes un cadre de salaires ? Une sorte de tableau indiquant une tranche de salaire pour telles ou telles qualifications ? C’était là à étudier. À suggérer à Tryghild. Il s’empressa de noter cette idée qui lui venait aux paroles de Sighild, laissant toute l’opportunité à cette dernière de lire par dessus son bras.

Quant au problème soulevé pour le point de la libération des Graärhs… Oui c’était bien vu, en effet. Il le nota également ainsi que toutes les suggestions proposées.

Pensez-vous pouvoir vous occuper aussi du recensement des Graärh ? En restant si possible discrète, pour le moment. Que la rumeur concernant ce projet ne s'ébruite pas trop tôt me faciliterait la tâche pour la propagande pro-abolitioniste. Mais il serait intéressant effectivement d’avoir une liste précise des Graärh actuellement esclavagisés, par qui, quel type de commerce, dans quel secteur. Et dans ce recensement, d’indiquer aussi la provenance des Graärh, leurs anciennes tribu et contrée. Nous pourrons tenter de vérifier si leur tribu existe toujours.

Quant à la question de chef…

Les Graärh sont d’ordinaire dirigés par des Aaleeshaans, des Graärh femelles, jugées selon certains rites comme plus fortes, plus aptes, à mener leur peuple avec honneur. Il serait donc intéressant de recenser précisément les femelles présentes et de se renseigner à leur sujet, si l’une d’elles présente ce potentiel. Mais s’ils restent à Délimar…

Ce qui serait peu probable, si l’on voulait son avis, mais sait-on jamais.

S’ils restent à Délimar, cela voudra dire qu’ils auront reconnu Tryghild comme Aaleeshaan. Il ne pourra en être autrement. Il n’y aura pas de réels chefs de tribus autres en Délimar. Les seules autres Aaleeshaans possibles seront donc pour les Graärh souhaitant fonder une autre tribu. Hors Délimar. Mais oui en effet, nous pourrions nous renseigner sur les terrains que ces tribus potentiellement refondées pourraient vouloir. Et chercher un terrain en Délimar pour ceux voulant intégrer notre... tribu. Quant aux possibles vengeances, c’est effectivement un point à considérer.

Qu’il ajouta également de son écriture fine.

Nous devrons établir une loi interdisant et réprimant toutes représailles. D’un côté comme de l’autre.

Quand sa plume en eut fini, il considéra d’un rapide regard son parchemin. Sans doute leur viendraient d’autres points, d’autres questions à éclaircir, mais cela leur faisait déjà beaucoup à effectuer. Ce serait pas mal dans un premier temps.

Bien, qu’en dîtes-vous ? Je pense que nous avons balayé une bonne partie du projet. Si ce partage des tâches vous convient, je pense que nous avons déjà fort à faire avant de songer à d’autres points. Cela ne nous empêche pas d’y réfléchir… Mais déjà, aplanissons ce que nous avons là.

Il pointa du doigt son long, très long, parchemin. Et s’empressa de grignoter une pâtisserie. D’un geste, il invita la glacernoise à se servir.

Si ces mets ne sont pas à votre goût, n’hésitez pas à nous le dire. Je suis sûr que Dihya se fera un plaisir de vous satisfaire si vous préférez autre chose.

Il but une petite gorgée de thé, croqua une autre confiserie, puis reprit :

À moins que vous n’ayez d’autres suggestions, je pense que nous avons fini pour ce projet aujourd’hui. Non pas que je veuille prendre déjà congé de vous… Si nous en avons terminé, et si vous le désirez… j’ai des chevreaux nouveau-nés à aller voir. Vous êtes la bienvenue, si vous voulez m’accompagner.

descriptionFolie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild] EmptyRe: Folie n'est pas déraison, mais foudroyante lucidité - [PV Sighild]

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